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2002,57, HS 2 Journal de Pharmacie de Belgique 21 1 ~ES VERTUS THÉRAP~UTIQUES DU CANNABIS A TRAVERS LES MILLENAIRES Didier M. Lambert Unité de chimie pharmaceu- tique et de Radiopharmacie Ecole de Pharmacie - Uni- versité catholique de Louvain 73, avenue Emmanuel Mounier B-1200 Bruxelles L'usage du cannabis fait couler aujourd'hui beaucoup d'encre. Entre uti- lisation récréative et propriétés théra- peutiques (Roques, 1999), le discours s'en- tremêle et souvent s'effiloche. Et pourtant, il semble bel et bien que ce même débat est vieux comme le monde. Il remonte à quel- ques millénaires comme si les chemins de l'humanité et ceux du cannabis se croisaient et s'entrecroisaient. L'objet de cet article est de passer en revue les propriétés thérapeuti- ques du cannabis à travers quelques civilisa- tions représentatives et, dans la dernière par- tie, de les mettre en parallèle avec les décou- vertes récentes de la pharmacologie et de la physiologie modernes. L'auteur a choisi déli- bérément d'opter pour une présentation plus géographique que chronologique et de ne pas s'attarder sur l'usage récréatif de la plante. 1. Brève présentation botanique du Cannabis sativa L. Lechanvre ou cannabis (Fig. 1) est une plante herbacée annuelle répondant au nom latin de Cannabis saUva Linneae. Karl von Linné l'appelait plus familièrement «le roseau à deux sexes». Cette herbe est Fig. 1 : Photographie d'un plant de Cannabis sativa L. : feuilles caractéristiques de 3 à 15 doigts dentelés, longues d'une dizaine de centimètres et larges d'un à deux centimètres. l'EMPTAD1S QVUTAE LIll. 11. $3$ CAmuhufil.,tilif. C.wvbu(<t(tind.t. Fig. 2 : Planche du Cannabis dans le Cruydt-Boeck de Ro- bert Dodoens (1554). Notons l'inversion des sexes de la plante, erreur qui ne sera corrigée que par le célèbre bota- niste systématicien Karl von Linné. Le Cruydt-Boeck fait partie de la Collection Albert Couvreur (photo J. Hanot) en effet dioïque, et longtemps le caractère fe- melle a été attribué au plan mâle (Fig. 2). C'est Linné qui corrigera cette erreur. La plante appartient à la famille des Cannabaceae, dont le plus proche parent est le houblon. Les feuilles du cannabis sont ca- ractéristiques et composées de 3 à 15 doigts dentelés, chacun d'une longueur d'une dizaine de centimètres et d'une largeur d'un à deux centimètres. Sous des conditions climatiques favorables, la plante peut atteindre jusqu'à six mètres de haut. Les graines de la plante ap- pelées chènevis ou graines à chanter sont également caractéristiques. Sur le plan de la pharmacognosie, la plante renferme plus de 450 composants, dont une soixantaine de cannabinoïdes. Par substan- ces cannabinoïdes, il faut entendre des déri- vés terpéniques de plus de vingt atomes de carbone dérivant de la structure du t,.9- tétrahydrocannabinol, le constituant psycho- actif majoritaire de la plante (Fig. 3). La plante est connue sous différents noms: chanvre, cannabis, kif (Maroc), bhang (Inde), riamba (Brésil), hemep (Pays-Bas), hemp (An- gleterre), dagga (Afrique). Les mots suivants, par contre, caractérisent des préparations à base de cannabis: marihuana, haschich, herbe, maa-jun, pot, dawamesc (XIXème s.), ganja, charas, malasch.

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2002,57, HS 2 Journal de Pharmacie de Belgique 21

1 ~ES VERTUS THÉRAP~UTIQUES DU CANNABISA TRAVERS LES MILLENAIRES

Didier M. Lambert

Unité de chimie pharmaceu­tique et de RadiopharmacieEcole de Pharmacie - Uni­

versité catholique de Louvain73, avenue Emmanuel MounierB-1200 Bruxelles

L'usage du cannabis fait couleraujourd'hui beaucoup d'encre. Entre uti­lisation récréative et propriétés théra­

peutiques (Roques, 1999), le discours s'en-tremêle et souvent s'effiloche. Et pourtant, ilsemble bel et bien que ce même débat estvieux comme le monde. Il remonte à quel­ques millénaires comme si les chemins del'humanité et ceux du cannabis se croisaient

et s'entrecroisaient. L'objet de cet article estde passer en revue les propriétés thérapeuti­ques du cannabis à travers quelques civilisa­tions représentatives et, dans la dernière par­tie, de les mettre en parallèle avec les décou­vertes récentes de la pharmacologie et de laphysiologie modernes. L'auteur a choisi déli­bérément d'opter pour une présentation plusgéographique que chronologique et de ne pass'attarder sur l'usage récréatif de la plante.

1.Brève présentation botanique duCannabis sativa L.

Lechanvre ou cannabis (Fig. 1) est uneplante herbacée annuelle répondant aunom latin de Cannabis saUva Linneae.

Karl von Linné l'appelait plus familièrement«le roseau à deux sexes». Cette herbe est

Fig. 1 : Photographie d'un plant de Cannabis sativa L. :feuilles caractéristiques de 3 à 15 doigts dentelés, longuesd'une dizaine de centimètres et larges d'un à deux centimètres.

l'EMPTAD1S QVUTAE LIll. 11. $3$

CAmuhufil.,tilif. C.wvbu(<t(tind.t.

Fig. 2 : Planche du Cannabis dans le Cruydt-Boeck de Ro­bert Dodoens (1554). Notons l'inversion des sexes de laplante, erreur qui ne sera corrigée que par le célèbre bota­niste systématicien Karl von Linné. Le Cruydt-Boeck faitpartie de la Collection Albert Couvreur (photo J. Hanot)

en effet dioïque, et longtemps le caractère fe­melle a été attribué au plan mâle (Fig. 2). C'estLinné qui corrigera cette erreur.La plante appartient à la famille desCannabaceae, dont le plus proche parent estle houblon. Les feuilles du cannabis sont ca­

ractéristiques et composées de 3 à 15 doigtsdentelés, chacun d'une longueur d'une dizainede centimètres et d'une largeur d'un à deuxcentimètres. Sous des conditions climatiquesfavorables, la plante peut atteindre jusqu'à sixmètres de haut. Les graines de la plante ap­pelées chènevis ou graines à chanter sontégalement caractéristiques.Sur le plan de la pharmacognosie, la planterenferme plus de 450 composants, dont unesoixantaine de cannabinoïdes. Par substan­ces cannabinoïdes, il faut entendre des déri­vés terpéniques de plus de vingt atomes decarbone dérivant de la structure du t,.9­

tétrahydrocannabinol, le constituant psycho­actif majoritaire de la plante (Fig. 3).La plante est connue sous différents noms:chanvre, cannabis, kif (Maroc), bhang (Inde),riamba (Brésil), hemep (Pays-Bas), hemp (An­gleterre), dagga (Afrique). Les mots suivants,par contre, caractérisent des préparations àbase de cannabis: marihuana, haschich,

herbe, maa-jun, pot, dawamesc (XIXème s.),ganja, charas, malasch.

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OH

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Figure 3 :Structure et modèle moléculaire du ~9-tétrahydrocannabinol (THe), le constituant psycho-actif majoritaire de laplante Cannabis saliva L. Deux systèmes de numérotation chimique existent. Le plus courant que nous avons adoptédonne à la structure dessinée le nom de ~9-tétrahydrocannabinol, d'autres auteurs parlent du ~1-tétrahydrocannabinol, maisil s'agit bien de la même structure chimique.

II. Vertus thérapeutiques du Canna­bis au travers des civilisations

• Cannabis et civilisation chinoise

D'après la légende, vers 2700 avantnotre ère, l'empereur chinois, Shen­Nung, découvre les vertus de trois

plantes médicinales majeures: le ginseng,l'éphédra et le cannabis. Shen-Nung dispo­sait d'une caractéristique que plus d'unpharmacologue moderne envierait. Son ab­domen était transparent, il pouvait donc ju­ger de visu des effets des plantes qu'il s'ad­ministrait comme remède. Le cannabis est

repris au deuxième siècle A.D. dans la phar­macopée «Shen-nung pen-ts 'ao ching» sousle nom de ma ou ta ma (grande herbe), pourle traitement de la constipation, des rhuma­tismes, du paludisme et des affections gyné­cologiques. Associé au vin, le cannabis estanalgésique et anesthésique. Le terme «ma»est représenté par un idéogramme complexe,où deux plants sont sous un séchoir. Cet idéo­gramme soulignerait donc le caractère dioï­que de la plante, la façon de le préparer (sé­chage) mais ne serait pas exempt de traitsnégatifs, ce qui rappelle les vertus psycho­actives. D'après la littérature chinoise, lecannabis pris en excès permet d'entrevoir lesdémons (Aldrich, 1997).

Au Xlèmesiècle, le cannabis est préconisécomme antiémétique, antibiotique et antipa­rasitaire. De nos jours, en médecine tradi­tionnelle (Chine, Thaïlande), il est utilisé pourstimuler l'appétit.

• Cannabis et Inde

Lacivilisation indienne connaît très tôtl'usage du cannabis comme remèdemédical, mais aussi comme agent psy-

chotrope utilisé dans le rituel religieux.

Le bhang, tel est le nom du cannabis en Indeencore aujourd'hui, est une de 5 plantes sa­crées de l' « Atharva veda» (1400 avant notreère) .

Outre leurs usages rituels, les préparations decannabis sont utilisées comme agent antidiar­rhéique et aphrodisiaque. L'usage du cannabispar les tradi-praticiens locaux est fréquent.Durant le XIXèmesiècle, le cannabis est utilisécomme analgésique, fébrifuge, sédatif, stimu­lant de l'appétit. Il soigne également l'asthme,les convulsions, les spasmes et les troublesde la motilité intestinale. Une des voies d'en­

trée du cannabis en Europe aux temps mo­dernes sera le contrôle des Indes par l'empirebritannique (Peters & Nahas, 1999).

• Proche-Orient, civilisation arabeet cannabis

ljusagedu cannabis était-il répandu dansle Proche-Orient? Les controverses se­

ouent les historiens. D'après certainsbotanistes, le papyrus d'Ebers mentionneraitle cannabis (600 B.C.), comme pansement, an­tidépresseur et anti-douleur, notamment dansles douleurs oculaires. De même, les tablet­tes assyriennes mentionnent des remèdes àbase de plantes sous le nom azallu, qunnabu,gan-zi-gun num avec les mêmes indicationsmédicales qui pourraient correspondre au can­nabis. Le chanvre est-il présent dans la Bi­ble? Benet propose cannabis en traductiondu kanesh-bosm. Mention biblique ou non, ilest présent en Israël. En 1992, dans la trèssérieuse revue Nature, paraît une lettre brève.Les auteurs relatent la découverte dans une

tombe proche de Jérusalem du squelette d'unejeune femme décédée dans les derniers ter­mes de sa grossesse au quatrième siècle denotre ère. Des pièces de monnaie de cetteépoque retrouvées dans la tombe ont permisd'approcher cette date.

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Sur le corps de la jeune femme, un résiducarbonisé a retenu l'attention des chercheurs.

Après analyse microscopique, puis extractionet enfin analyses spectroscopiques (par chro­matographie gazeuse, résonance magnétiquenucléaire et spectrométrie de masse), lesauteurs ont conclu à la présence de /',.6_tétrahydrocannabinol dans le résidu carbonisé(Zlas et al., 1993).

Le /',.6-tétrahydrocannabinol est un composéminoritaire de la plante, mais il peut être pro­duit en grandes quantités par combustion du/',.9-tétrahydrocannabinol. Rite mortuaire oumédicament facilitant la délivrance? Les

auteurs penchent pour la seconde hypothèse,vu les circonstances (fœtus de quarante se­maines). Toujours est-il qu'il s'agit de la pre­mière évidence physique de l'usage de can­nabis dans l'histoire.

Le cannabis est également bien connu de lacivilisation arabe. Il semblerait que les tra­ductions des ouvrages grecs en arabe aientété à la base de la dispersion du cannabis àtravers le Proche-Orient, le Moyen-Orient etl'Afrique. L'Espagne fut le seul pays sous l'in­fluence des Arabes à échapper à la dissémi­nation du cannabis. Les Grecs connaissaientle cannabis, sans toutefois en faire grand cas.Pour les Arabes, il en ira tout autrement.Comme les Grecs, les Arabes expliquent lespropriétés curatives à partir de la théorie deshumeurs. Chaque simple a des caractéristi­ques déterminées par des degrés (chaud,froid, humide, sec).

Après les traductions arabes de la Materiamedica de Dioscoride par lstifan Basil en 861et De simplicium medicamentorum tempera­mentis ac factultatibus liber de Galien parHunayn B. Ishaq, 873, le cannabis, classécomme remède comme froid, ou composé departies froides et chaudes, va être utilisé prin­cipalement comme analgésique. La premièremention thérapeutique comme analgésiquedes douleurs de l'oreille remonte à 857 par AIRazi. Le recours au cannabis va s'intensifier

rapidement notamment au sud-est du bassinméditerranéen; d'autant plus que le prophèteMahomet ne mentionne pas le cannabis dansses interdits, au contraire de l'alcool. Les pro­priétés pour lesquelles le cannabis est pres­crit sous forme de jus des feuilles ou d'huileprovenant des graines sont variées: analgé­sique, vermifuge, purgatif, diurétique,antiépileptique, relâchant utérin, antipyrétiqueet antiémétique (Lozano et al., 2001). AuXVlllèmesiècle, c'est par l'Egypte via les con­quêtes napoléoniennes et par le Proche-Orientavec la mode des voyages thérapeutiques quel'Occident redécouvrira le cannabis.

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A la même époque, les autorités religieusesmusulmanes interdisent l'usage du cannabis,à l'exception de son utilisation dans des indi­cations médicales.

• Cannabis et Occident

En Occident, le cannabis n'a pas connula même percée. Si l'on retrouve duchanvre dans la formule de certains on­

guents (onguent du Sabbat) et remèdes(Electuaire satanique), le cannabis ne va pasmarquer le Moyen-Âge. De même, la Renais­sance ne s'intéresse qu'au cannabis via la lit­térature. Rabelais décrit le «pantagruelion »

dans le Tiers-Livre (1546), une herbe étran­gement semblable au cannabis. Le chanvrecomme fibre textile retient plus l'attention, laproduction de cordages et toiles de bateauxpermettra l'expansion du chanvre jusqu'auNouveau-Monde. Notons que dans les ouvra­ges présents dans la collection A. Couvreur,le cannabis est repris dans la majorité des flo­res. D'après les livres consultés, son usagemédical en Occident est limité à la consom­

mation de ses graines, que l'on sait aujourd'huipeu riches en substance actives. Certainsouvrages comme le Dictionnaire pharmaceu­tique de de Meuve (1689) rappellent les indi­cations du chanvre connues depuis l'Antiquité(figure 4).

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CA N N A .n l sIm} .•• bis, oU c"zn4ftu.Chanvre.

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elle dt bonne pour la (OU){ & pour hpu­mllê) dIe fait 11l0urir ks vers; mais die ace1., de mâUV(l.ls qu'clle remplit le cerve;lU

de Y"peurs) &. qu'elle dIminue hl tèmencc.

Figure 4 : Extrait du Dictionnaire pharmaceutique de deMeuve (1689). L'auteur écrit «Le Chanvre est tellementconnu qu'il est inutile d'en faire la description", témoignantde l'expansion du chanvre comme fibre textile à cette épo­que. Par contre, les indications thérapeutiques rappellentplutôt l'Antiquité, en mêlant intimement effets favorables etnéfastes (<<ellea cela de mauvais qu'elle remplit le cer­veau de vapeurs, et qu'elle diminue la semence,,). Le dic­tionnaire pharmaceutique appartient à la CollectionA.Couvreur, Ecole de pharmacie UCL.

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{CHAUSSE-TRA.PE ou CHARDON ÉTOILÉ, feUilleS:'l' 1 ,301 11-- - --, pulv. 1.. ' 1

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ICUÉLlDOCŒ ou ÉCLJ\lRE, fC\lillcs. 1

1--- --, racine.

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Figure 5: Extrait du Tarif de l'apothicaire (1831). Dans ce tarif, il n'y a pas de mention de chanvre ou de cannabis mais dessemences de chènevis au prix très abordable par ailleurs (dix centimes, l'once). Le Tarif de l'apothicaire fait partie des livresde la Collection Albert Couvreur, Ecole de Pharmacie UCL.

L'Occident ne découvrira les usages mé­dicaux et récréatifs du cannabis qu'à lafin du XVI Hèmesiècle, début du XIXème

siècle. Tout d'abord, en 1798, la conquête del'Egypte par Napoléon donne lieu à une expé­dition scientifique gigantesque mêlant mathé­maticiens, ingénieurs, médecins, chimistes,dessinateurs et architectes. Cent soixante sa­

vants et artistes accompagneront l'expéditionmilitaire. Parmi les savants, citons le mathé­maticien Gaspard Monge et le chimiste ClaudeLouis Bertholet qui participeront à l'Institutd'Egypte. Bien vite, l'expédition va croiserl'usage du cannabis. Il semble qu'un des phar­maciens de l'expédition (Boudet, Roguin ouRoyer) ou un médecin (Sonnerat ou Rouyer)ramena des échantillons d'haschich que La­marck étudiera (Galland, 1991). La percéedu cannabis comme thérapeutique fut très ti­mide, comme en témoigne le tarif de l'apothi­caire des années 1830, où seules les grainesde chènevis sont vendues (Figure 5).

Peu de temps après, un médecin, Jacques­Joseph Moreau de Tours (1804-1884), spécia­lisé en psychiatrie, fait connaître le cannabisdans Paris. A cette époque, les voyages thé­rapeutiques sont en vogue et le jeune méde­cin accompagne des patients en Orient où ildécouvre les effets du haschich. A son retour,il étudie les effets de plusieurs plantes décou­vertes lors de son voyage dont le haschich.En 1845, il publie un livre intitulé Du Haschichet de l'Aliénation mentale. Etudes psychologi­ques. Moreau de Tours est un pionnier de lapsychopharmacologie en étudiant d'une ma­nière systématique l'effet de plantes sur lesmaladies mentales, en comparant les effetsde celles-ci aux syndromes psychiatriques.

La Gazette des Hôpitaux Civils et Militairesrapporte en 1857 la description détaillée de laguérison d'Line patiente de Moreau atteinte deIypémanie (synonyme de mélancolie, ndlr)avec stupeur traitée par l'extrait résineux decannabis indica. Aujourd'hui, ce désordre ob­sessionnel compulsif est repris sous le nomdu syndrome de Gilles de la Tourette, pourlequel, récemment, il a été rapporté l'intérêtdu ~9-tétrahydrocannabinol comme traitement(Muller-Vahl et al., 1998 ; Muller-Vahl et al.,1999). Jacques-Joseph Moreau de Tours n'estautre que le Dr X qui fournissait une prépara­tion, le dawamesc, au club littéraire et artisti­que «le club des Haschichins». Le club futfondé par Boissard et comprenait comme fi­gures célèbres Gérard de Nerval, EugèneDelacroix, Théophile Gauthier et Charles Bau­delaire. Le poète des «Fleurs du Mal» appa­rut comme l'ardent défenseur de l'usage ducannabis mais sa compulsion ostentatoiren'était que mystification. Il prenait, en lieu etplace du haschich, du laudanum, un dérivéopiacé. A la fin de sa vie, dans un poème «Duvin et du haschich », il prend résolumentparti ... pour le vin (Galland, 1991).

De l'autre côté de la Manche, le cannabis estramené en Angleterre par un jeune médecinmilitaire irlandais en service aux Indes,William B. O'Saughnessy, en 1839. La démar­che d'O'Saughnessy est une démarche expéri­mentale moderne. Après avoir observé l'usagedu cannabis chez les indigènes, il teste diffé­rentes préparations de cannabis, d'abord suranimaux en vue de déceler une toxicité éven­

tuelle. Après quelques essais, il qualifie sespréparations de remèdes sûrs et peut enfins'attarder à essayer celles-ci chez des patients.

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Bien vite, il confirme ses premières observa­tions, le cannabis est doué de propriétés anal­gésiques et sédatives. Il essaie égalementavec succès d'administrer des teintures de

cannabis aux victimes du choléra, non paspour éradiquer le Vibrio cholerae, mais bienpour lutter contre deux de ses conséquencesnéfastes : la diarrhée et les vomissements.

Le cannabis non seulement entrait aux RoyalBotanical Gardens mais aussi dans la littéra­ture médicale occidentale. De 1840 à 1900,plus d'une centaine d'articles et de communi­cations lui furent consacrés. Même le méde­

cin de la Reine Victoria, Sir J. Russell Rey­nolds préconisait l'usage de teinture de can­nabis comme sédatif nocturne, analgésiquedans diverses douleurs sévères (règles dou­loureuses, migraines, neuralgies) et relâchantmusculaire. Aux Etats-Unis également, le can­nabis entre dans les ouvrages médicaux.Quatre pages lui sont consacrées dans l'U.S.Dispensatory de 1868. Les premiers problè­mes d'administration et de dosage surgissent:le cannabis est peu soluble dans l'eau et lateneur en substances actives dépend bienentendu de la souche de la plante mais aussides conditions de culture. De nombreux la­boratoires au début de XXème siècle - c'est

l'avènement de la pharmacologie moderne ­tentent de mettre au point une préparationstandard, sans succès. Cela n'empêche pasdes industriels de mettre l'extrait alcooliquesur le marché. Dès 1930, Eli Lilly et Parke­Davies commercialisent des extraits et des

teintures de cannabis avec une kyrielle d'in­dications : douleurs, goutte, manque d'appé­tit, nausées, gonorrhée, migraine, bronchite,troubles du sommeil, fièvre ... (Aldrich, 1997)

• Thérapeutique contemporaine ducannabis,A l'heure actuelle, l'usage du cannabis

en médecine n'est pas répandu. Dansla plupart des pays du monde, son

usage reste illégal. La Belgique vient demodifier sa législation en juillet 2001, pourpermettre d'étudier les effets du cannabis chezles patients dans quelques indications, dontla douleur. Au niveau mondial, deux spéciali­tés pharmaceutiques sont enregistrées. LeMarinol® (dronabinol) est une préparation de119-tétrahydrocannabinol synthétique disperséedans l'huile de sésame. Le Cesamet®

(nabilone) est un cannabinoïde synthétique.Tous deux ont été utilisés pour lutter contreles vomissements, notamment chez les pa­tients en chimiothérapie.

Journal de Pharmacie de Belgique 25

Aujourd'hui, ils sont utilisés aux Etats-Unisdans certains Etats pour lutter contre la ca­chexie des patients sidéens et cancéreux enfin de vie. Par ses propriétés stimulantes del'appétit et ses propriétés anti-nauséeuses, lecannabis permet à ces patients de retrouverde l'appétit et de prolonger leur espérance devie.

III. Bases rationnelles des vertus

thérapeutiques du Cannabis

Depuis que Paul Erhlich a émis son pos­tulat à la fin du XIXème siècle « Corporanun agent nisi fixata », les pharma­

cologues sont à la recherche continue de ci-bles pour l'action des médicaments. Avec lecannabis, ils ont attendu longtemps.

Très vite, certains récepteurs vont être identi­fiés: les récepteurs aux opiacés, les récep­teurs à l'acétylcholine, les récepteurs à l'his­tamine vont faire les beaux jours de la phar­macologie utilisant des organes isolés. En cequi concerne le cannabis, rien. Aucune pisteet, pire encore, aucune idée de la structuredu composant actif. Il faudra attendre 1964pour que l'équipe de Méchoulam en Israëlidentifie et propose la structure du 119­

tétrahydrocannabinol (Gaoni & Mechoulam,1964 ; Mechoulam and Hanus, 2001). L'épo­pée chimique pense pouvoir commencer. Etpourtant, la complexité de la structure, salipophilie extrême et surtout l'absence de ci­bles réduit les espoirs.La pharmacologie du cannabis s'enlise, elledevient descriptive chez l'animal et épidémio­logique chez l'homme. Chez l'animal, leschercheurs étudient les effets du 119-tétra­

hydrocannabinol administré seul. Il en res­sort une épreuve permettant d'établir si unesubstance agit, oui ou non, comme uncannabinoïde : c'est la tétrade cannabinoïde.

La tétrade est une batterie de quatre tests ef­fectués sur rongeurs; ce sont les mesures del'analgésie, du pouvoir hypothermique, de lacatalepsie et de la diminution de la locomo­tion.

Parmi ces tests robustes, nous retrouvons desapplications que diverses civilisations avaientdécouvertes bien avant l'Occident: le carac­

tère anti-douleur (analgésie), l'action antipy­rétique (hypothermie) ; la sédation (locomo­tion réduite) et le relâchement musculaire (ca­talepsie) (Martin, 1986).

Pendant une vingtaine d'années, toutes lessubstances issues des modifications chimi­

ques du 119-tétrahydrocannabinol seront cri­blées dans ces tests.

26 Journal de Pharmacie de Belgique

Tableau 1

2002, 57, HS 2

Récepteur CB,Récepteur CB2

Type de récepteur

Récepteur couplé à une protéine GRécepteur couplé à une protéine G

Mode de transduction principal

Voie de l'adénylate cyclaseVoie de l'adénylate cyclase

Second messager

t AMPct AMPc

Ligand endogène

Anandamide2-arach idonoyl glycé roi

Localisation

Cerveau, utérus, testicules,Cellules immunitaires( rate)poumons, intestinsNombre d'acides aminés

472 (homme)360 (homme)473 (souris)

348 (souris)473 (rat)

360 (rat)

Perspectives thérapeutiques

AnalgésieAnalgésieSuppression des vomissements

InflammationStimulation de l'appétit

ImmunitéGlaucome Humeur

Et pourtant dès 1970, les pharmacologues ontmis au point des techniques in vitro (par dé­placement de ligands radioactifs à haute acti­vité spécifique) leur permettant de réaliser uncriblage rapide, sensible et extrêmement peucoûteux en quantité de produit. Mais pour lecannabis, l'énigme reste entière: pas de ci­ble, pas de radioligand, Plusieurs équipes ontbel et bien réussi de radiomarquer le /').9­

tétrahydrocannabinol mais sans atteindre le but:la découverte de récepteurs cannabinoïdes. Cedessein sera achevé fin des années 80, grâceà la synthèse d'un radioligand un peu moinslipophile, le [3H]-CP-55,940 (Devane et al.,1988). Les cibles sont à peine découvertes ­ce sont des récepteurs couplés à la protéineG - que la révolution de la biologie molécu­laire balaie tout sur son passage. Le récep­teur central CB, est cloné chez le rat (Matsudaet al., 1990) et chez l'homme (Gérard et al.,1991). Un second récepteur est décrit (Munroet al., 1993), cette fois dans la rate et le sys­tème immunitaire (Tableau 1).

L'histoire de ce second récepteur est singu­lière. S. Munro, à Cambridge, avait cloné unesérie de récepteurs, dont un récepteur orphe­lin, qui de plus ne ressemblait à aucun autre,mis à part les caractéristiques générales desrécepteurs couplés aux protéines G. C'est lorsde la parution de l'article de Matsuda dansNature qu'il comprit que son récepteur étaitun récepteur cannabinoïde. Il lui faudra en­core une année pour le prouver à la commu­nauté scientifique internationale.

Avec la découverte de récepteurs distribuésdans plusieurs organes (cerveau, intestin, uté­

rus, bronches pour le CB" rate et cellules du

système immunitaire pour le CB2), les basesphysio-pathologiques existent pour expliquerles effets découverts depuis des millénaires.

L'effet analgésique prononcé, l'effet sur l'hu­meur et l'effet antiémétique sont dus à l'acti­vation des récepteurs cannabinoïdes centraux.

L'effet anti-diarrhéique semble être la consé­quence de la présence du CB, dans les intes­tins. Les propriétés antiasthmatiques sont larésultante de la bronchodilatation induite parles récepteurs cannabinoïdes présents dansles poumons.

Les usages gynécologiques (douleurs et relâ­chement de la musculature utérine) résultentde la conjonction des récepteurs centraux etdes récepteurs présents dans l'utérus. Quel­ques effets semblent sans explication ou, dumoins, sont plus indirects. L'effet sur les con­vulsions ne trouve pas de base physiologiquedirecte. Les effets des substances cannabi­noïdes dans les modèles animaux de convul­

sions donnent des résultats controversés,même si certaines pistes sont à l'étude (Lam­bert et al, 2001).Les effets contre les infections, contre les verssont sans doute indirects, par une modifica­tion de la réponse immunitaire complexe.Qui dit récepteurs pressent la découverte deligands endogènes de ceux-ci. En 1992, unemolécule isolée de la fraction lipidique d'uncerveau de porc est proposée comme premierligand endogène des récepteurs cannabinoïdes:il s'agit de la N-arachidonoyléthanolamine ouanandamide (Devane et al., 1992).Anandamide est la contraction d'un mot sans­krit voulant dire félicité et d'une fonction chimi­

que, l'amide.

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ment cannabinoïde sans éveiller les soupçonsd'une altération de la conscience? Comment

appréhender un débat de santé publique sansl'amalgame entre toxicité et intérêt thérapeu­tique?

Après au moins quatre millénaires « d'expéri­mentation » humaine, le cannabis, malgré leprogrès fulgurant des connaissances cette der­nière décennie, continue à surprendre. Dis­socier l'effet thérapeutique de l'effet psycho­actif était déjà un souci des Anciens. La dé­couverte des endocannabinoïdes, de leurs

récepteurs et de leurs enzymes donne enfinune lueur d'espoir au développement de thé­rapeutiques plus ciblées.

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RemerciementsFigure 6 : Structure de l'anandamide, la N-arachidonoyl·ethanolamine (1), le premier ligand endogène proposé desrécepteurs cannabinoïdes et de l'arachidonoylglycérol (2),un second ligand endogène des récepteurs cannabinoïdes.

La structure de ce dérivé surprend, c'est unacide gras dont l'extrémité carboxylate estam idée par l'amine de l'éthanolamine (Figure6).

Bien vite, d'autres candidats endogènes se­ront isolés, à tel point qu'on parle aujourd'huides endocannabinoïdes. Citons l'homo-y­linolénoyléthanolamine et le N-docosa­tétraénoylethanolamine (Hanus et al. 1993)parmi les esters, le 2-arachidonoylglycérol(Mechoulam et al. 1995; Sugiura et al. 1995)et enfin, parmi les éthers, le 2-arachidonylglycéryl éther (noladin ether) tout récemmentisolé (Hanus et al. 2001). Ces différentes mo­lécules ont été baptisées endocannabinoïdeset définissent des molécules endogènes à l'or­ganisme capables de reconnaître au moinsun récepteur cannabinoïde.

L'isolement de l'anandamide a permis d'iden­tifier un système endocannabinoïde de pro­téines assurant soit l'action de ces endo­

cannabinoïdes via des protéines - récepteurset récepteur canal (le récepteur vanilloïdeVR1) - , soit leur inactivation par une protéinede capture encore appelée transporteur del'anandamide et par une enzyme, la Fatty AcidAmide Hydrolase (FAAH, Piomelli et al. 2000)

Du cannabis aux endocannabinoïdes, la bou­cle est loin d'être bouclée. Plus de questionssont posées que jamais. Comment ces pro­téines reconnaissent-elles des structures chi­

miques, des formes tridimensionnelles si dif­férentes ? Comment étudier l'effet du canna­bis, fort de ses centaines de composants, parrapport à l'administration d'un cannabinoïdeunique ? Comment développer un médica-

Plonger dans l'histoire sans être historienn'eut pas été possible sans la ténacitédes animateurs du Centre d'Etudes de

l'Histoire de la Pharmacie et du Médicament

(CEHPM). Leur invitation à présenter uneconférence sur ce thème fut pour le chercheurexpérimental que je suis l'occasion d'unebalade salutaire dans un champ ancestral decannabis. Qu'ils trouvent ici l'expression dema gratitude. L'auteur remercie aussi toutesles personnes qui, dans l'Ecole de Pharmacie,ont facilité son accès à la collection Albert

Couvreur. Merci, plus particulièrement, àSéverine Vandevoorde pour son aide efficacedans la recherche des documents historiques,au Professeur Jacques Hanot pour laréalisation de photographies de livres et àNicole Marcelle-Roland, pour son dévouementau CEHPM.

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ILethème de cet article a été abordé dans le cadre des conférences de l'exposition "Remèdes anciens,

pharmacopée moderne: de la Materia Medica à la pharmacologie contemporaine", organisée par le Centred'Etudes et d'Histoire de la Pharmacie et du Médicament, le 7 mai 2001, Forum des Halles, Universitécatholique de Louvain, Louvain-la-Neuve