HDA

Domaine : les arts du son

Thématique : arts, mythes et religions

Couleurs de la Cité céleste1964

Olivier Messiaen – Couleurs de la Cité Céleste ensemble intercontemporain – piano : Yvonne Loriod Olivier Messiaen (1908-1992)

Biographie d'Olivier Messiaen :Né en 1908 en Avignon et mort en 1992 à Paris, Olivier Messiaen passe pour être un des plus importants

compositeurs du XXème siècle par son langage musical renouvelé à chaque composition au point d'être inimitable : chaque œuvre est un laboratoire pour une nouvelle expérience sonore.

Après une approche autodidacte de la musique, il intègre le CNSM de Paris où il obtient les premiers prixd'orgue auprès de Marcel Dupré et de composition avec Paul Dukas.

Son ouverture d'esprit va l'amener à s'intéresser aux chants d'oiseaux conjuguant ainsi sa passion ornithologique à la musique (« les oiseaux ont été mes premiers et mes plus grands maîtres, ce sont les meilleurs du monde »), et aux chants grégoriens : Messiaen est également un homme mystique passionné par les Écritures saintes.

Un autre élément, d'ordre neurologique, marquera la totalité de ses œuvres : la synesthésie. En effet, O. Messiaen a cette faculté d'associer deux sens au point de percevoir des couleurs en réponse à des sons, ce qu'il nommera : les sons couleurs.

A propos de l’œuvre :Les Couleurs de la Cité céleste est une œuvre de commande (16'19 environ), composée en 1963 et créée

en 1964 lors du festival de Donaueschingen sous la direction de Pierre Boulez.Véritable vitrail sonore, cette œuvre s'intègre dans une série de compositions d'inspiration religieuse,

ornithologique, et intégrant la thématique de la couleur.Deux notes du compositeur apportent un éclairage important sur la genèse de l’œuvre. En effet, elle

« prend source en cinq citations de l'Apocalypse ( Révélation de Jésus-Christ)1. Un arc-en-ciel encerclait le trône … (Apoc., IV, 3)2. Et les sept anges avaient sept trompettes … (Apoc., VIII, 6)3. On donna à l'étoile la clef du puits de l'abîme … (Apoc., IX, 1)4. L'éclat de la ville sainte est semblable au jaspe cristallin … (Apoc., XXI, 11)5. Les fondements du mur de la ville sont ornés de toute pierre précieuse : jaspe, saphir, (…),émeraude,

(…), topaze … (Apoc., XXI, 19, 20) »O. Messiaen nous précise également les « différentes combinaisons de couleurs, telles que : topaze jaune,

chrysoprase vert clair, émeraude verte, améthyste violette – rouge, orange, et or etc... »Enfin, l'utilisation partielle de « quelques thèmes de plain-chant » dont l'Alleluia du 8ème dimanche

après la Pentecôte.

Le matériel instrumental :La particularité de l'orchestre est l'absence des cordes frottées au profit des instruments à vent et des

percussions : • les cuivres : les trompettes, les trombones, les cors• les bois : les clarinettes• les percussions à hauteur non déterminée : cencerros, tams-tams (disque métallique)• les percussions à hauteur déterminée : les cloches tubulaires, marimba, xylorimba, xylophone et

pianoCette formation permet à Olivier Messiaen de créer des alliages de timbres inédits, autant de variations

de couleurs.

Le matériau sonore : volontairement circonscrit à la dimension ornithologique, aux références liturgiques et les sons couleurs, larythmique hindoue et les modes grecques étant trop compliqués à exploiter en 3ème.

1. Les oiseaux : Dès la première écoute, les chants des oiseaux sont facilement repérables d'autant plus que les silences ont un rôle structurel dans l'élaboration, l'organisation et la compréhension du discours musical. (voir le fichier Audacity avec marqueurs)

Tous les oiseaux (17 au total) cités musicalement sont également précisés sur la partition, donc une réelle identification des oiseaux mentionnés est possible.

Un des meilleurs exemples et accessibles est celui du Benteveo, oiseauoriginaire d'Argentine principalement, dont le chant est le plus caractéristiqueet à l'origine des trois syllabes de son nom (Ben-te-veo) par son profil rythmique (longue-brève-longue), son contour mélodique (ascendant-descendant) et son timbre évoqué par les clarinettes et les xylophones et marimbas dans un registre aigu.

Possibilité de comparer les deux spectres sonores : (fichier Audacity – Benteveo)

Chant du Benteveo Chant du Benteveo selon Messiaen

2. Les références liturgiques : Pour Messiaen, l'emploi du plain-chant est le moyen le plus puissant d'exprimer sa foi chrétienne. Son choix s'est porté sur l’Alléluia du 8ème dimanche après Pâques : une louange au Seigneur. Le plain-chant (cantus planus : chant monodique homorythmique responsorial a cappella) est caractéristique du chant grégorien, de la psalmodie : l'art de réciter un texte religieux recto tono. Évidemment, Olivier Messiaen se réapproprie le plain-chant puisqu'il est exclusivement instrumental (trompettes, trombones, tam-tam), mais en conservant une rythmique verbale (la prosodie). L'exemple de l’Alléluia du 8ème dimanche après la Pentecôte (voir marqueur du fichier Audacity) est intéressant : d'une part Messiaen emprunte le contour mélodique du chant grégorien très mélismatique et d'autrepart la présence des cuivres et des trompettes nous renvoie à la valeur symbolique de la deuxième citation de l'Apocalypse (les sept anges aux sept trompettes du jugement de Dieu) Écoute comparée : Alléluia du 3ème dimanche après Pâques – Moines de l'Abbaye de Solesmes - Choeur Moines Abbaye De Solesmes – 3Eme Dimanche Apres Paques: Alleluia Redemptionem (2e Mode)

Alleluia du 8ème dimanche après Pentecôte – extrait des Couleurs de la cité céleste de Messiaen.

3. Les sons couleurs : Comme un temps suspendu, Messiaen nous projette sa vision sonore des couleurs. Dans un temps lisse (visible sur le fichier Audacity avec marqueurs), ces sons couleurs sont définis par leur hauteur, leur timbre et leur durée. Rappel : O. Messiaen nous précise les couleurs sur la partition.

La forme :La structure de l’œuvre n'a pas été vraiment l'objet d'étude avec les 3èmes , mais selon la première note du

compositeur : « la forme de cette œuvre dépend entièrement des couleurs ». L'alternance des matériaux créent de fait des variations de couleurs par l'enchaînement de courtes séquences aux composantes sonores différentes entrecoupées de silence. (à la manière d'un vitrail!?)

HDA : problématique et œuvres satellites

Une problématique envisageable :Dans quelle mesure les couleurs de la cité céleste participe-t-elle à la recherche d'un idéal dans notre environnement urbain ?

1. La cité céleste fait référence à la cité dont Dieu est l'architecte et le constructeur, soit la Jérusalem

céleste.Cette Jérusalem, cité venue du ciel, la ville sainte, représente le salut de l'humanité, certes vision biblique pleined'espoir dans l'attente d'un monde idéal voire utopique mais que toutes religions confondues revendiquent.

Cette cité fait partie des mythes que l'Homme a toujours essayé de représenter sous différentes formes :• l'enluminure d'un manuscrit du XVème siècle de Saint Augustin sur la coexistence de deux cités : l'une

terrestre, l'autre célestehttp://www2.ac-lyon.fr/enseigne/histoire/IMG/html/cite.html

• la Tour de Babel – huile sur toile de P. Bruegel, peintre flamand du XVIème siècle.Cette volonté ascensionnelle pour atteindre un idéal s'exprime au travers également notre architecture urbaine contemporaine :

• l'Eglise de Royan de l'architecte Guillaume Gillet, haute de ses 56 mètres, inscrite dans le paysage royannais.

• La Sagrada Familia d'Antonio Gaudi à Barcelone, dont la tour centrale dédiée à Jésus culmine à 170 mètres faisant d'elle la plus haute des édifices religieux du monde.

• Le Christ rédempteur (38 mètres) au sommet du mont Corcovado (710 mètres) à Rio de Janeiro, réalisé par le sculpteur français Paul Landowski

Qu'en est-il des Couleurs de la cité céleste ?L'oiseau sera le passeur du terrestre vers le céleste, ce messager des dieux ou d'un dieu comme on le

retrouve dans la mythologie ou les religions monothéistes.

2. Dans l'Apocalypse, la cité céleste est décrite comme un lieu vibrant de mille couleurs :• Les pierreries et leurs couleurs figurent à la fois la solidité et la splendeur, ce qu'elles reflètent est la

gloire divine. (source : Wikipédia)• Messiaen s'inspire des vitraux qui font vibrer les cathédrales par leurs couleurs.• Depuis la période gothique, la lumière naturelle est une donnée prise en compte par les bâtisseurs

d'église. Au XXème et au XXIème siècles, assistons-nous à un renouveau du sacré grâce à la maîtrise des nouvellestechniques de construction : dans l'église de Royan, les piliers en V (V Lafaille) ont permis de dégager la nef detoutes contraintes de maintien de la structure et baigner de lumière tout le volume. Que dire de la mise en scène de la lumière et des couleurs dans la Sagrada Familia !

3. Autres objets … autres pistes … à enrichir !… :- les couronnes de suspension ornant les églises au Moyen-Âge porte également le nom de Jérusalem céleste

Couronne de suspensionChapelle Palatine d'Aix la Chapelle

- la chapelle du Rosaire de Vence réalisée entièrement par le peintre Henri Matisse.- les acides d'Olivier Messiaen – création sonore électronique de Rémi Lavialle de 2007 – https://soundcloud.com/remo-highlife/les-acides-dolivier-messiaen- Gaudi, le mystère de la Sagrada Familia – documentaire de Stefan Haupt – 2013 – sortie mai 2014- différents articles sur la Sagrada Familia en péril en raison de la réalisation d'un tunnel ferroviaire.