LA DESSERTE DES VILLES PAR VOIE D'EAU,
UN ENJEU D'URBANISME
Mémoire de stage
Étude comparative des cas de Lille, Paris et Utrecht (NL) dans leur recours à la voie d'eau pour la desserte urbaine et des modalités d'une prise en compte de ces fonctions logistiques dans les différents
documents de planification urbaine
mai 2009Lavessière Paul-Hervé
Master ENVAR (Europe eNvironnement Ville Aménagement Réseau)Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de Lille
Sous la direction de :
Elodie Castex, maître de conférence à l'Université des Sciences et Technologies de Lille (Lille 1)
Ludovic Vaillant, Directeur d'Etude chargé de mission frêt et intermodalité – CETE (Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement) Nord Picardie – Département Villes et Territoires – groupe « Déplacements »
AVA N T PROPO S
Le document, présenté ici a été réalisé lors d'un stage de trois mois. Ce document n'a été réalisé ni par, ni pour un spécialiste du transport
de marchandises par voie d'eau. Il se situe d'avantage à l'interface entre le monde des transports et celui de l'urbanisme.
Le but de cette étude a été de mettre en évidence les acteurs qui entrent en jeu lorsque l'on cherche à utiliser la voie d'eau pour desservir
une ville en marchandises. Ces acteurs ont leur logique, cette étude s'intéresse justement à ces différences de point de vue.
On pourrait dans une certaine mesure considérer ce document comme un document de sensibilisation vis à vis des acteurs de
l'aménagement des villes, en faveur d'un report modal ver le fluvial pour la desserte des villes.
Ce travail de recherche a été mené sur les trois villes de Lille, Paris et Utrecht (NL). Cependant, la métropole lilloise est celle qui a été la
plus étudiée. Le séjour à Utrecht a permis de réellement comprendre le dispositif « Beerboat » (expliqué dans l'étude) et la région
parisienne a été étudiée partiellement mais cela nous a procuré un matériel intéressant.
Un certain nombre de documents graphiques (cartes, croquis, etc.) seront présentés dans le corpus de texte directement. Aussi, les
annexes seront peu nombreuses.
La durée du stage n'ayant été que de trois mois, nous ne pourrons traiter de l'ensemble des sujet du transport de marchandises en ville et
des politiques du transport. Il aurait notamment été intéressant de traiter le sujet du ferroviaire. Il sera abordé au hasard de l'exposé car
partageant de nombreux points communs avec le fluvial mais ne fera pas l'objet d'une partie spécifique.
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RE M ER CIE MENT S
Au seuil de cette étude, mes remerciements vont d’abord à M. Ludovic Vaillant qui, en tant que maître de stage s’est montré attentif, disponible et ouvert. Je remercie également Elodie Castex, chargée du suivi universitaire du stage.
Mes remerciements vont également à l'ensemble du groupe « Déplacements » (situé dans le département « Villes et Territoire » du Cété Nord Picardie) pour l'accueil chaleureux qui nous a été réservé, à nous stagiaires.
Aussi, je remercie toutes les personnes ayant été contactées dans le cadre de cette étude et avec qui les entretiens réalisés furent fort enrichissants :
− sur la métropole lilloise, m'ont beaucoup apporté pour cette étude Alexis MARCOT (LMCU), Dominique DRAPIER (Ports de Lille), , Philippe RIGAUD, Claire MAUREL et Samuel LASLANDES (DREAL Nord), Marc Santré, Emilie CALCOEN et Richard LEMEITER (mairie de Lille), Monsieur GROSSE (mairie de Marquette Lez Lille), Marc MEYER et Régis WALLYN (VNF - Nord Pas de Calais), Marie TISON, Agnès JACQUES et Emmanuel TEYS (ADEME - Nord Pas de Calais).
− sur la région parisienne, je voudrais remercier particulièrement Jean-Baptiste PUGNAT (Port Autonome de Paris) qui m'a beaucoup aidé et conseillé durant cette étude. Je pense aussi à Geneviève VAROQUI (Communauté d'agglomération Melun Val de Seine), Lydia MYKOLENKO (IAURIF) et Nathalie BROTTIER (Port Autonome de Paris) ;
− Aux Pays-Bas, je remercie chaleureusement M. JAAP de JONG qui m'a beaucoup aidé lors de mon séjour à Utrecht. Il m'a permis de rencontrer Mark DEGENKAMPF (Conseiller mobilité, municipalité d'Utrecht), Wilbert van Putten (Directeur Général de l'entreprise GEPU) et Heddy (pilote du beerboat) que je remercie aussi pour le temps et l'accueil qu'ils m'ont réservé. Je remercie enfin Michèle VAN HASSELT (NBSO à Lille) qui m'a orienté vers ces contacts aux Pays-Bas.
Enfin, mes remerciements vont aussi à Philippe Ménerault qui m'a orienté vers Ludovic Vaillant lorsque j'ai émis le souhait de travailler sur ce sujet. Je remercie enfin mon ami Vincent Zurbach pour les conseils dispensés et les contacts qu'il m'a communiqué.
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TABLE DE S M ATIERE S
INTRODUCTION.................................................................................................................................................................................................................. 5
I – QUELLE PLACE POUR LE FLUVIAL DANS LA DESSERTE URBAINE EN MARCHANDISES ?....................................................................... 8I.1) LOGISTIQUE URBAINE.......................................................................................................................................................................................................................................... 9
I.1.1) Les marchandises en ville...................................................................................................................................................................................................................................9I.1.2) Le TMV : études et réalisations........................................................................................................................................................................................................................10I.1.3) Le TMV : quelles réalités aujourd'hui?............................................................................................................................................................................................................ 13
I.2) VILLE ET VOIE NAVIGABLE............................................................................................................................................................................................................................... 17I.2.1) La voie d'eau au coeur de la ville..................................................................................................................................................................................................................... 17I.2.2) Situation............................................................................................................................................................................................................................................................18I.2.3) Grand gabarit, port fluvial et réseau local navigable........................................................................................................................................................................................19
I.3) LES EXPERIENCES ACTUELLES SUR CES DIFFERENTS ASPECTS.............................................................................................................................................................22
II – LA POLITIQUE DE VILLE, GESTION DES CONFLITS D'INTERET ENTRE TRANSPORT ET URBANISME.................................................30II.2) PRESSION FONCIERE IMPORTANTE, CES ESPACES SONT CONTRAINTS............................................................................................................................................... 32II.3) STATU QUO OU APPROCHE VOLONTARISTE ?............................................................................................................................................................................................. 36II.4) ARBITRER OU CONCILIER : PROJET URBAIN ET FONCTIONS LOGISTIQUES.......................................................................................................................................38
III – QUELS LEVIERS EN FRANCE POUR LE DEVELOPPEMENT D'UNE LOGISTIQUE URBAINE FLUVIALE............................................... 43III.1) DOCUMENTS D'URBANISME OU DE PROSPECTIVE ET ACTEURS LIÉS............................................................................................................................................... 46III.2) QUELLES LOGIQUES POUR LES DIFFERENTS ACTEURS ?...................................................................................................................................................................... 64
III.2.1) la mairie et le pouvoir de police : ................................................................................................................................................................................................................. 65III.2.2) L'agglomération et la compétence Aménagement......................................................................................................................................................................................... 67III.2.3) Région, Etat, autres acteurs............................................................................................................................................................................................................................69
III.3) QUELLE GOUVERNANCE?............................................................................................................................................................................................................................... 77III.3.1) Un service public assuré par le secteur public...............................................................................................................................................................................................77III.3.2) Un marché intéressant....................................................................................................................................................................................................................................78III.3.3) Le partenariat public-privé pour une gouvernance efficace et motivante pour tous......................................................................................................................................78
III.4) PROPOSITION DE SCENARII POUR LA METROPOLE LILLOISE............................................................................................................................................................... 80
CONCLUSION ...................................................................................................................................................................................................................84
ANNEXES............................................................................................................................................................................................................................91
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« Dans un contexte socio-économique où les besoins de mobilité sont de plus en plus élevés, le transport de
marchandises est un volet constitutif des conditions globales de déplacement, en raison de l'augmentation des échanges et des besoins de
transport à chaque stade du processus économique. Dans ce cadre, le rôle des ports intérieurs, fondé principalement sur
l'approvisionnement de la ville et de son hinterland, acquiert une nouvelle légitimité que la prééminence du transport routier avait
estompée. »
Geneviève ORIGER, Directeur Marketing & Développement, Port de Bruxelles, 2003
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INTRODU CTION
Présentation de la structure d'accueil
Le Centre d'Etude Techniques de l'Equipement Nord Picardie est à la fois un service déconcentré du MEEDDAT(Ministère de l'Ecologie, de
l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire) et un bureau d'études et d'ingénierie sous tutelle de ce ministère.
Ma mission au sein de cette structure fut d'étudier les modalités de prise en compte d'une logistique urbaine fluviale dans l'élaboration des
documents d'urbanisme et autres documents de planification à différentes échelles. Il s'agit à travers une étude comparative des cas de Lille
(métropole), Paris (région) et Utrecht (NL) de faire un retour sur ce qui existe actuellement comme logistique urbaine fluviale ainsi que
d'identifier les outils permettant une promotion de ce mode de transport pour la desserte urbaine (particulièrement sur l'espace métropolitain
lillois).
Contexte
La voie d'eau est l'élément oublié de la ville moderne. L'esprit hygiéniste et routier des aménageurs d'hier faisait combler les canaux que les
esprits d'avant-hier avaient fait creuser. Le renouveau récent de la voie d'eau pour la ville pour ce qu'elle apporte en termes de transport est
le résultat de plusieurs facteurs. Les enjeux environnementaux de plus en plus pris en compte dans l'aménagement du territoire ont conduit
à chercher des modes de transport moins consommateurs en énergie, dont la voie d'eau fait partie. Parallèlement le développement du
tourisme fluvial, ayant pour principale origine l'Europe du Nord (Bénélux) a conduit à redécouvrir les réseaux secondaires (réseau local de
canaux à petit gabarit) et la question de la (re)mise en navigation de ce réseau longtemps oublié est d'actualité.
Parallèlement, les réflexions autour du transport de marchandises en ville et de la desserte urbaine se sont développées. Ce
développement résulte d'une prise de conscience vis à vis du fonctionnement des villes. On s'est rendu compte que la grande majorité des
transports effectués autour et dans la ville étaient liés directement au fonctionnement de celle-ci ; on a aussi réalisé que ces transports
impliquaient des nuisances parce qu'elles étaient effectuées par voie routière (nuisances sonores, pratiques, mais surtout
environnementales). On a donc saisi l'enjeu que représentait une meilleure gestion du transport de marchandises pour la ville.
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L'évolution parallèle de ces deux réflexions a conduit au questionnement suivant : pourquoi ne pas utiliser la voie d'eau pour la desserte
urbaine, c'est à dire pour l'approvisionnement des villes en marchandises et même, lorsque cela est possible, pour le dernier kilomètre ?
La voie d'eau comporte de nombreux avantages, particulièrement dans l'espace urbain. Une péniche en ville ne connait pas les
embouteillages et ne crée jamais d'accident. Elle est lente (12km/h en moyenne) mais arrive toujours dans les temps (c'est l'histoire du
lièvre et de la tortue). Enfin, elle ne génère que très peu de nuisances et permet des chargements importants. Un exemple : quand une
péniche Freycinet utilisée pour les transports locaux de matériaux de construction dans la région parisienne, emprunte le canal Saint Martin,
elle transporte 300 tonnes en plein tissu urbain et tout ça hors voirie et sous les yeux curieux des parisiens et touristes.
Cependant, on se heurte alors rapidement à certaines réalités et l'on réalise que la voie d'eau accumule les handicaps. Sa lenteur peut être
problématique puisque nous sommes à l'ère de la livraison express ; la voie d'eau permet de livrer de grandes quantités de marchandises
alors que les commandes sont plus que jamais diffuses ; depuis que nous sommes dans une société post-fordiste, les stocks n'existent
quasiment plus dans les entreprises. Enfin, les espaces en bord à voie d'eau en ville sont des espaces convoités pour des projets
immobiliers notamment parce que la ville a besoin de se reconstruire sur elle-même alors même que l'on a besoin de ces emprises pour le
transport fluvial.
Vers une desserte urbaine par voie d'eau?
Malgré tout cela, la prise en compte de la dimension environnementale conduit à relativiser ces arguments et à se tourner vers le fluvial : un
bateau peut remplacer un grand nombre de camions et éviter ainsi une quantité importante de nuisances. Le projet de loi Grenelle 1 vise
d'ailleurs à ce qu'un report modal vers des modes de transport moins polluants s'opère. Les politiques de ville s'orientent de plus en plus
vers les concepts de développement durable, avec notamment une prise en compte de la pollution atmosphérique dans le fonctionnement
de la ville. La gestion du transport de marchandises pourrait en ce sens intéresser de plus en plus les décideurs locaux. Ce passage d'une
approche technicienne vers une vision davantage stratégique du transport de marchandises est en accord avec l'évolution déjà amorcée
amenant les territoires à jouer sur leur attractivité. L'innovation est un facteur important pour une ville qui veut être attractive et la logistique
urbaine a ce potentiel d'innovation.
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Etude multiscalaire
L'étude de ces modalités de prise en compte de la logistique dans les politiques locales et dans les documents opérationnels qui y sont liés
met en évidence à la fois le besoin d'espaces en bord à voie d'eau au sein des villes pour accueillir des infrastructures et la vulnérabilité de
ces espaces face à la pression foncière qui s'exerce. Une tendance se dessine : à large échelle, on peut aisément affirmer une volonté
d'utiliser des modes de transport alternatifs à la route pour la desserte des villes. Mais plus on se rapproche du local et plus il devient difficile
d'identifier des parcelles à même de rendre cela possible. Pourtant, nous le verrons, c'est cette échelle qui permet le plus de réserver du
foncier.
Il s'agit dans cette étude d'étudier l'intérêt de la solution fluviale pour la desserte urbaine, ce, à plusieurs échelles. Ainsi, nous nous
intéresserons en tout premier lieu à l'importance que revêt un port fluvial dans la ville, puis à l'opportunité que représente la présence de la
voie d'eau, notamment à grand gabarit. Enfin nous nous intéresserons aux enjeux qui accompagnent l'existence d'un réseau local de
canaux, y compris à petit gabarit. Nous tâcherons de mettre en évidence, à chaque échelle, en quoi le fluvial peut être utile à la ville pour sa
desserte en marchandises et en quoi cela s'accompagne forcément d'enjeux fonciers.
Les scenarii proposés en dernière partie projetant une plus grande utilisation du fluvial pour la desserte de la métropole lilloise sont
théoriques. Leur intérêt repose davantage sur une mise en évidence des jeux d'acteurs potentiels et des échelles de réflexion que sur leur
faisabilité réelle dans le contexte actuel.
Nous traiterons dans cette étude de l'approvisionnement de la ville et de la desserte finale effectuée dans le tissu urbain. Il s'agit dans un
premier temps de savoir comment les marchandises peuvent atteindre la ville puis dans un second temps le client final
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I – QUELLE PLACE POUR LE FLUVIAL DANS LA DESSERTE URBAINE EN MARCHANDISES ?
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I.1) LOGISTIQUE U R B AINE
La grande majorité des opérations logistiques répond à des besoins urbains. Les activités économiques impliquent toujours des transports
de marchandises, à des échelles variées. Dans la ville, ces activités sont concentrées donc les mouvements qui y sont liés le sont de
même.
Il existe plusieurs étapes tout au long de la chaîne logistique (transport, transit, desserte finale, etc). Ce qui nous intéresse ici, c'est lorsque
ces mouvements ont lieu au sein de l'espace urbain, qui est un espace contraint et sous pression, que cela concerne les échanges longue
distance ou la desserte finale.
I.1.1) Les marchandises en ville
Il convient de faire la distinction entre différents aspects que recouvre le transport de marchandises en ville. En effet, nous pouvons
distinguer grossièrement :
- les échanges interrégionaux et internationaux. Ces échanges longue distance concernent surtout les professionnels. Ils nous intéressent
parce que sur leur fin de parcours, ils ont lieu dans l'espace urbain et qu'ils sont liés directement à l'activité économique des villes.
- les échanges plus locaux, régionaux. Il s'agit alors de la desserte finale. C'est la plus présente au sein de l'espace urbain.
Cette distinction n'a pas de vérité scientifique et les réalités du monde du transport sont plus compliquées. Il s'agit principalement de
distinguer le camion en provenance d'un pays étranger venant approvisionner une entreprise périurbaine du camion immatriculé dans le
département de sa zone de livraison et livrant les magasins du centre-ville (cependant, un camion étranger peut très bien livrer un magasin
en centre-ville!).
Le transport de marchandises en ville est « l'ensemble des déplacements de produits dans un territoire urbain, organisés par ou
pour des professionnels » (DABLANC, 2006).
Les déplacements des ménages ne sont pas pris en compte, par compte, on intègre les livraisons à domicile.
Toute activité de transport de marchandise effectuée dans la ville par un acteur autre qu'un ménage est considéré comme du TMV, quelque
soit le type de véhicule utilisé, le destinataire ou le chargeur.
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La dichotomie « BtoB /BtoC » que l'on retrouve dans le monde du commerce
électronique s'applique au TMV (illustration n°1) :
• « BtoB » ou « Business to Business» fait référence aux échanges entre
professionnels (clients/fournisseurs). Pour le TMV, cela revient par exemple à
l'approvisionnement en marchandises des magasins, des CHR (cafés, hôtels,
restaurants) ou de tout type d'entreprise.
• « BtoC » ou « Business to Consumer (ou Customer) » fait référence à la
relation entre l'entreprise et le client consommateur (particulier). En termes de TMV,
cela concerne principalement les livraisons à domicile (messagerie, e-commerce).
I.1.2) Le TMV : études et réalisations
Le transport de marchandises concerne a priori le secteur privé. En effet, c'est
celui-ci qui génère les flux et qui en assure le transport. Ainsi, on aborde
traditionnellement le sujet des transports de marchandises sous un angle technique (comment atteindre la meilleure efficience logistique).
Pourtant, la ville est un terrain particulier ; le foncier est sous pression, les nuisances s'y concentrent, les acteurs sont nombreux et eux
aussi concentrés.
Dés les années 1970, les chercheurs ont commencé à s'intéresser à cette thématique. Un grand programme national d'étude a été lancé
par l'Institut de Recherche des Transports (qui deviendra plus tard l'INRETS). Le projet ne continuera pas tel qu'il était prévu et sera
recentré sur l'espace parisien et plus particulièrement les espaces concentrant le plus de difficultés. (MEEDDAT 2004)
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Illustration1: Schéma « Business to Business / Business to Customer » Réalisation : Paul-Hervé Lavessière
Les années 1970 sont une période durant laquelle le sujet du TMV semble
intéresser les chercheurs et décideurs des principaux pays développés.
Des travaux sont menés sur l'agglomération londonienne (Hasell B.,
Foulkes M. et Robertson J., « Freight planning in London »). En octobre
1970 est organisée à Paris une table-ronde de l'OCDE sur le thème du
« transport urbain des marchandises ». Des recherches sont aussi menées
aux Etats-Unis dés les années 1970. (MEEDDAT 2004).
On prend conscience de l'importance de la planification urbaine et de la
réglementation pour le TMV dés ces années 1970 (MEEDDAT 2004). La
volonté affichée est de rendre la ville moins congestionnée, d'optimiser la
circulation, des voitures en particulier. Cette époque verra naître l'une des
grandes contradictions de la recherche en logistique urbaine : afin de
rendre le centre-ville plus propice à la circulation automobile, on pense à
éloigner les fonctions logistiques hors des villes. On ne réalise pas encore
que cela ne fera qu'augmenter le trafic entre ces espaces logistiques et les
clients à livrer dans le centre-ville (illustration n°2).
Ce schéma s'accorde cependant bien avec l'évolution générale de la société qui passe du fordisme au post-fordisme ; les grandes
industries capables de générer des flux important et massifiables (donc étant susceptibles de faire appel à des es modes de transport
comme la voie d'eau ou le ferroviaire) ont laissé la place à des unités plus nombreuses et de tailles plus réduites avec des liens de sous-
traitance. Le schéma logistique basé sur l'utilisation du camion est donc plutôt bien adapté à cette évolution. Il permet en effet de répondre à
des demandes nombreuses, dispersées et irrégulières.
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illustration 2 : le leurre que constitue l'éloignement des fonctions logistiques hors des centres urbains. Réalisation : Paul-Hervé Lavessière
Les années 1980' verront le secteur public se désintéresser peu à peu du transport de marchandises en ville pour se concentrer davantage
sur le transport de personnes. Le secteur de la livraison poids lourd se développe de manière importance durant cette période.
La remise en cause de l'étalement urbain et le besoin grandissant de reconstruire la ville sur la ville rendront l'espace urbain central plus
contraint que jamais. Dans ce cadre, le transport de marchandises en ville devient un enjeu très important (les échanges en ville sont de
plus en plus nombreux).
En 1993, le Ministère de l'Equipement français lance le programme national « Marchandises en Ville ». Parallèlement l'IAURIF (Institut
d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Ile de France) lance une série d'étude sur le même sujet.
Les pays d'Europe du Nord innovent en la matière, notamment le Danemark et les Pays-Bas qui mettent en place des expérimentations à
échelle locale dés la première partie de la décennie 1990 (MEEDDAT, 2004).
En 1994, un rapport du Conseil National des Transports, alors présidé par M. Bernardet, rend compte de l'importance des nuisances liées
au TMV ainsi que de la nécessité de ces transports pour la vie économique de la ville. (MEEDDAT, 2004). On se rapproche alors de l'idée
suivante : le TMV est un « mal nécessaire » ; « mal » puisqu'il génère des nuisances considérables et « nécessaires » parce que
directement lié à la vie économique de la ville. En ce sens, tenter de réduire la nuisance en réduisant le transport reviendrait à limiter le
développement local, ce qu'aucun décideur ne peut envisager.
Deux visions émergent peu à peu. La première, en lien avec la problématique du développement durable opterait pour un transport de
marchandise « moins polluant et moins nuisant pour la ville » tandis qu'une autre se positionne pour une meilleure intégration de la
logistique dans le fonctionnement global de la ville. Cette seconde vision consiste en une approche « systémique » dans laquelle le
transport de marchandises n'est pas un « élément perturbateur » mais un élément constitutif du système global. Cette approche invite à
s'intéresser à la fois à la politique des transports, aux politiques d'urbanisme et aux politique de développement économique (MEEDDAT,
2004).
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Le contexte général des années 1990' est aussi celui de la décentralisation (amorcée depuis les années 1980), c'est à dire d'un transfert
important de compétences vers les collectivités locales. Cette opération aura notamment pour but d'encourager la compétitivité entre les
territoires. Des compétences importantes d'aménagement du territoire seront déléguées aux collectivités. Cet aménagement du territoire
sera alors envisagé de manière plus stratégique, au niveau local. Le TMV apparaît comme un élément supplémentaire sur lequel les
territoires peuvent se démarquer (par exemple, la Rochelle a fait ce choix d'innover sur le TMV en participant au programme européen
ELCIDIS).
Depuis la seconde moitié de la décennie 1990, plus de dix thèses ont été réalisées sur le sujet, des articles paraissent régulièrement dans la
presse spécialisée.
I.1.3) Le TMV : quelles réalités aujourd'hui?
Aujourd'hui la desserte des villes en marchandises est faite en très grande majorité par voie routière. L'utilisation massive de ce mode de
transport revêt plusieurs aspects :
− Mode routier = performant : les transports liés à la desserte urbaine sont caractérisés par un sur-représentation du mode routier
sur tous les autres. Ce mode est performant par sa souplesse et sa rapidité. Il se révèle efficace pour le transport de tout type de
marchandise (BTP, produits à haute valeur ajoutée, produits agricoles, etc.). Il est en totale adéquation avec le modèle organisationnel
dominant à savoir la quasi inexistence du stock et le flux tendu. Les marchandises sont « toujours sur les routes » et c'est le camion qui
permet cela, grâce à ses performances et sa polyvalence.
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− Mode routier = dominant : dans la circulation urbaine totale, le TMV représente 15 à 20% des déplacements de véhicules (LET,
2003). En île de France, 85% des marchandises transportées le sont par voie routière. Même sur le port de Lille, plus de la moitié des
transports de conteneurs effectués le sont par voie routière (Tableau 1 et 2).
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Tableau 1: Le trafic de conteneur sur le port de Lille est à plus de 50% routier. La filière valorisation représente une part importante du trafic fluvial
Tableau 2: En île de France, le fluvial ne représente que 5% dans la répartition modale des tonnes de marchandises transportées
Mode routier = gourmand en carburant et polluant. Les performances
énergétiques des camions se sont beaucoup améliorées ces dernières années. Son
utilisation massive a pu motiver la recherche technologique pour le rendre moins
polluant, moins consommateur. Malgré tout, sa consommation de carburant rapportée
aux tonnes transportées fait de lui le mode de transport utilisé le plus polluant (après
l'aérien). La voie d'eau et le ferroviaire polluent et consomment beaucoup moins que
le routier.
La voie d'eau est parmi les modes de transport de marchandises les
moins consommateurs d'énergie. Si un bateau consomme
davantage de carburant qu'un camion seul, il faut savoir qu'un
bateau de 2000 tonnes représente une centaine de camions
(ORIGER, 2003). Les plus gros camions poids-lourds peuvent
dépasser la quinzaine de tonne tandis que le plus petit gabarit de
péniche pour le transport de marchandises est le gabarit Freycinet
qui permet de charger jusqu'à 300 tonnes.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 15
Tableau 4: Emission Unitaires de CO2 - Transport interurbain de marchandises en 2000 - Données détaillées (source : Explicit) - Etude ADEME 2006
Tableau 3: Consommation unitaire d'énergie - transport interurbain de marchandises en 2000 - données détaillées (source Explicit) - Etude ADEME 2006
« Avec son efficacité énergétique de 93 t.km/kep, le fluvial apparaît comme un mode économe par rapport au
mode routier et ses 38,7 t.km/kep seulement pour les poids-lourds de charge utile supérieure à 25 tonnes. Le transport fluvial est ainsi près
de trois fois plus efficace que le mode routier.
Que ce soit en termes de consommation d'énergie ou d'émission de gaz à effet se serre, deux problématiques d'actualité, la voie fluviale se
place devant la route. Précédée par le fer, le transport de marchandises par voie d'eau apparaît tout de même comme une alternative
responsable, environnementale et économe. »
ADEME - Etude sur le niveau de consommation de carburant des unités fluviales françaises – rapport final - janvier 2006
Ainsi, la desserte urbaine en marchandises est un enjeu important dans l'aménagement des villes. L'utilisation massive du mode
routier et les nuisances qui y sont liées sont peu satisfaisantes, en particulier lorsque l'on compare à d'autres modes comme le
fluvial.
La voie d'eau offre des performances énergétiques intéressantes mais elle est un mode de transport très particulier. Avant
d'étudier les possibilités d'utilisation de la voie d'eau pour la desserte urbaine, il convient de s'intéresser aux différents aspects de
la relation qui existe entre ville et voie d'eau.
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I.2) VILLE ET VOIE NAVIGABLE
Les rapports entre ville et voie d'eau sont particuliers et ont évolué avec le temps.
Historiquement, les Hommes se sont souvent installés proche des rivières notamment pour les
ressources qu'elles offraient. Ainsi, la plupart des villes du monde sont traversées par des cours
d'eau (souvent navigables). En France, beaucoup des grandes villes intérieures (Paris, Lyon,
Strasbourg, etc) sont situées le long de grands fleuves (le Rhône, la Seine, le Rhin).
I.2.1) La voie d'eau au coeur de la ville
L'étude de la topographie locale des villes occidentales révèle bien souvent la présence d'une
voie d'eau. L'attitude des hommes face à cette voie d'eau a pu évoluer avec les époques. Dans
les années 1970 par exemple, on a recouvert le canal de Dunkerque pour y réaliser une voie
routière et on a canalisé la Deûle et la Lys mitoyenne sur une portion importante pour y faciliter
la navigation.
Ce qui nous intéresse c'est la configuration actuelle des villes vis à vis de
ces voies d'eau. Elles sont en effet pratiquement toutes « traversées » en
plein coeur ce qui, au delà des intérêts visuels et architecturaux déjà
reconnus par beaucoup, offre des opportunités en termes d'accessibilité.
Le centre-ville est très souvent le coeur de la vie économique du
territoire.
Nous pouvons par la lecture de ces croquis, mettre en évidence le fait
que la voie d'eau pénètre en plein coeur des villes. Ainsi, dés lors que l'on
prend en compte sa capacité à accueillir des embarcations, cette voie
d'eau devient un axe privilégié de transport.
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Illustration 2: Croquis - "la voie d'eau au coeur de Lille"
Illustration 4: Croquis - "la voie d'eau au coeur de Paris"
Illustration 3: Croquis : "la voie d'eau au coeur d'Utrecht"
Ainsi, il existe plusieurs niveaux, plus ou moins hiérarchisés. Le canal Saint-Martin de Paris au gabarit « Freycinet » n'a pas le même rôle, le
même intérêt pour la ville que la Seine qui elle est est à grand gabarit. Aussi, les canaux de du centre historique de la ville d'Utrecht
n'apportent pas la même chose que le canal à grand gabarit réalisé après poldérisation et se situant en dehors du centre historique.
La mise en évidence de cet aspect « échelle locale » est très important dans la prise de conscience vis à vis de l'intérêt de la voie d'eau
pour la ville.
I.2.2) Situation
Un canal n'a d'intérêt pour une ville que s'il est connecté à un réseau.
Ainsi, nous pouvons signaler l'intérêt de la connexion de ces voies d'eau à
des réseau plus larges. La Seine n'aurait pas le même intérêt pour Paris si
elle n'était pas reliée à l'Atlantique via Le Havre. La connexion qu'offrira
Seine Nord avec le Nord de l'Europe ajoutera davantage d'intérêt à cette
voie d'eau.
De même, on peut penser que la vitalité des ports hollandais peut être due
en grande partie à leur nombre et leurs proximités relatives.
La ville de Lille, par son port est connectée au réseau fluvial régional le
plus dense de France, lui même connecté au réseau nord-européen. Les
enjeux sont donc très importants en termes de transport.
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Illustration 5: Fond de carte VNF - en vert, les villes de Paris, Lille et Utrecht
I.2.3) Grand gabarit, port fluvial et réseau local navigable
La notion de « chaîne logistique » nous permet de réfléchir au fluvial pour la desserte urbaine, pas uniquement sur le dernier kilomètre.
Dans le Nord Pas de Calais, la quasi totalité des principales villes ont accès au réseau magistral à grand gabarit proche de leur centre-ville.
Ainsi, nous pouvons tenter de définir les rapports ville-voie d'eau selon trois aspects :
Aspect 1 : la ville connectée au grand gabarit
− Le port fluvial nous intéresse puisqu'il permet d'accueillir des marchandises en quantité
importante. De plus les marchandises peuvent arriver après de longs parcours. C'est d'ailleurs
pour ces trajets longs que le fluvial est le plus compétitif.
− La grande majorité des villes du Nord Pas de Calais sont traversées par le grand gabarit
(à part Lens). La présence d'une voie d'eau à grand gabarit signifie la possibilité d'échanger avec
les espaces desservis de la même façon. Lille peut donc échanger par voie fluviale avec les
principales villes de la Région, et toutes les grandes villes du Bénélux. Le projet du canal Seine-
Nord augmentera encore le nombre de connexion entre Lille et sa région avec d'autres territoires.
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Aspect 2 : le port fluvial, au coeur du tissu urbain
− Les ports fluviaux sont intéressants lorsqu'ils sont situés en plein tissu urbain.
Ainsi, ce sont des sites opportuns pour l'accueil d'infrastructures de logistique urbaine
notamment. Les marchandises mises à terre au niveau du port fluvial peuvent ainsi
être livrées par des véhicules adaptés.
− Cet aspect est celui qui se rapproche le plus des questions foncières. Nous le
verrons, c'est à cette échelle que l'on peut assister à une géopolitique locale ou des
conflits d'usage, c'est à dire une situation dans laquelle l'espace est un enjeu convoité
par des acteurs ayant des motivations et des capacités d'action différentes.
Aspect 3 : le réseau local de voie navigable (tout gabarit)
− Le troisième aspect se pense à un niveau plus local. C'est le réseau de voies d'eau, y compris
à petit gabarit permettant la navigation de bateaux.
L'utilisation pour de la livraison finale de ces réseaux de canaux suggère plusieurs choses : des
possibilités de chargement/déchargement entre les marchandises et les clients ainsi qu'une proximité
entre les générateurs de flux de marchandise et ce réseau fin de canaux.
Cette situation est rare mais pas moins intéressante. Pour cet aspect-ci, on ne s'intéresse pas aux
infrastructures de type « port fluvial » mais aux possibilités d'utiliser la voie d'eau comme on utiliserait la
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route, pour les livraison locales. C'est le cas du Beerboat* ou du DHL boat** d'Amsterdam. Dans ces cas, il est simplement nécessaire de
disposer de simples quais permettant d'accoster à peu près partout.
Le projet de remise en eau du vieux Lille s'accompagne d'un enjeu (faible à l'échelle de la métropole lilloise mais loin d'être nul) de transport
de marchandise. Il suffit d'avoir en tête qu'un Freycinet pourrait à terme pénétrer au coeur du Vieux Lille, lieu de vie économique concentrée
et forte. Un Freycinet peut charger jusqu'à 300 tonnes.
Les rapports ville – voie d'eau recouvrent plusieurs aspects à différentes échelles. Qu'il s'agisse des connexions offertes à échelle
internationale ou de ce que permet la topographie locale, la voie d'eau est pour la ville un atout, notamment sur le chapitre du
transport de marchandises.
* dispositif de livraison de produits alimentaires par voie d'eau dans la ville d'Utrecht aux Pays-Bas (expliqué plus loin)
** dispositif de livraison de messagerie mis en place par DHL dans le centre historique d'Amsterdam utilisant les canaux de la ville. Un bateau sert de base
centrale itinérante aux vélos assurant pour la livraison finale.
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I.3) LE S E XPE RIENCE S A CTUELLE S S U R CE S DIFFERENT S A SPE CT S
Très souvent, les rapports entre la ville et la voie d'eau sont le résultat d'un mélange entre ces trois
aspects. Des exemples concrets illustreront mieux cela ; les cas de Lille, Paris et Utrecht :
− transport de BTP dans Paris : aujourd'hui, dans la région parisienne, les trajets
effectués sur le réseau local concerne principalement les transports liés aux activités du secteur
BTP. Cette situation est due notamment aux difficultés à circuler dans Paris pour les camions poids-
lourd.
« Actuellement la portion parisienne de la Seine, qui représente 12 km et comporte 20 ports,
a une activité logistique liée à 99 % au BTP avec : l'approvisionnement en matériaux neufs
(agrégat et ciment), la fabrication de béton prêt à l'emploi, l'évacuation de déchets et déblais de
chantiers du BTP, et le négoce des produits du bâtiment. » (PUGNAT 2006)
Pour les professionnels du bâtiment, l'utilisation de la voie d'eau comporte de nombreux avantages.
Il est possible d'acheminer des quantités importantes de matériel en une seule fois. Le bateau n'est
pas soumis aux restrictions de la circulation routière et ne subit pas la congestion routière qui est
un problème très important à Paris. La marchandises arrive donc dans les délais prévus. Les
bateaux peuvent aussi servir de stock flottant lorsque cela est nécessaire. (PUGNAT 2006)
L'intérêt économique est grand. En effet, lorsque la massification est suffisamment réalisée, le coût
marginal de la dernière tonne transportée est très faible ; il peut tomber jusqu'à 1,07 centimes
d'Euro, soit 17 fois moins que la route et 4 fois moins que le train en moyenne (PUGNAT 2006).
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6: Passage d'une Péniche transportant des matériaux de construction sur la Seine, au niveau de l'île de la Cité - samedi 28 février 2009
L'exemple de Paris peut nous interroger : cette situation est le résultat notamment des difficultés à circuler dans Paris, en particulier pour
des gros volumes. Quelque part, il s'agit d'une réaction face à une situation qui fonctionne mal (congestion routière). Cela nous mène à la
question suivante : est-il possible de promouvoir le fluvial dans des situations qui fonctionnent correctement avec le routier? Autrement dit,
comment passer d'un bien à un mieux (notamment environnemental)?
L'exemple de Paris nous montre bien comment il est possible d'utiliser la voie d'eau à échelle locale. Les raisons d'utilisation de la voie
d'eau dans la ville pour des transports liés au BTP sont plus techniques et pratiques que politiques ou stratégiques.
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Passage d'une péniche sur le canal Saint Martin à Paris, le samedi 28 février 2009.
Cette embarcation utilisée pour du transport de vrac lié aux activités du BTP emprunte le réseau local fluvial. Il est
intéressant d'observer la curiosité des parisiens et touristes pendant le passage d'un écluse. Le transport de
marchandises en ville par voie d'eau suscite un intérêt fort de la part de la population. Cet aspect
« divertissement » ne peut suffire à motiver une politique mais n'est peut-être pas à ignorer.
Crédit photo : Paul-Hervé Lavessière
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− transport filière valorisation dans la métropole lilloise : les trois aspects se retrouvent ici. Le
grand gabarit est utilisé, pour des trajets locaux. Le site du port de Lille a aussi été choisi pour accueillir un
centre de tri avant envoi des déchets.
A la suite de la fermeture de 3 unités d'incinération de déchets dans la métropole lilloise (pour des causes de
rejet de dioxine) un schéma de transport des déchets résiduels et organiques, alternatif à la route, a été
imaginé. Il s'agit d'utiliser la Deûle et une partie de la Lys mitoyenne comme un axe de transport entre la ville
et les centres de valorisation des déchets de l'agglomération. Ce dernier centre CVO sera installé
volontairement bord à voie d'eau afin d'appuyer cette volonté d'utilisation de la voie d'eau pour le transport de
déchets. La réflexion effectuée en amont autour de l'emplacement de cette infrastructure est symptomatique
de l'évolution qui a eu lieu dans le discours et les volontés politiques.
L'utilisation de la voie d'eau grand gabarit pour des échanges locaux est possible grâce à une particularité de
la région Nord Pas de Calais : les grandes villes de la région disposent toutes d'un accès au grand gabarit (à part Lens). Il n'y a donc aucune
difficulté à utiliser un réseau destiné, au départ, plutôt aux échanges longue distance, pour des besoins locaux.
Chaque année, environ 230 000 tonnes de déchets de toute sorte sont transportées par voie fluviale dans la métropole lilloise. Ce dispositif
remplacerait une vingtaine de milliers de trajets effectués par camion et par an. Le bénéfice est donc direct pour la métropole lilloise, que
cela soit en terme de congestion urbaine ou d'émission de gaz à effet de serre. (PORT DE LILLE, 2009)
Un principe intéressant a été imaginé pour réduire, davantage encore, le transport de déchets par camion. La métropole lilloise a été
séparée en deux partie (Nord et Sud). Le CVE d'Halluin reçoit dans un premier temps tous les déchets de la partie Nord. Les déchets verts
qui y sont collectés sont ensuite envoyés vers le CVO de Sequedin pour y être traités. Chacune des deux unités de traitement reçoit donc
dans un premier temps des déchets qui ne lui sont pas destinés. Le port de Lille accueille lui aussi un centre de tri en bord à canal qui reçoit
les déchets des espaces alentours. Ils sont ensuite chargés en envoyés vers le centre de traitement approprié.
Ce qui existe aujourd'hui autour de cette filière valorisation permet au port de Lille (qui est une émanation de la Chambre de Commerce et
d'Industrie Grand Lille) de communiquer et de rendre plus crédible l'idée de l'utilisation de la voie d'eau pour les transports intra-urbains. Les
décideurs constatent que cela fonctionne et Ports de Lille et VNF s'en félicitent.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 25
source : LMCU
Après la fermeture des centres d'incinérations de la métropole lilloise, il a fallu trouver des solutions. Le centre de Blaringhem pouvait accueillir les
déchets de la métropole. Ce centre d'enfouissement situé à quelques dizaines de kilomètres de Lille est situé en bord de Deûle. La solution fluviale
était donc la plus sure et la moins nuisante. Cette solution sera envisagée à partir de ce moment-là.
Le CVE a été implanté à Halluin, mais pas bord à voie d'eau. L'idée d'utiliser la Deûle viendra plus tard si bien que pour atteindre le CVE, les
déchets auront été déchargés sur le port d'Halluin pour être emmenés ensuite par camion. Localement cela aura généré des nuisances. Difficile
dans ce cas pour les riverains se réjouir de la situation même si elle signifie un mieux général pour l'agglomération (moins de camions, donc moins
de pollution et moins d'encombrement du réseau routier local). C'est dans ce sens que Ports de Lille, grâce à plusieurs cofinanceurs a investit
dans du foncier sur la commune d'Halluin afin de réaliser une plateforme de chargement/déchargement fleuve-route dédiée entièrement au
fonctionnement du CVE. Cet équipement est appelé « Halluin 2 ».
Aussi la conception du nouveau CVO de Sequedin, prouve que la prise en compte du fluvial est importante et anticipée. Le système est tel que les
bateaux peuvent décharger directement dans la structure. Ce type de réalisation montre que la culture a changé en ce qui concerne le transport de
marchandises en ville. Visiblement, il y a eu une réflexion très en amont et on a bien fait attention à ce que les bateaux puissent accoster
directement à l'abord du CVO afin de limiter l'usage du camion.
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− transport de produits alimentaires dans la ville d'Utrecht : le réseau très fin des canaux du centre-ville de la ville d'Utrecht est utilisé
pour de la livraison finale. Le dispositif Beerboat, en place depuis 1996 assure la desserte des restaurants et bars situés proche de la voie d'eau
en ville, pour le dernier kilomètre.
Il existe deux types de tournée pour le Beerboat :
- le chargement depuis le point A (sur le plan). Les brasseurs devant livrer leurs clients dans le centre-ville font stationner leur camion sur
un espace dédié. Les marchandises sont ensuite chargées à bord du Beerboat à l'aide de la grue intégrée dont il est équipé. Le chauffeur-livreur
monte à bord et assure la livraison avec l'employé municipal qui pilote le bateau ; il garde ainsi la relation-client. Le bateau effectue un trajet sur le
réseau urbain de canaux, se rendant directement chez les client (qui sont presque toujours situés au bord du canal ou à faible distance). Ce
premier type de tournée est le plus courant. Il se réalise 4 fois par semaine. Chaque jour c'est un brasseur différent qui utilise ainsi le Beerboat.
Ces brasseurs sont Heineken et Leffe par exemple.
- l'entreprise GEPU, distributeur de produits alimentaires pour les professionnels de la restauration, est située au sud de la ville est
implantée face à la voie d'eau ; une route l'en sépare (point B). De petits conteneurs, y compris réfrigérés, sont manutentionnés jusqu'au quai situé
en face de l'entreprise et chargés sur le Beerboat grâce à la grue embarquée. Les client sont ensuite livrés de la même manière que lorsqu'on
charge depuis le point A. Ce transport a lieu tous les vendredis.
Ce dispositif est original et unique. Il n'y a pas d'équivalent ailleurs dans le monde et cela est certainement du au fait qu'il et très lié à la
topographie locale. La municipalité n'a pratiquement pas réalisé d'investissement puisque ce bateau était déjà de sa propriété (il servait
auparavant au curage du réseau de canal). Par contre, en 2010, un nouveau Beerboat devrait être inauguré. Il serait plus grand et donc
permettrait un chargement plus important et il serait électrique. Dans ce cas, le Beerboat constituerait un véritable mieux environnemental ce qui
n'est pour l'instant peut-être pas le cas. Il n'y a pas d'informations à ce sujet mais il n'est pas évident que ce bateau soit réellement moins polluant
qu'un camion de construction récente (c'est une vieille machine).
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 27
Finalement, le Beerboat est la preuve qu'il est possible d'utiliser la voie d'eau pour
des échanges locaux de marchandises à haute valeur ajoutée (produits surgelés,
fûts de bière, huile de friture, etc.). Son caractère unique et très en lien avec la
topographie locale ne doit pas nous empêcher d'y chercher des éléments
d'inspiration, en particulier en termes de gouvernance et d'organisation (la
conservation de la relation entre le distributeur et le client par exemple).
Comment s'inspirer d'un tel exemple? Nous pouvons réinterpréter les éléments
en disant qu'avant d'être fluvial, le dispositif beerboat est un système « non-
routier utilisant les spécificités locales (en termes d'aménagement et de
topographie) ». Cette grille d'analyse doit permettre de d'aller au-delà du constat
suivant : « il n'y a pas les mêmes canaux à Lille »
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 28
photo 7: Beerboat livrant au niveau supérieur de la rue (crédit photo : Lavessière Paul-Hervé)
photo 9: Beerboat livrant au niveau inférieur de la rue (crédit photo : Lavessière Paul-Hervé)
8: Beerboat navigant sur le réseau urbain de canaux (crédit photo : Lavessière Paul-Hervé)
L'utilisation de la voie d'eau pour la desserte urbaine est déjà une réalité pour ces trois exemples de Lille, Paris et Utrecht. On y
transporte du sable, des déchets ou des produits alimentaires.
Dans ces trois cas, il est bien question d'utiliser la voie d'eau pour des transports locaux, que cela ait lieu sur une portion de
réseau magistral ou sur le réseau secondaire
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II – LA POLITIQUE DE VILLE, GESTION DES CONFLITS D'INTERET ENTRE TRANSPORT ET URBANISME
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 30
Le transport de marchandises représente entre 15 et 20% de la circulation automobile dans les
agglomérations. Les Plans de Déplacements urbains ne peuvent désormais se dispenser de les
prendre en considération (BOUDOIN, 2005). En effet, le transport de marchandises en ville, à la
fois indispensable à la vie économique de la ville et générateur d'un certain nombre de nuisances,
apparaît de plus en plus comme un élément à prendre en compte au sein des politiques de ville.
Leur intégration dans les documents stratégique d'aménagement (PLU, SCOT, etc) paraît en ce
sens évidente.
Les entretiens menés auprès des différents acteurs ainsi que la littérature sur le sujet invitent à
une prise de position de la part des pouvoirs publics. La mise en évidence de la pression foncière
qui s'exerce sur les emprises fluviales en ville conduit à voir les choses de façon plus stratégique.
Les enjeux environnementaux liés ainsi que les possibilités de communication renvoient à la
dimension politique que revêt cette problématique de la desserte des villes en marchandises.
La volonté de voir se réaliser un report modal ne peut faire l'impasse sur la question foncière. En
effet, pour développer le fluvial, il faut des emprises bord à voie d'eau dédiées à ces fonctions, au
même titre qu'il faut des gares pour le transport ferroviaire.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 31
10: port de Lille, partie Nord - la pression foncière qui s'exerce sur ces espaces emprises fluviales en ville pourrait mettre en péril leur utilisation future pour la desserte des villes en marchandises
II.2) PRE S SION FON CIERE IMPO RTA NTE, C E S E SPA CE S S O NT C O NTR AINT S
→ A propos du port de Bruxelles :
« Dans le cadre de ces évolutions (passage d'une ville industrielle à une ville tertiaire), le rôle du port de Bruxelles
était à l'évidence remis en cause. Situé à l'origine au coeur même de la ville, la pression foncière l'avait déjà repoussé
progressivement en aval »
(Geneviève ORIGER, 2003)
Le cas du port de Lille est en de nombreux points analogue à celui du port de Bruxelles :
− l'agglomération dans son ensemble opte pour une reconversion d'ensemble vers une ville de services, tournant le dos à l'image
de ville industrielle. Cela se retrouve notamment dans l'urbanisme de la ville. Des projet comme Euralille en sont la preuve. Dans ce cadre,
le port pourrait être considéré comme un reliquat d'une époque durant la quelle des activités lourdes existaient en ville.
− Le port de Lille a été successivement repoussé vers le sud, déjà depuis une époque antérieure au XIXème siècle.
→ C'est bien la pression foncière qui s'exerce. Si dans les années 1980, on ne pensait pas encore aux concepts de « reconstruction de la
ville sur la ville », les emprises fluviales étaient vues comme des espaces potentiellement urbanisables pour de l'immobilier de bureau par
exemple. Les considérations actuelles en matière d'urbanisme sont bien différentes mais ont finalement le même effet sur ces espaces. Le
besoin de reconstruire la ville sur la ville, d'éviter l'étalement urbain tend à contraindre ces espaces logistiques tout comme les ambitions
des années 1980' autour de la création de centre d'affaires dans de nombreuses villes européennes. A Nantes, par exemple, un projet de
Centre d'Affaire sur une ancienne zone portuaire avait été imaginé dans les années 1980. Finalement, cette idée sera abandonnée et cet
espace deviendra un espace réapproprié par des activités culturelles (donc la réappropriation a bien lieu).
Le contexte est aussi celui d'une crise générale du logement. La société civile reprocherait aisément à une municipalité de ne pas avoir de
projet de construction de logement sur de telles emprises. De même, la construction de bureaux est réalisée dans le but de rendre le
territoire attractif pour les cadres. Ceci est la volonté de beaucoup de villes, surtout celles ayant un passé industriel lourd.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 32
La même pression se fait également sur les friches industrielles en général ou les emprises ferroviaires. Nous pouvons faire référence à
l'ancienne gare de marchandises de Saint Sauveur à Lille sur laquelle ont déjà été imaginés des projets urbains. Les friches industrielles de
la commune de Marquette Lez Lille (59) sont aussi des espaces qui devraient à terme accueillir des projets urbains (immobilier bureau et
logement ainsi que des espaces verts, espaces de détente, etc).
La différence entre le ferroviaire et le fluvial sur ce point est que le fluvial a un fort potentiel d'aménité, ce que n'a pas le réseau ferroviaire.
En plus de constituer une opportunité importante en termes de surface dans un espace qui est fortement contraint, l'emprise fluviale a une
valeur ajoutée, liée principalement à la présence d'eau : « les gens sont prêts à payer plus cher pour habiter ou consommer lorsque la voie
d'eau est proche » (QUINN, 2008).
Le risque est de rendre impossible l'utilisation de ces lieux pour de la logistique et d'externaliser davantage les fonctions logistiques en
dehors des villes. Comme nous l'avons vu en première partie, cela ne fait qu'augmenter le nombre de kilomètres parcourus par les
véhicules de livraison, y compris au sein de l'espace urbain.
- Les recommandations de la loi SRU sur les emprises fluviales dans les espaces urbains.
La loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI) adoptée en 1982 (et dont la dernière modification a été effectuée le 7 mars 2007) insiste
sur la nécessité d'un principe de précaution vis à vis des emprises urbaines en bord à voie d'eau.
Cela figure dans l'article 96 de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain et le chapitre 5 article 28-1 de la Loi d'Orientation des Transports
Intérieurs (LOTI).
En effet, on y lit que « Les PDU […] proposent une réponse adaptée à l'utilisation des infrastructures logistiques existantes, notamment
celles situées sur les voies de pénétration autres que routières et précise la localisation des infrastructures à venir dans une perspective
d'offre multimodale. »
« Il s'agit là d'une disposition juridique forte si les agglomérations souhaitent ne pas laisser à la route l'exclusivité de la desserte des zones
centrales » (DABLANC 2003)
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 33
La position de VNF sur la question foncière :
− Dans son SRAVE (Schéma Régional d'Aménagement de la voie d'eau en Nord Pas de Calais) réalisé en 2005, VNF suggère l'idée
d'une convention signée avec la Région et les collectivités situées en bord à voie d'eau, les engageant à « privilégier le développement
d'espaces logistiques et économiques de plus de 30 ha en bord à voie d'eau ». Cette convention confierait à l'EPF (Etablissement Public
Foncier) le soin de réaliser le portage financier initial nécessaire à la réalisation ultérieure de zones logistiques prévues au « schéma
d'Aménagement et d'Organisation des ports et sites fluviaux de Nord Pas de Calais ». Les friches industrielles en bord à voie d'eau seraient
les premières concernées par cette démarche.
Au sein de ce même document est évoquée l'importance des réflexions effectuées lors de l'élaboration des documents stratégiques
d'aménagement, à savoir les PLU et SCOT. On y met un accent particulier sur la nécessité d'un « engagement des collectivités locales » sur
ces dossiers.
« Le développement fluvial territorial passe par l’aménagement ou le développement de pôles logistiques et fluviaux. L’objectif est de
pouvoir disposer, dans chaque agglomération bord à canal, d’un équipement de transbordement pour les conteneurs et les trafics massifs
stratégiques (déchets, construction) à proximité d’espaces d’implantation existants ou à créer. »
- Réflexion sur les schémas possibles d’organisation et d’aménagement des ports intérieurs et sites fluviaux de la région Nord
Pas-de-Calais , VNF – Direction Régionale Nord – Pas-de-Calais - EUROTRANS Conseil
Dans la pratique, ces réserves ne sont pas faites à Lille. Nous l'avons vu, il existe des projets urbains sur la partie Nord du port de Lille.
Cette volonté avait été présentée durant la dernière campagne électorale pour les municipales par Martine Aubry.
Nous pouvons également citer les ambitions autour de la gare Saint-Sauveur de Lille. Celle-ci accueille depuis mars 2009 des animations
du programme culturel Lille 3000. La SERNAM a quitté les lieux et la réappropriation est rapide. Les rails sont encore présents sur le sol des
entrepôts réutilisés comme lieux d'exposition. Ils représentent l'histoire du lieu, son âme, mais n'accueilleront a priori plus de trains de
marchandises (cependant, au Conseil Municipal de la commune de Lille du 23 mars 2009, il a été décidé de conserver un accès au lieu par
voie ferroviaire).
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 34
Aussi, la commune de Marquette, située au Nord de Lille dispose de surfaces importantes proche de la voie d'eau (grand gabarit Deûle et
réseau décentralisable Marque Urbaine). Deux ferrailleurs sont présents sur place et la volonté de la municipalité est de requalifier ces
espaces pour du logement et de l'activité économique « douce » (zones d'activité, bureaux).
Enfin, le clos saint-Louis, situé sur la commune de Dammarie les Lys, commune mitoyenne de Melun, devrait accueillir un projet de
réhabilitation général. En effet, cette zone en bord de Seine actuellement constituée essentiellement de friches industrielles devrait être
modifiée pour devenir un quartier mixte d'habitat, de loisir et de travail (bureaux, petite industrie préexistante conservée sur place). Il est
cependant question de faire quelque chose avec la voie d'eau (approvisionnement des chantiers pendant les constructions, développement
du tourisme fluvial).
Ces cas sont davantage développés plus tard dans l'exposé.
Les espaces en bord à voie d'eau en ville sont indispensables pour la desserte urbain fluviale. Parallèlement, une pression
foncière s'exerce sur ces espaces. Elle résulte du besoin pour la ville de se reconstruire sur elle-même. La reconquête de friches
industrielle est une composante importante des politiques de villes actuelles ; nombre de projets urbains sont imaginés sur des
friches situées ou non bord à voie d'eau. Comment promouvoir un report modal pour la desserte urbaine sur le fluvial dans ce
contexte? C'est tout l'enjeu de l'aménagement de ces villes.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 35
II.3) STATU QUO OU A PPRO C HE V OLONTARI STE ?
On peut envisager plusieurs attitudes du privé et du public face à ces questions. La question est : peut-on faire confiance au privé/au public
sur ces questions ? La question est caricaturale mais elle a vocation simplement à fixer les discours et à les confronter.
− 1: « On peut faire confiance au privé quant à l'évolution de la logistique en ville. En effet, en prenant en compte la raréfaction
prochaine des énergies fossiles au futur, on peut imaginer que les entreprises privées s'étant positionnées vis à vis de modes de transports
moins consommateurs, de dispositifs innovants en matière de desserte urbaine (cityhub par exemple) ou autres auront de l'avance sur les
autres. Cette vision fait du fluvial un élément stratégique pour lequel le secteur privé va se battre ».
− 2 : « Le second se méfie du secteur privé et du lobby routier puissant. A court terme, rien ne semble pousser à changer de logique.
Pourquoi quitter en effet un mode de transport aussi souple et économique que le routier pour se tourner vers le fluvial qui est plus lent
(mais qui arrive à l'heure!), qui nécessite des ruptures de charge supplémentaires et qui ne va pas partout? »
− 3 : « Le secteur public est le seul à même d'amorcer une réelle politique pour un report modal du routier vers le fluvial notamment.
Le TMV deviendra de plus en plus un élément de l'aménagement stratégique des villes ».
− 4 : « Il n'y a aujourd'hui pas de portage politique suffisant sur cette thématique pour que quoi que ce soit d'opérationnel soit mis
en place. De plus, les élus locaux ont plutôt tendance à proposer une valorisation de ces espaces à fort potentiel logistique en des projets
urbains de type logement et bureaux ».
Privé Public
« Confiance » Le fluvial sera de plus en plus compétitif et on peut imaginer
que le transfert se fera naturellement.
Les décideurs publics vont se saisir rapidement de ces questions et mener
une politique adaptée, en particulier sur le plan foncier
« Méfiance » Le privé n'a aucune raison apparente de modifier ses habitudes,
en particulier le « lobby routier ». Le routier est peu coûteux et
pratique, le fluvial nécessite trop de précautions.
Les projets locaux pour les emprises en bord à voie d'eau servent les
intérêts riverains avant l'intérêt plus large. Les logements et bureaux
doivent passer avant la logistique qui est largement assumée par le privé.
Tableau 5: tableau récapitulatif : les différents discours des secteurs publics et privés
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Certes, le secteur privé est en train de changer sur ces questions. Les recherches effectuées dans le secteur privé sur des infrastructures
mieux intégrées à l'espace urbain en sont la preuve. Le promoteur de parcs logistiques « Urban Real Estate » a mené des recherches
avancées sur ce sujet.
Il existe pourtant un risque à ce que ce changement survienne trop tard. En effet, lorsque trop des ces espaces en bord à voie d'eau auront
été réappropriés, il sera trop tard.
→ « On sait que lorsque des espaces portuaires ont été sacrifiés à d'autres fonctions, il est très difficile de les attribuer à nouveau
à leur affectation initiale. » (ORIGER, 2003). En clair, quand le béton a commencé à couler, il n'est plus temps de réfléchir à une logistique
basée sur autre chose que le mode routier.
→ Il n'y a pas de statu quo :
Nous parlions plus haut des risques du statuquo, dans le cas où il n'y avait pas soit un engagement fort de la puissance publique, soit un
changement de manière de penser de la part du privé. En réalité, il n'y a pas de statu quo. Il y a des forces actives qui à terme ne rendront
plus possible l'utilisation de ces espaces en bord à voie d'eau pour la desserte urbaine.
L'évolution des villes résulte à la fois des actions du secteur privé et des politiques de ville menées. Aujourd'hui ces deux
secteurs appréhendent de manière différente les emprises fluviales en ville. Le constat général invite à priori à une prise de
position mutuelle, si l'on souhaite que ce report modal s'opère. La dimension « temps » est à prendre en compte puisqu'au fur et à
mesure que les espaces baignés sont réappropriés, les possibilité de leur utilisation pour la logistique diminuent.
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II.4) A R BITRER OU C O N CILIER : PROJET U R B AIN ET FON CTION S LOGISTIQUE S
L'erreur serait d'opposer de manière frontale projet urbain et fonctions logistiques. Cependant, aucun compromis ne sera possible si l'on
définit ces deux élément de manière trop rigide. Le projet urbain ne doit pas être « anti-logistique » tout comme la logistique en ville doit
prendre en compte l'environnement alentour.
Il est certains que la présence d'activités de transit simple en centre-ville est de plus en plus difficile à justifier. S'il est simplement question
de regrouper puis réexpédier des conteneurs vers une autre destination, l'intérêt est plus que faible pour la ville. Cela ne fait qu'ajouter des
véhicules dans un environnement déjà encombré.
Ce que préconise VNF est une externalisation hors des ville de ces fonctions lourdes pour pouvoir mieux (ré)intégrer dans la ville les
fonctions liées à la logistique urbaine. Les terminaux BTP comprenant des infrastructures lourdes (type concasseur) auraient peut-être aussi
vocation à ne plus être installées en plein tissu urbain. Ces activités génèrent des nuisances importantes dans un environnement urbain où
l'on met de plus en plus un accent sur la qualité de vie, l'attractivité, etc.
Le seul avantage que présente la localisation en centre-ville de ces infrastructures lourdes est la proximité géographique pour les
travailleurs. En effet, lorsqu'on externalise ce type d'infrastructure loin de la ville (comme ce que l'on a en partie fait par la création de
Dourges Delta 3), cela induit un transport supplémentaire effectué par les travailleurs pour se rendre sur place. Ceci est aussi à relativiser
puisque les actifs travaillant sur ces structures n'habitent pas forcément dans la même ville. Dans tous les cas il y a du transport.
Finalement, la morale de l'histoire semble être que l'on ne peut « tout avoir ». On ne peut pas avoir ces activités lourdes en ville sans les
nuisances. Il est donc nécessaire qu'il y ait un arbitrage politique sur ces questions.
Le projet urbain de centre-ville ne peut/doit plus faire l'impasse sur la question de la logistique, compte tenu des implications sur le cadre de
vie. Il serait certainement nécessaire d'insister sur le fait que l'on ne fait plus la logistique comme dans les années 1970/1980. En effet, la
préconisation sus-citée de VNF sur la souhaitable externalisation de la logistique lourde et de transit s'accompagne d'un effort de
reconcentration de la logistique liée au fonctionnement de la ville au coeur de la ville. Ce que l'on nomme par le même terme « logistique »
ne désigne plus la même chose. Le terme soufre d'ailleurs de cette connotation immédiate « logistique = nuisance ».
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Des recherches sont certainement à effectuer sur les modalités de partage de l'espace entre des fonctions différentes. Il est certes plus
simple de clôturer une zone logistique sept jours sur sept mais cela donne des arguments aux anti-logistique en ville. En effet, on reproche
souvent aux infrastructures portuaires de s'octroyer l'espace et d'empêcher les habitants de s'approprier leur voie d'eau ; c'est le cas à Lille
par exemple. La réponse se trouve peut-être dans une recherche sur les modalités de partage. Les plateformes logistiques ne fonctionnent
pas le dimanche, or, c'est ce jour là que les habitants expriment le plus le besoin de se promener le long de la voie d'eau. Il conviendrait
dans ce sens de chercher des solutions pour assurer la sécurité à la fois des marchandises et des personnes dans cette optique de partage
de l'espace.
Des synthèses ont déjà été tentées en France et à l'étranger.
− A Paris une charte a été signée entre le Port Autonome de Paris et des carriers et cimentiers pour un engagement « dans une
démarche de progrès pour l'insertion environnementale de leurs installations portuaires ». Cette charte nommée « Sable en Seine » en est à
sa seconde version. Elle ne concerne que les industriels du BTP mais est la preuve d'un changement dans la manière de penser. Il n'est
plus question d'externaliser les fonctions lourdes de l'environnement urbain mais de travailler à une meilleure intégration urbanistique. A
Ivry-sur-Seine, par exemple, des installations industrielles sont après travaux, désormais « ouvertes sur la ville ». (NPI – décembre 2008)
− Utrecht : Le concept du Beerboat d'Utrecht est en ce sens une alternative. En effet, son usage ne génère que peu de nuisance et
ne nécessite que très peu d'espace à terre. Il suffit d'un petit espace permettant le chargement/déchargement des marchandises entre
camion et bateau. Dans ce cas, c'est la logistique qui s'adapte au lieu pour créer le moins de nuisances possible. Cela sera plus vrai encore
lorsque l'investissement pour le bateau électrique sera réalisé. Un tel investissement témoigne d'une prise de conscience et d'une volonté
de rendre la logistique moins nuisante donc plus compatible avec la ville. La petite taille du quai de déchargement installé en face de
l'entreprise GEPU montre qu'il n'est pas forcément nécessaire de lancer des opérations de grande envergure pour changer un schéma en
place depuis des dizaines d'années, c'est à dire celui de la solution route comme solution absolue.
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− Urban Real Estate : le promoteur de parcs logistiques Urban Real Estate, implanté à Paris, met au point des équipements
logistiques à Haute Qualité Environnementale insistant notamment sur le
confort visuel, c'est à dire la qualité architecturale de l'infrastructure et sa
bonne intégration dans le paysage.
L'une de ces créations, le « City Hub» ou « Urban Crossdocker » est une
plateforme logistique prévues pour être intégrée dans le paysage urbain.
Cet entrepôt urbain s'établit sur cinq niveau, fait 30 mètres de haut et offre
50 000 m carrés de surface de stockage. Cet entrepôt expérimental
possède sa propre flotte de 200 véhicule écologiques (électriques et/ou à
hydrogène). Ce bâtiment bénéficie d'un design original et moderne
permettant une meilleure intégration paysagère dans le tissu urbain. Une
seule unité de ce genre pourrait assurer le traitement de 100 000 colis par
jour. Ce projet n'est pas implanté automatiquement bord à canal mais rien
ne semble s'opposer à ce que cela se fasse. Ce projet de plateforme
logistique est prévu pour être inscrit dans les zones à forte densité. Le
projet repose sur une conception verticale de la base logistique, en
opposition avec les équipements traditionnels en général situés en
périphérie et très gourmands en espace. Une attention particulière est
portée à la minimisation de son empreinte écologique : toit et façades
végétalisés et équipés de capteurs photovoltaïques.
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Concept du City Hub - source : Urban Real Estate
Concept du City Hub - source : Urban Real Estate
Ce type de projet est la preuve qu'une attention
particulière est portée à l'amélioration de l'intégration
urbaine des espaces logistiques dans la recherche
privée en logistique. Il est question que ces entrepôts
puissent regrouper, stocker et trier les colis de
plusieurs sociétés. La volonté à présent de
l'entreprise est de convaincre les collectivités pour
qu'elles réalisent les investissements nécessaires.
Celles-ci devraient tout de même assumer un
investissement 4 fois supérieur pour le Cityhub que
pour un entrepôt traditionnel. Cependant, une fois
mis en place, l'infrastructure permettra d'offrir une
prestation au prix du marché (ROUX, 2009).
Le projet se pose en porte à faux vis à vis du courant
encore dominant dans lequel le stock est quasiment
inexistant. Cependant, les marchandises stockées le
seraient pour de courtes durées.
Un groupe de travail du nom de Demeter travaille à Paris sur la question de la logistique silencieuse adaptée à l'espace urbain. Ce groupe
est constitué d'acteurs privés et publics dont le but est de « promouvoir et mettre en oeuvre des actions concrètes, mesurables et
respectueuses des 3 sphères économiques, sociale et environnementale du développement durable ». (www.club-demeter.fr ).
Parmi ces acteurs, on retrouve par exemple le Port Autonome de Paris, le MEEDDAT, l'ADEME, la SNCF ou encore la mairie de Paris. Les
autres acteurs sont principalement des entreprises (Danone, Carrefour, L'Oréal).
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Plusieurs groupes de travail ont été formés pour différents thèmes de recherche dans ce programme Demeter. L'un de ces groupes travaille
sur la livraison urbaine. L'idée est d'abord de mettre les différents acteurs concernés autour de la table, d'identifier les nuisances qu'entraîne
la livraison en ville pour réfléchir ensuite à des solutions alternatives (partage horaire, réduction des nuisances sonores, etc.).
La question demeure, est-il préférable d'arbitrer entre projet urbain et fonctions logistiques ou est-il envisageable de concilier les deux? Il
semble qu'aujourd'hui, la logistique fasse un effort pour être mieux acceptée dans la ville (Beerboat, Urban Crossdocker, Charte Sable en
Seine). Cependant, il ne faut pas oublier les deux dimensions que revêt la notion d'intégration urbanistique : l'intégration paysagère et
l'intégration dans l'espace urbain, c'est à dire le fonctionnement de la ville. Il ne suffit pas, en effet, de rendre les équipements logistiques
plus esthétiques mais de réfléchir aux enjeux plus larges qu'induit la ville (la gestion de l'espace public, la congestion urbaine, la proximité
de l'emploi, etc). En cela, le projet de Real Estate comprenant son propre parc automobile écologique est très intéressant. Il atteste de la
prise de conscience qui a lieu vis à vis des enjeux environnementaux dans la ville et la nécessité d'une approche globale sur ces
thématiques.
Il existe des possibilités pour permettre aux fonctions logistiques de se faire plus discrètes en ville. Les recherches ayant été
réalisées dans ce sens devraient permettre de répondre à cet impératif qui devrait se faire de plus en plus pressante : réduire la
distance entre les espaces logistiques et les clients à livrer. Cet impératif est lié principalement à des questions
environnementales.
Cependant, est-ce que la ville est prête à réintégrer la logistique dans son schéma de développement ou continue-t-elle à vouloir
repousser toujours à l'extérieur ces fonctions indispensables son fonctionnement-même?
Autrement dit, si la logistique fait un effort pour mieux être acceptée en ville, cette dernière fera-t-elle de même pour accepter
davantage la logistique en son sein?
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III – QUELS LEVIERS EN FRANCE POUR LE DEVELOPPEMENT D'UNE LOGISTIQUE URBAINE FLUVIALE
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Nous avons vu en quoi la logistique a évolué afin de se conformer davantage à la vie urbaine. Aujourd'hui les différents acteurs de
l'aménagement et de la gestion urbaine sont-ils prêt à réintégrer la logistique dans la ville, ce qui est en opposition avec le modèle dominant
de l'aménagement des villes qui est en place depuis plusieurs décennies? Dans ce modèle il est en effet davantage question de repousser
à l'extérieur de la ville les fonctions logistiques, dans le but notamment de disposer d'espaces urbanisables en centre-ville mais aussi avec
la volonté de ne plus avoir en ville les nuisances de ces activités.
Les acteurs de l'aménagement en France prennent-ils en comptes ces aspects logistiques et disposent-ils d'outils opérationnels efficaces?
Il existe plusieurs types de documents régissant avec plus ou moins de souplesse les territoires et leur aménagement. Le Schéma de
Cohérence Territoriale et le Plan Local d'Urbanisme comprennent les règles de planification urbaine, et depuis la loi Solidarité et
Renouvellement Urbain, la dimension « projet » y est centrale.
D'autres documents plus thématiques et à d'autres échelles nous intéressent puisqu'ils déterminent chacun certains aspects de
l'aménagement des territoires. (Schéma Régional des Transports, Schéma Régionale d'Aménagement de la Voie d'Eau, etc.)
Le but de cette troisième partie est de montrer en quoi ces documents peuvent constituer des outils de promotion d'un logistique urbaine
davantage fluviale. A travers un échantillon regroupant l'essentiel de ces documents, nous aurons une vision d'ensemble et seront en
mesure d'identifier les leviers permettant de basculer vers un mode d'organisation logistique différent de celui actuel du camion
hégémonique.
Il s'agit aussi de mettre en évidence en quoi l'échelle d'approche peut déterminer le degré d'ambition des documents. En effet, à échelle
large, les volontés sont souvent très volontaristes et ambitieuse tandis que dés lors que l'on se rapproche de la parcelle, c'est à dire du
foncier, ces documents d'urbanisme deviennent de plus en plus consensuels. On dit souvent qu'en aménagement, « c'est le foncier qui
gagne ».
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Principalement à travers les deux exemple de Paris et de Lille nous tenterons de répondre à ces questions.
- Dans le Nord, la révision d'un nombre important de schéma a été engagée (PDU, SCOT, SRT...). Il s'agit de voir en quoi ces
problématiques de desserte urbaine sont ou ne sont pas prises en compte et en quoi le fluvial a pu être étudié en ce sens.
- Dans la Région Ile de France, des ambitions avaient été affichées dans la rédaction des différents documents d'aménagement. L'étude
des deux versions du Schéma Directeur Régional d'Ile de France est très intéressante sur ce point.
Que faudrait-il faire pour que ce report modal ait lieu? Il convient d'identifier des objectifs et en quelle mesure les différents acteurs
concernés peuvent agir, notamment via l'élaboration des documents d'urbanisme. Voici deux pistes principales que les documents
d'aménagement peuvent suivre pour promouvoir une desserte urbaine davantage fluviale
− Rendre plus acceptable les fonctions logistiques en ville, notamment en externalisant hors de l'espace urbain les fonctions lourdes
et très nuisantes pour mieux recentraliser dans la ville les fonctions liées à sa desserte.
− Mener une politique foncière afin de réserver les emprises fluviales en ville dans une recherche de compromis avec les besoins
de la ville en bureaux, logements et équipements divers.
Ces pistes sont aujourd'hui relativement présentes dans ces documents de planification. Nous allons à présent explorer quelques-uns de
ces documents. Ils concernent les deux exemples de Paris et Lille. Il s'agit dans cette partie de présenter en quoi les outils existent et en
quoi les discours ont évolué en faveur d'une desserte urbaine moins routière tout en faisant la part des choses entre les ambitions affichées
et leurs modalités d'application.
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III.1) D O C U M E NT S D'URB ANIS M E O U DE PRO SPECTIVE ET A CTEU R S LIÉ S
Les documents d'urbanisme SCOT, PLU et PDU sont les plus évidents dés qu'il s'agit d'aménager les villes. En effet, à échelle locale, il est
question de l'affectation (dans une vision dynamique et non définitive) des différentes parties du territoire. Leur élaboration s'accompagne
d'une concertation obligatoire et la mission est de tendre au maximum vers une synthèse entre intérêt général et intérêt individuel (entre le
schéma global d'une ville et le foncier).
Nous allons étudier ici :
− A) La révision engagée du Schéma Directeur vers un Schéma de Cohérence Territoriale à Lille Métropole
− B) La révision engagée du Plan de Déplacement Urbains à Lille Métropole
− C) Le Plan Local d'Urbanisme en tant qu'outil opérationnel de gestion du territoire à travers l'exemple de la commune de Marquette
Lez Lille (située dans la métropole lilloise).
− D) Les deux générations de Schéma Directeur de la Région Ile de France de 1994 et 2008.
« L'articulation urbanisme/TMV est aujourd'hui relativement bien prévue par les textes. Depuis, en particulier, le vote de la loi Solidarité et
Renouvellement Urbains de décembre 2000, des instruments juridiques existent pour rendre effectives les passerelles entre les mesures
prises dans le cadre des politiques de transport (plans de déplacements urbains) et celles qui sont décidées par les services de l'urbanisme
des villes. […] Cependant, ces outils sont encore aujourd'hui peu utilisés par les collectivités locales » DABLANC 2001.
L'étude des documents d'urbanisme révèle à la fois leur ambition et leurs difficultés à être réellement contraignants et donc utilisés de façon
opérationnelle. C'est pourtant sur ce volet « urbanisme et planification » que l'on peut le plus réfléchir et agir en amont, ce qui est nécessaire
en particulier pour promouvoir et développer le transport fluvial (beaucoup plus que sur le volet du simple du pouvoir de police).
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De l'échelle la plus large à la plus fine :
− A) Le SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) est un document d'urbanisme « qui fixe, à l'échelle de plusieurs communes ou
groupements de communes, les orientations fondamentales de l'organisation du territoire et de l'évolution des zones urbaines, afin de
préserver un équilibre entre zones urbaines, industrielles, touristiques agricoles et naturelles » (LEGIFRANCE, 2009). C'est ainsi que la loi
Solidarité et Renouvellement Urbain définit cet outil depuis le 13 décembre 2000.
Le SCOT succède au Schéma Directeur (SD). Dans la Métropole lilloise, c'est le SD adopté en 2002 qui est toujours utilisé aujourd'hui en
attendant sa révision en SCOT. Les travaux préparatoires à l'élaboration du SCOT métropolitain ont débuté. Il a été demandé à l'Agence de
Développement et d'Urbanisme de Lille (l'ADUL) d'entamer une première phase de diagnostic pour préparer cette révision.
En quoi le SCOT est-il particulièrement intéressant concernant la desserte des villes par voie d'eau? Dans un premier temps, ce sont les
compétences qui accompagnent le SCOT. La compétence « Aménagement » est très importante pour la logistique urbaine puisque la mise
en place d'un système nécessite en général des équipements et des infrastructures. En terme de financement, l'intercommunalité est une
entité qui a assez de poids pour investir dans des projets de grande ampleur. Aussi, le SCOT est un outil qui peut inciter à réserver du
foncier dans le but d'installer des infrastructures. Son échelle est intéressante puisqu'elle permet de viser l'intérêt général entre plusieurs
communes. C'est aussi sur la question de l'échelle que le SCOT est cohérent pour la gestion des marchandises en ville, en particulier pour
la logistique urbaine fluviale
En effet, le SCOT se situe entre échelle locale et échelle plus large. Concernant la voie d'eau, il est quasiment impossible qu'elle desserve
l'ensemble des communes d'une agglomération. Dans le périmètre de la Communauté Urbaine de Lille, la Deule traverse une vingtaine de
communes sur les 85 comprise dans cet EPCI. Pour autant, faut-il limiter la desserte fluviale à cette vingtaine de commune? Le SCOT est
intéressant puisqu'il nous permet d'engager une réflexion quant au partage de cette voie d'eau entre toutes les communes de
l'agglomération. Tourcoing et Roubaix sont des villes qui ne disposent pas d'un accès à la voie d'eau à grand gabarit. Pourtant, le tissu
urbain et la présence de voies de communications importantes dans l'ensemble de l'agglomération nous permet d'envisager la desserte de
ces deux villes par la voie d'eau. Le dernier kilomètre doit simplement être effectué sur un mode différent (route ou mieux encore
ferroviaire). Nous reviendrons sur ces questions dans la dernière partie « diagnostic ».
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 47
→ l'actuel schéma directeur de Lille métropole
Le schéma directeur sur lequel l'agglomération lilloise fonctionne encore a été rédigé en 2001 et adopté par le conseil communautaire en
2002. La prise en compte l'intérêt que pourrait avoir la voie d'eau pour la desserte de l'agglomération en marchandises est assez relative.
« L'enclavement dans le tissu urbain […] d'une grande partie des installations du port de Lille ne permet pas
d'envisager (son) développement sur (ce) site à long terme » (Schéma Directeur de Développement et d'Urbanisme de
Lille Métropole adopté en 2002, page 142)
Cet extrait est intéressant puisqu'il montre en quoi le discours a pu changer en quelques années. On considère que la situation du port au
sein du tissu urbain est un problème et peut constituer une raison pour ne pas encourager son développement. En effet, le raisonnement est
juste. Il n'est pas possible de développer davantage le transport sur le site du port de Lille, si l'on pense à ses activités actuelles : le
transport de conteneur, le transport de matériel de construction et le transport de déchets. Il est vrai qu'il est difficile d'envisager un
développement de ces activités-là sur le site du fait de l'environnement urbain alentour et des nuisances générées.
Par contre, on ne fait pas référence au potentiel qu'a le port de Lille pour des activités logistiques autres que celles actuellement présentes :
la logistique urbaine. Le discours véhiculé au sein de ce document est celui qui encourage à externaliser au maximum les fonctions
logistiques lourdes du tissu urbain (notamment le transit). Dans ce schéma, la plateforme multimodale de Dourges, située à une trentaine de
kilomètres au Sud apparaît comme très intéressante pour la métropole :
« En matière logistique, il est nécessaire de raisonner à une échelle plus large que celle du schéma directeur. La
plateforme de Dourges, même si elle est située hors de l'arrondissement, est un équipement fort de la métropole.
L'intérêt que suscite son aménagement auprès des acteurs de la logistique témoigne de la pertinence de développer
des politiques à cette échelle. » (Schéma Directeur de Développement et d'Urbanisme de Lille Métropole adopté en 2002,
page 142)
L'échelle d'étude est souvent un problème dans la gestion politique du transport de marchandises. On peut aisément dire que la logistique
ne peut s'étudier de manière optimale au niveau de la métropole puisque le cadre géographique est trop limité et ne s'accorde pas avec la
logique des transporteurs. Cependant, cette constatation ne doit pas empêcher la métropole de considérer le fluvial à son échelle propre,
c'est à dire pour ses besoins en marchandises dans son développement économique.
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C'est ce qui est fait plus loin :
« Il faut […] utiliser au mieux les capacités de desserte interne de l'agglomération par des modes en sites propres : fer
et voie d'eau, intercepter les flux à grande distance aux entrées de la métropole afin de minimiser les mouvements
internes à l'agglomération, rationaliser la distribution des marchandises dans la métropole, mais aussi dans la région,
trouver des solutions nouvelles à la distribution des marchandises en ville ».(Schéma Directeur de Développement et
d'Urbanisme de Lille Métropole adopté en 2002, page 169)
Cette phrase comporte quelques contradictions. On entend « utiliser au mieux les capacités de desserte interne de l'agglomération » pour la
voie d'eau notamment tout en cherchant à « intercepter les flux » (dont la nature n'est pas précisée) aux entrées de la métropole afin de
« minimiser les mouvements internes » à l'agglomération. S'il s'agit des flux internationaux ou interrégionaux ne donnant lieu qu'à du transit,
cela fait sens. On chercherait ainsi à limiter ces mouvements qui pourraient avoir lieu hors de la ville tout en cherchant d'autres manières
d'approvisionner la ville.
Ici, on évoque l'intérêt que cela représenterait de réserver du foncier :
« Cependant, les deux tiers des activités de transport/logistique implantées sur le territoire de la métropole sont liées
à la distribution urbaine de marchandises. Afin de mieux gérer ce développement, l'opportunité de préserver ou de
créer certains sites urbains de proximité devra être étudiée. » (Schéma Directeur de Développement et d'Urbanisme de
Lille Métropole adopté en 2002, page 168)
Finalement, beaucoup d'arguments sont présents mais on n'identifie pas clairement le port de Lille comme ayant un fort potentiel pour la
desserte urbaine. On a conscience du fait qu'il serait intéressant de trouver des solutions alternatives au mode routier et on évoque même la
voie d'eau ; on pense aussi à la nécessité de réserver du foncier. Cependant, lorsque l'on parle du port de Lille, celui-ci n'aurait pas
vocation à se développer. Difficile dans ce cas de faire de ce document un outil de promotion du mode fluvial pour la desserte urbaine. Le
message n'est pas clair, plusieurs lectures sont possibles et cela conduit à ne pas changer la situation.
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− B) Le Plan de Déplacements Urbains de la métropole lilloise est également en cours de révision depuis 2006. La version
actuelle avait été adopté en 2000. Traditionnellement, ces documents abordent de façon prioritaire la thématique du déplacement de
personnes, le transport de marchandises étant a priori une compétence assumée par le privé. Cependant, les choses évoluent et les PDU
ont aujourd'hui un volet « marchandises ». C'est la loi qui les y invite (article 96 loi SRU).
La version actuelle comportait quelques éléments
intéressants. Notamment à la page 54, on a établi
une liste des sites logistiques urbains de proximité à
réserver à court ou moyen terme. Ces sites identifiés
sont des gares n'étant plus en activité et, le plus
intéressant pour cette étude, le Port de Lille. On ne
donne par contre pas davantage de détail.
La révision du PDU qui a lieu en ce moment avait
démarré peu avant les élections municipales de 2007
n'avait pu être terminée avant la fin de ces élections.
En période de campagne électorale, on ne pouvait
attendre une forte présence politique sur ces travaux. Il était donc plutôt question pour les différents services travaillant sur ce document de
continuer à réaliser un état de l'art, premier matériel nécessaire pour pouvoir avancer sur ces questions. La « mission déplacement et
qualité des espaces publics » en charge de la révision du PDU à la Communauté Urbaine de Lille, est constituée de 6 groupes thématiques.
Chaque groupe est porté par un premier vice-président et un vice-président délégué.
Eric Quiquet s'était engagé dans la révision du PDU et dans l'organisation d'un grand débat sur les déplacement en janvier 2009, dans le
but de faire voter au prochain conseil (avril 2009) :
- des délibérations cadres sur la mobilité (il y a ici une prise en compte du déplacement de marchandises, mais l'opération n'est pas liée à la
démarche PDU). Ces délibérations-cadres devraient engager les politiques communautaires sur au moins deux mandats ;
- des délibérations d'application, thématiques (sur le métro, le bus, le tramway, le tram-train, l'autopartage, etc.).
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 50
Il est question de faire adopter ces délibérations-cadres pour ensuite réviser le PDU. Le portage politique est assez important sur la
thématique « personnes », beaucoup moins sur la thématique « marchandises ».
La révision du PDU devrait être terminée avant la fin de l'année 2009. Le projet de loi Grenelle 2 pourrait remettre en cause l'articulation
actuelle entre PDU, PLU et SCOT. Il est question de faire adopter le document avant qu'un tel changement ne survienne. La révision
parallèle du SCOT sera beaucoup plus longue (4 ans, s'il n'y a pas trop de blocage). Si cette révision de SCOT apporte des éléments
nouveaux sur la thématique « transport », il sera question de réviser le PDU à nouveau puisque celui-ci doit être compatible avec le SCOT.
Parmi les 7 groupes de travail, deux semblent se rapprocher de la thématique marchandises et du transport fluvial :
- Le groupe n°6 intitulé « Transport de marchandises, logistique ». Ce groupe était, avant les élections municipales, porté politiquement par
Paul Astier, qui allait quitter la vie politique après ces mêmes élections. De plus, ce groupe était celui disposant du moins de données de
initiales pour pouvoir commencer à travailler. Apparemment, ce groupe de travail est l'un de ceux qui a le moins bien fonctionné.
- Aussi, le groupe 1 « Urbanisme, planification, habitat, et localisation des activités » est intéressant sur le sujet du transport fluvial. En effet,
pour faire du transport fluvial, il faut réfléchir aux espaces en bord à canal pour l'implantation des activités. Cette réflexion se doit d'être
menée en amont (on peut réfléchir à installer des activités bord à canal ; impossible par contre de creuser une voie d'eau pour aller
jusqu'aux activités!). Cependant, ce groupe de travail, parmi ceux ayant le mieux fonctionné, n'a pas porté d'attention particulière au fluvial
en tant qu'axe de transport y compris local.
Une étude avait été commandée en 2000 par LMCU à des bureaux d'étude privés (« Gerardin Conseil » et « Interface Transport ») afin de
disposer d'un état de l'art sur le sujet. Cette étude a été réalisée et révéla peu de choses que l'on ne savait pas avant, à savoir que les
problèmes liés à la livraison de marchandises ont lieu surtout dans les centre-ville de Lille, Roubaix et Tourcoing. On ne tiendra
pratiquement pas compte de cette étude dans la révision du PDU communautaire.
Cependant, cette étude a le mérite d'avoir été faite et donne une vision globales des problèmes dans la métropole, liés au transport de
marchandise en ville ainsi que quelques chiffres intéressants.
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− C) Les Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) de la métropole lilloise est le plus contraignant des documents d'urbanisme car le plus
directement lié au terrain. Il porte le projet d'aménagement parcelle par parcelle et est un document évolutif.
Le PLU distingue quatre grands types de zones : Les zones urbaines (U), les zones à urbaniser (UA), les zones agricoles (A) et les zones
naturelles (N). Le code de l'urbanisme rend obligatoire ces déclinaisons en quatre grands types de zones. Les déclinaisons plus fines (UF,
UB, UA, etc.) résultent de choix locaux (commune ou intercommunalité), réalisés lors de l'élaboration du PLU. Pour faire passer une zone
inscrite comme industrielle en tant que zone de bureaux, une simple modification suffit, il n'est pas nécessaire d'attendre la révision du
document dans son ensemble. Il est cependant nécessaire d'organiser une enquête publique (avec nomination d'un commissaire enquêteur
par le tribunal administratif). Cette enquête dure un mois et un mois encore est nécessaire pour que le commissaire enquêteur rédige son
rapport. Finalement, c'est une opération rapide et à laquelle les services des collectivités sont habitués. C'est une procédure qui est mise en
place régulièrement aujourd'hui parce qu'elle va dans le sens d'une reconstruction de la ville sur la ville (ce qui évite de grignoter les terres
agricoles davantage).
Dans le PLU, on ne distingue pas les espaces en bord à canal des autres espaces. Si une friche industrielle est en bord à canal, elle sera
inscrite en tant que « friche industrielle ».
Ainsi, sur la commune de Marquette, des zones classées en UF et UFn (ce qui signifie « zone qui est occupée en tout ou en partie par des
activités et dont la vocation industrielle doit être non seulement maintenue mais privilégiée et renforcée », le petit « n » témoignant d'une
pollution du sol) devraient à terme être reclassées en UB (soit une « zone urbaine mixte de densité élevée, affectée à l’habitat, pouvant
comporter des commerces, des services, des bureaux, des activités artisanales et industrielles, des équipements publics, compatibles
avec un environnement urbain »). Cela signifie que des zones industrielles devraient devenir des zones aptes à accueillir des projets urbains.
Il existerait a priori deux manières d'utiliser le PLU pour préserver la fonction fluviale sur ces espaces :
- 1 - Il serait possible de rédiger un règlement de zone qui obligerait les propriétaires de ces espaces à utiliser le fluvial. Ainsi, les permis de
construire seraient accordés en fonction. Cependant, cette solution peut s'avérer inefficace si les propriétaires des espaces concernés ne
sont pas intéressés. En effet, ces zones de friches resteraient en l'état longtemps et les élus risqueraient de se lasser de voir des terrains
« en sommeil » (comme cela s'est passé à Dammarie Les Lys). Une telle mesure pourrait paraître déconnectée du contexte qu'est celui de la
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ville : un espace sous pression foncière, dans lequel les zones U (zones urbaines) ont une valeur foncière importante.
- 2 - Pourrait être réalisé un investissement direct de la collectivité. Celle-ci se rendrait propriétaire du foncier et pourrait à souhait y installer
des infrastructures utilisant le fluvial, par exemple, en créant une ZAC (Zone d'Aménagement Concerté). Dans ce cas, si la collectivité est
convaincue, elle peut s'engager en faveur du développement du transport fluvial. Rien ne peut plus s'opposer à ce que cela se fasse puisque
c'est la collectivité qui est propriétaire.
Après identification de ces différents aspects que recouvre le PLU, nous pouvons dire que cet outil est certainement le plus efficace et
légalement puissant puisqu'il s'établit à l'échelle de la parcelle et concerne des acteurs facilement identifiables (la municipalité, les
propriétaires, etc.). Cependant, il y a peu de chance qu'il devienne un outil de promotion d'une logistique urbaine fluviale à lui seul. Il ne peut
être que la dernière étape d'une réflexion à échelle plus large (au niveau du SCOT par exemple). De plus, il nécessite un engagement fort de
la municipalité ou de l'intercommunalité selon si le PLU est communautaire ou non ; cet engagement est en général réalisé en faveur de la
satisfaction de besoins locaux comme ceux en logement, en bureaux ou en équipements de loisir par exemple. C'est sur ces dossiers que les
élus sont attendus et ont leur légitimité vis à vis des habitants.
Finalement le PLU est le document le plus à même de permettre de réserver du foncier en bord à canal puisqu'il est opposable au tiers et
renvoie à des éléments concrets vérifiables sur le terrain. Cependant, sans un engagement politique local fort, il n'entrainera pas de
réalisations concrètes puisque ce sont les élus qui décident de ce document et le font évoluer. Aussi, une mesure de réserve foncière doit se
situer dans un schéma plus large pour trouver sa cohérence. Localement, une telle mesure sera considérée comme un blocage inutile et cette
politique serait considérée comme en déconnexion par rapport aux réalités locales (besoin pour la ville de se reconstruire sur elle-même, etc.).
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Les emprises fluviales de la métropole lilloise :
Cette carte (annexe page 90 - « LES EMPRISES FLUVIALES DE LA METROPOLE LILLOISE ») met en valeur les espaces proches de la
voie d'eau et qui, a priori pourraient être desservis par la voie d'eau, principalement la Deûle (donc à grand gabarit).
Les espaces représentés ne sont ni des espaces agricoles, ni des espaces résidentiels. Ils ne sont que zones et friches industrielles, zones
artisanales, et autres zones d'activités donc des zones U (zones urbaines).
Représenté en jaune, il s'agit de la zone commerciale et du M.I.N. (Marché d'Intérêt National) de Lomme. Globalement, parmi les plus gros
générateurs de flux de marchandises de la métropole lilloise, ils sont les plus proches de la voie d'eau. Ils représenteraient à priori un
potentiel important en termes de desserte urbaine fluviale.
Éléments de lecture :
− tout d'abord, les emprises fluviales ne sont pas très nombreuses mais représente un potentiel important. Il y a suffisamment
d'espace pour réaliser du transport fluvial et cela en plusieurs endroits de la métropole.
− deuxièmement, ces espaces sont principalement situés proche de la ville ou au sein du tissu urbain, ce qui les rend « vulnérable »
face à la pression foncière mais fait aussi leur intérêt.
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Marquette lez Lille (59) : l'espace sur la partie droite de la photo devrait à terme accueillir un projet urbain mixte « logement, commerces,
services ». Ceci est un exemple de la pression foncière qui s'exerce sur ces espaces en bord à canal situés plus ou moins dans le tissu
urbain. En face, des habitations soumises à un certain nombre de nuisances liées à l'activité des ferrailleurs.
L'aménagement de la commune n'ignore pas le fluvial mais la valorisation qu'il imagine autour se rapproche du tourisme fluvial et non pas
de la logistique.
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D) Le SDRIF (Schéma Directeur Régional d'île de France)
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Illustration 11: 12: SDRIF 2008 – extrait page 69 avec annotations
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13: SDRIF 2008 - extrait de la page 43 avec annotations.
12: SDRIF 2008 - extrait de la page 89 avec annotations.
Le SDRIF peut être décrit comme un mélange entre le SCOT, document d'urbanisme, et le SRADT (Schéma Régional d'Aménagement et
de Développement du Territoire) qui est plutôt un document de prospective et qui s'établit à échelle régionale. Le SDRIF adopté en 2008 est
réalisé par la Région Ile de France alors que le SDRIF de 1994 avait été demandé par l'Etat français.
Sur le sujet du transport fluvial dans la ville, ce document va assez loin. Sa révision fut demandée parce que le SDRIF de 1994 ne
remplissait pas les objectifs fixés, notamment sur le plan « logistique et transport de fret ». La première étape de cette révision a été de
réaliser un bilan du premier document de 1994. Ce document-ci portait sur la logistique fluviale mais traitait du sujet sous l'angle « très large
échelle, grandes infrastructures multimodales en périphérie, schéma régional logistique ». On ne percevait pas encore les enjeux locaux de
la logistique en terme d'emploi, d'aménagement ni les enjeux liés à la desserte des villes-mêmes. Il est intéressant de voir cette évolution
dans le discours.
Le mot « logistique » apparaît 65 fois dans le nouveau SDRIF. Il y est beaucoup question de report modal du routier vers le fluvial et le
ferroviaire mais une attention particulière est portée aux enjeux locaux. D'après ce document, il existe de nombreux avantages à disposer
d'une offre multimodale pour le territoire local. Cela permettrait notamment d'agir sur :
− le désencombrement des voies routières ;
− la protection de l'environnement ;
− la diversification de l'emploi ;
− l'attractivité territoriale (qui est d'ailleurs sous-jacente à tous ces aspects).
Selon ce document, il existe un lien entre transport fluvial et diversification de l'emploi. A première vue ce lien n'est pas des plus évidents
mais cela met justement l'accent sur toute la dimension politique et stratégique que constitue la prise de position en faveur de la promotion
du transport fluvial pour la ville.
→ On peut se questionner quant à l'existence d'un lien entre « urbanisme de qualité » et « transport fluvial ». Il pourrait tout à fait être
développé au sein d'un projet politique.
Le SDRIF propose à la fois de maintenir ce qui existe comme infrastructures bord à voie d'eau et de promouvoir l'installation d'activités
nouvelles sur ces emprises.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 58
La volonté de promouvoir une offre multimodale est clairement affichée tout au long du document.
Quelle valeur juridique a ce document? C'est un document opposable dans lequel l'Etat est partie prenante. En vertu du code de
l'urbanisme, le SDRIF a valeur de SCOT pour l'application du principe de constructibilité limitée.
Il est intéressant de se rendre compte de l'évolution des
discours entre le SDRIF de 1994 et celui de 2008. Si les deux
comprennent un volet important sur la logistique et les
marchandises, les préconisations ne sont pas du tout les
mêmes. Dans le document de 1994, on réfléchit principalement
au routier. Le fluvial est étudié uniquement sur le volet « grand
gabarit » et « longue distance ». On ne pense pas encore à
l'intérêt du fluvial pour les échanges locaux.
On réfléchit alors à un schéma logistique en trois couronnes.
Cette structure traditionnelle se retrouve dans l'aménagement
de nombreuses villes françaises. Elle se base notamment sur
les possibilités offertes par les camions poids lourds pour
effectuer les relais entre les bases logistiques extérieures et les
besoins de la ville.
Dans ce schéma, la logistique urbaine se limite à la desserte
depuis les bases extérieures, principalement par la route.
L'impact environnemental de ce modèle est assez lourd puisqu'il y a de nombreux trafics entre les bases logistiques et les demandeurs en
marchandises.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 59
14: Le schéma logistique de l'agglomération parisienne préconisé dans le SDRIF de 1994.
Dammarie les Lys
Le cas de Dammarie les Lys, commune membre de la
communauté d'agglomération de Melun Val de Seine, est un
cas d'école pour illustrer les conflits d'usage qui peuvent
exister autour d'emprises fluviales. Cet exemple permet aussi
de faire référence aux deux générations de SDRIF (1994 et
2008).
Cette commune est située à quelques dizaines de kilomètres
de Paris, en bord de Seine. Il y existe une zone industrielle de
127 ha, majoritairement en friche (quelques entreprises sont
présentes mais elles utilisent une petite partie de la zone).
Cette zone était identifiée au sein du SDRIF de 1994 comme
devant devenir l'un des grands ports de la Région Ile de
France. On visait le transport de marchandises de type
« grande infrastructure multimodale ». Il n'était pas question
de desserte locale ou de logistique urbaine. Sur le schéma
précédent, cela aurait correspondu à la deuxième couronne,
celle au sein de laquelle on aurait traité plutôt les flux inter-
régionaux et internationaux. Finalement, peu de choses
seront réalisées.
Le Port Autonome de Paris s'est, en 1992, rendu propriétaire d'une parcelle d'une dizaine d'hectares sur cette zone, dans l'optique d'y
développer le transport fluvial. Aujourd'hui, rien n'a été réalisé, si ce n'est une estacade, très peu utilisée puisqu'aucune des entreprises
présente sur la zone n'utilise la voie d'eau. Du point de vue de la collectivité locale, cette situation ne peut être satisfaisante. En effet, non
seulement une friche industrielle ne rapporte pas de taxe professionnelle, mais lorsque le terrain a un propriétaire, il n'est pas possible pour
la commune d'y imaginer des projets. De plus, il y a des besoins locaux importants en logements, et une volonté politique forte de
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 60
développer l'emploi qualifié tertiaire. « La ville manque de cadre ». Finalement, la communauté d'agglomération souhaiterait que le PAP,
lance la procédure adaptée pour déclasser sa propriété du domaine public afin de pouvoir disposer de cet espace pour réaliser le projet
urbain qui a été d'ores et déjà imaginé. Les autres propriétaires de la zones ont été appréhendés et ils devraient vendre leur foncier sans
problème.
Aujourd'hui, aucun acteur économique présent sur le site n'utilise la voie d'eau. La nouvelle édition du SDRIF (adopté en 2008) n'affiche
plus les mêmes ambitions vis à vis de ce port mais insiste sur la nécessité de « ne pas compromettre les actions d'aménagement
nécessaire à une meilleure intégration des activités amenées à se développer », notamment la « distribution urbaine fluviale ».
« Ne pas compromettre » est une forme libre et cela ne peut justifier directement la réalisation de réserves foncières par exemple.
Il serait question d'utiliser la voie d'eau localement pour la desserte des futurs chantiers de construction ainsi que de promouvoir des
activités en lien avec le développement du tourisme fluvial (entretien des bateaux de plaisance par exemple).
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 61
Dammarie les Lys (77) : sur la gauche, le clos Saint Louis aujourd'hui occupé par quelques activités n'utilisant pas la voie d'eau pour leurs activités (stockage de
voitures, petits ateliers, etc.) devrait à terme accueillir un projet urbain de grande ampleur. Une mise en valeur du fluvial est voulue, notamment sur le créneau
« tourisme fluvial » et sur la desserte des chantiers à venir.
(au centre l'estacade installée par le Port Autonome de Paris)
crédit photo : Paul-Hervé Lavessière - 2009
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 62
Ceci-dit, les documents d'urbanisme sont, en plus d'être des documents opérationnels, des instances de concertation entre les différents
acteurs.
Même si ces idées comme, le nécessaire principe de précaution vis à vis des emprises fluviales en ville ou, le fait de penser la logistique à
l'échelle de l'agglomération par exemple, ne sont pas encore bien intégrée dans les documents (et que du coup, il est impossible pour le
moment de se lancer dans l'opérationnel) la révision de ces documents d'urbanisme et la concertation liée permet aux différents acteurs de
se rencontrer, de dialoguer. Ainsi, les idées se développent et une pédagogie est menée peu à peu vis à vis des décideurs.
Les acteurs tels que VNF ou les ports fluviaux comme le « PAP » ou « Ports de Lille » comptent aussi sur les différents services de
l'aménagement (DDE, DRE, etc.) pour faire passer ce message auprès des décideurs.
Plusieurs documents existent pour organiser l'aménagement du territoire, à différentes échelles. La prise en compte de la
logistique et du transport de marchandises en ville dans les documents d'urbanisme est un fait récent. Cependant, ce thème reste
toujours secondaire par rapport aux autres thématiques, et même quand il y a engagement, pour une politique foncière par
exemple, celui-ci a du mal à se traduire au niveau local, celui de la parcelle. Ces outils, que sont les documents d'urbanisme, ont
pourtant une forte capacité à pouvoir assurer cette promotion d'un report modal vers le fluvial pour la desserte urbaine. Ils ont
seulement besoin d'un portage politique fort sur les thématiques « marchandises ».
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 63
III.2) QUELLE S LOGIQUE S POU R LES DIFFERENT S A CTEUR S ?
Il y a un nombre important d'acteurs qui entrent en jeu. Ceux-ci sont concernés à des échelles variables ont des logiques qui différent.
Il y a deux niveaux dans la mise en place d'une politique de transport de marchandises en ville ; ils sont :
− l'organisation de la concertation pour faire ce lien entre politique de ville et monde des transports. Cette concertation est
notamment celle qui permet à VNF ou aux ports fluviaux de rencontrer les décideurs pour leur faire partager leur point de vue.
− La prestation de service logistique.
Dans l'article rédigé par Christophe Ripert dans le numéro de juillet-aout 2008 de la revue « Transport », un accent particulier est mis sur le
fait que l'autorité organisatrice ne peut en aucun cas devenir « transporteur ou logisticien ». La solution ne peut donc pas être uniquement
un investissement du public. La mise en place d'un dispositif innovant en matière de logistique urbaine semble devoir être le résultat d'un
mélange entre investissement du public et participation active du privé.
→ Qui sont ces acteurs et en quoi peuvent-ils agirent sur la logistique urbaine fluviale?
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 64
III.2.1) la mairie et le pouvoir de police :
La municipalité dispose du pouvoir de police du maire, qui permet de veiller à l'ordre sur la voie publique. Cette approche vis à vis de la
question des marchandises en ville est plutôt défensive, ce qui est très différent d'une activité de gestion (DABLANC, 2006). Il s'agit de faire
au mieux en fonction des flux qui arrivent.
Ce pouvoir de police est cependant indispensable pour qu'il y ait une évolution. Il est un outil à manier avec subtilité. En effet, si les règles
sont trop contraignantes elles sont peu respectées et quand les infractions sont trop nombreuses, il n'est plus possible de les verbaliser et
donc de faire respecter la règle.
→ La mise en place du Beerboat à Utrecht s'est faite à la suite de la mise en place d'une politique de plus en plus
restrictive concernant l'accès des véhicules de livraison au centre-ville. Cette utilisation du pouvoir de police par la
municipalité a été efficace notamment grâce à une réactivité à la fois de la part du secteur privé et de la part de la
municipalité, qui a réaliser la réhabilitation du bateau.
En France, ce pouvoir de police est très utilisé notamment en ce qui concerne le transit de camions poids lourds au sein des communes.
Les municipalités peuvent demander au préfet de mettre en place un arrêté préfectoral interdisant le transit de certains types de véhicules
(le poids de ces véhicules est en général le facteur retenu) sur certains espaces de la commune. Cependant, ce système a ses limites et
peut mener à des situations de blocage. Au sud de Lille, beaucoup de communes sont concernées par des arrêtés préfectoraux limitant le
transit de poids lourds. A force, il n'est plus possible de passer nulle part et finalement les règles ne sont pas respectées et difficile à
contrôler.
Comment différencie-t-on en effet le camion en transit de celui qui s'apprête à effectuer une livraison et de celui
qui vient de l'effectuer? De plus il n'y a visuellement rien qui permette de distinguer un camion de 15 tonnes d'un
camions de 3,5 tonnes alors même que des arrêtés préfectoraux sont basés sur ces notions de poids. Ce pouvoir
de police est assez limité et parfois peu efficace car difficile à appliquer.
Il est nécessaire aussi de prendre en compte les besoins du secteur privé. La révision du PDU s'accompagne de beaucoup d'espoir
concernant une harmonisation des ces réglementation et la définition d'une hiérarchie sur le réseau routier.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 65
L'échelle est un élément important pour comprendre la position des communes sur la question. La commune réfléchit à l'échelle de ses
propres limites administratives, cadre qui peut paraître restreint et qui ne permet pas une cohérence à des échelles plus larges. Cependant,
l'étude « GERARDIN Conseil – Interface Transport » de 2001 sur le transport de marchandises dans la métropole lilloise révélait que les
problèmes liés au transport de marchandises dans la métropole lilloise avaient lieu principalement dans les centre-villes de Lille, Roubaix et
Tourcoing, donc à l'échelle des communes. Cette échelle est celle à laquelle les problèmes les plus aigus (congestion, nuisances) se
posent ; elle pourrait être celle à laquelle on tente de les régler. A Paris, c'est bien la mairie qui a élaboré sa propre politique « transport de
marchandises ».
A Lille, il y a eu une initiative prise par la mairie de Lille sur les marchandises. Cela a consisté en des expérimentations sur des places de
livraisons en ville qui pouvaient être des places de parking en dehors des horaires de livraison. Cette expérimentation a eu lieu sur deux site
(rue Esquermoise et rue Gambetta). Finalement, cela n'a pas donné de suites. Cependant, cette initiative met en évidence les pouvoirs que
peut avoir une commune sur le sujet. L'expérimentation en logistique urbaine pour une commune comme Lille peut difficilement aller plus
loin si elle est seule. (Lille est une commune de seulement un peu plus de 220 000 habitants et ses ressources ne sont rien comparée à Lille
Métropole).
Enfin, la commune a la compétence urbanisme via l'élaboration des PLU et la délivrances des permis de construire. Lorsqu'un projet urbain
est imaginé sur une emprise fluviale, c'est au maire d'accorder ou non le permis de construire selon le règlement en vigueur. Rien ne
semble devoir empêcher un maire de s'opposer à un projet urbain sous prétexte qu'il se situe bord à canal. Ce pouvoir est donc l'un des
plus importants mais il n'est pas encore mis en rapport avec ces enjeux de marchandise à échelle communautaire.
Enfin, en termes de ressources pécuniaires, les communes ne sont pas les plus à même de réaliser des investissements de grande
ampleur, surtout lorsque les communes d'un EPCI ont opté pour la taxe professionnelle unique. Dans ce cas, c'est plutôt l'intercommunalité
qui dispose de moyens financiers suffisants.
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III.2.2) L'agglomération et la compétence Aménagement
Elle a la compétences « Aménagement » via l'élaboration des documents tels que le SCOT ou le PLU lorsque celui-ci est communautaire.
Les SCOT sont intéressants pour la promotion du fluvial pour la desserte urbaine.
L'agglomération a aussi la compétence « développement économique ». Via le projet communautaire « 1000 hectares pour la Métropole »,
LMCU cherche à orienter les investisseurs potentiels vers le foncier économique disponible et le plus adapté aux activités. Le fluvial y est
ignoré, même pour des parcelles situées bord à canal. Aucun élément ne guide le privé à choisir la voie d'eau plutôt qu'un autre mode de
transport. On n'y insiste pas davantage sur le ferroviaire. Sur la carte, les « sites économiques de grande taille » sont situés principalement
le long de voies routières. Les espaces situés bord à canal sont tous des sites en « Renouvellement Urbain », c'est à dire que leur intérêt
pour de l'activité économique est uniquement leur potentiel d'accueil de constructions de bureaux. Ces sont donc des activités qui génèrent
peu de flux de marchandises, du moins pas suffisamment pour envisager du transport fluvial ; on ne livrera pas par bateau les fournitures
nécessaires aux activités de bureau!
Pourtant, un tel programme serait pourtant intéressant puisqu'il a vocation à orienter les investisseurs vers du foncier disponible. Cette
compétence « Animation Economique » gagnerait à être connectée à la démarche PDU.
Nous avons vu que le SCOT pouvait être un outil intéressant, en particulier pour le fluvial puisqu'il permet de réfléchir à une échelle se
situant entre l'intérêt des communes et celui de l'agglomération.
La communauté d'agglomération est un acteur puissant disposant de ressources financières très importantes. Le budget annuel de LMCU
approche les 1500 M€ (source LMCU). Pour comparaison le budget annuel de la mairie de Lille est d'un peu plus de 250 M€ (source :
mairie de Lille).
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 67
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 68
III.2.3) Région, Etat, autres acteurs
• Le Conseil Régional : en quelle mesure la région peut-elle s'intéresser à la problématique des transports? Elle peut le faire au
titre du développement économique. En effet, Un conseil régional a « compétence pour promouvoir le développement économique (…) de la
région et l'aménagement de son territoire (…) » (article L4221-1 du code des collectivités territoriales). C'est dans ce sens que La Région
Nord Pas de Calais a rédigé et adopté en 2006 son schéma Régional des Transports. Ce SRT est une composante du SRADT (Schéma
Régional d'Aménagement et de Développement du Territoire). Ce document est un document de prospective établi à l'horizon 2020. Il est
intéressant car il révèle la volonté d'une cohérence entre aménagement du territoire et transport.
Une Région peut être directement responsable de la gestion de certains équipements logistiques : en effet elle peut aujourd'hui« créer,
aménager et exploiter des ports maritimes de commerce ou de pêche » (article L601-1 du code des ports maritimes) (DABLANC 2007).
Ce sont ces compétences (ainsi que celles relatives au développement économique) qui peuvent justifier des mesures telles que l’aide à
l’investissement en matériel spécifique de transport combiné.
La situation actuelle est ainsi : les marchés, investissements et règlementations du transport de marchandises s'organisent plutôt au niveau
national et/ou européen alors que les problèmes liés aux nuisances générées par ce même transport se ressentent plutôt au niveau local
des communes et des intercommunalités. Quelle peut être le rôle d'une Région dans cette situation générale?
Dans ce cas les compétences que la région peut mettre en avant pour se positionner davantage sur la question des marchandises en ville
sont :
− le développement économique
− la planification des transports (accessibilité ferroviaire ou fluviale des ports)
− la qualité de l'air
− la formation professionnelle (formation des transporteurs)
Depuis mars 2006, les Contrats de Plan Etat-Région sont devenus les Contrats de Projet Etat-Région et le contenu a été revu. L'une des
principales modifications a été d'écarter les Régions de l'aménagement routier. Cela ne va-t-il pas contribuer à isoler davantage encore les
institutions régionales des enjeux liés au transport des marchandises et à la localisation des équipements logistiques ? (DABLANC 2007)
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 69
Cette question ne semble pas trop se poser pour le Conseil Régional du Nord Pas de Calais qui, en plus d'avoir rédigé son Schéma
Régional des Transports, s'intéresse de près aux ports de la région.
En effet, la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales rend les Conseils Régionaux aptes à devenir
propriétaires des ports nationaux. La Région Nord Pas de Calais est déjà propriétaire des ports de Boulogne et de Calais depuis le 01/01/07.
Cette même loi autorise aussi les Conseil Régionaux à prendre compétence pour la gestion des ports fluviaux et des voies navigables. La
Région Nord Pas de Calais s'intéresse de près au port de Lille et pourrait un jour se rendre propriétaire du foncier et gestionnaire du port.
Ce positionnement du Conseil Régional sur les différents sites portuaires de la Région conduirait à l'élaboration d'un schéma régional du
transport fluvial qui conduirait les ports à fonctionner davantage de façon coopérative. Actuellement les différents ports de la Région
émanent de CCI différentes ayant le plus souvent leur logiques propres.
Le Conseil Régional, par son échelle de réflexion, ne peut s'intéresser de manière directe à des questions purement urbaines. Cependant,
son positionnement sur les différents sites portuaires et voies navigables de la région peut en faire un acteur incontournable pour les
collectivités locales souhaitant développer le transport de marchandises pour la desserte urbaine. La plateforme DELTA3 de Dourges pour
laquelle le Conseil Régional s'est engagée est un élément important pour la métropole lilloise puisqu'elle doit permettre une externalisation
des fonctions lourdes présentes sur le port de Lille vers cette plateforme (transit de conteneurs, terminal BTP, etc.). Ceci est un élément
important pour rendre la logistique plus acceptable en ville et donc promouvoir le fluvial pour la desserte urbaine.
La mise au point d'un schéma fluvial régional a forcément des implications au niveau local et en milieu urbain en ce qui concerne les ports
de ville comme celui de Lille. En cela, la Région peut être un acteur important sur cet aspect de la desserte urbaine fluviale.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 70
La DREAL : La Direction Régionale de l'Equipement du Nord Pas de Calais, aujourd'hui devenue Direction Régionale de l'Environnement,
de l'Aménagement et du Logement s'intéresse assez peu à la problématique du transport de marchandises en ville. Elle travaille notamment
sur l'intermodalité du fret à échelle régionale. Elle retranscrit la politique de l'Etat (qui s'engage pour le report modal du routier vers d'autres
modes moins polluants) en finançant par exemple des sites de transfert modal. La DREAL n'a pas vocation à s'intéresser aux affaires
urbaines. Elle travaille plutôt sur les grands corridors, les grands flux de marchandises à échelle régionale. Cela n'est pas clairement inscrit
dans les textes mais sous-entendu puisque l'Etat est maître d'ouvrage sur les grandes infrastructures routières, le réseau ferré et fluvial. On
considère que ce qui se passe à un niveau plus local est l'affaire des collectivités locales.
Cependant, dans ses cofinancements, la DREAL ne fait pas de discrimination. Ainsi, elle peut se trouver à financer un équipement se
trouvant dans un espace urbain au nom du report modal et non de l'aménagement urbain. Indirectement, elle peut donc participer à
l'aménagement des villes et à leur desserte en marchandises. La DREAL Nord Pas de Calais avait notamment participé à la création de la
plateforme Halluin 2 destinée à recevoir les déchets de la métropole qui sont ensuite acheminés vers le Centre de Valorisation Energétique
à quelques centaines de mètres.
Finalement les DREAL ou DRE (pour celles qui resteront ainsi quelques années encore) peuvent constituer des acteurs importants pour la
desserte des villes en marchandises par la voie d'eau. En effet, la voie d'eau à la particularité d'être une propriété de l'Etat gérée par un
établissement public (VNF). Ainsi, l'aménagement d'une infrastructure bord à canal, même en ville pourrait intéresser cette structure et donc
justifier un cofinancement.
• L'Etat et la Directive Territoriale d'Aménagement
La Directive Territoriale d'Aménagement est une opération réalisée à la demande de et sous la responsabilité de l'Etat, dans le cadre de ses
responsabilités d'aménagement du territoire national (MEEDDAT, 2009). Une DTA fixe les « orientations fondamentales de l'Etat ». Cet outil
très important en aménagement, car très puissant, n'a pas vocation à se concentrer sur des question locales, ou urbaine à moins que des
intérêts locaux urbains soient identifiés par l'Etat comme enjeux nationaux et justifient la mise en place d'une DTA sur le territoire en
question.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 71
Il y a peu de chance pour que la livraison de marchandises dans l'agglomération lilloise soit un jour considérée comme un enjeu national.
Cependant, la prise d'importance des enjeux environnementaux de ces dernières années dans les discours politiques pourrait nous en faire
douter. Si l'Etat décidait de lancer un vaste programme concernant la logistique urbaine avec des réalisations à la clef, la DTA pourrait être
un outil intéressant.
Les DTA sont approuvées et faites à la demande de l'Etat mais peuvent également être réalisées à la demande d'un Conseil Régional. Elles
s'établissent à échelle régionale. Il existe une DTA sur le territoire des Alpes du Nord par exemple et la question du report modal vers des
modes doux (ferroviaire) de fret y sont posées.
− VNF :
Voies Navigables de France est un établissement public. Il est, en cette qualité, gestionnaire du réseau magistral des voies navigables de
France. VNF a aussi un rôle de promoteur du mode fluvial auprès des différents acteurs du transport et de l'aménagement. Il participe à la
concertation pour l'élaboration des documents d'urbanisme et tente autant que possible de faire passer le message du principe de
précaution vis à vis des emprises fluviales en milieu urbain. VNF propose une expertise sur les modalités d'utilisation de la voie d'eau pour
différents cas, y compris pour l'aménagement des villes.
VNF est présent dans la concertation et s'inscrit dans la vision long terme de l'élaboration des documents d'urbanisme. A ce titre, la direction
régionale du Nord Pas de Calais a réalisé en 2005 son SRAVE (Schéma Régional d'Aménagement des Voies d'Eau) et a collaboré avec
« Ports de Lille » à l'élaboration d'un document de prospective sur l'avenir des ports fluviaux dans la région.
VNF est gestionnaire d'un réseau magistral mais aussi d'un réseau secondaire dit « décentralisable ». Il s'agit pour la métropole lilloise des
délaissés de Deule, de la Marque Urbaine et du canal de Roubaix. Ce réseau pourrait à terme être géré par une collectivité locale. Cette
réflexion avait été accélérée par le projet BlueLinks pour lequel il était question que les collectivités se rendent propriétaires de ce réseau
secondaire. Martine Aubry a exprimé récemment une demande auprès du préfet afin que la question soit posée pour l'ensemble du réseau
secondaire A terme, VNF pourrait ne plus avoir à gérer ce réseau secondaire, ce serait ainsi un rôle assumé par les collectivités.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 72
Cependant, même sur le réseau décentralisable et à
terme décentralisé, VNF continuerait d'offrir des
prestations de maîtrise d'ouvrage. C'est ce qui est
prévu notamment sur le canal de Lens, sur lequel VNF
doit travailler prochainement, en collaboration avec les
collectivités pour des opérations de curage.
− Les ports fluviaux :
Qu'ils soient autonome (c'est à dire géré par l'Etat) ou
qu'ils émanent d'une CCI (Chambre de Commerce et
d'Industrie), les ports fluviaux sont des acteurs
incontournables pour tout ce qui concerne les rapports
entre ville et port. Généralement, il sont
concessionnaires, c'est à dire qu'ils ne sont pas
propriétaires du foncier (c'est l'Etat qui en est
propriétaire, et peut-être un jour, la Région puisque la
loi les y autorise dorénavant). Tout d'abord, ils sont
directement concernés par le transport fluvial et leur
intérêt premier est que le trafic de fret fluvial se
développe. Ils accueilleraient donc de façon positive et
encourageraient toute volonté de la collectivité allant dans le sens d'un développement du transport fluvial pour la desserte urbaine . De
plus, ces instances sont très en rapport avec les chargeurs et transporteurs privés. Ils constituent donc des interlocuteurs privilégiés pour la
création d'un partenariat public/privé.
Le port de Lille communique régulièrement auprès des décideurs locaux sur l'intérêt que représente le port pour la métropole lilloise.
Récemment il a élaboré un « Schéma Directeur des Infrastructures Portuaires du Port de Lille dans la Communauté Urbaine de Lille
Métropole à 20 ans » (carte 16). Ce schéma identifie les différents sites gérés par le port de Lille et propose des pistes à suivre afin de
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 73
carte 15: document présenté dans le document de prospective réalisé par Ports de Lille et auquel VNF a participé.
permettre leur développement au sein de l'espace urbain. La dimension politique y est importante. Ce type d'étude a une dimension
pédagogique envers les décideurs et a pour vocation de montrer que le port de Lille s'inscrit comme un acteur à part entière de
l'aménagement du territoire local et non simplement comme un gestionnaire. Par ces études, le port de Lille montre qu'il se préoccupe des
politiques locales. En ce sens, il propose des compromis et cherche à faire prendre conscience aux décideurs de l'atout que représente la
présence du réseau grand gabarit et du port de Lille en tant qu'acteur.
Le port de Lille et le Port de Paris sont membres d'un club du nom de Dipcity dans lequel ils se retrouvent en compagnie des ports de
Bruxelles et Liège. Ce club cofinancé par les fonds INTERREG de l'Union Européenne a pour but d'instaurer un dialogue entre ces ports
afin qu'ils puissent partager leurs expériences respectives en tant que ports urbains. Cette attitude de recherche de partenaires pour de
l'échange d'expérience fait du port un acteur important pour la ville et son rayonnement.
− l'ADEME peut cofinancer des études et participer à la concertation liée à la réalisation des documents d'urbanisme. Elle propose
une expertise notamment sur des questions environnementales. L'ADEME est assez proche de la Région via l'existence du FRAMEE
(Fond Régional d'Aide à la Maîtrise de l'Energie et de l'Environnement) qui est une aide accordée par le Conseil Régional permettant des
recherches et réalisations notamment pour l'optimisation des transports et déplacements. L'ADEME est aujourd'hui un acteur important pour
le transport de marchandises en ville mais pour l'opérationnel, cela dépendra toujours de volontés politiques. Elle peut être un partenaire
intéressant et un cofinanceur intéressant et veut être moteur sur ces thématiques. Sa présence lors de l'élaboration des documents
d'urbanisme est intéressante puisqu'elle peut faire partager ses connaissances sur les aspects environnementaux. Ceci dit, elle n'est pas
systématiquement invitée à participer et elle ne peut pas non plus s'imposer dans le débat. Elle constitue un interlocuteur privilégié dans
toute démarche d'aménagement. Elle serait favorable à un report modal sur le fluvial pour la desserte urbaine.
− l'aire d'appel à coopération métropolitaine : Ce périmètre regroupe celui de l'appel à projet lancé par la DATAR en 2005 et qui
regroupe la métropole lilloise et le bassin minier et comprend aussi des collectivités belges transfrontalières. L'idée avait été lancée de
réaliser une étude sur la logistique à cette échelle parce qu'elle correspondrait davantage à la logiques des transporteurs (l'échelle de la
métropole se retrouve vite trop restreinte en ce sens). Cette idée lancée notamment par des élus de Lille Métropole était certes modeste (il
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 74
s'agissait uniquement de réaliser une étude) mais chargée d'enjeux importants (réfléchir à l'identification d'espaces pour l'accueil
d'infrastructures par exemple). Assez rapidement, le nombre d'acteurs participant n'a pas permis à l'étude d'avancer et les financements ont
eu du mal à être trouvés. Pour le moment, cette étude est à l'arrêt.
De plus, l'échelle de cette étude se pose en porte à faux vis à vis de la Région Nord Pas de Calais qui elle-même définit sa politique des
transports. Elle aurait été présente parmi les participants à ce projet d'élaboration d'un schéma transfrontalier.
Pour l'instant, cette structure ne peut pas intervenir sur la logistique urbaine mais à terme, elle pourrait prendre de l'importance et en tant
qu'instance de concertation, permettre une capitalisation des connaissances sur le sujet de la logistique, fluviale notamment.
− l'Union Européenne : la démarche « projet innovant » encouragée par l'Union Européenne par le biais des différents appels à
projet qu'elle émet peut être intéressante car elle pourrait motiver un appui financier. Le club DipCity créé dans le cadre du programme
européen INTERREG IIIB permet des échanges d'expériences entre les ports de Bruxelles, Liège, Lille et Paris. L'Union européenne
participe au financement de ce club à hauteur de 2.1 millions d'euros (autant que ce qu'auront investit ensemble les quatre ports
concernés). Ce cofinancement de la part de l'Union Européenne permet à ces ports de partager leurs expériences respectives,
principalement sur le sujet des relations entre port fluvial et ville et de la desserte urbaine par voie d'eau. A terme, il est prévu que cela
débouche sur des réalisations concrètes cofinancées par le Feder (Fonds Européen de Développement Régional). Le but est de limiter à
tout prix le développement du trafic de camion en Europe qui est prévu pour les années à venir et tous les désagréments qui y sont liés.
L'Union européenne est donc un acteur intéressant pour le développement d'un dispositif innovant de report modal.
Elle a aussi lancé le programme ELCIDIS en 1999 portant sur le Transport de Marchandises en Ville et dont a découlé le système rochelais
du même nom de livraison de marchandises en ville par véhicule electrique.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 75
Sur le territoire de la métropole lilloise comme dans beaucoup d'autres territoires français, les jeux d'acteurs sont complexes
lorsqu'il s'agit de mettre en relation le monde des transports et celui de l'urbanisme. D'autant que d'autres acteurs institutionnels
peuvent entrer en jeu (comme l'Union Européenne ou la Région par exemple). Ce paysage complexe est à prendre en compte si
l'on veut promouvoir une desserte urbaine reportée en partie sur le fluvial. Les logiques sont différentes mais la connaissance de
ces divergences de points de vue peut aider à construire un projet fédérateur et ainsi créer les conditions pour qu'émergent des
partenariats et donc, si cela est nécessaire, des cofinancements.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 76
III.3) QUELLE GOUVER N A N CE ?
La mise en place d'un dispositif permettant un report modal sur le fluvial pour la desserte urbaine suggère des jeux d'acteurs complexes et
donc des questions liées à la gouvernance d'un tel projet. Qui doit impulser et organiser entre secteur public et privé? Plusieurs pistes sont
envisageables.
III.3.1) Un service public assuré par le secteur public.
Le statuquo peut être satisfaisant pour une partie du secteur privé, en particulier celui du transport de marchandises mais puisque c'est le
public qui cherche à amorcer un changement, il peut paraître légitime que ce soit lui qui investisse en premier.
On estime alors que cette prestation relève d'un service public, pour une amélioration des conditions de vie. C'est ce qui est fait à La
Rochelle avec la plateforme ELCIDIS depuis 2001. Cette plateforme financée au départ par la communauté d'agglomération de la Rochelle
et des fonds européens regroupe les marchandises destinées aux livraisons en ville et permet aux livreurs d'emprunter des véhicules
électriques pour la livraison finale. En 2002, plus de 1600 tonnes de marchandises ont ainsi été livrées par ce dispositif de véhicules
électriques. A l'origine ce projet résulte d'un programme européen lancé en 1999 du même nom (ELCIDIS).
La communauté d'agglomération trouve son bénéfice dans l'amélioration des conditions de vie qui en découle, particulièrement sur le plan
environnemental (ADEME, INTERFACE TRANSPORT, 2004).
Il faut avoir conscience du portage politique qui est nécessaire à la mise en place d'un tel dispositif et du coût financier lié : la moitié d'un
budget global de 900 000€ soit 450 000€ sont à assumer pour la communauté d'agglomération selon le budget prévisionnel initial, (ce qui
représente moins de 2% du budget consacré aux « services de proximité à caractère environnemental, à la mobilité et aux transports »).
Cela a été intégré dans le Plan de Déplacement Urbain de l'agglomération rochelaise.
A Utrecht, c'est aussi le public qui assure l'entretien, l'assurance, le pilotage du Beerboat. Les privés sont uniquement locataires de cette
prestation.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 77
III.3.2) Un marché intéressant
Les enjeux économiques liés sont importants. On peut imaginer que des entreprises privées s'en saisissent et parviennent à en dégager
des bénéfices. Cela serait possible puisque le transport fluvial est le moins cher de tous dés lors qu'il est suffisamment massifié. Un privé
pourrait réaliser une étude de marché et convaincre un certain nombre d'établissements de reporter des commandes sur lui.
A Lille, si un acteur privé décidait de regrouper des commandes de produits identiques et de les faire venir par bateau, le coût global du
transport couterait moins cher que dans la situation actuelle dans laquelle un grand nombre de camions est nécessaire. Il serait possible
pour cet acteur de dégager une marge tout en proposant aux clients une prix inférieur à celui qu'ils paient aujourd'hui.
Un promoteur privé pourrait assurer un transport de marchandises par bateau entre le port de Lille et le centre-ville de Wasquehal.
Soyons sérieux ; il y a très peu de chances pour qu'un dispositif innovant puisse exister dans ce domaine par simple volonté d'un acteur
privé. Il sera toujours nécessaire que le public s'investisse puisque dans la situation actuelle, le coût du transport par camion est trop faible
pour qu'un changement s'opère par la simple « loi du marché ».
III.3.3) Le partenariat public-privé pour une gouvernance efficace et motivante pour tous.
Cela semble être la solution la plus efficace et la plus possible. En effet, en cherchant à mettre autour de la table les deux secteurs, on
évitera l'attitude consistant à attendre un signe de la part de l'autre pour agir. Cependant, il semble qu'il soit du ressort du public de donner
la première impulsion. Il doit cependant laisser une part suffisante de responsabilité au privé pour ne pas se substituer à lui.
Le secteur public pourrait dans un premier organiser et animer la concertation qui réunirait les acteurs de l'aménagement et de l'urbanisme
ainsi que ceux du transport et de la logistique. Il conviendrait ensuite de réfléchir aux modalités de réalisation et de décider de la place de
chacun.
Le défi est pour le public, de réussir à impulser une dynamique sans pour autant mettre en péril et susciter l'incompréhension de la part du
secteur des transports (qui est très concurrentiel).
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 78
Cette réflexion est menée actuellement à l'échelle de la région parisienne. La question est de savoir si une instance pré-existante peut se
voir chargée de cette mission (organiser cette concertation) ou s'il est nécessaire d'ordonner la création d'un organisme spécifique. Dans le
premier cas, l'instance de concertation PDU peut convenir. (RIPERT, 2008)
Le fait que cette thématique se situe au point de rencontre entre le monde des transports (privé) et celui de l'urbanisme (public),
renvoie à la question suivante : qui doit organiser / assurer la prestation? S'il est a priori possible que le privé et le public soient
intéressés individuellement, c'est la piste du partenariat public/privé qui semble offrir le plus d'opportunités et de durabilité à un
projet de logistique urbaine fluviale.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 79
III.4) PROPO SITION DE S C EN A RII POU R L A M ETROPOLE LILLOISE
Nous avons vu quels étaient les acteurs impliqués ou potentiellement impliqués dans la logistique urbaine et le transport fluvial dans la
Région. Afin d'illustrer ce que pourrait être cette utilisation du fluvial pour la desserte urbaine, il convient de présenter quelques exemples de
ce qui pourrait se faire dans la métropole. Ces scénarii sont inspirés de cas étrangers ou français.
Une constante restera l'utilisation de la Deûle pour l'acheminement des marchandises jusqu'au port de Lille. Le grand gabarit présent dans
la ville de Lille sur tout un linéaire dans l'agglomération est une opportunité à valoriser.
Nous ne reviendrons pas sur l'histoire « du lièvre et de la tortue » ; dans chaque scénario, il faut prendre en compte les avantages et
inconvénients du fluvial en général. A savoir : le fluvial est plus lent que le routier mais il ne subit pas les embouteillages, ne provoque
jamais d'accident, ne génère pratiquement pas de nuisances sonores, pollue moins que le routier (dés lors qu'il est suffisamment chargé) et
est économiquement compétitif (dans ces mêmes conditions).
Scénario 1 : « Port fluvial et transport combiné »
Il s'agirait de faire arriver les marchandises sur le port de Lille, de pouvoir les stocker de manière temporaire sur place puis d'organiser une
desserte dans la ville par des modes doux (vélo triporteur ou véhicule électrique). Cela reviendrait par exemple à installer sur le site du port
de Lille une infrastructure adaptée comme le « CityHub » imaginé par « Urban Real Estate » (exemple détaillé page 41). On jouerait alors
sur les aspects 1 et 2 identifiés en première partie, c'est à dire, l'opportunité que constitue la présence du port fluvial en tant que foncier
dans la ville, et la connexion au réseau grand gabarit permettant d'accueillir des marchandises par bateau.
− Avantage : On n'ajouterait pas de camions supplémentaires dans la ville et il y aurait des possibilités de création d'emplois,
notamment pour la partie « desserte finale ». En effet il existe des possibilités de monter un projet de type « Economie Sociale et Solidaire »
pour de la livraison par vélo triporteur puisque ceci ne nécessite pas de qualification particulières. Le dispositif pourrait donc devenir un outil
de la collectivité pour l'« appui aux publics en insertion » (ce qui peut être séduisant pour des élus).
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 80
− Difficultés : organiser l'acheminement jusqu'au port de Lille par bateau (cela nécessite d'identifier les chargeurs potentiels) Est-ce
que le public peut intervenir à cette étape-ci? Un investissement important est à réaliser pour la desserte finale (a priori par le secteur
public). Il y aurait donc un coût relativement important.
Scénario 2 : « Freycinet pour le dernier kilomètre»
Il s'agirait d'utiliser le réseau local de canaux pour la desserte finale. Ce réseau comprend la Marque Urbaine qui permet un accès jusqu'au
centre-ville de Wasquehal, ainsi que la Deûle et, si la remise en eau du Vieux Lille est effectuée jusqu'au bout (plusieurs mandats sans
changement de cap seraient nécessaires pour cela), l'actuelle avenue du peuple belge. Il s'agirait de regrouper les marchandises sur le port
de Lille puis de les charger sur une péniche au gabarit Freycinet (qui permet le passage des écluses de la Marque Urbaine ainsi que l'entrée
dans le Vieux Lille si celui-ci est remis en eau). Cette péniche pourrait ensuite alimenter un Espace Logistique Urbain situé bord à canal. Les
clients se déplaceraient ensuite pour récupérer les marchandises à partir de cet ELU.
− Avantages : On évite un trafic de camion entre le port de Lille et le Vieux Lille ainsi qu'en le port de Lille et Wasquehal.
− Difficultés : Cela nécessite l'achat d'une péniche Freycinet (par le public? Le privé?) Il est aussi difficile d'identifier les chargeurs
potentiels à Wasquehal ou dans le ieux Lille. Comment faire en sorte que les commandes soient mutualisées, ce qui est nécessaire pour
pouvoir massifier?
De plus cela suggère une rupture de charge entre la première péniche et le port de Lille puis une seconde entre le port de Lille et la péniche
Freycinet (à savoir : à Utrecht, cela ne pose pas de problème) et une encore entre la péniche et l'ELU. La dernière étape est assurée par le
client lui-même.
Wasquehal n'est pas un gros générateur de flux donc il serait difficile de motiver un tel investissement. Concernant le vieux Lille, la remise
en eau n'est pas encore effectuée. Elle est prévue pur être faite en trois phases dont seule la première devrait concerner l'actuel mandat de
Martine Aubry à la mairie de Lille. De plus il n'y a pas encore de gros générateurs de flux qui soient concentrés autour de cette avenue du
peuple belge. L'un des buts de cette remise en eau du vieux Lille est justement d'étirer la bulle économique de l'hypercentre vers ce linéaire
qu'est l'avenue du peuple belge. Cela devrait y faire se développer cafés, hôtels et restaurants. Ainsi, on peut imaginer un réplique du
Beerboat utrechtois.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 81
Il est évident qu'une idée de Beerboat pour le vieux Lille est difficile à défendre aujourd'hui et ne pourrait en aucun cas justifier l'opération à
elle toute seule. Cependant, dans le cas où cette remise en eau est effectuée, pourquoi se priver d'utiliser cette voie d'eau pour de la
logistique urbaine?
Scénario 3 : Transport Combiné Fleuve-Rail
Lorsque l'on parle de transport combiné, il est question de garder une cohérence dans les choix modaux effectués aux différentes étapes de
la chaîne logistique. Ainsi, quand les marchandises arrivent sur le port de Lille pour desservir les pôles économiques de Roubaix et
Tourcoing, il convient de réfléchir à d'autres modes de transport peu polluant. La métropole lilloise est très pourvue en voies de chemin de
fer ; il y existe traditionnellement un réseau dense de voies et de gares. Aujourd'hui ce réseau est assez peu utilisé.
Le port de Lille dispose d'un embranchement fer qui lui permettrait a priori de se connecter à l'ensemble du territoire environnant. On peut
imaginer un scénario dans lequel les marchandises arrivées par bateau sur le port de Lille sont ensuite chargées sur des trains pour aller
desservir Roubaix et Tourcoing (figurant parmi les plus générateurs de flux de marchandises de la métropole, notamment à cause de la
filière vente à distance qui y est présente).
− Avantages : on évite un flux important de camions sur un axe saturé (Lille – Roubaix – Tourcoing)
− Difficultés : la complémentarité fer / fleuve est quelque chose de difficile à réaliser. En général, les deux modes sont plutôt en
concurrence.
Ce qui ressort le plus à travers l'élaboration de tels scenarri reste la difficulté à rendre les flux davantage massifiés. En effet, une brève
étude de la situation rend compte de la dispersion des commandes. Il existe un certain « individualisme méthodologique » des activités
logistiques dans la métropole lilloise. En effet, il semble que la situation générale ne soit que l'addition des démarches individuelles des
différents acteurs. Dans ce cas, il apparaît comme difficile de réaliser l'étape la plus indispensable pour faire du transport fluvial : la
massification.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 82
Quels seraient alors les outils qui permettraient de réaliser ce report modal vers le fluvial pour la desserte des villes? Il serait nécessaire
d'avoir des données précises sur l'origine des marchandises livrées dans la métropole. Un diagnostic à l'échelle des communes et de la
communauté urbaine pourrait être intéressant.
Ensuite, afin de ne pas être bloqué par la complexité liée à la diversité des marchandises transportées et des types d'activités liées
(magasins, restaurants, supermarchés, etc.), il peut être intéressant de se focaliser sur un type d'activité en particulier, ou bien un type de
marchandises. L'exemple du Beerboat est en cela intéressant. Il ne livre que des biens nécessaires à l'activités des restaurants et bars.
Peut-être serait-il intéressant de faire de même sur la métropole lilloise ou bien une autre marchandise mériterait-elle plus d'attention en
priorité? Cela reste à étudier, pour le moment, nous n'avons que peu d'information à ce sujet.
Il s'agirait par exemple de mener une étude sur tous les cafés, hôtels et restaurants présents sur la commune de Lille pour savoir d'où
proviennent les boissons qu'ils distribuent. D'où proviennent les boissons servies sur les terrasse de café lilloises? Est-il possible de
regrouper ces flux pour les faire arriver par bateau sur le port de Lille pour ensuite les distribuer dans la ville? Comment mener ces
recherches alors que le domaine des transports est un domaine concurrentiel et que les collectivités locales veulent contribuer à créer les
conditions de la croissance économique? Face à ces questions, la mise en place d'une instance de concertation entre tous les acteurs
concernés pourrait être une première réponse.
L'exemple du transport de déchets dans la métropole lilloise est en cela emblématique de l'intérêt que peut avoir le fluvial au niveau de la
ville-même. Il a fonctionné notamment parce qu'il répondait à des besoins constants, pour des marchandises bien ciblées et aisément
massifiable.
Ces projets sont théoriques et sont difficilement envisageables dans l'état actuel des choses. Cette étude comprend cette partie
davantage pour mettre en évidence les jeux d'acteur potentiels, s'il y avait réalisation en faveur d'un report modal vers le fluvial
pour la desserte urbaine.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 83
C O N CLU SION
La ville concentre les activités humaines et toute activité génère des flux de marchandises. Les usines ont besoin de matières premières, les
bureaux ont besoin de matériel informatique, de fournitures et de bouteilles d'eau minérale. Les pharmacies, les hôpitaux, les cantines
scolaires doivent régulièrement être approvisionnées en marchandises. Il n'est pas un domaine d'activité qui ne génère de flux.
Si la ville concentre des activités, elle est aussi un territoire sous pression car sur un espace restreint. La pression foncière est l'enjeu même
de la ville.
La prise de conscience vis à vis des enjeux que représentent le transport de marchandises en ville et dans une vision plus large, la
logistique dans la ville (qui comprend toutes les étapes, y compris le stockage, la manutention, etc.) est récente. En effet, le domaine du
transport de marchandises est un domaine concurrentiel, pourvoyeur d'emplois très variés et très bien installé dans le paysage
économique ; il y a peu de raison pour les décideurs de s'y intéresser au delà des infrastructures à construire pour créer un cadre propice à
la circulation des marchandises. Cette compétence « aménagement » est abordée localement plus sous l'angle de la technique que du
stratégique ou bien s'il y avait stratégie, celle-ci était envisagée à échelle large, dans une recherche « d'équilibre territorial » par exemple.
Cependant, on se s'était pas beaucoup intéressé avant les années 1990' à l'enjeu que représente le dernier kilomètre. Ce dernier kilomètre
souvent effectué dans un espace contraint (la ville) et dans un temps restreint, est pour les habitants des villes la seule partie visible du
système.
La voie d'eau est un élément intéressant pour les villes dans leur aménagement. En plus des aménités qu'elle apporte, elle offre un accès,
parfois (souvent) grand gabarit, aux coeurs des villes, lieux de vie économique intense.
Nous avons vu en quoi la voie d'eau représentait par rapport à la route des avantages notables, en particuliers environnementaux. Cette
dimension environnementale a pris de l'importance depuis 20 ans et on pense aujourd'hui l'aménagement en fonction d'impératifs fixés ; les
objectifs du Grenelle en matière de report modale en sont la preuve.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 84
Le recours à la voie d'eau pour la desserte urbaine peut faire sourire. En effet, les canaux ne passent pas dans les zones d'activités, ni le
long des supermarchés ou restaurants qui génèrent les flux de marchandises réguliers les plus visibles. Les livraisons vers la ville ont des
origines différentes. Une cartographie résumant l'ensemble des mouvements de marchandises sur une journée pour l'approvisionnement de
la ville de Lille par exemple rendrait compte de l'extrême dispersion de l'origine de ces flux. Nous obtiendrions une toile sous laquelle la voie
d'eau apparaitrait sans lien avec cette trame.
C'est ici que les documents d'urbanisme peuvent avoir un intérêt. En effet, pour la voie d'eau, il est indispensable de réfléchir en amont afin
de situer les générateurs de flux au bord de la voie d'eau. C'est donc à ce niveau que les réflexions sur la localisation des activités peut
prendre du sens. S'il est impossible de faire venir la voie d'eau jusqu'aux activités, en revanche, il est possible de réfléchir en amont à
comment faire en sorte que certaines activités soient installées bord à voie d'eau à partit d'un instant « t ».
La notion de chaîne logistique permet aussi d'envisager la solution fluviale pour la desserte urbaine. C'est ce qui a été explicité ici à travers
les différents scenarii envisagés. Si les marchandises ne peuvent pas être transportées par voie d'eau pour le dernier kilomètre comme c'est
le cas à Utrecht, qui est un cas très particulier, rappelons le, cela pourrait être possible pour les avant-derniers kilomètres. Sur le plan des
concepts, il est nécessaire d'adopter une certaine souplesse. Une logistique urbaine partiellement fluviale s'inscrivant dans une logique de
transport combiné serait satisfaisante.
Cette étude aura permis de mettre en évidence certains aspects bloquant dans la situation actuelle ; le grand nombre d'acteurs par
exemple. Chaque acteur a, un statut différent, un territoire d'action et donc une échelle de réflexion différents, ainsi que des capacités
d'action inégales. L'un des messages de ce document pourrait être « de la nécessité de dialogue entre les différents acteurs ». Il est
important aussi de bien identifier qui fait quoi afin d'éviter les situations d'attente mutuelle. Pendant ce temps, les processus liés à la
pression foncière continuent et les emprises fluviales en ville sont réappropriées de plus en plus. Comme nous l'avons dit plus haut, il n'y a
pas de statu quo ; il y a des forces actives qui mettent en péril les possibilités futures de recours à la voie d'eau pour la desserte urbaine.
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 85
Il est nécessaire aussi de faire un point sur les termes utilisés. La sémiologie est très importante, en particulier parce que l'on touche au
politique et au stratégique, et donc à la communication. La notion de logistique recouvre plusieurs choses. Elle n'est pas que le transport.
Elle recouvre aussi le stockage, la manutention, la gestion des risques, la qualité, etc. Il est nécessaire de faire entendre que la logistique
peut aujourd'hui se faire différemment d'hier. Un ELU ou un quai de déchargement en ville doit être peu bruyant et peu gourmand en
espace. Les réflexion menées, y compris par le secteur privé (exemple de Urban Real Estate pour le City Hub) sont la preuve qu'il est
possible d'envisager la logistique différemment qu'avec des camions et des bases logistiques situées en périphérie.
Il peut être intéressant de sensibiliser les décideurs à propos du leurre que représente l'externalisation automatique en périphérie des
fonctions logistiques. C'est un discours que l'on ne pouvait entendre il y a quelques années mais que les impératifs environnementaux nous
poussent à écouter. Ce « discours » a une dimension positive. Il s'agit de faire prendre conscience des désagréments causés par le
système actuel tout en proposant des solutions alternatives. Une fois encore, il ne s'agit pas de limiter ou de réduire les livraisons en ville,
ce qui serait économiquement suicidaire pour le territoire, mais de chercher à valoriser ces flux.
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ANNEXE S
ACRONYMES....................................................................................................................................................................................................91
BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................................................................................................93
DOCUMENTS GRAPHIQUES..........................................................................................................................................................................94
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Acronymes
ADEME : Agence de l'Environnement et de Maîtrise de l'Energie
ADUL : Agence de Développement et d'Urbanisme de Lille
CUDL : Communauté Urbaine de Lille (=LMCU)
CVE : Centre de Valorisation Energétique
CVO : Centre de Valorisation Organique
DRE : Direction Régionale de l'Equipement (voir DREAL)
DREAL : Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement
ELCIDIS : ELectric vehicle CIty DIstribution Systems
ELU : Espace Logistique Urbain
EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale
EPF : Etablissement Public Foncier
FEDER : Fonds Européen de DÉveloppement Régional
FRAMEE : Fonds Régional d'Aide à la Maîtrise de l'Energie et de l'Environnement
IAURIF : Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Ile de France
LMCU : Lille Métropole Communauté Urbaine
LOTI : Loi d'orientation sur les Transports Intérieurs
MEEDDAT : Ministère de l'Ecologie, de l'Énergie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire
NBSO : Netherland Business Support Office
PAP : Port Autonome de Paris
PDU : Plan de Déplacement Urbain
PLU : Plan Local d'Urbanisme
POS : Plan d'Occupation des Sols
SCOT : Schéma de Cohérence Territoriale
SD : Schéma Directeur
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SDRIF : Schéma Directeur de la Région Ile de France
SERNAM : SERvice NAtional de Messagerie
SRADT : Schéma Régional d'Aménagement du Territoire
SRAVE : Schéma Régional d'Aménagement de la Voie d'Eau
SRT : Schéma Régional des Transports
SRU : loi Solidarité et Renouvellement Urbain
TMV : Transport de Marchandises en Ville
TPU : Taxe Professionnelle Unique
VNF : Voies Navigables de France
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Bibliographie
Mémoires
- Logistique et espaces portuaires en Ile de France : stratégies d'un grand groupe de distribution, Jean Baptiste PUGNAT, Paris, septembre 2006- Le transport de marchandises et la logistique en zone urbaine dense dans les politiques d'aménagement de la Région Ile de France, Manuel Garido
septembre, Paris, 2005.- Transport de Conteneurs sur le Rhin : Quelles logiques de fonctionnement? Vincent Zurbach, Paris, 2004-2005
Ouvrages
- Les transports fluviaux, Marie-Madeleine DAMIEN, PUF - « Que sais-je? », Paris, 1997- Les espaces logistiques urbains, Daniel BOUDOIN, La documentation Française, Paris, 2006- L'administration territoriale en Europe, Institut international d'administration publique – Ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire, Paris, 1993- Ville Portuaire, acteur du développement durable, Michèle COLLIN, L'Harmattan, Paris, 2003
Articles de Presse
- Le transport de marchandises en ville, La politique menée par Paris de 2002 à 2007, Christophe RIPERT, revue Transports n°450, juillet-août 2008
Documents d'urbanisme et/ou de prospective
- PLU de Lille Métropole (édition janvier 2009)- Schéma Directeur Lille Métropole 2001- Schéma Régional d'Aménagement des Voies d'Eau en Nord Pas de Calais, VNF, 2005.- Schéma Régional des Transports en Nord Pas de Calais, Conseil Régional Nord Pas de Calais, Lille, 2007- Réflexions sur les schémas possibles d’organisation et d’aménagement des ports intérieurs et sites fluviaux de la région Nord – Pas-de-Calais, Rapport
d’Etude : Diagnostic, Etude des modalités d’Evolution et Plan d’action, Direction Régionale du Nord – Pas-de-Calais, 2004- Étude pour la réalisation du schéma directeur des infrastructures portuaires du port de Lille dans la communauté Urbaine de Lille Métropole à Vingt ans, Ports
de Lille, 2006. - Schéma Directeur Régional d'Ile de France, 1994- Schéma Directeur Régional d'Ile de France, 2008
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 90
Documents graphiques
EMPRISES FLUVIALES DANS LA METROPOLE LILLOISE ..........................................................................................................................94
DESSERTE DU CENTRE-VILLE D'UTRECHT PAR LA VOIE D'EAU ............................................................................................................. 95
Schéma Technique de Fonctionnement du Centre de Valorisation Organique de Sequedin ...........................................................................96
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 91
Réalisation :Paul-Hervé Lavessière – 2009
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 92
L A DE S SE RTE DU CENTRE-VILLE D'UTRECHT PA R L A VOIE D'EAU
(Réalisation : Paul-Hervé Lavessière - 2009)
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 93
Centre d'Etudes Techniques de l'Equipement Nord Picardie, Département Villes et Territoires 94
Illustration 16: Schéma Technique de Fonctionnement du Centre de Valorisation Organique de Sequedin. Source : LMCU