LA CONFIDENTIALITÉ ET LA PREUVE D’EXPERT DEVANT LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS:
UNE ANALYSE DE QUATRE TRIBUNAUX FÉDÉRAUX
L’INSTITUT CANADIEN : CONFÉRENCE AVANCÉE SUR LE DROIT ADMINISTRATIF LES 4 ET 5 DÉCEMBRE 2003, MONTRÉAL.
COLIN BAXTER
McCarthy Tétrault s.r.l. 40 rue Elgin Suite 1400
Ottawa, Ontario K1P 5K6
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INTRODUCTION1
Toute analyse des règles de preuve applicables devant les tribunaux administratifs pose certains
problèmes. On doit faire face à plusieurs tribunaux, au niveau fédéral ainsi qu’au provincial.
Ceux-ci ont des mandats, des missions, des objets fondamentalement différents.
De plus, soulignons que ces tribunaux attirent plusieurs membres du barreau qui comparaissent
régulièrement devant eux. Ceci a permis à chaque domaine du droit concerné d’atteindre un haut
niveau de spécialisation.
Pour faciliter cette étude, nous allons nous concentrer sur quatre tribunaux en particulier, tous
fédéraux: le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE); le Tribunal canadien des droits
de la personne (TCDP); la Commission du droit d’auteur (CDA); et le Conseil canadien des
relations industrielles (CCRI). Nous étudierons la façon dont ils abordent trois problèmes
rencontrés dans la pratique en matière de droit de la preuve.
Ces problèmes sont les suivants:
1. Comment le tribunal traite-t-il les informations confidentielles et sensibles? Quels mécanismes ou quelles procédures ont étés mises en place pour permettre aux parties de produire un moyen de preuve ou un élément d’information? Comment concilier le principe d’un tribunal ouvert, transparent et accessible au public avec la réticence légitime des parties quant à la diffusion d’informations privilégiées?
2 Comment le tribunal traite t-il la preuve d’experts? Quels éléments de preuve dite «d’experts» seraient utiles ou pertinents devant un tribunal qui est censé être composé lui-même d’experts en la matière, ce qui est bien souvent sa raison d’être?
3 Finalement et de façon succincte, nous allons aborder le secret professionnel en ce qui à trait aux opinions juridiques de l’avocat-conseil. La jurisprudence récente, qui est contradictoire, sera brièvement considérée.
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1. SURVOL RAPIDE DES QUATRE TRIBUNAUX
1.2 Le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE)
Le TCCE a au moins trois mandats législatifs distincts, mais sa compétence s’étend également à
d’autres domaines. Il possède un ensemble de règles et de pratiques qui sont peut être les plus
développées des quatre tribunaux que nous avons étudiés. Ces règles et pratiques sont semblables
à celles d’une cour de justice, bien que plus souples. Ceux-ci lui permettent de fonctionner sans
trop d’accroc2.
Le TCCE a comme compétences principales les éléments qui suivent:
(a) les enquêtes de dommage en application de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LIMSI), en matière de dumping et de subventions.
Environ une quinzaine d’audiences sont tenues par année. La durée de ces dernières peut varier
entre quelques jours et cinq semaines, tout dépendant de l’ampleur des faits et de la complexité
des questions de droit soulevées.
(b) les appels des classifications tarifaires et décisions en matière de taxe d’accise rendues par l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC).
Approximativement 125 procédures par an sont intentées. Entre 35% et 40 % de ces procédures
se résument à de brèves audiences, qui peuvent parfois ne durer qu’un jour seulement.
(c) l’examen des plaintes des candidats écartés par le gouvernement fédéral lors de passations de marchés publics.
Une analyse de la tendance récente démontre qu’à peu près 70 plaintes sont enregistrées par
année. Des enquêtes approfondies sont menées pour la moitié d’entre elles. La procédure est
entièrement écrite, ce qui implique bien évidemment des règles et pratiques probatoires
différentes de celles qui ont été évolué dans un milieu qui favorise l’argumentation orale.
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(d) le TCCE est aussi compétent en matière de saisine et d’allégement tarifaire sur les textiles importés. Il a le pouvoir de mener des enquêtes et de prendre des mesures de sauvegarde dans un bref délai en cas de demandes présentées par les producteurs nationaux.
Cependant, cette activité est moins importante depuis quelques années.
Le TCCE peut compter jusqu'à neuf membres à plein temps, dont un président et deux vice-
présidents, nommés par le gouverneur en conseil pour un mandat de cinq ans maximum.
Actuellement, le TCCE comporte 7 membres et est épaulés par un effectif substantiel composé
de 87 employés.
1.3 Le Tribunal canadien des droits de la personnes (TCDP)
Le Tribunal canadien des droits de la personne est un organisme quasi-judiciaire qui entend les
plaintes de discrimination que lui renvoie la Commission canadienne des droits de la personne
(CCDP). Il décide aussi si les activités faisant l’objet d’une plainte contreviennent à la Loi
canadienne sur les droits de la personne. En principe, le CCDP agit comme un espèce de filtre.
Elle a comme tâche d’éliminer les affaires qui sont, à première vue, sans aucun fondement.
Seulement les cas où l’instruction est justifiée (par exemple, ceux qui ont une véritable valeur
probante) seront référés au TCDP. Somme toute, le Tribunal fonctionne comme une cour de
justice, mais dispose de plus de souplesse que les tribunaux judiciaires.
La Loi en question vise à protéger les personnes contre la discrimination et sert à promouvoir
l’égalité des chances. Le TCDP est la seule entité qui peut décider, sur le plan juridique, s’il y a
eu violation de la Loi.3 En 1996, le mandat du TCDP a été élargi pour inclure l’examen de
l'équité en matière d'emploi.
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Le Tribunal peut comporter jusqu'à 15 membres: un(e) président(e) et un(e) vice-président(e) à
plein temps ainsi que 13 membres à temps plein ou partiel qui bénéficient de l’aide d’une
vingtaine d’employés. En 2002, 55 nouveaux dossiers ont étés enregistrés, ce qui représente une
baisse par rapport à l’année précédente qui en comptait 83. Le taux de règlement à l’amiable était
le même qu’en 2001, soit 85 %, contribuant ainsi à réduire le nombre de jours d’audience. Le
nombre de nouveaux dossiers a tout de même doublé au cours de l’année 2003. Cette tendance à
la hausse semble se confirmer pour 2004. Le tout avec un budget situé entre 4 et 5 millions de
dollars (présentement évalué à 4.2$ millions pour l’année en cours).4
Le Tribunal tient peu d’audiences par an, mais elles ont tendance a être complexes. Plusieurs
facteurs peuvent expliquer ce phénomène. D’une part, les pratiques discriminatoires sont plus
difficiles à déceler. Le Tribunal doit analyser de plus près des comportements qui ne semblent
pas, à première vue, entachés d’un animus illicite. D’autre part, les interventions accrues des
avocats, et surtout les requêtes et objections préliminaires, ont rendu le processus semblable à
celui des tribunaux judiciaires.
1.4 La Commission du droit d’auteur (CDA)
La Commission est un organisme de réglementation économique et a succédé, le premier février
1989, à la Commission d’appel du droit d’auteur. Son mandat est polyvalent et implique
plusieurs obligations différentes. Premièrement, la CDA homologue les tarifs pour la
représentation publique et la télécommunication au public d’oeuvres musicales, ainsi que les
tarifs pour certaines sociétés de gestion pour d’autres actes protégés et pour la retransmission de
signaux éloignés de télévision et de radio. La Commission fixe les redevances, en cas de
mésentente, payables par un utilisateur à une société de gestion. De plus, elle se prononce sur
certaines demandes de licences non-exclusives pour utiliser une oeuvre publiée dont le titulaire
5
du droit d’auteur est introuvable. À la demande du Commissaire de la concurrence, la CDA peut
aussi fixer l’indemnité à verser à l’égard d’actes protégés par des conventions internationales.
Bref, la Commission sert à mettre en oeuvre les aspects procéduraux et judiciaires de la Loi sur
le droit d’auteur.
La Commission est composée d’un président, d’un vice-président et de trois autres membres. La
CDA dispose, en plus, d’un personnel d’une douzaine de personnes, dont au moins un avocat
conseil. Contrairement au TCDP, la Commission se prononce sur très peu d’affaires. En 2002,
par exemple, la Commission n’a tenu que trois audiences et n’a rendu que quatre décisions. Ce
fait a un impact sur la structure, la méthode et la culture même de la Commission, qui diffère en
conséquence des autres tribunaux administratifs sur ces points.
1.5 Le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI)
Le Conseil canadien des relations industrielles est un tribunal quasi-judiciaire, indépendant et
représentatif.
Le Conseil se compose présentement des membres suivants à temps plein : un président, six
vice-présidents et six membres, dont trois qui représentent les employés et trois les employeurs.
Il y a aussi six membres à temps partiel (voir l’article 9 du Code canadien du travail).
Le rôle du CCRI est d’interpréter et d’appliquer la Partie I (Relation du travail) et certaines
dispositions de la Partie II (Santé et sécurité du travail) du Code.
Le Conseil a comme mandat de favoriser l’établissement et le maintien de relations de travail
efficaces dans les installations, ouvrages, entreprises et secteurs d’activité qui relèvent de la
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compétence du Parlement du Canada. Il interprète et applique le Code de façon à favoriser et à
encourager la pratique des libres négociations collectives et le règlement positif des différends.
On estime le nombre d’audiences à près de 50 par an.
2. LE TRAITEMENT DES INFORMATIONS CONFIDENTIELLES
2.2 TRIBUNAL CANADIEN DU COMMERCE EXTÉRIEUR
Article 45 de la Loi sur le TCCE
Le TCCE est pleinement conscient du problème de la confidentialité. En fait, c’est à lui
d’apprécier si des renseignements doivent oui ou non être désignés comme confidentiels et êtres
protégés comme tels. La reconnaissance n’a donc rien d’automatique. Le cas échéant, il
appartient aux parties de fournir une explication succincte mais suffisamment raisonnable pour
convaincre le Tribunal. Si ces derniers ne peuvent argumenter de manière convaincante, le
TCCE notifie à la partie son refus de désigner les renseignements en question comme étant
confidentiels.
Une fois l’information reconnue comme confidentielle, son accès et sa protection sont régis par
l’article 45 de la loi sur le TCCE. La méthode couramment utilisée est de faire signer aux
conseillers qui représentent des parties, qui souhaitent en prendre connaissance, un acte de
déclaration et d’engagement qui les oblige à ne pas révéler les renseignements confidentiels qui
leurs sont divulgués, sauf aux personnes autorisées par le Tribunal5.
La forme prise par cet acte a quelque peu évolué au fil du temps. Sa version la plus récente est
annexée à ce document (Annexe A). Une fois la déclaration signée, le représentant d’une partie
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peut alors avoir accès à toutes les informations confidentielles qui ont été déposé devant le
Tribunal. Ce dernier sépare tous les dossiers en une version publique et une version
confidentielle, lorsque les circonstances de la cause l’exigent.
Si les avocats des parties, qui ont déposé un acte de déclaration et d’engagement sur le traitement
de renseignements confidentiels, reçoivent de la part du Tribunal des renseignements de même
nature sous forme électronique (par ex. disquette), ils sont alors tenus de signer un acte
d’engagement supplémentaire concernant la sécurisation du traitement et la protection de tels
renseignements.
À la fin d’une procédure, ou lorsque les voies de recours ont été épuisées, les représentants des
parties doivent soit remettre les copies des documents en leur possession au Tribunal ou ils
doivent les détruire et lui remettre un certificat de destruction. Ceci doit être effectué dans un
délai raisonnable laissé à l’appréciation du Tribunal.
Le TCCE fait preuve d’une grande vigilance à cet égard. Il assure un suivi très sérieux auprès des
avocats ayant de tels documents en leur possession. Il ira jusqu’à leur téléphoner pour s’assurer
de la destruction des documents en question et pour en obtenir une confirmation écrite.
Il faut souligner que cette obligation de restitution ou de destruction s’applique également aux
notes prises sur la base de ces documents, ainsi qu’à toute reproduction de toute sorte, partielle,
ou totale.
Les avocats doivent également garder à l’esprit que le TCCE admet dans la pratique des pièces à
«exemplaire unique», ce qui peut être utile en cas d’informations très volumineuses. Ces
documents sont déposés dans les locaux du TCCE à Ottawa et ne peuvent être visualisés que là
8
bas. Aucune copie n’est autorisée et les documents sont rendus à leur propriétaire une fois la
procédure achevée.
Changements récents
Depuis l’amendement de la Loi sur les mesures spéciales d’importation (LIMSI) et de la Loi sur
le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE), le TCCE a entrepri un nombre
de changements significatifs dans ses procédures, notamment dans le traitement des informations
confidentielles et sensibles.
Ces changements sont principalement les suivants:
(a) Admettre les experts appelés à témoigner à l’audience d’avoir accès aux informations confidentielles ou à la propriété intéllectuelle sous réserve de signer un acte de déclaration et d’engagement.
Auparavant, seuls les avocats représentants les parties en bénéficiaient. En conséquence, ceux
qui signaient de tels engagements ne pouvaient plus témoigner par la suite6. Étant donné qu’il est
inapproprié pour un représentant d’une partie de témoigner au cours d’une audience, cela
revenait à empêcher les vrais «experts indépendants» d’obtenir les informations dont ils avaient
besoin pour établir leur rapport.
L’article 45(3)7 de la loi y a remédié .
(b) Possibilité pour un avocat non-résident au Canada d’avoir accès aux informations confidentielles de la cause.
À la condition d’une part de signer un acte de déclaration et d’engagement, et d’autre part
d’avoir un conseiller résidant au Canada. Celui-ci doit être partie à l’acte. C’est lui qui
réceptionnera les informations confidentielles.
9
Le conseiller étranger ne pourra consulter les documents en question que dans les locaux de son
correspondant canadien, sans en faire de reproduction d’aucune sorte. En cas de violation de ces
obligations, c’est le conseiller canadien qui engagera sa responsabilité.
Là encore, le TCCE exerce son pouvoir discrétionnaire et n’accorde pas cet accès à n’importe
quel avocat étranger. Un exemple est sa décision No. PI-2000-003 du 17 janvier 2001 qui a été
rendue très peu de temps après l’entrée en vigueur de la réforme. Dans cette affaire, il accorde
par ordonnance l’accès à des informations confidentielles à un avocat américain. Mais le
Tribunal s’est premièrement assuré de sa réputation en la matière, de son sérieux, des possibilités
de recours en cas de non-respect de l’engagement, etc.
(c) L’accès systématique pour tout agent et employé du bureau de la concurrence lorsque le commissaire est partie à l’instance. ( article 45(5)(a) )
Il s’agit d’un changement extrêmement important. Il permet au commissaire ou à ses agents de
bénéficier d’un accès virtuellement automatique à tout renseignement commercial et/ou
industriel provenant des producteurs internes ainsi qu’externes. Une telle possibilité est
susceptible de poser problème aux personnes souhaitant se prévaloir, par exemple, des
compétences anti-dumping du TCCE. Ils se méfieront si l’information qu’ils doivent fournir pour
soutenir leur position peut également attirer l’attention du commissaire chargé d’appliquer la loi
sur la concurrence.
Il convient de noter que les agents et employés des Travaux Publics et Services
Gouvernementaux du Canada (TPSGC) bénéficient également de cet accès automatique aux
informations confidentielles. Cet accès est permis dans le cadre de leur fonction de représentants
de la Couronne lors de la détermination des dommages intérêts et des frais dans les procédures
de révision des marchés publics.
10
Là encore, cela peut être source de problème pour des clients entretenant des relations d’affaires
en cours avec le gouvernement fédéral. En effet, ils participent régulièrement aux appels d’offre
émis par les agents du TPSGC en soumettant leur projets. Toutefois, ces mêmes agents peuvent
avoir accès à leurs politiques les plus secrètes de prix, de production ou de vente, et cela dans les
moindres détails.
Néanmoins ces deux groupes d’agents (commissaire à la concurrence ou ses subordonnés/ agents
du TPSGC) doivent également signer un acte de déclaration et d’engagement. Les membres du
tribunal ne peuvent, entre autres, travailler sur des ordinateurs qui sont reliés au réseau
informatique central. À notre connaissance, cet engagement a été respecté jusqu’à présent. Ceci
étant dit, la possibilité de conduite reprochable, ainsi que le risque qu’un préjudice sérieux soit
causé aux clients, existe toujours.
(d) Divulgation à une nouvelle catégorie de personnes
Jusqu’à tout récemment, les informations considérées comme confidentielles n’étaient
disponibles qu’aux avocats ou représentants des parties qui avaient signé l’acte de déclaration et
d’engagement.
Il est maintenant possible pour une autre catégorie de personnes intéressés, soit des employés des
parties elles-mêmes, de signer une déclaration de non-divulgation. Ces personnes reçoivent en
échange de leur engagement accès à une catégorie limitée d’informations confidentielles. De
cette façon, ils pourront utiliser les éléments dont ils ont besoin pour répondre efficacement aux
allégations formulées contre eux.8
Un exemple concret serait celui d’un producteur d’acier américain qui est accusé d’avoir
occasionné un dommage en important sur certains points de vente au Canada de l’acier à un prix
11
si bas que l’on suspecte du dumping de sa part. Non seulement l’avocat mais aussi un des
représentants de cette société productrice d’acier pourra avoir accès aux documents relatifs à ces
allégations. Cependant, les informations touchant les politiques de coûts de production et de prix
de vente des producteurs d’acier canadiens seront omis.
Ainsi, les règles du TCCE sont suffisamment flexibles pour concilier le droit d’une partie à une
défense efficace avec le principe visant à protéger au maximum les informations confidentielles
et commercialement sensibles.
(e) Divulguer une information confidentielle est une infraction.
Avant les réformes récentes, il n’existait pas de sanctions significatives, et donc dissuasives, du
non-respect des dispositions relatives à la confidentialité. Ceci a changé avec l’entrée en vigueur
de l’article 45(6) de la loi sur le TCCE qui sanctionne cette infraction par une amende pouvant
atteindre 1.000.000 $9.
Une divulgation de documents confidentiels est survenu lors de l’affaire Grain Corn, datée mars
2001. Il s’agissait d’une divulgation involontaire de certaines données confidentielles sur la
production par hectare de membres d’un groupe de producteurs de céréales qui étaient partie
adverse. Le TCCE a pris cette divulgation très au sérieux. Cependant, elle a établit par la suite
que les informations en question n’avaient pas été désignées confidentielles conformément à la
procédure applicable, et que leur divulgation ne revêtait pas un caractère intentionnel. L’attention
portée par le Tribunal à cette question témoigne du risque persistant de sanctions sérieuses. Ceci
constitue un défi pour les avocats exerçant au sein de gros cabinets.
En effet, avant l’arrivée de la révolution informatique, la confidentialité des dossiers était assurée
en mettant les documents sensibles sous clef. Avec la généralisation des réseaux informatiques
12
internes, le risque de divulgation inopinée est beaucoup plus grand, étant donné que chaque
avocat du cabinet peut virtuellement accéder aux dossiers de ses collègues. Les praticiens
devront alors trouver un moyen d’extraire systématiquement les informations confidentielles
contenues dans leurs dossiers et de les sortir des réseaux informatiques, de manière à éviter toute
violation involontaire de leur engagement de non divulgation.
Le TCCE est parfaitement conscient du problème et projette actuellement d’élaborer des
techniques informatiques pouvant sécuriser au maximum la correspondance entre le Tribunal, les
parties et leurs représentants. Le risque de divulgation involontaire serait ainsi minimisé
(documents sur CD-ROM, accès au dossier par codes changeant quotidiennement, etc.).
Cependant, ce projet n’en est encore qu’au stade de l’étude10.
2.3 Tribunal canadien des droits de la personne
La procédure devant ce tribunal contient souvent des conférences préparatoires, où le problème
de la confidentialité de certaines informations peut déjà se poser. En effet, le législateur a posé
comme principe que cette phase du processus soit publique. Mais il a également mis en place des
mécanismes permettant de concilier (ou tenter de concilier) la nécessité d’une publicité de
l’instruction avec la volonté légitime des parties de ne pas mettre sur la place publique tous les
détails de l’affaire11. Le TCDP comporte une procédure facultative de médiation qui a pour but
de faciliter la recherche de règlement à l’amiable de la cause et d’éviter la tenue d’une audience.
Ce processus est en principe confidentiel12, mais certains détails reliés au règlement pourraient se
trouver sur le site web (voir infra).
Le Tribunal adopte une approche très souple en général. Les règles provisoires de procédure
servent en réalité de guide au Tribunal, qui les adaptent en fonction des circonstances de la
13
cause. Cette souplesse se rencontre également en matière de traitement confidentiel. Ainsi, il est
possible d’obtenir du Tribunal qu’une partie de l’audience se déroule à huis clos, ou de ne pas
publier certaines informations sous certaines conditions, quand les parties le demandent.
Néanmoins, c’est au Tribunal de décider. Il est le maître de sa propre procédure.
Un exemple utile est l’affaire Bouvier c. Metro Express13, où il était question d’harcèlement
sexuel entre employés. Entre l’époque des faits et la tenue de l’audience, «l’employeur» a changé
suite à une acquisition. Le nouvel employeur a sollicité une audience à huis clos pour le protéger
si jamais sa responsabilité n’était pas prouvée. Aucune partie n’a émise d’objection. Pourtant,
malgré un accord unanime des parties sur ce point, le TCDP a décidé d’interdire seulement la
publication des noms des parties et cela seulement durant l’instruction et l’audience. Cette
dernière s’est donc déroulée en public.
Le Tribunal choisit ainsi lui-même quelles informations seront considérées comme
confidentielles. Il décide si leur divulgation n’est pas souhaitable. Il applique pour ce faire ce
qu’on appelle la quatrième condition du test A.M. c. Ryan qui veut que «l'intérêt qu'il y a à
soustraire les communications à la divulgation l'emporte sur celui qu'il y a à découvrir la vérité et
à bien trancher le litige.»14
On en trouve de nombreux exemples dans la jurisprudence du TCDP à propos des dossiers
médicaux d’une partie dont l’adversaire demande au tribunal d’en ordonner la divulgation. La
solution souvent adoptée est de permettre la divulgation des documents strictement pertinents
aux questions en litige, sous réserve de respecter certaines conditions. Par exemple, de ne pas
copier les documents, de ne permettre qu’un accès limité aux seuls avocats, d’imposer une
obligation de restitution ou de destruction, etc.15
14
La question a également surgi à propos d’ un accord à l’amiable entre une partie au litige et un
tiers, dont la partie adverse exige qu’ils lui soit divulgué. Il s’agissait en l’espèce d’une plainte
pour harcèlement sexuel déposée auprès de la CCDP par une association au nom d’une employée
et dirigée contre un autre employé. L’association a déposée une deuxième plainte, dirigée cette
fois contre l’employeur, la Société Radio-Canada. Cette seconde plainte a fait l’objet d’un
règlement à l’amiable devant la CDP, mais celle dirigée contre l’auteur présumé des faits a été
portée devant le TCDP. L’intimé a donc demandé d’avoir accès au règlement et à ses documents
préparatoires. Malgré l’opposition de la CDP, le Tribunal a autorisé la divulgation de ces
documents aux conditions qu’ils ne soient utilisés que dans le cadre de la présente audience,
qu’aucune copie ne soit faite, et que tous les documents soient rendus à la CDP dans un délai de
30 jours après la fin de la procédure (sauf recours en contrôle judiciaire)16.
Dans une affaire d’équité salariale CTEA et al. v. Bell Canada, le TCDP a admis en preuve toute
une série de documents internes à la société constituant une étude sur les différences salariales
entre hommes et femmes au sein de l’entreprise. Le TCDP ne leur a pas accordé de statut
confidentiel malgré la requête de la société17.
Enfin, le TCDP peut procéder à des audiences à huis clos, même partielles. Des extraits de
procès-verbaux de deux affaires démontrent qu’il s’agissait de statistiques sur l’état de santé
d’employés pour la première et d’informations salariales pour la seconde18.
Dans le même ordre d’idée se pose la question de la publication des décisions et accords obtenus.
Comme le TCDP traite de questions qui ne sont pas simplement privées mais qui mettent en jeu
des droits quasi constitutionnels, l’une de ses missions principales est précisément d’éduquer le
public afin de combattre et de faire reculer la discrimination dans la société. Le principe est
15
d’avoir la plus grande publicité possible, au détriment évident de l’intérêt des parties qui
souhaiteraient un traitement confidentiel.
De manière à concilier de tels intérêt divergents, le tribunal a pour pratique de diffuser (par voie
d’affichage, diffusion sur son site Web,…) des règlements obtenus par voie de médiation. Cette
publication inclut des renseignements généraux sur le type de plainte (un bref résumé des faits,
les allégations de la partie plaignante,…) et le type de règlement obtenu (versement
d’indemnité,…). Mais il ne cite pas les noms des parties ou des données qui pourraient les
identifier.
2.4 Commission du droit d’auteur
Contrairement aux cours supérieures d’Ontario, et à d’autre tribunaux administratifs (par
exemple le TCDP) il n’y a aucune obligation de produire «tous les documents pertinents» avant
le début d’une procédure devant la Commission du droit d’auteur. Il n’y a ni obligation pesant
sur les parties de déposer un affidavit de documents, ni possibilité d’interrogatoire préalable. La
production des éléments de preuve est limitée et se déroule par échange d’interrogatoires écrits,
selon un calendrier élaboré par la Commission après consultation auprès des parties et de leurs
conseillers et qu’elle fait strictement respecter.
Lors des réponses aux interrogatoires, les parties peuvent être tenues de produire certains
documents si on le leur demande. Lorsqu’il y a contestation sur l’étendue et/ou la quantité des
documents requis, la Commission tranche le différend avant toute audience dans le cadre de la
gestion de la cause.
16
Dans l’affaire NRCC Tariff 3 (2003-2009), nous pouvons constater que le calendrier comporte
des échéances courtes et clairement fixées. Il précise, par exemple, un délai de 14 jours suivant le
dépôt des interrogatoires durant lequel on peut déposer des objections à ceux-ci. Les répliques,
elles, doivent se faire sept jours après et seront suivies par la décision du Tribunal sur les
objections, et ainsi de suite. Cette mainmise sur le déroulement de la procédure est un bon
exemple de la gestion de la cause («case management» dans le contexte anglophone). Cette
approche assure que l’échéancier sera raisonnable, que les décisions préliminaires du tribunal
seront prises rapidement et que les coûts seront amoindris autant que possible.
En matière de traitement des informations confidentielles, la CDA adopte une procédure
suffisamment souple pour permettre un traitement au cas par cas. De plus, l’article 8 de sa
Directive sur la procédure fournit aux parties la possibilité de formuler une requête pour obtenir
le traitement spécial de certains documents ou informations. À défaut, les documents de la cause
sont versés au dossier public, à moins que la Commission n’en décide autrement.
Il y a en réalité trois niveaux de confidentialité dont peuvent bénéficier les parties :
(a) accès public (absence de confidentialité);
(b) accès aux parties et à leurs conseillers seulement;
(c) accès aux conseillers seulement.
Pour les parties se représentant elles-mêmes, la Commission déterminera au cas par cas
l’importance du besoin de cette partie d’avoir accès à des informations réputées confidentielles et
le degré de cette confidentialité. La Commission s’efforcera d’adopter une solution permettant à
la partie d’avoir un accès efficace aux éléments factuels. Il ne compromettra pas pour autant leur
caractère confidentiel.
17
À titre d’exemple, la CDA a déjà ordonné à une partie de préparer un résumé ou une version
corrigée d’un document, en utilisant des pourcentages au lieu de chiffres précis. Ces versions
remaniées ont été communiquées aux parties qui se représentaient elles–mêmes.
Les problèmes de confidentialité peuvent aussi surgir lors des «méga audiences» comme celle de
Private Copying. Une requête a été introduite par la Société canadienne de perception de la copie
privée (SCPCP) et les intimés étaient des fabricants, des importateurs et des détaillants tels que
Fuji, Walmart et Future Shop. La commission a été confrontée à 1200 interventions au cours de
cette affaire, qui se sont réduites à une douzaine de participants effectifs lors de l’audience.
Certains se représentaient eux-mêmes. L’audience s’est étalée sur presque trois semaines, dont
12 jours ont été consacrés à la preuve.
La Commission a été forcée de rendre plusieurs ordonnances afin de s’assurer que les
informations confidentielles et commercialement sensibles étaient bien protégées, surtout dans
les échanges d’informations entre les intimés (à savoir, entre les fabricants et les détaillants).
Chaque demande de protection d’information confidentielle pendant l’audience est traitée par le
président et par les autres commissaires. Les avocats des parties doivent donc s’efforcer de
présenter une telle requête avec diligence.19
2.5 Conseil canadien des relations industrielles
En vertu de l’article 16 du Code canadien du travail, le conseil dispose d’un large pouvoir pour
exiger la production de documents. Le problème est généralement abordé par le CCRI au cours
de la phase de la gestion de la cause. Ceci se fait en vertu de l’article 22 du Règlement de 2001
sur le Conseil canadien des relations industrielles:
18
«Le Conseil peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, déclarer qu'un document déposé auprès de lui sera traité de manière confidentielle et en limiter l'accès aux personnes qu'il désigne.»
Il existe parfois devant ce tribunal un enjeu si important que les avocats et les parties elles-
mêmes demandent au CCRI d’accorder une protection pour leurs informations confidentielles.
Cela se produit souvent lorsqu’il y a une demande de production de documents par la partie
adverse par le biais d’une assignation à comparaître et production de documents (comparable à
un subpoena duces tecum) en vertu de l’article 24(2) du Règlement. L’assignation est émise par
le greffier du CCRI, qui n’est pas un officier de justice, à la demande d’une partie. Ces demandes
portent souvent sur des longues listes de documents contenant des données très sensibles en
matière financière, comptable, et de personnel.
Par exemple, dans l’affaire Transports Besner Inc., où il était question d’une demande de
déclaration d’employeur unique, il fallait déterminer qui avait la direction et le contrôle des
différentes entreprises. Les intimés avaient reçu un subpoena exigeant la production de quatorze
différentes catégories de documents, dont:
«i) une liste des équipements, des installations et du personnel qui pourraient être partagés entre les compagnies;
j) des copies de toutes les ententes, contrats, etc. en vigueur entre les compagnies ainsi que les politiques ou directives opérationnelles communes à plus d’une entreprise;
k) les banques, les succursales bancaires sur lesquelles les compagnies tirent leurs chèques de paie; »
Les avocats des intimés ont immédiatement soulevé que ces détails en matière financière et en
matière de personnel étaient de nature hautement confidentielles et pouvaient causer un tort
considérable aux intimés si jamais des concurrents en prenaient connaissance. Le Conseil a alors
19
ordonné qu’on lui produise qu’une partie des documents, pour s’assurer du niveau de
confidentialité nécessaire pour l’ensemble20.
De manière générale, le CCRI offre deux niveaux de protection des informations confidentielles :
− pour avocats seulement;
− pour avocats et parties.
Si les avocats s’entendent sur le niveau de protection à accorder, le Conseil peut aller dans ce
sens. Encore une fois, c’est le tribunal qui est le maître de sa procédure.
Dans Lévy Transport Ltée v. Transport Jacques Auger Inc.21 le Conseil ordonna que le document
intitulé «convention de vente d’actifs et de clôture» soit produit, à l’attention des avocats
seulement, avec un acte formel d’engagement de non divulgation. Les avocats étaient tenus de
garder les documents en leur possession en permanence, avec interdiction de faire des copies.
Dans les affaires Autocar Connaisseur Inc. et NAV Canada v. Canadian Air Traffic Control
Association22, des ordonnances préalables ont étés émises pour permettre aux avocats des parties
et certains de leurs représentants d’avoir accès aux informations financières de nature sensible.
Dans ces deux cas, l’ordonnance a également exigé la remise de toutes les informations à
l’intimé aux termes de la procédure. Dans NAV Canada, l’ordonnance stipulait en plus que tout
élément de preuve se rapportant aux documents confidentiels débattus oralement au cours de
l’audience seront entendus à huis clos et que les parties de la transcription s’y rapportant seraient
désignées comme confidentielles. En conséquence, ils étaient accessibles uniquement aux
avocats et représentants ayant signé un engagement de confidentialité.
20
Au cours de l’audience, les avocats doivent être préparés à déposer une requête pour obtenir une
ordonnance désignant certaines questions et réponses comme étant des informations
confidentielles et protégées.
Les parties peuvent être obligées de produire des copies de documents et d’informations,
provenant de tiers, qui ont servi à la production d’un rapport d’expertise sur lequel elles
souhaitaient se baser lors de l’audience23. En effet, le Conseil affirme qu’il est le maître de ses
procédures. Donc, si le CCRI décide que des documents sont pertinents, ils devront être produits.
À l’avis du Tribunal cette approche est préconisée par le Code.
Cependant, il faut faire attention. Dans le cas de Certen Inc. et al24, le Conseil avait émis une
ordonnance de confidentialité pour certains documents. La présidente du banc s’est par la suite
retrouvée dans une situation difficile en rédigeant sa décision qui devait tenir compte de tous les
faits tout en préservant la confidentialité des documents soumis. Le Conseil risquait en effet de
divulguer de l’information de nature délicate qui était protégée par sa propre ordonnance. Les
parties ont été reconvoquées pour déterminer si la décision du Conseil serait entièrement motivée
donc publiée (dans les recueils de Quicklaw, par exemple) ou une décision sommaire sur
l’essentiel de l’affaire, distribuée au parties seulement. Les parties ont déclaré qu’elles
préféraient une décision motivée et étaient prêtes à accepter la divulgation de renseignements
délicats. Dans ce cas-ci, la Vice-présidente Pineau déclara:
Cela ne signifie pas que le Conseil doive répéter dans tous ses détails toute la preuve soumise, ni compromettre le caractère confidentiel de renseignements privilégiés d’entreprise; néanmoins, il doit avoir suffisamment de latitude pour évoquer les éléments de preuve qui ont influé sur ses motifs de décision. Par conséquent, le Conseil peut être tenu de divulguer, dans toute mesure où c’est nécessaire, des renseignements autrement réputés
21
confidentiels en vertu d’une ordonnance qu’il a rendu dans le cadre d’une affaire.25
Il est donc prudent de prendre une approche conservatrice. Avant de se déclarer en faveur d’une
décision motivée -- alors que des renseignements hautement confidentiels sont en jeu -- la partie
devrait s’interroger. Elle devrait se demander si une telle décision est vraiment dans ses intérêts.
Si non, elle devrait plutôt favoriser une décision sommaire sur l’essentiel de l’affaire. Ainsi, elle
pourra mieux se protéger contre le dévoilement d’informations délicates26.
3. LE RÔLE DE LA PREUVE D’EXPERT
3.1 Remarques générales
Deux remarques préliminaires s’imposent.
Premièrement, on doit se demander à quoi peuvent bien servir des experts devant des tribunaux
administratifs. En effet, les membres de ces tribunaux sont, pour la plupart, choisis précisément
pour leur expertise en la matière. Cela constitue souvent la raison d’être d’un tribunal. S’il doit y
avoir un recours à un expert, c’est normalement pour répondre à des questions sur lesquelles les
membres n’ont pas forcément de compétences particulières. Cela implique pour les praticiens de
devoir choisir leurs experts avec soin. Ils doivent s’assurer que le témoignage apportera de
véritables informations et non des considérations trop générales. Ces dernières ne seront
d’aucune utilité pour les membres du tribunal.
Deuxièmement, les règles d’admissibilité de la preuve d’experts obéissent aux même conditions
que celle des tribunaux judicaires.
Le juge Sopinka a défini, lors de l’affaire R. c. Mohan27 ces conditions comme étant :
22
(a) la pertinence;
(b) la nécessité d'aider le juge des faits;
(c) l'absence de toute règle d'exclusion; et
(d) la qualification suffisante de l'expert.
Le juge Sopinka poursuit ensuite: «Pour être nécessaire, la preuve d'expert doit, selon toute
vraisemblance, dépasser l'expérience et la connaissance d'un juge». Cela est d’autant plus vrai
pour les tribunaux administratifs, comme par exemple le TCDP. Le Président du Tribunal l’a
d’ailleurs souligné lors du procès-verbal dans l’affaire Chopra v. Canada.28 Dans ses motifs, il
déclara:
Any analysis regarding the admissibility of expert evidence [brought before this tribunal] must be conducted in light of the leading Supreme Court case on this question, R. v. Mohan...Is information regarding the methods used in promoting within the public service technical in nature? It certainly does not fit the traditional scientific mould, like biology or chemistry for instance. Yet today, the structure of large organizations – and few are as large as governments, it would seem – as well as the means of movement within these structures can be as complex and technical as the movements of cells or electricity. It is certainly information that is likely to be outside the experience or knowledge of a tribunal. As such, I am satisfied that information of this sort, if provided by this witness, will be helpful and necessary in assisting this Tribunal.29
La preuve d'expert peut être exclue si elle n’est rien d’autre que l’expression d’une opinion
personnelle. En effet, plus la preuve se rapproche de l'opinion sur une question
fondamentale(«ultimate issue»), plus l'application du principe Mohan est étroite. Si l’expert
outrepasse son rôle et livre son opinion sur l’affaire ou sur la solution juridique a adopter, le
tribunal écartera son témoignage.
23
3.2 Tribunal canadien du commerce extérieur
La Loi sur le TCCE contient certaines dispositions en la matière. En particulier, l’article 15(2) de
la Loi dicte que:
«Le Tribunal peut nommer, à titre consultatif, des experts et, avec l'approbation du Conseil du Trésor, fixer leur rémunération.»30
Bien entendu, ces experts internes («in-house experts») étant nommés à titre consultatif, les
membres du tribunal ne sont en aucun cas liés par leurs prises de position. Leurs rôle est plutôt
d’éclairer le tribunal sur des questions de faits.
L’article 45(5) de la Loi apporte même des précisions sur la notion d’expert:
« […] sont notamment des experts [les] personnes suivantes que le Tribunal considère comme des experts:
a) les personnes chargées de l'application de la Loi sur la concurrence et visées à l'article 25 de cette loi, autres que les personnes autorisées par le gouverneur en conseil à exercer les pouvoirs et fonctions du directeur;
b) à l'égard de la détermination des dommages intérêts et des frais dans la procédure de révision des marchés publics, les personnes employées dans l'institution fédérale partie aux marchés publics faisant l'objet de la révision;
c) les personnes visées par règlement. »
Cette liste n’est pas limitative, comme l’atteste l’utilisation de l’adverbe ‘‘notamment’’. Cela
semble signifier qu’une personne ne figurant pas sur cette liste peut être considérée par le
tribunal comme un expert. Mais dans ce cas, il semble logique que l’autre partie puisse contester
les qualifications de la personne qu’on lui oppose en tant qu’expert.
C’est au TCCE de décider en fin de compte si la personne qu’on lui présente peut être considérée
comme expert pour la suite des procédures. Le TCCE peut même décider dans quels domaines
24
précis il l’entendra comme tel. Par exemple au cours de l’affaire Les producteurs laitiers du
Canada, Dairy Farmers of Ontario, et al.31, le TCCE a reconnu l’expertise du Dr. Armand
Bourdeau, professeur émérite à l’université Laval, spécialiste des produits laitiers. Celui-ci avait
fait de la recherche appliquée. Mais le TCCE ne l’a qualifié comme expert que dans le domaine
de la composition des produits, pas dans celui de leur exploitation commerciale.
3.3 Tribunal canadien des droits de la personne
Cette matière est régie par les règles de procédure provisoires du TDCP, en date du 8 janvier
2000. La procédure est relativement bien définie et son non respect est sanctionné par
l’inadmissibilité du témoignage de l’expert ainsi que de son rapport.
Selon la Règle 6, quand une partie a fait part par avis écrit de son intention de faire entendre un
témoin (y compris un témoin expert), elle doit communiquer aux autres parties, dans le délai fixé
par le membre instructeur, le nom du témoin et un résumé du témoignage (6(1)(f)). Comme le
témoin sera entendu en tant qu’expert, il faut également signifier et déposer un rapport au moins
10 jours avant le début de l’audience32. La partie qui ne s’est pas conformée à ces dispositions ne
peut produire en preuve un rapport d’expert, ni faire témoigner un témoin en tant qu’expert à
l’audience.
La règle 6.1 semble assez rigoureuse, notamment en ce qui concerne le dépôt du rapport d’expert
au moins 10 jours avant l’audience. Ce délai parait très court mais, en pratique, le TCDP l’ajuste
presque toujours en fonction des caractéristiques de l’affaire. Ceci permet une bonne garantie des
droits des parties et préserve l’équité de la procédure.
25
Le TCDP reçoit une large palette d’experts devant lui. Les plus fréquents sont les médecins et les
psychiatres, mais également des universitaires et criminologistes (par exemple en matière de
discriminations raciales ou religieuses), ou des économistes et statisticiens en matière d’équité
salariale. Le tribunal adopte là encore une pratique au cas par cas: il accorde à ces témoignages
d’experts la valeur qu’il juge bien leur donner. De plus, il se montre fort réticent à permettre le
témoignage de personnes qui sont destinées à tenir des propos délibérément controversés ou
polémiques. Tel fut le constat du décideur dans l’affaire Citron c. Ernst Zundel Human Rights33.
Dans sa décision le Tribunal s’exprima comme suit:
What the [proposed expert] has demonstrated, both in chief and in cross, is that he is a vigorous polemicist for his point of view concerning revisionist history, the treatment of the Jews during the Nazi period and the Holocaust, views which have persistently been rejected and criticised by other tribunals and courts. His expression and demeanor is not that of a disinterested expert. He was here to debate. We have no confidence that he can be of assistance to the Tribunal with respect to any relevant issue that is before us.34
Ce n’est donc pas assez que l’expert soit doué de connaissances spécialisées. Ses connaissances
doivent être en mesure d’aider le Tribunal et ne peuvent être entachées de vices évidents. Le
Tribunal n’est pas un forum qui est ouvert au débat public, mais bien un lieu ou la probité et le
respect doivent être maintenues.
3.4 Commission du droit d’auteur
Il n’y a aucune restriction sur l’admission de témoins experts. Toute personne capable de fournir
des informations utiles peut venir devant la Commission. Toute contestation des qualifications et
de leurs compétence est laissée à la discrétion des parties. Certaines personnes considérées
comme experts interviennent régulièrement auprès de la Commission. En pareil cas, il est plus
26
prudent pour un avocat d’éviter (ou du moins de restreindre au maximum) les attaques dirigées
contre les qualifications de l’expert.
Les éléments de preuve présentés sont le plus souvent de nature économique. Il n’est donc pas
surprenant que les économistes et les comptables témoignent souvent comme experts.
Cependant, il est déjà arrivé au cours d’une audience que des gens du métier, tels que des
propriétaires de café35 ou même des «effeuilleuses», soient appelés à témoigner. De tels
témoignages sont non seulement admis mais parfois utilisés comme critère de décision. Par
exemple, dans son témoignage expert M. Fitzgerald, un barman d’experience, a été utilisé pour
éclairer la Commission sur le rôle que joue la musique dans un club. M. Fitzgerald opine sur
l’effet que peut avoir la musique sur le comportement des clients et explique comment celle-ci
influe sur les habitudes de consommation36. C’est un exemple concret de preuve d’expert
permettant de mieux connaître le fonctionnement de l’industrie dont il est question, ce qui se
révèle à la fois utile et probant.
Pour des raisons de confidentialité, il y a souvent des versions publiques et des versions privées
des rapports d’expertise. La Commission travaille d’ailleurs en permanence avec un économiste.
Dans la plupart des cas, néanmoins, l’économiste de la commission ne délivre pas de «rapport»
en tant que tel. Les membres de la commission le consultent pour discuter et éclaircir les moyens
de preuve d’experts fournis par les parties. Ces discussions, ainsi que les conclusions, ne sont pas
divulguées aux parties.
Les membres ont eux-mêmes acquis un certain niveau d’expertise au fil des auditions d’experts
et par leur expérience en tant que membres de la Commission. Les avocats avisés doivent garder
27
cela à l’esprit au moment de choisir les domaines dans lesquels ils comptent se prévaloir d’une
preuve d’expert.
3.5.1 Conseil canadien des relations industrielles
Quelques unes des décisions intéressantes en matière de témoignage d’experts traitent la question
de savoir comment le Conseil accepte les rapports d’experts.
Lors des audiences dans le cas AirLine Pilots Association, qui consistait en une révision de la
structure des unités de négociations d’Air Canada et de ses filiales, l’Association voulait
présenter un rapport d’expert par le professeur Paul Weiler, un juriste bien connu à travers le
pays en droit du travail. Le dépôt d’un rapport du professeur Weiler fut contesté et le Conseil
rendit une décision préliminaire lui permettant de déposer son rapport (et en principe, de
comparaître comme témoin), mais le Conseil a également précisé qu’il «n’acceptera aucune
conclusion, remarque ou observation concernant sa propre compétence ou son interprétation du
Code».37
À l’audience, le Conseil fut confronté à une nouvelle contestation du rapport du professeur
Weiler et de sa preuve. Le Conseil fit la remarque suivante au paragraphe 114 de la décision:
«Ni l’expertise du professeur Weiler dans le domaine des relations du travail ni son intégrité ne sont en cause en l’espèce. Le Conseil s’interroge plutôt sur le bien-fondé d’admettre son rapport et son témoignage concernant l’interprétation du Code. Il aurait été facile d’admettre le rapport et de déterminer l’importance à lui accorder à une date ultérieure. En agissant ainsi, le Conseil n’aurait pas rendu service aux parties et aurait suscité des interrogations sur la candeur avec laquelle il examine la preuve».
En fin de compte, le Conseil refusa d’admettre le rapport d’expertise du professeur Weiler, sans
lui permettre de témoigner, pour les raisons suivantes:
28
«Le rapport du professeur Weiler n’offrait pas tant une opinion d’expert sur l’organisation de l’industrie qu’un avis sur l’interprétation du Code. L’ALPA pouvait faire valoir son point de vue à ce sujet dans ses observations finales. Il aurait été inutile de l’admettre à titre d’élément de preuve».38
Dans Halifax Employer’s Association Incorporated et al., une décision de juillet 2003, le
syndicat l’international Longshoremen’s Association a demandé au Conseil de définir la portée
intentionnelle de l’accréditation géographique du Port d’Halifax qui avait été accordée en 1998.
La question était de déterminer si la partie est du Port d’Halifax, adjacente à Shearwater,
Nouvelle Écosse, devait être considérée comme faisant partie du Port d’Halifax aux fins de
l’accréditation. Le Conseil accepta la preuve du Dr. Michael McDonald sur l’histoire du
développement économique de la région, sur l’importance du rôle joué par Shearwater dans la
croissance et la pérennité du Port d’Halifax en général, et sur les préoccupations en matière de
sécurité suite aux évènements du 11 septembre 2001. En fin de compte, le Conseil accorda au
syndicat l’accréditation géographique qu’il recherchait.39
Dans Island Telecom, le Dr. Vincent Mosco a été qualifié par le Conseil en tant qu’expert dans le
domaine des télécommunications et du rôle de l’internet au Canada. Il fourni des éléments de
preuve sur les origines de l’internet, son but initial et les effets de la croissance exponentielle des
communications par l’internet. Des extraits de ses éléments de preuve remplissent presque quatre
pages de la Décision en question40.
On voit donc que le type d’expertise accueillie par le Conseil traite vraiment de sujets qui ne sont
pas de sa compétence et ces témoignages d’experts l,aide à rendre une décision éclairée.
Les avocats devraient toujours garder à l’esprit que l’expert que l’on souhaite faire témoigner
devant un tribunal administratif ne doit pas interférer avec la «question fondamentale» (ultimate
29
issue) qui ne doit être tranchée que par le tribunal. Un bon expert doit informer le tribunal, et non
prétendre décider à sa place.
3.5.2 Les délais comptent-ils?
Récemment, deux décisions du Conseil ont porté sur la flexibilité du tribunal quant à
l’admissibilité d’un témoignage -- qu’il soit celui d’un expert ou non. Dans l’affaire Rogers
Radio and Communications, Energy & Paperworks Union of Canada41, le tribunal s’est penché
sur les délais stipulés dans ses règlements. Il s’est demandé si des soumissions faits après qu’un
délai s’est écoulé sont recevables. Le Conseil détermina que ses règlements doivent être suivi
avec une certaine rigueur sinon. Ce serait injuste envers ceux qui s’efforcent à respecter leurs
délais. Dans sa décision, le Vice-président Ruck a déclaré:
Equally relevant to this matter is that the majority of parties...work with the utmost diligence to comply with the time limits and file their documents and submissions in accordance with the 2001 Regulations. Why should they, it must be asked, continue to expend the time and effort to comply with...[the Regulations] are permitted to establish their own time frames...The rules and regulations must apply equally to all who come before the Board...42
Suite à cette décision, l’employeur présenta une demande de réexamen en vertu de l,article 18 du
Code. Un autre banc, composé du Président et de deux Vice-présidents ont donc revu la décision
initiale refusant à l’employeur de présenter sa preuve.
Rejetant une approche restrictive, le président s’est montré favorable à une perspective plus large
et libérale. Quoique les règlements sont importants, ils ne lient pas les mains du Conseil. Celui-ci
peut aller à l’encontre des règles écrites lorsque les circonstances le méritent. Dans ce cas
particulier, le témoignage du témoin en cause, M. Forsyth, était crucial à l’employeur pour
30
renverser le fardeau de preuve imposé par la loi. Comme il n’était pas question de mauvaise foi,
le tribunal jugea qu’il serait injuste d’appliquer les règlements d’une façon absolue. Comme le
souligne le président, le rejet d’un témoignage est un geste sérieux. Il doit donc être motivé par
des considérations sérieuses et ne peut être arbitraire. Le but du décideur doit toujours être celui
de la justice naturelle. Le tribunal dit ceci en conclusion:
The foregoing is not to indicate that in consideration of the matter now before it, the reconsideration panel is of the view that the strict enforcement of the 2001 Regulations in all of the circumstances was contrary to the rules of natural justice. However, the present reconsideration panel is concerned that because of the overriding need to take particular care to ensure the integrity of Board hearing processes, as a matter of policy, a broad view of relevant factors be taken when the exclusion of apparently relevant evidence is considered.43
Cette décision démontre l’approche que prend le tribunal envers le témoignage, en général, et
envers ses propres règlements. De plus, elle démontre le fonctionnement procédural du tribunal
tout en soulignant sa flexibilité.
4. LE RÔLE DE L’OPINION DU CONSEILLER DU TRIBUNAL
Chacun des tribunaux bénéficie d’un conseiller juridique, parfois de plusieurs. Ce conseiller peut
émettre une opinion juridique sur l’affaire qui est destinée aux membres du tribunal. La question
est alors de savoir si cette opinion est couverte par le secret professionnel de l’avocat, ce qui la
rendrait inaccessible aux parties. Cette question a fait l’objet de discussions récentes dans
plusieurs causes judiciaires.
La décision clé en la matière est Melanson c. New Brunswick44. Dans cet arrêt, le juge Ryan a
soutenu que «[t]he fundamental premise, the reason for protecting the opinions, is
missing.»(para. 33). Cela signifie que le tribunal n’a pas a être considéré comme ayant des
31
intérêts opposés à ceux du demandeur. Le juge soutient ensuite dans le paragraphe 34 de la
décision que:
«Legal opinions given in relation to the interpretation of legislation which is germane to a claim before one of the board’s tribunals is not privileged. Such professional opinions are, in my view, for the benefit of employers, employees and dependants in the processing of claims by the Workers’ Compensation Board, not simply something for the exclusive use of the board. When the W.B.C. is in an adversarial position or has caused the legal opinion to be generated for matters unrelated to claims, a solicitor-client privilege relationship arises vis-à-vis other parties. However, when the legal opinions relate to the interpretation of W.C.B. legislation or the duty or obligation to pay claims, they must not be withheld from the employers, employees, or their dependants. Privilege does not attach..» [C’est nous qui soulignons.]
Dans l’affaire Baltruweit, qui suit l’arrêt Melanson, le juge Gibson fait droit à l’argument
soulevé par l’avocat du demandeur. Le juge considère qu’en raison des faits de l’espèce, une
procédure devant le Service canadien du renseignement de sécurité, le principe consistant à
informer la partie concernée de la substance de la preuve sur laquelle le tribunal entend se baser
pour prendre sa décision est plus important que de préserver à tout prix la portée du secret
professionnel de l’avocat:
«On the facts of this matter, I am satisfied that some infringement on the principle of solicitor-client privilege is preferable to the contraction of the scope of that principle which, once again I am satisfied, and in this I am in agreement with the submissions of counsel for the applicant, is the effect of the Melanson and Pritchard decisions»45.
La cause est présentement devant la Cour d’Appel Fédérale.
La Cour d’appel de l’Ontario dans sa décision Pritchard, n’a pas suivi le raisonnement
développé dans Melanson. En infirmant un jugement d’une cour divisionnaire, la Cour d’Appel
en a décidé ainsi:
32
«There is no doubt that the document which has been described throughout as a legal opinion is indeed a legal opinion provided by staff counsel to the Commission. In my view, the only way that any court could hold that the legal opinion is not cloaked with solicitor-client privilege is if it is abrogated by statute; or if it falls within one of the known common law exceptions to the doctrine; or if the reasoning of the New Brunswick Court of Appeal in Melanson is adopted to create a new common law exception»46
La Cour se base ensuite sur l’article 10 de la Loi sur la procédure de révision judiciaire, en
faisant remarquer que rien dans cette disposition n’indique que le législateur ait eu l’intention
d’abroger le secret professionnel de l’avocat:47. En effet, s’il désirait un tel résultat le législateur
l’aurait fait dans des termes clairs et sans équivoque. L’honorable juge Armstrong affirme qu’il
ne peut partager le raisonnement qui sous-tend la décision dans l’affaire Melanson. Quoique la
Cour d’appel de l’Ontario arrive à la même conclusion préliminaire (c’est-à-dire que la
Commission n’est pas une partie adverse proprement parlant), elle rejette l’idée que ceci est un
motif valable pour lever le voile du privilège. Ni la Cour d’appel ontarienne ni la Cour suprême
du Canada n’ont suivi ce raisonnement. Finalement, l’honorable juge souligne que, pour des
raisons de bonne politique, ceux qui siègent aux tribunaux administratifs devraient avoir accès à
des avis privilégiés sur la nature et l’application de la législation pertinente. Ceci favorisera des
discussions candides et fructueuses. Selon la Cour, c’est la décision elle-même, et non l’opinion
juridique, qui importe. Trancher autrement serait d’aller clairement à l’encontre du courant
jurisprudentiel en matière de secret professionnel.
La cause est actuellement portée devant la Cour Suprême, qui a accordé fin août 2003
l’autorisation d’appel contre Pritchard avec dépens en faveur de la demanderesse quelle que soit
l’issue de l’appel. On espère que sa position sur cette pure question de droit clarifiera la situation.
33
5. CONCLUSIONS
Cette étude a démontré l’existence de différents degrés de sensibilisation et/ou de préparation en
matière de traitement d’informations confidentielles.
Certains tribunaux, tel le TCCE, ont une procédure détaillée qui est appliquée rigoureusement.
D’autres tribunaux ont une approche beaucoup plus floue, ce qui devrait préoccuper les
praticiens.
La preuve d’expert est généralement admise par tous les tribunaux examinés. Cependant,
l’importance du personnel de chaque tribunal ainsi que le niveau d’expertise des membres ont un
large impact sur l’admission et la valeur probante de tels moyens de preuve. Selon l’objet du
débat, les personnes les plus inattendues peuvent être appelées à témoigner comme expert. Ceux-
ci comprennent un «barman» et une «strip-teaseuse» dans une affaire de droit d’auteur, des
experts industriels devant un tribunal du commerce, et des experts-comptables et économistes un
peu partout.
Les problèmes rencontrés par les tribunaux quant à la divulgation d’opinions juridiques à une
partie adverse, semblent être en voie de résolution. C’est notre constat suite à la décision de la
Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Pritchard. Selon nous, la décision Melanson c. New
Brunswick, qui a commencé le débat, constitue un dangereux précédent. Il convient de le corriger
au plus vite. On souhaite que la Cour suprême clarifiera, une fois pour tout, cette situation.
Colin S. Baxter Novembre, 2003
34
1 L’auteur tient à remercier Mtre Pierre Malnati du Barreau de Strasbourg, Shaun Finn de McCarthy Tétrault
s.r.l. et Olga Rifkin de l’Université d’Ottawa pour leur précieuse aide. Il aimerait aussi souligner que tout erreur qui apparaît dans ce texte est le sien.
2 L’auteur tient à remercier Monsieur Michel Granger, Secrétaire du Tribunal, et Mtre Reagan Walker, Avocat général, pour leur très aimable contribution.
3 Sauf le pouvoir exceptionnel des arbitres sous le Code canadien du travail.
4 L’auteur tient à remercier Mtre Greg Miller du Tribunal des droits de la personne.
5 Les conseillers et experts qui souhaitent avoir accès aux informations que le Tribunal a reçu et désigné comme étant confidentielles, doivent fournir au Tribunal un formulaire d’acte de déclaration et d’engagement relatif à l’utilisation, la divulgation, la reproduction, la protection et la conservation des renseignements confidentiels figurant dans le dossier de la procédure et à la façon d’en disposer à la fin de la procédure ou en cas de changement d’avocat. (Règle 16(1)(2)(3)).
6 Le TCCE se distingue de plusieurs autres tribunaux administratifs par sa pratique qui consiste à définir comme représentant des parties « toute personne agissant dans le cours d’une procédure au nom et pour le compte d’une partie », ce qui a couvert en pratique des non avocats tels des experts et consultants en matière fiscale ou commerciale.
7 Article 45(3) de la loi sur le TCCE « […] les renseignements ne peuvent être utilisés par l'avocat ou l'expert que dans le cadre de ces procédures, sous réserve des conditions que le Tribunal juge indiquées pour empêcher que les renseignements ne soient divulgués[…] ».
8 En pratique, qui décidera quelles informations seront requises par les parties? Ce sera probablement décidé par les parties elles-mêmes ou, en cas de mésentente, par le Tribunal à une étape préliminaire.
9 La peine prévue par l’article 45(7) de la même loi, en cas de commission de cette infraction est la suivante :
Quiconque commet l'infraction prévue au paragraphe (6) encourt, sur déclaration de culpabilité :
(a) par mise en accusation, une amende maximale de 1 000 000 $;
(b) par procédure sommaire, une amende maximale de 100 000 $.
10 «étant donné la nature des questions dont il est saisi, le Tribunal a souvent besoin d’accès à des renseignements commerciaux de nature délicate soumis par des parties qui, si tels renseignements étaient dévoilés à un concurrent, pourraient subir des conséquences financières néfastes importantes. Par conséquent, la protection des renseignements commerciaux de nature délicate contre toute divulgation non autorisée a été, et continue d’être, d’une importance cruciale pour le Tribunal». Lignes directrices concernant le processus de désignation et d’utilisation des renseignements confidentiels dans une proc/dure du TCCE, le 10 novembre 1999.
11 Article 52(1) de la loi canadienne sur les droits des personnes:
« l’instruction est publique mais le membre instructeur peut, sur demande en ce sens, rendre toute ordonnance pour assurer la confidentialité de l’instruction s’il est convaincu que, selon le cas :
(a) il y a un risque sérieux de divulgation de questions touchant la sécurité publique;
35
(b) il y a un risque sérieux d’atteinte au droit à une instruction équitable de sorte que la nécessité d’empêcher la divulgation de renseignements l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique;
(c) il y a un risque sérieux de divulgation de questions personnelles ou autres de sorte que la nécessité d’empêcher la divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’ a la société à ce que l’instruction soit publique;
(d) il y a une sérieuse possibilité que la vie, la liberté ou la sécurité d’une personne puisse être mise en danger par la publicité des débats. »
12 «Les décisions qui ont lieu durant une séance de médiation sont confidentielles, qu’il y ait règlement ou non. S’il n’y a pas règlement, rien de ce qui s’est dit au cours de la médiation ne sera divulgué lors de l’audience ni ne sera communiqué au membre ou aux membres du Tribunal qui entendront la cause par la suite. Avant le déroulement de la médiation, toutes les parties devront signer une entente dans laquelle elles reconnaissent que rien de ce qui a été dit au cours de la médiation ne pourra être utilisé si la cause se rend à l’étape de l’audience. De même, les parties doivent accepter que le médiateur ne puisse témoigner au sujet de ce qui s’est dit lors de la médiation.» (Ébauches de Procédures de Médiation, page 3, 24 mars 2003). Voir aussi la page 10.
13 Bouvier v. Metro Express [1992] C.H.R.D. No. 8.
14 A.M. c. Ryan [1997] 1 R.C.S. 157, paragraphe 29.
15 voir entre autres : Mc Avinn v. Straits Crossing Bridge Limited, Ruling No.3, 3 Janvier 2001; Beaudry v. Attorney General of Canada, Ruling No.1, 24 juillet 2002; Day v. Department of National Defense and Michael Hortie, CHRT 2003 16, 4 Avril 2003.
16 Groupe d’aide et d’information v. Barbe, 2003 CHRT 15, 2 Avril 2003, paragraphe 55.
17 Canadian Telephone employees’ Association v. Bell Canada, Dossier T503/2098, Ruling No. 3, 10 Avril 2000.
18 Canadian Civil Liberties Association v. T.D.Bank Dossier T352/6692, 15 Octobre 1993; et Randhawa v. Yukon, Dossier T289/0392, 25 septembre 1997.
19 L’auteur tient à remercier Mtre Sylvie Charron (membre) et Mtre Jeremy de Beers (avocat-conseil) pour leur collaboration.
20 Transports Besner Inc. (Décision-lettre # 767), 19 Novembre 2002.
21 Lévy Transport Ltée v. Transport Jacques Auger Inc., Dossier #23111-C, 26 Août 2002.
22 Autocar Connaisseur Inc., Dossier # 21881-C, 18 Avril 2002 et NAV Canada v. Canadian Air Traffic Control Association, Dossier # 21881-C, 12 Février 2002.
23 Cartage and Miscellanous employees’Union v. Clarke Transport, Dossier 20415-C, Décision #137; 24 Octobre 2001.
24 Dossier 22162-C, Décision #223, 26 mars 2003.
25 Ibid à 54 (para. 148).
36
26 L’auteur tient à remercier Mtre Sonia Gaal, membre du Conseil.
27 R. c. Mohan [1994] 2 R.C.S. 9.
28 Chopra v. Canada, Dossier T492/0998, 5 septembre 2003, Procès-verbal, page 5744-5755.
29 Ibid à 5745-5749
30 Article 15(2), loi sur le TCCE.
31 Les producteurs laitiers du Canada, Dairy Farmers of Ontario, et al ,No. Saisine AP-98-055.
32 « Ce rapport doit :
- être signé par l’expert;
- préciser le nom de l’expert, son adresse et ses titres de compétence;
- indiquer l’essentiel du témoignage que l’expert en question entend présenter. »
Règle (6(4).
33 Dossier T460/1596.
34 Ibid. (dernier para.).
35 Voir l’Annexe B.
36 Exhibit SOCAN-5 (Re Tariff 8).
37 ALPA v. Air Canada et al., Dossiers # : 17342-C, 173440-C, 17375-C et 15352-C, Décision- Lettre #13, 29 Janvier 1999. Voir également Décision-Lettre #22, 9 Février 1999.
38 ALPA v. Air Canada et al.,Décision #44, 22 Décembre 1999, par. 114-115.
39 Halifax LongShoremen’s Association, Dossier #22979-C, Décision-Lettre #873, 11 Juillet 2003.
40 Island Telecom et al., Dossier 3 18403-C et 18729-C, Décision #59, 24 Février 2000.
41 Dossier 23211-C; Décision #227, 25 avril 2003.
42 Ibid au para. 37.
43 Rogers Radion (CJMX-FM) and Communications, Energy and Paperworks Union of Canada, Dossier 23704-C, Décision #246, 26 septembre 2003 (para. 22).
44 Melanson c. New Brunswick (Workers’ Compensation Board), (1994) 114 DLR (4th) autorisation d’interjeter appel refusée sans motif [1994] SCCA N.266.
45 Baltruweit c. Canada (Procureur Général) [2002] A.C.F no. 1615, paragraphe 33.
46 Pritchard c.Commission des droits de la personne de l’Ontario, [2003] OJ no.215, demande d’autorisation de saisir la Cour Suprême soumise le 14 juillet, 2003 [2003] SCCA no.125, paragraphe 37.
37
47 Article 10 de la loi sur la procédure de révision judiciaire L.R.O 1990 ch. J.1: «Lorsqu’un avis d’une
requête en révision judiciaire d’une décision rendue compétence légale de décision est signifié à la personne qui a rendue la décision, celle-ci dépose sans délai au greffe, aux fins de la requête, le dossier de l’instance d’où émane la décision».