douze articles

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Texte 15 : ALLEMAGNE Février/mars 1525 Sebastian Lotzer Les “Douze Articles” Vers 1525, le sud (sud-ouest et sud-est) du Saint Empire (Allemagne) fut le théâtre d’un grand mouvement populaire, la “Guerre des paysans”. Les réclamations des paysans con- cernaient les excès de la domination féodale et la réforme de l'Église. Les Douze Articles documentent les deux aspirations: allégement du prélèvement féodal et réforme de l'Église. Le document fut formulé aux mois de février/mars 1525. Les articles furent distribués en 25.000 exemplaires, partout dans l'Empire; les villes, les nobles et les prêtres qui adhérèrent successivement à la cause des paysans, juraient sur les Douze Articles. Bon nombre des revendications restaient d'actualité et donnaient naissance à d'innombrables procès entre les paysans et leurs seigneurs jusqu'à la fin de l'Empire. La jurisprudence et la juridiction en tenaient compte; le résultat de cet effort juridictionnel fut la création d'un système de normes juridiques, protégeant les intérêts vitaux des paysans, connu sous le nom de droit rustique (Bauernrecht) que lui donnaient les juristes d'ancien régime. L'auteur des Douze Articles est connu. Il s'agit de Sebastian Lotzer, compagnon pelletier dans la ville de Memmingen (Bavière). Lotzer avait lu la Bible, il était aussi l'auteur de cinq feuilles volantes dans lesquelles il luttait pour le droit des laïques d'interpréter la parole de Dieu. Les paysans en révolte du sud-ouest de l'Allemagne s'assuraient les services de cet homme du peuple. C'est ainsi qu'il composa le document suivant qui résume les doléances et les revendications paysannes, formulées jusque-là dans des contextes locaux, à un niveau aussi fondamental que général. Les “Douze Articles” Article 1 er Nous demandons que toute communauté ait le droit d’élire son pasteur et de le désaffecter de son poste quand sa conduite n’est pas conforme aux exigences de sa tâche. [...] Article 2 Nous voulons bien payer la dîme céréalière pour les besoins du pasteur élu par nous- mêmes. La communauté décidera de l’usage qui en sera fait. Le surplus dont le pasteur n’aura pas besoin pour satisfaire à sa subsistance et celle des siens sera distribué parmi les pauvres de la communauté. [...] Nous ne voulons plus payer la petite dîme sur les animaux.

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Page 1: Douze Articles

Texte 15 : ALLEMAGNE

Février/mars 1525

Sebastian Lotzer

Les “Douze Articles” Vers 1525, le sud (sud-ouest et sud-est) du Saint Empire (Allemagne) fut le théâtre d’un grand mouvement populaire, la “Guerre des paysans”. Les réclamations des paysans con-cernaient les excès de la domination féodale et la réforme de l'Église. Les Douze Articles documentent les deux aspirations: allégement du prélèvement féodal et réforme de l'Église. Le document fut formulé aux mois de février/mars 1525. Les articles furent distribués en 25.000 exemplaires, partout dans l'Empire; les villes, les nobles et les prêtres qui adhérèrent successivement à la cause des paysans, juraient sur les Douze Articles. Bon nombre des revendications restaient d'actualité et donnaient naissance à d'innombrables procès entre les paysans et leurs seigneurs jusqu'à la fin de l'Empire. La jurisprudence et la juridiction en tenaient compte; le résultat de cet effort juridictionnel fut la création d'un système de normes juridiques, protégeant les intérêts vitaux des paysans, connu sous le nom de droit rustique (Bauernrecht) que lui donnaient les juristes d'ancien régime. L'auteur des Douze Articles est connu. Il s'agit de Sebastian Lotzer, compagnon pelletier dans la ville de Memmingen (Bavière). Lotzer avait lu la Bible, il était aussi l'auteur de cinq feuilles volantes dans lesquelles il luttait pour le droit des laïques d'interpréter la parole de Dieu. Les paysans en révolte du sud-ouest de l'Allemagne s'assuraient les services de cet homme du peuple. C'est ainsi qu'il composa le document suivant qui résume les doléances et les revendications paysannes, formulées jusque-là dans des contextes locaux, à un niveau aussi fondamental que général.

Les “Douze Articles” Article 1er Nous demandons que toute communauté ait le droit d’élire son pasteur et de le désaffecter de son poste quand sa conduite n’est pas conforme aux exigences de sa tâche. [...] Article 2 Nous voulons bien payer la dîme céréalière pour les besoins du pasteur élu par nous-mêmes. La communauté décidera de l’usage qui en sera fait. Le surplus dont le pasteur n’aura pas besoin pour satisfaire à sa subsistance et celle des siens sera distribué parmi les pauvres de la communauté. [...] Nous ne voulons plus payer la petite dîme sur les animaux.

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Article 3 Le Christ nous a libérés de tout servage. [...] Selon la Sainte Écriture, nous sommes des gens libres, et nous voulons être libres. Nous respectons Dieu et les devoirs envers lui. [...] Nous respectons toute autorité que Dieu nous a imposée tant que les choses qu’elle nous demande sont droites et chrétiennes. Article 4 Il n’est pas juste que nous, des pauvres sujets, n’ayons pas de droit au gibier, aux oiseaux, ou au poisson dans l’eau courante. [...] Quand Dieu créa l’homme il lui donna pouvoir sur tous les animaux, sur les oiseaux dans l’air, sur les poissons dans l’eau. [...] Nous demandons que chacun qui prétend posséder un ruisseau le prouve par des titres écrits. [...] Article 5 Il n’est pas juste que nous devions acheter le bois qu’il nous faut pour la subsistance. Tout bois qui n’a pas été acheté légitimement par un seigneur ecclésiastique ou laïque doit être restitué aux communautés. [...] Articles 6-8 [Les paysans demandent que leurs droits et privilèges soient maintenus, que le droit ancien et coutumier soit respecté, que les seigneurs n’exigent pas autre chose que ce qui leur est dû depuis la nuit des temps.] Article 9 [Les frais des procédures juridiques ne sont pas fixés selon les lois écrites. Les paysans demandent le retour aux limitations dont le droit écrit semble l’expression symbolique.] Article 10 [Des particuliers ont usurpé le bien communal; ces usurpations doivent être annulées.] Article 11 [Il est contre la volonté de Dieu de faire payer les veuves et les orphelins au moment de la mort du mari ou des pères et mères. Au lieu de protéger leurs vassaux, les seigneurs les auraient opprimés.]

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Article 12 Si l’un ou l’autre des articles ci-dessus était contre la parole de Dieu, nous voulons qu’il soit nul et tenu pour mort [sic!]. Mais s’il se trouvait d’autres articles dans la parole de Dieu que nous ignorions et qui défendent d’opprimer le prochain, nous nous réservons de demander leur application. Extraits, traductions et résumés en français par Wolfgang Schmale. Source du texte original (en allemand, édition critique): Alfred Götze, Die zwölf Artikel der Bauern 1525. Kritisch herausgegeben, in:

Historische Vierteljahresschrift 5 (1902), pp. 1-33.

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Texte 16 : ALLEMAGNE

1750/1754

“Institutions du Droit de la Nature et des Gens ”

L'école allemande du droit naturel des XVIIe/XVIIIe siècles se développa sous l'égide de trois »épigones«, Samuel Pufendorf (1632-1694), Christian Thomasius (1655-1728) et Christian Wolff (1679-1754). Le XVIe siècle avait connu une première école du droit naturel inspirée par la doctrine juridique des réformateurs de la première génération, surtout par celle de Martin Luther (1483-1546). L'influence de ces trois personnalités sur la philosophie politique et juridique non seulement dans le Saint Empire, mais aussi dans bon nombre de pays européens, ne peut guère être sous-estimée. Christian Wolff étudia la théologie, la philosophie et les mathématiques. En 1706, il fut chargé d'une chaire de philosophie et de mathématique à l'université de Halle. Accusé de répandre des doctrines erronées, il dut quitter Halle en 1723, mais devint professeur à Marburg. La célébrité qu'il acquit à Marburg amena le jeune roi prussien, Frédéric II, à rappeler ce professeur aux convictions inébranlables à Halle. Les Institutiones juris naturae et gentium (Institutions du droit de la nature et des gens) publiées en latin en 1750 et traduites en allemand en 1754 constituent la somme de sa philosophie juridique. L'école allemande de droit naturel est réputée avoir développé, de préférence, les devoirs de l'être humain, et moins ses droits, mais l'exemple de Christian Wolff, le sous-titre même de ses Institutiones, montre que la doctrine des devoirs fondamentaux de l'homme va de pair avec la doctrine des droits fondamentaux de l'homme. (...)

CHAPITRE III De l'obligation universelle et du droit universel des hommes en général §.LXVIII. Une obligation universelle, est celle par laquelle chaque homme est lié, en tant qu'homme. Et le Droit universel qui en naît est celui qui appartient à chaque homme, en tant qu'homme. §.LXIX. Puisque l'obligation naturelle a sa raison suffisante dans l'essence et dans la nature même de l'homme, et qu'en posant celle-ci on pose celle-là; et puisque tous les hommes en général ont une même nature et une même essence, il s'ensuit qu'une obligation par laquelle un homme est lié, en tant qu'homme est la même dans tous les hommes; par conséquent, les droits qui appartiennent à un homme en tant qu'homme sont les mêmes pour tous les hommes. Donc il y a des obligations universelles, et des droits universels. (...) §.LXX. Dans un sens moral, des hommes égaux sont ceux, dont les obligations et les

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droits sont les mêmes. Donc les hommes, en tant qu'hommes, sont naturellement égaux. §.LXXI. La prérogative étant un droit qui appartient à quelqu'un de plus qu'aux autres, qui ont d'ailleurs les mêmes droits, il s'ensuit que naturellement l'homme en tant qu'homme, n'a aucune prérogative, et qu'ainsi, il n'y a point de prérogative naturelle. §.LXXII. Et même puisque naturellement tous les hommes ont les mêmes droits et les mêmes obligations, il s'ensuit que ce qui naturellement est permis à l'homme en tant qu'homme, est aussi permis à un autre, et que ce que l'on doit à l'autre, l'autre le lui doit aussi. §.LXXIII. Il paroît clairement par là qu'il ne faut pas faire aux autres, ce qu'en vertu de notre droit, nous voulons qu'ils nous fassent à nous-mêmes. Ceux qui en agissent autrement s'arrogent un prérogative que la nature ne leur donne point, et ils détruisent l'égalité naturelle, qui, par rapport aux obligations universelles et aux droits universels subsiste aussi longtemps que l'homme est homme, c'est à dire aussi longtemps qu'il existe. Quelques inégalités, donc, qui puissent s'introduire par le fait des hommes, (ce qui peut se faire, comme nous le verrons en son lieu) on est tenu cependant envers eux aux devoirs que l'homme doit à l'homme, c'est-à-dire aux devoirs d'humanité. §.LXXIV. On appelle droit inné, ou né avec l'homme, celui qui découle d'une obligation innée, ou née avec lui. Et une obligation innée, c'est celle que l'on pose en posant la nature et l'essence de l'homme. C'est pourquoi une pareille obligation étant immuable, à cause de l'immutabilité de l'essence et de la nature de l'homme, dont elle est inséparable, il s'ensuit qu'un droit inné est aussi tellement attaché à l'homme qu'on ne peut le lui enlever; en effet il lui est donné pour satisfaire à quelque obligation. §.LXXV. La préséance est le droit de primauté dans l'ordre, que plusieurs personnes doivent observer entre elles. Puisqu'il n'y a point de préséance entre les égaux, naturellement aussi personne n'a de préséance. §.LXXVI. Naturellement tous les hommes ont les mêmes droits, si donc vous aviez droit sur les actions d'un autre, en sorte, qu'il dut les régler sur votre volonté, et qu'il ne put faire ce qui lui plaît, il auroit à son tour le même droit sur vos actions; ce qui étant absurde, surtout puisque cela devroit s'étendre à tous les hommes indifféremment, il s'ensuit que naturellement personne n'a droit sur les actions d' un autre. C'est en effet dans l'essence et dans la nature de l'homme que se trouve la raison suffisante de la loi naturelle, et par conséquent des obligations et des droits qui en découlent; or il n'y a dans cette essence et cette nature aucune raison pour laquelle quelque homme doive avoir quelque droit sur les actions d'un autre. §.LXXVII. Naturellement donc les actions d'un homme sont indépendantes de la volonté de tout autre homme, et chacun dans ce qu'il fait ne dépend que de lui-même. Cette indépendance de la volonté d'un autre, ou cette dépendance de la seule volonté propre s'appelle liberté. Naturellement donc tous les hommes sont libres. Cependant comme l'obligation naturelle est immuable, la liberté n'abolit point l'obligation naturelle, et ne change rien Résumé des §.LXXVIII à LVXXX Comme il est libre, l'homme n'est responsable qu'envers lui-même; cependant, la liberté

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trouve ses limites dans les devoirs de l'un envers l'autre. L'homme ne peut se dérober à ces devoirs, mais il en détermine l'étendue. L'essence de cette idée de devoir est l'amour des uns envers les autres. Résumé des paragraphes LXXXI à LXXXIII Selon la loi naturelle, aucun droit ne doit empêcher l'homme de pourvoir à ses obligations. Cette loi est appelée parfaite. Par conséquent, chaque homme a un droit parfait de demander les devoirs d'amour selon les paragraphes LXXVIII et ss. §.LXXXIV. Il ne faut pas confondre la liberté avec la licence, qui, sans égards à l'obligation naturelle et au droit, s'étend à tous ce qui plaît, et en est un désir effréné. Puisqu'elle répugne à l'obligation naturelle, dont personne ne peut être exempté (§.XLII.) personne n'a droit à la licence. §. LXXXV et LXXXVII (De la justice et de l'injustice) §. LXXXVI (Du devoir de chacun d'être juste et équitable) §. LXXXVIII (La justice naturelle interdit toute offense à la personne humaine) §.LXXXIX. Ce que la loi naturelle défend consistant dans une omission, l'obligation qui en résulte est toujours certaine. Donc de l'obligation imposée par une loi prohibitive naît un droit parfait de ne pas souffrir qu'un autre fasse ce qu'il est obligé envers vous de ne pas faire. C'est pourquoi, puisqu'on ne doit léser personne, tout homme a naturellement le droit de ne pas souffrir qu'un autre le lèse, et ce droit donné à chacun par la nature s'appelle droit de sûreté, lequel consiste dans l'exemption de lésion. Il paroît de là que la lésion embrasse naturellement tout acte que la loi naturelle défend par rapport aux autres; par conséquent, que tout acte qui rend un autre ou son état plus imparfait, est une lésion; mais que le refus d'un devoir d'humanité n'est pas une lésion. §. XC. Puisque nous ne sommes pas obligés de souffrir qu'un autre nous lèse il est permis de résister à celui qui veut nous léser; et comme l'action par laquelle on résiste à celui qui veut nous léser s'appelle défense, l'homme a naturellement le droit de défense; par conséquent, tous les actes sans lesquels il ne peut détourner la lésion lui sont permis, ces actes devant être déterminés par les circonstances. Résumé des §. XCI - XCIII. L'homme a le droit d'empêcher qu'il ne soit lésé par un autre homme; la nature lui confère le droit de punir l'offenseur. Résumé du § XCIV Par nature, le droit de se défendre et de punir n'est pas limité; sa limitation découle des cas individuels. §.XCV. Par ce que nous avons dit jusqu'ici, on voit quels sont les droits innés de l'homme; c'est le droit aux choses sans lesquelles il ne peut satisfaire à ses obligations naturelles,

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(sous lesquels sont compris le droit de demander les devoirs d'humanité et le droit d'y obliger les autres parfaitement, comme nous le verrons au §. XCVII., c'est l'égalité, la liberté, le droit de sûreté et le droit de punir qui en dérivent). Au reste nous montrerons en son lieu quels sont les autres droits, qui naissent de ceux-là, et comment on peut conformément à la loi naturelle, contracter d'autres obligations, et acquérir d'autres droits. Document: “Institutions du Droit de la Nature et des Gens”, chapitre III Source et Traduction française: Institutions du Droit de la Nature et des Gens, Dans lesquelles, par une chaîne

continue, on déduit de la Nature même de l’Homme, toutes ses Obligations & tous ses Droits. Traduites du Latin de Mr. Christian L.B. de Wolff. Conseiller Privé de S. M. le Roi de Prusse, & Chancellier & Ancien de l’Université de Hall. Par Mr. M***. Avec des Notes..., Par M Elie Luzac, Docteur en Droit & Avocat à la Cour de Hollande, de Zélande & de West-Frise. Tome Premier, A Leide, Chez Elie Luzac, MDCCLXXII [1772], pp. 138-181 (texte en latin et en français).

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Texte 17 : ALLEMAGNE

1784

Friedrich Schiller

L’Amour et l’intrigue Le poète Friedrich Schiller (1759-1805) a voué son oeuvre dramatique à la cause de la liberté, il semble bien avoir été celui qui se révolta le plus contre les injustices de son temps et toute restriction de la liberté personnelle et politique. Le leitmotiv de sa vie était le leitmotiv du drame Die Räuber (1782): In tyrannos. Le langage du drame Kabale und Liebe/L’intrigue et l’amour (1784) est du plus audacieux. Schiller fulmine contre la vente d'hommes comme soldats, pratiquée par certains princes allemands en faveur du roi d'Angleterre Georges III qui cherchait des soldats pour les envoyer lutter dans la guerre d'indépendance de l'Amérique. La vente d'hommes, en soi, constitue un mépris inouï de la dignité de l'homme. Pire, elle n'a pas pour but d'atteindre un idéal, la liberté d'Amérique dans ce cas, mais le seul financement des besoins de luxe des princes. En 1792, le poète fut déclaré “citoyen” de la République Française, en reconnaissance de son adhésion à la cause révolutionnaire. Dans la pièce, la scène II de l’acte II se passe chez Mylady, la maîtresse du duc. Celui-ci veut la donner en mariage à l’un de ses sujets et à cette occasion, lui fait un fastueux cadeau. ACTE II, SCENE II Un vieux valet de chambre du prince, porteur d'une cassette à bijoux. Les personnages précédents. LE VALET DE CHAMBRE.— Son Altesse Sérénissime le Duc présente ses hommages à Milady et lui envoie ces brillants à l'occasion de son mariage. Les pierres arrivent tout droit de Venise. MILADY (ouvrant la cassette et reculant épouvantée).— Homme ! Quel prix ton duc a-t-il payé ces pierres ? LE VALET DE CHAMBRE (l'air sombre).— Elles ne lui coûtent pas un denier. MILADY.— Quoi? Es tu fou? Elles ne lui coûtent rien? (Se reculant de lui d'un pas). Tu me jettes un regard comme si tu voulais me transpercer...Comment ces pierres d'un prix incalculable ne lui coûteraient-elles rien?

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LE VALET DE CHAMBRE.— Hier, sept mille enfants du pays sont partis pour l'Amérique...ils paient le tout. MILADY.— (repose les bijoux sur la table et parcourt la salle d'une démarche agitée. Après une pause, elle s'adresse de nouveau au valet de chambre).— Homme ! Qu'as-tu ? Il me semble que tu pleures ? LE VALET DE CHAMBRE (s'essuyant les yeux, la voix terrible, tremblant de tous ses membres).— Des pierreries comme celles-là...parmi ceux qui sont partis il y avait quelques uns de mes fils. MILADY(se détournant tremblante et lui saisissant les mains).— J'espère qu'on en a contraint aucun. LE VALET DE CHAMBRE (avec un rire terrible).— Mon Dieu non...Il n'y avait là que des volontaires! Il y a bien eu quelques gars au verbe un peu trop haut qui sont sortis des rangs et ont demandé au colonel quel prix le prince vendait le couple d'hommes, mais notre très gracieux Seigneur fit avancer tous ces régiments sur la place de la parade et fusiller les badauds. Nous entendîmes le crépitement des carabines, nous vîmes les cervelles gicler sur le pavé et l'armée toute entière s'écria : Hurrah! Partons pour l'Amérique!... MILADY (frappée d'horreur et se laissant tomber sur le sol).— Mon Dieu, mon Dieu ! et je n'ai rien entendu, et je n'ai rien remarqué ! LE VALET DE CHAMBRE.— Oui, Madame!...Pourquoi donc étiez-vous tout juste partie avec nos souverains pour la chasse à l'ours quand les tambours ont battu pour le départ?...Vous n'auriez pas dû, vraiment, manquer un si beau spectacle, vous auriez dû voir à l'heure où la rumeur du tambour annonça qu'il était l'heure, vous auriez dû voir les orphelins éplorés poursuivant de leurs cris un père encore vivant, une mère folle de douleurs précipitant sur la pointe des baïonnettes son enfant encore à la mamelle, les couples de fiancés séparés à coup de sabre, des hommes à la barbe grise saisis par le désespoir et finissant par jeter leurs béquilles derrière les jeunes qu'ils voyaient partir dans le Nouveau Monde...Et le roulement retentissant du tambour au milieu de cette scène pour empêcher le Tout-Puissant d'entendre la voix de notre prière... MILADY (se levant très émue).— Emportez ces pierres; elles font entrer les flammes de l'enfer dans mon coeur. (La voix plus douce, s'adressant au valet de chambre.) Calme-toi, pauvre vieux homme ! Ils reviendront. Ils reverront leur pays. LE VALET DE CHAMBRE (la voix forte, avec feu).— Oui, par le Ciel, ils reviendront...Arrivés à la porte de la ville, ils se sont retournés et nous ont crié : « Que Dieu soit avec vous, femmes et enfants!...et vive notre glorieux monarque...Nous nous reverrons au jour du Jugement dernier...» MILADY (parcourant la pièce à grands pas).— Effroyable, épouvantable!...et on voulait me faire croire à moi, que j'avais séché toutes les larmes du pays...Mes yeux s'ouvrent maintenant d'une façon effrayante...Va, toi...va, et dis à ton maître que j'irai le remercier en personne! (Le valet de chambre veut sortir, elle jette une bourse d'or dans son chapeau.) Tiens, prends cela pour m'avoir dit la vérité...

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LE VALET DE CHAMBRE (jetant avec mépris la bourse sur la table).— Joignez cela au reste! (Il sort.) Source : SCHILLER Friedrich - Kabale und Liebe (1784). Traduction : Intrigue et amour. Kabale und Liebe. Texte traduit et présenté par Robert

d’Harcourt, Professeur à l’Institut catholique de Paris, Paris 1930, pp.32-34.

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Texte 18 : ALLEMAGNE

1795

Emmanuel Kant

Projet de paix perpétuelle

Le philosophe Emmanuel Kant (1724-1804), professeur à l’université de Koenigsberg (Prusse) est considéré avoir parfait la philosophie de la liberté restée inachevée par la Révolution de 1789. En 1794, Kant s'attira les foudres du gouvernement prussien; il aurait mal respecté la doctrine chrétienne. L'un de ses ouvrages le plus fameux et retentissant fut son discours sur la Paix perpétuelle (1795), sujet déjà introduit en ce siècle par un français, l'abbé de Saint-Pierre. L’écrit de Kant engendra immédiatement de nombreuses réactions et amorça un long débat, encore vivace après le tournant du siècle. Le texte fut publié en octobre 1795, peu de temps après la paix de Bâle, conclue entre la France révolutionnaire et la Prusse. Tout homme averti avait pressenti que le but de cette paix n'était pas réellement la paix, mais le souci de la Prusse d'avoir les mains libres en Pologne, et le souci de la République française de se défaire de son ennemi, l'Autriche des Habsbourg, dans le sud de l'Allemagne, et le nord de l'Italie. Kant, jugeant que l'expérience de la République risquait d'être un échec si la guerre continuait écrivit la Paix perpétuelle pour montrer la voie qu'aurait dû suivre la philosophie révolutionnaire des droits de l'homme.

Premier article définitif pour la paix perpétuelle La constitution civile de chaque Etat doit être républicaine. La seule constitution qui résulte de l'idée du pacte social, sur lequel doit se fonder toute bonne législation d'un peuple, est la constitution républicaine1.

1. La liberté légale et par conséquent extérieure, n'est pas, comme on la définit d'ordinaire, la faculté de faire tout ce qu'on veut, pourvu qu'on ne nuise pas à autrui. Elle consiste à n'obéir qu'à des lois auxquelles j'ai pu donner mon assentiment. De même, l'égalité légale dans un Etat est le rapport des citoyens entre eux, suivant lequel l'un ne saurait obliger l'autre juridiquement, sans que celui-ci ne se soumette aussi à la loi de pouvoir être obligé à son tour de la même manière. Le principe de la soumission aux lois, étant déjà compris sous l'idée d'une constitution en général, ne demande pas d'explication particulière. L'inviolabilité de ces droits innés et imprescriptibles de se manifeste plus glorieusement encore, lorsqu'on se représente l'homme en relation avec des êtres d'une nature supérieure, comme citoyen d'un monde d'intelligences.— Car, en commençant par ma liberté, les lois de Dieu même, qui ne peuvent m'être révélées que par la raison, ne sont obligatoires pour moi, qu'autant que j'ai pu concourir à leur formation, puisque je ne parviens à connaître la volonté de Dieu, que par la loi que ma propre raison impose à ma liberté, en m'élevant au dessus de la nécessité des lois de la nature. Quant au principe d'égalité, quelque relevée que soit la nature d'un être, fût-il le plus grand après Dieu, (comme le grand Aeon des Gnolitiques) si je fais mon devoir dans le poste qui m'est assigné, comme lui dans le sien, il n'y a pas de raison, pour laquelle j'ai uniquement l'obligation d'obéir et lui, le droit de commander. Ce qui fait que le principe d'égalité n'est pas applicable à nos relations avec Dieu, c'est que de tous les êtres, il est le seul qu'on ne puisse pas se représenter soumis

Page 14: Douze Articles

Elle seule est établie sur des principes compatibles: 1. avec la liberté qui convient à tous les membres d'une société, en qualité d'hommes; 2. avec la soumission de tous à une législation commune, comme sujets; et enfin, 3. avec le droit d'égalité, qu'ils ont tous, comme membres de l'Etat. Il n'y a donc que cette constitution, qui, relativement au droit, serve de base primitive à toutes les constitutions civiles; reste à savoir, si elle est aussi la seule qui puisse amener une paix perpétuelle. Or en examinant la nature de cette constitution, je trouve, qu'outre la pureté de son origine qui tient à l'idée même du droit, elle promet aussi les plus heureux effets et peut seule nous faire espérer une pacification permanente. Voici de quelle manière. Suivant le mode de cette constitution, il faut que chaque citoyen concoure, par son assentiment, à décider la question : "si l'on fera la guerre ou non". Or décréter la guerre, n'est-ce pas, pour des citoyens, décréter contre eux-mêmes toutes les calamités de la guerre : savoir, de combattre en personne; de fournir de leurs propres moyens aux frais de la guerre; de réparer péniblement les dévastations qu'elle cause; et pour comble de maux, de se charger enfin de tout le poids d'une dette nationale, qui rendra la paix même amère et ne pourra jamais être acquittée, puisqu'il aura toujours de nouvelles guerres. Certes l'on se gardera bien de précipiter une entreprise aussi hasardeuse. Au lieu que dans une constitution où les sujets ne sont pas citoyens de l'Etat, c'est à dire, qui n'est pas républicaine, une déclaration de guerre est la chose du monde la plus aisée à décider; puisqu'elle ne coûte pas au chef, propriétaire et non pas membre de l'Etat, le moindre sacrifice de ses plaisirs de la table, de la chasse, de la campagne, de la cour etc. Il peut donc résoudre une guerre, comme une partie de plaisir, par les raisons les plus frivoles et en abandonner avec indifférence la justification, qu'exige la bienséance, au corps diplomatique, qui sera toujours prêt à la faire. [...] L'idée d'un droit cosmopolite Les liaisons plus ou moins étroites, qui se sont établies entre les peuples, ayant été portées au point qu'une violation de droits commise en un lieu, est ressentie partout; l'idée d'un droit cosmopolitique ne pourra plus passer pour une exagération fantastique du droit ;

au devoir. S'agit-il du droit d'égalité commun à tous les citoyens, en qualité de sujets? pour décider si l'on peut tolérer une noblesse héréditaire, il suffira de demander ; la prééminence du rang, accordée par l'Etat, doit-elle être antérieure au mérite, ou le mérite doit-il l'être au rang ? Or, il est évident, que si la dignité tient à la naissance, le mérite sera incertain, et par conséquent, il vaudroit tout autant accorder le commandement à un favori sans aucun mérite; ce qui ne saurait jamais être décrété par la volonté universelle du peuple dans le pacte social, unique fondement de tous les droits. Car si la naissance donne la noblesse, elle ne donne pas, pour cela, la noblesse de l'esprit et du coeur. Il en est tout autrement de la noblesse ou de la dignité attachée aux magistratures, que le mérite seul peut obtenir. Le rang n'y tient pas à la personne, mais au poste, et ce genre de noblesse n'altère pas l'égalité, parce qu'en quittant le poste, on renonce au rang qu'il donnait, pour rentrer dans la classe du peuple.

Page 15: Douze Articles

elle est le dernier degré de perfection nécessaire au code tacite du droit civil et public ; car il faut que ces systèmes conduisent enfin à un droit public des hommes en général, vers lequel on ne peut se flatter d'avancer sans cesse, que moyennant les conditions indiquées. Source et Traduction française : Projet de Paix perpétuelle. Essai philosophique par Emmanuel Kant. Traduit de

l’allemand avec un nouveau supplément de l’auteur. Königsberg, 1796. Chez Frédéric Nicolovius. Extrait du “Premier article définitif pour la paix perpétuelle”, pp. 21-26; 47.

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Texte 19 : ALLEMAGNE

28 mars 1849

Assemblée nationale de la “Paulskirche”

Constitution de l'Empire allemand (Constitution de la Paulskirche)

Au fur et à mesure de la formation de l'idée d'un État national allemand, mouvement idéel de la bourgeoisie et d'une partie du 'peuple commun', mais non des princes allemands, l'on s'habituait à penser les droits fondamentaux du peuple allemand. Cette évolution atteignit son point culminant en 1848/49, années révolutionnaires dans presque toute l'Europe, et aboutit à la déclaration de la Constitution de l'Empire allemand, élaborée par le parlement ou Assemblée nationale de la Paulskirche (Église Saint Paul) à Francfort sur le Main. L'intérêt principal avait été l'instauration d'un État allemand unifié et fédéré. La constitution de 1849, jamais réalisée ni acceptée par les princes allemands, définissait cet État unifié et fédéré, d'une part, et les droits politiques et fondamentaux du citoyen allemand - et cela entièrement dans la tradition du mouvement constitutionnaliste libéral- de l'autre. Si l'on considère les articles sur les droits fondamentaux du peuple allemand sous le point de vue du droit matériel, ces droits ne se distinguent guère des droits communément appelés droits de l'homme. Mais l'idée des hommes de la Paulskirche n'était pas d'accomplir une mission universelle, mais nationale et constitutionnelle. La no-tion de droits fondamentaux du peuple allemand reflète la volonté d'appliquer les fruits du débat des Lumières, de la Révolution française et du mouvement libéral et constitu-tionnaliste à l'état national naissant (ou qu'on croyait voir naître). [...]

Section VI

Les droits fondamentaux du peuple allemand 130 [Droits imprescriptibles] Les droits suivants doivent être garantis au peuple allemand. Ils doivent servir de règle aux constitutions des états-membres de l’Empire, et aucune constitution ou loi fondamentale d’un état-membre allemand ne doit pouvoir les abolir ou les limiter. [...] Article I 133 [Libre choix de résidence, liberté de profession] Tout allemand a le droit de séjourner ou de résider en tout lieu du territoire impérial, d’acquérir des biens fonciers de toute sorte et d’en disposer, d’exercer toute activité professionnelle et d’obtenir le droit de cité de la commune. [...] 136 [Liberté d’émigration] La liberté d’émigration n’est pas limitée par l’état. [...]

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Article II 137 [Le principe d’égalité, l’accès à la fonction publique, les obligations militaires] Devant la loi, aucune distinction d’état ne vaut. La noblesse comme état est supprimée. Tous les privilèges d’état sont abolis. Les Allemands sont égaux devant la loi. [...] Les fonctions publiques sont accessibles de façon égale à tous ceux qui en ont la capacité. [...] Article III 138 [Liberté personnelle] La liberté de la personne est inviolable. L’arrestation d’une personne ne doit, sauf en cas de flagrant délit, se faire que par la vertu d’un ordre judiciaire motivé. Cet ordre doit être notifié au moment de l’arrestation ou dans les 24 heures suivant celle-ci. L’autorité policière doit soit remettre en liberté quiconque a été mis en arrestation dans le courant du jour suivant, soit le remettre à l’autorité judiciaire. [...] 140 [Inviolabilité du domicile] Le domicile est inviolable. [...] 142 [Le secret de la correspondance] Le secret de la correspondance est garanti. [...] Article IV 143 [Liberté d’opinion, Liberté de la presse] Tout allemand a le droit, par la parole, l’écrit, l’imprimé, la représentation figurée, d’exprimer librement son opinion. La liberté de la presse ne doit être bornée, suspendue ou supprimée en aucune circonstance et en aucune manière, par des mesures préventives, notamment censure, brevet, commission de sécurité, imposition par l’État, restriction d’impression ou de commercialisation, interdiction postale ou autre obstacle à la libre circulation. [...] Article V 144 [Liberté de croyance et de conscience] Tout allemand a une pleine liberté de croyance et de conscience. Nul n’est obligé de confesser ses convictions religieuses. 145 [Liberté de pratique religieuse] Tout allemand est totalement libre de l’exercice en commun, privé ou public, de sa religion. [...] 146 [La non-limitation des droits civiques] L’usage des droits civils et civiques n’est ni soumis à condition ni limité par l’expression d’une croyance religieuse. Celle-ci ne doit nullement porter atteinte au devoirs civiques. [...] Article VI 152 [La liberté des sciences et de l’enseignement] Les sciences et leur enseignement sont libres. [...] 158 [Le libre choix de la profession] Chacun a la liberté de choisir sa profession et de se former à celle-ci comme il veut et où il veut.

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Article VII 159 [Droit de pétition] Tout allemand a le droit de s’adresser par écrit, à propos d’une demande ou d’un grief, aux autorités, aux représentations populaires des états-membres de l’Empire ou à la Diète. [...] Article VIII 161 [Liberté de rassemblement] Les allemands ont le droit de s’assembler pacifiquement et sans armes; aucune autorisation particulière n’est nécessaire pour cela. [...] 162 [La liberté d’association] Les allemands ont le droit d’organiser des associations. Ce droit ne peut être limité par aucune mesure préventive. [...] Article IX 164 [Propriété; ...] La propriété est inviolable. [...] La propriété intellectuelle doit être protégée par une législation de l’Empire. [...] Article X 174 [La juridiction d’État] Toute juridiction part de l’État. Il ne peut exister de juridiction patrimoniale. 175 [Le pouvoir judiciaire; les tribunaux d’exception] Le pouvoir judiciaire est exercé de façon indépendante par les tribunaux. La justice des cabinets et des ministères n’est pas recevable. Personne ne peut être privé d’un jugement légal. Il ne peut y avoir de tribunaux d’exception. [...] 181 [La séparation des pouvoirs] La justice et l’administration doivent être séparées et indépendantes l’une de l’autre. [...] Article XIII 188 [Les populations de langue étrangère] Aux populations de l’Allemagne qui ne parlent pas l’allemand, est garanti leur propre développement national, en particulier l’égalité de droit de leur langue, sur toute étendue de leur territoire, dans les activités religieuses, l’enseignement, l’administration intérieure et la justice. [...] Source : Schuster, Rudolf (dir.), Deutsche Verfassungen, München, 14e éd., 1981, pp.

47-54 (Section VI: Les Droits fondamentaux de la nation allemande). Traduction : Jean Carpentier et Wolfgang Schmale

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Texte 20 : ALLEMAGNE

8 mai 1949

Conseil parlementaire

Loi fondamentale de la République fédérale d’Allema gne

La Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne, qui entra en vigueur le 23 mai 1949, fut le fruit des travaux d'une assemblée constituante, le Conseil parlementaire siégeant à Bonn. Il était composé de 65 députés des Länder auxquels furent joints 5 députés avec voix délibérative de la ville de Berlin. Le chrétien-démocrate et futur chancelier Konrad Adenauer fut élu président du Conseil, le social-démocrate Carlo Schmid fut élu président du comité intermédiaire composé par 21 délégués du Conseil. La mise en oeuvre du Conseil, les travaux préparatoires à la future constitution, et les délibérations du Conseil furent surveillés par les Alliés. L'Allemagne n'était pas un État souverain. Les principes constitutionnels, constitution basée sur les droits de l'homme et sur une structure fédérale, ne furent pas controversés entre le Conseil et les Alliés. La nouvelle République fédérale, par le biais d’un débat constructif avec les Alliés, fut intégrée dans l'Ouest, et sur le plan de la pensée juridique, et sur le plan de la nouvelle structure naissante des relations internationales. La Loi fondamentale du 23 mai 1949 est introduite par la déclaration des droits de l’homme et des droits fondamentaux (articles 1-19; le texte utilise les deux expressions). Cette fois, la déclaration des droits de l’homme se trouve au début de la constitution, elle affirme que le peuple allemand reconnaît les droits de l’homme comme base de toute société humaine (article 1). L’horrible expérience nazie avait mis en relief qu’un tel article était indispensable. La Loi fondamentale de 1949 a dominé et domine les grandes lignes du débat politique, souvent grâce à la juridiction de la Cour constitutionnelle. Dès sa promulgation, elle fut intégrée dans le programme éducatif des écoles. La Loi fondamentale interdit l’abolition des articles portant sur les droits de l’homme. Article 1er [Protection des droits de l'homme] (1)La dignité de l'homme est intangible. Tout pouvoir public est tenu de la respecter et de la protéger. (2)En conséquence, le peuple allemand reconnaît à l'homme des droits inviolables et imprescriptibles comme fondement de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde. (3)Les droits fondamentaux énoncés ci-dessous lient le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire à titre de droit directement applicable. Article 2 [Dignité de la personne humaine]

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(1)Chacun a le droit au libre développement de sa personnalité, pourvu qu'il ne porte pas atteinte aux droits d'autrui, à l'ordre constitutionnel ou à la loi morale. (2) Chacun a droit à la vie et à l'intégrité physique. La liberté de la personne est inviolable. Des restrictions ne peuvent être apportées à ces droits qu'en vertu d'une loi. Article 3 [L'égalité devant la loi] (1)Tous les hommes sont égaux devant la loi. (2)Les hommes et les femmes ont les mêmes droits. (3)Nul ne doit être désavantagé ni favorisé en raison de son sexe, de son ascendance, de sa race, de sa langue, de sa patrie et de son origine, de sa croyance et de ses conceptions religieuses ou politiques. Article 4 [Liberté de croyance] (1)La liberté de croyance et de conscience, et la liberté de profession de foi religieuse et philosophique sont inviolables. (2)Le libre exercice du culte est garanti. (3)Nul ne doit être astreint, contre sa conscience, au service armé en temps de guerre. Les modalités feront l'objet d'une loi fédérale. Article 5 [Liberté d'expression] (1)Chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par écrit et par l'image, et de s'informer librement aux sources généralement accessibles. La liberté de presse et la liberté de l'information^par la radio et par le film sont garanties. Il n'y a pas de censure.[...] Article 6 [Mariage, famille, enfants illégitimes] [...] (5)La législation doit assurer aux enfants naturels les mêmes conditions qu'aux enfants légitimes en ce qui concerne leur développement physique et moral et leur situation sociale.[...] Article 8 [Liberté de réunion] (1)Tous les allemands ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes, sans déclaration ni autorisation préalables.[...]

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Article 9 [Liberté d'association] (1)Tous les allemands ont le droit de former des associations et des sociétés. [...] (3)Le droit de former des associations en vue de sauvegarder et d'améliorer les conditions de travail et les conditions économiques est garanti, pour tout le monde et pour toutes les professions. Les accords qui restreignent ce droit ou cherchent à en empêcher l'exercice sont nuls et les mesures prises dans ce sens sont illégales. [...] Article 10 [Secret de la correspondance, de la poste et des télécommunications] (1)Le secret de la correspondance, de la poste et des télécommunications est inviolable.[...] Article 11 [Liberté de circulation] (1)Tous les Allemands jouissent de la liberté de circulation sur tout le territoire fédéral.[...] Article 12 [Libre choix de la profession] (1)Tous les Allemands ont le droit de choisir librement leur profession, leur emploi et le lieu où ils reçoivent leur formation professionnelle. L'exercice de la profession peut être réglementé par loi ou en vertu d'une loi.[...] Article 13 [Inviolabilité du domicile] (1)Le domicile est inviolable. (2)Des perquisitions ne peuvent être ordonnées que par le juge ainsi que, s'il y a péril en la demeure, par les autres organismes prévus par les lois; elles ne peuvent être effectuées que dans la forme prescrite.[..;] Article 14 [Propriété, droit de succession et expropriation] (1)La propriété et le droit de succession sont garantis. Leur contenu et leurs limites sont fixés par les lois. (2)La propriété oblige. Son usage doit en même temps contribuer au bien public.[...] Article 17 [Droit de pétition] Chacun a le droit d'adresser par écrit, individuellement ou conjointement avec d'autres, des requêtes ou des réclamations aux autorités compétentes et à la représentation du peuple.[...]

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Source : Loi fondamentale de la République Fédérale d’Allemagne. Adoptée par le Conseil

parlementaire le 8 mai 1949. Texte en vigueur le 23 août 1976. Traduction : publiée par l’Office de presse et d’information du gouvernement de la République

fédérale d’Allemagne, s.l.n.d., imprimé à Kaiserslautern, extraits de la première partie “Les droits fondamentaux”, contenant les articles 1-19.