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François Pinault Le parrain de l’art contemporain Businessman ou collectionneur ? Le milliardaire, propriétaire de la maison de vente aux enchères Christie’s et de près de 3 000 œuvres, allie savamment les deux. Son dernier temple : la Bourse du commerce, à Paris. L e décor est féerique. Deux cloîtres d’un monastère bénédictin posé sur la la- gune. La chanteuse Cour- tney Love, l’actrice Isa- belle Huppert, la veuve du Shah d’Iran et tout le gotha de l’art ont traversé le Grand Canal de Venise pour rejoindre l’île San Giorgio Maggiore. Ce soir de mai 2017, tel un doge, François Pinault reçoit 1 500 VIP pour un dîner somptueux. Avec sa femme Maryvonne, le mécène pose tout sourire aux côtés de l’artiste Damien Hirst, dont le show démesuré éclipse totalement la Biennale. Jusqu’en décembre, les deux « musées » de Pinault ont mis en scène son trésor imaginaire, prétendument remonté des eaux : un colosse sans tête de 18 mètres de haut a enva- hi le hall du Palazzo Grassi, tandis que le bâtiment de la Pointe de la Douane exhibe de pseudo-artefacts an- tiques recouverts de corail multicolore. Dans ce barnum à mi-chemin entre le Louvre et le film Pirates des Ca- raïbes, toutes les œuvres sont à vendre. Hirst a assuré depuis avoir déjà récolté 270 millions d’euros. Info ou intox ? Peu importe, Pinault jubile et réconcilie ses deux passions, l’art et le business. Le milliardaire de 81 ans, qui figure parmi les dix plus grands collectionneurs au monde, revient sur le devant de la scène. Alors qu’il avait laissé la lumière à son rival Bernard Arnault et sa Fondation Louis Vuitton, il a enfin déniché un lieu au cœur de Paris : la Bourse du com- merce, qui ouvrira début 2019, après 108 millions d’eu- ros de travaux. Retiré des affaires depuis qu’il a trans- mis les clefs du groupe de luxe Kering à son fils François-Henri, il fait figure de parrain de l’art contem- porain, présent à tous les stades de la filière : com- mandes aux artistes, exposition des œuvres, édition d’une revue, ventes aux enchères via sa maison Chris- tie’s. « Il a tous les leviers en main pour manipuler ce marché opaque où le délit d’initié est la règle, s’amuse un expert. Il peut se comporter comme un saint ou un démon. » Personne ne conteste toutefois la sincérité de son enga- gement dans l’art. C’est un passionné qui se déplace pour voir les œuvres et rencontrer les artistes dont certains sont des amis. Il vient ainsi de passer un mois à Los An- geles. « Même quand il dirigeait son groupe, il pouvait prendre l’avion juste pour aller visiter l’atelier de Do- nald Judd au milieu du désert du Texas, et revenir », raconte le courtier Philippe Ségalot, une de ses têtes chercheuses depuis vingt-cinq ans. Après l’achat d’un célèbre tableau de Mondrian en 1990, Pinault s’est orien- té vers les peintres d’après-guerre, comme de Kooning et Rothko, puis vers des artistes contemporains. S’il pré- fère les minimalistes américains, il n’hésite pas à expo- ser des œuvres iconoclastes (quasi pornographiques) de Takashi Murakami ou Cindy Sherman. La septième fortune française cultive son image de mé- cène désintéressé. Pour autant, il n’existe pas de Fonda- tion Pinault comme on le lit souvent. Il possède des cen- taines d’œuvres en propre et 2 800 autres à travers une société commerciale de « marchand d’œuvres d’art » : Pinault Collection (lire encadré page 78). « Il laisse dire, car la fondation à but non lucratif donne une image de philanthrope, mais elle impose des contraintes administratives et complique la revente d’œuvres », observe l’universitaire Jean-Michel Tobe- lem. Pinault suit une logique entrepreneuriale très per- sonnelle, tandis que Bernard Arnault a créé une fonda- tion d’entreprise, liée à ses marques de luxe, qui héberge des œuvres et son musée. Par David Bensoussan Document 76 CHALLENGES N°559 - 29 MARS 2018

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  • François PinaultLe parrain de

    l’art contemporainBusinessman ou collectionneur ? Le milliardaire, propriétaire de la maison

    de vente aux enchères Christie’s et de près de 3 000 œuvres, allie savamment les deux. Son dernier temple : la Bourse du commerce, à Paris.

    Le décor est féerique. Deux cloîtres d’un monastère bénédictin posé sur la la-gune. La chanteuse Cour-tney Love, l’actrice Isa-belle Huppert, la veuve du Shah d’Iran et tout le gotha de l’art ont traversé le Grand Canal de Venise pour rejoindre l’île San Giorgio Maggiore. Ce soir de mai 2017, tel un

    doge, François Pinault reçoit 1 500 VIP pour un dîner somptueux. Avec sa femme Maryvonne, le mécène pose tout sourire aux côtés de l’artiste Damien Hirst, dont le show démesuré éclipse totalement la Biennale. Jusqu’en décembre, les deux « musées » de Pinault ont mis en scène son trésor imaginaire, prétendument remonté des eaux : un colosse sans tête de 18 mètres de haut a enva-hi le hall du Palazzo Grassi, tandis que le bâtiment de la Pointe de la Douane exhibe de pseudo-artefacts an-tiques recouverts de corail multicolore. Dans ce barnum à mi-chemin entre le Louvre et le film Pirates des Ca-raïbes, toutes les œuvres sont à vendre. Hirst a assuré depuis avoir déjà récolté 270 millions d’euros. Info ou intox ? Peu importe, Pinault jubile et réconcilie ses deux passions, l’art et le business.Le milliardaire de 81 ans, qui figure parmi les dix plus grands collectionneurs au monde, revient sur le devant de la scène. Alors qu’il avait laissé la lumière à son rival Bernard Arnault et sa Fondation Louis Vuitton, il a enfin déniché un lieu au cœur de Paris : la Bourse du com-merce, qui ouvrira début 2019, après 108 millions d’eu-ros de travaux. Retiré des affaires depuis qu’il a trans-mis les clefs du groupe de luxe Kering à son fils François-Henri, il fait figure de parrain de l’art contem-

    porain, présent à tous les stades de la filière : com-mandes aux artistes, exposition des œuvres, édition d’une revue, ventes aux enchères via sa maison Chris-tie’s. « Il a tous les leviers en main pour manipuler ce marché opaque où le délit d’initié est la règle, s’amuse un expert. Il peut se comporter comme un saint ou un démon. »Personne ne conteste toutefois la sincérité de son enga-gement dans l’art. C’est un passionné qui se déplace pour voir les œuvres et rencontrer les artistes dont certains sont des amis. Il vient ainsi de passer un mois à Los An-geles. « Même quand il dirigeait son groupe, il pouvait prendre l’avion juste pour aller visiter l’atelier de Do-nald Judd au milieu du désert du Texas, et revenir », raconte le courtier Philippe Ségalot, une de ses têtes chercheuses depuis vingt-cinq ans. Après l’achat d’un célèbre tableau de Mondrian en 1990, Pinault s’est orien-té vers les peintres d’après-guerre, comme de Kooning et Rothko, puis vers des artistes contemporains. S’il pré-fère les minimalistes américains, il n’hésite pas à expo-ser des œuvres iconoclastes (quasi pornographiques) de Takashi Murakami ou Cindy Sherman.La septième fortune française cultive son image de mé-cène désintéressé. Pour autant, il n’existe pas de Fonda-tion Pinault comme on le lit souvent. Il possède des cen-taines d’œuvres en propre et 2 800 autres à travers une société commerciale de « marchand d’œuvres d’art » : Pinault Collection (lire encadré page 78). « Il laisse dire, car la fondation à but non lucratif donne une image de philanthrope, mais elle impose des contraintes administratives et complique la revente d’œuvres », observe l’universitaire Jean-Michel Tobe-lem. Pinault suit une logique entrepreneuriale très per-sonnelle, tandis que Bernard Arnault a créé une fonda-tion d’entreprise, liée à ses marques de luxe, qui héberge des œuvres et son musée.

    Par David

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  • Or, à l’inverse d’Arnault, qui ne fait qu’accumuler, Pinault revend. « La société est un dispositif clair et transpa-rent, qui permet de faire évoluer la collection en toute souplesse et de maintenir sa cohérence », justifie son directeur général, l’ex-ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, qui reçoit dans son splendide bureau de l’hôtel de Clermont-Tonnerre, siège du holding fami-lial. Il précise que la société n’a cédé « que » 178 œuvres de 2001 à 2016. Des ventes qui ont tout de même dégagé 600 millions d’euros, avec de jolies plus-values à la clef.

    P inault avait ainsi acheté 25 millions de dollars trois Rothko qu’il s’était engagé à exposer. Dix ans après, il en a cédé deux, dont un pour plus de 50 millions. Il s’est aussi délesté d’œuvres récentes de Maurizio Cattelan ou de Jeff Koons, telle la sculpture florale Split-Rocker, achetée 1,5 million et re-vendue plusieurs dizaines. « Il est naturel de se séparer d’œuvres à mesure que son œil s’affine et ses goûts changent, décrypte Yoyo Maeght, petite-fille du célèbre marchand Aimé Maeght. C’est aussi une question d’ego, montrer avec satisfaction aux autres que l’on ne s’est

    pas trompé. » En 2016, Pinault a revendu au prix record de 7 millions d’euros un tableau d’Adrian Ghenie, qu’il avait acheté à ses débuts pour presque rien. Une vente orchestrée par Christie’s.Le fait que Pinault détienne le leader mondial des en-chères alimente les fantasmes sur sa toute-puissance. « Il ne s’interdit pas de participer aux ventes, mais il y a une frontière étanche avec Pinault Collection », assure Aillagon, dont l’ex-directeur de cabinet à la Culture, Guillaume Cerutti, est PDG de Christie’s. Quand Pinault rachète la société en 1998, le département art contemporain est dirigé par Philippe Ségalot. Les deux compères vont alors mettre en valeur les futures stars Cattelan, Koons ou Hirst, et doper leur cote, au moment même où Pinault achète à tour de bras. Depuis, malgré les rumeurs, il ne s’est jamais séparé de la maison de ventes. Pinault est proche du patron de l’art contempo-rain à New York, Loïc Gouzer, et de la vice-présidente Asie, Xin Li. « Christie’s permet de savoir qui détient les œuvres, les demande et les achète, et d’avoir accès aux transactions privées », note un expert. La maison ne se prive pas non plus de mettre en avant les

    François Pinault, à l’exposition de Damien Hirst, Treasures From The Wreck Of The Unbelievable, au Palazzo Grassi de Venise, en mai 2017. La sculpture Head of a Demon était à vendre pour 2 millions de dollars.

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    Les deux « musées showrooms » vénitiens jouent un rôle clé dans la stratégie de Pinault

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  • artistes favoris de son proprié-taire. « Elle sait que le label Pinault attire les acheteurs et fait grimper les prix, observe Yoyo Maeght. C’est une mécanique de marché qui est bonne pour les artistes et pour les résultats de Christie’s. »Pour soutenir ses protégés, Pinault s’appuie sur des galeristes amis. La place de Paris glose sur ses relations financières avec deux stars. D’abord, Emmanuel Perrotin, évincé de la foire de Bâle en 2007 pour avoir prêté un badge à Ségalot, désireux de rentrer avant l’ouverture. Il dément tout sou-tien financier direct, même s’il confirme que « Pinault un collection-neur important de la galerie ». En-suite, Kamel Mennour, qui a défendu Philippe Parreno, Adel Abdessemed ou Martial Raysse. Renommé pour ses toiles des années 1960, le peintre peine à séduire avec ses œuvres récentes, achetées en masse par le milliar-daire. « C’est l’artiste qui m’a contacté, François Pi-nault ne m’a rien demandé, proteste Mennour. Je n’ai été soutenu par personne, il aime bien ma programma-tion, c’est tout. » Le galeriste a organisé des ventes de charité avec Christie’s, où l’on pouvait gagner un voyage à Venise, avec visite privée du Palazzo Grassi par Pinault.Les deux « musées showrooms » vénitiens, détenus par Pinault Collection, jouent un rôle crucial dans sa straté-gie. Lors du rachat du Palazzo Grassi, en 2005, il s’était engagé à réaliser des expositions historiques. Trop coû-teux : il s’est vite recentré sur sa collection. La Bourse du commerce, louée pour cinquante ans par une autre so-

    ciété, Collection Pinault Paris, s’inscrira dans cette lo-gique. L’entrepreneur ne cherche pas à rivaliser avec les grands musées, comme Arnault. Son objectif premier n’est pas de séduire le public mais de montrer ses ar-tistes. De fait, une exposition à Venise fait grimper leur cote et valorise son stock d’œuvres. Ainsi, une installa-tion de Philippe Parreno est partie chez Christie’s à un prix record en 2017, juste après que Pinault a exposé une autre version de l’œuvre. Parfois, la spéculation démarre même avant. Le peintre Albert Oehlen, qui sera en avril au Palazzo Grassi, a vu sa cote exploser l’an passé selon Artprice. Quatre ventes records ont déjà eu lieu chez Christie’s, qui a aussi prévu un déjeuner avec des clients au Harry’s Bar le jour du vernissage.

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    A Venise, en 2017, aux côtés de Jeff Koons, Damien Hirst et Takashi Murakami. Un show démesuré pour l’ouverture de l’exposition de Damien Hirst, où toutes les œuvres sont à vendre.

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    La créativité fiscale de Pinault Collection

    Fin 2016, le montant des stocks de Pinault Collection s’élevait à 822 millions. Et encore, les œuvres d’art sont valorisées à leur prix d’acquisition et non à leur cote de marché, plus élevée. Créée en 1999, cette société, qui s’appelait autrefois Artis, est pilotée par Jean-Jacques Aillagon. Elle est détenue par le holding familial, Financière Pinault, qui finance les achats de sa filiale en lui accordant des prêts. De 2001 à 2016, elle a dépensé 1,3 milliard d’euros pour acquérir 3 000 œuvres. Elle n’en a cédé que 178, mais pour un montant de 600 millions, les ventes annuelles variant de 10 à 120 millions. Selon

    nos calculs, la marge brute avoisinerait les 40 % sur dix ans. Mais Pinault Collection, qui paye les frais d’assurance et de stockage, et des intérêts, est dans le rouge, avec 14,8 millions de pertes en 2016 et 76 millions de déficits reportables. Sa filiale Palazzo Grassi SPA, qui exploite les espaces italiens, accuse un déficit de 1,8 million pour 8,2 millions de revenus. « Ces pertes sont imputées au holding de tête pour réduire l’assiette de l’impôt sur les sociétés, c’est un mécanisme classique d’optimisation fiscale », explique Annabelle Gauberti, fondatrice du cabinet d’avocats Crefovi. Même chose pour Collection Pinault Paris, qui gère la Bourse

    du commerce. Surtout, ce dispositif permet de transmettre la collection sans payer de droits de succession. En effet, Financière Pinault a fait l’objet d’une donation en 2001 au profit des trois enfants de François Pinault, moyennant une transaction avec le fisc. A l’époque, sa filiale Pinault Collection ne

    valait rien. Ce n’est qu’après la donation que ses stocks ont grossi et que son capital social a été porté à 273 millions. « La transmission étant déjà faite, ce schéma permet aux héritiers de ne pas payer d’impôts supplémentaires lors du décès et de préserver la collection », confirme la fiscaliste Line-Alexa Glotin, du cabinet UGGC.•

    FINANCIÈRE PINAULT

    Collection Pinault Paris

    Palazzo Grassi SPA

    Pinault Collection Artemis

    KeringChristie’s(Saint Laurent,

    Gucci...)

    (Bourse du commerce)

    Les artistes bankable de Pinault pèsent des millions de dollars

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  • Qu’en sera-t-il de Damien Hirst après son expo vente ? Quelque 370 000 visiteurs s’y sont pressés. Mais elle a été diversement appréciée par les critiques d’art. Même des proches de Pinault ont tiqué. Alors que sa cote avait été divisée par trois selon Artprice, l’artiste et son parrain ont orchestré une vaste opération marke-ting. La galerie Gagosian a envoyé aux grands collec-tionneurs les tarifs des pièces, éditées en trois exem-plaires. Sur un document que Challenges a consulté, les prix démarraient à 150 000 dollars et s’envolaient à 4 millions pour une tête de Méduse en malachite, 5 mil-lions pour un buste de Neptune en lapis-lazuli, voire 10 millions pour la réplique en bronze du colosse. « C’est inédit de fabriquer des œuvres pour une expo-sition et tout vendre, grince un expert. Pinault devient, de fait, galeriste. » Détenteur d’un stock important de Hirst, le milliardaire a acquis plusieurs pièces et pris à sa charge la logistique de l’exposition, qui a coûté 6,5 millions d’euros. Il a aussi avancé une partie des 55 millions qui ont servi à la production des œuvres, que Hirst lui aurait ensuite remboursés.

    Outre ses espaces, François Pinault entretient des liens étroits avec les musées publics, de plus en plus dépendants du soutien financier des collectionneurs. Ce n’est pas un hasard s’il s’est offert un ministre de la Culture, ex-patron du Centre Pompidou. Jean-Jacques Aillagon, proche comme lui de Jacques Chirac, est à l’origine du rachat du Palazzo Grassi, qu’il a dirigé à ses débuts. Le lieu est désormais géré par un ex-collaborateur, Martin Bethe-nod, membre du conseil d’administration des musées de la ville de Paris. Après sa pige chez Pinault, Aillagon est revenu diriger Versailles, où Maryvonne Pinault siège au conseil d’administration. Il y a créé la polémique en fai-sant entrer des artistes contemporains, dont une expo-sition Koons, pour laquelle Pinault a prêté des œuvres et fait un don de 800 000 euros – défiscalisé à 66 %.Redevenu conseiller du milliardaire, il a été chargé d’ob-tenir l’aide de la mairie pour trouver un lieu à Paris. Il a aussi gardé de solides réseaux à Pompidou, longtemps dirigé par le chiraquien Alain Seban. « Il y a une forte parenté entre les choix personnels de Pinault et plu-sieurs expositions du musée », note le sociologue Alain

    Quemin. Outre Koons et Raysse, Pompidou a organisé une rétrospective d’Abdessemed pour laquelle Pinault a prêté des œuvres et fait un don de 700 000 euros. « Cela avait fait jaser, car les sculptures n’étaient pas toutes “muséables”, notamment celle représentant le coup de tête de Zidane », grince un critique. Parmi les prêts figu-rait une série de Christ en fil barbelé, qu’Aillagon avait aussi exposé au musée Unterlinden de Colmar ; Pinault avait alors fait venir des journalistes en jet privé.« Désormais, nous ne serons plus mécènes d’une expo-sition pour laquelle nous prêtons des œuvres, afin d’éviter toute confusion », confie l’ex-ministre. Car les diverses casquettes de Pinault peuvent agacer. « C’est un marchand déguisé en mécène », tacle un célèbre galeriste, qui souhaite bien sûr rester anonyme. Quant à George-Philippe Valois, patron du comité professionnel des galeries, il regrette qu’aucun Français vivant n’ait été exposé à l’inauguration de la Pointe de la Douane. « Ce n’était pas une préoccupation pour lui, à l’inverse d’autres grands collectionneurs étrangers. Mais, de-puis quelques années, on peut noter une évolution pro-fitable à certains artistes français. » Ils devraient trou-ver leur place à la Bourse du commerce. Quinze ans après l’échec de son projet sur l’Île Seguin, Pinault veut devenir prophète en son pays. •

    La Nona Ora, de Maurizio Cattelan, prêtée par François Pinault au Musée des Beaux-Arts de Rennes en 2014. Une autre version de l’œuvre s’est vendue 2,7 millions de dollars chez Phillips de Pury & Cie en 2004.

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    Balloon Dog, de Jeff Koons, prêté par François Pinault au Château de Versailles, en 2008. La version orange a été vendue 58 millions de dollars chez Christie’s, en 2013.

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    My Lonesome Cowboy, de Takashi Murakami, exposé à la Pointe de la Douane, à Venise, en 2010. Une autre édition de l’œuvre a été vendue 15 millions de dollars en 2008.

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