COLLOQUE
« La réforme du système ferroviaire français
dans le nouveau contexte européen »
PRESIDE PAR
FRANÇOIS-MICHEL GONNOT
Président d’Avenir-Transports
Député honoraire
ET
BERNARD SOULAGE
Président de Villes et Régions Européennes de la Grande Vitesse
Vice-président de la région Rhône-Alpes
Jeudi 11 avril 2013
Immeuble Jacques Chaban-Delmas, Paris VII
Sommaire
Ouverture ................................................................................................................................ 2
Introduction ............................................................................................................................ 3 Débat : la réforme du système ferroviaire français dans le nouveau contexte européen ....... 8 Conclusion ............................................................................................................................ 22
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
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OUVERTURE
Bernard SOULAGE, Président de Villes et Régions Européennes de la Grande
Vitesse
Permettez-moi de vous remercier pour votre présence et de
saluer les partenaires d’Avenir-Transports et de Villes et Régions
Européennes de la Grande Vitesse. Je souhaite en particulier
remercier Rüdiger GRUBE, notre partenaire européen, et Jean-Eric
PAQUET, acteur incontournable de la politique ferroviaire
européenne, qui apporteront un éclairage essentiel à notre réflexion.
Le thème de ce colloque est d’actualité et s’inscrit
pleinement dans les problématiques fondamentales que pose
l’avenir du système ferroviaire français dans le contexte européen. Celui-ci, dans son
organisation et sa gouvernance, doit nécessairement et urgemment évoluer. Le gouvernement
s’était engagé à accompagner cette démarche et a missionné à cet effet Jean-Louis BIANCO
et Jacques AUXIETTE.
Les mesures du quatrième paquet ferroviaire ne seront pas mises immédiatement en
œuvre, les délais européens étant traditionnellement importants. Toutefois, ce dispositif
rappelle que l’évolution du système ferroviaire français doit s’enraciner dans la réalité
européenne qui offre des opportunités autant qu’elle impose des contraintes. Par ailleurs, au-
delà des aspects techniques, il est nécessaire de prendre en considération les aspects pratiques,
en particulier en adoptant le point de vue des usagers.
Je souhaite que nos débats soient féconds et qu’ils participent à accroître les
performances du réseau ferroviaire français, même s’il a bénéficié, durant les vingt dernières
années, d’importants progrès qu’il convient de saluer.
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INTRODUCTION
Jean-Louis BIANCO, Ancien ministre, Chargé de la mission de concertation sur la
réforme du système ferroviaire français
Je ne doute pas que nos échanges seront fructueux au
regard de la qualité des participants à ce colloque. Ils s’inscriront
pleinement dans la mission de concertation dont j’ai la charge.
Cette mission a permis de réaliser près de deux cents auditions.
Nos conclusions seront simultanément remises au Premier
Ministre et au Ministre des transports et rendues publiques le
22 avril 2013. Ainsi, nous restituerons aux institutions que nous
avons sollicitées leur contribution et nous ferons œuvre de
pédagogique auprès du public le plus large afin de l’informer des
enjeux de cette réforme.
La mission de concertation se fonde sur les quatre axes fondamentaux décrits par la
lettre de mission émanant des trois ministres concernés et réaffirmés par Frédéric
CUVILLIER. Elle s’appuie en préambule sur la reconnaissance des importants efforts
consentis depuis trente ans, par la nation, les régions, la SNCF et RFF afin d’améliorer le
réseau et la qualité des services.
La réforme de l’organisation du système ferroviaire par la création d’un gestionnaire
d’infrastructure unifié (GIU) et son intégration avec la SNCF au sein d’un pôle public
ferroviaire.
Malgré l’engagement et la qualité des dirigeants et du personnel du secteur, nous
sommes face à une impasse opérationnelle. La séparation de Réseau Ferré de France et de la
SNCF a engendré des dysfonctionnements. L’intrication nécessaire entre le rail et la roue
n’est pas remplie de manière optimale. Une telle séparation ne s’observe dans aucun des
grands pays du rail sur les autres continents, même lorsque leur marché est ouvert à la
concurrence.
Ainsi, la réforme a pour objectif, grâce à la création d’un GIU, d’établir une meilleure
intégration opérationnelle, gage de productivité et de qualité. Guillaume PEPY et Jacques
RAPOPORT sont d’ores et déjà activement engagés dans cette démarche.
La mise en œuvre d’une régulation économique et financière afin de rééquilibrer le
secteur.
Nous constatons également une impasse financière. Le besoin de financement n’est
pas couvert par les recettes et les subventions. Ces déficits ne sont pas soutenables, même si la
SNCF apporte annuellement des sommes significatives à l’État via les dividendes et les
impôts sur les sociétés.
Pour répondre à cette priorité économique, il convient de sélectionner les besoins.
Dans cette perspective, nous recommandons de confier à l’État la responsabilité de définir les
grandes lignes stratégiques futures et de lier le GIU, le transporteur historique et l’État par des
contrats de performance. Ces contrats fixeront les objectifs à atteindre pour revenir à
l’équilibre dans un délai qui demeure à préciser, et permettront un contrôle du Parlement.
Les investissements doivent se concentrer sur les transports de la vie quotidienne, sur
la régénération et la modernisation du réseau et sur la suppression des goulots d’étranglement.
Ces priorités, fixées au regard des moyens mobilisables, n’interdisent toutefois pas de
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poursuivre le développement des lignes à grande vitesse à condition de ne pas aggraver la
dette du GIU.
Les contraintes économiques actuelles imposent de pratiquer des choix budgétaires
difficiles. J’affirme néanmoins, ainsi que j’y insisterai au sein de nos recommandations, qu’il
est nécessaire d’investir dans le secteur ferroviaire. Cette stratégie relève de l’intérêt national
et européen. Elle répond à des enjeux majeurs en matière d’emploi.
Ces principes recueillent un large consensus auprès des acteurs du secteur. Ainsi, la
problématique de la gouvernance peut être aisément résolue par la création d’un EPIC prenant
en charge l’intégration du système ferroviaire, le maintien de l’EPIC SNCF actuel et la
création d’un EPIC GIU à la suite de l’EPIC RFF.
La construction, par les partenaires du secteur ferroviaire, d’un nouveau pacte
social permettant la mise en œuvre d’un cadre social modernisé.
De manière complémentaire aux travaux des assises du ferroviaire, Olivier
DUTHEILLET DE LA MOTHE a proposé une méthode favorablement accueillie de
l’ensemble des partenaires. Celle-ci devra permettre de conserver une souplesse pour traiter
les situations concrètes au cas par cas.
Un décret socle fixera les garanties de sécurité et de service public communes aux
opérateurs publics comme privés. Une convention collective de la branche ferroviaire sera
négociée. Ce dispositif pourra évidemment être complété par la mise en œuvre d’accords
d’entreprise.
La création de l’Europe du rail pour préparer l’ouverture du marché du
transport ferroviaire.
L’Europe du rail est nécessaire. Elle aurait pu être formalisée plus rapidement. Les
propositions avancées par la DG Move et le Commissaire en charge des transports sont
parfaitement recevables. En tout état de cause, les questions que posent l’interopérabilité, la
certification et les dispositifs techniques doivent être rapidement tranchées. La fixation d’un
cap partagé est donc essentielle, même si les modalités de mise en œuvre demeurent à
débattre.
Il nous semble par ailleurs nécessaire que la France n’affiche pas un refus de principe
de la mise en concurrence. Si la concurrence n’est pas une fin en soi, elle doit être régulée
pour participer à l’amélioration du service ferroviaire.
Dans cette perspective, il est nécessaire de définir précisément la gouvernance du pôle public
ferroviaire ainsi que les règles assignées au gestionnaire d’infrastructure unifié. Nous
préconisons, pour ce faire, de renforcer le rôle de l’autorité de régulation afin de garantir la
transparence et l’équité de la logique concurrentielle.
L’ensemble de nos interlocuteurs a manifesté sa passion du ferroviaire. Ils partagent
une même volonté de s’engager dans une réforme du secteur. Ces signes me permettent de
témoigner de mon optimisme quant à l’avenir du système ferroviaire français.
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Jean-Eric PAQUET, Directeur en charge du réseau européen de mobilité,
Commission européenne
Je vous remercie de votre invitation et me propose de vous
présenter les principales dispositions du quatrième paquet
ferroviaire qui influenceront, en particulier, la réforme du système
ferroviaire français. Ces éléments font l’objet d’un dialogue
permanent entre le vice-Président de la Commission européenne
M. KALLAS et le Ministre CUVILLIER.
Le quatrième paquet ferroviaire a été proposé le 30 janvier
2013 par la Commission européenne. Le Conseil des Ministres,
sous présidence irlandaise, a débattu le 11 mars 2013 de
l’interopérabilité. Celui-ci poursuivra ses travaux sous présidence
lituanienne afin de débattre des questions de sécurité et du rôle de l’agence ferroviaire
européenne.
Parallèlement, le Parlement européen, qui a pour volonté de compléter sa première
lecture avant mars 2014, a nommé des rapporteurs afin d’examiner les six propositions
législatives qui lui ont été soumises. Des projets de rapport seront disponibles d’ici l’été. Les
acteurs français du secteur sont en contact permanent avec les élus et concourent ainsi à
éclairer leur avis sur ces points.
Dès la fin de l’été 2014, le processus de codécision pourra donc être engagé. Cette
mobilisation des institutions européennes témoigne de l’importance du quatrième paquet
ferroviaire autant que de leur ambition en la matière.
Le quatrième paquet ferroviaire promeut quatre ambitions majeures :
La politique des transports.
La volonté de la Commission européenne de promouvoir un système intégré de
transports capable d’assurer la mobilité et de répondre aux enjeux climatiques et
environnementaux n’aboutira que si elle se fonde sur un système ferroviaire fort.
Une ambition sociale
La mobilité des citoyens ainsi que le développement de l’emploi dans le secteur
ferroviaire sont deux enjeux majeurs.
Une ambition industrielle
L’Union européenne souhaite favoriser les entreprises ferroviaires mais également
l’industrie ferroviaire qui comprend, entre autres, Alstom, Siemens et Bombardier. Cette
industrie, fortement exportatrice, occupe une position leader mondial. Toutefois, confrontée à
la fragmentation du marché et des systèmes ferroviaires au sein du périmètre européen, elle
voit son avantage compétitif s’éroder rapidement.
Le programme de « transfert du transport vers le rail » Shift2rail, qui s’appuie en
particulier sur des programmes de recherche communautaire, promeut ainsi une initiative
industrielle européenne. Il permet la rencontre de l’innovation privée et publique au service de
la politique des transports.
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La compétitivité
Le transport et la logistique sont deux facteurs majeurs de la compétitivité des
économies nationales et du fonctionnement du marché intérieur. Les investissements
ferroviaires sont essentiels à la réalisation de cette ambition économique. Ainsi, le quatrième
paquet ferroviaire a pour objectif de définir un cadre permettant la maîtrise des coûts engagés
par les entreprises et des financements publics.
La vision de la politique ferroviaire européenne est celle d’un rail pluriel et ouvert.
L’espace ferroviaire européen doit favoriser la coexistence des réseaux régionaux, nationaux
et européens ainsi que la cohabitation entre les grands acteurs du secteur et les nouveaux
opérateurs prenant en charge les passagers comme le fret.
Ce système ouvert générera des innovations et garantira un transport plus fiable et plus
économique. Il porte une ambition complémentaire de celle développée par les grandes
entreprises. Ainsi, seules des politiques publiques, nationales et européenne, pourront conciler
les intérêts divergents de l’ensemble des acteurs du secteur en favorisant la prise de décisions
efficaces et en coordonnant le point de vue des différentes parties prenantes.
L’architecture du quatrième aspect du paquet ferroviaire, si elle est adoptée par le co-
législateur, a donc pour objectif de compléter l’espace ferroviaire du rail grâce à la finalisation
d’un cadre européen.
Le quatrième paquet ferroviaire se décline en trois composantes principales.
L’interopérabilité
Cette dimension technique, particulièrement ambitieuse, a pour vocation de garantir la
sécurité. Elle sera portée, en collaboration avec les agences nationales de sécurité, par
l’agence de Valenciennes. Ce volet permettra la mise en place d’un système ferroviaire
intégré et facilitera les décisions européennes en matière de mise en circulation des trains et
de délivrance des certificats de sécurité.
Ce point est actuellement négocié au sein du Conseil européen, donnant lieu à des
débats d’envergure. En effet, il touche au cœur de la responsabilité administrative portée
actuellement par les autorités nationales et requiert, pour aboutir, que chacun identifie
correctement et assume pleinement ses responsabilités.
La gouvernance
La Commission européenne propose de mettre au cœur du système ferroviaire les
gestionnaires d’infrastructures afin d’en garantir tout à la fois l’efficacité, l’équité et la
dimension européenne. Elle a donc proposé d’instaurer un gestionnaire d’infrastructures
unifié.
Le gestionnaire d'infrastructure, sous l'égide du comité de coordination collaborera
avec l’ensemble des acteurs du secteur afin d’arbitrer efficacement entre leurs besoins de fret
et de transport de passagers, mais également, si nécessaire, entre les différentes entreprises. Il
sera par ailleurs à même de traiter des problématiques de proximité opérationnelle.
Les gestionnaires d’infrastructures sont en charge du développement des réseaux
régionaux, nationaux et européens. Sans prioriser cette dernière dimension, le quatrième
paquet ferroviaire les invite à en tenir pleinement compte dans leurs investissements et dans
leur gestion opérationnelle. Ce point met en jeu les questions d’interopérabilité,
d’interconnexion et d’animation des réseaux.
La Commission européenne promeut donc la création d’un réseau européen des
gestionnaires d’infrastructures, lieu de coopération et de partage des expériences. Pour
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satisfaire cette ambition, il est nécessaire de garantir l’indépendance pleine et entière de
chacun des gestionnaires. Pour ce faire, sans imposer un modèle unique, afin de préserver les
spécificités nationales en la matière, le projet européen prévoit de fixer des règles
pragmatiques touchant à la nomination des directions et à leur relation avec leur conseil
d’administration.
Il s’avère difficile de garantir la transparence des flux financiers, facteur essentiel de
l’indépendance des gestionnaires d’infrastructures. Pour résoudre cette problématique
historique, la Commission européenne propose d’interdire tout flux financier entre les
gestionnaires d’infrastructures et les opérateurs ferroviaires.
Cette proposition provoque l’inquiétude en ce qu’elle amputerait la capacité des
gestionnaires d’infrastructures à se financer. Toutefois, l’analyse d’impact démontre que la
grande majorité de ces acteurs, grâce à la garantie d’État et au capital que représente le réseau,
ont un accès privilégié aux marchés financiers.
L’ouverture du transport des passagers
La Commission européenne propose une ouverture progressive et régulée des marchés
nationaux en matière de transport de passagers. Il ne s’agit pas d’imposer une libéralisation de
principe mais d’assurer des systèmes nationaux ouverts. Les entreprises nationales historiques
y trouveront l’opportunité de se confronter à la concurrence et d’y puiser un élan en termes
d’innovation et d’efficacité.
Ainsi, si le projet européen prévoit d’inscrire dans la loi le principe de la libre
prestation de services, il conserve la possibilité laissée aux États d’organiser, à leur pleine
discrétion, le transport ferroviaire national sur la base de contrats de délégation de service
public tel que le prévoit le règlement de 2007.
La notion d’équilibre économique sera par ailleurs confirmée. Celle-ci permet au
régulateur de limiter les droits d’accès des opérateurs s’ils proposent des services pouvant
déséquilibrer économiquement les délégations de service public.
La Commission européenne, pour compléter ce processus, propose de modifier les
modalités d’attribution des contrats de service public et d’imposer le recours aux procédures
d’attribution des marchés publics.
L’encadrement des marchés publics est essentiel pour assurer la protection des
cheminots et vérifier la capacité opérationnelle immédiate des opérateurs. Ainsi, le transfert
de personnel en cas de modification du titulaire du contrat de service est maintenu tel qu’il est
fixé par le règlement de 2007.
L’étude d’impact, menée sur la base des expériences conduites en Allemagne, au
Royaume-Uni et en Suède, démontre que l’ouverture du marché permet des gains
économiques initiaux compris entre 20 et 30 %. Cette économie porte, pour une part, sur des
gains de qualité et de volume de l’offre ferroviaire et, pour une autre part, sur une réduction
sensible de la compensation versée par les autorités organisatrices.
Les débats qui suivront cette intervention sont très importants. La réforme du système
ferroviaire français est particulièrement suivie par l’échelon européen. La Pologne et la
Belgique s’engagent également dans cette démarche. Il est essentiel que chaque État membre
anticipe l’évolution de la législation européenne afin de garantir l’efficacité de son projet de
réforme et d’accompagner ainsi le développement du rail européen.
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DEBAT : LA REFORME DU SYSTEME FERROVIAIRE FRANÇAIS
DANS LE NOUVEAU CONTEXTE EUROPEEN
Jacques AUXIETTE, Président de la commission Infrastructures et transports, ARF,
Président du Conseil régional Pays-de-la-Loire
Je me ferai essentiellement l’écho des réflexions que nous
avons conduites au sein de l’Association des Régions de France,
le rapport de la mission de concertation ne devant être publié que
le 22 avril 2013.
Nous sommes favorables à la mise en œuvre d’un
« Airbus » du ferroviaire, ainsi qu’en témoignent également les
conclusions des assises et des états généraux du ferroviaire. Les
régions s’associent donc pleinement à l’ambition française pour
le développement de la filière ferroviaire et l’amélioration de ses
performances. Au-delà, elles créent en partie les conditions de sa
mise en œuvre étant à la fois acteurs économiques du secteur et autorités organisatrices depuis
2002.
Les dysfonctionnements que nous avons rencontrés depuis quinze ans pourraient être
en partie résolus dès lors que le rôle des régions en tant que décisionnaires politiques sera
clairement réaffirmé.
De même, l’instauration d’une autorité organisatrice du système ferroviaire européen
n’est pas uniquement du ressort des acteurs du secteur. Cette instance a vocation, au-delà de
l’édiction des normes, à définir la politique ferroviaire communautaire.
Enfin, il convient d’instaurer en France une autorité organisatrice nationale et un
contrôle du Parlement, qui aura pour mission de définir la politique ferroviaire nationale ainsi
que de fixer les moyens de sa mise en œuvre, et en particulier les moyens financiers. Elle est
d’autant plus nécessaire que le secteur du ferroviaire entretient des liens consubstantiels avec
de nombreux autres terrains politiques tels que la politique industrielle, la politique
européenne ou la politique de la recherche et de la formation.
L’Association des Régions de France réaffirme la nécessaire unicité du réseau
ferroviaire. La tendance explicite actuelle promeut les parties du réseau à dimension
européenne. Cette dimension certes légitime ne doit pas se construire au mépris de pans
entiers du territoire. De même, le réseau national n’a pas à être opposé aux réseaux régionaux
dont le financement ne serait plus assumé que par les régions.
Les régions françaises respecteront bien évidemment les termes légaux de l’ouverture
du marché du transport des passagers fixés par le droit européen et le droit français. Elles sont
toutefois attachées à préserver l’unicité du service public dont la responsabilité leur incombe.
Elles s’appuient, sur le modèle français de délégation de service public.
Le GIU, acteur essentiel du système ferroviaire, n’a pas vocation à le piloter. Il
convient de rappeler que son patrimoine est celui de la Nation, auquel s’ajoutent, de mon
point de vue, les gares. L’organisation proposée par le gouvernement français doit garantir
cette dimension en l’inscrivant dans la loi.
Nous avons tenu pleinement compte des contraintes financières qui s’imposent pour
construire nos propositions. Nous exigeons sur ce point une plus grande transparence et une
meilleure performance des sommes allouées. Les économies de plusieurs milliards pressenties
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devront être fixées au sein des contrats de performance mais également au sein des
conventions qui lieront les régions avec le GIU et la SNCF.
Enfin il est nécesaire d’intégrer une régionalisation des décisions sans pour autant
remettre en cause le principe d’unicité que j’ai précédemment évoqué.
Dominique BUSSEREAU, Ancien Ministre, Député de la Charente-Maritime,
Président du Conseil général
Merci de votre invitation à l’initiative d’Avenir-
Transports, association que nous avons créée, au sein de
l’Assemblée Nationale, en 1995. Je souhaite également
saluer l’esprit d’ouverture avec lequel Jean-Louis BIANCO
a conduit la mission de concertation.
Je suis en parfait accord avec les propositions de
l’Union européenne à la formalisation desquelles nous avions œuvrée lors de la présidence
française. Au contraire, je ne partage pas l’ensemble des propositions exposées dans le projet
français de réforme du réseau ferroviaire.
Il est certes nécessaire de regrouper en un pôle unique les questions relatives aux
infrastructures, démarche que nous avions initiée en créant la Direction de la circulation
ferroviaire. Toutefois, nous ne pouvons admettre la création d’un holding de tête, offrant à la
SNCF la capacité d’accorder les sillons et d’en fixer les prix. Elle interdit le développement
de la concurrence et représente un retour en arrière contraire à l’esprit européen et à la bonne
marche de la libéralisation du rail. Nous combattrons au Parlement une telle organisation et, le
cas échéant, nous l’abolirons en cas d’alternance politique en 2017.
Par ailleurs, il convient de préciser les objectifs du prochain cadre social commun et
de la future convention collective nationale de branche. Si les opérateurs devaient se voir
imposer l’actuel statut des cheminots, le développement de la compétitivité du secteur serait
durablement entravé. Il paraît, au contraire, nécessaire d’engager la modernisation des statuts
propres à la SNCF.
L’ouverture des marchés, au-delà toutes convictions libérales, présente des avantages
pour les citoyens, les entreprises et l’Europe. Elle a en particulier permis de garantir, en
France, le niveau d’activité du fret. En effet, les opérateurs extérieurs à la SNCF maintiennent
et réhabilitent des trafics qui, en leur absence, auraient quitté le mode ferroviaire. On ne peut
que déplorer le faible nombre d’opérateurs de proximité en France qui ralentit l’efficacité de
cette stratégie.
La plupart des régions, même si elles ne peuvent s’exprimer publiquement sur ce
point, sont convaincues de la nécessité d’ouvrir le marché des TER afin de réaliser des
économies de 25 à 50 % et d’améliorer les offres de services et les dessertes. Par ailleurs, la
reprise des personnels qu’autorise le quatrième paquet ferroviaire exclut d’autorité la
survenance de problèmes sociaux. Cette démarche pourrait être expérimentée au sein de
régions volontaires, par le biais d’ouverture d’appels d’offres pour l’attribution de lignes
déterminées.
Le TET est un sujet essentiel pour les régions et bénéficie, à la demande de Guillaume
PEPY, d’un système d’aides financières pour l’aménagement du territoire mis en place par le
gouvernement précédent. Une ouverture de ce marché lui sera éminemment bénéfique, ainsi
qu’en témoigne l’expérience allemande. Elle permettra en effet d’assurer la rentabilité des
liaisons concernées et, à terme, de diminuer, voire de supprimer, l’aide de l’État.
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Enfin, la mise en concurrence des lignes à grande vitesse est également nécessaire et
inéluctable. La SNCF dispose d’un savoir-faire en la matière, comme en témoigne son
implication au sein du réseau italien. Cette démarche permet une augmentation de la
fréquence des trains et une amélioration des prestations.
Le secteur aérien s’est considérablement développé et démocratisé depuis l’ouverture
du marché à la concurrence, offrant au ferroviaire un modèle positif. Par ailleurs, le
développement de la concurrence autorisera la rentabilisation des lignes et, par conséquent,
l’ouverture de lignes que ni la SNCF, ni l’État n’ont la volonté de développer.
J’appelle de mes vœux, à la suite de Jacques AUXIETTE, la création d’un « Airbus »
ferroviaire dans l’intérêt des industries ferroviaires. Cette même logique devrait également
s’appliquer aux entreprises ferroviaires, sur le modèle d’Air France KLM. Le regroupement
des entreprises sera décisif pour le développement du réseau européen qui court de
l’Atlantique à l’Oural. Le mode ferroviaire a en effet pour vocation, au 21ème
siècle, de
concourir pleinement à la construction et à l’agrandissement de l’Europe. Il est donc un mode
de transport d’avenir.
Dr Rüdiger GRUBE, Président, Deutsche Bahn
Je vous remercie de votre invitation dont je mesure le
poids, en tant qu’étranger et que concurrent. La Deutsche
Bahn et la SNCF travaillent ensemble et mettent ainsi en
œuvre la collaboration franco-allemande absolument
nécessaire à la construction de l’Europe du rail. Je ne
souhaite pas m’exprimer sur la réforme ferroviaire française
mais témoigner de l’expérience allemande en la matière.
Résister à la concurrence internationale et intermodale implique d’être compétitif.
Malheureusement les recommandations européennes actuelles et aussi des procédures
d’homologation trop longues et trop coûteuses concourent à affaiblir le secteur ferroviaire en
Europe.
En référence à des orateurs précédents, il me paraît inopportun de souhaiter la création
d’un « Airbus » du rail. En effet, outre que le secteur aéronautique n’est pas comparable au
secteur ferroviaire, une telle organisation créerait une situation de monopole.
La présence de producteurs concurrents nous est absolument nécessaire et doit être
favorisée par les réglementations européennes.
En 1981, le chancelier Helmut SCHMIDT a déclaré, à propos de l’armée et de la
Deutsche Bundesbahn, que l’Allemagne ne pouvait conserver deux spectres de la faillite. À
l’époque, nos frais de personnel surpassaient les recettes. En 1993 nos dettes s’élevaient à
33 milliards d’euros et et les pertes à 15 milliards. Par ailleurs, une étude conduite à la
demande du gouvernement fédéral avait évalué nos besoins de financement à 291 milliards
d’euros entre 1993 et 2003.
Les parts de marché de la Deutsche Bundesbahn étaient passées de 36 % en 1950
contre 6 % en 1993. De même, le secteur du fret avait décru, sur la même période, de 56 % à
21 %. Cette situation a motivé la mise en œuvre d’une réforme de notre système ferroviaire.
Celle-ci avait pour objectif d’alléger la part du budget fédéral, de développer le réseau
ferroviaire et de le rendre plus attractif face à la concurrence intermodale et de permettre
l’ouverture des marchés. Cette réforme a été la plus efficace de celles initiées en Allemagne
après-guerre.
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L’article 87 de la constitution stipule que les chemins de fer allemands doivent être
gérés comme une entreprise de droit privé. Ainsi, la Deutsche Bahn est devenue une société
anonyme par actions et a initié une stratégie entrepreneuriale. Les syndicats, d’abord réticents
se félicitent de cette démarche au terme de laquelle les grandes lignes, le fret ferroviaire, le
transport régional ferroviaire et le trafic de bus sont gérés par des filiales, alors que la holding
se présente comme l’intégrateur du système.
Nous avons effacé nos dettes, entre autres en introduisant des règles sociales nouvelles
avec un haut degré de flexibilité et en diminuant le nombre de fonctionnaires - sans pratiquer
aucun licenciement économique. Les salariés occupant des postes supprimés ont suivi des
formations afin d’être réintégrés au sein de l’entreprise.
L’ouverture complète de tous les marchés du ferroviaire en Allemagne a été clé même
si elle demeure moins probante pour le secteur des trains à grande vitesse qui nécessite des
investissements très importants dans les matériels roulants. Notre chiffre d’affaires démontre
la pertinence de cette voie choisie il y a presque 20 ans. Il s’élève aujourd’hui à presque
39,5 milliards d’euros et notre résultat opérationnel (EBIT, avant intérêts et impôts)
représente 2,7 milliards d’euros. Il faut déduire de ce résultat les charges financières et les
dividendes de 525 millions d’euros versées à l’Etat. Le rendement du capital s’est amélioré.
Par ailleurs, le rapport entre les capitaux propres et l’endettement s’est également
considérablement amélioré. C’est important parce que notre cotation comme groupe par les
agences de notation est essentielle pour assurer un financement de l’infrastructure intégrée à
conditions favorables. Tous les usagers du réseau en profitent. L’Union européenne doit
pleinement prendre ce point en considération pour fixer les conditions cadres, en particulier
en vue du fret ferroviaire.
Les prestations de transport de personnes ont crû, depuis 1994 jusqu’à 2012, de 36 %,
celles du fret de 56 %. Aujourd’hui presque 400 entreprises ferroviaires sont actives sur le
réseau ferré allemand dont certains sont d’ailleurs français. Ainsi, 26 % du trafic des
voyageurs régionaux et 29 % du trafic de fret sont assurés par la concurrence.
Bien que les vertus de la concurrence soient parfaitement démontrées, il me semble
nécessaire de ménager une période de transition raisonnable avant l’ouverture des marchés
afin que les entreprises puissent se préparer à la concurrence. Il me semble nécessaire que la
France ménage, en respectant l’équité qui s’impose, une telle période préparatoire.
La DB Netz AG, le gestionnaire du réseau ferré, est en charge l’attribution impartiale
des sillons. La Deutsche Bahn AG a investi plus de 2 milliards d’euros dans les réseaux. Il est
ainsi nécessaire de maintenir un intégrateur de système pour des déroulés optimaux,
contrairement à ce que préconise l’Union européenne. Cette exigence est celle du terrain. Elle
ne relève pas d’une simple théorie, aussi séduisante soit elle. Les coûts éclateront avec une
séparation artificielle des tâches.
En effet, le secteur ferroviaire, pour être efficace, doit compter un nombre minimal
d’interfaces. L’étroite collaboration des gestionnaires d’infrastructures et des entreprises
ferroviaires concourent à cette simplification de l’organisation. L’intégrateur de système
œuvre en faveur de l’ensemble des acteurs du marché et développe les technologies d’avenir,
prévenant, à terme, toute explosion des coûts. Ce point, qui détermine le rapport qualité/prix,
doit absolument être débattu au sein de l’Union.
S’il n’est pas souhaitable que le projet européen impose un modèle unique à
l’ensemble des États membres, il doit promouvoir auprès de chacun la dimension
entrepreneuriale du secteur ferroviaire et favoriser en conséquent l’ouverture à la concurrence.
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Cette stratégie doit s’accompagner de la fixation de règles sociales modernes et
équitables. Cela ne signifie pas l’imposition d’un modèle unique pour des situations très
différentes dans le transport voyageur ferroviaire à longue distance, à courte distance, dans le
fret ferroviaire et dans la gestion de l’infrastructure.
La création de règles communes et le développement de l’interopérabilité réclament le
renforcement du rôle de l’agence européenne du ferroviaire (ERA) .
Enfin, permettez-moi de me réjouir de l’arrêt rendu par la Cour de Justice européenne
en faveur de l’Allemagne. Celle-ci reconnaît ainsi que l’Allemagne a parfaitement respecté les
règles européennes.
L’Allemagne est favorable aux propositions contenues dans le quatrième paquet
ferroviaire à l’exception de celle qui vise à supprimer les intégrateurs de système. Louis
Gallois, que je considère comme un modèle, estime avoir commis une erreur en acceptant la
séparation de la SNCF et de RFF. Depuis, les dysfonctionnements se multiplient et les
entreprises perdent en compétitivité. Il est inadmissible que l’Union promeuve ce modèle
défaillant et entraîne par là le système ferroviaire allemand parfaitement modernisé vers une
régression dommageable.
Jacques RAPOPORT, Président, RFF
Nous devons certes, grâce à nos débats, trouver des
solutions aux problèmes que nous rencontrons. Toutefois, nous
pouvons reconnaître que notre système ferroviaire, bénéficiant
du travail de l’ensemble des acteurs, est globalement performant.
Chaque jour, nous faisons rouler plus de 15 000 trains et
transportons entre 4 et 6 millions de passagers. 700 kilomètres
de lignes nouvelles sont en construction, conformément au
programme établi, et 1 000 kilomètres de ligne sont régénérés
chaque année.
Pour autant, le système ferroviaire français est confronté
à de lourds dysfonctionnements. Le système GI/GID est une machine à détruire le travail des
hommes, créant des divergences d’intérêts parfaitement artificielles et nourrissant la
méfiance, l’opacité et la bureaucratie. Il me semble nécessaire, pour sortir de cette impasse, de
considérer la dévolution des responsabilités et la segmentation des organisations comme étant
deux démarches distinctes.
Je me réjouis des orientations de bon sens prises par le gouvernement. Elles
permettront de regrouper une activité unique au sein d’une seule entité et instaureront ainsi un
management, une responsabilisation et des objectifs communs.
RFF peut être considérée comme une structure de défaisance. Ainsi, sa dette augmente
de 3 milliards d’euros par an pour la simple raison qu’il finance 4 milliards d’euros
d’investissement alors qu’il ne dispose que d’1 milliard d’euros d’autofinancement.
Pour autant, les investissements consentis depuis 6 ans par les pouvoirs publics ne sont
pas excessifs au regard des déficits dont le réseau a souffert depuis 30 ans ainsi que le
démontrent de nombreux audits. Par ailleurs, il convient de souligner que les péages
représentent 75 % des coûts, les 25 % restants étant financés par l’endettement.
Le futur gestionnaire d’infrastructure n’a pas vocation à s’imposer en chef suprême du
système ferroviaire. Opérateur public, il n’est pas dépositaire de l’autorité publique mais gère
un monopole naturel, le réseau, qui appartient à la communauté nationale. Il ne peut, en ce
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 13
sens, être assimilé aux entreprises ferroviaires. Ainsi, la fixation d’une politique de
développement et de cohérence du système ferroviaire relève exclusivement des pouvoirs
publics dont les stratégies doivent être mises en œuvre par le gestionnaire d’infrastructure.
Constituer un GIU paraît être une solution pertinente si toutefois il ne maintient pas,
par l’instauration de mécanismes purement administratifs, la séparation d’un système
techniquement intégré. Il doit au contraire lui garantir une parfaite intégration économique et
sociale.
L’ensemble des acteurs s’accorde à le reconnaître et attend la loi avec impatience,
préparant d’ores et déjà la future intégration. Celle-ci ne pourra prendre la forme d’une
holding. Une telle structure dispose, en droit commercial d’une autorité illimitée sur ses
filiales. Cette logique irait à l’encontre des objectifs fixés pour l’intégration du système.
Les attributions de l’EPIC faîtier doivent donc être limitativement définies. Celui-ci
disposera de trois champs de compétences : la solidarité technique, la solidarité économique
et la solidarité sociale puisqu’il n’est évidemment pas question de mettre en cause le statut des
cheminots. Le gestionnaire d’infrastructure, dont la gouvernance relève de l’État, a en charge
l’accès au réseau, sa tarification, sa maintenance et son développement.
La solidarité économique est certainement la problématique la plus épineuse à laquelle
nous sommes confrontés, la Commission européenne envisageant de l’interdire absolument.
Cette solidarité, si elle s’applique du GI vers la structure faîtière, pourrait autoriser le
financement d’une EF, l’historique. Elle contreviendrait donc à l’équité concurrentielle. En
revanche, l’investissement, dans le réseau, des résultats dégagés par une EF bénéficie à toutes
et favorise l’internalisation des ressources du système ferroviaire à son profit.
L’arrêt de la Cour de Justice européenne en faveur de l’Allemagne démontre qu’il n’y
a pas de corrélation directe et univoque entre l’indépendance des fonctions essentielles et le
système d’organisation. Il démontre indirectement l’invalidité des jugements a priori portés
sur les choix organisationnels. Ceux-ci ne sous-entendent en aucun cas une volonté masquée
de réduire l’indépendance nécessaire des fonctions essentielles.
Guillaume PEPY, Président, SNCF
Je souscris entièrement aux propos de Jacques
RAPOPORT d’autant plus aisément que les propositions
présentées au Ministre des transports sont cosignées par la
SNCF et RFF.
La réforme du système ferroviaire français nécessite
que des décisions soient prises au plus vite. Cette urgence
est d’autant plus marquée que la situation financière du
secteur est inquiétante. Par ailleurs, la réforme doit être
ambitieuse, à l’image de l’ampleur des problématiques qu’elle met en jeu et qui impliquent,
au-delà du réseau, une dimension industrielle et européenne.
La conjoncture actuelle est propice à la mise en œuvre de ce projet. La tenue des
Assises du ferroviaire et des Etats Généraux du transport ferroviaire régional, a permis à tous
les acteurs de prendre position. Les organisations syndicales ont adopté une attitude
responsable. De même, les 150 000 salariés concernés sont impatients de voir l’organisation
évoluer. Enfin, le débat européen est ouvert mais n’a pas encore abouti à un nouveau cadre
réglementaire.
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 14
À l’issue de la réforme, la SNCF sera en mesure de mobiliser des compétences
opérationnelles performantes afin d’accroître la satisfaction des clients du rail, objectif
premier qu’il convient de se fixer. Le système actuel ne permet pas d’offrir une qualité de
service optimale.
La séparation de RFF et de la SNCF retarde considérablement les délais
d’intervention, en particulier en zones denses. De même, le fret réclame la mise en place
d’une meilleure intégration entre les entreprises ferroviaires et le GIU. Enfin, les
problématiques aussi diverses que le développement de l’accès des voyageurs atteints de
handicap, la gestion du bruit ou l’ERTMS ne peuvent être efficacement résolues si les options
techniques et les répartitions des charges entre le transporteur et le gestionnaire
d’infrastructure sont en constante discussion.
Par ailleurs, à travers la réforme, la SNCF s’engage pour la compétitivité du secteur
que la collectivité, qui finance à 70 % le rail, réclame légitimement. Ainsi, je suis convaincu
que nous pouvons faire plus de service public avec moins d’argent public.
En effet, la réunification du gestionnaire d’infrastructure, en doublant les gains
d’efficacité de l’infrastructure, permettrait une économie de 600 millions d’euros par an en
2020 et le développement de la productivité des organisations contribuerait à réaliser une
économie d’environ 500 millions d’euros, soit un gain total d’environ 1 milliard d’euros par
an en régime de croisière.
Le dernier objectif de la réforme concerne le cadre social harmonisé. La création d’un
tel cadre est la condition préalable à l’ouverture équitable des marchés à la concurrence.
Permettez-moi à ce propos de souligner que, si l’ouverture du marché du fret n’a pas été un
échec complet ainsi que l’a souligné Dominique BUSSEREAU, elle n’a pas non plus été un
franc succès puisque le volume d’activité de l’ensemble du fret ferroviaire est en baisse
depuis sept ans.
Je me félicite que le gouvernement ait invité les partenaires sociaux à bâtir, par la
négociation, un cadre social harmonisé pour l’ensemble du secteur. Toutefois, je ne peux
laisser dire que notre volonté est d’imposer les règles en vigueur à la SNCF à l’ensemble des
cheminots des entreprises ferroviaires futures. Ce procès d’intention est inacceptable. Non
seulement j’ai affiché une ambition contraire, mais les organisations syndicales n’ont jamais
fait de ce point un préalable à la négociation.
Contrairement à la position de Jacques AUXIETTE, j’estime que le système de
gestion des gares mis en place en 2009 est efficient. En effet, « Gares et Connexions » ne fait
l’objet d’aucune plainte ni de la part des usagers, ni de la part des concurrents de la SNCF. En
outre, il est nécessaire de prendre le temps avant de remettre en cause un système encore
récent, alors que je reste convaincu que les gares doivent être du côté du service aux clients (B
to C) plutôt que du service aux entreprises ferroviaires (B to B)
Enfin, la SNCF n’a pas à se prononcer pour ou contre l’ouverture du marché à
laconcurrence. Son unique responsabilité est de se préparer à sa venue.
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 15
Jacques GOUNON, Président, Eurotunnel
Je souhaiterais mettre en valeur les attentes des usagers du
rail qui espèrent une amélioration de la ponctualité et du confort et
voient, dans la réforme, une possibilité de réaliser des économies.
Guillaume PEPY est courageux lorsqu’il se fixe, en lien avec
Jacques RAPOPORT, un objectif d’1 milliard d’euros d’économie.
Toutefois, cette ambition semble réaliste et concourra au
développement du transport de passagers et du fret.
Eurotunnel espère que la réforme garantira la transparence et instaurera l’égal accès
des opérateurs aux sillons et aux réseaux, point qui relève de la compétence du régulateur. Il
aurait été intéressant, dans le cadre de ce colloque, de recueillir le point de vue de Pierre
CARDO sur ce sujet.
Les raisonnements ferroviaires demeurent toujours strictement limités par les
frontières nationales, à rebours de l’avancée de la construction européenne. Ainsi, affréter un
train international est une opération éminemment complexe. De même, les partisans de
l’argument sécuritaire promeuvent un immobilisme opposé au développement du système
ferroviaire. La construction de l’Europe impose donc un choc de simplification touchant les
matériels, les normes comme les interfaces européennes.
Je souhaite rendre hommage au travail de Jean-Eric PAQUET qui s’est parfaitement
acquitté de sa mission consistant à décrire l’avenir du secteur ferroviaire. L’Europe du rail
doit à l’avenir, tout en ménageant les spécificités locales, permettre un fort développement du
secteur. Je lui fais confiance pour tracer cette voie.
L’État français joue un rôle majeur dans la mise en place de la réforme. Il est
parfaitement légitime, au vu du succès d’Eurostar, que Guillaume PEPY ne craigne pas la
concurrence. Pour autant, cette filiale n’a, à ma connaissance, aucun projet de développement
en Allemagne ou en Hollande. Rüdiger GRUBE, au contraire, tente, depuis trois ans, de
développer des lignes entre ces deux pays et Londres. Or, l’administration française, loin de
porter une action régalienne et se donnant pour mission de défendre l’opérateur historique, lui
oppose des obstacles permanents qu’il supporte avec une constance qui force le respect. Le
repositionnement de l’État à l’issue de la réforme devra solutionner ce type de situation
endémique et inadaptée.
L’ouverture d’un marché à la concurrence brise par définition tout monopole. Ainsi,
en toute logique, le marché du fret, récemment libéralisé, échoit à hauteur de 25 % aux
nouveaux opérateurs. Pour autant, les trois principaux opérateurs, Europort, le Groupe SNCF
et une filiale de Deutsche Bahn, sont tous d’essence publique et parfaitement respectueux des
règles sociales. Dans ces conditions, il me semble contre performant de perturber l’actuelle
organisation du marché en rouvrant le débat autour du cadre social.
Le transport de voyageurs et le fret sont deux activités distinctes. Le marché du
transport des voyageurs n’étant pas encore ouvert à la concurrence, il est parfaitement
légitime de vouloir définir un socle social s’appliquant à cette activité, sans toutefois impacter
le secteur du fret.
Je résumerai mon propos en appelant à une simplification générale de nos réflexions et
de nos projets afin d’assurer un développement performant de nos activités.
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 16
Jean-Marc JANAILLAC, Président Directeur Général, Transdev
Transdev est évident partisan d’une concurrence régulée afin d’améliorer la qualité de
service, de garantir la maîtrise des coûts et la transparence chère aux régions ainsi que de
favoriser l’innovation.
La réforme du système ferroviaire doit effectivement
être ambitieuse et viser, non seulement à résoudre les problèmes
actuels, mais également à préparer son avenir, et, en particulier,
son avenir européen.
Trois conditions sont nécessaires pour mener à bien cette ouverture.
La première est l’instauration d’un cadre social moderne et partagé. Transdev, s’inscrit
sur ce point dans le sillage de l’UTP et promeut l’ouverture d’une négociation réunissant les
acteurs industriels puis les organisations sociales. Toutefois, il convient de ne pas caricaturer
cette démarche. Elle a pour ambition d’instaurer un contexte équilibré, non de prévenir un
supposé «dumping social », nulle part avéré dans les pays ayant ouvert.
J’ai accueilli ainsi les propos de Guillaume PEPY avec plaisir. Ils préludent à la
formalisation d’une position commune qui autorisera la conservation des spécificités des
entreprises de fret tout en ménageant à la SNCF une possibilité de se préparer à l’ouverture
des marchés.
La deuxième condition de réussite de la réforme me semble porter sur les conditions
de financement du matériel roulant. Confronté en Allemagne à des problématiques de cet
ordre que seules la Deutsche Bahn et les filiales des entreprises historiques des États
européens sont en mesure de résoudre, Transdev a pris la décision de se retirer du marché. En
effet, le volume d’investissement requis pour candidater sur les lots ouverts par les Länder est
disproportionné par rapport aux capacités des entreprises privées et par rapport à la rentabilité
des réseaux.
La France doit conduire sa réforme en se garantissant d’une telle impasse, dans
l’intérêt économique des régions et pour garantir une ouverture réelle du marché à la
concurrence.
La troisième condition implique l’instauration d’une régulation efficace. Sans vouloir
entrer dans le débat de la gouvernance, je ne suis pas convaincu par les arguments techniques
servant à promouvoir la création d’un seul organisme intégrateur. Un tel système peut être
efficient aujourd’hui. Pour autant, sa pertinence pour assurer l’avenir du réseau européen
intégré n’est pas avérée.
En tout état de cause, notre position est pragmatique. L’essentiel n’est pas, à nos yeux,
le choix d’un modèle mais bien l’instauration de modalités de gestion efficaces. C’est
pourquoi nous souhaitons que le pouvoir de l’ARAF soit renforcé en matière réglementaire,
de contrôle, d’investigation et de sanctions financières.
L’UTP est globalement favorable aux dispositions proposées au sein du quatrième
paquet ferroviaire. Elle souscrit en particulier à la formalisation de la notion de réseau entendu
comme un système régulé et contrôlé. Ce schéma suppose que l’autorité de régulation
détermine et équilibre le secteur relevant de la délégation de service public et les secteurs
laissés en open access.
Le projet européen prévoit une variété de solutions pour faciliter l’accès au matériel
roulant, notamment la garantie de sa valeur résiduelle par l’autorité compétente, ou en
organiser le transfert entre opérateurs. Il répond en cela à nos préoccupations. Nous
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 17
souscrivons, de plus, à la fixation de seuils pour les procédures de mise en concurrence. Cette
organisation permettra d’attribuer directement les exploitations de moindre envergure et, au
contraire, évitera que les lots les plus importants soient facticement mis en concurrence.
Enfin, l’UTP accueille favorablement la création d’un gestionnaire unique, étant entendu que
cette architecture générale pourra être modélisée de manière originale par chaque autorité
nationale.
Il est question de mettre en œuvre l’ensemble de ce processus en 2019. Cette échéance
oblitère apparemment la période de transition initialement prévue qui devait permettre de
mettre en concurrence les contrats échus avant ce délai. Pourtant, cette mesure permettrait aux
régions d’éprouver ce nouveau système et d’ouvrir progressivement à la concurrence une
partie de leurs réseaux ferroviaires.
Pierre CARDO, Président de l’ARAF
L’ARAF, créée par la loi de 2009, a pour vocation
d’appliquer la loi et de la faire respecter et n’a pas à prendre de
position politique. Dans le cadre de l’ouverture des marchés, qui
concerne actuellement le fret et le transport international de
voyageurs, le régulateur a par ailleurs compétence à régler les
éventuels différents portant sur l’accès aux réseaux des opérateurs.
Par comparaison avec les autres régulateurs européens,
l’ARAF dispose d’un important arsenal de sanctions, qu’elles
soient financières ou qu’elles imposent une limitation de l’accès au réseau. Cette instance
bénéficie par ailleurs d’une indépendance exceptionnelle. Toutefois, dans le cadre de la
réforme, il convient d’interroger la pertinence qu’il y aurait à lui confier, en sus de son rôle de
régulateur, le contrôle de la sécurité.
L’ARAF analyse par ailleurs le document de référence du réseau, donne un avis
conforme sur la tarification et rend un avis motivé à propos de certains éléments
organisationnels. L’ARAF n’agit jamais par complaisance et s’assure qu’aucune
discrimination n’entache l’ouverture des marchés à la concurrence. Elle est, dans cette
perspective, particulièrement attentive à la régulation des monopoles.
La réforme du système ferroviaire prévoit le renforcement du rôle du régulateur. Après
deux ans d’activité, il apparaît effectivement nécessaire de le doter de capacités
d’investigation plus importantes, lui permettant, en particulier, d’étudier plus avant les flux
financiers. Ce point est primordial, d’autant plus que les acteurs d’un marché concurrentiel ne
peuvent prétendre à l’octroi de subventions.
Le renforcement du rôle du régulateur a été plébiscité, dès l’origine, par l’opérateur
historique. Cette attitude peut paraître paradoxale, puisque la SNCF est la première à subir les
actions de l’ARAF. Il n’en est rien, cette attente répondant aux aspirations de l’ensemble des
acteurs du secteur.
Le quatrième paquet ferroviaire évoque la réforme du rôle du régulateur sans pour
autant trancher la question de sa gouvernance. Cette problématique implique de mieux définir
le rôle de l’État. Il paraît nécessaire que celui-ci endosse un rôle de stratège et promeuve une
politique claire et résolue. Or, la situation financière de RFF et les exigences qui pèsent sur
cette organisation vont, pour l’heure, à l’inverse de cette démarche.
Par ailleurs, les modalités de fonctionnement d’un EPIC en charge de deux autres
EPIC demeurent à définir. Cette filialisation n’est actuellement pas prévue par la loi. L’ARAF
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 18
souhaite que cette architecture soit rapidement définie afin de définir sa place au sein du
nouveau modèle et de poursuivre ses missions avec efficacité.
En tout état de cause, la simplification de l’organisation garantit une meilleure
transparence. En ce sens, la création du GIU est positive. Elle permettra l’harmonisation des
plages travaux et favorisera les modalités d’attribution des sillons autant que la gestion des
sillons précaires.
Les gains de productivité prévisionnels affichés sont ambitieux. Ils demanderont de
réaliser d’importants efforts et exigeront l’instauration d’une ligne politique stratégique
stable.
Jean ICART, Conseil Général des Alpes-Maritimes
Ce colloque, qui réunit les plus hauts représentants du
secteur ferroviaire français et européens, est particulièrement
intéressant. Rüdiger GRUBE a démontré que l’Allemagne est
parvenue à conduire rapidement la réforme de son système
ferroviaire. Au contraire, cette réforme, en France, se heurte à la
défense des avantages. Pour autant, Jacques GOUNON a
démontré que la France était en mesure d’exploiter efficacement
un système ferroviaire privé.
Le département des Alpes-Maritimes, excentré et
frontalier, rencontre d’importants problèmes de transports. Notre
territoire, deuxième desserte ferroviaire française après Paris, n’a pas bénéficié des efforts
consentis pour l’aménagement des infrastructures. Il enregistre aujourd’hui des décennies de
retard.
J’ai pourtant proposé de longue date la création d’un GECT afin de résoudre les
problématiques liées au transport transfrontalier. Une telle structure aurait permis d’intégrer
Monaco à la gouvernance ferroviaire et l’aurait incité à participer au financement du réseau.
De même, les problèmes d’interopérabilité entre la France et l’Italie sont très
handicapants. Cette question, que j’ai abordée avec l’ensemble des ministres qui se sont
succédé au fil des gouvernements, n’a jamais pu être résolue.
Enfin, la ligne Nice Turin va bientôt être fermée, plutôt que d’être rénovée à moindre
coût, pour laisser place à la création de la ligne Lyon Turin, engagée à grands frais. La portion
française de l’ancienne voie, longue de 47 kilomètres, est gérée par la convention de 1870. Il
existe donc un déséquilibre des coûts engagés par la France et l’Italie qui n’a jamais pu être
résolu et qui ont condamné cette voie.
Philippe ESSIG, PHE conseil
Depuis 10 ans, le fret allemand a connu une croissance
de 50 % alors qu’il a diminué dans les mêmes proportions en
France. L’insertion des trains de fret sur le réseau se confronte
à des problèmes techniques auxquels s’ajoutent les difficultés
économiques affectant les entreprises ferroviaires.
La réforme confère à l’État un rôle majeur : il lui
reviendra de définir une stratégie. Je souhaite que, dans cette
démarche, qu’il souligne l’importance du fret ferroviaire tant en termes industriels et
économiques que pour favoriser la desserte de l’ensemble du territoire national.
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 19
La SNCF apporte d’ores et déjà des réponses techniques de qualité pour favoriser
l’amélioration de la performance et de la productivité du fret. De même, le cadre social actuel
du fret est performant et doit demeurer en l’état.
Jean LENOIR, Vice-Président de la Fédération Nationale des Associations
d’Usagers des Transports
La situation des gares n’est pas satisfaisante contrairement à ce
que soutient Guillaume PEPY. Ainsi, par exemple, le site de la SNCF
ne commercialise pas le seul trajet porté par un opérateur étranger,
celui allant de Paris à Venise, alors qu’il propose des billets d’avions
pour cette même destination.
Par ailleurs, nous souhaitons que les économies de 1 milliard
d’euros soient équitablement partagées entre le GUI et l’ensemble des
opérateurs. Elles doivent en effet permettre le développement du trafic
ferroviaire et non participer à son rétrécissement actuel.
Jean-Eric PAQUET, Directeur en charge du réseau européen de mobilité,
Commission européenne
L’interface entre l’infrastructure et le transport ferroviaire s’impose comme une
évidence que les propositions de la Commission européenne ne remettent évidemment pas en
cause. Pour autant, il nous semble possible d’organiser de manière efficace et complète
l’interface entre le gestionnaire d’infrastructures et les multiples opérateurs ferroviaires.
L’arrêt de la Cour de Justice européenne relève d’une procédure intentée en
manquement de transposition du droit européen. Elle visait à déterminer si les modalités
mises en place par la Deutsche Bahn pour assurer l’indépendance du gestionnaire
d’infrastructures étaient adéquates. Le recours de la Commission s’appuie sur une
interprétation pratique de dispositions fixées par une annexe non législative. La Cour a jugé
que cette interprétation n’était pas fondée en droit positif.
En revanche, la Cour a clairement confirmé que cette indépendance du gestionnaire
d’infrastructures est prévue en droit européen et doit donc être mis en œuvre. Par ailleurs, elle
a encouragé la Commission européenne à définir des moyens nouveaux pour en vérifier le
plein exercice dans la pratique. Cette question sera donc traitée au sein du quatrième paquet
ferroviaire afin de lever toutes ambiguïtés, comme les mesures de bon sens proposées par la
Commission en témoignent.
Enfin, le travail préparatoire que j’ai conduit avec l’ensemble des acteurs ferroviaires
me fonde à penser que l’interface opérationnelle indispensable au bon fonctionnement du
réseau est d’autant plus naturelle que la relation entre le gestionnaire d’infrastructures et les
opérateurs ferroviaires est correctement organisée et l'indépendance du gestionnaire assurée.
Dr Rüdiger GRUBE, Président, Deutsche Bahn
Les différentes interventions révèlent des points de vue différents et démontrent que
chacun souhaite défendre ses intérêts propres. En tout état de cause, le modèle d’organisation
ou de gouvernance ne fait pas le cœur du débat, mais la disposition fondamentale à
l’ouverture des marchés.
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 20
Une fois actée la volonté d’ouvrir le marché, il est nécessaire d’avoir une autorité de
régulation forte afin d’arbitrer entre les différents opérateurs et de garantir un strict respect
des règles.
La Deutsche Bahn, même si elle assure des prestations de transport dans le même
groupe, est capable de garantir l’indépendance des fonctions essentielles du gestionnaire de
l’infrastructure, ainsi qu’en témoigne la tenue de comptabilités séparées entre infrastructures
et exploitation, la mise en place de services juridiques distincts et l’existence d’un régime
contractuel séparé d’embauche des équipes du gestionnaire des voies ferrées. Enfin, un
mandataire spécial veille sur la régularité de l’activité du gestionnaire du réseau ferroviaire
qui se doit de respecter l’ensemble des critères d’indépendance.
La répartition des sillons nécessite certes une absolue indépendance. Toutefois, cette
exigence n’impose pas, a priori, la mise en place de deux systèmes distincts. Les stratégies
d’avenir doivent pouvoir se concrétiser pratiquement, surtout dans le contexte européen
actuel, marqué en particulier par les difficultés du marché du fret et les problèmes
d’investissement des différentes entreprises ferroviaires. En tout état de cause, le quatrième
paquet ferroviaire ne pourra pas éliminer, à lui seul, les différences des 25 systèmes
ferroviaires européens.
Jean-Louis BIANCO, Ancien ministre, Chargé de la mission de concertation sur la
réforme du système ferroviaire français
Les débats que nous avons menés ont été particulièrement utiles au regard de la
mission que j’ai l’honneur de présider. Je souscris aux propos de Jacques AUXIETTE et
réaffirme avec lui le principe selon lequel le pouvoir de décision appartient, en démocratie, à
la Nation et à ses représentants que sont le gouvernement, le Parlement et les régions. L’État
doit rétablir son rôle de stratège et, en lien avec les régions, fixer la politique d’investissement
et de financement ainsi que la politique industrielle.
Je ne peux pas laisser Monsieur GOUNON dire que les fonctionnaires du Ministère
des transports ont comme unique préoccupation la défense des intérêts de la SNCF. Au même
titre que l’ensemble des fonctionnaires de la République, ils accomplissent les tâches que
l’État leur assigne. Je tiens à leur rendre solennellement hommage.
Le gestionnaire d’infrastructure unifié est parfaitement nécessaire, ainsi que Jacques
RAPOPORT l’a souligné. Il ne s’agit pas là d’un point de vue doctrinal mais d’une mesure de
bon sens plébiscitée par les assises du ferroviaire.
Dominique BUSSEREAU s’est élevé contre des propositions que nous n’avons à
aucun moment formulées. Il conviendrait qu’il mobilise ses talents pour mener de vrais
combats et non pour instruire de faux procès. Ainsi, nous n’envisageons pas la création d’une
holding. La structure qui sera créée n’aura, par ailleurs, aucun pouvoir décisionnaire sur les
entités de base, son rôle étant d’assurer une cohérence du système ferroviaire.
Le fret ferroviaire ne doit pas être abandonné. La mise en œuvre d’un cadre social
commun à tous les opérateurs ferroviaires est nécessaire. Plus généralement, le dialogue
social ne doit pas être perçu comme un frein au développement. La France doit apprendre à le
conduire efficacement, sur le modèle allemand. De son bon déroulement, dépend la réussite
de la réforme.
Enfin, le gouvernement est convaincu de la nécessité qu’il y a à conduire rapidement
la réforme. Un projet de loi sera prochainement déposé au Parlement et sera examiné, en
première lecture, avant fin 2013 afin que les éléments de la réforme puissent être
opérationnels début 2015.
Colloque
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11 avril 2013 21
Notre seul objectif est de conserver et d’améliorer nos points forts que sont la sécurité
et la qualité de service, au bénéfice des utilisateurs comme des personnels dévoués
entièrement à leur fonction.
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11 avril 2013 22
CONCLUSION
Daniel BURSAUX, Directeur Général des infrastructures des transports et de la mer
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les sénateurs et les députés, Mesdames et
Messieurs, permettez-moi excuser l’absence de Frédéric
CUVILLIER. Il est retenu par la discussion, devant l’hémicycle,
de la loi des DDIT. Ce texte essentiel donne lieu à des débats
plus longs que prévus.
Je vais donc vous lire le discours qu’il aurait souhaité
prononcé devant vous.
« Je tiens à remercier Bernard SOULAGE Président de
Villes et Régions Européennes de la Grande Vitesse et François
Michel GONNOT, Président d’Avenir-Transports, de m’avoir
convié à conclure ce colloque sur la réforme ferroviaire. Je
voudrais vous convaincre, cela sera le sens essentiel de mon propos, que la réforme que le
gouvernement veut mettre en œuvre, et qui sera débattue par le Parlement le plus rapidement
possible, sera compatible avec le droit européen et les évolutions qui devraient intervenir
dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire dont les discussions sont maintenant largement
entamées.
Cette réforme sera compatible car je veux qu’elle soit durable et ne soit pas remise en
cause par les évolutions futures du droit européen. Elle sera compatible car le développement
du rail est une ambition que porte l’Europe et je veux que cette réforme y participe. L’Europe
du rail doit effet se bâtir sur la volonté de développer des transports de voyageurs et de
marchandises avec un haut niveau de qualité de services, avec un haut niveau de sécurité,
avec une exigence accrue d’efficacité économique et sans concurrence déloyale, bien
entendu.
Cette Europe du rail doit également se bâtir sur la volonté de développer une industrie
ferroviaire européenne qui a, nous le savons tous, des atouts internationalement reconnus.
Vous le savez, à l’occasion des 75 ans de la SNCF, j’ai annoncé les grands axes de la future
réforme ferroviaire. Celle-ci fait maintenant l’objet d’une concertation avec l’ensemble des
parties prenantes, menée par Jean-Louis BIANCO qui va remettre ses conclusions dans une
dizaine de jours. Cette réforme sera ensuite débattue par le Parlement. Le Président
AUXIETTE est également chargé d’une mission sur la place notamment des régions dans
cette réforme.
Les objectifs de cette réforme font partie de ceux qui sont partagés par l’Europe. Il
s’agit, tout d’abord, d’adopter une organisation à même de mieux répondre aux besoins des
usagers et des entreprises. À cette fin, j’ai déjà annoncé la création d’un gestionnaire
d’infrastructures unique qui assurera les fonctions aujourd’hui assumées par la Direction de
la circulation ferroviaire, par la SNCF Infra et par Réseau Ferré de France. Ce gestionnaire
sera rattaché à la SNCF au sein d’un pôle public.
Il s’agit de donner à une même structure l’ensemble des instruments nécessaires à un
pilotage efficace du réseau en optimisant la réalisation des travaux et la gestion des
circulations. L’intégration de la SNCF et de RFF au sein d’un pôle public permettra
notamment de développer une culture professionnelle, les métiers et les savoir-faire communs
indispensables au bon fonctionnement du système ferroviaire et à la satisfaction des usagers.
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 23
Je ne veux pas d’un GIU isolé et replié sur lui-même. Je suis donc convaincu que cela
passe par une organisation plus intégrée du système ferroviaire. Ce modèle de gouvernance,
qui reposera sur la mise en œuvre de garanties nécessaires d’indépendance, afin d’assurer
l’impartialité du GIU et un égal accès au réseau, sera évidemment conforme au droit
européen actuel. Je suis convaincu que nos discussions avec la Commission (je salue
Monsieur PAQUET), le Parlement européen et les autres États membres permettront qu’il
soit cohérent avec le futur quatrième paquet.
Nos partenaires, en effet, ne peuvent que partager l’idée qu’il est possible de mettre en
place un système plus efficace pour les usagers et qui garantisse l’égal accès de tous au
réseau. Vous le savez, le projet de texte déposé par la Commission n’impose pas le modèle de
la séparation et laisse aux États membres le choix quant aux modalités de gouvernance. Je
suis certain qu’un dialogue constructif nous permettra encore de le faire évoluer.
Le deuxième axe de la réforme portera sur la nécessité de mettre fin aux dérives
financières constatées aujourd’hui et qui se traduisent par une augmentation annuelle de la
dette de plus de 1,5 milliard d’euros, le Président RAPOPORT l’a sûrement rappelé.
Cela passe notamment par une meilleure priorisation des projets d’investissements et
la mise en place de règles vertueuses afin que, progressivement, le système ferroviaire
retrouve un équilibre économique nécessaire pour assurer sa pérennité.
Cet effort de restauration des équilibres économiques nécessitera également que les
fonctionnements et les organisations soient repensés pour être plus efficaces et à un meilleur
coût. Il faudra, en complément de cet effort, examiner tous les leviers que devra mobiliser
l’ensemble des acteurs pour y parvenir. Là encore, je pense que cet objectif, qui vise à rendre
le système ferroviaire plus efficace économiquement afin de le développer, ne peut être que
partagé par nos partenaires européens.
Enfin, le troisième axe offrira aux partenaires de la branche ferroviaire l’occasion de
conclure un nouveau pacte social. En effet, et depuis l’ouverture à la concurrence du
transport du fret ferroviaire, coexistent, dans le secteur ferroviaire, deux régimes distincts de
durée du travail qui entraîne des écarts importants, notamment sur l’organisation du travail.
Il faut que la SNCF puisse bénéficier des mêmes capacités en matière d’organisation
du travail que les autres opérateurs. Il est donc nécessaire de mettre en place un cadre
commun à toutes les entreprises de la branche ferroviaire.
Ce nouveau dispositif, qui comprend bien entendu le maintien du statut et de la
protection sociale, sera fondé sur un décret qui sera concerté avec les partenaires sociaux et
qui précisera notamment les principaux aspects du temps de travail au regard des exigences
de sécurité et de continuité du service public.
L’organisation du travail et l’aménagement du temps de travail relèveront d’une
convention collective de branche à négocier par les partenaires sociaux et qui pourra être
complétée par des accords d’entreprise.
Là aussi, je ne vois rien dans les textes européens actuels ou en préparation qui
s’oppose à la mise en place de cet axe de la réforme. Il faut mettre en place un cadre commun
aux acteurs qui soit clair et qui, tout en garantissant la sécurité et la continuité du service
public, donne la possibilité aux partenaires sociaux de négocier une organisation du travail
qui réponde à la nécessité de développer le rail.
Enfin, je voudrais également dire un mot de l’ouverture à la concurrence. La France a
dit clairement à la Commission qu’il ne s’agissait pas d’une priorité et qu’elle est
défavorable à toute modification du calendrier et des modalités d’ouverture prévus par le
règlement OSP.
Colloque
« La réforme du système ferroviaire français dans le contexte européen » PRESIDE PAR FRANÇOIS-MICHEL GONNOT ET BERNARD SOULAGE
11 avril 2013 24
J’ai d’ailleurs décidé que les expérimentations prévues par le précédent gouvernement
sur une mise en concurrence des TET ou des TER ne seraient pas mises en œuvre. Par
ailleurs, la France est également attachée au fait que les modalités d’ouverture à la
concurrence restent du ressort des États membres qui doivent pouvoir décider, à leur niveau,
des services qui font d’une obligation de service public.
Voilà les grands axes que je souhaite mettre en œuvre et qui font l’objet de la
concertation pilotée par Jean-Louis BIANCO. Cette réforme correspond également à la
position que la France défendra dans le débat européen relatif au quatrième paquet
ferroviaire qui devra permettre de bâtir une Europe du rail dont bénéficieront le pôle public
et l’industrie ferroviaire.
Je négocierai avec la Commission et nos partenaires européens afin de démontrer que
cette réforme poursuit des objectifs qui peuvent être partagés par tous : qualité de service,
sécurité, soutenabilité économique et ambition sociale.
J’ai beaucoup discuté avec la Commission et nos principaux partenaires. Il peut,
certes, y avoir des divergences. Il peut même y avoir des oppositions. Mais je suis convaincu
d’une volonté commune de dialoguer et d’aboutir afin de donner de nouvelles perspectives au
transport ferroviaire européen. »