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Master 2 / SIDIE / Année 2010-2011TRANSCRIPT
Le conflit du Sri Lanka & le Droit international humanitaire – Master 2 SIDIE – 2011
DIH & Sri Lanka Katia AZAÏS ⧸ Application du droit au conflit Mathieu D.⧸ Qualification juridique du conflit Guillaume LORIN ⧸ Lacunes du DIH au conflit, mise en page
1 8 a v r i l 2 0 1 1 ⧸ V e r s i o n d é f i n i t i v e
Master 2 – Sécurité internationale, Défense et intelligence économique / 2010 - 2011
Le conflit du Sri Lanka & le Droit international humanitaire – Master 2 SIDIE – 2011
Le conflit du Sri Lanka & le Droit international humanitaire – Master 2 SIDIE – 2011
Table des matières
PREAMBULE 4
T ITRE I ⧸ Qual if icat ion jur id ique 8
A ⧸ Qualification juridique des parties combattantes 9
1 . Position du Gouvernement Sri lankais 2 . Position des Tigres tamouls
B ⧸ La qualification des institutions internationales 11
1 . Position de l’ONU 2 . Position du CICR 3 . Position de la doctrine
C ⧸ Les enjeux géopolitiques du conflit sri-lankais 14
TITRE I I ⧸ Appl icat ion du Droit internat ional 16
A ⧸ Détermination des normes applicables 17
B ⧸ Les violations des règles applicables 19
TITRE I I I ⧸ Les lacunes du DIH au confl i t 21
A ⧸ Humanitaire 23
1 . Les IDP, entre transition et reconstruction 2 . Le déminage humanitaire 3 . Les enfants soldats
B ⧸ Judiciaire 26
1 . Le laxisme des autorités 2 . Une certaine idée de l’intervention humanitaire
C ⧸ Des actions résolues ? 27
BIBLIOGRAPHIE 29
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Préambule e conflit au Sri Lanka est un des conflits les plus vieux du continent asiatiques, opposant principalement le LTTE1, groupe armé appelé également tigres tamouls et le gouvernement du Sri Lanka. Ce conflit dura prés de trente ans et se termina en
2009 avec la défaite militaire des Tigres tamouls et la mort de leur chef, Velupillai PRABHAKARAN. Ce conflit est à la base un conflit ethnique qui s'est développé dans un contexte croissant de tensions économiques. De 1815 à 1948, le Sri Lanka est une colonie britannique, et durant cette période, le colonisateur a favorisé la minorité tamoule pour gouverner.
Dans les semaines qui suivirent l'indépendance, les Cinghalais, ethnie majoritaire, ont entendu reconquérir les postes de pouvoir en vue de former un État unitaire avec une minorité tamoule s'élevant à 35% de la population. Dès 1950, le Gouvernement cinghalais mettait en place des lois discriminantes, notamment sur le plan linguistique et politique favorable uniquement à la majorité cinghalais. Face à cette discrimination, les Tamouls ceylanais étaient pour la création d'un
État séparé du Sri Lanka et les tamouls indiens pour une intégration nationale avec un soutien britannique.
La Constitution de 1978 fut un texte de compromis, établissant le cinghalais comme langue du Sri Lanka tout en conservant le tamoul comme une des langues nationales et langue de l'administration dans les provinces tamoules, au Nord et à l'Est.
Au vu des inégalités économiques croissantes, le Front Uni de Libération des Tamouls développe peu à peu des revendications toujours plus importantes, aboutissant à la création d'un État indépendant. Le LTTE entend dominer ce mouvement coalisé et prend le chemin des armes dés 1981. Le
LTTE représente une armée très structurée, et bénéficie au début du conflit du soutien de la majorité des tamouls. Le LTTE lève des impôts sur les territoires qu'ils contrôlent, administrent, entrainent les différents corps de leur armée dans des camps et disposent d'une flotte qui lui permet d'infliger des défaites importante à la marine Sri lankaise. Le LTTE dispose également de submersibles, d'ateliers de réparation pour leur flotte. Ce mouvement est le premier à commettre des attentats suicides en utilisant des femmes. Près de 220 attentats seront commis par les Tigres contre les militaires, les populations cinghalaises mais également les Tamouls modérés. L'assassinat du ministre des affaires étrangères sri-‐lankais Lakshman KADIRGAMAR d'ethnie tamoule l’illustre fort bien.
1 Liberation Tigers of Tamil Eelam
L
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En 1987, après l'échec d'une opération militaire majeure contre le LTTE et avec l'implication de l'Inde qui alimente la rébellion en armes, le Gouvernement du Sri Lanka accepte un plan de paix proposé par l'Inde, ainsi qu’une force de paix indienne d'interposition. Ce plan de paix prévoit principalement la délégation de compétences aux provinces tamoules. Mais très rapidement, la force de paix indienne est prise à partie par le LTTE qui refuse tout compromis et s'en prend à l'Indian Peace Keeping Force. Sur les 50 000 militaires indiens, environ 1500 y trouveront la mort et ce conflit sera considéré comme le Vietnam indien. Suite à cette défaite et avec l'assassinat de Rajiv GHANDI en 91 par un extrémiste tamoul, l'Inde se range peu à peu du coté du gouvernement du Sri Lanka, en sous-‐mains pour ne pas heurter sa province du Tamil Nadu à majorité tamoule.
En Février 2002, la Norvège tente une médiation et un plan de paix mais celui-‐ci échoua en raison notamment de la décision de l'UE de considérer les Tigres tamouls comme un mouvement terroriste. A partir de ce moment-‐là, les grandes puissances se rangent du côté du Sri Lanka, en armant le gouvernement ou en le finançant. Le tsunami de 2004 affaiblit la rébellion tamoule en détruisant en partie sa flotte et son effectif.
En parallèle, la lutte déchire le pays et les forces en présences n'hésitent pas à commettre des exactions dont sont directement victimes les populations civiles. L'extrémisme du LTTE est de plus en plus mal perçu par les populations tamouls et le pouvoir que le mouvement exerce se traduit par un autoritarisme, des recrutements forcés pour alimenter l'armée du LTTE, etc. En 2009, la lutte prend fin avec la chute des Tigres tamouls, aujourd'hui, le Sri Lanka se projette difficilement vers l'avenir en prônant une réconciliation et compte sur sa prospérité économique et ses richesses pour rebondir.
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TITRE I ⧸ QUALIFICATION JURIDIQUE
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Le conflit qui opposa la minorité tamoule au gouvernement légitime du Sri Lanka dura prés de trente ans. De par cette durée, le statut juridique de ce conflit a évolué en fonction des différents intervenants.
Chacun des acteurs du conflit à une position différente au sujet de la nature juridique, cette position est en grande partie du aux intérêts que défendent les acteurs en présence.
A ⧸ Qualification juridique des parties combattantes
1 ⧸ Posit ion du gouvernement Sri lankais
Au début du conflit le gouvernement du Sri Lanka considère qu’il fait face à un mouvement séparatiste qui vise à la sécession d’une partie du territoire du Sri Lanka. Après une médiation norvégienne et une intervention indienne ayant échoué, le gouvernement se radicalise en prenant plusieurs lois discriminantes à l’égard de la minorité tamoule. Il considère ensuite le mouvement armé tamoul comme une organisation terroriste qu’il combat en vue d’unifier son territoire et de le pacifier. La tendance du gouvernement s’oriente à considérer le conflit avec les tamouls comme un conflit interne, qui ne concerne que le Sri Lanka. C’est notamment la position du Sri Lanka à l’ONU qui sera d’ailleurs suivi par plusieurs autres États2. Les conventions de Genève ne peuvent ainsi s’appliquer en cas de CANI excepté certains principes tel que l’article 3 commun qui ont pu acquérir une valeur coutumière. En ce cas le DIH aura du mal à s’appliquer en cas de conflit interne et surtout au terrorisme. Néanmoins malgré une inapplication partielle du DIH considérée par le gouvernement, si celui entend privilégier le statut de CANI et de trouble intérieur, en ce cas c’est davantage les droits de l’homme qui vont devoir venir s’appliquer en vertu de lois coutumières mais également de la charte des Nations Unies ratifiée par le Sri Lanka. A cet égard le Sri Lanka devra respecter les droits de l’homme en fonction des instruments internationaux ratifiés tel que la charte ou la convention des droits de l’enfant.
La position du Sri Lanka a reçu l’aval de l’ONU3 mais également des plus puissants États qui ont eux-‐mêmes pu faire pression sur d’autres tel que l’UE. De plus, le gouvernement assume pleinement sa politique de guerre totale4 envers les tigres tamouls et la considéré comme la plus « vaste opération de secours humanitaire au monde ».
2 ⧸ Posit ion des t igres tamouls
Les Tigres tamouls quant à eux se considèrent comme un mouvement de libération ayant pour revendication principale l’autonomie de la partie Nord Est de l’ile du Sri Lanka représentant l’Eelam Tamoul. Les Tamouls défendent ainsi un droit à l’autodétermination. Ils représentent un mouvement à deux facettes, d’un coté un groupe extrêmement organisé, aux des moyens considérables digne d’une armée5, disposant d’une administration des territoires sous son contrôle ; d’un autre côté un groupe aux méthodes terroristes (attentats suicides sur tout le territoire du Sri Lanka6, utilisation de boucliers humains ou d’enfants soldats). Les Tigres tamouls se rapprochent,
2 http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=23085&Cr=Lanka&Cr1 3 http://tatun.unblog.fr/2009/04/22/lonu-‐exige-‐que-‐les-‐tigres-‐tamouls-‐deposent-‐les-‐armes/ 4 http://www.rtl.be/info/monde/international/241893/le-‐sri-‐lanka-‐rejette-‐les-‐appels-‐internationaux-‐a-‐arreter-‐la-‐guerre 5 http://blog.multipol.org/post/2009/01/30/ANALYSE-‐%3A-‐Sri-‐Lanka-‐retour-‐sur-‐lanatomie-‐du-‐conflit-‐a-‐lheure-‐dune-‐possible-‐victoire-‐de-‐larmee 6 http://conflits.revues.org/index2103.html
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d’une armée organisée et bénéficieraient à ce titre du statut de combattant. Ils avaient en effet le contrôle et l’effectivité sur un territoire, quand, en plus, cette partie de l’ile avait été historiquement une colonie tamoule. Les Tamouls, qui levaient des impôts sur les territoires administrés, avaient une armée avec notamment une marine de guerre ou certains groupes d’élites tels que les tigres noirs.
Les considérations des deux parties ont un impact géopolitique important en fonction de la qualification juridique du conflit.
En effet, en se considérant comme un mouvement de libération nationale, les Tigres tamouls invitent tout Etat voulant apporter son soutien à leur mouvement. Selon le Droit international le principe de non ingérence ne joue pas lors des guerres de libération nationales et tout État peut en théorie aider ce type de mouvement. C’est ce que fera notamment le Pakistan en alimentant la révolte tamoule en armements, histoire d’handicaper la politique indienne dans ce secteur. Par ailleurs les conflits de ce type bénéficient logiquement de la protection des conventions de Genève applicables logiquement pour les conflits armés internationaux. De plus, cette dénomination a tendance a internationaliser le conflit ce qui faciliterait l’intervention des ONG et de certains programmes humanitaires des Nations Unies. Cela alerte également les journalistes et reporters qui sont censurés par le gouvernement Sri Lankais.
Le statut de mouvement de libération nationale impose également des obligations internationales en vertu du droit international humanitaire.7 Pour accroitre leur crédibilité, ces mouvements peuvent s’engager à appliquer le DIH comme le précise le 1er protocole de 1977 à son article 96 §3 si la lutte est menée conformément à l’article 1 §4 c’est-‐à-‐dire ; « sont compris les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-‐mêmes…». Les deux conditions pour que cet engagement soit valable sont que l'État sur le territoire duquel combat le mouvement soit partie aux conventions et au protocole et que le mouvement adresse une déclaration écrite d’application des conventions. Mais si l'État n’est pas lié au protocole, cette déclaration ne produit logiquement aucuns effets juridiques. Certains dans la doctrine pensent qu’il faut différencier l’application des conventions de 1949 et l’application du protocole de 1977. En l'espèce, le Sri Lanka est partie aux conventions de Genève mais pas au 1er protocole. Sur la base de l’article 2 alinéa 3 commun aux conventions, il existe néanmoins une pratique d’acceptation de ces conventions par des mouvements de libérations reconnue par la majorité des États. Il faut savoir qu’un mécanisme similaire est prévu à l’article 7 §4b de la convention des Nations Unies de 1980 à laquelle est partie le Sri Lanka. Les Tigres tamouls auraient ainsi pu mettre en œuvre ces mécanismes. Plusieurs autres mouvements, tels le GPRA en 1960 ou l’OLP en 1969, illustrent des exemples d’adhésion formelle aux conventions. Ces adhésions ont par ailleurs été avalisées par le gouvernement Suisse dépositaire des conventions qui précisait que « la déclaration unilatérale d’application des 4 CG et du protocole additionnel 1 faite le 7 Juin 1982 par l’O.L.P demeure valable ». La doctrine et c’est notamment le sentiment du professeur Eric David considère que ces déclarations d’adhésion lient l’État partie aux CG si celui-‐ci ne conteste pas les précédents ni l’universalité des conventions. De plus, l'assemblée générale des Nations Unies a reconnu dans sa résolution 2105 le 20 décembre 1965 « la légitimité de la lutte que les peuples sous domination coloniale mènent pour l'exercice de leur droit à l'autodétermination et à l'indépendance..». Elle considère également que ces guerres sont des conflits armés internationaux auxquels s'appliquent les conventions de Genève, comme elle le précise dans sa résolution 3103 du 12 Décembre 1973.
Bien que le gouvernement ne soit pas exempt de reproches quant aux violations du DIH, il est apparu que les tigres tamouls malgré un statut revendiqué de mouvement de libération n’ont pas hésité à utiliser les civils à plusieurs reprises au cours du conflit. On peut citer pour exemple, le recrutement d’enfants soldats après le Tsunami de 20048, l’utilisation de la population comme boucliers humains ou plus novateur encore, l’utilisation de l’eau comme un enjeu important du conflit,9 les Tamouls ayant eu un monopole sur de nombreuses ressources en eau lors de leur lutte.
7 Principes de droit des conflits armés, E. DAVID, p.238 -‐ p.247, BRUYLANT 2008. 8 http://www.hrw.org/en/news/2005/01/13/sri-‐lanka-‐child-‐tsunami-‐victims-‐recruited-‐tamil-‐tigers 9 http://www.ritimo.org/dossiers_pays/asie/sri_lanka/srilanka_eco.html
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Ils n’ont pas hésité à tarir les ressources en eau des agriculteurs en aval de leur territoire pour faire pression sur le Gouvernement10.
B ⧸ La qualification des institutions internationales
1 ⧸ Posit ion de l ’ONU
A l’ONU plusieurs résolutions ont été déposées à l’encontre du Sri Lanka et des crimes commis sur le territoire. Ces résolutions illustrent les positions des différents États. L'ONU estimait que la situation au Sri Lanka était un conflit armé11. Néanmoins, le Sri Lanka et les pays non alignés défendaient que ce conflit était strictement interne et qu’il ne regardait que le Sri Lanka. Les États européens quant à eux ne niaient pas cette dénomination et considéraient que devait s’appliquer les droits de l’homme et également le DIH. Cette vision des choses a évolué lorsque l’UE a suivi la ligne directrice des USA selon laquelle les tigres devaient être considéré comme une organisation terroriste12. En l’occurrence une telle dénomination mettait en échec la médiation tentée par le bloc mené par la Norvège et décrédibilisait l’UE pour toute mission de médiation ou d’observateur. Cela confortait ainsi l’idée que ce conflit était un conflit interne et conduisait à l’indulgence de l’ONU envers le Sri Lanka13. L’exemple le plus flagrant est illustré par la session extraordinaire du conseil des Droits de l’Homme en Mai 2009 sous l’impulsion de la Suisse. Elle ne permit pas la délivrance d’une enquête pour les crimes commis durant le conflit. Il en déboucha finalement une résolution plus que clémente14 pour le gouvernement Sri lankais, appuyée par la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Arabie Saoudite ou encore Cuba15. La résolution confortait cette notion de conflit interne en mettant en avant les principes de non ingérence et d’intégrité territoriale.
Il faut également souligner que les tigres Tamouls ont grandement contribué à légitimer l’image du Sri Lanka en commettant de nombreuses exactions, en recrutant des enfants soldats16, en utilisant les attentats suicide pour répandre la terreur ou encore en prenant les civils comme boucliers humains17. Les deux parties sont allées clairement à l’encontre de plusieurs règles coutumières du DIH mais les intérêts géopolitiques ont primé.
2 ⧸ Posit ion du CICR
Le conflit du Sri Lanka est un conflit armé et non une situation de tension interne, en cela il répond aux deux facteurs caractérisant ce type de conflit à savoir, une certaine intensité, le gouvernement sri lankais devant mettre toutes ses ressources militaires pour combattre et vaincre les tamouls et deuxième critère, un combat contre un ennemi organisé en l’occurrence les tigres tamouls comme nous l’avons vu précédemment. Le CICR considère ce conflit comme un CANI et s’est proposé d’apparaitre neutre pour favoriser la protection des civils. Il a par ailleurs gagné la confiance des deux camps ce qui lui a permis d’exercer un rôle important auprès des populations, de
10 http://www.irenees.net/fr/fiches/documentation/fiche-‐documentation-‐408.html 11 Conseil de Sécurité de l'O.N.U., Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés, 3 Juin 2010. 12 Voir les décisions PESC du conseil 2011/70/PESC du 31 Janvier et 2010/386/PESC du 12 juillet 2010. 13 http://www.affaires-‐strategiques.info/spip.php?article1360 14 http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5i-‐ydZ6_yWSe-‐hmc7G8EbRoxztV-‐A 15 http://www.humanrights.ch/home/fr/Instruments/International/Conseil-‐des-‐droits-‐de-‐lhomme/idcatart_8805-‐content.html?zur=1045 16 http://www.amnesty.org/fr/region/sri-‐lanka/report-‐2009 17 http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/1999/442.htm
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jouer les rôles de médiateur, de créer des points de passage18, des corridors humanitaires …etc. On peut parler à ce titre de diplomatie humanitaire du CICR, privilégiant l'aide et le secours aux populations civiles.19
Cette position du CICR s’appuie sur l’article 3 commun aux conventions de Genève applicables au CANI et également sur son droit d’initiative humanitaire qui lui est reconnu par les statuts du mouvement international de la croix rouge et du croissant rouge. Il donne au CICR la possibilité d’établir des contacts avec des entités non étatiques sans leur conférer de statut juridique particulier.
Son rôle fut considérable même s’il ne disposa d’aucun accord clair avec le gouvernement sri lankais définissant son intervention. Pour chaque mission, celui ci devait en effet obtenir les autorisations des parties pour intervenir auprès des civils. Cela se traduisait notamment par des points de passage sécurisés, des corridors humanitaires dans l’intérêt des populations civiles. Le CICR accueille également et prend note des déclarations unilatérales de respect du DIH ou des groupes armés expriment leur souhait de respecter le droit notamment dans le but de légitimer leur revendication.20
Cette qualification de CANI également pour conséquence de lier les parties aux conflits par plusieurs dispositions si l'État sur le territoire duquel se déroule le conflit à ratifier les conventions ci après. Ainsi l’article 3 commun aux conventions de Genève est applicable, de même que l’article 19 de la convention de la Haye de 1954. En l'espèce, ces deux conventions ont été ratifiées par le Sri Lanka. S’applique logiquement le 2éme protocole de 1977, la convention de 1980 et l’article 8 §2 du statut de la CPI. En l’occurrence le Sri Lanka n’est pas lié par ces conventions mais d’autres instruments peuvent avoir une importance, notamment le protocole facultatif de 2000 à la convention sur les droits de l’enfant et qui cible plus particulièrement l’implication des enfants dans des groupes armés à son article 4 §1.
Les institutions internationales se sont plusieurs fois prononcées au sujet des parties belligérantes dans un CANI qui ne représentaient pas l'État mais, une faction ou un groupe armé. Il ressort de leur intervention que même si ces groupes ne représentent pas un gouvernement, elles sont liées par les règles du DIH. C’est ainsi que le rappel notamment l’institut de droit international en 1999 qui reconnait que le Droit international humanitaire et les Droits fondamentaux de l’homme liaient les entités non étatiques dans un conflit armé non étatique. La commission d'enquête sur le Darfour évoquera également le fait que « les rebelles qui se sont dotés d’une certaine organisation, ont acquis une certaine stabilité et exercent un contrôle effectif sur une partie de territoire, jouissent de la personnalité morale internationale et sont dés lors tenus par les règles pertinentes du droit international coutumier gouvernant les conflits armés internes… ».
3 ⧸ Posit ion de la doctr ine
La doctrine a une vision différente quant à la qualification du conflit, celle-‐ci change en fonction des auteurs. On relève toutefois certaines convergences.
Le conflit avec les tamouls au vu de l’intensité peut être considéré comme une guerre de libération nationale revendiquant l’autodétermination contre un régime à la base raciste envers les tamouls. En doctrine, l’assimilation des guerres de libération nationale à des conflits armés internationaux fut très discutée. Néanmoins plusieurs auteurs estiment que le conflit des tamouls est un conflit internationalisé à plusieurs égards. En effet, un conflit interne peut s'internationaliser si
18 http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/sri-‐lanka-‐news-‐191108?opendocument 19 http://www.cairn.info/revue-‐relations-‐internationales-‐2005-‐1-‐page-‐73.htm, Marion HARROFF TAVEL, « La diplomatie humanitaire du CICR », 2005. 20 www.scribd.com, «Mieux faire respecter le DIH dans les conflits armés non internationaux », CICR, p.20, 2008.
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plusieurs facteurs sont réunis, ainsi une intervention armée étrangère peut conduire à internationaliser le conflit. Encore faut t'il que celle ci ait une certaine intensité. C'est beaucoup moins vrai depuis l'arrêt de la CIJ dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua en 1986 ou la cour a diminué le niveau d'intervention requis pour internationaliser le conflit. Depuis cette date, l'envoi de fonds, d'équipement ou de conseillers peut suffire pour internationaliser le conflit.
Eric DAVID estime également qu'un conflit interne peut s'internationaliser par le biais d'une intervention étrangère mais il la conditionne à deux critères et il apporte une gradation dans l'internationalisation du conflit21. Ainsi une intervention étrangère peut se traduire par l'envoie de troupes, d'armement ou de conseillers. En ce cas pour que les conventions de droit humanitaires puissent s'appliquer, il faut que l'État tiers intervenant et l'État sur le territoire duquel il intervient soit tous deux parties aux conventions, celles ci s'appliquent même si l'intervention du Tiers se fait à l'encontre d'une partie insurgée. Le professeur DAVID considère à cet égard que les forces de l'État intervenant se battent contre des forces relevant d'un autre État même si l'autorité qui les commande est un pouvoir insurgé. Il y a en ce cas internationalisation du conflit, situation similaire si l'État tiers intervient en faveur d'un groupe insurgé. En ce qui concerne l'envoie de conseillers militaires, Eric DAVID estime qu'ils sont l'expression de la participation d'un État Tiers au conflit a deux conditions. Il faut que les conseillers prennent part aux hostilités en apportant une aide quant aux choix stratégiques et technique d'une des parties et il faudrait que les conseillers agissent en tant qu'organe de l'État pour engager sa responsabilité comme le précise le Projet d'articles de la Commission du Droit international. Cette deuxième condition n'est souvent pas remplie car les États profitent de certains accords d'assistance qui donnent aux experts et conseillers le statut de particuliers ou à l'inverse les intègrent dans la structure étatique de l'État aidé.
Dans le conflit du Sri Lanka qui opposait le LTTE au Gouvernement, plusieurs interventions étrangères ont eu lieu et tendent à internationaliser le conflit. Ce conflit peut être à l'origine considéré comme un conflit interne opposant un groupe insurgé séparatiste et un gouvernement légitime. Mais dès les années 90, l'Inde intervient dans le conflit en voulant jouer les médiateurs, un accord est conclu avec le gouvernement Sri lankais et avec les tamouls de façon informelle. Cette intervention se traduit par l'envoie d'une force qui atteindra au pic du conflit environ 50 000 hommes. En parallèle, le Pakistan arme et soutien les Tigres tamouls pour faire échec à l'Inde. Une intervention et d'une telle intensité internationalise le conflit. De plus en 2002, la Norvège et d'autres pays nordiques tentent de se poser en médiateur pour aboutir a un accord de cessez le feu qui ne sera finalement que temporaire. Et finalement après 2002, les grands États ne vont pas cesser de s'impliquer dans le conflit en envoyant des avions de chasse au gouvernement comme le fera notamment la Chine, ou en envoyant des conseillers militaires comme le feront Israël ou encore les USA par le biais de la CIA pour former les officiers à la contre-‐insurrection. Cela sans compter les financements de l'Inde, des USA ou de la Chine pour soutenir le Gouvernement du Sri Lanka.
D’autre tel H. MEYROWITZ considère que ce type de conflit conduit à une application binaire du DIH en fonctions des acteurs en présence participants au conflit. Ainsi il faudrait décomposer le conflit en fonction des différents acteurs. C’est-‐à-‐dire évaluer les différents rapports, gouvernement contre insurgés, insurgés contre force d’intervention, forces d’intervention et gouvernement. Il faudrait appliquer le régime juridique entre chacun des protagonistes. Cette position fut notamment mise en exergue par Cour Internationale de Justice dans l'arrêt Nicaragua/USA en 1986, celle-‐ci considéra alors que le conflit était international entre les USA et le Nicaragua et interne entre les contras et le Nicaragua. Cette vision des choses appliquée au Sri Lanka tend a considérer que le conflit est international entre le gouvernement et les États Tiers, mais interne entre le gouvernement et les tigres tamouls.
Certaines positions plus engagées vont à l’encontre de cette vision, on peut citer pour exemple la position de Karen PARKER22, doctorante en droit internationale humanitaire et fondatrice de l’association des juristes de droit international humanitaire. Celle-‐ci considère qu'au vu des
21 Principes de droit des conflits armés, E. DAVID, BRUYLANT, p. 159 -‐ p.169 22 http://www.horizons-‐et-‐debats.ch/index.php?id=428
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particularités du conflit et des spécificités de la structure du LTTE, ce conflit est une guerre de libération nationale qui vise l'autodétermination et qu'au regard du droit internationale, les Tigres tamouls devraient bénéficier du statut de combattant. Elle dénonce par ailleurs la qualification de cette organisation comme un mouvement terroriste ce qui facilite le Sri Lanka à prendre des mesures internes, anti-‐terroristes sans que la communauté internationale n'ait de droit de regard. Elle dénonce cet État de fait et considère que ce conflit est un conflit similaire à celui qu'avait connu le Bangladesh avant son autonomie envers le Pakistan. Elle a par ailleurs plusieurs fois enjoint la communauté internationale à réagir notamment pour respecter les principes du DIH et protéger les populations tamoules parfois cible du gouvernement.
C ⧸ Le conflit du Sri Lanka, entre qualification
juridique et enjeu géopolitique
La qualification est un enjeu juridique de premier ordre qui permettra l’application des textes en fonction du statut retenu pour le conflit. Cette qualification est également un enjeu de politique juridique extérieure des États conduit par les intérêts géopolitiques des différents États.
Car c’est derrière ce jeu de dénomination et cette guerre des mots que ce faisait jour les intérêts des grands États qui voyaient une opportunité à soutenir le gouvernement Sri Lankais. Le Sri Lanka est ainsi devenu le berceau des intérêts géostratégiques des grandes puissances en Asie du Sud.23
Les États unis se devaient d’appuyer le gouvernement car ils ont sur l’ile l’une de leur seul base militaire de la région, de plus le Détroit de PALKA est un détroit important stratégiquement et une route pétrolière de première importance qui était menacée par la flotte des tigres tamouls. La rade de Trincomalee d'environ 8 km est en outre la meilleure rade en eaux profondes de la région avec des réservoirs de pétrole construit par les Britanniques dont chacun fait plusieurs tonnes. Cette rade est par ailleurs située dans les territoires revendiques par les Tamouls24. La politique sécuritaire des USA était également un élément important, leur intention étant de limiter le trafic d’armes des Tamouls et toute prise de contact avec d’autres organisations terroristes, en plus un de leur objectif allant de pair avec celui de l’Inde à savoir, contrer une prise de position de la Chine dans la région. De plus, dans cette logique d'encerclement de la Chine, les USA ont conclu en 2007 avec le Sir Lanka un accord d'utilisation des installations sri lankaise par l'Air force et la Navy en échange d'une aide pour résoudre le conflit avec les tigres tamouls. Toutes ces considérations motivent les USA à soutenir le Sri Lanka en défendant la qualification juridique de conflit interne pour contenter Colombo.
L'Inde, outre cet objectif, voulait s’assurer que les tamouls ne parviennent pas à une situation d’indépendance qui aurait pu se traduire par des revendications autonomistes dans la région du Tamil Nadu ou vit une majorité de Tamouls25. De même, la Chine voyait également d’un mauvais œil la victoire d’une minorité sur un territoire stratégique pour elle, si bien qu’elle n’hésitât pas à envoyer au gouvernement local des Chengdu J-‐7. Elle cherche également auprès du Sri Lanka un allié pour mettre à mal la stratégie d'encerclement orchestrée par les USA et l'Inde. Par ailleurs, les deux géants asiatiques ont tout deux des projets tel que la construction du port de HAMBANTOTA en eaux profondes mené actuellement par la Chine qui ferait du Sri Lanka une route commerciale imparable. Le Sri Lanka quant à lui se concentre sur sa croissance et son potentiel économique 26 pour se remettre du conflit. Ses ressources minières, notamment l'ilménite,
23 http://fr.wikinews.org/wiki/La_guerre_au_Sri_Lanka_:_un_conflit_g%C3%A9ostrat%C3%A9gique 24 http://www.ritimo.org/dossiers_pays/asie/sri_lanka/srilanka_intern.html 25 http://blog.multipol.org/post/2009/05/20/ANALYSE-‐%3A-‐Sortie-‐de-‐guerre-‐a-‐Sri-‐Lanka-‐entre-‐le-‐poids-‐des-‐geopolitiques-‐et-‐les-‐defis-‐de-‐la-‐paix 26 http://www.lesechos.fr/journal20110413/lec1_l_enquete/0201219644569-‐en-‐plein-‐boom-‐le-‐sri-‐lanka-‐veut-‐oublier-‐la-‐guerre.htm
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composant des micro-‐puces dont est friand le Japon, ou son pétrole off-‐shore seront à coup sûr des atouts que le gouvernement n’hésitera pas à mettre en avant auprès de ses puissants voisins. Il incite ainsi les grandes puissances à adopter son point de vu sur le conflit car il est bien conscient de son rôle stratégique dans la région.
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TITRE II ⧸ APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL
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La question de la qualification du conflit sri lankais n’ayant pas de réponse claire, déterminer quelles sont les règles qui s’appliquent devient plus problématique. En effet le droit des conflits armés est constitué de trois grands instruments, les conventions de Genève, le Droit de La Haye, et le Droit coutumier. L’application de chacun de ces instruments dépendant de la qualification du conflit comme étant international ou non international, il convient de se pencher ici plus précisément sur la question.
Cependant, quel que soit le droit applicable à ce conflit, il semble que les parties belligérantes n’ont pas en l’espèce fait grand cas des normes humanitaires internationales.
A ⧸ Détermination des normes applicables
Le droit international humanitaire est un droit applicable en temps de guerre, il prend en quelque sorte le relais des droits de l’Homme qui s’appliquent en temps de paix. On peut distinguer le jus ad bellum et le jus in bello, c’est-‐à-‐dire le droit de faire la guerre et le droit qui régit le déroulement du conflit. Ce qui nous intéresse ici est le jus in bello, le droit dans la guerre, qui va indiquer aux parties en conflit le comportement qu’elles doivent adopter durant la conduite des hostilités. Ce droit s’est construit autour de conventions internationales, les conventions de La Haye, qui régissent les moyens de conduire les hostilités, et les conventions de Genève qui définissent des catégories de biens et de personnes protégées en temps de conflit armé. En parallèle de ces conventions, se développent des coutumes internationales constituées lorsqu’une pratique récurrente des Etats rejoint une opinio juris (sentiment que cette pratique fait partie du droit).
L’Etat du Sri Lanka est partie aux conventions de Genève de 1949, mais pas à ses protocoles additionnels. Il n’a pas signé les conventions de La Haye, mis à part celle de 1954 assurant la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Le Sri Lanka a aussi ratifié un certain nombre de conventions internationales pour la limitation ou l’interdiction de l’usage de certaines armes, notamment les gaz asphyxiants, les armes bactériologiques, les armes produisant des éclats non localisables aux rayons-‐X, les mines, les armes incendiaires, les armes chimiques, les armes classiques produisant des effets traumatiques excessifs… D’autres traités internationaux ont aussi été signés sur la prévention et la répression du crime de génocide (9 décembre 1948), l’interdiction des techniques de modification de l’environnement, sur la protection des droits de l’enfant (20 novembre 1989)…
En l’espèce, pour déterminer lesquelles de ces conventions internationales trouvent leur application au conflit qui a déchiré le Sri Lanka, il faut se baser sur une qualification de celui-‐ci. Or, ce point est ici problématique, dans la mesure où aucune qualification n’a fait l’objet d’un consensus au niveau mondial. De nombreuses thèses s’opposent concernant le caractère international ou non de ce conflit, ce qui rend la tâche de la détermination des normes de droit international humanitaire applicables difficile.
En effet, selon les Tigres Tamouls, le conflit qui les a opposés au gouvernement sri lankais était international, dans la mesure où ils se considéraient comme étant un mouvement de libération nationale luttant contre un régime raciste. Dans ce cas, les conventions de Genève auraient trouvé application, offrant ainsi une protection accrue aux civils, aux personnes hors de combat et aux prisonniers de guerre, ainsi qu’aux biens ne constituant pas des objectifs militaires légitimes. Cependant, le LTTE est le seul à défendre cette thèse, et c’est pourquoi on ne peut considérer ici que c’est le droit des conflits armés internationaux qui trouve application.
Le gouvernement sri lankais, l’ONU, le CICR et la majorité de la communauté internationale considèrent que le conflit qui a opposé le gouvernement sri lankais au LTTE pendant une trentaine d’années est un conflit armé non international. En adoptant cette position, la majorité du droit international humanitaire devient inapplicable. En temps normal, le Protocole additionnel 2 de 1977 aux conventions de Genève couvrirait ce genre de conflit, cependant, le Sri Lanka n’étant pas
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partie à ce protocole, il ne s’applique pas. Ainsi, seules vont pouvoir s’appliquer certaines règles à caractère coutumier : l’article 3 commun aux conventions de Genève, la clause de Martens, et le droit coutumier général en matière de conflit armé non international.
L’article 3 commun aux conventions de Genève fait référence à certains principes fondamentaux qui devront être respectés en temps de conflit armé non international. Le premier de ces principes est celui de traitement humain et sans discrimination des personnes ne participant pas directement aux hostilités (les civils), y compris les membres des forces armées qui auraient rendu leurs armes ou qui seraient hors de combat (blessés, malades, prisonniers…). Concernant ces personnes, l’article 3 prohibe en particulier quatre comportements que sont le meurtre et l’atteinte à l’intégrité physique ; les prises d’otages ; l’atteinte à la dignité et les traitements inhumains et dégradants ; et les condamnations et exécutions sans jugement préalable. A cela va s’ajouter en second lieu l’obligation pour les Etats parties de recueillir et de soigner les blessés et les malades. Cet article prévoit en outre la possibilité d’intervention d’un organisme humanitaire impartial tout au long du conflit (par exemple le Comité International de la Croix Rouge). L’article 3 prévoit ainsi une protection particulière pour les civils, les personnes hors de combat, les malades et blessés. Le Sri Lanka étant partie aux conventions de Genève, cet article s’applique à lui et à ses ressortissants dans le cadre du conflit qui a opposé le gouvernement aux Tigres Tamouls.
Par ailleurs, une autre norme qui s’appliquait au Sri Lanka était la clause Martens. Cette clause apparaît pour la première fois dans la deuxième Convention de La Haye de 1899, et elle a été reprise dans de nombreux textes internationaux, comme les quatre conventions de Genève (article 63 CG1), et dans la convention des Nations Unies de 1980 sur l’interdiction ou la limitation de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination à laquelle le Sri Lanka est partie. Cette clause prévoit que dans les cas non couverts par les traités internationaux, les Etats conservent des obligations découlant des principes du droit international, « tels qu’ils découlent des usages établis entre nations civilisées et des lois de l’humanité ». Cette affirmation a aujourd’hui atteint un caractère coutumier (avis consultatif de la CIJ, 1996, sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires), mais elle nécessite cependant une interprétation. Trois doctrines différentes vont ici s’affronter, la première, restrictive, énonce que la clause Martens ne fait que rappeler le caractère obligatoire de la coutume. Une autre doctrine la perçoit comme signifiant que tout ce qui n’est pas expressément interdit n’est pas automatiquement autorisé. Enfin, la troisième soutient la thèse que cette clause soumet la conduite des hostilités au droit naturel (les lois d’humanité). Selon l’opinion dissidente du juge SHAHABUDDEEN dans l’avis de la CIJ de 1996 sur la licéité de la menace ou de l’emploi de l’arme nucléaire, les lois d’humanité interdisent l’usage de moyens et de méthodes de guerre qui ne sont pas nécessaires pour l’obtention d’un avantage militaire précis. 27
De plus, la coutume internationale en matière de droit des conflits armés est florissante. Cependant, se pose ici la difficulté de la détermination de ces coutumes. Si certains principes sont unanimement acceptés comme relevant d’une coutume (prohibition de la torture, doctrine de la nécessité militaire…), il en est autrement pour la majorité. Des tentatives de codification ont eu lieu, mais celles-‐ci ne sont pas toujours convergentes. On peut ici relever deux codifications des plus significatives, celle réalisée en deux tomes par Jean-‐Marie HENCKAERTS et Louise DOSWALD-‐BECK pour le CICR28, et celle réalisée par l’Institut International de Droit Humanitaire de San Remo, The manual on the law of non-‐international armed conflict. Ces deux ouvrages se rejoignent pour certains grands principes que l’on pourra considérer comme ayant été de la coutume au moment du conflit sri lankais. Les principales règles que l’on y retrouve sont le principe de distinction entre combattant et non combattant, le principe de discrimination dans l’attaque, la proportionnalité, la protection spéciale de certaines catégories de personnes (personnel médical et religieux, journalistes, enfants…), la protection de certains lieux et objets (biens culturels, hôpitaux…), ainsi que des règles sur les moyens de combats. Si ces codifications ne permettent pas de distinguer de manière certaine toutes les coutumes internationales en matière de droit des conflits armés non internationaux, elles
27 http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/5FZGRL, la clause de Martens 28 Vol.1 : http://www.icrc.org/Web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/pcustom/$File/ICRC_001_PCUSTOM.PDF , Vol. 2: http://www.icrc.org/eng/assets/files/other/customary-‐international-‐humanitarian-‐law-‐ii-‐icrc-‐eng.pdf
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permettent toutefois de discerner certaines règles générales auxquelles le Sri Lanka était soumis lors du conflit entre le gouvernement et les Tigres Tamouls.
Outre ces normes générales, le Sri Lanka était aussi soumis aux traités internationaux auxquels il est parti. Comme dit plus tôt l’Etat a ratifié de nombreuses conventions restreignant ses moyens de guerre, mais aussi des conventions concernant les droits des enfants (Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989, et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, 25 mai 2000)29 . Ce second type de convention concerne particulièrement l’interdiction d’enrôlement d’enfants soldats.
Enfin, en temps de conflit armé non international, le droit international des droits de l’Homme vient compléter le droit applicable en plus du droit des conflits armés.
En se positionnant du coté de la majorité, nous considérerons que le conflit sri lankais était un conflit armé non international et que les conventions de Genève ne s’appliquaient pas, mis à part leur article 3 commun. Cependant, même en ne retenant que la protection moindre, force est de constater que les parties belligérantes ne se sont lors de ce conflit pas soumis à ces règles.
B ⧸ Les violations des règles applicables
En théorie, les forces armées sri lankaises et les Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (LTTE) étaient soumises à ces règles de droit international humanitaire. Cependant, il apparait de manière évidente qu’aucune des deux parties ne les a respectées.
Le Gouvernement sri lankais, tout d’abord, a dès le début des hostilités tenté de minimiser l’importance du mouvement tamoul et de les décrédibiliser en ne leur accordant à aucun moment le statut de combattant. En effet, le LTTE est considéré par lui comme une organisation terroriste, et ainsi, le droit humanitaire ne peut s’appliquer à ses membres, les terroristes n’étant en Droit international pas considérés comme des combattants. Dès lors, dès qu’un membre des TLET tombait aux mains des forces armées du gouvernement, il ne bénéficiait pas du statut de prisonnier de guerre et des protections que ce statut lui aurait conférés. Ainsi, le camp de BOOSA est tristement célèbre comme étant un centre de détention de Tamouls soupçonnés d’être des terroristes. Ce camp pouvait accueillir plusieurs centaines de personnes qui pouvaient être internées pour une durée allant jusqu’à dix-‐huit mois, et ce sans aucune inculpation, sans procès, et sans avocat. Les tortures y étaient systématiques et des corps de détenus torturés à mort étaient retrouvés fréquemment à proximité.
De plus, en adoptant cette position de diabolisation des tamouls, le gouvernement a lancé une campagne d’incitation à la haine contre les sri lankais de cette ethnie. En 2007, le gouvernement est composé d’une coalition comprenant des partis ouvertement racistes qui prônent la domination complète de la majorité cinghalaise sur le peuple tamoul, voire de les chasser de l’île. Les crimes racistes contre les tamouls sont encouragés par ses déclarations officielles et par l’incapacité du régime à poursuivre les criminels. A cette époque, des attaques de civils cinghalais sur des civils tamouls ont lieu quotidiennement, menant la plupart du temps à des morts du coté tamoul30.
Par ailleurs, les forces armées gouvernementales visaient fréquemment des civils au cours de leurs attaques. On peut ici citer les cas de bombardements de camps de réfugiés, notamment en 2007, le bombardement du camp de PADAHUTHURAI, situé à proximité d’aucun objectif militaire et
29 http://www.icrc.org/dih.nsf/Pays?ReadForm&c=LK , liste des traités ratifiés par le Sri Lanka 30 http://www.horizons-‐et-‐debats.ch/index.php?id=90 , lettre ouverte de Karen Parker, principale déléguée aux Nations unies de l’international Educational Development (IED) et présidente de l’Association des avocats humanitaires (AHL) adressée à la Haut-‐Commissaire des Nations unies pour les Droits de l’Homme Louise ARBOUR et au Conseiller spécial sur la prévention du génocide.
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uniquement peuplé de civils, qui n’a entraine que des morts civils dont sept enfants. Les civils étaient constamment pris au piège dans les combats, entre 2006 et 2007, on a compté plus de 1500 civils tués et plus de 250 000 déplacés. Des milliers de disparitions forcées ont eu lieu, et des centaines d’exécutions sommaires ont été perpétrées pendant toute la durée des hostilités. Le gouvernement a entretenu pendant des années un climat de terreur et de persécution contre les tamouls, qui s’est peu à peu retourné contre tous les dissidents politiques, qu’ils soient tamouls ou non31.
Les organisations humanitaires ont elles-‐aussi été prises pour cible, puisque suite au tsunami de 2004, elles ont été soit empêchées de secourir les civils tamouls soit directement chassées du territoire. Dix sept humanitaires d’action contre la faim ont été assassinés au cours des combats, violant ainsi le principe de protection du personnel médical et religieux.
Bien que le Sri Lanka soit signataire de conventions internationales interdisant le recrutement d’enfants soldats, le groupe armé tamoul KARUNA ayant rejoint les forces gouvernementales contre le LTTE a procédé à des centaines de ces recrutements d’enfants avec la complicité du gouvernement. L’UNICEF a recensé entre décembre 2006 et aout 2007, 145 cas d’enrôlement d’enfants, malgré la promesse du Sri Lanka d’y mettre fin32.
De plus, des milliers de civils ont été pendant des mois retenus dans les zones de combat entre le LTTE et les forces gouvernementales, les deux parties les empêchant de fuir. Bien que des centaines de milliers de civils aient réussi à fuir ces zones, les forces gouvernementales ont forcé certain d’entre eux à retourner dans ces zones non sécurisées.
Des disparitions forcées ont massivement eu lieu dans chacun des camps, en un an et demi en 2006, plus de 1100 cas ont été répertoriés, la plupart des victimes étant des tamouls.
De leur coté, les Tigres Tamouls disposent d’un important armement, ce qui leur permet de conduire des opérations conventionnelles, mais aussi non conventionnelles. Ces moyens non conventionnels violent tout autant le droit international humanitaire coutumier, dans la mesure où ils consistent en des attaques terroristes touchant de manière indiscriminée des civils33. On peut ici citer pour exemple l’attentat à la bombe d’une femme du LTTE dans un camp de réfugiés à KILINOCHCHI en 2009 qui a fait 23 morts et 64 blessés. De même, en 2008, un attentat à la bombe près d’un temple a fait 9 morts et 95 blessés. D’autres actes terroristes consistent en des assassinats ciblés, tels que l’assassinat du ministre sri-‐lankais des transports Jeyraj FERNANDOPULLE en 200834.
Ainsi, ni les forces gouvernementales sri lankaises, ni les Tigres de libération de l’Eelam tamoul n’ont fait grand cas des règles fondamentales de droit humanitaire lors de ce conflit d’une durée exceptionnellement longue. L’on touche ici l’une des limites les plus importantes de droit des conflits armés, qui est que son application dépend hélas en grande de la bonne volonté des parties belligérantes. Toutefois, ont été mis en place des moyens de sanctionner les criminels de guerre une fois le conflit terminé au niveau international, afin de pallier cette insuffisance inhérente au droit international.
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31 http://www.crisisgroup.org/fr/regions/asie/asie-‐du-‐sud/sri-‐lanka/135-‐sri-‐lankas-‐human-‐rights-‐crisis.aspx, Rapport sur la crise des droits humains au Sri Lanka, International Crisis Group. 32 http://www.hrw.org/en/news/2007/08/05/sri-‐lanka-‐government-‐abuses-‐intensify, article de human rights watch, août 2007 33 http://www.spur.asn.au/chronology_of_suicide_bomb_attacks_by_Tamil_Tigers_in_sri_Lanka.htm, chronologie des attentats suicide au Sri Lanka 34 http://www.defence.lk/new.asp?fname=20080406_04
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TITRE III ⧸ LES LACUNES DU DIH AU CONFLIT SRI-LANKAIS
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Le Sri Lanka, touché pendant près de trois décennies par une guerre civile mortifère, était le lieu idéal pour son application. Le conflit, larvé depuis les années 1970, a fait au bas mot 80 000 morts et a connu une issue fatale en 2009, où durant les derniers mois de combat, au moins 7 000 civils aurait péri. En 2009, plus de 327 000 personnes furent déplacées35. Si 238 000 ont pu rentrer dans leurs contrées d’origine, au moins 23 000 personnes restent dans des camps, quand plus de 72 000 sont toujours en situation de déplacement, ou gérées par des institutions sociales. Il faut dire qu’il reste au moins 1 500 000 mines anti-‐personnelles et engins non explosés, source de problèmes en matière de ré-‐hébergement, de subsistance, d’approvisionnements et de soins, dans un pays déjà tourmenté par un tsunami en 2004 (30 000 victimes), touché plus récemment par de nouvelles inondations ainsi qu’une épidémie de dengue.
Force est de constater que le conflit au Sri Lanka a mis en lumière des carences au DIH. Problème, ces carences ont perduré malgré la fin des hostilités, auprès de chacune des parties, entre elles ou contre les civils.
L’article 3 commun aux conventions de Genève de 1949, son protocole additionnel II de 1977 rappellent pourtant que ceux qui ne participent pas ou plus directement aux hostilités doivent bénéficier d’un traitement humain et non discriminatoire. Ces textes sont consolidés par des traités spécifiques (mines anti-‐personnelles, armes classiques produisant des effets traumatiques…).
La responsabilité de protéger est apparue comme un concept permettant à la communauté internationale d’apporter des réponses efficaces tant à la prévention qu’à la résolution des crises humanitaires. La notion voit ses racines remonter aux années 1990 et toucher le «droit d’ingérence humanitaire», c'est-‐à-‐dire l’usage de la violence pour secourir des populations en danger. La responsabilité de protéger, ou R2P, a été conceptualisée en 2002 par le panel d’experts réunis à l’initiative du Canada au sein de la Commission Internationale sur l’Intervention et la Souveraineté des Etats (CIISS). Trois ans plus tard, en 2005, la notion est formalisée par l’ONU36, et suscite rapidement un engouement certain. Malgré des soutiens forts de l’ONU et d’ONG, nombreux sont les obstacles à être apparus, nuançant fortement le concept. Depuis plus de 10 ans, cette nouvelle approche de la souveraineté apparaît comme la carte maîtresse de la communauté internationale pour une réponse efficace à la prévention et à la résolution de crises aussi graves que le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’Humanité et le nettoyage ethnique. La doctrine élaborée par la CIISS dépasse la théorie du «droit d’ingérence humanitaire» formulée à la fin des années 1980 par Mario BETTATI et Bernard KOUCHNER. Alors que le droit d’ingérence ne préconisait que le recours à la force pour «protéger les convois humanitaires... et les victimes face à leurs bourreaux», la R2P vise également la «prévention des conflits» et la «reconstruction des sociétés».
C’est au titre de la responsabilité de protéger qu’est ainsi recommandée l’utilisation de boites à outils pour atrocités de masse 37 , incluant des actions humanitaires, diplomatiques, économiques, judiciaires, sociales, politiques et, en dernier recours, militaires.
La R2P respecte en outre la souveraineté des États. C’est à eux que revient en premier lieu la responsabilité de veiller à la protection de leurs populations. La R2P intervient à titre subsidiaire et prend en compte l’application proportionnelle du DIH aux capacités de chaque pays.
Devant les difficultés de mise en œuvre, le Secrétaire général de l’ONU a fourni un cadre de travail38 terminologique plus précis visant à garantir l’applicabilité de trois piliers visant à justifier la responsabilité de protéger. Ces trois piliers sont :
35 Selon le Haut Commissariat pour les Réfugiés, le conflit armé entre les Tamouls et les forces gouvernementales et affiliées laissait en 2010 au moins 327 000 réfugiés à Sri Lanka. Le pic avait été atteint en 2006 avec 520 000 déplacés internes. 36 Paragraphe 138, 139 et 140 du document final du Sommet mondial de 2005, suite notamment au rapport du Secrétaire général intitulé sur une liberté plus grande, le : développement, la sécurité et le respect des droits de l’homme pour tous – A/59/2005. 37 Mass atrocities tool boxes 38 A/63/677 – 12 janvier 2009 – Rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la mise en œuvre de la responsabilité de protéger
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⇢ Les responsabilités de l’État en matière de protection ⇢ L’assistance internationale et le renforcement des capacités ⇢ Une Réaction résolue en temps voulu.
Problème, la responsabilité de protéger apparaît souvent justifiée par des critères subjectifs, non quantifiables, en tout cas définis par celui qui l’invoque, qui l’interprète. Cela a permis le président Russe de légitimer une intervention militaire en Ossétie du Sud comme la « seule possibilité de sauver des vies » face à un pouvoir « ayant opté pour le génocide afin d’accomplir ses objectifs politiques ». Le Gouvernement du Sri Lanka a pu dans la même optique défendre une idée de l’intervention humanitaire pour la moins originale, aboutissant à une guerre totale contre la guérilla séparatiste des Tigres tamouls, qualifiée pourtant de plus «vaste opération de secours humanitaire au monde», synonyme d’accomplissement le plus abouti de la responsabilité de protéger.
De ce constat, on relève trois failles dans l’édifice du DIH et de la protection des populations lors des conflits. Ces entailles faites au respect des populations sont d’ordre humanitaire, judiciaire et politique.
A ⧸ Humanitaire
1 ⧸ Les IDP, entre transit ion et reconstruction
Ce qui ne revient pas à dire que la Communauté internationale soit restée les bras croisés. ONU, ONG, États, Gouvernement sri-‐lankais39 sont intervenus au travers de programmes d’aide au développement, à la reconstruction, afin d’encourager et d’inciter les autorités à garantir la protection de leur population. Le plan d’action humanitaire commune40, les principes de guidage41, le PNUD42, l’UNHCR43, l’UNICEF44 sont des exemples de mécanismes onusiens de soutien aux réfugiés, aux déplacés internes, aux victimes, blessés, prisonniers et leurs familles, sans oublier les mécanismes de transition, d’aide au développement et à la reconstruction, notamment dans le nord et le nord-‐est du pays, dernier bastion des TLET45 – Tigres de Libération de l’Eelam Tamoul. Si l’accès à ces zones était relativement possible jusqu’à 2006. Avec la reprise des hostilités et l’issue fatale qui a suivi, ces accès ont été limités, tant par le Gouvernement que par les tigres tamouls. Les ONG ne pouvaient ainsi intervenir sur zone que sous contrôle du Gouvernement. Les camps de déplacés étaient d’ailleurs gérés par le Gouvernement, comme à VAVUNIYA et de MANNAR, où le CICR46 et d’autres ONG ont pu intervenir, notamment pour enregistrer et soigner les déplacés internes. Certains représentants d’ONG et de programmes des Nations Unies ont tenté de s’élever contre les
39 La Presidential Task Force for Resettlement – PTF – a été un instrument vital dans la formulation d’un cadre d’action pour une reconstruction et un retour rapide des populations dans leur habitat d’origine 40 CHAP Sri Lanka / Common Humanitarian Action Plan for Sri Lanka – http://www.humanitarianinfo.org/sriLanka_hpsl/AppealsandFunding.aspx 41 Guiding Principles / for Humanitarian and Development Assistance in Sri Lanka – http://www.humanitarianinfo.org/sriLanka_hpsl/docs/GL_Guiding_Principles_Sri_Lanka_final_version_15-‐5-‐07.pdf 42 Projets du PNUD à Sri Lanka – http://www.undp.lk/SubProjects/Pages/default.aspx, en complément : Joint Plan for Assistance Northern Province 2011 43 HCR / Haut commissariat aux réfugiés – Appel Global 2011 – http://www.unhcr.fr/ga11/index.html Voir également Global Overview of trends and developments in 2010 –http://www.unhcr.org/refworld/country,,,,LKA,,4d932e152,0.html 44 UNICEF – Action humanitaire pour les enfants en 2011 – http://www.unicef.org/french/hac2011/hac_sri_lanka.php 45 PNUD / Programme de transition et de reconstruction à Sri Lanka – undp.lk/What_We_Do/Pages/Transition_Recovery_Programme.aspx 46 http://www.icrc.org/Web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/sri_lanka?opendocument
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conditions de détention dans ces camps, avec un succès fort relatif47. Avec la fin des hostilités en mai 2009, le retour progressif des populations déplacées dans leurs localisations d’origine, le Gouvernement a demandé que le CICR ferme ses bureaux de VAVUNIYA, MANNAR, et plus récemment JAFFNA48.
Problème, le sort des prisonniers reste plus qu’incertain49. Plus de 11 000 personnes ont en effet été incarcérées dans des « centres de réhabilitation » et celles qui ne font pas l’objet de poursuite sont libérées au compte-‐goutte. L’État a le droit et la responsabilité de protéger la sécurité publique mais en accord avec les droits fondamentaux. Or, nombreux sont les cas de disparitions forcées50, alors que réduits ou impossibles sont les possibilités pour les familles de rendre visite aux détenus515253.
Autre problème, le retour des déplacés internes dans leurs régions d’origine se fait soit sans assistance, soit dans le dénuement et la pauvreté54, si tant est que celui-‐ci ne se fasse pas dans des zones non encore déminées, tels les champs où les récoltes ont principalement lieu entre juillet et septembre…
2 ⧸ Le déminage humanitaire
La contamination des terres par des mines anti-‐personnelles ou munitions non explosées55 reste un sujet… brûlant pour la sécurité physique des personnes à Sri Lanka56. Dans les provinces du Nord-‐Est, pas moins de 550 km257 de terres contaminées, y compris des zones habitées58. Il faudra selon les dernières estimations entre 10 et 15 ans avant que ces zones soient nettoyées59. Les opérations de déminage ont manqué de fonds et n’ont pu être terminées avant que le retour des populations dans leurs zones d’habitation soit décrété. Résultat, la terre, les champs, cours d’eau, les puits, les maisons sont toujours richement contaminés. L’activité agriculture étant impossible, le manque de transports, aggravé par les dernières crues rend la subsistance particulièrement périlleuse60.
Le Sri Lanka a beau faire des efforts en terme de déminage61, a beau avoir engagé un programme national d’action contre les mines62, il n’a tjrs pas signé les deux principaux traités en la matière, la convention de 1997 sur la prohibition de l’utilisation, le stockage, la production et le
47 ACHR / Asian Centre for Human Rights – 5 septembre 2009 -‐ expulsion du représentant de l’UNICEF après ses remarques sur les conditions de vie dans les camps des déplacés et notamment les enfants – http://www.achrweb.org/press/2009/SL0109.html 48 CICR / Comité international de la Croix Rouge – 25 mars 2011 – Les opérations exclusivement depuis Colombo – http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/html/sri-‐lanka-‐interview-‐2011-‐03-‐25?opendocument (+ http://www.europe1.fr/International/Sri-‐Lanka-‐Le-‐CICR-‐doit-‐fermer-‐des-‐bureaux-‐314422/) 49 HRW / Human Rights Watch -‐ 2 février 2010 -‐ Le destin incertain des prisonniers soupçonnés d'avoir appartenu au mouvement des TLET au Sri Lanka – http://www.hrw.org/fr/reports/2010/02/02/legal-‐limbo-‐0 50 Selon plusieurs rapports des Nations Unies, 13,000 déplacés internes tamouls ont disparu 51 Seuls 2 000 détenus ont fait l’objet de visites par le CICR. 52 Visite du CICR aux détenus – 30 mars 5 avril 2008 – http://www.delegfrance-‐onu-‐geneve.org/spip.php?article450 53 Droit des familles à visiter les détenus – http://www.redcross.int/FR/mag/magazine2001_4/srilanka.html 54 Le retour des IDP se fait dans la pauvreté et la solitude – 30 mars 2011 – http://reliefweb.int/node/393983 55 En anglais, UXO, unexploded ordnance 56 Mines anti-‐personnelles et armes à sous munition à sri lankais – http://www.the-‐monitor.org/index.php/cp/display/region_profiles/profile/168 57 IDMC / Internal displacement monitoring Centre, 14 janvier 2011 – IDPs and returnees remain in need of protection and assistance, A profile of the internal displacement situation 58 GICHD / Geneva international Centre for Humanitarian demining, août 2010 59 UN OCHA / Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, 8 octobre 2010 60 IRIN, 11 novembre 2009, octobre 2010 – http://www.irinnews.org/PrintReport.aspx?ReportID=86988 61 http://www.sundayobserver.lk/2011/04/03/imp01.asp – 3 avril 2011 – le programme de déminage à Sri Lanka est supporté outre les ONG, internationales, locales, par l’unité de déminage humanitaire de l’armée du Sri Lanka 62 Lancé en 2002, le programme a été initié avec l’appui du PNUD, de l’UNICEF, de plusieurs ONG, mais encore plusieurs donateurs avec l’ambition de remettre en État un environnement libre de mines et compagnie. Il inclut 5 axes : les enquêtes, le travail de nettoyage, l’éducation sur le risque des mines, l’assistance aux victimes, et la destruction des stocks
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transfert des mines anti-‐personnelles et leur destruction, ainsi que la convention sur les armes à sous-‐munition de 200863.
Il faut dire que le Gouvernement sri-‐lankais64 comme les rebelles tamouls n’ont pas hésité à recourir massivement aux mines anti-‐personnelles, notamment lors de la dernière phase du conflit65, alors qu’ils sont un risque pour les populations civiles non combattantes, les hommes, les femmes, les enfants sans oublier les animaux66.
3 ⧸ Les enfants soldats
Les enfants, justement, ont fait l’objet des pires tourments, tour à tour réfugiés, cibles, mais aussi servi de réserves dans lesquelles les forces militaires de chacun des deux camps ont pu puiser allègrement. C’est d’ailleurs pourquoi le Conseil de sécurité a entendu créer un groupe de travail spécifique en 200567, qui a donné lieu à des extensions de son mandat.
Ce groupe de travail a relevé avec ses conclusions du 3 juin 201068 que le cadre de la réadaptation et de la réintégration des anciens enfants soldats établi par le Gouvernement dans sa politique de considérer comme des victimes tous les enfants qui ont été associés à des groupes armés et de ne pas engager de poursuites contre eux en relation avec leur association avec ces groupes. Le groupe a également accueilli avec satisfaction les mesures prises par le Gouvernement sri-‐lankais pour protéger tous les enfants touchés par le conflit armé, en particulier ceux qui se trouvent dans les camps de personnes déplacées, et pour réadapter les enfants qui étaient associés aux TLET et au TMVP – Tamil Makkal Viduthalai Pulika69 – et ont souligné qu’il importait de mener des activités de réadaptation à l’échelon des communautés… Derrière le décor, il ne faut pas oublier que les conditions de vie et de réhabilitation pas aussi dorées qu’elles semblent l’être…70 surtout qu’entre temps, certains enfants sont devenus des adultes et ne font donc pas l’objet des mêmes traitements notamment judiciaires… Il ne faut pas non plus oublier que le TMVP a très largement aidé l’armée sri-‐lankaise dans la lutte contre les TLET. Les conclusions rappellent d’ailleurs qu’il semble toujours y avoir des enfants soldats dans les rangs du TMVP et qu’il implique de les recenser pour les libérer et les réadapter71 72 73…
63 http://www.icbl.org/index.php/icbl/Universal/CCM/Non-‐Signatories, http://www.icbl.org/index.php/icbl/Universal/MBT/States-‐Not-‐Party 64 Le budget militaire du Sri Lanka s’élève à 5 % de son PIB, soit 1,48 milliard de dollars. 65 U.S. Department of State – Report to Congress on Incidents During the Recent Conflict in Sri Lanka – octobre 2009 66 http://www.globalissues.org/article/79/landmines – 27 novembre 2009 En complément : http://lm.icbl.org/index.php/LM/Press-‐Room/Landmine-‐Monitor-‐Media-‐Kit2/LM09_Quick_Facts_English 67 S/1612/2005 – 22 avril 2005, création d’un groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants dans les conflits armés. Ce groupe est composé des 15 membres du Conseil de sécurité, il se réunit à huis clos afin d’examiner les rapports établis par des mécanismes de suivi de la situation dans les pays problématiques, faire le point des progrès accomplis dans l’élaboration et l’exécution des plans d’action, émettre des recommandations à l’égard des gouvernements ou des groupes rebelles des pays concernés, destinées à prévenir le recrutement d’enfants soldats, obtenir leur libération ou démobilisation et faciliter leur réinsertion dans la société. En cas de non-‐application de ses recommandations, le groupe de travail peut demander au CSNU de prendre des sanctions. Il a été étendu par la Résolution 1882, axée sur les six violations graves suivantes : massacre ou mutilation d’enfants ; recrutement ou utilisation d’enfants soldats ; attaques dirigées contre des écoles ou des hôpitaux ; viols d’enfants et autres actes graves de violence sexuelle à leur égard ; enlèvements d’enfants ; refus d’autoriser l’accès des organismes humanitaires aux enfants 68 S/AC.51/2010/2, au regard notamment du rapport du Secrétaire général (S/2009/325) 69 également appelée faction KARUNA 70 ACHR – 5 septembre 2009 -‐ expulsion du représentant de l’UNICEF après ses remarques sur les conditions de vie dans les camps des déplacés et notamment les enfants – http://www.achrweb.org/press/2009/SL0109.html 71 UNICEF – 4 mai 2010 – soutiens à l’éducation – http://www.unicef.org/french/education/sri_lanka_53536.html 72 UNICEF – 26 février 2009 – campagne « Ramenez l'enfant » : l'UNICEF et le Sri Lanka lancent une campagne dans les médias sur les enfants soldats – James ELDER – http://www.unicef.org/french/infobycountry/sri_lanka_48286.html 73 Promotion du droit à l’éducation pour aider à la reconstruction post-‐conflit – http://www.educationandtransition.org/
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B ⧸ Judiciaire
Celui-‐ci s'articule autour de deux points, la recherche des disparus, et les détentions, administratives préventives ou pénales, avec en filigrane le certain laxisme des autorités, une certaine idée du pouvoir par le clan RAJAPAKSA.
1 ⧸ Le laxisme des autorités
Celui-‐ci se cristallise autour de la recherche des disparus et des centres de réhabilitation.
Au regard du Droit international, une disparition forcée intervient lorsque les autorités d’un pays emprisonnent un individu en lui refusant de lui notifier les motivations pour lesquelles il est enfermé, ou en refusant de fournir des informations sur son état auprès de sa famille. C’est très souvent dans ce cadre flou qu’ont lieu des atteintes à la vie, à la liberté, à la personne des personnes, incluant torture et mauvais traitements. C’est pourquoi les ONG militent pour que les cas de disparition forcée fassent partie d’une éventuelle enquête pour crimes de guerre de l’ONU. Enquête qui semble de plus en plus envisageable au regard de la pression internationale que subit le Sri Lanka, malgré les soutiens de la Chine qui a à cœur de s’implanter solidement dans la région, notamment pour contrer l’influence de l’Inde.
La recherche des personnes disparues fait partie inhérente du droit international humanitaire. Les familles jouissent du droit sans restriction de connaître le sort de leurs membres, tant civils que combattants. Toutefois, elles ne reçoivent pas toujours les réponses espérées. « Au Sri Lanka, hélas, les autorités ne donnent pas systématiquement suite à nos demandes de recherche », confirme Pierre Barras, coordinateur des activités de protection auprès de la Croix Rouge74. Nombreux sont les exemples de disparition qui éclaboussent les forces de sécurité gouvernementales75, ou qui démontrent un certain laisser-‐aller dans l’action des autorités pour répondre aux requêtes des familles ou des ONG de retrouver des personnes disparues76.
Le Gouvernement sri lankais a demandé aux bailleurs de fonds internationaux d'apporter une aide financière à ses « centres de réhabilitation » mais les ONG s’émeuvent des conditions de vie et du non-‐respect des droits des détenus. Human Rights Watch estime que ces donateurs ne devraient pas soutenir ces centres, tant que les droits des détenus n'y seront pas pleinement respectés77.
2 ⧸ Une certaine idée de l ’ intervention humanitaire du Gouvernement sr i- lankais
On vise ici tout particulièrement et les détentions administratives préventives et les détentions de prisonniers, face aux droits de liberté et de sûreté.78
74 http://www.redcross.int/FR/mag/magazine2001_4/srilanka.html 75 HRW – 7 avril 2011 – vidéos montrant des interrogatoires par des forces gouvernementales d’officiers des tigres tamouls qui n’ont par la suite plus donné signe de vie – http://www.hrw.org/en/news/2011/04/07/sri-‐lanka-‐account-‐wartime-‐disappearances 76 HRW – 7 avril 2011 – Plus de 20 personnes vues dernièrement entre les mains de l’armée restent manquantes – http://reliefweb.int/node/395072 77 HRW -‐ 27 aout 2008 -‐ les disparitions forcées constituent un problème de longue date au Sri Lanka, des milliers de personnes sont toujours portées disparues – http://www.hrw.org/en/reports/2008/08/27/recurring-‐nightmare 78 ICJ / Internal Commission Of Jurists – septembre 2010 – Beyond Lawful Constraints: Sri Lanka’s Mass Detention of LTTE Suspects
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Les bases légales pour justifier une privation de liberté sont encadrées par des exceptions tant étroites que limitées. L’application de la loi pénale est l’une d’elle. Mais la convention sur les droits civils et politiques, à laquelle le Sri Lanka est parti, voit à son article 9 que les États ont pour obligation de respecter et protéger le droit à la liberté, ce qui inclue l’assurance qu’aucune privation de liberté ne soit arbitraire.
Malgré cela, les centres de réhabilitation établis par le Gouvernement sri-‐lankais sont reconnus comme étant de tristes lieux où les détentions illimitées sont monnaie courante, ce qui laisse présager des actes de torture79.
La Convention sur les droits civils et politiques rappelle également qu’un emprisonnement légal et non arbitraire bénéficie de mécanismes de protection à l’endroit des prisonniers. A commencer par l’information du détenu, de son entourage, suivi de l’accès facilité à l’avocat afin d’exercer son droit à être défendu en justice, sans oublier un contrôle judiciaire, un droit au procès équitable et bien sûr dans le respect des Droits de l'Homme. Un programme du PNUD entend d’ailleurs promouvoir ces droits80.
Les détentions doivent ainsi respecter quatre principes majeurs, comme celui de la primauté de la Loi, celui de but légitime de toute mesure dérogatoire, de même que celui de nécessité et proportionnalité de telles mesures, dans le respect d’une non-‐discrimination selon la race, la couleur, le sexe, le langage, la religion, les idées politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la propriété, la naissance ou tout autre statut.
Pourtant, le massacre de MUTTUR n’a toujours pas été résolu, 5 ans après que les 17 membres de l’ONG Action contre la faim venant en aide aux populations affectées par les conséquences du conflit et du tsunami, aient disparu et été retrouvés deux jours plus tard chacun d’une balle dans la tête…81
Enfin, si la population tamoule a subi un revers cinglant avec la chute de sa branche armée pour faire valoir ses prétentions à Sri Lanka, sa diaspora reste influente. Colombo entend obtenir de plusieurs Gouvernements étrangers pour que soient démantelés des groupes de pression jugés un peu trop favorables aux TLET, comme aux Usa, au Royaume-‐Uni, ou en Norvège82.
C ⧸ Des actions résolues ?
Que ce soit des mains des membres des TLET, de ceux TMVP, ou encore des forces de sécurité, il est clair que de nombreux abus ont eu lieu contre les populations civiles, réfugiées ou détenues. A défaut de capacité ou de volonté de l’État visé, la communauté internationale se doit de réagir.
Ainsi, aux USA, le Torture Victims Protection Act a permis une plainte de L'organisation des Tamouls contre le génocide83 contre le président sri-‐lankais RAJAPAKSA le 28 janvier 2011 alors qu’il
79 http://www.hrw.org/fr/news/2010/02/01/sri-‐lanka-‐les-‐autorit-‐s-‐doivent-‐cesser-‐les-‐d-‐tentions-‐illimit-‐es-‐des-‐personnes-‐soup-‐ -‐ 2 février 2010 -‐ Sri Lanka: Les autorités doivent cesser les détentions illimitées des personnes soupçonnées d'avoir des liens avec le mouvement. ces détentions au secret de personnes sans limitation de durée ne peuvent que faire craindre des actes de torture et disparitions forcées. 80 PNUD / Equal Access to Justice Phase II – (mars 2009 / décembre 2012) – possède deux objectifs principaux, le premier, s’assurer que les groupes vulnérables soient prévenus de leurs droits et leurs recours disponibles, et qu’ils soient à même de pouvoir agir. Le second, former et mettre à même les avocats, juges, polices, dirigeants de communauté d’apporter des réponses aux plaintes des groupes vulnérables – http://www.undp.lk/SubProjects/Pages/detail.aspx?itemid=17 81 Au 1er juin 2010, toujours aucun responsable n’est identifié – http://www.suite101.fr/content/le-‐massacre-‐de-‐muttur-‐toujours-‐aucuns-‐responsables-‐designes-‐a13096 82 http://www.satp.org/satporgtp/countries/shrilanka/terroristoutfits/LTTE.HTM 83 Tamils Against Genocide
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était en visite officielle aux USA. En juin 2010, une décision de la Cour suprême américaine avait permis d’établir que seuls les pays, et non les individus, bénéficiaient de l'immunité diplomatique contre des poursuites lancées aux Etats-‐Unis. La plus haute juridiction civile américaine avait alors décidé à l'unanimité que Mohamed Ali SAMANTAR, ancien Premier ministre somalien aujourd'hui installé aux Etats-‐Unis, pouvait être poursuivi pour des accusations de tortures commises lorsqu'il était au pouvoir. En l’espèce, Les plaignants affirment que certains de leurs proches ont été tués lors de trois incidents différents, notamment en 2009 au cours de l'offensive de l'armée sri-‐lankaise contre le quartier général des rebelles des Tigres tamouls, et réclament 30 millions de dollars de compensation. Cette action est relayée par les souhaits d’ONG telles Amnesty international pour que les USA enquêtent sur les crimes de guerre imputés au président RAJAPAKSA84.
Par ailleurs, au sujet des enfants soldats, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés85, confirme l’adoption par consensus, de la Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail qui interdit les pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, qui interdit l’enrôlement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés. Ce à quoi s’ajoute le fait que le statut de Rome de la Cour pénale internationale identifie le recrutement, l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans au sein de forces ou groupes armés, ou en s’en servant activement lors des hostilités, comme un crime de guerre. Le Sri Lanka apparaît bien placé pour faire l’objet d’une investigation de la Cour pour vérifier ces faits.
La Cour pénale internationale a, ces dernières années, beaucoup contribué à assurer une certaine responsabilisation, à défaut de pouvoir en finir une bonne fois pour toutes avec les cas d’impunité. Il est établi en droit international comme en pratique que la souveraineté n’est pas synonyme d’impunité pour ceux qui organisent, encouragent, commettent des crimes contre des populations qui devraient être protégées. Lorsqu’un État manque manifestement à son obligation, la communauté internationale devrait la lui rappeler et l’aviser que de tels actes pourraient être passibles de la Cour pénale internationale au titre du Statut de Rome. Reste que sa compétence requiert qu’elle soit reconnue et acceptée par les pays qui s’y soumettent…
Malheureusement, et ce n’est pas une surprise, il y a peu de chance que des responsables soient identifiés au Sri Lanka pour les actes illégaux commis lors du conflit avec les TLET. Il est de notoriété commune que certains crimes de guerre puissent impliquer de hauts responsables du Gouvernement sri-‐lankais, dont le président RAJAPAKSA lui-‐même, des membres de son clan ou de sa famille 86 87.
En mai 2010 Colombo, soutenu par une Chine soucieuse d’accroître son influence dans la zone, avait pu échapper à une condamnation du Conseil des droits de l'Homme des Nations88. Deux mécanismes ont été mis en place pour régler le problème des crimes de guerre à Sri Lanka. D’un côté, les autorités sri-‐lankaises, opposées à la mise en place d'une commission onusienne, malgré les promesses du président RAKAPAKSA de collaborer avec les Nations Unies89, considéraient qu’aucun civil n’avait été tué, qu’aucune exécution sommaire n’avait été perpétrée lors des quatre derniers mois de conflits, pourtant les plus durs, quand bien même l’ONU déplora pendant cette période au moins 7 000 morts civils d’origine tamoule. De l’autre, les Nations Unies, convaincues qu’il fallait envoyer un panel d’experts pour enquêter sur les forts soupçons de crime de guerre commis pendant la guerre civile.
84 AI / Amnesty international -‐ 20 janvier 2011 -‐ http://www.amnesty.org/fr/news-‐and-‐updates/us-‐should-‐investigate-‐alleged-‐war-‐crimes-‐sri-‐lankan-‐president-‐2011-‐01-‐20 85 CICR – 25 mai 2000 – http://www.icrc.org/DIH.nsf/FULL/595?OpenDocument 86 http://www.hrw.org/en/news/2010/12/16/opinion-‐wikileaks-‐and-‐us-‐frustrations-‐sri-‐lanka voir également : http://www.reuters.com/article/2010/12/02/us-‐wikileaks-‐srilanka-‐idUSTRE6B13F120101202 87 Department of State -‐ 11 aout 2010 -‐ Report To Congress on Measures Taken by the Government of Sri Lanka and International Bodies To Investigate Incidents During the Recent Conflict in Sri Lanka, and Evaluating the Effectiveness of Such Efforts – http://www.state.gov/s/wci/srilanka/releases/145884.htm 88 CDHNU / Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies – 27 mai 2009 – Résolution Sur L'assistance A Sri Lanka Dans La Promotion Et La Protection Des Droits De L'homme – http://www.unhchr.ch/huricane/huricane.nsf/0/12BFC9BF10FB02E9C12575C4002B5AEA?opendocument 89 Promesse du président sri-‐lankais du 23 mai 2009 de collaborer avec les Nations Unies – http://www.un.org/News/Press/docs/2009/sg2151.doc.htm
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Les autorités sri-‐lankaises ont désigné le 15 mai 2010 leurs propres enquêteurs chargés de faire la lumière sur les éventuelles exactions commises durant la guerre entre l'armée et la rébellion tamoule90. Pendant ce temps, un panel de trois experts mandatés par le Secrétaire Général Ban KI-‐Moon s’est rendu sur place pour enquêter sur ces mêmes excès, contre la volonté gouvernementale.
La Commission des enseignements retirés et de la réconciliation ne fût chargée que d’un rôle consultatif91, celui de récolter les témoignages des différents acteurs du conflit pour proposer des recommandations au pouvoir exécutif. La Commission n’avait pas pour attribut de mener de véritables enquêtes, si tant est qu’elle en ait eu les moyens, elle n’avait pas objectif de joindre dans ses recommandations des mesures à caractère judiciaire. Enfin, elle n’avait pas non plus pour optique de protéger les victimes et témoins qui témoignèrent devant elle.
Problème, c’est la Constitution elle-‐même qui en son sein concentre trop de pouvoirs autour des fonctions présidentielles, phénomène amplifié par la récente révision constitutionnelle92. M. C.G. WEERAMANTRY, ancien Juge de la Cour suprême du Sri Lanka, ancien Juge de la Cour internationale de Justice s’est adressé en novembre dernier à la commission présidentielle pour lui faire part de ses observations et recommandations, considérant que la Constitution actuelle était un obstacle à la paix à la réconciliation93. Elle ne protège pas efficacement contre les abus de pouvoir, d’autorité, mais encore contre le non-‐respect voire la négation de leurs droits. La Constitution n’est en outre pas à même d’assurer tant liberté que transparence à l’information. En même temps, lorsqu’on regarde le CICR, la confidentialité est un principe certes essentiel mais pas absolu94.
C’est pourquoi nombreuses sont les voix à s’être levées contre cette Commission, certaines ONG ont ainsi refusé de témoigner devant elle tant qu’elle ne serait pas plus crédible95.
Alors que le rapport de la Commission des enseignements retirés et de la réconciliation est attendu pour le 15 mai96, le Panel d’expert a rendu son rapport le 12 avril 2011. Celui-‐ci devrait être rendu public dans les prochains jours par le Secrétaire général des Nations Unies97 98, ce qui est très largement voulu par les organisations de défense des Droits de l'Homme. D’ores et déjà, le Gouvernement sri-‐lankais rejette un rapport considéré comme biaisé et imparfait99. Il n’est pas certain que cela suffise à dissuader la communauté internationale de mener une enquête internationale sur ce conflit de plus 30 ans, et pourquoi pas à ce que soit mis sur place un tribunal spécial.
Mais pour être efficace, la justice pénale internationale, encore faut-‐il qu’elle ne soit pas… sélective. Cela va bientôt faire deux ans que la guerre civile s’est officiellement terminée à Sri Lanka, et la conduite de la Communauté internationale semble avoir deux poids deux mesures. On peut ainsi relever les légers… décalages entre les décisions du Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies d’envoyer une mission d’établissement des faits à Gaza en 2009 quand, au même moment, des milliers de civils étaient victimes de violations du DIH à Sri Lanka.
Une enquête approfondie, demandée depuis plusieurs années par les organisations de défense des Droits de l'Homme, est nécessaire pour sonder l’ampleur des violations, et pour établir en conséquence des responsabilités pénales, quels qu’en soient les niveaux de pouvoir des personnes
90 Lessons Learnt And Reconciliation Commission (LLRC), Commission des enseignements retirés et de la réconciliation 91 http://www.llrcarchive.org/interim-‐recommendations-‐2/ 92 L’adoption du 18ème amendement supprime la limite à deux mandats pour le président, ce qui n’est pas sans déplaire au président RAJAPAKSA, fraichement réélu en 2010. 93 http://www.humanrights.asia/news/forwarded-‐news/AHRC-‐FAT-‐003-‐2011, http://print.dailymirror.lk/features/139-‐feature/28678.html, http://blog.srilankacampaign.org/2011/01/senior-‐judge-‐speaks-‐out-‐about-‐how.html 94 http://www.icrc.org/Web/fre/sitefre0.nsf/html/confidentiality-‐interview-‐010608 95 pour ne citer qu’elles, HRW, AI, ICG / International Crisis group, ont publiquement décliné l’invitation de la LLRC – 13 octobre 2010 – http://www.hrw.org/en/news/2010/10/13/joint-‐letter-‐llrc, en complément, le rapport rendu par l’Université de droit de Pittsburgh, Pennsylvanie, USA – http://jurist.org/paperchase/2010/10/rights-‐groups-‐reject-‐invitation-‐to-‐testify-‐in-‐sri-‐lanka-‐civil-‐war-‐probe.php 96 CHR Sri Lanka / Center for Human Rights Sri Lanka – http://chrsrilanka.com/LLRC_Report-‐3-‐2.html 97 HRW – 12 avril 2011 – rendu du rapport des experts des Nations Unies : Ban’s office said today that he will make the report public after he shares it with the Sri Lankan government – http://www.hrw.org/en/news/2011/04/12/sri-‐lanka-‐un-‐experts-‐submit-‐report 98 CHR Sri Lanka – 16 avril 2011 – http://chrsrilanka.com/Report_of_the_UNSG%E2%80%99s_panel_of_experts_on_accountability_in_SL-‐5-‐198.html 99 Reliefweb.int – 13 avril 2011 – Gouvernement sri-‐lankais : le rapport est biaisé et imparfait – http://reliefweb.int/node/396054
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incriminées, sur un plan tant civil, que militaire, du côté du Gouvernement Sri Lankais comme du côté des factions armées, TLET ou TMVP. C’est le moyen sinon le seul pour assurer le respect de l’État de droit, le principe de primauté de la Loi, mais encore l’engagement de la Communauté internationale envers le principe de responsabilité des violations graves du DIH.
Les pressions médiatiques, diplomatiques et politiques s’étant accrues, c’est a priori la voie vers laquelle semblent s’engager les Nations Unies par la voix de leur Secrétaire général100, soutenu par les parlementaires de nombreux pays101 102 103. On peut espérer à ce titre que l’Union européenne, qui prône le respect de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme en tant qu’élément fondamental de ses relations extérieures bilatérales et multilatérales, joue un rôle des plus actif.
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100 Reliefweb.int – 12 avril 2011 – volonté du SGNU de donner des conséquences judiciaires – http://reliefweb.int/node/395867 101 S.RES.84.ATS – Sénat des USA – 1er mars 2011 – http://thomas.loc.gov/cgi-‐bin/query/z?c112:S.RES.84: 102 Lettre de parlementaires du Royaume-‐Uni à leur premier ministre – février 2011 – http://www.scribd.com/doc/49287817/British-‐MPs-‐wrote-‐to-‐PM 103 Laurie Ferguson, Werriwa, Australian Labor Party – 28 février 2011 – soutien des parlementaires australiens – http://www.openaustralia.org/debate/?id=2011-‐02-‐28.152.1
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Bibliographie
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⧸ Sites, organismes et ouvrages spécialisés
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http://www.icbl.org International Campaign to Ban Landmines http://www.irnc.org/spip Institut de recherche sur la résolution non violente des conflits http://www.internal-displacement.org Internal Displacement monitoring Centre http://www.irenees.net Site web de ressources pour la paix http://www.irinnews.org Humanitarian news & analysis http://www.iris-france.org IRIS http://jurist.org/ Legal news and research http://www.maginternational.com Mines Advisory group http://www.redcross.int Croix Rouge http://www.satp.org South Asia Terrorist Portal Eric DAVID, les principes de droit des conflits armés, BRUYLANT, 2008
Le conflit du Sri Lanka & le Droit international humanitaire – Master 2 SIDIE – 2011
⧸Sites et blogs d’information
http://www.afp.com http://www.france24.com http://www.lesechos.fr http://www.lemonde.fr http://www.lepoint.fr http://www.reuters.com http://www.rtl.be
http://www.humanitarianinfo.org/sriLanka_hpsl
http://reliefweb.int/
http://justice-inter.blog.lemonde.fr
http://blog.multipol.org
⧸ Autres
http://www.cairn.info http://www.scribd.com
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Le conflit du Sri Lanka & le Droit international humanitaire – Master 2 SIDIE – 2011