directeurs d’insertion et de probation · 2016-11-30 · le vocabulaire juridique dirigé par...
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Directeurs
d’Insertion et de Probation
6ème PROMOTION
APPI, entre proximité et éloignement
dans la vie du service
Présenté par
Emilie MORIN
Mai 2014
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APPI, ENTRE PROXIMITE ET ELOIGNEMENT DANS
LA VIE DU SERVICE
Mémoire de recherche et d’application professionnelle
Présenté par Emilie Morin
Sous la guidance d’Olivier Razac
2014
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Je tiens à remercier Olivier Razac pour ses critiques constructives, son aide et sa
disponibilité m’ayant permis de mener à bien ce mémoire. L’ensemble de nos rencontres
m’ont apporté les réponses à mes interrogations et le soutien nécessaire à la réalisation de
ce travail.
Je remercie l’ensemble du SPIP où j’ai réalisé mes stages pour l’accueil qui m’a été fait
et qui m’a permis d’observer le terrain dans de bonnes conditions. Je remercie plus
particulièrement les professionnels qui ont accepté de répondre à mes questions et qui ont
pris le temps de s’entretenir avec moi. La richesse de ces échanges et l’honnêteté des
propos tenus ont pour grande partie contribué à l’élaboration de ce travail et à son ancrage
dans la pratique au-delà du théorique.
Enfin, je remercie ma famille pour son soutien indéfectible tout au long de cette année et
des années précédentes.
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SOMMAIRE
Partie 1. L’utilisation d’APPI par le conseiller pénitentiaire d’insertion et de
probation (p.6)
Chapitre 1. L’optimisation relative du suivi due à APPI (p.6)
Chapitre 2. Entretien et outil informatique : une association délicate ? (p.20)
Partie 2. L’utilisation d’APPI au sein du service (p.28)
Chapitre 1. L’incidence d’APPI dans les rapports inter-agents (p.28)
Chapitre 2. L’incidence d’APPI dans les rapports hiérarchiques (p.38)
Partie 3. APPI dans les relations avec le service de l’application des peines (p. 48)
Chapitre 1. APPI comme remède limité à la rupture géographique (p.48)
Chapitre 2. La variabilité du partage de données source de distance (p.56)
Annexe 1. Questionnaire d’entretien CPIP
Annexe 2. Questionnaire d’entretien DPIP
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GLOSSAIRE
APPI : Application des peines, Probation et Insertion
CEL : Cahier électronique de liaison
CNIL : Commission nationale de l’informatique et des libertés
CPIP : Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation
CSTS : Conseil Supérieur du Travail Social
DPIP : Directeur Pénitentiaire d’Insertion et de Probation
JAP : Juge d’Application des Peines
GENESIS : Gestion Nationale des personnes Ecrouées pour le Suivi Individualisé et la
Sécurité
GIDE : Gestion Informatisée des détenus en Etablissement
PPSMJ : Personnes placées sous main de justice
PIP : Personnel d’insertion et de probation
NTIC : Nouvelles Technologie de la Communication et de l’Information
SIPAR : Système Informatique PARajudiciaire
SPIP : Service pénitentiaire d’insertion et de probation
TGI : Tribunal de grande instance
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« Le développement de l’informatisation, de l’information, de la communication, des
technologies associées, de leurs conséquences et produits dérivés, est un acquis et
s’impose à tous les secteurs de la société. C’est un enrichissement pour les citoyens, pour
les professionnels, pour les institutions, mais il n’est pas sans limites ni sans effets
pervers ».
Conseil Supérieur du Travail Social (CSTS)1
La technologie est omniprésente dans la société actuelle. Ainsi, selon Michel Serres,
une distinction entre les générations se fondant sur le rapport à la technologie peut être
posée. Ce dernier distingue la génération vivant avec les nouvelles technologies et ayant
dû s’y adapter et la génération vivant dans la technologie, dans un monde formé par celle-
ci2. Le terme de technologie fait référence à l’informatique, à l’audiovisuel, aux moyens
de télécommunication, aux multimédias, à internet… Celui-ci recouvre donc une large
palette d’éléments unis par la recherche de la performance technologique dans ses
fonctionnalités, ses capacités ou encore sa rapidité.
La technologie a favorisé l’effacement des barrières espace-temps en réduisant les
contraintes temporelles et spatiales. S’agissant des contraintes temporelles, la technologie
s’inscrit dans un mouvement d’immédiateté, immédiateté des informations à l’image
d’internet ou encore immédiateté des communications (fax, téléphone portable…).
S’agissant des contraintes spatiales, la technologie réduit considérablement les effets de
l’éloignement physique entre les individus grâce à l’accroissement des capacités de
déplacement et à des communications quasi-instantanées entre les personnes où qu’elles
soient. De ce fait, la technologie favorise la connaissance de tout par tous et pour tous par
l’information et par l’échange entre les individus. Dès lors, à la technologie s’associe
l’idée de proximité par le rapprochement des individus.
Cependant, ce rapprochement n’est pas le seul effet de la technologie. En effet, deux
aspects sont à prendre en compte dans le développement technologique. La proximité va
de pairs avec une forme d’éloignement induite par l’outil informatique. Parmi les effets
1 Conseil supérieur du travail social, Nouvelles technologies de l’information et de la communication et travail social, Rennes :
Éditions ENSP, Coll. : Rapports du CSTS, Septembre 2001, p. 12. 2 Serres M., Intervention sur l’ouvrage La petite poucette, Felletin 17e journée du livre, 10 août 2012,
www.youtube.com/watch?v=OsKEs1US3dg
2
néfastes des nouvelles technologies peut être citée la coupure avec le reste de la société
en raison de l’interface virtuelle que crée l’informatique.
L’action publique n’est pas exempte du développement de la technologie et de
l’informatique. En effet, celle-ci est nécessairement présente dans les services de l’Etat à
l’image des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP).
Les outils informatiques présents dans les SPIP participent à l’informatisation du suivi
des personnes placées sous main de justice (PPSMJ). L’informatisation peut se définir
comme le fait de doter un service ou un organisme de moyens informatiques et d’en
assurer la gestion par ces mêmes moyens3 ou encore comme le passage à une économie
et à des techniques dans lesquelles l'informatique joue un rôle prépondérant4. Emprunté
au langage médical, le « suivi » signifiant « faire suite », marcher derrière s’entend d’un
ensemble d'opérations consistant à suivre et à contrôler un processus pour parvenir dans
les meilleures conditions au résultat recherché5. Le Vocabulaire juridique dirigé par
Gérard Cornu définit le suivi comme le contrôle appliqué à chacune des phases de
l’exécution d’une opération ; vérification persévérante et vigilante, impliquant, pour
celui qui en est chargé, la mission de surveiller le déroulement d’une opération et de
veiller à l’accomplissement des actes qui en assurent la bonne fin6. Dès lors,
l’informatisation du suivi des PPSMJ correspond au fait de traiter par le biais d’outils
informatiques l’ensemble des opérations consistant à la surveillance du déroulement de
la mesure pré ou post-sententielles en vue de parvenir dans les meilleures conditions à
l’insertion ou la réinsertion de la personne afin de prévenir la récidive.
Les SPIP disposent de plusieurs outils informatiques permettant la gestion du suivi
des PPSMJ. Existent, en effet, APPI (Application des peines, Probation et Insertion), le
CEL (Cahier Électronique de Liaison), GIDE (Gestion Informatisée des Détenus en
Établissement) ou encore GENESIS (Gestion Nationale des personnes Écrouées pour le
Suivi Individualisé et la Sécurité) dont le déploiement en cours vise à fusionner le CEL
3 Larrousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais 4 Centre national des ressources textuelles et lexicales : http://www.cnrtl.fr/ 5 Larousse, op. cit. 6 Cornu G. (Dir.), Vocabulaire juridique, Paris : P.U.F, 2011, 1095 p.
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et GIDE en un seul applicatif7. Face à la diversité de ces logiciels et au regard de la place
centrale qu’occupe APPI en tant qu’outil de travail des personnels d’insertion et de
probation (PIP), l’étude des effets de ce dernier est ici privilégiée.
Remplaçant le logiciel MOUVE, APPI est une application intranet créée en 2003
et déployée sur le territoire national dès 2005. Pour autant, il faudra attendre un Décret
du 7 novembre 2011 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère
personnel dénommé « application des peines, probation et insertion »8 pour que
l’existence dudit applicatif soit officialisé et intégré aux articles R57-4-1 et suivants du
Code de procédure pénale. Cette officialisation ne fût possible qu’après validation de
d’APPI par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) dans une
délibération du 21 juillet 20119, validation rendue nécessaire par le recensement de
données personnelles sur les personnes suivies. Par son fonctionnement, APPI vise à
faciliter le suivi des PPSMJ ainsi que la communication entre les acteurs judiciaires que
sont les magistrats mandants et le SPIP par sa structure constituée de deux modules
communicants10. A ce titre, cette applicatif « permet de gérer de façon automatisée les
informations se rapportant au prononcé et à l’exécution des peines, formaliser les
échanges entre les services pénitentiaires compétents pour ces matières et l’autorité
judiciaire mandante, évaluer la situation des personnes suivies à des fins de réinsertion
sociale et de lutte contre la récidive, créer un dossier dans le cadre des mesures
d’exécution des enquêtes et mesures préalables au jugement et produire des statistiques
locales et nationales en matière d’application des peines »11. D’utilisation obligatoire
pour tous les PIP, APPI constitue le dossier d’insertion et de probation des PPSMJ,
dossier complété par un support papier comprenant les pièces nécessaires au suivi12.
En mai 2011, fût intégré à la 15e version d’APPI le Diagnostic A Visée
Criminologique (DAVC). Elaboré dès 2008 par un groupe de travail, le DAVC a été
7Genesis permet de partager l’ensemble des informations relatives aux personnes détenues dans un outil commun renseigné
grâce à une saisine unique. La première version de Genesis fusionne GIDE et le CEL et dispose d’une interface avec APPI.
Dans la deuxième version prévue pour 2016, cette application devrait intégrer CASSIOPEE et le Casier judiciaire national
(CNJ) (Site intranet de la DAP, GENESIS, présentation du projet, 5 août 2013). 8 Décret n°2011-1447 du 7 novembre 2011 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel
dénommé « application des peines, probation et insertion (APPI), JO 8 novembre 2011. 9 CNIL, Délibération n° 2011-232 du 21 juillet 2011 portant avis sur le projet de décret en Conseil d’Etat portant création
d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « application des peines, insertion et probation »
(APPI), JORF n°0259 du 8 novembre 2011. 10 Inspection générale des finances, rapport n° 2011-M-021-04 et Inspection générale des services judiciaires rapport
n°43/2011, Les services pénitentiaires d’insertion et de probation, juillet 2011, p. 9 et 25. 11 CNIL, Délibération n 2011-232 du 21 juillet 2011, op. cit.. 12 Circulaire n°00113 du 19 mars 2008 relative aux missions et méthodes d’interventions des Services Pénitentiaires
d’Insertion et de Probation (SPIP)
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déployé en 2010 dans onze sites pilotes avant que sa généralisation ne soit envisagée à
partir du 1er mars 2012 en application de la Circulaire du 8 novembre 2011 relative au
Diagnostic A Visée Criminologique. La création du DAVC vise au développement
« d’une procédure d’évaluation commune à tous les SPIP » permettant « d’évaluer les
personnes qui leur sont confiées par l’autorité judiciaire, afin de déterminer le mode de
prise en charge le plus adapté »13. De même, à travers le DAVC sont recherchés
l’harmonisation des pratiques au niveau national, l’égalité de traitement des PPSMJ ainsi
que la continuité de leur prise en charge14. L’introduction du DAVC a rencontré des
difficultés tenant tant à des facteurs exogènes qu’à des facteurs endogènes à l’outil mais
aussi à ses modalités d’implantation15. L’utilisation du DAVC n’est plus d’actualité dans
la mesure où le Conseil d’État, dans un arrêt du 11 avril 2014, a annulé la circulaire du 8
novembre 2011 relative au DAVC16. Néanmoins, la référence à ce dernier reste pertinente
à partir du moment où certains éléments liés à son existence sont des points intéressants
dans l’étude engagée.
S’agissant du recours à l’informatique au sein du suivi des PPSMJ est défendue l’idée
selon laquelle celui-ci n’a pas d’incidence sur le fond du travail. L’outil serait ainsi au
service de la profession et non pas l’inverse. Or, une telle idée se doit d’être nuancée. La
création d’un outil informatique et sa mise en œuvre dans un service n’est jamais neutre.
Son origine est toujours guidée par une forme d’idéologie venant appuyer et légitimer sa
création. A ce titre, les logiciels apparaissant dans l’administration pénitentiaire à l’image
d’APPI répondent à un objectif d’efficacité tant quantitative (célérité due à la
dématérialisation des procédures, communication entre les différents acteurs de
l’application des peines) que qualitative (mutualisation des informations…). Il apparait
inopportun de nier les effets d’APPI sur le suivi, les bienfaits et les méfaits de
l’informatique trouvant ici à s’exprimer. Parmi eux se trouvent la problématique de
l’ambivalence des incidences de l’informatique dans les rapports entre les individus.
Ainsi, les phénomènes de proximité et d’éloignement engendrés par les nouvelles
13 Circulaire n°00860 du 8 novembre 2011 relative au diagnostic à visée criminologique (DAVC) 14 Inspection des services pénitentiaires, Rapport Relatif à l’utilisation du DAVC et aux pratiques d’évaluation des personnes
placées sous main de justice, 1é novembre 2013, p. 17. 15 Sur ce point voir inspection des services pénitentiaire, op. cit., p. 24 à 41 et RAZAC O., GOURIOU F. et SALLE G, Les
rationalités de la probation française, Cirap, mars 2013, p. 113 et s. 16 CE 11 avril 2014 n °355624. Le défaut de consultation du comité technique préalablement à l’édition de la circulaire,
consultation obligatoire, consiste une irrégularité qui entache la légalité de la circulaire du 8 novembre 2011.
5
technologies en général se retrouvent dans le cas particulier de l’utilisation d’APPI tant
dans le cadre du suivi des PPSMJ que dans celui des relations entre ses utilisateurs.
C’est pourquoi, il convient de s’interroger sur ces effets engendrés par
l’informatisation du suivi permise par APPI. Comment prend en compte le double effet
généré par cette informatisation, entre proximité et éloignement, dans le cadre du travail
assuré par le SPIP et de l’organisation du service ?
Afin de réaliser cette étude, notre démarche a reposé sur la volonté de confronter les
éléments théoriques recueillis avec la réalité du terrain dans l’utilisation et les incidences
de l’outil informatique sur le sentiment de proximité ou d’éloignement inhérent à ce
dernier. Afin de parvenir à cette confrontation, une première étape essentielle fût celle
du recueil d’éléments théoriques à travers la consultation d’études doctrinales, de
recherches et de mémoires précédemment réalisés sur l’incidence de la technologie sur le
suivi des PPSMJ. Dans un second temps, notre présence sur le terrain fût l’occasion de
compléter les données récoltées par des temps d’observation de la pratique dans le service
mais aussi par des moments d’échanges formels, dans le cadre d’entretiens semi-directifs,
et d’échanges informels portant sur certains éléments de réflexion à l’occasion de
rencontres avec les personnels d’insertion et de probation. De même, afin de recueillir
des éléments de pratiques supplémentaires, nous avons procédé à l’envoi du questionnaire
alors dépourvu de l’entretien en face-à-face. Afin de conserver l’anonymat des personnes
interrogées, des noms fictifs sont utilisés dans les développements à venir. Seul le statut
des personnes est réel.
S’interroger sur les effets d’éloignement et de proximité induits par APPI conduit à
analyser ces derniers au regard de son utilisation par les Conseillers d’Insertion et de
Probation (CPIP), au sein du SPIP et enfin dans les rapports avec le Service d’Application
des Peines (SAP). Les CPIP, tout d’abord, pour lesquels APPI contribue à la recherche
d’un suivi optimisé même si son utilisation interroge en termes de proximité avec la
PPSMJ dans le cadre des entretiens (Partie 1). Au sein du SPIP, ensuite, où APPI influe
les relations inter-agents et les relations hiérarchiques (Partie 2). Avec le SAP, enfin,
APPI apparait comme une solution limitée à la distance géographique et fait face à la
variabilité du partage de données entre les services (Partie 3).
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PARTIE 1
L’UTILISATION D’APPI PAR LE CONSEILLER PÉNITENTIAIRE
D’INSERTION ET DE PROBATION
APPI tend à l’amélioration du suivi exercé par les Conseillers pénitentiaires d’insertion
et de probation (CPIP). Cette amélioration se fonde notamment sur la recherche d’une
forme de proximité entre le CPIP et le probationnaire. APPI participe à ce rapprochement
par l’optimisation du suivi, optimisation néanmoins relative (Chapitre 1). De plus, la
proximité recherchée avec la PPSMJ est plus délicate s’agissant de l’utilisation d’APPI
dans le cadre des entretiens (Chapitre 2).
CHAPITRE 1 L’OPTIMISATION RELATIVE DU SUIVI DUE À APPI
« L’informatisation et les nouvelles technologies sont pour le travail social un risque
et une chance »17. Cet extrait du rapport du CSTS de 2001, Nouvelles technologies de
l’information et de la communication et Travail social, est facilement transposable au
travail des CPIP. En effet, APPI représente à la fois une chance et un risque dans le travail
des CPIP : une chance comme aide au suivi (I) et un risque en raison des potentiels freins
que ce dernier représente (II).
I. L’OUTIL INFORMATIQUE COMME AIDE AU SUIVI
APPI représente une aide non négligeable au suivi exercé par les personnels
d’insertion et de probation (PIP) à partir du moment où ce dernier favorise une forme de
proximité avec la PPSMJ du fait des performances de l’outil informatique (A) et de la
meilleure connaissance de l’individu permise par APPI (B).
17 Conseil Supérieur du Travail Social, op. cit. p. 14.
7
A- Les performances de l’outil informatique au service du suivi
Gain de temps (1), uniformisation des données et harmonisation des pratiques (2) et
stockage des informations relatives aux PPSMJ (3) sont autant d’avantages procurés par
APPI mis au service du suivi.
1) Le gain de temps
Le propre de la technologie est d’aider à gagner du temps, un temps libéré pouvant
dès lors être consacré à d’autres tâches. Ce gain de temps opéré par la technologie va de
pair avec l’exigence de célérité qui touche le monde de la justice. L’accent est aujourd’hui
mis sur la promptitude à l’exécution des peines, soit la nécessité de raccourcir le délai
entre le prononcé de la peine et sa mise en œuvre en vue de renforcer l’efficacité de la
justice pénale.
Interrogés sur les avantages procurés par APPI dans le suivi des PPSMJ, la majorité
des CPIP ont mis en avant cette idée de gain de temps. Se pose alors la question de savoir
en quoi APPI permet-il de gagner du temps dans le suivi. Tout d’abord, APPI assure un
accès quasi-instantané aux données. Ainsi, là où un CPIP devait aller chercher le dossier
papier de la personne afin de rechercher des éléments relatifs à sa situation pénale ou
administrative, il y a désormais accès en quelques clics sur APPI : « la plupart des
éléments concernant le suivi de la PPSMJ y sont regroupés [dans APPI] avec un accès
rapide et par tous » (Judith, CPIP). Ensuite, APPI offre à ses utilisateurs l’immédiateté
du traitement des informations. Dès lors, le procédé des notes partagées ou des rapports
transmis au Juge d’application des peines (JAP) permettent au CPIP d’obtenir une
réponse plus rapide à leurs demandes relatives au suivi de la personne. « APPI permet un
partage d’information dans un temps particulièrement bref. Il n’y a pas besoin d’attendre
la transmission du dossier papier pour récupérer les informations » (Lisa, CPIP). Enfin,
l’avantage en termes de temps s’exprime dans le cadre des permanences délocalisées. En
effet, muni d’un ordinateur portable et d’une clé 3G, le CPIP a la possibilité de rédiger
les notes d’entretiens ou encore ses rapports directement. Le temps gagné ainsi évite à
l’agent de devoir, une fois à son bureau, recopier l’ensemble des éléments, tâche
éminemment chronophage.
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2) L’uniformisation et l’harmonisation des pratiques
Par sa création, APPI a des incidences en termes d’harmonisation des pratiques et
d’uniformisation du travail. Dans le cadre professionnel, parler d’harmonisation fait
référence à la recherche de pratiques professionnelles et de procédures communes à
l’ensemble des intervenants d’un même service ou d’une même profession.
L’uniformisation s’entend de l’action de rendre uniforme les éléments c’est-à-dire de leur
donner la même forme, le même aspect. La question de l’uniformisation et
l’harmonisation des pratiques se pose de manière récurrente dans le cade du travail des
SPIP. Ainsi, une note du 31 août 2007 dispose que « les préconisations nationales [sur
l’utilisation de l’applicatif APPI] ont pour objectifs […] l’harmonisation des pratiques
des SPIP en terme de saisies des données […] »18. De même, face à l’hétérogénéité des
supports écrits utilisés lors des premiers entretiens, le rapport relatif à l’utilisation du
DAVC et aux pratiques d’évaluation des personnes placées sous main de justice19
préconise la recherche d’une harmonisation par l’élaboration d’un support unique,
accessible dans APPI. Par l’harmonisation des pratiques sont recherchés l’égalité de
traitement des PPSMJ, la lisibilité et la continuité du suivi.
APPI participe à cette harmonisation. Alexia Jonckeere parle, à propos du logiciel
SIPAR20 de normalisation des pratiques soutenue par les « effets structurants »21 de l’outil
informatique. En effet, l’informatisation des dossiers conduit à leur structuration et, à
terme, au passage d’un « outil individuel polymorphe à un outil commun standardisé »22.
Gérard Chevalier dans son ouvrage Les services sociaux à l’épreuve de l’informatique :
de l’écrit à l’écran précise que « le processus d’informatisation s’accompagne d’un
changement notable à savoir la règlementation et la formalisation jusqu’alors
inexistantes du dossier social »23. Ainsi, dans les services informatisés, « le dossier social
18 Note du 31 août 2007 de la Direction de l’administration pénitentiaire, Préconisation nationales sur l’utilisation de
l’application informatique APPI 19 Inspection des services pénitentiaires, Rapport Relatif à l’utilisation du DAVC et aux pratiques d’évaluation des personnes
placées sous main de justice, 1é novembre 2013, p. 58. 20 SIPAR (Système Informatique PARajudiciare) est le pendant d’APPI dans le système pénal belge. Ce dernier est utilisé
depuis 2005 par les assistants de justice qui exerce leur fonction de contrôle et d’accompagnement judiciaire des auteurs
d’infractions, de réalisation d’enquêtes sociales, de médiation pénale ou encore d’accueil des victimes exercées dans les
Maisons de Justice. 21 Jonckheere A., L’accompagnement socio-judiciaire saisi par l’informatique en Belgique, Déviance et société, vol 37, n°3,
septembre 2013, p. 348. 22 Chevalier G., Les services sociaux à l’épreuve de l’informatique : de l’écrit à l’écran, Issy-les-Moulineaux : ESF Editeur,
coll. Action sociale, 2000, p. 55. 23 Chevalier G., Les services sociaux à l’épreuve de l’informatique : de l’écrit à l’écran, op. cit.,p. 56
9
est organisé et normalisé »24 là où dans les services non informatisés il se caractérise par
une forte hétérogénéité de pratiques quant à la structure des dossiers. Cette idée se
transpose facilement au dossier de suivi des PPSMJ et aux effets d’APPI quant à
l’uniformisation et l’harmonisation des pratiques. Ainsi, « le partage d’information a été
rendu possible ainsi que l’uniformisation des pratiques en termes de rapports. APPI a
été une petite révolution dans les services. On sortait enfin de l’âge du papier /stylo »
(Judith, CPIP). Dès lors, le recours à APPI participe à l’harmonisation des pratiques
professionnelles à travers la transposition par tous de la logique organisationnelle induite
par le logiciel et l’utilisation d’un outil commun.
3) Le stockage des informations
L’un des avantages indéniable de l’informatique est sa capacité de stockage de plus
en plus performante que ce soit à travers les disques durs des ordinateurs ou le recours
aux serveurs. Cette capacité de stockage offerte par l’outil informatique est garant d’une
mémoire non négligeable du suivi des PPSMJ et de l’activité du service. « APPI a une
incidence sur le suivi. Il permet une rigueur dans la régularité. C’est une véritable aide
au suivi surtout dans les longs suivis. L’avantage d’APPI c’est qu’il nous permet de
contrôler les dires de la personne, d’aller au-delà du déclaratif en regardant ce qui est
intégré dans APPI mais aussi d’évaluer les actions de la personne, son histoire dans la
justice, avec le service en ayant accès à des informations sur son passé » (Estelle, CPIP).
Ainsi, le stockage des données sur la personne garantie par APPI est une véritable aide
au suivi en ce qu’il permet de connaitre le passé pénal de la personne et de disposer d’une
traçabilité des actions menées par celle-ci car « suivre une PPSMJ c’est déjà regarder
l’historique du suivi et ne pas recommencer tout à zéro à chaque nouvelle
condamnation » (Lisa, CPIP).
Cependant, la question de la conservation des données se pose. « La traçabilité de
certaines informations concernant la personne qui demeurent au-delà de son suivi peut
représenter une atteinte » (Judith, CPIP). En effet, si accumulation des données sur les
individus apparait de plus en plus comme un outil de prévention de la récidive, la question
de la naissance d’un Big Brother25 réduisant les espaces de liberté et ayant connaissance
24 Ibid, p. 57. 25 Oberdorff H., La justice, les nouvelles technologies et la garantie des libertés fondamentales, in Justice et technologie :
surveillance électronique en Europe, Froment J-C (Dir) et Kaluszynski M. (Dir), Grenoble : PUG, 2007, coll. CERDHAP, p.
199
10
de tout sur tous se pose. Ce débat sur l’usage des technologies, son risque de dévoiement
et le rapport entre respect de la vie privée et sécurité n’est pas nouveau26. A titre
d’exemple, ces critiques se retrouvent dans les déclarations de CPIP à propos du DAVC
retranscrites dans le rapport de l’Inspection des services pénitentiaires relatif à
l’utilisation du DAVC : « l’utilisation du DAVC participait à ce qu’une organisation
professionnelle a appelé « un fichage généralisé de la population pénale » dont
l’utilisation par l’administration (justice et intérieur) pourrait être dévoyé de son objectif
initial »27. S’agissant d’APPI, le décret n°2011-1447 du 7 novembre 2011 pose la règle
de la conservation des données enregistrées pendant une durée de cinq ans à compter de
la fin de la peine ou de la mesure ayant entrainé la saisie des informations. De plus, si la
personne ne fait l'objet d'aucune peine ou mesure de sûreté les données à caractère
personnel sont conservées cinq ans à compter de leur enregistrement28. Si la CNIL en
201129 n’y a vu aucune objection, le Conseil d’État considère quant à lui que la
conservation de ces données relatives à des personnes ne faisant plus l’objet d’aucune
peine ou mesure de sûreté n’est ni adaptée ni nécessaire pour atteindre les objectifs
poursuivis fixés à l’article R 57-4-1 du Code de procédure pénale. Dès lors, ce texte est
entaché d’illégalité de sorte que l’alinéa 2 de l’article R57-4-4 est annulé. La conservation
des données personnelles relative à une personne ne faisant l’objet d’aucune peine ou
mesure n’est désormais plus permise.
Ainsi, l’informatique permet un stockage croissant de données relatives à une
personne, accumulation vécue comme une forme de garantie par la surveillance des
individus qu’elle permet d’opérer. Cette accumulation de données combinée à la rapidité
de traitement des informations et à l’harmonisation des pratiques rendues possibles par
APPI va de pair avec la proximité entre le CPIP et la PPSMJ nécessaire au suivi.
26 De Larminat X., La technologie de mise à distance des condamnés en France. La centralisation informatique des données
socio-judiciaire, Déviance et société, vol. 37, n°3, septembre 2013, p.360. 27 Inspection des Services pénitentiaires, Rapport Relatif à l’utilisation du DAVC et aux pratiques d’évaluation des personnes
placées sous main de justice, 12 novembre 2013, p. 36. 28 Article R 57-4-4 du Code de procédure pénale. 29 CNIL, Délibération n° 2011-232 du 21 juillet 2011 portant avis sur le projet de décret en Conseil d’Etat portant création
d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « application des peines, insertion et probation »
(APPI), JORF n°0259 du 8 novembre 2011.
11
B- La connaissance accrue de la personne suivie permise par APPI
La circulaire du 19 mars 2008 fait référence à l’individualisation des suivis qui conduit
à différencier les suivis en fonction des besoins et des risques de récidive propre à chaque
PPSMJ. Or, cette individualisation suppose avant tout une connaissance accrue de la
personne, connaissance favorisée par APPI en ce que ce dernier assure la centralisation
des informations relatives à la personne (1) et leur circulation entre les différents acteurs
de l’application des peines (2).
1) La centralisation des données
La connaissance de la personne suivie passe par le recensement d’un ensemble
d’informations la concernant. Ce recensement de données se fait au sein d’APPI dont la
principale fonction est la centralisation des informations portant tant sur l’individu que
sur le déroulement de sa peine. Pour chaque dossier contenu dans APPI sont renseignés
différents onglets : Identité ; Annuaire ; Typologie du suivi ; Situation administrative ;
Scolarité et profession ; Situation financière ; Mesure et interventions ; Situation pénale ;
Journal ; Personnes du dossier. Une fois ces différents éléments enregistrés, le logiciel
permet aux PIP d’avoir « une photographie rapide du suivi et de la personne » (Delphine,
CPIP), « la situation sociale de la personne photographiée » (Estelle, CPIP) ou encore
« une base de données qui permet une connaissance des données objectives de la PPSMJ
soit sa situation administrative et judiciaire » (Karine, CPIP). Au regard de ces onglets
et des éléments recueillis, il apparait qu’APPI offre aux PIP une connaissance rapide sur
ce que Reynald Ottenhoff et Anne-Marie Favard qualifient d’indicateurs légaux et
d’indicateurs administratifs30. Composent les indicateurs légaux les données relatives aux
infractions commises et aux peines prononcées tandis que les indicateurs administratifs
constituent la « carte d’identité de la personne » soit son âge, son sexe, sa nationalité, sa
profession, sa situation familiale…
La centralisation des données ainsi opérée garantie une proximité entre CPIP et
PPSMJ liée à une meilleure connaissance de celle-ci par les données recueillies. En effet,
dans le cadre de l’application des peines, il existe autant de dossiers que d’intervenant
chacun disposant dans son bureau des dossiers contenant les informations relatives à
30 Ottenhoff R., Favard A-M., L’exécution par l’administration pénitentiaire des mesures de milieu ouvert, Rapport de
recherche, Université de Nantes, nov. 2000, p. 24.
12
l’affaire pénale, à l’identité de la personne ou encore son parcours pénal. APPI permet de
mettre un terme à cette fragmentation de l’information par la saisie de l’ensemble des
données portant sur la PPSMJ dans un seul et même dossier d’insertion et de probation.
Dès lors, il apparait que l’informatisation du suivi à travers cette centralisation permet
une connaissance plus fine de la personne, connaissance accrue par la circulation des
données offerte par l’outil informatique.
2) Le partage des données
La connaissance accrue de la PPSMJ résulte notamment de la circulation des
informations permises par les divers outils informatiques mis à la disposition des PIP. Cet
objectif de partage des données innerve la création desdits outils qui sont communs aux
différents acteurs intervenant dans le déroulement de la peine. Tel fût le cas avec la
création dans les années 2000 du Cahier électronique de liaison ou encore le déploiement
prochain de Genesis.
Dans sa conception, APPI tend principalement à la circulation des informations entre
le Service d’application des peines (SAP) et le SPIP. La facilité de communication entre
ces deux services est garantie par le transfert de dossiers dû à la mise en réseau des
informations relatives aux probationnaires au niveau national, réseau commun aux deux
services. Afin d’assurer la communication entre ces deux services, des interactions entre
les deux modules composant l’applicatif existent. Il s’agit des actions provoquant des
tâches et alertes en page d’accueil de l’utilisateur, des transmissions de rapports SPIP, des
notes partagées, des propositions d’aménagements de peines ou encore les événements
provoquant une prise en charge ou des fins de prise en charge31. Ce partage d’informations
se fait aussi avec le Procureur de la République, le Juge d’instruction et le Juge des libertés
et de la détention, les chefs d’établissements pénitentiaires, les directeurs
d’établissements ou de service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, les personnels
administratifs, les personnels de service social et enfin les personnels de surveillance
affectés au SPIP32.
Néanmoins, l’idée d’une libre circulation des informations doit être temporisée. En
effet, le partage de données se doit de respecter la confidentialité des informations et le
31 Note du 31 août 2007 de la Direction de l’administration pénitentiaire, Préconisation nationales sur l’utilisation de
l’application informatique APPI, p. 3. 32 R. 57-4-5 C. p. pén.
13
rôle de chacun. Ce point a d’ailleurs été abordée par la CNIL33 en 2001qui souhaitait des
précisions sur la nature des données auxquelles les destinataires avaient accès en fonction
de leur statut et notamment la nécessaire distinction qui devait être faite entre les
personnes ayant un accès en simple consultation et celles ayant un accès avec
modification. Prenant en compte ces remarques et les impératifs de confidentialité, il
existe au sein d’APPI différentes habilitations définies en fonction des profils
d’utilisateurs qui induit pour la personne connectée un accès restreint à certaines
fonctionnalités et informations. A titre d’exemple, les magistrats du parquet n’ont accès
à l’application qu’en consultation sauf dans le cadre des mesures de surveillance
électronique de fin de peine (SEFIP) et de procédure simplifiée d’aménagement de peine
(PSAP).
APPI induit une plus grande connaissance de la personne suivie source de proximité
entre CPIP et cette dernière, proximité nécessaire à l’individualisation de la prise en
charge. En effet, être plus proche d’une personne c’est avant tout mieux la connaitre.
Cette situation découle de la centralisation des données et de leur partage garantis par
APPI.
Ainsi, les performances d’APPI, d’une part, et la connaissance accrue de la personne
d’autre part, constituent une aide au suivi pour les PIP. APPI place les CPIP dans une
forme de proximité « intellectuelle » avec la personne qu’ils suivent du fait de la multitude
d’informations auxquelles ils ont rapidement accès. Cependant, un autre aspect de l’outil
informatique est à prendre en compte dans ce rapport à la PPSMJ, celui de l’éloignement
avec la personne du fait des potentiels freins au suivi que représente APPI.
II. L’OUTIL INFORMATIQUE ET LES POTENTIELS FREINS AU SUIVI
Plusieurs éléments liés à l’informatisation du suivi sont susceptibles de créer un
éloignement entre CPIP et PPSMJ mettant du fait les potentiels freins au suivi que
représente l’outil informatique. Cette distance découle tant des difficultés inhérentes à
l’outil informatique (A) que celles résultant de son utilisation (B).
33 CNIL, Délibération n° 2011-232 du 21 juillet 2011, op. cit.
14
A- Les difficultés inhérentes à l’outil informatique
Au titre des difficultés intrinsèques à APPI apparaissent la rigidité du cadre
informatique (1) et les contraintes liées à la technologie (2)
1) La rigidité du cadre informatique
APPI, comme nombre d’outil informatique, se caractérise par une certaine rigidité due
aux limites que ce dernier impose à son utilisateur. Le logiciel est conçu afin d’accomplir
certaines tâches selon des paramètres déterminés à l’avance. Utiliser cet outil suppose de
s’inscrire dans le cadre défini par lesdits paramètres. Cette rigidité de l’outil se retrouve
dans APPI et à une incidence sur le travail des PIP. Xavier de Larminat parle à ce sujet
de « barrière symbolique »34. Comme énoncé précédemment, APPI se constitue de
différents onglets devant être renseigné par le CPIP. Or, selon Xavier de Larminat, « la
présélection des rubriques telle qu’elle apparait dans l’interface du logiciel introduit un
biais considérable dans l’enregistrement et l’interprétation des données »35. La rigidité
d’APPI s’oppose ici à la souplesse du manuscrit. En effet, les fiches manuscrites utilisées
par les agents de probation leur laisse la liberté d’inscrire leurs impressions en marge du
documents, d’apporter des précisions en dépassant du cadre ou encore d’introduire des
éléments de ponctuation afin de porter son attention sur des points particuliers à la
relecture du document. Cette liberté est absente de l’utilisation de l’informatique. En effet,
débordé du cadre est impossible car à chaque réponse correspond une case au-delà de
laquelle il est matériellement impossible d’aller. Le caractère rigide induit par l’outil sur
le suivi de la personne a été soulevé à propos du DAVC. Ainsi, « les menus déroulants,
et donc contraignants, le peu d’espace laissé pour les réponses, ne [.. ;] permettent pas
[aux CPIP] d’exposer une évaluation construite et structurée »36.
L’incidence de la rigidité de l’outil informatique se retrouve aussi dans les travaux
d’Alexia Jonckheere à propos du logiciel belge SIPAR. Cette dernière met en avant les
effets de l’outil et des variables prédéfinies sur la perception de la population pénale,
34 De Larminat X., La technologie de mise à distance des condamnés en France. La centralisation informatique des données
socio-judiciaire, Déviance et société, vol. 37, n°3, septembre 2013, p. 362 et De Larminat Xavier, La probation en quête
d’approbation : L’exécution des peines en milieu ouvert entre gestion des risques et gestion des flux, Thèse Université de
Versailles-Saint-Quentin, 2012, p. 165. 35 De Larminat X., La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 165 et DE LARMINAT X., La technologie de mise à
distance des condamnés en France, op. cit., p. 362 36 Propos de la DISP de Paris in Inspection des services pénitentiaires, op. cit., p. 34.
15
perception qu’elle qualifie de « réductrice »37. Ainsi, par sa structure, le logiciel conduit
les professionnels à rechercher parmi les éléments dont ils disposent ceux que le « système
leur demande d’encoder » réalisant ainsi « un travail de pioche » ou « une pêche aux
informations […] guidée et structurée par l’application informatique »38. Dès lors, cette
rigidité a des conséquences sur le suivi des PPSMJ en termes d’appauvrissement de
l’analyse réalisée par les CPIP. « Certains éléments sont des cases à cocher comme
l’obligation d’indemniser les parties civiles. Cela invite les CPIP à systématiser le
remplissage de cette information. Mais à l’inverse, lorsque l’indemnisation n’est pas
complète ou n’a pu être mise en place pour diverses raisons, il serait réducteur que de
ne cocher qu’une case. L’outil ne doit pas réduire l’information à du quantitatif » (Lisa,
CPIP). Ainsi, par son cadre inamovible, APPI instaure une forme de « frontière virtuelle »
entre la PPSMJ et le CPIP, frontière qui se déduit aussi des limites même de la
technologie.
2) Les contraintes de la technologie
La technologie n’est pas sans limites, des limites qui à terme font apparaitre l’outil
informatique chargé d’améliorer les conditions de travail comme une contrainte. Face à
cette situation l’attention du PIP peut se décaler de la PPSMJ vers l’outil et ainsi
s’immiscer dans la relation qui doit être établie.
La première contrainte identifiable est le changement du rapport au temps. Si la
technologie permet de gagner du temps, elle contribue à la formation d’un stress chez les
agents dû à l’accumulation des tâches et à l’immédiateté recherchée. « [Un des
inconvénients d’APPI c’est] le stress. J’allume mon ordinateur et je vois 8 à 10 pages
d’alertes sur ma page d’accueil APPI. L’outil est facilitateur mais engendre une
réactivité toujours plus demandée et on est dans le rendu compte permanent, une forme
de traitement instantané et continue » (Estelle, CPIP). Ce stress engendré par les alertes
APPI peut être lu à l’image des études réalisées sur les méfaits de l’utilisation
professionnelle de la messagerie électronique. Ainsi, si cette dernière permet d’informer
les personnes sans les interrompre dans leur travail et offre au destinataire la possibilité
d’agir en différer, la messagerie électronique est aussi une source de pression chez les
37 Jonckheere A., L’accompagnement socio-judiciaire saisi par l’informatique en Belgique, op. cit., p. 349. 38 Ibid, p. 350.
16
travailleurs. En effet, la surcharge de messages crée une angoisse chez la personne qui
anticipe et analyse le temps qu’elle va devoir passer à y répondre et a le sentiment de
devoir répondre immédiatement39. Cette idée se retrouve dans APPI et dans les alertes
qui s’accumulent sur la page d’accueil de ses utilisateurs. Ce sentiment d’immédiateté
créé influe sur les rapports à la PPSMJ et le met à distance dans le sens où les PIP se
sentant dans l’obligation de répondre instantanément aux sollicitations de l’outil ont le
sentiment d’être dans l’écriture permanente de telle sorte « qu’on écrit plus souvent le
nom de la personne qu’on ne le prononce ».
La seconde contrainte pouvant être relevées est le fait que « l’informatique n’est pas
infaillible, des problèmes techniques peuvent arriver » (Katie, CPIP). Les failles sont
multiples qu’il s’agissent des impossibilités de connexion au réseau ou encore des bug
qui entrainent une perte des données en cours d’enregistrement ou l’effacement d’un
rapport en cours de rédaction. « J’ai une confiance relative en l’outil informatique. Cela
nous rend dépendant à quelque chose pour obtenir des informations. Il est plus prudent
de conserver une trace papier. On n’est pas à l’abri d’un virus ou d’une coupure de
courant. J’ai vécu la situation d’une coupure de courant pendant une semaine. Dans ce
cas, le travail s’arrête » (Delphine, CPIP). L’incidence sur le suivi résulte du fait que les
PIP peuvent être amenés à réduire le nombre et la qualité des informations enregistrées
du fait du manque de confiance dans les capacités de l’outil40.
Rigidité du cadre et contraintes technologiques apparaissent comme des potentiels
freins au suivi intrinsèques à l’outil informatique source de distance avec la PPSMJ. A
ceux-ci s’associent des difficultés extrinsèques à celui-ci.
B- Les difficultés liées à l’utilisation d’APPI
S’agissant de l’utilisation d’APPI, l’objectivisation des données (1) et l’incidence de
l’outil sur la proximité avec le cas (2) sont deux éléments source de distance dans le suivi
des PPSMJ.
39 De La Rupelle G., Kalika M., Messagerie électronique et relation hiérarchique : union parfaite ou mariage impossible ?,
Management & Avenir, n°30, 2009/10, p. 60. 40 De Larminat X., La technologie de mise à distance des condamnés en France. op. cit., p. 364.
17
1) L’objectivisation des données insuffisante au suivi
L’outil informatique qu’est APPI permet une connaissance plus fine de la personne à
un temps T du suivi. Mais qu’en est-il réellement de cette connaissance ? Quelles en sont
les contours ? Sur ce point, il apparait que celle-ci se limite à des données purement
objectives. Dans leur étude, Reynald Ottenhoff et Anne-Marie Favard mettent en avant
que les dossiers de suivi des personnes sont construits par l’intermédiaire d’un filtre qui
ne retient que les informations légales et administratives relatives à la personne suivie41.
Ces derniers posent la distinction entre les données dites solides et les données dites
fluides. Si les premières sont « objectives, quantifiable, observables, générales et
normatives », les secondes sont « subjectives, qualitatives, empiriques et particulièrement
interprétatives »42. Les dossiers se caractérisent alors par « une abondance d’information
au niveau des données solides mais une forte carence au niveau des données fluides »43.
Ainsi, plusieurs CPIP ont déclaré que l’outil informatique permet d’avoir une meilleure
connaissance objective de la personne, de sa situation administrative et judiciaire ; les
termes de « données objectives » ou « d’informations objectives » ayant été utilisés à
plusieurs reprises. Or, les informations objectives sont insuffisantes. Il est nécessaire de
prendre en compte des éléments relatifs à la personnalité de la PPSMJ ou à son
environnement social et économique qui permettent une connaissance qualitative de la
personne indissociable de l’individualisation de la prise en charge. Or, APPI privilégie
l’enregistrement des données objectives au regard de sa trame. « Une meilleure
connaissance des PPSMJ, je ne suis pas sûre. La trame APPI reste relativement pauvre
et le CPIP peut y mettre ce qu’il veut. Seul un travail sur les écrits permettrait d’apporter
une information plus affinée » (Lisa, CPIP). « Non, l’outil ne permet pas d’avoir une
meilleure connaissance car on travaille avec des individus et l’importance du ressenti
n’apparait pas dans l’écrit. A court terme, l’outil permet d’avoir une lecture de la
situation de la personne avec des données organisées. Mais sur le long terme, le
relationnel prend de l’importance et là, l’informatique n’a pas d’incidence sur la
connaissance de la personne » (Delphine, CPIP). Ainsi, le dossier APPI tel
41 Ottenhoff R., Favard A-M., op. cit., p. 25 42 Idem 43 Idem
18
qu’actuellement conçu ne permet d’avoir qu’une vision parcellaire de la PPSMJ et donc
offre une connaissance insuffisante de cette dernière au regard du suivi.
2) L’incidence de l’outil sur la proximité avec le cas
La prise en charge d’une PPSMJ est un travail qui se fonde sur la singularité de la
personne et sur une importante dimension relationnelle. En effet, le suivi suppose la mise
en place d’un travail avec la personne. Cela passe notamment par la création d’une
relation de confiance qui se construit dans le temps. Cette relation est corollaire à
l’efficacité du suivi et au recueil d’informations qui s’avère souvent intrusif dans la vie
des personnes. Or, le recours à l’outil informatique peut conduire à terme à un
éloignement du CPIP avec la personne suivi en mettant à mal la dimension relationnelle
du suivi, l’outil s’interposant entre la PPSMJ et l’agent
Cette idée peu étudiée en France a été mise en avant dans le cadre de la probation
canadienne et l’utilisation d’outils actuariels dans l’évaluation du risque de récidive.
L’outil informatique est utilisé dans le modèle canadien bien au-delà de ce qui est
aujourd’hui en cours sur le territoire national. La justice actuarielle s’inscrit dans le
concept de la nouvelle pénologie proposé pour la première fois par Feeley et Simon. Selon
ce concept, le crime est un problème technique considéré comme un risque normal de la
société et qui se conçoit plus comme une probabilité statistique que comme une
transgression44. La nouvelle pénologie fondée « sur une logique assurantielle et une
perspective de protection de la collectivité […] renvoie à un modèle structuré de gestion
du système pénal au moyen de connaissances probabilistiques et du recours à des outils
technologiques très élaborés »45. Par conséquent, l’évaluation des risques repose sur le
recours à des outils actuariels à l’image des méthodes assurantielles permettant de
procéder à une classification des individus au sein de groupe à risque plus ou moins élevé.
Or, il apparait que ces outils actuariels fondé sur des grilles informatiques sont critiqués
et notamment en raison de leur incidence sur le travail des agents de probation. Ainsi, la
proximité avec la personne semble remise en cause par le recours à ces outils comme le
montre Marion Vacheret dans ses écrits. Celle-ci met en évidence la routinisation du
44 Slingeneyer T., La nouvelle pénologie, une grille d’analyse des transformations des discours, des techniques et des objectifs
de la pénalité, Champ pénal/Penal field (en ligne), Vol IV/2007, mis en ligne le 15 octobre 2007,
http://champpenal.revues.org/2853. 45 Vacheret M., La nouvelle pénologie constitue-t-elle l’avenir de l’exécution des peines privative de liberté ?, Les chroniques
du Cirap, n°7, janvier 2010.
19
travail induit par les outils dû à un travail monotone, peu élaboré et exigeant peu
d’implication personnelle, le sentiment de travail de masse et d’interchangeabilité des
intervenants à la décision ressenti par les agents du fait de l’augmentation du poids
accordé aux outils statistiques face à celui de l’avis des agents de probation46. Ces
différents éléments portent atteinte à la proximité nécessaire au suivi du fait de
l’utilisation des outils informatiques comme élément essentiel à la prise en charge. Cette
critique peut se retranscrire dans l’usage actuel d’APPI dans le cadre du suivi des PPSMJ
et la crainte d’un outil dont les exigences peuvent prendre le pas sur la relation à la
personne.
Dans le cadre du suivi, l’ambivalence des effets de la technologie sur les rapports
humains trouve à s’exprimer. Ainsi, à la proximité induite par l’outil du fait de la
connaissance accrue que celui-ci apporte sur la personne s’associe une distance entre
PPSMJ et CPIP liée aux potentiels freins que représente l’outil dans le suivi. Une
ambivalence qui se retrouve dans le cadre des entretiens.
46 Vacheret M., Scientificité, technicisation et mécanisation, la déresponsabilisation des agents pénaux, in Actes de colloque
international, Le pénal aujourd’hui : pérennité ou mutation, Centre international de criminologie comparé, p. 173 et Vacheret
M., Sciences criminologiques, peines et professionnels, Rev. Sc. Crim, n°4, octobre-décembre 2010, p. 985.
20
CHAPITRE 2 ENTRETIEN ET APPI : UNE ASSOCIATION DÉLICATE ?
L’entretien tient une place centrale dans le suivi des PPSMJ. Il est le lieu et le moment
où s’instaure la relation entre la personne suivie et le CPIP et où ce dernier obtient les
informations nécessaires au suivi et est mis en capacité d’évaluer son évolution et ses
actions. En assistant à des entretiens menés par des CPIP, nous avons rapidement pu
constater que l’utilisation d’APPI diverge entre les agents (I). Ce constat associé aux
entretiens réalisés conduit à s’interroger sur le fait de savoir si l’ordinateur n’induit pas
un écran impropre au déroulement de l’entretien entre le CPIP et la PPSMJ (II).
I. UNE UTILISATION DIVERSIFIEE D’APPI DANS LE CADRE DES ENTRETIENS
Plusieurs pratiques s’observent s’agissant du recours à APPI pendant les entretiens :
l’absence d’utilisation de l’applicatif (A) ou bien un usage hétérogène de l’outil (B).
A- L’absence de recours à APPI dans le cadre des entretiens
Le défaut d’utilisation d’APPI au cours des entretiens se justifie tant par l’absence
totale de prise de note (1) que par le recours à des notes manuscrites (2).
1) L’absence de prise de note pendant l’entretien
Dans certaines situations, le non recours à l’outil informatique pour la prise de note
dans le cadre des entretiens ne se fonde pas sur le rejet de l’outil lui-même mais sur le fait
que les CPIP ne prennent aucune note au cours de l’entretien : « Je ne prends pas de notes
pendant l’entretien ni manuscrite, ni sur informatique sauf des dates éventuellement et de
façon manuscrite. Je prends des notes dans APPI après l’entretien » (Estelle, CPIP) ;
« J’ai une bonne mémoire. J’ai tendance à ne rien noter pendant les entretiens et à
retaper après, mais du coup la charge de travail est plus importante » (Katie, CPIP).
Dans cette hypothèse, APPI n’est pas utilisé par les CPIP afin de prendre des notes au
cours de l’entretien. Mais ce n’est pas l’outil qui est remis en cause par l’agent mais le
principe même des notes. Dans d’autres hypothèses, l’absence de recours au logiciel dans
le cadre des entretiens se fonde sur la préférence affichée envers les notes manuscrites.
21
2) La faveur envers le manuscrit
Pour une partie des CPIP, la prise de notes pendant l’entretien est nécessaire.
Cependant, celles-ci ne se fait pas grâce à l’utilisation d’APPI mais par écrit. « Non [je
n’utilise pas l’ordinateur pendant les entretiens], je prends des notes manuscrites. Ma
seule utilisation d’APPI c’est pour la vérification de délai, de dates de convocation ou
l’attribution de secours mais pas dans la salle d’entretien, de mon poste dans mon
bureau. Je dirai que c’est lié à ma formation initiale, en psychologie. Je suis à l’aise avec
les entretiens et j’ai une volonté de percevoir les choses même si je ne suis pas dans un
entretien thérapeutique. Au début de ma carrière, il n’y avait pas d’informatique en
entretien. Puis avec le développement d’APPI il y a eu l’informatique dans les rapports
puis aux entretiens. Les notes manuscrites sont une habitude qui est restée » (Delphine,
CPIP). Ainsi, nombre d’agents « continue d’écrire les éléments clefs de l’interaction »47
et ne les saisissent pas directement sur APPI. Cependant, les CPIP concernés par cette
pratique mettent en avant la perte de temps que cela engendre au regard de la
retranscription des propos effectuée ultérieurement48 : « Je prends des notes manuscrites,
mais retaper c’est chronophage » (Karine, CPIP). Cette faveur pour l’écrit sur
l’informatique est souvent un choix de l’agent. Mais, un point essentiel ne doit pas être
oublié : l’enregistrement de note sur informatique pendant les entretiens dépend avant
tout de la présence du matériel nécessaire dans les salles prévue à cet effet. Si le parc
informatique s’est développé sur ce dernier point, force est de constater que le matériel
vient à manquer sur certains sites et plus particulièrement en milieu fermé comme nous
avons pu le constater sur le terrain. La faveur pour les notes écrites est alors liée à des
limites matérielles.
Ainsi, l’absence d’utilisation de l’outil informatique aux cours des interactions entre
CPIP et PPSMJ se justifie soit par l’absence de prise de note dans l’entretien soit par une
préférence pour l’écrit. A côté de cette non-utilisation d’APPI, existe une utilisation
protéiforme d’APPI au cours des entretiens.
47 DE LARMINAT X., La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 165. 48 Idem
22
B- L’usage hétérogène d’APPI au cours des entretiens
Si une majorité des agents ont recours à APPI dans le cadre de leurs entretiens, cette
utilisation est marquée du sceaux de la diversité en ce que l’usage diffère selon la nature
de l’entretien (1) ou encore les pratiques des CPIP (2).
1) Un usage différencié en fonction de la nature de l’entretien
Dans le cadre du suivi, deux types d’entretiens sont à identifier : le premier entretien
et l’entretien de suivi. Si l’usage d’APPI est favorisé dans le cadre du premier entretien,
ce dernier est semble-t-il plus limité dans les entretiens de suivi.
Le premier entretien en milieu ouvert, appelé entretien arrivant en milieu fermé,
représente le premier contact entre la PPSMJ et le CPIP. Lors de cette rencontre, les
objectifs du CPIP sont la présentation du service et de ses missions, l’explication à la
personne de sa peine et enfin le recueil d’un certain nombre d’informations à travers une
trame établie : la fiche arrivant ou la fiche d’accueil. La particularité de cet entretien nous
a été précisée au cours des rencontres faites avec les CPIP. Très vite à la question
« utilisez-vous les ordinateurs lors de vos entretiens ? » ces derniers ont posé une
distinction entre le premier entretien et les entretiens de suivi. « APPI je l’utilise au
premier entretien pour remplir les onglets directement. C’est un gain de temps. Après,
dans les autres entretiens je ne prends pas de notes directement dans APPI. Je le fais
après. » (Estelle, CPIP) ; « Au premier entretien je suis sur l’ordinateur car cet entretien
est très administratif, très cadré voire même policier » (Karine, CPIP). S’il est vrai que
certains CPIP n’utilisent pas l’ordinateur et prennent des notes sur les fiches papiers
prévues à cet effet, la tendance actuelle semble aller un recours accru à l’ordinateur dans
le cadre des entretiens arrivants ou des premiers entretiens. Il est intéressant de voir que
les mêmes agents qui disent favoriser la prise de notes manuscrites ou l’absence de note
pendant les entretiens, déclarent néanmoins utiliser APPI dans le cadre du premier
entretien marquant une réelle distinction entre les deux types d’interactions. Ainsi, dans
les entretiens de suivi, le recours à APPI est plus limité non pas en ce qu’il n’est pas utilisé
mais en ce que ce recours prend divers visage.
23
2) Un usage différencié en fonction des pratiques
Au sein des entretiens, l’utilisation d’APPI peut prendre plusieurs formes. D’une part,
APPI peut être utilisé, non pas pour la prise de notes d’entretien, mais comme support.
Ainsi, plusieurs CPIP interrogés font référence à un « support visuel, un aide » (Estelle,
CPIP) ou « un support technique pendant l’entretien » (Katie, CPIP) : « Pendant les
autres entretiens [autre que l’entretien arrivant], l’ordinateur est allumé. C’est un support
visuel, je peux voir les informations sur la situation pénale, les notes du JAP… » (Karine,
CPIP). D’autre part, le recours à APPI pendant l’entretien peut être adapté à la situation
en fonction du profil de la PPSMJ, du déroulement du suivi ou de l’entretien. « Mon
utilisation de l’ordinateur pendant les entretiens dépend des personnes. Je vais avoir
moins de mal avec les jeunes majeurs. Ils sont habitués aux ordinateurs donc il n’y a pas
de problème. Avec les personnes plus âgées, c’est moins évident et encore même là ça
dépend. C’est en fonction des personnes. Parfois, il faut établir la relation de confiance
avant l’utilisation de l’ordinateur. C’est en fonction des sujets abordés aussi. Quand on
aborde le passage à l’acte, les enfants…il y a de l’émotionnel et là pas d’ordinateur car
j’ai besoin de sentir, il faut de la confiance et de l’écoute. C’est comme ça que mon
utilisation de l’ordinateur avec une même personne peut évoluer. Je peux arrêter de
prendre des notes à certains moment du suivi, puis les reprendre à l’entretien d’après »
(Katie, CPIP).
Il n’y a donc pas une utilisation d’APPI au cours des entretiens mais bien des
utilisations variables selon les interactions et les agents. Mais, de manière récurrente dans
les échanges que nous avons eus avec les CPIP apparait l’idée selon laquelle l’écran peut
faire barrière à l’échange et introduire une distance entre la PPSMJ et le CPIP.
II. L’ORDINATEUR, UN ECRAN ENTRE LE CPIP ET LA PPSMJ
L’ordinateur induit un écran tant matériel (A) que symbolique (B) dans la relation
entre le CPIP et la PPSMJ source d’un éloignement peu propice au suivi.
24
A- L’outil informatique, un écran matériel
Dans le face-à-face que représente l’entretien, l’ordinateur apparait comme une
véritable barrière physique entre les interlocuteurs du fait de sa présence matérielle sur le
bureau (1), une présence non sans incidence sur la dynamique de l’entretien (2).
1) La présence physique de l’ordinateur
Afin de prendre en compte l’informatisation du suivi et les gages en matière de
traçabilité que ce dernier offre, le recours à APPI afin de prendre des notes en entretien
tend à se développer. Ce développement induit la mise en place d’ordinateur sur les
bureaux des entretiens. Or, le matériel informatique reste encore aujourd’hui encombrant.
Ce dispositif par sa présence « impose une véritable frontière lors des entretiens en face
à face »49. L’agencement du bureau et la disposition du matériel doit dès lors être réfléchie
afin d’amoindrir cet effet de coupure entre la PPSMJ et le CPIP qu’introduit l’écran.
Ainsi, placé au milieu du bureau, face à l’agent, l’ordinateur scinde l’espace entre le
probationnaire et le CPIP en deux en rajoutant à la frontière du bureau celle de l’écran
entendu au sens propre du terme. La rupture spatiale qu’introduit l’ordinateur est ici bien
plus forte que celle du bureau en ce que celle-ci n’est plus seulement horizontale (le
bureau) mais verticale (l’écran entre l’agent et le probationnaire). A cette disposition est
souvent préférée celle d’un ordinateur placé sur le côté, dans un coin du bureau. Si la
frontière verticale qu’introduit l’écran est ici limitée, cette disposition oblige l’utilisateur
de l’ordinateur à adopter une position de côté, tourné vers l’écran et ainsi à ne pas être
face de son interlocuteur. Le matériel informatique induit dès lors une forme de barrière
à l’échange du seul fait de sa présence, barrière qui influe sur la dynamique de l’entretien.
2) La dynamique de l’entretien faussée par le recours à l’informatique
L’entretien suppose de la part des CPIP une posture d’écoute et la maitrise d’outil
de communication afin que ce moment soit propice à l’échange. Par certains égards, APPI
et plus particulièrement le temps de la saisie porte atteinte à la dynamique de l’entretien.
« Si le CPIP ne sait pas taper vite sur l’outil informatique, il va être plus concentré par
l’outil que par la relation humaine » (Lisa, CPIP). En outre, si l’enregistrement en direct
des informations fournies par la personne permet une prise de données sans risque de
49 De Larminat X., La probation en quête d’approbation,op. cit., p. 165
25
dévoiement de celles-ci, leur saisie coupe l’élan de la parole. Celle-ci instaure bien
souvent des temps de silence dans le discours de la personne qui a tendance à arrêter de
parler le temps que son interlocuteur cesse de taper les informations. « La prise de note
coupe l’entretien. La personne n’ose pas ou elle a envie de voir ce qu’on écrit. La prise
de note c’est une barrière dans l’entretien » (Estelle, CPIP). Ainsi, « la saisie est vécue
comme un court-circuit à l’échange »50 ou au-delà un court-circuit à l’écoute : « En
entretien, la prise de note a une influence sur le suivi, qu’elle soit faite manuscrite ou sur
informatique. Quel que soit l’outil, il faut savoir s’en dégager quand l’échange avec la
PPSMJ porte sur des sujets sensibles qui supposent l’écoute pleine et entière de
l’interlocuteur. Le regard de l’interlocuteur s’il est concentré sur sa feuille ou outil
informatique ne transmet pas l’image de l’écoute » (Lisa, CPIP) ou encore « j’estime que
ça [l’utilisation de l’ordinateur lors des entretiens] pollue l’entretien et l’attention que
l’on doit porter au propos de la personne. Ça peut m’arriver dans des cas exceptionnels
comme pour les passagers… » (Judith, CPIP).
La distance engendrée par l’utilisation de l’outil informatique tient pour partie à
l’obstacle physique que ce dernier représente au cours des entretiens, un obstacle
physique qui se double d’un obstacle symbolique.
B- L’outil informatique, un écran symbolique
L’écran symbolique induit par l’outil informatique dans le cadre des entretiens se
fonde sur la frontière virtuelle que ce dernier instaure du fait de la triangulation de la
relation (1) et des atteintes possibles à l’établissement de la relation entre CPIP et PPSMJ
(2).
1) La triangulation de la relation
Confronté à la question de l’informatisation, le domaine médical est lui aussi marqué
par les effets éventuels de la technologie dans les entretiens. A ce sujet, le Comité
Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé met en avant le
risque de triangulation de la relation de soin du fait de la présence de l’ordinateur : « Parce
50 De Larminat X., La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 165
26
qu’il « triangularise » la relation, la présence d’un ordinateur dans un espace
d’interlocution tend à empêcher une forme directe de discussion. Le regard du sujet assis
derrière son écran est capté, comme si la lumière artificielle l’attirait à lui. En
consultation, il arrive que le médecin soit comme « happé » par son écran, en sorte qu’il
regarde davantage en direction de l’ordinateur que du côté de son patient. Ce glissement
pernicieux dans l’usage de l’outil informatique est révélateur d’une possible altération
de la qualité relationnelle du dialogue »51 ; « Il est à noter, entre autres, le risque lié à la
« triangulation » de la relation de soin par la présence de l’ordinateur qui s’intercale
entre le médecin et son patient. La technicisation de la médecine peut entrer en conflit
avec la composante relationnelle et humaine nécessaire à une pratique clinique de
qualité »52. Cette idée d’une triangulation de la relation peut se transposer dans les
entretiens menés au SPIP. L’ordinateur vient s’interposer entre la personne et le CPIP de
sorte que la relation n’est plus duale. Cette situation « [d’]un œil sur l’écran et l’autre
sur le condamné exposant sa situation »53met à mal la relation devant nécessairement
s’établir au court de l’entretien afin de garantir l’efficacité du suivi.
2) Un frein à la relation
Le suivi repose pour partie sur la relation qu’entretiennent CPIP et PPSMJ. Or, l’outil
informatique peut mettre un frein à cette dernière du fait de la distance qu’elle engendre.
Cette distance peut naitre, tout d’abord, d’un manque de confiance qu’induit le recours à
l’informatique chez certaines personnes. Ainsi, « les notes manuscrites créent du lien
avec la personne, l’informatique crée une distance. Parfois, les PPSMJ ont peur ou
s’énerve à cause de l’ordinateur. Il y a un sentiment qu’on sait tout d’eux, d’une
interconnexion d’où une forme de suspicion. L’écran c’est comme une vitre, ça fait naitre
du stress et de la violence. N’a-t-on pas supprimé les vitres aux accueil comme les
guichets ouverts de la poste » (Karine, CPIP). A ce même sujet, une CPIP a déclaré :
« Suivant la manière dont est positionné l’ordinateur dans le bureau d’entretien, la
PPSMJ a un visu ou non à l’écrit. Cela peut générer de la confiance ou de la défiance »
(Lisa, CPIP). Ensuite, la distance avec la personne reçue peut se justifier par le fait que
l’utilisation de l’ordinateur par l’agent couplée à l’enchainement de questions intrusives
51 Avis n°91, Avis sur les problèmes éthiques posés par l’informatisation de la prescription hospitalière et du dossier du
patient, 2 mai 2006, p. 11 52 Avis n°104, Le « dossier médical personnel » et l’informatisation des données de la santé, 29 mai 2008, p. 11. 53 De Larminat X., La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 165
27
et multiples sur tous les pans de la vie du probationnaire replace celui-ci dans une situation
antérieure, celle de l’enquête de police et de la prise des procès-verbaux. Ainsi, au cours
de l’observation d’un entretien mené par un CPIP, nous avons pu voir une PPSMJ faire
état de ce ressenti à son interlocuteur et lui dire « vous êtes pire que la police vous ! »54.
« L’outil informatique est moins personnel qu’une écriture. Il crée une
dépersonnalisation de l’entretien plus forte que la prise de note » (Lisa, CPIP). Crainte,
suspicion, ressentiment ou encore dépersonnalisation des rapports sont autant d’éléments
auxquels l’ordinateur contribuent et qui entachent la relation CPIP/PPSMJ au cours des
entretiens.
L’association d’APPI aux entretiens menés par les CPIP n’est pas uniforme au sein
des services. Cependant, un point commun a souvent été relevé par les agents : l’outil
informatique induit une distance avec la PPSMJ non négligeable, distance liée à la
frontière matérielle ou symbolique que représente l’outil.
L’utilisation d’APPI par les CPIP prend ainsi diverses formes et se retrouve dans
toutes les étapes du suivi. Ce recours contribue pour partie à l’optimisation du suivi en ce
que ce dernier favorise la connaissance de la personne suivie et donc une proximité.
Cependant, cette proximité est à temporiser du fait des potentiels freins au suivi que
représente APPI. A cela, s’ajoute la délicate association entre APPI et les entretiens, pour
lesquels la distance entre CPIP et PPSMJ semble plus marquée. Au-delà de l’utilisation
d’APPI par les CPIP, s’interroger sur les effets de l’outil dans le cadre du fonctionnement
et de l’organisation des SPIP conduit à analyser ces derniers au regard de l’utilisation
d’APPI dans les SPIP.
54 De même le rapport relatif à l’utilisation du DAVC fait état d’une situation similaire, « un agent remplissant le DAVC au
cours d’un entretien ayant été interpellée par la personne qui lui a demandé « si on était au commissariat les questions se
succédant « comme lors d’un interrogatoire » », Inspection des services pénitentiaires, op. cit., p. 32.
28
PARTIE 2
L’UTILISATION D’APPI AU SEIN DU SERVICE
La mise en place d’outils informatiques tels qu’APPI au sein des services n’est
pas neutre et a des incidences sur la vie de ces derniers. Par leur présence, ceux-ci influent
tant sur les rapports entre les CPIP d’un même service (chapitre 1) et sur les rapports entre
DPIP et CPIP (chapitre 2).
CHAPITRE 1 L’INCIDENCE D’APPI DANS LES RAPPORTS INTER-
AGENTS
La présence d’APPI au sein des SPIP agit sur l’équipe (I) ce qui induit une vigilance
du DPIP quant aux conséquences de ce dernier sur les rapports inter-agents (II).
I. L’EQUIPE A L’EPREUVE DE L’OUTIL INFORMATIQUE
Les effets d’APPI sur les rapports inter-agents sont les deux faces d’une même pièce.
Ainsi, si l’applicatif peut favoriser la cohésion de l’équipe (A), celui-ci peut aussi être
source de scission de cette dernière (B).
A- L’outil informatique facteur de cohésion
« Un logiciel commun qui est devenu notre outil de travail a forcément généré plus
de lien que de distance entre nous [les CPIP] » (Judith, CPIP). Cette idée se fonde sur le
fait qu’APPI favorise à la fois l’appartenance à un service (1) et le partage inter-agent (2).
1) L’appartenance à un service favorisé par APPI
L’utilisation d’un outil informatique commun au service a une incidence sur les
rapports entre les pairs. Etudiant la question de l’apparition de l’informatique dans le
travail social, Gérard Chevalier développe l’idée selon laquelle « l’informatisation du
dossier social a favorisé le développement du travail en équipe » et « le sentiment
29
d’appartenance à un réseau de travail »55 au sein d’un service informatisé dans lequel
les données sont accessibles à l’ensemble de ses membres. A l’inverse, au sein des
services non informatisés, le dossier reste un « outil à usage exclusif de l’assistant social
chargé de l’accompagnement de la personne »56. Cette idée trouve un écho au sein des
SPIP. Par l’appropriation des dossiers, l’équipe s’efface au profit de l’individu qu’est le
CPIP. Interrogés, certains CPIP parlent de « profession libérale » (Estelle, CPIP) ou
encore de « travail en free-lance » (Katie, CPIP) lorsqu’ils évoquent leur profession
notamment avant l’introduction d’APPI. L’informatisation du suivi, du fait de la
centralisation et de la visibilité des dossiers, a mis à mal ce sentiment d’appropriation des
situations : « Il y a une certaine distance professionnelle nécessaire dans le suivi et la
situation ne m’appartient pas. Ça, c’est favorisé avec l’informatique » (Delphine, CPIP) ;
« moi, les dossiers ne m’appartiennent pas » (Katie, CPIP). Par ses effets, APPI aide à la
cohésion de l’équipe en donnant à ses membres le sentiment d’appartenance à un même
service traitant un ensemble de dossiers n’appartenant pas à l’un d’entre eux
exclusivement, mais au service lui-même.
Au-delà de l’appartenance à un même service, il apparait qu’APPI aide aussi au
sentiment d’appartenance à un réseau institutionnel décliné sur l’ensemble du territoire.
En effet, si le SPIP a une compétence départementale, les données auxquels les agents
ont accès à travers APPI sont nationales. La visibilité nationale permet un
décloisonnement des services dans le cadre des suivis. Cependant, une limite à cette
visibilité existe. En effet, les CPIP n’ont pas la possibilité de voir les rapports rédigés par
leurs collègues d’un autre département, situation regrettée par les agents interrogées.
Outre le sentiment d’appartenance favorisé par APPI, il apparait que ce dernier assure
aussi le partage d’information au sein de l’équipe.
2) Le partage inter-agent favorisé par APPI
« APPI est plutôt facteur de cohésion dans la mesure où cela a permis de partager au
sein de l’équipe » (Judith, CPIP). En effet, la circulation horizontale des informations au
sein des services est grandement favorisée par APPI. Le dossier est tout à la fois
communiqué et communicable. Communiqué, d’une part, car à la différence du dossier
55 Chevalier G., Les services sociaux à l’épreuve de l’informatique : de l’écrit à l’écran, Issy-les-Moulineaux : ESF Editeur,
coll. Action sociale, 2000, p. 71 56 Ibid, p. 71.
30
papier conservé dans le bureau du CPIP voire parfois dans une armoire close57, le dossier
informatique est accessible par tous les membres du service à partir de leur poste de
travail. Communicable, d’autre part, car nombre d’obstacles matériels à la visibilité et à
la clarté du dossier tombent avec l’informatique. En effet, le contenu des dossiers, la
variabilité du classement des documents ou encore l’écriture difficilement déchiffrable
disparaissent avec l’informatique. « C’est [APPI] un point d’accès central à l’ensemble
des informations des PPSMJ suivies dans le SPIP. En l’absence d’un CPIP, il n’y a pas
besoin de chercher le dossier, il n’y a pas besoin de déchiffrer l’écriture du collègue, les
présentations des informations est plus harmonisée » (Lisa, CPIP). Cette lecture des
dossiers garantie par APPI présente un grand intérêt au sein des SPIP tant au nom de la
continuité du service et du suivi que celui de la cohésion de l’équipe. APPI permet l’accès
au travail de l’autre en cas d’absence ou de départ d’un collègue, un accès empreint de
clarté.
Par son introduction, APPI apparait de prime abord comme un élément au service de
la cohésion de l’équipe. En effet, ce dernier permet le développement d’un sentiment
d’appartenance à un service par l’utilisation d’un logiciel commun et favorise le partage
d’informations entre les agents. Cependant, pour que le logiciel soit un facteur de
cohésion au sein de l’équipe encore faut-il que ce dernier soit utilisé par tous. Dans le cas
contraire, l’outil apparait plus comme un élément de scission dans l’équipe.
B- L’outil informatique facteur de division dans l’équipe
Dans un même service, le recours différencié à APPI peut scinder l’équipe des CPIP
entre ceux qui l’utilisent et ceux qui n’y ont pas recours. Ce recours différencié tient tant
à la question de la maitrise de l’outil (1) qu’aux réticences liées à son utilisation (2)
1) Le défaut de maitrise de l’outil informatique
Les nouvelles technologies de la communication sont soumises à un paradoxe : « si
elles permettent de gagner du temps, elles en dévorent aussi beaucoup »58.
«L’informatique permet un gain de temps dans le travail effectué mais encore faut-il le
maitriser » (Katie, CPIP). Ainsi, le gain de temps engendré par la technologie suppose
57 De Larminat Xavier, La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 169 58 Nayebi J-C., Conséquences psychiques des nouvelles technologies, Cerveau & psycho, n°61, janvier-février 2014, p 45.
31
avant tout sa maitrise. A défaut, la technologie devient chronophage car l’absence de
maitrise de l’outil et de ses fonctionnalités fait perdre un temps considérable à son
utilisateur : temps de la compréhension de l’outil, temps de la recherche de l’action à
mener, de la fonctionnalité à utiliser, temps de l’enregistrement des données…Or, la
technologie se doit de rester un outil au service des besoins de son utilisateur et non pas
devenir une contrainte dans le travail effectué. Ainsi, le défaut de maitrise de l’applicatif
devient un frein à son utilisation. L’ancienneté d’APPI laisse penser une meilleure
maitrise de l’application par les PIP en raison des enseignements dispensés en formation
initiale et continue. Mais, cela revient à faire fi des constantes évolutions des outils
informatiques dues à la recherche perpétuelle d’améliorations des dispositifs. Ainsi,
l’application APPI apparue dans les services en 2003 a connu de nombreuses
modifications faisant de la version actuelle la 24ème version.
Cependant, le défaut de maitrise d’APPI ne serait à lui seul expliquer le recours
différencié des PIP à l’outil informatique mis à leur disposition. D’autres éléments se
doivent être précisés.
2) Les réticences à l’utilisation de l’outil
L’utilisation différenciée d’APPI au sein des services s’explique pour partie par la
réticence de certains agents à y recourir dans le cadre du suivi. Cette réticence peut être
due pour partie au rejet de l’informatisation du suivi, rejet plus ou moins absolu selon les
agents. Ainsi, Gérard Chevalier a identifié trois types d’attitudes face à l’informatisation
du travail des assistants sociaux : le rejet de l’informatisation, l’accommodation qui
conduit le professionnel à adopter une attitude d’adaptation limitée au minimum
obligatoire et enfin l’appropriation par laquelle le professionnel intègre le dossier
informatisé et l’associe à son travail59. Or, le travail de Gérard Chevalier met en évidence
que le recours ou non à l’outil informatique n’obéit pas « à des déterminismes simples et
aisément identifiables » 60 tels que le sexe, l’âge, l’ancienneté professionnelle ou encore
le rapport à l’informatique en dehors du métier. Le type d’attitudes à l’égard des dossiers
informatisés a pour corollaire « le modèle professionnel de référence »61 de l’agent soit
la représentation que ce dernier se fait de son métier et les moyens dont il estime avoir
59 Chevalier G., Du dossier social papier au dossier social informatisé : quel outil pour quel métier ?, revue française des
affaires sociale, vol.1, 1999, p. 101. 60 Ibid, p.102. 61 Idem
32
besoin. Ainsi, lorsque l’assistant opte pour un modèle professionnel centré sur le sujet,
l’outil informatique ne présente pas grand intérêt ce qui explique son rejet par l’agent. A
l’inverse, le travailleur social qui adopte un modèle professionnel centré sur le projet de
la personne voit dans l’outil informatique une aide à son travail62. Cette étude menée par
Gérard Chevallier fait écho dans le monde de la probation et du recours à l’informatique
dans le cadre du suivi.
Par-delà le modèle professionnel, les réticences dans l’utilisation d’APPI se fondent
sur des éléments variables selon les agents. Parmi cette diversité de cause peut être tout
d’abord cité le caractère chronophage de l’outil dû à certaines imperfections. Tel est par
exemple le cas avec la nécessité de retravailler les modèles de fusion existant soit en
raison de leur manque de clarté soit en raison de l’absence de modèle de fusion pour
certains actes ce qui conduit à une forme de « bricolage » des modèles prévus de la part
des agents (ex : maintien du modèle de rapport semestriel malgré sa suppression ou
absence de modèle de fusion dans la modification horaire des ARSE). D’autre part, la
visibilité des actes vécue comme une forme de surveillance continue et insidieuse des
actes de l’agent ou encore la perte de maitrise des informations et le sentiment d’un
dévoiement possible de leur but premier63 fondent lesdites réticences dans l’utilisation
d’APPI.
Au sein des SPIP, l’apparition d’APPI peut constituer à certains égards une épreuve
pour l’équipe de CPIP du fait des incidences en termes de rapprochement et
d’éloignement de ses membres issues de l’utilisation de l’outil. Face à la connaissance de
ces aspects il revient au DPIP d’agir en conséquence.
II. LE ROLE DU DPIP DANS L’UTILISATION D’APPI AU SEIN DU SERVICE
Eviter qu’APPI induise une forme d’éloignement entre ses membres suppose son
utilisation par tous. Pour mettre fin à ses disparités, il revient au cadre d’agir sur le recours
à l’outil (A) ainsi que sur la cohésion du groupe face aux incidences de l’outil (B).
62 Idem 63 Cf. partie 2, chap 2. I.A.1 (sentiment de contrôle) et partie 3, chap 2, I.B.1 (sentiment de perte de maitrise de l’information).
33
A- L’accompagnement des agents vers l’appropriation de l’outil
informatique
S’approprier s’entend du fait de faire sienne une chose c’est-à-dire de l’assimiler.
L’appropriation de l’outil informatique qu’est APPI par les CPIP suppose un
accompagnement du cadre tant vers la maitrise de l’outil (1) que vers son utilisation par
les agents (2).
1) L’accompagnement en vue de la maitrise d’APPI
La maitrise de d’APPI est la condition sine qua non de son utilisation. Afin de garantir
cette maitrise, le cadre de proximité qu’est le DPIP dispose de plusieurs leviers
managériaux. Tout d’abord, ce dernier peut former ou amener les PIP rencontrant des
difficultés à se former. La formation est indissociable de l’utilisation d’un nouvel outil
informatique, celui-ci étant « acceptée par les professionnels dès lors qu’ils bénéficient
d’une formation adéquate »64. Droit reconnu à tout agent de l’Etat65, la formation suppose
au préalable que le DPIP identifie les besoins des agents en la matière. Ce repérage peut
se faire lors d’un entretien formel entre le cadre et l’agent à l’image de l’entretien annuel
d’évaluation, ou de manière informelle et fortuite au cours de la vie du service66. Ensuite,
dans l’objectif d’accompagner les PIP vers la maitrise de l’outil informatique, le DPIP
doit adopter un management situationnel prenant en compte les difficultés et les
caractéristiques de chaque agent. Le management situationnel vise à adapter le style
managérial en fonction de la situation et l’individu en se fondant sur deux critères : la
compétence et la motivation de l’agent67. Enfin, le DPIP peut être lui-même un appui
technique pour les CPIP en leur apportant un accompagnement technique et personnalisé
en fonction de leurs difficultés. Cependant, ce soutien technique du DPIP suppose au
préalable que ce dernier soit lui-même formé et maitrise le logiciel. Ne pouvant être
omniscient, le DPIP ne serait être le seul appui technique des CPIP. Il lui revient
d’identifier dans le service une ou des personnes ressources ayant les compétences et les
64 CSTS, Nouvelles technologies de l’information et de la communication et travail social, op. cit., p. 25. 65 Les agents de l’Etat, titulaires ou non titulaires, bénéficient d’un droit individuel à la formation (Dif). Par ce dernier, il
dispose d’un crédit annuel d’heures de formation professionnelle. Cette formation peut se faire pour les besoins du service ou
sur demande de l’agent. 66 Bergeaud E., Fernandez A., Leseigneur H., Mahfoudi B. et Piriou S., La maitrise des technologies dans le suivi des PPSMJ,
un enjeu managérial pour le DPIP, Mémoire de recherche et d’application professionnelle, 3ème promotion de Directeur
pénitentiaire d’insertion et de probation, ENAP, 2011, p. 28. 67 S’opère alors un choix entre le style directif, persuasif, participatif et délégatif en fonction de ces deux critères.
34
connaissances requises en matière informatique vers laquelle l’équipe peut se tourner en
cas de difficulté. D’un point de vue managérial, l’identification des compétences des
agents et leur mise en avant dans le service présente le double avantage de fournir une
aide efficace à l’ensemble du service en matière informatique et de valoriser la personne
en reconnaissant ses compétences.
Ainsi, l’accompagnement du DPIP en vue de la maitrise d’APPI s’appuie sur le
recours à la formation, au leadership situationnel, à la fonction de soutien technique pour
les agents et à un référent dans le service. Cependant, le défaut de maitrise est insuffisant
pour justifier du non recours à l’outil. Dès lors, le cadre doit intervenir en vue
d’accompagner les agents vers l’utilisation de l’outil dans le service.
2) L’accompagnement en vue de l’utilisation d’APPI par les agents
Afin de conduire les agents à utiliser APPI, le DPIP peut avoir recours aux objectifs
du service. Ainsi, dans les objectifs fixés chaque année au SPIP par les Directions
interrégionales figurent parfois le taux de renseignement dans APPI68. Le DPIP peut par
la suite décliner cet objectif prévu dans le POPS (Plan d’Objectifs Prioritaires de la
Structure) dans les contrats individuels d’objectifs de chaque agent soit de manière
générale à l’ensemble des CPIP du service soit à certains d’entre eux en fonction de leur
degré d’utilisation d’APPI. Cependant, dans ce système l’utilisation est alors imposée par
la hiérarchie. Or, cela peut faire naitre chez l’agent un sentiment de contrainte qui peut
entrainer l’effet inverse de celui escompté : le refus d’agir et d’utiliser APPI. C’est
pourquoi, les seuls objectifs ne peuvent suffire à induire le recours à APPI. A ces derniers
doit s’ajouter un réel travail du DPIP sur le sens même de l’utilisation du l’applicatif. A
ce titre, celui-ci doit communiquer sur l’intérêt professionnel que représente APPI pour
les CPIP. Cette communication se fait sur deux éléments. Ainsi, APPI sert, d’une part, la
prise en charge des PPSMJ et la continuité du suivi du fait de ses fonctionnalités. D’autre
part, APPI, bien renseigné, offre une visibilité sur l’activité du service à travers
l’exploitation des données enregistrées dans l’applicatif par le logiciel Infocentre qui
68 Portola C., La technologie au service de la continuité du service entre le milieu fermé et le milieu ouvert, Mémoire de
recherche et d’application professionnelle, 5ème promotion de DPIP, ENAP, 2013, p. 41
35
établit les statistiques sur les PPSMJ et les mesures69. Or, la connaissance de ces
informations permet d’afficher pour partie les besoins du service et donc de guider
l’allocation des moyens qui lui sont nécessaires. De plus, le DPIP se doit de communiquer
et d’informer son équipe sur l’utilisation de la technologie dans le service. Cette
information peut porter sur plusieurs éléments. D’une part, le DPIP doit afficher sa
politique de service en matière d’utilisation des outils informatiques soit ses attentes et
exigences en la matière70. D’autre part, il semble important que le DPIP communique en
réunion de service afin de réactualiser les connaissances des CPIP sur les fonctionnalités
d’APPI ou sur certaines exigences qui ne sont pas respectées par les PIP. « Des piqures
de rappel ne sont pas inutiles. Beaucoup d’informations sont transmises par le DPIP,
mais beaucoup sont à recevoir par le CPIP. Des rappels sur l’utilisation des logiciels
sont importants. Par exemple remplir à la fin de la mesure l’onglet sur le respect des
obligations par la PPSMJ. Je sais qu’il faut le faire mais parfois j’oublie. Le rappel ne
fait pas de mal » (Katie, CPIP).
Limiter la division de l’équipe du fait du recours diversifié à APPI suppose d’agir sur
l’appropriation de l’outil par les CPIP, mais pas seulement. En effet, il revient aussi au
DPIP d’agir en vue de garantir la cohésion de l’équipe face aux incidences de
l’informatique sur celle-ci.
B- La cohésion recherchée face aux incidences de l’outil informatique
Si la cohésion d’équipe est nécessaire au bon fonctionnement de tout service (1), il
appartient au DPIP d’agir en faveur de cette cohésion eu égard aux effets de l’outil
informatique sur cette dernière (2).
1) La nécessaire cohésion d’équipe
L’équipe entendue comme un groupe dans lequel les relations sont directes et où règne
une unité d’action et d’esprit est à envisager « sous son quadruple aspect : structural,
fonctionnel, relationnel et même émotionnel »71. S’agissant des aspects relationnel et
69 Bergeaud E., Fernandez A., Leseigneur H., Mahfoudi B. et Piriou S., La maitrise des technologies dans le suivi des PPSMJ,
un enjeu managérial pour le DPIP, op. cit., p. 16-17. 70 Portola C., La technologie au service de la continuité du service entre le milieu fermé et le milieu ouvert, op. cit.,p. 44. 71 Mucchielli R., Le travail en équipe, clés pour une meilleure efficacité collective, Issy-les-Moulineaux : ESF Editeur, coll.
Formation permanente, 2009, p. 41.
36
émotionnel, l’accent est mis sur la cohésion qui est nécessaire à l’existence de toute
équipe et à la réalisation d’objectifs communs. La cohésion se définit comme « la
propriété d’un ensemble dont toutes les parties sont solidaires »72. Rapportée à la
question de l’équipe, la cohésion « représente la totalité des forces qui poussent les
membres à rester dans le groupe […], elle augmente avec la valence du groupe pour ses
membres »73. La valence du groupe se fonde sur l’attrait des activités du groupe et l’attrait
des membres les uns pour les autres. Ce n’est que si la cohésion existe et si les intérêts
particuliers sont dominés par un intérêt commun tourné vers un objectif partagé que la
notion d’équipe revêt tout son sens. Plusieurs facteurs peuvent être source de cohésion au
sein d’une équipe. Il en est ainsi des exigences de la tâche à accomplir et de la nécessaire
convergence des efforts pour y parvenir. Or, comme nous l’avons vu précédemment,
l’utilisation différenciée de l’outil informatique au sein d’un service peut être source de
division au sein de ce dernier. Les exigences et les efforts pour parvenir à l’objectif
commun n’étant pas les mêmes au sein de l’équipe sont alors facteurs de divergence. De
même, dans un service où tous les membres sont devant un ordinateur travaillant sur leurs
dossiers apparait le risque d’un service dominé par des individualités ayant le sentiment
de ne pas appartenir à une même équipe de travail. L’absence d’interface réelle entre les
individus participe alors à l’apparition d’une équipe « virtuelle » au détriment de la
cohésion du groupe. Dès lors, il revient au cadre de proximité qu’est le DPIP d’agir en
vue de maintenir la cohésion d’équipe et ainsi de palier aux effets d’éloignement
qu’engendre l’outil informatique au sein de celle-ci.
2) Les actions du cadre en faveur de la cohésion d’équipe.
Dans ses fonctions, le DPIP est garant de la cohésion du travail des personnels placés
sous son autorité. Afin de garantir cette cohésion et face aux incidences de l’outil
informatique sur l’équipe, le cadre doit agir afin de recréer du lien entre les membres de
l’équipe.
La cohésion d’une équipe peut se construire autour de moments de convivialité
formels, à l’image des journées de cohésion réunissant les membres d’un même service
72 Larrousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais 73 Mucchielli R., Le travail en équipe, clés pour une meilleure efficacité collective, op. cit., p. 41
37
autour d’une activité commune, ou informels tel que l’existence d’un espace de détente
où les agents peuvent se réunir le temps d’un café ou d’un repas.
De même, la question de la création d’un collectif se pose de manière récurrente dans
un service marqué par la mise en œuvre de suivi individualisé des PPSMJ. A cela s’ajoute
la barrière que représente tant l’écran de l’ordinateur que l’interface virtuelle que ce
dernier crée dans la communication interne du service. Comment dès lors créer du lien
entre les agents ? Afin d’y parvenir, le DPIP peut créer du lien autour de l’outil lui-même.
L’idée est alors d’utiliser APPI comme support d’échange contribuant à l’apparition du
collectif. Afin d’y parvenir un travail constructif entre le cadre et son équipe est
nécessaire. Ce dernier prend alors la forme d’un groupe de travail. Lors de ce moment de
travail commun peuvent être discutées les difficultés inhérentes à l’outil ou encore les
différentes modes d’utilisation et de remplissage de celui-ci. Ce travail est alors l’occasion
d’une réflexion sur l’harmonisation des pratiques dans le recours à APPI au sein du
service. Le travail sur la cohésion est alors double. Cohésion au moment du groupe de
travail du fait des échanges que celui-ci induit mais aussi cohésion du fait de la diffusion
dans le service du résultat de cette réflexion commune sur l’outil et son utilisation limitant
les disparités d’utilisation de l’outil.
Ces actions en faveur de la cohésion d’équipe menées par le cadre présentent aussi
l’intérêt de favoriser la proximité du cadre avec son équipe, proximité qui peut être mise
à mal par l’outil informatique. En effet, si l’équipe est mise à l’épreuve du fait de
l’utilisation d’APPI, épreuve à laquelle le cadre se doit de répondre au nom du bon
fonctionnement du service, les rapports hiérarchiques sont eux aussi soumis aux effets de
l’applicatif.
38
CHAPITRE 2 L’INCIDENCE D’APPI DANS LES RAPPORTS
HIÉRARCHIQUES
A l’instar de toutes relations, les rapports hiérarchiques sont sujets aux incidences des
outils informatiques. Ainsi, un délitement du lien hiérarchique peut être constaté (I)
devant être pris en compte par le DPIP (II).
I. LE DELITEMENT DU LIEN HIERARCHIQUE INDUIT PAR L’OUTIL INFORMATIQUE
L’incidence d’APPI sur la relation hiérarchique se constate tant sur le sentiment de
contrôle ressenti par les agents (A) que sur la possible dématérialisation de la
communication entre DPIP et CPIP (B).
A- L’ambiguïté du sentiment de contrôle induit par APPI
Le regard direct de la hiérarchie sur les dossiers des CPIP qu’offre APPI présente la
double caractéristique d’être perçue à la fois comme un contrôle de leur travail (1) et un
filtre rassurant (2).
1) Une visibilité sur les actes vécue comme une source de contrôle
Le processus de validation des rapports permet un contrôle du l’encadrement sur les
écrits transmis au JAP. Le DPIP joue alors le rôle d’intermédiaire entre CPIP et juge,
mettant fin à « l’union libre avec les magistrats » (Estelle, CPIP) qui existait auparavant.
Cependant, la seule validation des rapports ne saurait expliquer le sentiment de contrôle
accru né de la création d’APPI. A celle-ci s’ajoute la visibilité directe sur l’ensemble du
dossier de la PPSMJ offerte aux cadres par l’applicatif. En effet, ce dossier leur est
accessible en quelques clics et ce, sans que le CPIP n’ait à jouer le rôle d’intermédiaire
dans la transmission desdites données voire même sans que ce dernier ne soit en mesure
de le savoir. C’est pourquoi, Alexia Jonckeere qualifie le logiciel SIPAR utilisé par les
agents de probation belge de « panoptique numérique »74. L’architecture panoptique du
logiciel qui « domine l’agir des travailleur sociaux »75 est une référence au modèle
74 De Larminat X., La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 170 75 Jonckheere A., L’accompagnement socio-judiciaire saisi par l’informatique en Belgique, op. cit., p. 352.
39
architectural d’établissements pénitentiaires développé par Jérémy Bentham en vertu
duquel les personnels de surveillance peuvent accomplir leur tâche sans être vus de celui
qui est surveillé. APPI permet de même et développe « un redoutable pouvoir de
domination » sur les agents qui « pensent être surveillés à travers le dispositif
informatique mais […] n’en n’ont pas la confirmation »76. Ce sentiment de contrôle
doublé de la crainte d’être sanctionnés conduit les agents à s’autocontrôler77 ou à
restreindre les informations enregistrées, privilégiant la relation de confiance avec la
PPSMJ nécessaire au suivi sur la potentielle surveillance opérée par la hiérarchie78. Au-
delà du contrôle, la transparence qu’offre APPI sur le travail des agents est aussi un gage
de réconfort et de sécurité pour ces derniers.
2) Un double regard rassurant pour les CPIP
« La validation des rapports qui s’est généralisée et est rendue obligatoire permet de
sortir le CPIP de l’isolement et de le protéger par une responsabilité affichée du cadre »
(Sophie, DPIP). Ainsi, la transparence qu’offre le logiciel sur le travail des CPIP est aussi
perçue comme rassurant dans la mesure où ce dernier permet un double regard sur le suivi
et un transfert de responsabilité du CPIP au cadre. Ces deux éléments ressortent des
entretiens réalisés auprès de CPIP. « La transmission des rapports a mis fin à l’isolement
total dans la prise en charge, il y a maintenant un double regard et aussi un appui en cas
de soucis avec le JAP » (Estelle, CPIP) ; « La visibilité et la validation sont rassurantes.
L’intermédiaire du cadre est une couverture pour les agents en cas de difficultés »
(Karine, CPIP) ; « La validation ne me donne pas un sentiment de flicage mais une
garantie » (Katie, CPIP) ; « Au début [avec la validation], le contrat de confiance entre
le CPIP et la hiérarchie a été écorné mais en fin de compte c’est une source de confort.
On obtient un soutien du cadre en cas de difficultés techniques et parfois, elle nous
signale des questionnements qui ont pu nous échapper » (Delphine, CPIP).
Ainsi, APPI contribue à renforcer le sentiment de contrôle des agents sur leur travail
du fait de la visibilité offerte sur les actes accomplis, leur qualité et fréquence. Ce
sentiment est néanmoins ambigüe en ce que ce dernier est tout à la fois dénoncé et
76 Idem 77 Idem 78 De Larminat X., La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 170
40
rassurant pour les CPIP. En outre, de l’utilisation d’APPI apparait le risque d’une
dématérialisation de la communication entre DPIP et CPIP.
B- Le risque d’une dématérialisation de la communication
La dématérialisation est l’action par laquelle une chose est rendue immatérielle,
dépouillée de sa matière concrète79. En matière de communication, la dématérialisation
est rendue possible par le recours aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la
Communication (NTIC) qui transforme les supports matériels en supports informatiques.
Si l’informatique à l’image d’APPI se met au service des échanges, il est néanmoins
nécessaire de porter une attention toute particulière à certains de ses effets sur ceux-ci. En
effet, l’outil informatique peut induire une communication faussée (1) ou encore une
distance relationnelle entre locuteur et interlocuteur (2).
1) La qualité de la communication entre DPIP et CPIP amoindrie.
La notion de communication est indissociable de celle des nouvelles technologies.
Ainsi, la création de nouveaux outils dans le domaine privé ou professionnel vise à assurer
une meilleure communication entre les individus grâce à leurs fonctionnalités. La
communication électronique s’est largement développée dans les services qu’il s’agisse
du recours au courriel ou encore à des dispositifs internes à l’image d’APPI (notes,
commentaire du supérieur hiérarchique…). Néanmoins, la communication ne saurait se
réduire à cette communication électronique. D’autres éléments entrent en compte à partir
du moment où derrière le terme de communication il y a ceux d’échange, de partage et de
relationnel80. Ainsi, les échanges entre CPIP et DPIP apparaissent incomplets voire même
parfois faussés par le recours à l’outil informatique. D’une part, l’écrit fait fi des autres
formes de langages auxquelles la communication fait appel tels que le langage corporel81.
Sans certains de ces éléments, la communication est faussée et la qualité de la relation en
pâtie. En effet, en communication il ne faut pas oublier un point essentiel : un décalage
existe souvent entre ce qui veut être dit, ce qui est dit et ce qui est entendu. Dans le temps
de l’échange oral, cette différence d’interprétation peut être rapidement perçue et le
79 Larrousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais 80 Silva F. et Ben ali A., Emergence du travail collaboratif : nouvelles formes d’organisation du travail, Management &
Avenir, n°36, 2010, p. 354. 81 Ibid, p. 358.
41
discours évolue en conséquence afin de mettre fin au malentendu. Cela est bien plus
difficile dans le cadre d’un échange électronique. En cela, l’informatique apparait comme
« un média pauvre »82 dans le sens où seul ce qui est écrit est transmis sans que le ton ou
le comportement ne soit perçu par l’autre. Ceci peut alors être source d’incompréhension
et à terme porter atteinte à la qualité de la relation hiérarchique. D’autre part, l’efficacité
de la communication repose aussi sur des temps de réflexion, de reformulation et de prise
de recul ; autant d’éléments absent de la communication via les outils informatiques. Les
outils informatiques tels qu’APPI offrent une connexion permanente entre ses utilisateurs
de sorte que ces derniers se retrouvent dans « l’urgence de l’instant »83, laissant penser
que tout doit se faire immédiatement et instantanément dès l’information reçue. Or, la
communication suppose un « temps de respiration »84 là où le temps du numérique est
celui de l’immédiateté. Par conséquent, l’utilisation de l’informatique dans les relations
hiérarchies influe sur la communication entre CPIP et DPIP en ce que cette dernière ne
prend pas en compte l’ensemble de ses composantes et la temporalité nécessaire à celle-
ci. Outre la qualité de la communication, APPI a une incidence sur sa forme et sa
fréquence en ce qu’il concourt à l’apparition d’une distance relationnelle.
2) La distance relationnelle induite par l’outil
Du fait de l’outil informatique, les relations interpersonnelles peuvent désormais se
faire sans rencontre physique que les individus soient proches (dans un même service, à
un même étage) ou éloignés (dans des antennes différentes). Ainsi, les relations
managériales apparaissent de plus en plus virtuelles. « Avec APPI, la communication
autour des rapports concernant les dossiers passe désormais principalement par l’outil
informatique… C’est efficace et frustrant parfois. Ce que j’entends par frustrant c’est que
l'outil APPI a réduit drastiquement les contacts directs, humains avec le cadre. Nous
sommes tous retranchés derrière nos ordinateurs pour communiquer.... Il n’y a plus de
communication directe, d’échanges autour des dossiers» (Judith, CPIP). La virtualisation
des relations entre cadre et équipes peut aussi conduire à une dépersonnalisation desdites
relations. « L’inconvénient d’APPI c’est la dépersonnalisation des relations si le cadre
n’échange plus avec le CPIP » (Lisa, CPIP). En effet, l’utilisation de l’outil informatique
82 De La Rupelle G., Kalika M., Messagerie électronique et relation hiérarchique : union parfaite ou mariage impossible ?,
Management & Avenir, n°30, 2009/10, p. 63. 83 Silva F. et Ben Ali A., op. cit., p. 358. 84 Idem
42
rend pour certains la relation avec le cadre moins personnelle et personnalisée, l’échange
ne se faisant pas en face-à-face manquant ainsi de spontanéité, de convivialité85 et parfois
d’individualisation. Réduisant la relation directe avec le cadre, l’outil informatique
favorise l’apparition d’un sentiment d’isolement chez les agents et d’une proximité
insuffisante avec le cadre86.
Ainsi, « la distance cadre-CPIP est possible avec APPI, il ne faut pas faire l’économie
d’une conversation » (Katie, CPIP). Cette distance se déduit de la dématérialisation de la
communication rendue opérante du fait de l’outil informatique et qui joue tant sur la
qualité de la communication que sur les relations entre DPIP et CPIP.
Sentiment de contrôle du cadre et dématérialisation de la communication peuvent
résulter de l’utilisation d’APPI au sein du SPIP. Au regard de ces différentes éléments, il
apparait qu’APPI est un facteur possible de délitement du lien hiérarchique. Il revient
alors au cadre qu’est le DPIP d’agir en conséquence afin d’en amoindrir les effets.
II. LE ROLE DU DPIP DANS LE MAINTIEN DU LIEN AVEC L’EQUIPE : DU VIRTUEL A
L’ACTUEL
En vue de limiter l’effet d’éloignement induit par l’outil informatique dans le cadre
des relations hiérarchiques, il revient au DPIP d’utiliser cet espace virtuel comme un
espace d’échange et de collaboration (A) et de répondre à la virtualité des relations par sa
présence physique dans le service (B).
A- L’outil informatique comme espace d’échange et de collaboration
Outil de supervision (1), APPI est aussi et avant tout un outil au service de l’action
managériale des DPIP (2)
1) APPI, un outil de supervision évident
Il est impossible de nier la fonction de contrôle qu’offre APPI au cadre. Le contrôle
offert est multiforme et trouve à s’exprimer tant sur le plan du travail individuel des CPIP
que sur l’activité collective du service. S’agissant du caractère multiforme du contrôle, il
85 De La Rupelle G., Kalika M., Messagerie électronique et relation hiérarchique : union parfaite ou mariage impossible ?,op.
cit., p. 64. 86 Ibid, p. 63-64
43
apparait que ce dernier peut prendre trois formes. Ainsi, Alexia Jonckeere associe à la
domination induite par l’outil développée précédemment (I-A-1) les fonctions de
vérification et de surveillance87. Dans le cadre de la vérification, le logiciel permet de
« s’assurer que le travail réalisé correspond au travail prescrit »88. S’agissant de la
surveillance, elle correspond à la fois à celle des personnes et à celle des agents. Ainsi,
« APPI permet un contrôle du travail effectué par l’agent : nombre d’entretiens,
déplacement et lieu de tenue des entretiens…» (Sophie, DPIP). Les différentes
potentialités qu’offrent le logiciel en matière de contrôle (agenda, fiche synthétique
relatant l’activité par agent…) permet au cadre de disposer d’éléments objectifs et
concrets sur lesquels fonder son autorité89. Le contrôle ainsi opéré est légitime et entre
dans les fonctions du cadre de proximité qu’est le DPIP. « Que mon chef contrôle mon
travail je trouve ça plutôt normal voire rassurant » (Judith, CPIP).
Cependant, il revient au DPIP de s’interroger tant sur l’organisation dudit contrôle
que sur son contenu. En effet, « la validation de la hiérarchie c’est parfois lourd. Ça
suppose une bonne organisation notamment des absences du DPIP. Il faut un cadre qui
valide tous les jours et que ce soit bien communiqué aux équipes » (Karine, CPIP). « Dans
le service, il n’y a qu’un cadre qui valide les rapports. Ça peut poser problème surtout
en cas d’urgence » (Katie, CPIP). Dès lors, il appartient au DPIP ou à l’équipe
d’encadrement d’établir une organisation claire et précise communiquée aux équipes pour
que le contrôle exercé se fasse dans les meilleures conditions (identification du cadre,
remplacement de ce dernier en cas d’absence, procédure en cas d’urgence de
transmission…). S’agissant du contenu du contrôle, il apparait important que le DPIP
prenne en compte à la fois les attentes attachées à l’écrit professionnel que sont les
rapports (neutralité, objectivité, clarté, concision du propos, véracités des informations et
cohérence du contenu) et celles du rédacteur. « Le cadre porte la responsabilité du
service, il est normal qu’il en contrôle les actes qui sont faits, dont les écrits. Cela montre
aussi qu’il s’intéresse à notre travail. Mais il faut que cette validation soit faite
intelligemment : s’il s’agit de ne corriger que les fautes d’orthographe comme j’ai pu le
voir, c’est assez réducteur du travail de CPIP » (Lisa, CPIP). En outre, « le rapport, c’est
un temps T du suivi. Le DPIP est distant du dossier ; il y a un monde entre le CPIP et le
87 Jonckheere A., L’accompagnement socio-judiciaire saisi par l’informatique en Belgique, op. cit., p. 351. 88 Idem 89 De Larminat X., Thèse, op. cit., p. 171.
44
DPIP dans le suivi » (Katie, CPIP) et « dans le contrôle il y a un problème de
connaissance de la personne pour le DPIP, il n’a pas la continuité de regard sur sa
situation » (Karine, CPIP). Il s’agit là d’éléments que le DPIP doit avoir à l’esprit lors du
contrôle exercé sur les écrits des agents.
Ainsi, APPI apparait comme un outil de supervision de l’activité du service et de ses
agents. Cependant, le réduire à cela revient à nier qu’APPI est aussi un instrument de
collaboration et d’échange au sein du service en ce que ce dernier est aussi un support à
l’action managériale.
2) APPI, un support à l’action managériale
L’action du DPIP suppose au préalable que ce dernier établisse un diagnostic de la
situation, diagnostic qui répond à la nécessité de comprendre avant d’intervenir. APPI est
alors une aide non négligeable à l’action du cadre en ce que celui-ci offre un support à
son action managériale tant au niveau individuel qu’au niveau du service. D’un point de
vue individuel, APPI offre une visibilité sur les actions des CPIP. Cette visibilité n’est
pas uniquement source de contrôle mais peut permettre au cadre d’échanger avec le CPIP
sur son travail. « La validation des rapports est aussi le support d’un échange sur les
situations individuelles qui peut s’accompagner d’un recadrage du CPIP, et permet un
apport sur le plan technique » (Sophie, DPIP). Au niveau du service, APPI offre au DPIP
les éléments nécessaires à la mise en œuvre de son action managériale tant s’agissant de
l’organisation et le fonctionnement du service que des actions menées à l’égard des
PPSMJ. Ainsi, « APPI permet au chef d’avoir une connaissance de notre travail et de
nos difficultés et après d’adopter la politique du service » (Estelle, CPIP) et APPI offre
« une meilleure connaissance du DPIP du travail fait par les équipes » (Lisa, CPIP). De
plus, grâce à l’applicatif, « le cadre ne s’éloigne pas du public, des PPSMJ et reste en
lien avec elles » (Delphine, CPIP). Ce lien avec les PPSMJ permet au DPIP de connaitre
les caractéristiques de la population pénale suivie et ainsi de déterminer les actions et les
axes de travail devant être développés au sein du service afin de garantir la prise en charge
des PPSMJ concernées.
Faire d’APPI un espace d’échange et de collaboration entre DPIP et CPIP est
nécessaire mais reste néanmoins insuffisant face aux effets de l’informatique sur le lien
45
hiérarchique. A cela doit s’ajouter une présence physique du cadre en réponse à la
virtualité des rapports.
B- La présence physique du cadre comme réponse à la virtualité des
relations
Face à l’insuffisance des échanges virtuels assurés par APPI (1), le DPIP se doit
d’assurer sa présence physique au sein du service (2).
1) L’insuffisance des contacts virtuels au sein du service
Outil de travail des PIP, APPI facilite les échanges entre les différents utilisateurs.
Mais, il apparait important que ce dernier ne vienne pas se substituer à la relation humaine
au risque que la relation hiérarchique revêt le caractère d’une relation virtuelle90. Le
maintien d’une relation interpersonnelle physique entre l’équipe d’encadrement et les
CPIP est primordial dans la vie d’un service. « Le DPIP doit favoriser les échanges oraux
et éviter d’utiliser APPI comme moyen de régler des comptes ou d’ignorer son équipe. Je
fais référence au volet « Commentaire du supérieur hiérarchique » pour lequel l’usage
doit être fait avec parcimonie en respectant la forme et en préférant un échange oral au
préalable » (Sophie, DPIP). Ainsi, APPI ne doit pas servir de remparts à l’échange en
face-à-face. En effet, toutes situations ne sauraient se résoudre derrière un ordinateur.
L’outil est alors insuffisant pour transmettre une information à la fois fiable, crédible et
claire à la personne91. Au-delà de l’insuffisance de l’outil face à certain évènements, il
convient d’éviter que ce dernier ne se transforme en seul moyen d’échange entre le DPIP
et son équipe de sorte qu’apparaissent une forme de virtualité des relations hiérarchiques
et le sentiment d’une hiérarchique hors d’atteinte voire absente. Le DPIP se doit d’assurer
sa présence physique dans le service, point souligné par les CPIP : « Il faut veiller à ce
que l’outil ne devienne pas une barrière. La présence physique du cadre est importante »
(Katie, CPIP) ; « Il faut maintenir l’échange, la discussion qu’on doit avoir sur une
situation avec les collègues, les partenaires mais aussi le cadre que ce soit à l’écrit ou à
90 Kudzia S.,APPI : les effest de l’informatisation sur le travail des JAP et des SPIP, op. cit, p. 65 91 Silva F. et Ben AliI A., op. cit., p. 362.
46
l’oral. Cela fait partie de la vie du service. L’informatique est une aide car le transfert
des données est plus rapide mais la disponibilité du cadre doit rester » (Karine, CPIP).
2) La nécessaire présence physique du DPIP
Afin d’assurer sa présence physique auprès de son équipe, le DPIP dispose de
plusieurs outils prenant la forme de temps d’échanges informels ou formels avec les
membres du service.
S’agissant des échanges informels, il revient au cadre de laisser apparaitre sa
disponibilité et de favoriser des rencontres autres que dans le cadre d’un entretien formel
dans le bureau du DPIP. Ainsi, « l’importance de la relation humaine s’exprime parfois
par des gestes simples comme voir la porte du cadre ouverte » (Delphine, CPIP). Outre
la disponibilité, le DPIP doit favoriser des contacts informels qui privilégient la libération
de la parole et contribuent à une plus grande convivialité entre CPIP et DPIP. Garantir
ces temps de rencontres peut prendre plusieurs formes tels que saluer l’ensemble de
l’équipe le matin en faisant le tour des bureaux ou encore participer aux moments de
convivialité telle que la pause méridienne, le temps d’une pause-café ou des journées de
convivialité organisées.
S’agissant des contacts formels, il peut être intéressant de mettre en place des
« procédures internes » complétant des actes pouvant se faire par simples échanges
virtuels à travers APPI. Ainsi, à titre d’exemple, certains services ont mis en place une
rencontre entre le DPIP et le CPIP dans le cadre d’une demande de modification des
horaires de placement sous surveillance électronique. Le CPIP fait alors une présentation
de la situation de la PPSMJ, de sa demande et expose son avis sur la modification. Le
DPIP peut alors poser directement les questions lui permettant d’éclairer sa décision quant
à l’octroi ou non de la modification. S’instaure alors un échange entre le CPIP et le cadre,
échange plus facile, direct et plus riche que par le biais d’APPI. De même, certaines
instances de travail en commun peuvent être créées. Tel est par exemple le cas de la
Commission d’attribution des secours mis en place dans le SPIP de notre enquête suite à
la réflexion menée par un groupe de travail. Cette commission est chargée de se prononcer
sur l’attribution de certaines aides (demande de paiement d’un billet de train, dépassement
du montant de 150€ d’aides cumulées sur l’année…). Celle-ci se compose du DPIP, du
régisseur ou de son représentant et de deux CPIP, un étant membre du groupe de travail
47
et l’autre le CPIP référent de la personne demandant l’aide en question. Cette commission
permet au CPIP d’exposer une situation et de sortir de son isolement dans le suivi du fait
de la discussion qui s’engage entre les différents participants.
L’introduction d’APPI dans les SPIP a des incidences sur les relations entre les
membres composant les services. Ainsi, les effets inhérents à la technologie que sont les
effets d’éloignement et de proximité tendent à s’exprimer dans les relations entre CPIP et
dans celles entretenues entre DPIP et CPIP. La connaissance de ces effets et plus
particulièrement le risque d’éloignement résultant de l’utilisation d’APPI permet au DPIP
d’agir en vue, non pas d’en annuler les effets, mais d’en amoindrir les conséquences sur
le fonctionnement du service et les liens entre ses membres. Si APPI a des incidences sur
les relations internes au SPIP, il en est de même dans les relations avec l’extérieur et
notamment avec le service d’application des peines.
48
PARTIE 3
APPI DANS LES RELATIONS AVEC LE SERVICE D’APPLICATION DES
PEINES
APPI entend favoriser la communication entre le SPIP et le service d’application des
peines (SAP). Cependant, cet outil connait certaines limites réduisant les avantages
procurés par l’applicatif dans les rapports entre SAP et SPIP. Ainsi, APPI apparait comme
un remède limité à la rupture géographique entre les services (Chapitre 1) et est source de
distance entre eux du fait de la variabilité du partage des informations (Chapitre 2).
CHAPITRE 1. APPI COMME REMÈDE LIMITÉ À LA RUPTURE
GÉOGRAPHIQUE
Depuis la sortie des SPIP des locaux des Tribunaux de grande instance, APPI apparait
comme l’outil de communication privilégié entre le SPIP et le SAP. Cependant, la réponse
qu’apporte ici APPI reste limitée (I) nécessitant l’intervention du DPIP comme source de
lien entre les deux services (II).
I. L’OUTIL INFORMATIQUE COMME REPONSE MESUREE A LA DISTANCE PHYSIQUE
Si APPI offre une réponse à l’éloignement physique entre SPIP et SAP (A) c’est au
prix d’un éloignement relationnel entre les services (B).
A- Eloignement géographique vs. lien informatique
La distance physique entre les deux services du fait de la délocalisation des SPIP (1)
trouve ses effets amoindris du fait du lien informatique garanti par APPI (2).
1) La délocalisation des SPIP
La création des SPIP par le décret du 13 avril 199992 s’est accompagnée d’une
modification de la localisation géographique des services. Avant 1999, les services de
probation français se compose de deux entités : les services socio-éducatifs des
92 Décret n°99-276 du 13 avril 1999 modifiant le Code de procédure pénale et portant création des services pénitentiaires
d’insertion et de probation, JORF n°87 14 avril 1999, p. 5478
49
établissements pénitentiaires intervenant en milieu fermé et les comités de probation et
d’assistance aux libérés en charge du milieu ouvert (CPAL). Ces derniers, créés par
l’ordonnance du 23 décembre 1958, sont placés sous l’autorité du Juge d’application des
peines (JAP) et intégrés aux locaux des juridictions de sorte qu’ils apparaissent comme
« une émanation des tribunaux »93. Malgré la reconnaissance des CPAL comme service
de l’administration pénitentiaire94, leur « insertion fonctionnelle au sein des tribunaux »95
demeure. Il faut attendre 1999 pour qu’apparaissent une forme d’autonomie des services
de probation français tant sur le plan institutionnel que géographique. Sur le plan
institutionnel, les JAP ne sont plus au sommet de la hiérarchie des CPAL, sommet partagé
depuis 1986 avec les directeurs de probation. Cette dyarchie a laissé place à une hiérarchie
monocéphale au profit du directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation96.
A cette rupture hiérarchique s’adjoint une rupture géographique. En effet, les SPIP
quittent l’enceinte des tribunaux pour occuper leurs propres locaux. La distance physique
introduite par la délocalisation des SPIP des tribunaux a profondément modifié les
rapports entre SPIP et SAP. En effet, la communication directe et personnelle entre les
agents du SPIP et les membres du SAP permise par le partage des locaux s’avère
considérablement réduite. C’est dans ce cadre que l’outil informatique qu’est APPI gagne
en intérêt comme outil de communication.
2) Les apports d’APPI face à l’éloignement physique
« Dans les rapports au JAP, l’outil informatique est une réponse à l’éloignement
géographique depuis qu’on n’est plus dans les mêmes locaux » (Estelle, CPIP). APPI
apparait comme une véritable réponse à la distance physique entre le SPIP et le SAP,
deux services interdépendants dans l’application des peines. Il est alors le lien
informatique présent en lieu et place du lien physique dû au partage des mêmes couloirs
d’autrefois et répond au besoin de connexion permanent entre les deux services. APPI
présente plusieurs avantages dont celui d’être au-delà d’un outil de travail commun aux
deux services centralisant les données relatives aux personnes, un véritable moyen de
communication entre eux. La connexion entre le SAP et SPIP se fait grâce aux divers
93 De Larminat X., La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 80 94 Décret n°86-462 du 14 mars 1986 modifiant certaines dispositions du Code de procédure pénale et portant création des
comités de probation et d’assistance aux libérés, JO 16 mars 1986, p. 4290. 95 Ibid, p. 84. 96 Devenu Directeur fonctionnel des services pénitentiaires d’insertion et de probation en
50
outils de communication que sont le courrier, le téléphone, le fax et le courriel. Mais,
APPI présente l’avantage d’un outil combinant à la fois des fonctionnalités de
communication et de travail réduisant l’éloignement géographique à une peau de chagrin
dans le cadre du suivi des personnes. Ainsi, l’applicatif est un outil de communication
entre les métiers du SPIP et du SAP qui permet un échange d’informations à travers les
notes partagées ou encore la case « commentaire du JAP » présent sur les rapports
transmis. Au regard des autres modes de communication susvisés, APPI présente certains
avantages en terme de temporalité, de fluidité, de traçabilité et d’accessibilité des contacts
entre les services. En effet, les échanges à travers APPI sont quasi-immédiats pour les
différents acteurs de l’application des peines. En outre, ces derniers sont enregistrés dans
le dossier de la personne et conservés dans le dossier de la PPSMJ. La traçabilité offerte
ici présente un intérêt tout particulier dans des professions marquées par un fort turn-over
des professionnels en raison duquel une même personne peut, au cours d’une même peine,
être suivie par différents JAP ou CPIP. La conservation des échanges permet alors
d’assurer la continuité du suivi.
Ainsi, les fonctionnalités d’APPI font de ce logiciel un outil de communication
réduisant les barrières spatiales induites par l’externalisation des SPIP des TGI. Le lien
informatique entre les services apparait alors comme une réponse à l’éloignement
géographique. Cependant, une attention particulier doit être portée au fait que ce lien
informatique peut se coupler avec un éloignement relationnel entre les membres du SPIP
et du SAP.
B- Lien informatique vs. éloignement relationnel
Basé sur le numérique, le lien informatique induit par APPI reste un lien virutel. Ce
dernier agit dès lors sur les relations entre le SPIP et le SAP créant une distance
relationnelle en sus de la distance géographique. Cet éloignement s’explique par la
prééminence de l’écrit sur l’oral dans les relations entre ces deux services (1) aux risques
d’une dépersonnalisation des contacts (2).
1) La prééminence de l’écrit sur l’oral dans les relations SPIP-SAP
Le lien informatique induit par l’utilisation d’APPI fait de l’écrit le support
prépondérant des échanges entre les membres du SPIP et les magistrats là où auparavant
51
une discussion directe était quelquefois suffisante ou nécessaire. Suffisante car parfois
une simple communication informelle au détour d’un couloir peut être tout aussi efficace
qu’un écrit pour le suivi de la PPSMJ. « Ce qui pouvait être réglé sur place ce fait
maintenant par rapport. On est passé d’une culture de l’oral à une culture de l’écrit ;
l’éloignement ne permet plus la culture de l’oral » (Estelle, CPIP). Nécessaire car la
rencontre avec le magistrat permet d’exposer une situation complexe ou encore urgente
et d’échanger sur celle-ci. « Avec la délocalisation, on a perdu la possibilité d’exposer
une situation urgente dans le bureau du JAP » (Delphine, CPIP).
Ainsi, le lien informatique modifie les relations entre les deux services à partir du
moment où les discussions informelles ont laissé pour grande partie leur place aux canaux
officiels. L’utilisation de l’écrit dans les échanges entre le SPIP et le SAP semble limiter
les rapports entre ces deux acteurs à de l’information et non de la communication.
Information et communication se distinguent de sorte qu’ « informer n’est pas
communiquer »97. En effet, la communication est plus complexe que l’information en ce
sens que « l’information, c’est le message, tandis que la communication, c’est la
relation »98. Selon Dominique Wolton, « plus d’informations diffusées plus rapidement
[…] n’augmente pas la communication et l’intercompréhension. […]. L’information est
devenue abondante, la communication rare. Produire de l’information, en échanger ou y
accéder ne suffit plus à communiquer »99. Or, les échanges via APPI s’apparente plus à
de l’information qu’à de la communication. En effet, ceux-ci prennent la forme de
contacts courts et précis sur la situation d’une PPSMJ. Il s’agit d’informations échangées
sur la personne. Dès lors, le moyen de communication qu’est APPI reste limité et ne tend
pas à la création d’un lien relationnel entre ses utilisateurs. Celui-ci favorise au contraire
une forme de distance relationnelle entre les membres des deux services. De même, la
prééminence de l’écrit peut être source de frustration ou de malentendus entre les
individus dans la mesure où les propos écrits sont parfois lapidaires et l’interprétation de
ces derniers se fonde sur la seule lecture d’écrits dépourvus de toute forme d’indices liés
à la communication non verbale guidant l’interprétation de celui qui les reçoit. Aux
conséquences de la prééminence de l’écrit dans la relation entre les services s’adjoint un
risque de dépersonnalisation des contacts.
97 Wolton D., Informer n’est pas communiquer, Malebranche : CNRS Edition, 2009, 147 p. 98 Ibid, p. 11 99 Ibid, p. 17-18.
52
2) Le risque d’une dépersonnalisation des contacts
Le lien informatique mis en place nie une part importante des relations de travail entre
collaborateurs : celle de la connaissance de l’autre. Cette connaissance ne saurait se
fonder sur les seuls contacts numériques assurés par la voie d’APPI. L’échange à travers
l’outil n’est pas celui établi entre des individus mais entre des fonctions : entre CPIP et
JAP. L’identification des interlocuteurs ne se fait pas et les individus sont dans
l’impossibilité de mettre un visage sur un nom. A termes, cela accentue la
dépersonnalisation des contacts. « L’écrit n’offre pas la même visibilité, il n’y a pas
d’interaction avec les personnes. APPI ne permet pas de connaitre les professionnels du
SPIP » (Delphine, CPIP).
De plus, APPI comme outil d’échange principal entre SPIP et SAP a des effets
équivalents sur le lien relationnel entre les membres de ces deux services à ceux
développés en amont dans le cadre de la relation entre DPIP et CPIP100. Ainsi, la
dématérialisation de la communication engendrée par APPI tend à la virtualisation des
relations entre PIP et magistrats. Or, les rapports interindividuels dématérialisés sont
lourds de conséquences sur la relation avec autrui qu’ils modifient profondément du fait
de la perte des subtilités construisant les liens sociaux entre les individus101.
Ainsi, les relations entre SPIP et SAP ont été profondément modifié par le décret
de 1999. La rupture physique induite par la réforme entre les services a été pour partie
palliée par la technologie facteur d’effacement des barrières espace/temps. Néanmoins,
cette réponse numérique à la distance physique connait des limites car à la proximité
informatique s’oppose un éloignement relationnel entre les deux services. Or,
l’interdépendance du SPIP et du SAP dans le suivi des personnes nécessite une forme de
proximité entre eux poussant le DPIP à être vecteur de lien entre ces deux services.
II. LE DPIP VECTEUR DE LIEN ENTRE LE SPIP ET LE SAP
« L’outil informatique ne peut fonctionner sans la relation humaine. Il n’est qu’un
outil au service du professionnel» (Lisa, CPIP). Il est important que le DPIP œuvre en
direction de cette relation humaine en réponse à l’éloignement relationnel induit par APPI
100 Partie 2, Chapitre 2, I. B. 2 101 Silva F. et Ben Ali A., Emergence du travail collaboratif, op. cit., p. 367.
53
et ce au travers des rencontres physiques entre le SPIP et le SAP (A) qui peuvent prendre
différentes formes (B).
A- L’importance des rencontres physiques entre PIP et membres du SAP
Le lien informatique assuré par APPI est insuffisant à l’efficacité du suivi des PPSMJ.
A la proximité virtuelle engendrée par l’outil doit s’adjoindre une proximité concrète à
travers des rencontres directes et personnelles entre les membres qui composent les deux
services. « Les rencontres physiques avec les juges restent importantes » (Delphine,
CPIP). L’intérêt de ces interactions interpersonnelles physiques se fonde sur plusieurs
éléments.
D’une part, les échanges en face-à-face permettent aux personnes de se connaitre et
de se reconnaitre. « On se connait toujours mieux en vrai qu’au travers d’un téléphone
ou d’un ordinateur » (Judith, CPIP). Or, l’identification de l’interlocuteur est un élément
important dans la réception d’un message notamment dans le cadre de contacts
quotidiens. « L’échange et la communication verbale restent importante de même que de
se voir. Ça permet de faire tomber des barrières » (Katie, CPIP). Ainsi, sur le terrain, à
l’occasion d’une rencontre entre une greffière du SAP et une CPIP, celles-ci ont exprimé
leur joie de « mettre enfin un visage sur un nom et une voix » qu’elles entendent
quotidiennement.
D’autre part, ces rencontres sont l’occasion d’échanges non formalisés par la rigueur
du cadre informatique. Elles permettent ainsi d’aborder de vastes sujets nécessaires à
l’articulation des actions des deux services dans le cadre du suivi des personnes. La
richesse de l’échange oral en face-à-face n’a pas d’égal dans le monde virtuel tant dans
la spontanéité des échanges que dans leur souplesse. « Je n’y ai vu que des avantages
[dans l’utilisation des outils informatiques dans les relations avec le SAP], si ce n’est que
cela a fait quasiment disparaitre les rendez-vous dans le bureau du JAP qui jadis se
pratiquaient et qui avait leur intérêt dans la mesure où on se dit les choses différemment
en direct et peut-être même des choses différentes » (Judith, CPIP). De même, ces
rencontres peuvent permettre de faire le point sur d’éventuelles incompréhensions ou
tensions entre les services voire même de les prévenir. « En discutant on se rend plus
compte des difficultés de chacun. Au cours de la dernière réunion avec les JAP on a pu
voir le double discours souvent tenu par les PPSMJ qui rejette la faute sur le SPIP devant
54
le JAP et sur le JAP devant le CPIP ou encore parler des contraintes de chaque service,
de mesurer la charge de travail de chacun, nos problèmes d’organisation…
L’informatique ne remplace pas ça » (Delphine, CPIP).
B- La mise en œuvre des rencontres entre le SPIP et le SAP
Vecteur de lien entre le SPIP et le SAP, le DPIP se doit d’assurer la visibilité de son
service auprès de ce dernier en allant au-delà des contacts quotidiens permis par APPI.
La concertation entre les acteurs de l’exécution et de l’application des peines se fait
notamment par l’intermédiaire de réunions institutionnelles telle que la conférence
semestrielle sur le développement des aménagements de peine et des alternatives à
l’incarcération au niveau des Cours d’appel et de la commission d’exécution des peines
à l’échelon des TGI. Néanmoins, ces réunions institutionnelles ne sauraient à elles seules
assurer une forme de proximité entre SPIP et SAP. Afin de pallier à l’insuffisance des
rencontres institutionnelles, le DPIP peut organiser des temps de rencontres formelles
avec le SAP sous la forme de réunions. Il peut s’agir, tout d’abord, de réunions
d’articulation sur l’organisation et le fonctionnement des services. Tenues de manière
annuelle, celles-ci regroupent le parquet, les membres du SAP, magistrats et greffiers,
ainsi que ceux du SPIP (personnels d’insertion et de probation et personnels
administratifs). Ces réunions sont alors l’occasion de faire un point sur l’organisation des
services et d’articuler les interventions des services dans le respect des dispositions
légales102. De plus, favoriser les contacts entre le SAP et le SPIP peut prendre la forme
de réunions en formation restreinte. Ainsi, des rencontres peuvent être organisées entre le
secrétariat du SPIP et les greffiers du SAP : « des réunions régulières entre greffières et
secrétariat de l’antenne sont un moyen de maintenir des contacts réguliers nonobstant
l’usage quotidien d’APPI et les contacts par courrier ou téléphone » (Sophie, DPIP). De
même, « J’ai vu dans certains services des réunions mensuelles avec le JAP pour évoquer
les suivis posant des difficultés ou des points de droits sur lesquels les CPIP s’interrogent
ou encore des réunions pour évoquer des dossiers qui doivent faire l’objet d’un
102 A titre d’exemple, une réunion de ce type a eu lieu lors de notre présence sur le terrain. Ont alors été abordés l’organisation
des services (réorganisation des cabinets du SAP, départ de personnels ou de juge…), les échanges d’informations entre les
services notamment l’utilisation des notes partagées et du fax, la délégation des modifications horaires des placements sous
surveillance électronique, la continuité de la prise en charge entre le milieu fermé et le milieu ouvert ou encore la question du
certificat médical dans le cadre d’une TIG et son délai de validité.
55
aménagement de peine rapidement, en vue d’une intégration en formation par exemple)
avant d’envisager le hors débat » (Lisa, CPIP). En outre, le DPIP peut prendre l’initiative
d’organiser sur le modèle des groupes de travail au sein d’un service, des réunions de
travail avec les magistrats portant sur un thème nécessitant un travail associant les deux
services. Tel est le cas sur le lieu de notre enquête où « deux réunions de travail sont
projetées sur des thèmes particuliers, une avec les médecins coordinateurs et les JAP sur
le suivi socio-judiciaire et l’autre sur l’injonction thérapeutique » (Sophie, DPIP).
D’autre part, il revient au DPIP de favoriser des temps d’échange avec le SAP prenant
des formes autres que des réunions entre les services. Ces contacts sont alors l’occasion
de faire connaitre concrètement les pratiques du SPIP dans le suivi des PPSMJ aux
magistrats. Ainsi, ces rencontres favorisent la connaissance mutuelle du rôle et du travail
de chacun et font naitre des temps de contact plus informel propice à l’échange. Outre
l’organisation de repas entre l’encadrement du SPIP et les JAP, il peut être intéressant
d’associer les magistrats au travail en réseau par la participation aux réunions avec des
partenaires ou encore « d’inviter les JAP à la mise en place d’une PSE ou encore d’un
poste TIG pour qu’ils apprennent à connaitre nos pratique » (Lisa, CPIP).
Le lien informatique entre SPIP et SAP garanti par APPI apparait comme un remède
à l’éloignement physique entre les deux services, mais un remède insuffisant en termes
de proximité relationnelle. En effet, les relations entre les services nécessaires à la mise
en œuvre de la peine ne sauraient se limiter aux seuls contacts numériques. Dès lors, il
appartient au DPIP d’agir afin de pérenniser le lien entre les deux services au-delà du
virtuel. Au-delà de cette distance relationnelle susceptible d’exister, APPI peut être
source de distance entre les services du fait de la variabilité du partage des données en
principe inhérent à APPI.
56
CHAPITRE 2. LA VARIABILITÉ DU PARTAGE DES DONNÉES SOURCE DE
DISTANCE
Outil de travail commun au SPIP et au SAP, APPI assure un partage de données sur
la PPSMJ entre les deux services. Cette circulation des informations garanti une forme de
proximité intellectuelle entre les services qui partagent un ensemble d’informations sur
une même personne. Cependant, ce partage rencontre certaines difficultés facteur de
confusion entre les services (I) poussant le DPIP à être vecteur de cohérence dans les
rapports SPIP-SAP à travers l’outil informatique (II).
I. LES DIFFICULTES TOUCHANT LE PARTAGE DES DONNEES ASSURE PAR APPI
SOURCE DE CONFUSION
L’échange d’informations entre les services est l’un des objectifs premiers d’APPI.
Ce partage de données connait néanmoins des limites liées à l’outil informatique (A) et
aux difficultés relatives à l’enregistrement des données (B).
A- Les limites techniques au partage de données entre SPIP et SAP
Conçu en vue de faciliter la communication entre acteurs pénitentiaires et judiciaires,
APPI assure notamment la centralisation des informations relatives au PPSMJ et leur
partage entre les différents acteurs de la chaine pénale. Cependant, si en principe le
partage de données innerve l’existence de l’application, en pratique, des limites liées à
l’outil lui-même apparaissent.
Dans le rapport Les services pénitentiaires d’insertion et de probation103 sont
identifiées les « limites aux échanges entre services d’application des peines et SPIP »104
parmi les dysfonctionnements d’APPI. Trois éléments sont alors mis en exergue.
Tout d’abord, la circulation des informations entre les deux services sont contraints
par « le nombre de caractères maximum autorisé dans les fenêtres de dialogue »105.
Ensuite, le rapport identifie comme limites aux échanges entre les services
l’impossibilité d’opérer un classement des informations transmises en fonction de leur
priorité ou d’une date butoir. L’absence de classement fait que l’ensemble des
103 Inspection générale des finances rapport n° 2011-M-021-04 et Inspection générale des services judiciaires rapport
n°43/2011, Les services pénitentiaires d’insertion et de probation, juillet 2011, 486 p. 104 Ibid, p. 9 105 Ibid, p. 26
57
informations sont transmises « à l’état brut sur la page d’accueil de l’utilisateur »106 et
sont alors véritablement noyées dans le flot de données transmises. Afin de pallier à ces
difficultés en cas d’urgence, le service émetteur de l’information double la
communication APPI par le recours à un autre moyen de communication tel que le
téléphone ou le fax. « APPI permet la fluidité des échanges entre nos deux services, mais
les bug sont fréquents. Des ajouts de communication téléphonique ou par note avec les
greffiers sont souvent nécessaire surtout en cas d’urgence. Les doublons sont fréquents »
(Katie, CPIP). Ces doublons représentent une perte de temps et d’énergie pour les agents
qui doivent multiplier les modes de communication pour transmettre une information.
Enfin, la dernière limite technique identifiée est l’impossibilité de numériser des
documents et de les adjoindre au dossier APPI. Ainsi, les documents tels que les
jugements ou encore les justificatifs, ne peuvent être introduit dans APPI et dès lors,
partagés entre les services par voie numérique. Cette communication nécessite là aussi un
doublon par envoi postal ou par fax, tâche chronophage et coûteuse pour le service
émetteur.
Interface privilégiée entre les SPIP et le SAP, APPI fait face à des contraintes
techniques limitant le partage de données entre ces deux services. A celles-ci s’adjoignent
des difficultés indépendantes de la structure même de l’outil informatique.
B- Les difficultés relatives à l’enregistrement des données
Le partage de données entre les services est tributaire d’un point essentiel : la saisie
desdites données dans APPI. Or, apparaissent ici des difficultés tant en raison de la
rétention d’informations (1) que du manque de coordination entre les services dans leur
enregistrement (2).
1) La rétention d’informations
La diffusion externe des informations saisies dans APPI peut avoir pour conséquence
la tentation pour leurs détenteurs de les conserver au détriment du partage des données.
Multiples, les raisons de cette rétention d’informations se fondent principalement sur
l’accès aux données offert aux magistrats. En effet, dans le cadre des dossiers papiers, les
106 Idem
58
agents « ont le sentiment d’avoir la maitrise de la circulation de l’information »107 dans
le sens où ces derniers décident de sa diffusion externe. Avec les dossiers informatisés,
les agents ne disposent plus de cette maitrise. L’outil permet à ses utilisateurs d’accéder
aux données saisies dans la limite de leurs habilitations sans pour autant que l’agent en
soit informé. Ne pouvant plus maitriser la diffusion de l’information, les personnels
peuvent néanmoins en contrôler le contenu. C’est pourquoi, se constate une forme
« d’autocontrôle » ou « d’autocensure »108 des agents en matière d’enregistrement des
informations relatives aux PPSMJ. « Lorsqu’on écrit dans APPI, on sait que l’information
peut être vue par les collègues, JAP, cadre…Le visu est plus immédiat et concerne
davantage de monde. J’y accorde davantage de vigilance. Le dossier papier permet
parfois de joindre des post-it pour indiquer un ressenti ou un avertissement sur la
dangerosité d’une personne à l’intention des collègues. Ce post it peut être enlevé alors
que l’écrit informatique reste » (Lisa, CPIP). L’absence de retranscription de ces
informations dans le logiciel se fonde sur divers éléments. Tout d’abord, la circulation
d’une donnée dépend de l’appréciation de sa valeur par celui qui la détient soit du fait de
savoir si sa transmission est nécessaire ou opportune dans le cadre du suivi de la
PPSMJ109. Ensuite, les agents de probation tendent à inscrire dans APPI les seules
données objectives évitant ainsi toute transcriptions d’éléments d’appréciation plus
subjectifs « dont eux seuls maitrise la signification réelle qu’eux seuls sont capables de
situer dans leur contexte»110. « Dans ce que j’inscris dans APPI, je reste très objective
alors que dans mes notes je mets mes impressions, mes interrogations… » (Karine,
CPIP) ; « Je ne mets absolument pas la même quantité d’informations dans mes notes et
dans les rapports. Je mets ce que j’ai envie de mettre. L’informatique est plus ouvert, plus
visible. Je mets les choses objectives, pas le ressenti et je conserve pour moi les
informations données sur la vie privée qui ne sont pas en lien avec la mesure » (Katie,
CPIP). La transmission des données purement objectives est alors une réponse à l’absence
de garantie sur l’interprétation des informations émises par celui qui le reçoit111. De plus,
l’autocensure des agents dans l’enregistrement des données s’explique aussi par l’idée
107 Chevalier G., Du dossier social papier au dossier social informatisé : quel outil pour quel métier ?, op. cit. p. 97 108 De Larminat X., La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 169. 109 Bergeaud E et autres., La maitrise des technologies dans le suivi des PPSMJ, un enjeu managérial pour le DPIP, op. cit,
p.67 110 De Larminat X., Ibid, p. 169 111 Razac O., Gouriou F. et Salle G, Les rationalités de la probation française, Cirap, mars 2013, p. 109
59
que la saisie de certains éléments est susceptible de porter griefs à la personne à partir du
moment où ils sont visibles par les autorités judiciaires. « Je ne transmets que ce qui peut
expliquer ou légitimer l’action du suivi. Je ne veux pas que certains éléments à un temps
T aient une incidence négative, préjudiciable pour la personne » (Katie, CPIP).
Ainsi, un paradoxe touche le partage des données induit par APPI. L’accès élargi aux
informations saisies permis par l’application est aussi à l’origine d’un appauvrissement
du contenu des dossiers du fait de la rétention de certaines informations par leurs
détenteurs. Cette rétention limite ainsi le partage de données entre SPIP et SAP, partage
aussi contrarié par le manque de coordination entre les services sur la saisie des données.
2) Le manque de coordination dans l’enregistrement des données
Une fois créé, le dossier de la PPSMJ contenu dans APPI se complète par
l’enregistrement de données supplémentaires réalisé tant par le SPIP que par le SAP.
Ainsi, le dossier APPI apparait comme « un socle commun » qui « s’enrichit séparément
à mesure des actions réalisées par les différents intervenants »112. Dès lors, pour que la
saisie des données dans le dossier APPI soit cohérente et ne souffre pas d’erreurs, il est
nécessaire que SPIP et SAP se coordonnent sur les modalités d’enregistrement desdites
informations. Or, tel ne semble pas être toujours le cas : « APPI est une trame que l’on
doit renseigner au niveau du SAP et du SPIP et ce n’est jamais fait de façon complète »
(Judith, CPIP) ; « Il faut qu’APPI soit bien renseigné au départ comme par exemple au
niveau de l’annuaire par le greffe du JAP. Des informations fidèles et bien soignées. Il
faudrait à terme un dossier APPI identique au dossier papier. Or, on manque de
renseignements sur le jugement ou encore le montant de l’indemnisation des victimes.
Mais, tout cela suppose de bien identifier qui rentre quoi dans le dossier APPI »
(Delphine, CPIP) ; « Sur l’enregistrement de ces informations qui fait quoi ? Qui
renseigne APPI ? A partir de quels éléments ? Il y a des onglets peu renseignés comme
les enfants ou encore le niveau d’étude. Qui remplit ces onglets, la SAP ou le SPIP ? Il y
a des mésententes entre les services. Par exemple certains estimerons que c’est au SAP
de faire les modifications et d’autres au SPIP » (Katie, CPIP). Ce manque de coordination
quant à l’enregistrement des données apparait comme une limite aux partages des
données, certaines restant alors dans le dossier papier conservé par chaque service.
112 De Larminat ,X. La probation en quête d’approbation, op. cit., p. 168.
60
L’absence d’entente est alors source de confusion dans le rôle de chacun de sorte que la
liaison informatique est plus encline à créer de la distance que de la proximité entre les
services.
Limites technologiques, rétention d’information et manque de coordination
contribuent à l’apparition d’une forme de confusion dans le partage des données permis
par l’outil et à limiter la proximité intellectuelle induite par ce dernier. Il revient alors au
DPIP de favoriser la cohérence des rapports entre SPIP et SAP dans la circulation des
données.
II. LE DPIP VECTEUR DE PARTAGE
Les relations fonctionnelles entre SPIP et SAP passent principalement par l’intermédiaire
d’APPI qui assure le lien entre les deux services géographiquement distants. Cependant,
ce lien reste dépendant du bon recours au logiciel par ces deux services, faute de quoi
celui-ci perd de sa pertinence. Afin de remédier à cette situation, le DPIP peut agir au sein
du SPIP en vue de garantir l’enregistrement des données par les CPIP (A). De même, il
revient au DPIP de participer à la recherche d’une coordination entre les services dans le
partage des données (B).
A- L’action du DPIP en faveur de l’enregistrement des données par les
CPIP
La variabilité du partage des informations entre le SPIP et le SAP dépend pour partie
des limites techniques de l’outil et des réticences des PIP dans le partage de certaines
informations. Il s’agit là d’évènements mettant à mal la fonction de centralisation et de
circulation des informations d’APPI auxquels le DPIP peut répondre.
S’agissant des limites techniques énoncées en amont, le DPIP n’a pas particulièrement
compétence pour agir en la matière. Nombre de ces limites ne peuvent être réglées au
niveau local mais dépendent de l’action de l’administration centrale. Cependant, le rôle
du DPIP n’est pas ici dénué de sens. En effet, si ce dernier ne peut agir sur les limites, il
peut néanmoins en être le témoin et le relais auprès des services compétents. « Ce que
j’attends du DPIP face à l’utilisation d’APPI c’est d’entendre et de faire remonter ce qui
est dit sur les difficultés engendrées par l’outil, d’être un relais » (Karine, CPIP). Il
61
revient au DPIP de démontrer à son équipe qu’il entend les difficultés rencontrées et
entend agir en conséquence. De même, outre la fonction de relais en vue d’obtenir des
solutions sur le plan national, le DPIP peut favoriser la création d’outils complémentaires
à APPI afin de palier auxdites limites.
En outre, l’absence de saisie de certaines données dans APPI est liée à la réticence des
CPIP du fait de la visibilité des informations offerte aux magistrats. Limiter cette
réticence est plus délicate. En effet, celle-ci repose sur la pratique professionnelle des
agents et leur appréciation de la pertinence d’enregistrer ou non certaines données
recueillies. Il revient ici au DPIP de sécuriser l’équipe sur la question de la visibilité et
de la circulation des données afin d’amoindrir ladite réticence au partage des
informations. Afin d’y parvenir, le DPIP peut, dans un premier temps, engager avec son
équipe une réflexion sur les écrits professionnels à travers un groupe de travail. Cette
réflexion commune, outre l’effet de cohésion d’équipe, permet aux professionnels de
s’interroger sur le contenu de leurs écrits et la pertinence de la transmission ou non de
certaines informations. Au-delà de ce travail commun sur la saisie des informations dans
les rapports à destination des magistrats, il revient au DPIP de sécuriser son équipe par la
voie de l’information. Celle-ci peut tout d’abord porter sur les limites de la visibilité des
données et des actes. En effet, la saisie d’informations dans APPI ne signifie pas
nécessairement que celles-ci sont accessibles aux magistrats. Ainsi, les informations liées
à la gestion de la mesure telle que les notes d’entretien ne sont consultables que par les
membres du SPIP. De plus, afin de réduire la réticence à la saisie des données dans APPI,
le DPIP se doit de réaffirmer le sens de cette saisie. En effet, nombre d’informations
mêmes personnelles au PPSMJ sont importantes pour le suivi et sa continuité. APPI est
garant de la continuité du suivi. Dès lors, la rétention de certaines informations met à mal
cette continuité dans la mesure où le CPIP n’a pas accès à l’ensemble des informations
dont il aurait besoin. En outre, l’enregistrement des données offre une traçabilité des actes
accomplis que le DPIP peut présenter comme une garantie pour les agents dans la mesure
où elle les met en capacité de faire état du déroulement du suivi en cas de difficulté.
Par-delà son action auprès des CPIP en vue de garantir un meilleur partage des
données, il revient au DPIP de participer à la coordination des actions entre SPIP et SAP
s’agissant de l’enregistrement des informations.
62
B- La coordination entre les services recherchée
Ainsi qu’énoncé précédemment, le dossier contenu dans APPI est partagé par le SPIP
et le SAP et est complété par les utilisateurs de chacun de ces services au fur et à mesure
de leurs actions. Dès lors, APPI suppose un minimum de coordination entre les services
afin d’éviter l’absence de saisie de données, chacun pensant qu’il revient à l’autre d’y
procéder, et l’apparition de tensions entre les services chacun rejetant la faute sur l’autre.
Ainsi, la recherche d’une coordination sur le rôle de chacun dans la saisie des données
personnelles relatives à la personne est nécessaire. « Une politique de service sur qui
remplit quoi en accord avec le SAP est nécessaire » (Katie, CPIP). Dès lors, le rôle du
DPIP est ici double : fixer avec le SAP le rôle de chaque service dans la saisie des données
et décliner cet accord dans son service.
La coordination de l’enregistrement des informations entre le SAP et le SPIP passe
par l’établissement de procédures et de protocoles entre les deux services fixant le rôle de
chacun dans cette phase. Ainsi, la note du 31 août 2007 relative aux préconisations
nationales sur l’utilisation de l’application informatique APPI encourage « la signature
de protocoles locaux entre le SPIP, la juridiction et le greffe […] afin de régler certaines
difficultés de fonctionnement entre ces différents services » parmi lesquels « la relation
entre le secrétariat du SPIP et le greffe en matière d’information et de correction des
champs non renseignés ou erronés sur les éléments judiciaires de la mesure… »113. La
formalisation de la tâche de chacun des services participe à la collaboration entre les
services en matière d’application des peines. En outre, cela tend à limiter les tensions
entre les services quant au rôle de chacun dans la création des dossiers et leurs
actualisation, ce qui à terme, participe au partage de données inhérents à APPI.
Une fois ces éléments fixés entre SAP et SPIP, il revient au DPIP de les communiquer
au sein de son service. Pour ce faire, ce dernier dispose de leviers managériaux distincts.
D’une part, le DPIP peut informer les agents de ce qui a été décidé dans le cadre de la
réunion de service. D’autre part, une diffusion écrite de cette procédure doit être
communiquée à l’ensemble des CPIP et au secrétariat par le biais d’une note de service
relatant les points fixés en accord avec le SAP. Cette communication écrite présente
113 Note du 31 août 2007 de la Direction de l’administration pénitentiaire, Préconisation nationales sur l’utilisation de
l’application informatique APPI
63
l’avantage de sa traçabilité dans le service et dans les rapports avec le SAP et permet aux
agents de s’y référer autant que nécessaire.
Le partage de données communes au SPIP et au SAP garantie une forme de proximité
intellectuelle entre les services. Néanmoins, celui-ci est tributaire des capacités
techniques de l’outil informatique et de l’enregistrement des données. Afin de limiter
cette variabilité du partage des données entre les services, il appartient au DPIP d’agir en
vue d’en amoindrir les effets. Ainsi, la proximité recherchée à travers APPI entre le SPIP
et le SAP n’apparait que partiellement atteinte.
64
CONCLUSION
Les incidences de la technologie sur les structures sociales et les individus sont
paradoxales. Ainsi, à ses effets facilitateurs s’adjoignent des effets contraignants. Cette
idée se constate dans la recherche de connexion entre les individus propre aux nouvelles
technologies de l’information et de la communication. Dès lors, la proximité recherchée
du fait d’une communication plus rapide, plus claire et défaite des contraintes spatiales
ainsi que d’une meilleure connaissance d’autrui se combine bien souvent avec une forme
d’éloignement relationnel induit par la frontière virtuelle que constitue la technologie.
Ces problématiques attachées à l’existence des technologies s’expriment au sein des SPIP
face à l’informatisation du suivi.
Tel est ainsi le cas avec APPI, applicatif indissociable de l’activité des SPIP. Le
phénomène de double effets induit par la technologie trouve à s’exprimer dans la vie du
service. Ce dernier se constate dans le suivi des PPSMJ assuré par les CPIP, dans les
relations au sein du service tant verticales qu’horizontales et enfin dans les rapports avec
le Service d’Application des Peines. Dans ces trois cas d’utilisation d’APPI, la proximité
engendrée prend plusieurs visages. Une proximité avec la PPSMJ, d’une part, du fait des
performances de l’outil mais aussi de la connaissance accrue de la personne engendrée
par la centralisation et le partage des données. Une proximité entre les CPIP, d’autre part,
grâce à l’utilisation d’un outil commun facteur de cohésion au sein du service. Une
proximité entre les CPIP et le DPIP, ensuite, notamment du fait de la visibilité sur les
actes parfois rassurante pour les agents en termes de responsabilité. Une proximité avec
le SAP, enfin, le lien informatique que représente APPI étant alors une réponse à
l’éloignement géographique entre les deux services. Néanmoins, APPI ne saurait se
limiter à cet effet de proximité de sorte qu’à celui-ci s’adjoint une forme de distance
inhérente à l’outil. Il s’agit, tout d’abord, d’une distance avec la PPSMJ due à une barrière
tant symbolique que matérielle introduite par APPI dans le suivi. Ensuite, qu’il s’agisse
des relations entre les CPIP, de celles avec la hiérarchie ou encore avec le SAP, APPI
engendre une virtualité des relations source de distance relationnelle entre les
interlocuteurs impropre au travail en commun. A cela s’ajoute, enfin, des difficultés en
65
terme de partage des informations entre les différents utilisateurs d’APPI soit en raison
de limites propres à l’applicatif soit du fait de son utilisation.
L’identification de ce double effet attaché à l’utilisation d’APPI n’a pas vocation à
conduire au rejet de l’applicatif, mais d’en étudier les contours afin d’en avoir conscience
et donc d’en prendre compte dans l’organisation et le fonctionnement du service. En effet,
l’introduction d’un outil informatique n’est pas neutre tant sur les relations humaines que
sur l’organisation d’un service. Maitriser les effets contradictoires d’APPI en termes de
proximité et d’éloignement dans la vie du service permet ainsi au DPIP d’agir en vue d’en
amoindrir les effets négatifs et d’en renforcer les effets positifs. En effet, si les effets
contradictoires de la technologie intrinsèques à cette dernière sont indéniables, le contexte
organisationnel et la façon dont les individus l’utilisent permettent d’en modérer les
incidences. Pour ce faire, il revient au DPIP d’agir au-delà de la seule question de la
maitrise de l’outil et de porter attention aux effets de ce dernier sur les habitudes et sur la
teneur des relations tant au sein du service que dans ses rapports extérieurs affectées par
son existence. Cela invite dès lors à une réflexion tant individuelle que collective sur
l’utilisation d’APPI et de ses effets au sein du service ainsi que les réponses à y apporter
en matière d’action managériale et de positionnement professionnel. L’ensemble de ces
actions du cadre vise alors à apporter du concret face à l’essor de la dématérialisation
dans le monde de la justice.
66
BIBLIOGRAPHIE
I. OUVRAGES
CHEVALIER G., Les services sociaux à l’épreuve de l’informatique : de l’écrit à
l’écran, Issy-les-Moulineaux : ESF Editeur, coll. Action sociale, 2000, 145 pages
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WOLTON D., Informer n’est pas communiquer, Malebranche : CNRS Edition, 2009,
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II. THESES
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en milieu ouvert entre gestion des risques et gestion des flux, Thèse Université de
Versailles-Saint-Quentin, 2012, 518 p.
III. TEXTES, DOCUMENTS ET PUBLICATIONS OFFICIELS
A- Décret
DECRET n°99-276 du 13 avril 1999 modifiant le Code de procédure pénale et portant
création des services pénitentiaires d’insertion et de probation, JORF n°87 14 avril 1999,
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automatisé de données à caractère personnel dénommé « application des peines,
probation et insertion (APPI), JO 8 novembre 2011.
B- Circulaires
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d’interventions des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP)
CIRCULAIRE n°00860 du 8 novembre 2011 relative au diagnostic à visée
criminologique (DAVC)
C- Arrêté
ARRETE du 24 février 2003 portant création d’un système de gestion informatisée des
détenus dans les établissements pénitentiaires (GIDE)
67
D- Notes
NOTE du 31 août 2007 de la Direction de l’administration pénitentiaire,
Préconisation nationales sur l’utilisation de l’application informatique APPI
NOTE du 2 novembre 2012 relative au déploiement de GENESIS V1
E- Rapports
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DAVC et aux pratiques d’évaluation des personnes placées sous main de justice, 12
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INSPECTION GENERALE DES FINANCES rapport n° 2011-M-021-04 et
INSPECTION GENERALE DES SERVICES JUDICIAIRES rapport n°43/2011, Les
services pénitentiaires d’insertion et de probation, juillet 2011, 486 p.
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l’information et de la communication et travail social, Rennes : Éditions ENSP, coll.
Rapports du CSTS, Septembre 2001, 149 p.
IV. JURISPRUDENCE
A- Conseil d’État
CE n° 355624 arrêt du 11 avril 2014
B- Commission nationale de l’informatique et des libertés
DELIBERATION n° 2011-232 du 21 juillet 2011 portant avis sur le projet de décret
en Conseil d’Etat portant création d’un traitement automatisé de données à caractère
personnel dénommé « application des peines, insertion et probation » (APPI), JORF
n°0259 du 8 novembre 2011.
C- Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé
AVIS n°91, Avis sur les problèmes éthiques posés par l’informatisation de la
prescription hospitalière et du dossier du patient, 2 mai 2006
AVIS n°104, Le « dossier médical personnel » et l’informatisation des données de la
santé, 29 mai 2008
68
V. ETUDES DOCTRINALES ET ARTICLES
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pour quel métier ?, Revue française des affaires sociale, vol.1, 1999, p. 93-104.
DE LARMINAT X., La technologie de mise à distance des condamnés en France. La
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JONCKHEERE A., L’accompagnement socio-judiciaire saisi par l’informatique en
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NAYEBI J-C., Conséquences psychiques des nouvelles technologies, Cerveau & psycho,
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Directeur pénitentiaire d’insertion et de probation, ENAP, 2011, 79 pages
KUDZIA S., APPI : les effets de l’informatisation sur le travail des juges de ‘application
des peines et des services d’insertion et de probation, Mémoire Master 2 Droit de
l’exécution des peines et des droits de l’homme, Bordeaux IV, Pau, 2011, 56 pages
PORTOLA C., La technologie au service de la continuité du service entre le milieu
fermé et le milieu ouvert, Mémoire de recherche et d’application professionnelle, 5ème
promotion de Directeur pénitentiaire d’insertion et de probation, ENAP, 2013, 63 pages.
VII. SITES INTERNET
A- Intranet
Site intranet de la DAP, GENESIS, présentation du projet, 5 août 2013.
B- Internet
Centre national des ressources textuelles et lexicales : http://www.cnrtl.fr/
Larrousse : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais
VIII. VIDEOS
SERRES M., Intervention sur l’ouvrage La petite poucette, Felletin 17e journée du livre,
10 août 2012, www.youtube.com/watch?v=OsKEs1US3dg
70
ANNEXES 1
Questionnaire CPIP
L’informatisation du suivi des PPSMJ :
1- L’outil informatique a-t-il une incidence sur le suivi ?
2- Quels sont selon vous les apports d’APPI dans le suivi des PPSMJ ?
3- Quels sont selon vous les inconvénients d’APPI dans le cadre du suivi des
PPSMJ ?
4- Considérez-vous que les applicatifs permettent une meilleure connaissance de la
personne suivie ? Pourquoi ?
5- J’ai vu dans les salles d’audience des ordinateurs. Les utiliser vous lors de vos
entretiens ? Pourquoi ?
6- Mettez-vous la même quantité d’information dans APPI que dans vos notes
manuscrites ? pourquoi ?
7- A terme, pensez-vous que la dématérialisation des dossiers soient envisageable,
possible ou encore opportune ?
8- Quelles améliorations apporteriez-vous aux outils actuels ?
L’informatique et l’organisation du service :
Relations DPIP/CPIP
1- Quels changements pouvez-vous identifier dans les rapports établis entre la
direction et les CPIP depuis l’introduction d’APPI ?
2- Quelles sont selon vous les incidences de l’utilisation d’APPI dans les rapports
entre CPIP et DPIP ? (avantages et inconvénients)
3- L’introduction d’APPI et de la validation des rapports par le DPIP a été parfois
vécue comme une forme de contrôle opéré par le cadre sur le travail des CPIP ?
Quelle est votre opinion sur ce point ?
Relation entre les CPIP
1- Pensez-vous que l’utilisation d’APPI ait une incidence sur les rapports entre les
CPIP, est –il facteur de cohésion ou est-il susceptible de scinder l’équipe ?
Pourquoi ?
L’outil informatique et la relation SPIP/SAP
1- Quels avantages ou inconvénients voyez-vous dans l’utilisation des outils
informatiques dans le cadre des relations avec les services d’application des
peines ?
2- Selon vous, comment pourrait-on maintenir ou améliorer la communication avec
le SAP ?
71
ANNEXE 2
Questionnaire DPIP
APPI et les CPIP
1. Quels sont selon vous les avantages et les inconvénients de l’outil informatique
pour le travail des CPIP et notamment pour le suivi ?
2. Pensez-vous que l’utilisation d’APPI ait une incidence sur les rapports entre les
CPIP, est –il facteur de cohésion ou est-il susceptible de scinder l’équipe ?
3. Quelles démarches le DPIP peut-il entreprendre face aux effets de l’outil
informatique dans les rapports entre les CPIP ?
APPI et les rapports entre CPIP et DPIP
1. Quels changements pouvez-vous identifier dans les rapports établis entre la
direction et les CPIP depuis l’introduction d’APPI ?
2. Quelles sont selon vous les incidences de l’utilisation d’APPI dans les rapports
entre CPIP et DPIP ? (avantages et inconvénients)
3. Quel peut être le rôle du DPIP face aux effets de l’outil informatique sur les
rapports entre le DPIP et les CPIP ?
APPI et la relation au Service d’application des peines
1. Quels avantages ou inconvénients voyez-vous dans l’utilisation des outils
informatiques dans le cadre des relations avec le service d’application des peines ?
2. Comment en tant que DPIP pensez-vous qu’il soit possible de conserver un lien
avec le SAP au-delà de l’utilisation de l’outil informatique ?
3. Comment en tant que DPIP pensez-vous que nous pouvons maintenir ou améliorer
la communication avec le SAP ?
72
TABLE DES MATIÈRES
PARTIE 1 L’UTILISATION D’APPI PAR LE CONSEILLER PENITENTIAIRE D’INSERTION ET
DE PROBATION .................................................................................................................. 6
Chapitre 1 L’optimisation relative du suivi due À APPI ............................... 6
I. L’outil informatique comme aide au suivi ........................................................ 6
A- Les performances de l’outil informatique au service du suivi .................... 7
1) Le gain de temps ...................................................................................... 7
2) L’uniformisation et l’harmonisation des pratiques ................................. 8
3) Le stockage des informations .................................................................. 9
B- La connaissance accrue de la personne suivie permise par APPI ............. 11
1) La centralisation des données ............................................................... 11
2) Le partage des données ......................................................................... 12
II. L’outil informatique et les potentiels freins au suivi ...................................... 13
A- Les difficultés inhérentes à l’outil informatique ....................................... 14
1) La rigidité du cadre informatique ......................................................... 14
2) Les contraintes de la technologie .......................................................... 15
B- Les difficultés liées à l’utilisation d’APPI ................................................ 16
1) L’objectivisation des données insuffisante au suivi .............................. 17
2) L’incidence de l’outil sur la proximité avec le cas ............................... 18
Chapitre 2 Entretien et APPI : une association délicate ? ............................ 20
I. Une utilisation diversifiée d’APPI dans le cadre des entretiens ..................... 20
A- L’absence de recours à APPI dans le cadre des entretiens........................ 20
1) L’absence de prise de note pendant l’entretien ..................................... 20
2) La faveur envers le manuscrit ............................................................... 21
B- L’usage hétérogène d’APPI au cours des entretiens ................................. 22
1) Un usage différencié en fonction de la nature de l’entretien ................ 22
2) Un usage différencié en fonction des pratiques .................................... 23
II. L’ordinateur, un écran entre le CPIP et la PPSMJ .......................................... 23
A- L’outil informatique, un écran matériel .................................................... 24
1) La présence physique de l’ordinateur ................................................... 24
2) La dynamique de l’entretien faussée par le recours à l’informatique .. 24
B- L’outil informatique, un écran symbolique ............................................... 25
1) La triangulation de la relation .............................................................. 25
2) Un frein à la relation ............................................................................. 26
73
PARTIE 2 L’UTILISATION D’APPI AU SEIN DU SERVICE ................................................ 28
Chapitre 1 L’incidence d’APPI dans les rapports inter-agents ...................... 28
I. L’équipe à l’épreuve de l’outil informatique .................................................. 28
A- L’outil informatique facteur de cohésion .................................................. 28
1) L’appartenance à un service favorisé par APPI ................................... 28
2) Le partage inter-agent favorisé par APPI ............................................. 29
B- L’outil informatique facteur de division dans l’équipe ............................. 30
1) Le défaut de maitrise de l’outil informatique ........................................ 30
2) Les réticences à l’utilisation de l’outil .................................................. 31
II. Le rôle du DPIP dans l’utilisation d’APPI au sein du service ........................ 32
A- L’accompagnement des agents vers l’appropriation de l’outil informatique
33
1) L’accompagnement en vue de la maitrise d’APPI ................................ 33
2) L’accompagnement en vue de l’utilisation d’APPI par les agents ....... 34
B- La cohésion recherchée face aux incidences de l’outil informatique ....... 35
1) La nécessaire cohésion d’équipe ........................................................... 35
2) Les actions du cadre en faveur de la cohésion d’équipe. ...................... 36
Chapitre 2 L’incidence d’APPI dans les rapports hiérarchiques ................... 38
I. Le délitement du lien hiérarchique induit par l’outil informatique ................. 38
A- L’ambiguïté du sentiment de contrôle induit par APPI ............................ 38
1) Une visibilité sur les actes vécue comme une source de contrôle ......... 38
2) Un double regard rassurant pour les CPIP .......................................... 39
B- Le risque d’une dématérialisation de la communication........................... 40
1) La qualité de la communication entre DPIP et CPIP amoindrie. ......... 40
2) La distance relationnelle induite par l’outil .......................................... 41
II. Le rôle du DPIP dans le maintien du lien avec l’équipe : du virtuel à l’actuel
42
A- L’outil informatique comme espace d’échange et de collaboration ......... 42
1) APPI, un outil de supervision évident ................................................... 42
2) APPI, un support à l’action managériale ............................................. 44
B- La présence physique du cadre comme réponse à la virtualité des relations
45
1) L’insuffisance des contacts virtuels au sein du service ......................... 45
2) La nécessaire présence physique du DPIP ........................................... 46
PARTIE 3 APPI DANS LES RELATIONS AVEC LE SERVICE D’APPLICATION DES PEINES 48
Chapitre 1. APPI comme remède limité à la rupture géographique ............... 48
74
I. L’outil informatique comme réponse mesurée à la distance physique ........... 48
A- Eloignement géographique vs. lien informatique ..................................... 48
1) La délocalisation des SPIP .................................................................... 48
2) Les apports d’APPI face à l’éloignement physique .............................. 49
B- Lien informatique vs. éloignement relationnel ......................................... 50
1) La prééminence de l’écrit sur l’oral dans les relations SPIP-SAP ....... 50
2) Le risque d’une dépersonnalisation des contacts .................................. 52
II. Le DPIP vecteur de lien entre le SPIP et le SAP ............................................ 52
A- L’importance des rencontres physiques entre PIP et membres du SAP ... 53
B- La mise en œuvre des rencontres entre le SPIP et le SAP ........................ 54
Chapitre 2. La variabilité du partage des données source de distance ................ 56
I. Les difficultés touchant le partage des données assuré par APPI source de
confusion ................................................................................................................. 56
A- Les limites techniques au partage de données entre SPIP et SAP ............ 56
B- Les difficultés relatives à l’enregistrement des données ........................... 57
1) La rétention d’informations ................................................................... 57
2) Le manque de coordination dans l’enregistrement des données .......... 59
II. Le DPIP vecteur de partage............................................................................. 60
A- L’action du DPIP en faveur de l’enregistrement des données par les CPIP
60
B- La coordination entre les services recherchée ........................................... 62
Conclusion .................................................................................................................. 64
75
RÉSUMÉ
Omniprésente dans la société contemporaine, la technologie l’est aussi dans les services
de l’Etat. S’agissant des Services Pénitentiaire d’Insertion et de Probation, l’applicatif
APPI occupe une place centrale dans le travail des membres du service. Or, outil
informatique, APPI est soumis aux mêmes incidences que toute technologie, incidences
souvent marquées par un effet miroir. Ainsi, à la proximité recherchée à travers la
technologie s’oppose parfois une forme de distance. Ce paradoxe se retrouve dans
l’utilisation d’APPI au sein des services en ce que l’applicatif introduit proximité et
éloignement tant dans les relations entre les utilisateurs d’APPI (CPIP, DPIP et SAP) que
dans le suivi des Personnes Placées Sous Main de Justice (PPSMJ). Constaté l’existence
de ce double effet dans l’utilisation d’APPI permet au Directeur Pénitentiaire d’insertion
et de Probation de le prendre compte dans l’organisation et le fonctionnement du service
afin d’en limiter les conséquences négatives et de favoriser les incidences positives.
Mots-clés
Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation, APPI, Technologie, Proximité,
Eloignement,