Confirmation microbiologie des cas
d’Ulcère de Buruli
Cours International
Centre Pasteur du Cameroun
Yaounde, 23-30 janvier 2006
F. Portaels
Confirmation microbiologique des cas d’Ulcère de Buruli
I. Pourquoi ?
1. En zone d’endémie:• augmenter la qualité du diagnostic clinique• confirmer la qualité des excisions chirurgicales• confirmer des cas d’échecs, de rechutes• confirmer l’efficacité d’éventuels traitements
antimycobactériens• analyser les souches de M. ulcerans
2. En zone non endémique• confirmer la présence de l’UB
II. Comment ?
• Examen direct • Culture• PCR• Histopathologie
Un vrai cas d’UB est confirmé par au moins 2 résultats positifs (OMS, 2001)
N.B. Pour les centres qui ont une excellente expérience dans le diagnostic clinique de l’UB un seul résultat positif pourrait suffir.
III. Recueil des échantillons
1. Formes non ulcérées
Echantillons prélevés à partir des tissus excisés chirurgicalement.
Prélever au centre du tissu excisé (ex: graisse nécrosée)
Placer les fragments de tissus (2 4 mm3) dans le milieu de transport (MT)
Enfoncer au fond du MT
(Le MT doit complètement entourer le f’ragment)
2. Formes ulcérées
2.1. Ecouvillons
Ecouvillonnages multiples sous les bords décollés de l’ulcère (la répartition des bactéries peut être très hétérogène)
Ne pas écouvillonner le centre de l’ulcère
2.2. Tissus prélevés à partir d’une excision
chirurgicale
cf. formes non ulcérées
3. Formes osseuses
3.1. Diagnostic microbiologique
Uniquement dans des centres de référence.
Produits de curetages, fragments d’os, “gelée” à placer dans le milieu de transport (cf. les autres formes).
3.2. Facteurs de risque d’atteinte osseuse
I. Facteurs microbiologiques
1. Charge bacillaire des lésions cutanées à l’examen anatomo-pathologique:
– patients avec atteintes osseuses: 95.8% Z+
– patients sans atteintes osseuses: 52.4% Z+
2. Rôle des germes de surinfection (staphylo, strepto)? NEANT !
3. La virulence des souches pourrait jouer un rôle important. – Souches africaines: les plus virulentes
atteintes osseuses– Souches australiennes, américaines: moins
virulentes pas d’atteintes osseuses
4. Survie à 37°C des mycobactéries isolées des os? NON ! – Les souches des os survivent moins bien
“in vitro” à 37°C que celles de la peau!– Les souches des os poussent moins bien
“in vitro” à 33°C que celles de la peau!
Analyses microbiologiques
Culture positive
Examen direct lésion cutanée lésion ossseuse
4+ 16/17 (94.1%) 5/12 (41.7%)
3+ 7/13 7/13
2+ 5/12 4/11
1 2/8 1/12
- 3/11 6/22
Total 33/61 (54.1%) 23/70 (32.9%)
Facteurs de risque d’atteinte osseuse
II. Facteurs liés à l’hôte
1. Le délai à la consultation joue un rôle primordial!– médiane pour patients sans atteinte osseuse: 46
jours– médiane pour patients avec atteinte osseuse: 91
jours
2. Présence d’une ancienne cicatrice– guérison naturelle– guérison après traitement traditionnel
3. Infection par le VIH
4. Autres maladies (schistosomiase, drépanocytose, … )
5. Autres facteurs (génétiques? immunitaires?
IV. Positivité des tests en fonction des formes cliniques(cas définis par au moins 2 tests positifs) Résultats de Zagnanado (Benin)
Formes Nombre de cas positifs (%+)cliniques ZN Culture PCR Histopathologie
Nodule 20 (62.5) 16 (59.3) 29 (93.5) 18 (94.7)Oedème 4 (80.0) 4 (80.0) 6 (100.0) 3 (100.0)Plaque 268 (82.7) 201 (83.4) 314 (98.8) 79 (98.8)Ulcère 125 (72.3) 91 (65.9) 167 (98.7) 83 (94.3)Os 24 (63.2) 7 (20.6) 38 (100.0) 24 (85.7)Forme mixte 274 (85.1) 201 (75.0) 306 (98.7) 98 (96.1)Ulcère en voiede guérison 20 (74.1) 15 (78.9) 26 (100.0) 3 (100.0)Autres - 1 (50.0) 2 (100.0) -
TOTAL 735 (79.6) 536 (73.0) 888 (98.7) 308 (95.1)
Formes ulcéréesvs formes non p=<0.001 0.004 NS NSulcérées
V. Nombre d’échantillons à prélever par patient
Résultats de Zagnanado (Benin)
Nombre Nombre de cas % casd’échantillonsconfirmés par au confirmés
moins 2 tests+/total
1 375 / 797 47.1 %
2 277/410 67.6 %
3 87/112 77.7 %
>4 156 / 180 86.7 %
VI. Hétérogéneité des tissus. un exemple.
Patient n° Fragment Histopathologiede tissu ZN PCR Culture BAAR
nécrose
1 1 - - - - -
2 - - - - -
3 - + - + +
4 - - - - -
5 + + - + +
2 1 + + - + -
2 + + - + +
3 + + - + +
4 + + - + +
5 + + - + +
6 + + - + +
7 - + - + +
VI. Hétérogéneité des tissus. un exemple. (suite)
Patient n° Fragment Histopathologiede tissu ZN PCR Culture BAAR
nécrose
3 1 + + + - +2 + + - - +3 + + - - +4 + + - - +5 - + - - +6 - + - - -7 + + - - +8 + + + - +9 + + + - +
4 1 - - - - +2 - + + + +3 - + + - +4 - - - - -5 + + - + +
VI. Hétérogéneité des tissus. un exemple. (suite)
Patient n° Fragment Histopathologiede tissu ZN PCR Culture BAAR nécrose
5 1 + + + + +2 - + + + +3 + + + + +4 - + + - +5 - + - + +
6 1 - - - - +2 - + - - -3 + + + - +4 + + + + +5 - + + - -
TOTAL 19 30 12 16 18%+ 52.8 83.3 33.3 44.4 77.8
Distribution hétérogène des bacilles: résumé
Nombre de biopsies punch positives pour 2 tests chez 6 patients
Patient n° Nb+/total %+
1 2/5 40
2 6/7 86
3 8/9 89
4 3/5 60
5 5/5 100
6 3/6 50
VII. Quelques questions
Q1. Faut-il 2 tests positifs pour confirmer un cas ?
Q1. Faut-il 2 tests positifs pour confirmer un cas ?
R1. - Oui, pour éviter un diagnostic erroné
(faux positif, faux négatif)
- Néanmoins: risque de ne pas pouvoir confirmer une forme paucibacillaire
(ex: ulcère avec granulome)
Q2. La sensibilité des tests varie-t’elle en fonction des formes cliniques ?
Q2. La sensibilité des tests varie-t’elle en fonction des formes cliniques ?
R2 Oui - ZN et culture plus fréquemment positifs pour
les formes non ulcérées - PCR et histopathologie: pas de différence
Q3. Si un seul test est utilisé, lequel faut-il choisir ?
Q3. Si un seul test est utilisé, lequel faut-il choisir ?R3 * la PCR IS2404 en premier choix car: - sensibilité de 93.5% à 100% suivant les formes
cliniques - peut être appliqué à des écouvillonnages - peut être appliqué sur des échantillons conservés dans l’alcool - test compliqué, coûteux - nécessité d’un laboratoire bien équipé - risques de faux positifs (matériel à usage unique
indispensable) * l’histopathologie car - sensibilité de 84.3% à 100% - importante pour les formes paucibacillaires - peut fournir un diagnostic différentiel
Q4. Combien faut-il prélever d’échantillons pour confirmer un diagnostic d’UB ?
Q4. Combien faut-il prélever d’échantillons pour confirmer un diagnostic d’UB ?
R4.Au moins 2 échantillons car: - distribution hétérogène des bacilles - augmente la positivité des patients
VIII. Conservation et transport des échantillons
1. Analyse immédiate:
récipient stérile sans additif
2. Echantillons à transporter
2.1. Analyse dans les 24 heures
garder à +4°C ou au froid dans un “frigo-box” (avec glace)
2.2. Au-delà de 24 heures (cas le plus fréquent)
utiliser un milieu de transport (MT)
garder les MT à +4°C jusqu’au moment de l’envoi
IX. Milieu de transport semi-solide (SEMI) 1. CompositionMiddlebrook 7H9 + PANTA (Becton-Dickinson)(Polymixine B, Amphotéricine B, acide Nalidixique, Triméthoprime, Azlocilline) + 0.5% agar
2. Avantages• Transport à t° ambiante• Contrôle des contaminations (PANTA)• Survie de M. ulcerans pendant longtemps (> 1 mois)Remarque: ce n’est PAS une raison pour laisser traîner les échantillons !• Survie des autres mycobactéries (M. tuberculosis, M. chelonae)
3. Nos résultats après transport dans le SEMI
Cultures positives à partir d’échantillons des pays suivants:• Bénin• Côte d’Ivoire• République Démocratique du Congo• Angola• Papouasie-Nouvelle Guinée• Australie
PCR, séquençages positifs pour M. ulcerans à partir des échantillons (négatifs en culture) des pays suivants• Soudan• Ouganda• Pérou
X. Diagnostic microbiologique de l’UB
Comparaison des résultats de 2 laboratoires:
1. Le Laboratoire de Référence des Mycobactéries
(LRM) de Cotonou
(Prof. S. Anagonou et Dr. D. Affolabi)
2. L’Institut de Médecine Tropicale (IMT) d’Anvers
(Prof. F. Portaels)
1. Matériel et méthodes
• Patients cliniquement suspects d’UB
• Fragments de tissus prélevés lors des excisions
• Chaque fragment est coupé en 2
- un morceau pour le LRM
- un morceau pour l’IMT
• Chaque morceau est placé dans le milieu de
transport
• Conservation à +4°C jusqu’au moment de l’envoi
2. Résultats
2.1. Examen direct
LRM: Auramine + : 234/359 = 65.2%
IMT: Ziehl + : 179/359 = 49.9%
IMT + -
+ 158 76 234
LRM
- 21 104 125
179 180 359
Coefficient kappa: 0.46
2.2. Culture
Cultures positives sur LJ / total non contaminé
LRM: 90/233 = 38.6%
IMT: 101/233 = 43.3%
IMT + -
+ 65 25 90
LRM
- 36 107 143
101 132 233
Coefficient kappa: 0.46
Contaminations
LRM: 77/404 = 19.1%
IMT: 63/404 = 15.6%
3. Comparaison LRM-IMT: conclusions
• La coloration à l’Auramine donne de meilleurs
résultats que le Ziehl (65% vs 50%)
• La positivité des cultures est comparable
(39% vs 43%)
• La concordance est moyenne
hétérogénéité des tissus !
• Taux de contaminations légèrement plus élevés au
LRM qu’à l’IMT (19% vs 16%)
MAIS: LRM: hotte aspirante au moment de l’étude!
Maintenant: flux laminaire !
Le transfert de technologie est réussi:
Le LRM est un excellent laboratoire pour la
confirmation microbiologique des cas d’UB par
examen direct et par culture
XI. Analyse des échantillons négatifs par examen
direct, culture et PCR• UB confirmé sur des échantillons antérieurs
• UB non actif ou guéri
• Infections secondaires
• Autres: 12 / 404 = 3%
plaques: 5
nodules: 3
ulcères: 3
tuméfaction: 1
Mycobacterium ulcerans Disease
(Buruli Ulcer) in Rural Hospital,
Southern Benin, 1997-2001
Debacker et al. Emerg Infect Dis 2004; 10: 1391-1398
XII. L ’ulcère de Buruli dans un centre de santé
rural au Bénin
CSNG Zagnanado
• Le Centre Sanitaire et Nutritionnel Gbemoten (CSNG)
• Premier cas traité en 1977• aujourd’hui: plus de 4000 patients
L’étude
• 1700 patients UB admis entre 1997-2001• autres affections:13 patients• rechutes: 57 patients (3.3%)
• 1630 patients UB pour l’analyse
1630 patients
13 patients: confirmation d’une maladie autre que l’UB
abcès à M. chelonae: 4
tuberculose cutanée: 5
diphtérie cutanée: 1
mucormycose: 2
ostéosarcome: 1
% positivité des examens de laboratoire en fonction des formes cliniques
Forme Ziehl+ Cult+ PCR+ Histo+
ulcère 65.2 63.0 96.3 96.4
nodule 45.8 56.5 91.3 95.0
oedème 66.7 50.0 100 100
plaque 81.9 75.2 96.7 100
os 64.5 28.0 100 92.0
formes
mixtes 79.7 74.2 97.1 95.8
XIII. Pourquoi les échantillons sont-ils négatifs ?
1. C’est un vrai cas d’UB !• le choix du fragment n’est pas bon:
- trop superficiel (ex: Guinée)- tissus prélevés en dehors des lésions nécrosées
• tissus trop contaminés- lors du prélèvement- pendant le transport
(tissus non enfoncés au fond du milieu de transport)• lésions en voie de guérison, en voie de cicactrisation• erreurs de n°s, erreurs au laboratoire
2. L’UB est présent dans la région mais ce n’est pas un cas d’UB !
Autres affections cf diagnostic différentiel (guide à l’usage des professionnels de la Santé)
3. L’UB n’est pas présent dans la région
XIV. Quelques derniers conseils
1. Demander au chirurgien de prélever lui-même les tissus nécrosés. Les placer dans un récipient stérile (plateau ou boîte de Pétri)
2. Prélever plusieurs échantillons (au moins 2) par patient (répartition hétérogène des BAAR dans les lésions)
3. Marquer les n°s sur les boîtes de Petri et milieux de transport au crayon ou stylo à bille sur un sparadrap (les marqueurs s’effacent à l’humidité !).
4. Prévoir un flacon avec formol pour l’histopathologie (très important pour le diagnostic différentiel)
XIV. Quelques derniers conseils (suite)
5. En routine, faire d’abord un examen direct (ED)
6. Si ED négatif → PCR recommandé
7. Culture: peu sensible surtout pour les lésions osseuses.
Importante pour l’évaluation des traitements antimycobactériens, pour la recherche (empreintes génétiques).