F A M I L L E
Vera et Eva Silberstein, Bratislava, Tchécoslovaquie, 1939
Dessins réalisés par Vera Silberstein à Bratislava en 1943, avant sa déportation et son assassinat à Auschwitz-Birkenau. Vera exprime son profond désir de se rendre en Terre d'Israël (Palestine mandataire). Elle s’y représente au milieu d'un groupe de pionnières tirées de son imagination.
Collections de Yad Vashem, don d'Eva (Silberstein) Grinstone, Cremorne, Nouvelle-Galles du Sud, Australie
Juste avant la liquidation du ghetto de Bratislava,
Elizabeth Silberstein parvient à trouver un abri
où ses filles Vera (13 ans) et Eva (15 ans) pourront
se cacher tandis qu'elle-même s'installera
dans une autre cachette. Cependant, à la suite
d'une dénonciation, les deux adolescentes sont
déportées dans le camp d'extermination
d'Auschwitz-Birkenau, où elles sont séparées—
l'une sera assassinée, l'autre épargnée. Vera est
envoyée dans les chambres à gaz ; Eva, affectée
aux travaux forcés, survivra.
« Nous sommes arrivées à Auschwitz-Birkenau…
Les paroles de ma mère résonnaient dans mon esprit—j'étais
la grande sœur et j'avais le devoir de veiller sur elle [Vera] en
toute circonstance. Puis nous nous sommes retrouvées en
face d'un homme qui m’a fait signe d'aller à droite et a dit
à ma sœur d'aller à gauche... Il n'était pas question que je
bouge d'un pouce sans ma sœur. Elle se débattait et il me
fallait mobiliser toutes mes forces. Je lui ai demandé :
« Puis-je rester ici avec ma sœur ? » Il a répondu : « Non, elle
doit aller à l'école et tu dois travailler. » Elle s’est retournée et
m’a dit : « Tu vois ? » En l'espace d'une fraction de seconde,
elle m'a échappé et est partie en courant. Elle s'est enfuie
avec le sourire. »
Eva (Silberstein) Grinstone
FRèRES ET SœURS
Eva SiLbErStEin, NéE EN 1929 à BRATISLAVA, TCHéCOSLOVAqUIE
vEra SiLbErStEin, NéE EN 1931 à BRATISLAVA, TCHéCOSLOVAqUIE
F A M I L L E« Dans le ghetto, je courais
partout avec les autres enfants
pour dénicher et voler de la
nourriture ; nous creusions
sous la muraille. Nous étions
enfants et je ne me faisais pas
prendre, c'est comme ça que je
rapportais de la nourriture à la
maison. Telle fut mon enfance. »
Yosef (Alterwein) Tirosh
Les jumelles Czengery, Yehudit et Leah, six ans, Roumanie, 1943United States Holocaust Memorial Museum (USHMM), Washington DC, USA
Pendant la Shoah, on assiste à l'éclatement de la cellule familiale et à la destruction des sources de
protection et de soutien que les parents ont toujours procuré à leurs enfants jusqu'alors. Les circonstances
contraignent chaque enfant juif à créer son propre univers : un équilibre fragile entre la nouvelle réalité qui
leur est imposée, les capacités limitées de leurs parents à leur apporter de l'aide et leur propre aptitude à
faire face aux divers défis auxquels ils sont confrontés.
Durant la guerre, de nombreux enfants se retrouvent responsables de leur propre sort, et de celui de leurs
parents, de leur fratrie et de leur famille élargie. Beaucoup doivent se mettre à travailler pour subvenir aux
besoins du foyer. Certains puisent dans leur courage et leur ingéniosité pour se procurer clandestinement
de la nourriture en s'exposant à de graves dangers, d'autres sont obligés de voler.
Tout au long de cette période, les membres d'une même famille sont souvent séparés de force ; les parents
ou les frères et sœurs déportés ou assassinés. Certains enfants se retrouvent seuls et ne peuvent plus
compter que sur eux-mêmes pour survivre. Ces séparations forcées ne leur laissent d'autre choix que celui
d'assumer l'entière responsabilité de leur propre destin.
“Tout le monde se souvient de nous mais nous ne nous souvenons de personne... Mère n'était pas toujours avec nous mais nous étions là l'une pour l'autre et il nous suffisait de nous donner la main.”Yehudit et Leah Czengery
En 1944, Yehudit et Leah Czengery sont déportées dans le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau avec leur mère Rosi. Les deux fillettes, que le docteur Mengele appelle « les jolies jumelles », sont envoyées dans le block où il réalise ses expériences. Rosi s'y glisse pour leur donner le pain qu'elle a réussi à se procurer. Après la guerre, en compagnie de leur mère, les filles retrouvent leur père qui a également survécu. Elles seront les seules enfants rescapées de leur famille élargie.
F A M I L L E
Chana Hoffmann et sa mère Regina (gauche) avant la guerre
Une chemise de nuit confectionnée par Regina pour Chana pendant la guerre et sur laquelle elle a brodé son nom de jeune fille—Regina Buchnik. Ce sera le seul souvenir que Chana gardera de sa mère.
Collections de Yad Vashem, don de Chana (Hoffmann) Aloni, Bnei Brak, Israël
Regina hoffmann parvient à s'évader du ghetto
de Chrzanów en emmenant Chana, sa fille unique
âgée de neuf ans. Toutes deux réussissent à
atteindre le domicile de Pani hacusz, leur ancienne
blanchisseuse. Regina demande à hacusz de garder
Chana jusqu'à la fin de la guerre, tandis qu'elle-
même essaiera de gagner le ghetto de Sosnowiec.
hacusz accepte. Regina se sépare alors de sa fille.
Elle sera assassinée dans le camp d'extermination
d'Auschwitz-Birkenau.
« Le matin du départ de Maman, Pani Hacusz m'a
apporté le petit-déjeuner dans ma chambre et un grand
bol d'eau pour me laver. Après cela... Maman a voulu me
prendre dans ses bras, avant notre séparation. Elle a voulu
m'embrasser... Je considérais son départ comme une
trahison. Maman a dit à Pani Hacusz : « Prenez soin d'elle
pour moi. Lorsque tout sera fini, je reviendrai la chercher. »
Pani Hacusz a donné un fichu à Maman pour qu'elle ait l'air
d'une paysanne. quant à moi, je suis restée debout à
la fenêtre de la cuisine et j'ai regardé Maman s'éloigner,
petit à petit, avec son fichu sur la tête, et j’ai senti mon
cœur se briser. »
Chana (Hoffmann) Aloni
SéPARATION
Chana hoffmann, NéE EN 1934 à SUCHA, POLOGNE
“J'étais seule dans la chambre. Maman me manquait tellement... Je portais la chemise de nuit que Maman avait cousue et brodée pour moi. Plus tard, j’ai été heureuse de la porter ; je l'ai conservée jusqu'à ce jour, c'est le seul souvenir qui me reste de Maman. ”
4 5A 5B
« qu'est-ce qui importe le plus ?
L'identité avec laquelle je suis née,
ou ce que je ressens maintenant ? »
Sara (Warszawiak) Avinun
qUI SUIS-JE ?
Huguette et Micheline Mosieznik lors d'un spectacle de Noël dans le couvent français où elles ont été cachées.
Collections de Yad Vashem, don de Miriam (Micheline Mosieznik) Hochstein, Tel-Aviv, Israël et d'Huguette (Mosieznik) Ramon, Holon, Israël
Lorsque débute la déportation des Juifs de France, Micheline Mosieznik et sa sœur Huguette errent d'une cachette à l'autre, jusqu'à ce que leur mère les place dans l'orphelinat d'un couvent. Là, elles reçoivent une éducation catholique très stricte et prennent part aux rituels chrétiens. Après la guerre, leur mère parvient à convaincre les responsables du couvent de lui rendre ses filles.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, seul un petit nombre d'enfants juifs sont encore en vie. Certains
ont survécu sous de fausses identités chrétiennes, dans des familles d'accueil ou des monastères. Après
la guerre, pour avoir compris que leur identité juive pouvait entraîner la mort, beaucoup refusent de revenir
à leurs origines juives, préférant conserver leur nom d’emprunt. Parfois, les enfants confiés à des familles
d’accueil répugnent à suivre leurs proches, rescapés, venus les réclamer. Parmi les plus jeunes dont
les parents ont été assassinés, nombreux sont ceux qui n'ont aucune idée de leur véritable identité, de
celle de leurs parents ou encore de leurs lieux et dates de naissance.
Marta Winter a huit ans lorsque sa mère la fait
sortir clandestinement du ghetto de Czortkow pour
passer du côté « aryen » de Varsovie avec des faux
papiers au nom de Krystyna (Krysia) Griniewicz.
Elle la confie à un ami de la famille, Jozef Szulc.
Au cours de l'insurrection de Varsovie, la famille
Szulc est chassée de chez elle. Marta et madame
Czaplinska, la gouvernante, sont déportées dans un
camp de concentration. Rescapées, elles reviennent
à Varsovie après la guerre. Son grand-père et son
oncle retrouvent Marta. Devenue une chrétienne
fervente, elle refuse catégoriquement de les suivre
et d'aller rejoindre les autres survivants de la famille.
En dépit de ses objections, Marta est conduite chez
son grand-père, sans pour autant renoncer à sa foi
chrétienne. Finalement transférée dans un foyer
juif, elle émigrera en Terre d'Israël avec les autres
enfants de l’établissement.
qUI SUIS-JE ?
« J’avais supprimé Marta.
Je n'étais plus que Krysia. »
Marta (Winter) Goren
DIFFICULTé à REVENIR à SES ORIGINES JUIVES
marta WintEr, NéE EN 1935 à CzORTKOW (TCHORTKIV), POLOGNE
Marta pendant la guerre
“La maison d'enfants... c'est là que j'ai entendu parler du kibboutz et du rêve de fonder un Etat juif en Terre d'Israël. Avec le temps, je me suis habituée à l'idée que j'étais juive, et que mes amis et moi-même allions partir en Terre d'Israël. Malgré tout, je continuais à m'appeler Krysia. ”
Une médaille de la Vierge à l'enfant portée par Marta Collections de Yad Vashem, don de Marta (Winter) Goren, Rehovot, Israël
En 1943, le père d'Eva Walter est affecté aux travaux
forcés. En octobre 1944, environ six mois après l'invasion
de la hongrie par les nazis, sa mère Ilona est déportée
dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. Eva
demeure seule à Budapest. Des proches la recueillent et
veillent sur elle, mais sont internés, peu de temps après,
dans le ghetto de Budapest. Ils parviendront à y survivre
jusqu'à la Libération.
Libérée de Bergen-Belsen après y avoir contracté le
typhus, Ilona est gravement malade et extrêmement
affaiblie. Sentant la mort venir, elle insiste pour retourner
à Budapest afin de revoir sa fille et son mari. Elle mourra
peu après avoir revu Eva, mais ne parviendra pas à
retrouver son époux, lui aussi rescapé des camps, avant
de rendre son dernier souffle.
qUI SUIS-JE ?
« Depuis que je suis parvenue à l'âge adulte, j'ai toujours pensé
qu'il était dommage qu'elle [Mère] soit revenue et qu'elle ne soit
pas morte (des mots très durs), mais laissez-moi m'expliquer.
Si ma mère était morte 'là-bas', cela lui aurait épargné la souffrance
qu'elle a endurée pendant les dix jours qu'il lui a fallu pour rentrer à
la maison. Certes elle me retrouvait, moi sa fille unique... mais elle
percevait aussi ma peur. quant à moi, j'étais une enfant de dix ans,
qui se souvenait d'elle telle qu'elle était lorsque nous nous étions
séparées neuf mois auparavant, et non pas telle que je l'ai retrouvée
lorsqu'elle est revenue. à son retour, elle était complètement
squelettique. Chauve, incapable de se tenir debout... Je n'osais pas
l'approcher, la prendre dans mes bras ou l'embrasser. »
Dvora Peleg (Eva Walter)
LES RETROUVAILLES AVEC LA FAMILLE
Eva WaLtEr, NéE EN 1935 à BUDAPEST, HONGRIE
Eva Walter avec sa mère Ilona avant la guerre
Mouchoir brodé des lettres « I.W. » [Ilona Walter], conservé par la jeune Eva après la déportation de sa mère dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. Collections de Yad Vashem, don de Dvora Peleg (Eva Walter), Kiryat Tivon, Israël
6 7A 7B
Le drapeau de la sororité de Ma'agal, Heim (Chambre) 28, ghetto de Theresienstadt Archives de Beit Theresienstadt, Givat Haïm Ihoud, Israël
« 'Poussin' dans sa joie nous distribuait des bisous
tandis que sa petite valise se remplissait de nourriture, et
nous lui disions : 'N'oublie pas, nous formons un groupe
et nous nous entraidons...' Ulila n'avait rien à se mettre
donc nous lui avons donné ce que nous pouvions et à
trois heures de l'après-midi, elles sont parties. Cette nuit-
là, lorsque nous sommes allées nous coucher, nous avons
senti que quelqu’un nous manquait. Les filles étaient parties
et nous nous sommes dit : 'Ce ne sera plus jamais le vrai
'28' comme auparavant.’ »
Extrait du livre Heim 28, R.G. (13 ans)
LES ENFANTS FORMENT DES GROUPES
Les filles de la chambre (heim) 28 du block de filles
L410 du ghetto de Theresienstadt, fondent une
sororité du nom de « Ma'agal » (cercle). Ma'agal
devient pour elles un mode d'expression sociale fait
de réunions, de chant, de jeu, d'étude et de partage du
quotidien, supposés les mener sur le droit chemin.
C’est donc main dans la main qu’elles entonnent
leur hymne : « Tu crois et je crois / Tu sais ce que je
sais / Et quoiqu'il puisse arriver / Tu ne me trahiras
pas et je ne te trahirai pas. » La réalité des convois
dans le ghetto vient néanmoins bouleverser la vie
des jeunes filles. Du fait des ordres de déportation,
elles sont obligées de quitter la sororité et décident
de découper leur drapeau en quatre au moment
des convois de septembre-octobre 1944. Chaque
morceau est remis à l'une de celles qui demeurent
dans le ghetto.
AMITIéAMITIé« Dans la réserve à laquelle j'avais été affecté, j’aperçois une silhouette familière...‘Benek !' Il se retourne comme s'il avait été mordu par un serpent. ‘Mula !' On se donne l’accolade et de grandes tapes dans le dos. Et puis on commence simultanément à se demander l’un à l’autre : 'Mais comment... ?' avant de s’interrompre et d'éclater de rire... Ensemble, on est plus que deux petits gars, plus qu'un adulte même, en termes de chances de survie. On se jure mutuellement qu’on va tout partager et qu’on va rester ensemble et 'tenir le coup'. On conclue le pacte Benek-Mula—le pacte de ceux qui veulent survivre ! »
Samuel Pisar
Des enfants juifs vendent des cigarettes à Varsovie, PologneCollections de Yad Vashem
Durant la Seconde Guerre mondiale, les enfants juifs sont confrontés à une réalité faite de menaces et
de dangers. Les relations d’amitié, telles des « familles de substitution », offrent un refuge et une source
de réconfort. Elles s’expriment à travers des interactions, des secrets, des conversations, des jeux et
parfois même un combat commun pour la survie. Ces liens vécus dans l'esprit de la maxime « un pour
tous, tous pour un » aident les enfants à surmonter les difficultés auxquelles ils doivent faire face.
Pour un grand nombre d'entre eux, les mouvements de jeunesse représentent une source de réconfort
supplémentaire. Dans certains ghettos, ces mouvements continuent à être actifs et offrent aux jeunes
un environnement solidaire et chaleureux, contrastant avec la réalité froide et menaçante qui les entoure.
Lorsque les enfants n'ont personne à qui se confier, ils créent quelquefois aussi des relations tout à fait
uniques avec des animaux.
Les vendeurs de cigarettes de la « Place des Trois croix » à Varsovie sont des enfants juifs qui ont réussi à s'évader du ghetto de la ville. Ces jeunes réfugiés forment de petits groupes et se faisant passer pour des Polonais, vendent des journaux et des cigarettes sur la place et à bord des trains. Ils dorment dans les bâtiments abandonnés et les cimetières. Ils font aussi parvenir clandestinement de la nourriture et des vêtements à leurs proches du ghetto. Ils se joindront par la suite à la révolte armée contre les nazis durant l'insurrection de Varsovie en août 1944.
Ruth (gauche) et Maud, sur le terrain de sports « Maccabi », Prostějov, Moravie, hiver 1940-1941
Album photo miniature en ardoise fabriqué par Katrina Steckelmacher pour sa fille Maud à l'occasion de son anniversaire, ghetto de Theresienstadt.
Collection de l'USHMM (United States Holocaust Memorial Museum), don de Michal Beer (Maud Stecklmacher)
« Nous nous sommes habitués à beaucoup de choses.
Passer la nuit sur le sol d'un hall immense à l'odeur fétide. Les
latrines nauséabondes sans aucune intimité, la faim, le couvre-
feu. Heureusement pour moi, j'ai traversé tout cela aux côtés de
mon amie Ruthy... Ruthy a ensuite été envoyée en Pologne et
elle a disparu. Les convois se succédaient à un rythme tellement
effréné que nous n'avons même pas eu la possibilité de nous
dire au revoir. Je pense souvent à elle, à ce qu'elle aurait dit en
voyant des gratte-ciels ou un avion à réaction... elle n'avait pas
encore 13 ans lorsqu'elle a apparemment été abattue. »
Michal Beer (Maud Stecklmacher)
AMITIé
maUD StECkLmaChEr, NéE EN 1929 à
PRoSTějov, TchécoSLovAquIe
Maud Stecklmacher et Ruth Weiss vivent dans la
ville de Prostějov en Moravie et deviennent de
proches amies durant leur troisième année d'école
primaire. Ensemble, les deux fillettes endurent les
épreuves liées à l'invasion nazie. En juillet 1942,
elles sont déportées avec leurs familles à bord
du même convoi au départ de Prostějov et à
destination du ghetto de Theresienstadt.
Dans le ghetto, les deux jeunes filles sont logées
ensemble et partagent tout. Mais Ruth est
brusquement déportée en Pologne et Maud ne la
reverra jamais plus.
Maud, sa sœur et sa mère survivront à la Shoah.
Maud rejoindra une ferme de formation du
mouvement de jeunesse Gordonia-Maccabi hatzair
et émigrera en Israël en mars 1949 avec sa mère, sa
sœur et un groupe de jeunes du mouvement.
AMITIé
16 17A 17B
F O Y E R
Regina en train de donner à manger aux pigeons sur l'Augustusplatz à Leipzig (Allemagne) avant la guerre
Regina et sa mère chez la famille Boaron, qui les accueille à Benghazi Collections de Yad Vashem, don d'Efraïm Levi, Ramat Efal, Israël
Suite au pogrom de la Nuit de cristal, les parents de la
petite Regina Zimet, alors âgée de six ans, décident de
quitter l'Allemagne pour se rendre en Terre d'Israël. Ils
fuient leur maison de Leipzig et traversent la frontière
italienne en 1939.
L'année suivante, la famille parvient à Benghazi
(Lybie) alors sous contrôle italien. L'Italie étant entrée
en guerre aux côtés de l'Allemagne en juin 1940, ils
sont renvoyés en Italie et internés dans le camp de
détention de Ferramonti. Les familles avec enfants,
dont la famille Zimet, sont ensuite libérées et
autorisées à vivre dans les villages alentour. Regina
et ses proches évoluent alors relativement librement
au milieu des petites communes de la région. Suite à
l'occupation allemande du nord de l'Italie, à l'automne
1943, la famille Zimet est obligée de se cacher et
utilisera à plusieurs reprises des identités d'emprunt.
La région sera libérée en avril 1945. Regina et sa
famille parviendront en Terre d'Israël trois mois
plus tard.
« Un peu plus tard ce soir-là, nous avons quitté notre
appartement. Tandis que le taxi démarrait, nous nous sommes
retournés, les yeux baignés de larmes... j'ai serré contre moi ma petite
poupée... la seule chose que j'avais pu prendre avec moi et j’ai enfoui
ma tête dans les bras de ma mère. à la frontière, un garde a voulu
confisquer ma poupée ! Il m'a dit : 'Donne-moi cette poupée pour ma
fille ! » J'ai crié : 'Prenez tout ce que vous voulez mais laissez-moi
mon dernier souvenir de Leipzig !' Il a souri et m'a répondu qu'il me
laissait la poupée en souvenir de mon pays natal. »
Regina (zimet) Levi
qUITTER SON FOYER
rEGina zimEt, NéE EN 1933 à LEIPzIG, ALLEMAGNE
Cette poupée est le seul objet que Regina emportera en 1939 quand elle fuit, avec sa famille, sa maison de Leipzig pour se rendre en Italie. La fillette réussira à la conserver tout au long du périple familial en Europe et en Afrique du Nord, durant les six années qui suivront.
F O Y E R
« Il ne restait plus qu'une
petite poignée d'enfants...
chacun d'eux était le vestige
d'une génération et rendait
témoignage pour celle-ci. »
Lena Küchler-Silberman
Dans le ghetto de Debrecen en Hongrie, Leah Burnstein fabrique une maison de poupées et deux figurines à l'image de ses parents, en souvenir du foyer dont ils ont été chassés. Leah est envoyée dans le camp de concentration de Strasshof en Autriche. Elle y trouve une couverture de livre avec laquelle elle recouvre sa « maison » de carton.Leah survivra et émigrera en Terre d'Israël, emportant avec elle la « maison de son enfance ».
Collections de Yad Vashem, don de Leah (Burnstein) Carmel, Haïfa, Israël
L'expulsion du foyer, la fuite, la vie dans la clandestinité, autant d’expériences bouleversantes, qui
provoquent un fort sentiment d'insécurité. Pour de nombreux enfants juifs, elles symbolisent le
déclenchement de la guerre. Souvent, les plus jeunes emportent avec eux un objet qui leur apporte du
réconfort et rappelle leur foyer.
La majorité des enfants rescapés survivront dans des « foyers alternatifs » : monastères, familles d'accueil
non-juives, maisons d'enfants ou abris clandestins. Un grand nombre demeurera également sans abri,
contraint d’errer d'un lieu à l'autre.
Après la Libération, des dizaines d'orphelins juifs abandonnés se réunissent dans le bâtiment du Conseil juif de Cracovie en Pologne. Ils n'ont ni foyer ni famille vers lesquels s'en retourner et personne pour s'occuper d'eux. Lena Küchler-Silberman les rassemble et fonde une maison d'enfants. Elle veille sur eux, les aide à se reconstruire et devient pour eux comme une « mère ».
F O Y E R
Betty Waterman naît en 1940 de l'union de Konrad et
Simone Rivka Waterman. À deux ans, elle est envoyée
dans une maison d'enfants chrétienne à Utrecht,
enveloppée dans une couverture, sa poupée et un chiot
en peluche dans les bras, avec un papier indiquant son
nom. Un informateur ayant averti les autorités qu'il s'agit
d'une enfant juive, Betty est transférée dans le secret
au domicile de la famille Tinholt qui fait partie de la
résistance hollandaise. Elle y restera cachée jusqu'à la
fin de la guerre. La petite Betty a les cheveux bruns dans
une région où la majorité de la population locale a les
cheveux clairs ; cette particularité attire l'atte ntion des
soldats nazis stationnés aux alentours. Craignant de
mettre l'enfant en danger, sa mère adoptive la garde à
l'intérieur et la petite passe des heures debout à la fenêtre,
son chiot sous le bras.
À la fin de la guerre, les parents de Betty, qui ont survécu
dans la clandestinité, localisent les Tinholt avec l'aide de
la Croix-Rouge et viennent récupérer leur fille.
« Pour moi, ce petit chien représentait mes parents qui n'étaient
pas avec moi... Du moment de la séparation avec mes parents, je n'ai
aucun souvenir. C'était en novembre 1942. J'ai pris la poupée que
j'avais toujours avec moi et le petit chiot en peluche... Je me souviens
que je les serrais tous les deux très fort contre moi. Ils me procuraient
un sentiment de sécurité. Je parlais avec le chiot : 'Nous allons
dormir' ; 'Nous ne devons pas faire de bruit’. C'était comme si
je me parlais à moi-même. Je le réconfortais en disant : 'Tu n'as pas
de raison d’avoir peur, je suis là avec toi.' Après la guerre, en juin 1945,
je suis retournée chez mes parents et le chiot est rentré avec moi.»
Betty (Waterman) Ilsar
DANS LA CLANDESTINITébEtty WatErman, NéE EN 1940 à AMSTERDAM, PAYS-BAS
Betty Waterman (date inconnue)
Le chiot en peluche qui accompagna Betty dans la clandestinité Collections de Yad Vashem, don de Ronit Ilsar, Afoula, Israël
18 19A 19B
J E U« Pouvaient-elles imaginer, qu'ayant perdu
mon ours en peluche un jour où nous avions dû
fuir, je m’étais mise à jouer avec des épingles à
cheveux ? N'importe quelle épingle, un simple
morceau de métal recourbé, se transformait en
poupée. Les boîtes d'allumettes devenaient des
lits... à chaque fois qu'il y avait des bougies, je
mâchais la cire jusqu'à ce qu'elle ramollisse et la
modelais pour en faire des ustensiles de cuisine,
des petites tasses, des assiettes... Mes doigts,
sur lesquels je dessinais parfois un visage,
devenaient mes poupées et cela me suffisait. »
Ruth (Yurgrau) Lavie
La bobine de fil qui servit de jouet à Daniel Ehrenkrantz alors qu'il se cachait en France avec sa sœur Lisette et leur gouvernante. Daniel l'emportera avec lui dans leurs cachettes successives, tout au long de la guerre.Collections de Yad Vashem, don de Lisette Ehrenkrantz Galel, Ramat Hasharon, Israël
Jeu et Shoah pourraient sembler incompatibles.
En temps normal, le jeu est le reflet de l'imagination, de la créativité des enfants, qui leur permet de bâtir un
monde et d’en fixer les règles. Durant la Shoah, le jeu apportera non seulement du réconfort aux plus jeunes ;
il leur procurera aussi un moyen de survie sur le plan émotionnel – telle une bouée de sauvetage.
J E U
« Chacun de nous avait dans son armée des héros et des généraux. Celui qui lisait un livre le premier pouvait inviter le héros du livre dans son armée. évidemment, mon armée avait les héros les plus remarquables. Un jour, lorsque Mère nous raconta l'histoire de Robin des Bois, mon frère se leva d'un bond et invita Robin des Bois à être dans son armée avant moi. à partir de ce jour-là, son armée avait un général Robin des Bois ; et je ne pouvais rien y faire, à mon grand désarroi. Dans la cave de Mieleszka, je nous construisis un palais où nous vivions avec nos épouses. J'étais
Tarzan chef de l'univers et mon frère était Richard Grenadier. »
Uri Orlev (Henryk "Yurek" Orlowski)
JEUx ET JOUETS
hEnryk "yUrEk" orLoWSki, Né EN 1931 à VARSOVIE, POLOGNE
kazimiErz "kazEk" orLoWSki, Né EN 1933 à VARSOVIE, POLOGNE
henryk « Yurek » Orlowski et son jeune frère Kaimierz
« Kazek » vivent à Varsovie avec leurs parents
Zofia et Maximilian. Lorsque la guerre commence,
Maximilian est enrôlé dans l'armée polonaise. Zofia
et les enfants sont contraints de s'installer dans le
ghetto de Varsovie, où Zofia est assassinée. Stefania
Rosenzweig, la tante des garçons, décide alors de
les prendre sous son aile. Elle les fait entrer dans la
clandestinité et obtient par la suite des « certificats »
(visas) les autorisant à émigrer en Terre d'Israël
(Palestine mandataire). Ces documents leur
procurent un statut potentiellement utile pour les
nazis et leurs conditions de vie dans leur section
du camp de concentration de Bergen-Belsen s'en
trouveront quelque peu améliorées. Tous trois
survivront.
Yurek Orlowski et son frère Kazek, à leur arrivée en Terre d'Israël
Yurek et Kazek Orlowski se retrouvent souvent seuls et font passer le temps en jouant avec de petits soldats qu'ils fabriquent à l'aide de bouts de papier, de bois et de tout ce qu'ils trouvent à portée de main. Les soldats « se battent » dans des forteresses construites par les garçons avec tous les matériaux qu'ils parviennent à dénicher. Durant leur internement à Bergen-Belsen, ils réussissent à se procurer des petits soldats auprès d'un autre enfant. Après la Libération, ils sont transférés dans la ville allemande de Hillersleben où d'autres figurines, retrouvées dans des maisons allemandes abandonnées, viennent s'ajouter à leur collection.
Collections de Yad Vashem, don d'Uri Orlev, Jérusalem, Israël.
Nelly et sa mère Rozia, Teplice, Tchécoslovaquie, 1946Avec l'aimable autorisation de Nelly Toll
Nelly Toll, extrait de la série L'histoire : « Un heureux incident », 1943 :mère et fille, Gouache et crayon sur papierPrès du piano, Gouache et crayon sur papierCollections de Yad Vashem, avec l'aimable autorisation de Nelly Toll
« 'Un heureux incident' est un récit fantastique, l'histoire
d'une enfant, d'une 'Cendrillon' avec une méchante belle-mère.
Un beau jour, la petite fille s'enfuit et trouve sur sa route un
palais où vit une magnifique princesse. La princesse invite
l'enfant à demeurer chez elle, et, à dater de cet 'heureux
incident', la petite fille ne connaîtra plus que le bonheur. Le
décor, les meubles, le piano, le banc, les portes et la chambre
bleue ont tous été dessinés à partir des souvenirs de notre
appartement de Lviv et de la vie d'avant-guerre. La robe bleue,
inspirée du souvenir d'une de mes robes, est également 'réelle'. »
Nelly (Mieses) Toll
CONTES ET DESSINS
nELLy miESES, NéE EN 1935 à LWóW, POLOGNE
(VILLE DE LVIV DANS L'UKRAINE ACTUELLE)
J E U
Pendant ses longues heures passées dans la
clandestinité, Nelly Mieses entreprend d'illustrer les
histoires que sa mère Rozia lui raconte. Ses peintures
mêlent des personnages tirés des récits maternels
aux souvenirs encore distincts de sa vie
d'avant-guerre. Ces aquarelles, avec leur palette
enjouée, donnent naissance à un monde enchanté
idéal, dans lequel les enfants jouent en toute liberté.
Bien loin de l'univers dont Nelly est prisonnière, qui se
résume à une seule et unique pièce, avec l'interdiction
de faire le moindre bruit pour ne pas se faire repérer.
Nelly et Rozia survivront et découvriront après la
Libération de Lwów qu'elles sont les seules rescapées
de leur famille.
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Daniel Chanoch (gauche) et son frère Uri lors de leurs retrouvailles après la guerre, Bologne, Italie, 1945
Pantalons de prisonniers. Le pantalon de prisonnier avait une grande importance dans les camps : celui qui le portait était un travailleur et avait par conséquent le droit de vivre.Collections de Yad Vashem, don de Daniel Chanoch, Karmei Yosef, Israël
« Un officier allemand... m'a arrangé un travail dans la
cuisine des Allemands... j'étais un petit gars de belle taille et
à l'allure visiblement sympathique... Je lui rappelais peut-être
son fils, il m'a donc emmené travailler dans la cuisine des
SS... je cirais [aussi] ses chaussures, je nettoyais sa chambre,
et il m'a offert la chose la plus précieuse de toutes, quelque
chose que les autres enfants n'avaient pas, un uniforme de
prisonnier. Imaginez quel 'exploit'. On m'octroyait un uniforme
rayé. C'était une sorte de reconnaissance symbolique
signifiant : vous avez été désigné pour travailler. »
TRAVAUx FORCéS
DaniEL ChanoCh, Né EN 1933 à KOVNO, LITUANIE
Lorsque le ghetto de Kovno est liquidé en juillet
1944, les hommes sont envoyés dans le camp de
travaux forcés de Kaufering à Landsberg. Daniel
Chanoch y travaille dans le bureau du commandant
et à la cuisine. Il est ensuite transféré au camp
d'extermination d'Auschwitz-Birkenau et affecté au
transport des charrettes utilisées pour charger les
effets personnels des victimes. En janvier 1945, il
prend part à une marche de la mort à destination du
camp de concentration de Mauthausen. Transféré
par la suite dans celui de Gunskirchen en Allemagne,
il sera finalement libéré en mai 1945.
TRAVAIL DESENFANTS
TRAVAIL DESENFANTS
« Il n'y a pas d'enfants dans le
ghetto—il n'y a que des petits Juifs…
les enfants du ghetto sont obligés
de travailler. à défaut de travail, ils
courent le risque d'être arrachés à
leurs parents et envoyés vers une
destination inconnue. »
Josef zelkowicz
Des enfants transportent une barrique d'eaux usées, ghetto de Łodz, PologneCollections de Yad Vashem
Certificat de travail au nom de Nelkenbaum Muniek, dix ans, apprenti dans une usine métallurgique, ghetto de Łodz, Pologne Collections de Yad Vashem
Durant la Shoah, certains enfants juifs sont également affectés aux travaux forcés, parfois même aux côtés
des adultes. Ils travaillent dans les ghettos, les camps et ailleurs. Les enfants assimilent vite l'idée que le
travail, qui les rend utiles aux yeux des nazis, est un gage de survie. Gardant cela en tête, ils consentent à
tous les travaux dont ils sont chargés, même les plus éreintants.
Dans le ghetto de Łodz, les enfants commencent à travailler dès l'âge de dix ans, parfois même plus tôt. Ils sont astreints à des travaux dans la quasi-totalité des ateliers du ghetto ; certains acceptent même des emplois d'adultes afin d’obtenir un « ticket pour la survie ». Il leur faut prouver qu'ils sont utiles pour rester en vie. La plupart des enfants du ghetto de Łodz seront pourtant assassinés.
Stefan Cohn (gauche) avec deux autres travailleurs forcés dans le cimetière juif de Weissensee, Berlin, 1942Avec l'aimable autorisation de Werner Jacobsohn, New York, Etats-Unis
« Je suis vite devenu un travailleur
comme les autres—avec de grands
sabots de bois, une houe, une pelle à
poussière et un rendement minimum
régulier...»
Thomas Geve (Stefan Cohn)
TRAVAUx FORCéS
StEfan Cohn, Né EN 1929 à zUELLCHOW , ALLEMAGNE
La famille Cohn déménage à Berlin en 1939. Après
la fermeture des écoles juives, Stefan est obligé
de travailler dans le cimetière juif. En juin 1943, il
est déporté au camp d'extermination d'Auschwitz-
Birkenau avec sa mère Bertha, qui y sera assassinée.
Stefan est affecté à l'usine de maçonnerie. En janvier
1945, il est évacué dans le cadre d’une marche de
la mort vers l'Allemagne. Libéré par les troupes
américaines en avril 1945, il réalise 79 dessins
représentant la vie dans les camps.
TRAVAIL DESENFANTS
Celle qui sauva la vie de centaines d'enfants (l'école de maçonnerie), crayon, crayon de couleur et aquarelle sur papierLa routine quotidienne, crayon, crayon de couleur et aquarelle sur papierCollections de Yad Vashem, don de l'artiste
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Le drapeau qui était déployé chaque soir durant « l'appel » à la maison d'enfants de Wezembeek en BelgiqueCollections de Yad Vashem, don de Marie Blum-Albert, Bruxelles, Belgique
MAISONS D'ENFANTS
EDUCATION
Avant la Seconde Guerre mondiale, des maisons
d'enfants offrent éducation et environnement
chaleureux aux orphelins et à ceux que leurs
parents ne peuvent prendre en charge. Durant la
Shoah, ces maisons ouvrent leurs portes à de
nombreux enfants livrés à eux-mêmes depuis que
leurs parents ont été affectés aux travaux forcés
ou déportés dans des camps. Il en existe alors
de nombreuses à travers l'Europe. Dans le seul
ghetto de Varsovie, 30 000 des 100 000 enfants
vivent dans des maisons de ce type. Le personnel
est complètement dévoué aux jeunes résidents
et s'efforce de rendre leur vie aussi normale que
possible. Malgré les efforts déployés pour tenter
de les sauver, de nombreuses maisons d'enfants
seront purgées et les enfants déportés dans des
camps d'extermination en compagnie de leurs
enseignants et de leurs accompagnateurs.
Cher Papa :
Je m'amuse bien avec mes camarades… Es-tu en bonne santé ?
Mois (sic), je me porte bien. En classe, je suis le troisième sur huit,
j'ai eu 64 points edemie (sic). On fait des compositions d’écriture,
de calcul, de science, de grammaire, de histoire de France (sic), de
géographie, de leçon de choses. Je dors bien, je mange bien. On
fait des promenades les jeudi et les dimanche (sic) quand il fait
beau. On m'a rasé la tête. Je termine ma lettre en t’envoient (sic)
1000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000…
Ton fils qui pense beaucoup à toi et à papa, mille beser (sic) pour
maman et pour papa !
Lettre écrite à son père par Georgie Halpern, l'un des résidents de la maison d'enfants d'Izieu
Vendredi le 11 mars 1944
Des enfants font une ronde à la maison d'enfants de Wezembeek en Belgique Collections de Yad Vashem
Lettre écrite à son père par Georgie Halpern à la maison d'enfants d'Izieu, France, mars 1944Tous les enfants d'Izieu seront déportés dans le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.Avec l'aimable autorisation de Serge Klarsfeld, France
EDUCATION« Mon seul réconfort durant cette longue et sombre période fut la lecture... Jadwiga [la fille de ses hôtes], qui allait à l'école, empruntait chaque jour un nouveau livre à la bibliothèque pour moi... Sans cette lecture incessante, je serai sans doute devenu complètement demeuré ou pire encore. Je lisais constamment. Je dévorais chaque jour un nouveau livre. qu'aurais-je bien pu faire d'autre dans ce grenier moisi ? Cette lecture incessante me tint lieu d'école primaire, de secondaire et d'université. »
Jakov Goldstein
Deux années durant, Jakov Goldstein est cantonné à l'espace exigu du grenier de la famille qui le cache.
Des enfants étudient dans une école clandestine, ghetto de Kovno, LituanieCollections de Yad Vashem
Pendant la Shoah, malgré les conditions de vie difficiles et les graves restrictions qui entravent l'éducation,
les organismes juifs s'efforcent de fournir des solutions aux enfants de leurs communautés.
La mise en place de cadres éducatifs et sociaux alternatifs - bibliothèques, théâtres pour enfants, salles
de classe et ateliers d'art - va permettre un enseignement structuré et la transmission des traditions juives
et valeurs morales. Ces structures jouent un rôle capital dans l’existence des enfants et leur procurent un
sentiment de stabilité.
Ceux qui vivent dans la clandestinité ne peuvent bénéficier de ces alternatives. Ils s'instruisent grâce aux
livres dont ils disposent, ou auprès des adultes de leurs caches.
Un grand nombre d'entre eux néanmoins, trop occupés à se battre pour assurer leur survie, n'auront pas le
loisir d'étudier durant la Shoah.
Dans le ghetto de Kovno, les dirigeants juifs prennent les dispositions nécessaires pour permettre aux enfants de poursuivre leur scolarité et leurs études religieuses, malgré les nombreux défis et restrictions. Les cours se déroulent par petits groupes dans des écoles clandestines ou au domicile des enseignants. Les enfants sont ravis d'aller étudier et de conserver une certaine forme de routine.
Gyurkah Klein et sa mère, Budapest, avril 1944
« Histoire de l'humanité »Collections de Yad Vashem, don de Moshe Eitam, Haïfa, Israël
EDUCATIONL'AUTO-APPRENTISSAGE
GyUrkah kLEin, Né EN 1932 à BUDAPEST, HONGRIE
Lorsqu'il quitte son domicile à l'âge de 12 ans pour
rejoindre un foyer pour enfants dans l'une des
maisons étoilées de Budapest (bâtiments alloués
aux Juifs par les autorités hongroises), Gyurkah
Klein emporte avec lui un ouvrage intitulé histoire
de l'humanité. Il sera ensuite transféré dans un
refuge pour enfants géré par le mouvement des
Jewish Youth Pioneers sous les auspices de la
Croix-Rouge.
Les représentants du mouvement fasciste hongrois
des Croix fléchées font un jour brusquement
irruption au refuge et déportent tous les résidents
dans le ghetto.
Gyurkah conservera précieusement son livre, même
le jour où il s'évadera seul du ghetto. Il retrouvera
ensuite sa mère et tous deux vivront ensemble dans
la clandestinité jusqu'à la Libération.
« 'Histoire de l'humanité', l'un de mes livres d'enfant, m'en a
appris davantage que n'importe lequel de mes professeurs. »
Moshe Eitam (Gyurkah Klein)
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« J'attendais impatiemment le jour où j'allais célébrer ma bar mitsva... et le jour tant attendu a fini par arriver... Ma synagogue était le tunnel que j'avais moi-même percé. J'ai creusé de mes propres mains un cercle dans la terre et j’ai planté une multitude de brindilles dans le cercle. Après avoir terminé, j'ai relevé la tête et regardé tout autour... toutes les brindilles me parlaient, comme des pierres tombales vivantes. Comme si elles festoyaient toutes autour de moi. J'ai continué à regarder toutes ces petites pierres tombales, cette foule qui avait été là jadis mais qui n'était plus et dont seul le souvenir subsistait. »
Eliyahu (Rozdzial) Raziel
Tefillin (phylactères) ayant appartenu à Vittorio (Victor) ReginianoCollections de Yad Vashem, don de Victor et Shulamit Reginiano, Rishon Lezion, Israël
La Bar Mitsva, célébrée par les garçons juifs lors de leur treizième anniversaire, marque le passage de l'enfance à
l'âge adulte. Lorsqu'il atteint treize ans, le jeune garçon devient responsable de ses actes et a le devoir d'observer
toutes les mitzvot (commandements prescrits par la loi juive). Cette étape est considérée comme l'un des
événements les plus importants de la vie de l'enfant, de sa famille et de sa communauté. Elle est généralement
marquée par une cérémonie spéciale qui se déroule dans une synagogue ou un lieu doté d’une signification juive.
Sous le régime nazi, les jeunes Juifs sont peu nombreux à pouvoir célébrer leur Bar Mitsva comme il convient ou
même de façon incomplète. La cérémonie prend un sens nouveau durant la Shoah, à l'instar de toutes les autres
célébrations marquant les grands évènements de la vie.
L'organisation de cette cérémonie et la célébration des anniversaires de manière générale sont l’occasion de
proclamer un message d'amour et d'amitié, d'attachement aux valeurs du passé et de dire son espoir de voir
advenir des jours meilleurs pour des enfants privés du droit même d'exister. Les anniversaires servent de points
d'ancrage dans un monde en plein effondrement dans lequel les repères habituels de temps et de lieu ont disparu.
En 1940, la famille Reginiano est déportée de Tripoli (Libye) au camp d'internement de Villa Olivato en Italie. Là, un shohet (abatteur rituel) donne au jeune Vittorio alors âgé de treize ans une paire de tefillin (phylactères) et un livre de prière pour marquer sa Bar Mitsva. Vittorio conservera les tefillin la guerre durant.
RITES DEPASSAGE
Meir Muhlbaum à l'école à Amsterdam (Pays-Bas), après 1937
Tefillin (phylactères) et pochette ayant appartenu à un déporté inconnu, offerts au jeune Meir Muhlbaum pour sa Bar Mitsva dans le camp de transit de Westerbork Collections de Yad Vashem, don de Meir Muhlbaum, Herzliya, Israël
« Puis [à Westerbork], est arrivé le jour où mon deuxième
frère, Meir, a atteint à l'âge de la Bar Mitsva. Père s'est
assuré que quelqu'un se charge de lui enseigner tout ce
qu'un garçon doit savoir pour sa Bar Mitsva : comment être
'appelé à la Torah', prononcer les bénédictions et même
un petit peu de lecture à partir des rouleaux de la Torah.
J’ai même réussi à 'arranger' un cadeau pour mon frère.
Une femme... avait oublié son livre de prière. J'ai écrit une
dédicace pour mon frère à l'intérieur et je le lui ai offert pour
sa Bar Mitsva. Mon frère a été appelé à la Torah... les gens
ont mangé du [pain] gâteau et bu à sa santé. »
Bilha Muhlbaum
BAR MITSVA
mEir mUhLbaUm, Né EN 1930 à BERLIN, ALLEMAGNE
Shlomo et Mina Muhlbaum ont quatre enfants, dont
Meir et Bilha. En 1935, la famille fuit Berlin pour
Amsterdam. En 1941, Shlomo est déporté au camp
de transit de Westerbork, suivi deux ans plus tard
par le reste de la famille. Tous sont ensuite envoyés
dans le camp de concentration de Bergen-Belsen.
En 1944, dans le cadre d'un programme, unique en
son genre, d'échange de prisonniers juifs contre
des Templiers allemands résidant en Terre d'Israël
(Palestine mandataire), la famille arrive en Terre
d'Israël via la Turquie et s'établit à Tel-Aviv.
RITES DEPASSAGE
Jadzia Beitner, avant la guerre
« Je me souviens de mon onzième anniversaire dans le
camp... un seau de charbon rempli à ras bord avait été posé à
côté de la chaudière, c’était un cadeau d'une valeur inestimable.
Il y avait une carte de vœux en forme de fer à cheval, un livre d'or...
découpé dans les restes d'un tablier de travail noir et un autre
livre d'or... qui s'ouvrait pour former une fleur brodée. Ce jour-là,
le personnel de la cuisine m’a préparé un cadeau d’anniversaire
tout à fait exceptionnel... un plateau avec un bol de soupe et une
assiette de vraies betteraves et de vraies pommes de terre. »
Yochit Mendelson (Jadzia Beitner)
ANNIVERSAIRES
JaDzia bEitnEr, NéE EN 1933 à KATOWICE, POLOGNE
Après l'invasion de la Pologne, les Allemands déportent herman et Bila Beitner, et leurs enfants Anny, Nathan, Zusia et Jadzia, dans la ville de Sosnowiec. herman, Nathan et Anny s’enfuient peu de temps après. Bila et ses deux plus jeunes filles Zusia (10 ans) et Jadzia (6 ans) demeurent dans la ville.En janvier 1942, après la mort d'herman et de Nathan, Anny parvient à regagner Sosnowiec, où elle retrouve sa mère et ses sœurs. Un mois plus tard, elle est envoyée dans le camp de travaux forcés d'Oberaltstadt dans la région des Sudètes. Zusia l'y rejoint quelques mois plus tard. Au printemps 1943, Bila et Jadzia sont internées dans le ghetto de Scherodola. Lors de sa liquidation en 1943, elles sont à leur tour envoyées à Oberaltstadt, où Jadzia, plus jeune prisonnière du camp, est affectée à des travaux de ménage. Le 4 mars 1944, les prisonniers célèbrent le onzième anniversaire de la fillette. Bila Beitner et ses filles seront libérées d'Oberaltstadt en mai 1945.
RITES DEPASSAGE
Les deux livres d'or offerts à Jadzia pour son onzième anniversaire dans le camp de travaux forcés d'Oberaltstadt, 1944Collections de Yad Vashem
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Pendant la Shoah, les communautés juives subissent de violents bouleversements et traversent de graves crises sociales et familiales. Les enfants plongés dans cette réalité se retrouvent privés de leur routine et de leur insouciance. Dans les ghettos, les épreuves se multiplient encore : là, ils sont confrontés à la surpopulation, la faim, les maladies infectieuses, la peur et la violence. Contraints de s’adapter dans l’urgence à ces conditions de vie extrêmement difficiles, nombre d'entre eux deviennent alors des « adultes dans des corps d'enfants ». D’autres seront séparés de leurs familles et contraints de survivre sans leurs parents cachés ou déportés dans des camps de concentration. Pour eux, le combat est plus rude encore. Leur enfance est détruite. Pour autant, malgré les conditions de vie effroyables et les situations terribles auxquelles ils doivent faire face, les enfants continuent à dessiner, écrire des histoires et inventer des jeux qui expriment leurs rêves, leurs peurs et leurs espoirs. Tout au long de cette exposition, une sélection de dessins, poèmes, lettres et jouets offre un aperçu émouvant de la vie des enfants juifs durant la Shoah. Un vent d'optimisme, de créativité et d'imagination qui démontre la capacité tout à fait unique des plus jeunes à s'accrocher à la vie. En dépit de tout, même du pire et de l’impensable.
Rosa Wurman-Wolf, maison d'enfants de Wezembeek, Belgique, durant la guerreRosa n'a que deux ans lorsque ses parents sont déportés dans le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Elle survivra à la Shoah.Collections de Yad Vashem
DES ETOILES SANS FIRMAMENTLES ENFANTS DANS LA TOURMENTE DE LA ShOAh
Une enfant dans le ghetto, ghetto de Kovno, 1941-1944Jacob Lipschitz (1903-1945)
Collections de Yad Vashem
DES ETOILES SANS FIRMAMENT
Les enfants dans la tourmente de la Shoah
Le terme de Shoah désigne le génocide total, systématique et sans précédent perpétré par l’Allemagne nazie et ses complices dans le but d’exterminer le peuple juif et d'anéantir à jamais sa culture et ses traditions. Son principal moteur : l'idéologie raciste nazie. Entre 1933 et 1941, l’Allemagne nazie mène une politique de persécution qui consiste à dépouiller les Juifs de leurs droits et de leurs biens, puis à stigmatiser et concentrer les populations juives sous son contrôle dans des zones définies par avance. Fin 1941, cette politique s'est muée en un plan d’action exhaustif et systématique que les nazis nomment « Solution finale de la question juive en Europe ». Ces mesures bénéficient d’un large soutien en Allemagne et dans la majeure partie de l'Europe.
L’Allemagne nazie voue alors à l’extermination les Juifs d’Europe, et dans leur sillage, ceux du monde entier. Près de deux millions de Juifs sont tués par balles tandis que des millions d’autres, originaires de toute l’Europe, sont raflés et déportés à bord de wagons à bestiaux vers des camps d’extermination – complexes industriels de mise à mort où ils sont assassinés dans des chambres à gaz.
Lorsque la guerre prend fin en 1945, près de six millions de Juifs ont été assassinés. Parmi eux, approximativement un million et demi d'enfants.
Seul un faible pourcentage d'enfants juifs survivront à la Shoah.
LA ShOAh
Yad Vashem a été établi en 1953 pour être le centre mondial de commémoration, de documentation, d'étude et d'enseignement de la Shoah. Mémorial vivant du peuple juif en souvenir de la Shoah, Yad Vashem œuvre à préserver la mémoire du passé et à lui donner un sens pour les générations à venir.
Cette exposition est une adaptation de l'exposition « Les enfants dans la tourmente de la Shoah : Des étoiles sans firmament » réalisée sous la direction de Yehudit Inbar et présentée à Yad Vashem.
Elle a été produite par le Département des expositions itinérantes de la Division des musées de Yad Vashem.
Conception graphique : Division informatique, Yad Vashem
Cette exposition a été généreusement financée par : Victor David et Ruth Grubner. The Jay and Barbara hennick Family Foundation
Des enfants font la queue pour recevoir de la nourriture, ghetto de Lodz, Pologne Musée juif de Francfort, photo : Walter Genewein
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DES ETOILES SANS FIRMAMENT
Les enfants dans la tourmente de la Shoah