démembrement de propriété

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1 QUELQUES CONSEQUENCES FISCALES DU DEMEMBREMENT DE PROPRIETE B.Plagnet Septembre 2008 SOMMAIRE I- Les risques de requalification : Donations indirectes ou abus de droit. A- Donations indirectes dans les démembrements de sociétés civiles : Si liens particuliers entre usufruitier et nu-propriétaire, notamment dans deux cas, 1)-Affectation du résultat à une réserve statutaire 2)-Dérogations conventionnelles à la répartition du résultat (l’associé est le nu-propriétaire) 3) Renonciations à l’usufruit : B- Abus de droit : 1)-Démembrement et constitution de société fictive 2)-Démembrement assorti d’un bail fictif 3)-Montages motivés uniquement par le souci de minorer les charges fiscales 4) L’apport de la nue-propriété d’un immeuble peut rendre l’action paulienne recevable 5)-Apport de la nue-propriété d’un immeuble à une SCI et cession ultérieure des parts 6)-Cession de l’usufruit temporaire 7) -La cession de la nue-propriété d’une maison d’habitation peut être requalifiée en libéralité : abus de droit : 8)-Donation préalable à la vente et remploi avec quasi-usufruit Note sur le quasi-usufruit 9)-La location d’un immeuble par l’usufruitier au nu-propriétaire n’est pas nécessairement un abus de droit II- L’amortissement du droit d’usufruit : III- La cession des titres démembrés § 1)-Règles générales concernant les cessions de droits démembrés : A- Cessions conjointes avec répartition du prix de vente ou cession isolée de la nue-propriété ou de l’usufruit : PV imposable au nom de chacun des titulaires des droits démembrés B- Cession en pleine propriété de titres dont la propriété est démembrée sans répartition du prix de vente :

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QUELQUES CONSEQUENCES FISCALES DU DEMEMBREMENT DE

PROPRIETE B.Plagnet Septembre 2008

SOMMAIRE

I- Les risques de requalification : Donations indirectes ou abus de droit. A- Donations indirectes dans les démembrements de sociétés civiles : Si liens particuliers entre usufruitier et nu-propriétaire, notamment dans deux cas, 1)-Affectation du résultat à une réserve statutaire 2)-Dérogations conventionnelles à la répartition du résultat (l’associé est le nu-propriétaire) 3) Renonciations à l’usufruit : B- Abus de droit : 1)-Démembrement et constitution de société fictive 2)-Démembrement assorti d’un bail fictif 3)-Montages motivés uniquement par le souci de minorer les charges fiscales 4) L’apport de la nue-propriété d’un immeuble peut rendre l’action paulienne recevable 5)-Apport de la nue-propriété d’un immeuble à une SCI et cession ultérieure des parts 6)-Cession de l’usufruit temporaire 7) -La cession de la nue-propriété d’une maison d’habitation peut être requalifiée en libéralité : abus de droit : 8)-Donation préalable à la vente et remploi avec quasi-usufruit Note sur le quasi-usufruit 9)-La location d’un immeuble par l’usufruitier au nu-propriétaire n’est pas nécessairement un abus de droit

II- L’amortissement du droit d’usufruit :

III- La cession des titres démembrés § 1)-Règles générales concernant les cessions de droits démembrés : A- Cessions conjointes avec répartition du prix de vente ou cession isolée de la nue-propriété ou de l’usufruit : PV imposable au nom de chacun des titulaires des droits démembrés B- Cession en pleine propriété de titres dont la propriété est démembrée sans répartition du prix de vente :

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Prix d’acquisition : -ni le nu-propriétaire ni l’usufruitier n’a disposé de la pleine propriété ( les titres ont été reçus par deux personnes distinctes, l’une en usufruit, l’autre en nue-propriété, par exemple lors d’uns transmission à titre gratuit). -le nu-propriétaire ou l’usufruitier a disposé de la pleine propriété avant le démembrement -l’objet du démembrement est un portefeuille de valeurs mobilières C- Cession de la pleine propriété après réunion de l’usufruit et de la nue-propriété Prix d’acquisition : somme des valeurs déclarées pour chacun de ces droits lors de la transmission à titre gratuit. § 2)-Le cas particulier du quasi-usufruit RM Dubernard et instruction du 13 juin 2001 (mais principe de la PV purgée)

IV Les cessions des immeubles démembrés

A) Vente d’un immeuble après réunion de la propriété B) Cession conjointe par le nu-propriétaire et l’usufruitier d’un immeuble démembré,

avec répartition du prix de vente entre les intéressés C) Cession isolée de la nue propriété ou de l’usufruit

V- ISF :

A) Principe : l’imposition de l’usufruitier sur la valeur en pleine propriété B) Détermination de la valeur en pleine propriété

VI- Droits de mutation à titre gratuit :

A) A) Généralités : Les principaux avantages fiscaux liés au démembrement de propriété B) La conversion d’usufruit en rente viagère C) La présomption posée par l’article 751 du CGI D) Travaux effectués sur un immeuble par l’usufruitier

VII- Quelques conséquences en matière de revenus fonciers :

A) Location de l’immeuble à un tiers B) Immeuble occupé par l’usufruitier C) Immeuble occupé par le nu-propriétaire D) Démembrement des parts d’une SCI E) Démembrement et régimes fiscaux de faveur

VIII- Indivision et co-exploitation : IX- TVA :

A) Option en cas de location d’un immeuble à propriété démembrée B) Modalités de déduction

X- Taxe foncière :

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I- Les risques de requalification : Les risques de requalification concernent les donations indirectes et l’abus de droit. Dans la rigueur des principes, ces deux requalifications doivent être distinguées (même si le vocabulaire est souvent moins rigoureux dans la pratique et même dans les arrêts). En effet, l’abus de droit, et ses conséquences, ne pourraient normalement être mis en œuvre que pour les donations déguisées.1 A-Les donations indirectes : Un montage fréquent consiste à conférer l’usufruit aux parents et la nue-propriété aux enfants. La requalification de donation indirecte peut intervenir en raison des liens particuliers existant entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En effet, l’administration fiscale peut être tentée de déduire l’intention libérale des liens de parenté ou d’affection entre les personnes intéressées2 On peut relever, notamment, deux hypothèses dans lesquelles cette requalification serait susceptible d’intervenir : 1) L’affectation du résultat de la société : Les associés usufruitiers pourraient décider d’affecter systématiquement les bénéfices de la société à une réserve statutaire. Les sommes ainsi affectées auraient vocation à revenir au nu-propriétaire. Il est probable que l’administration fiscale estimerait que cette opération constitue une donation indirecte3. Cependant, la jurisprudence récente se montre beaucoup plus nuancée. Voici les faits d’une espèce : Une mère constitue une SCI avec ses trois enfants. La mère fait donation de la nue-propriété des titres aux enfants. La SCI opte pour l’IS L’AG de la société décide de mettre en réserve les bénéfices de 4 années. L’administration estime qu’il s’agit d’une donation indirecte. La Cour d’Appel de Lyon donne raison au contribuable 4 et il est intéressant de présenter quelques observations à partir de cette espèce :

a) L’usufruitier ne dispose pas d’un droit de créance sur les bénéfices de la société : Lorsque l'usufruitier vote la mise en réserve des bénéfices, il ne renonce pas à un droit de créance, ce droit ne pouvant exister que si la distribution des bénéfices est décidée. Car ce n’est pas le bénéfice distribuable qui est le fruit (au sens civil du terme) c’est le bénéfice distribué. Le bénéfice distribuable n’appartient qu’à la société et les dividendes n’acquièrent d’existence juridique qu’à compter de l’AG qui décide de leur distribution. Ce n’est donc pas l’usufruitier qui décide de transférer le bénéfice au nu-propriétaire mais c’est l’assemblée souveraine qui statue sur le sort des résultats sociaux.

1 V. le commentaire à la RJF 2/1999, p. 155, sous l’arrêt de la Cour de cassation du 1° décembre 1998. 2 V.la note du 9 février 2000 (Droit fiscal12/2000, 12 427) ; v. également l’article de P.Fernoux, dans le Bulletin fiscal Lefebvre, 4/1999, p. 190 et s. 3 V.également dans ce sens l’étude, précitée, de P.Fernoux, § 25 4 CA Lyon, 16 octobre 2007, Cadiou : DF 19-20/2008, comm. 319 ; FR 35/2008, n° 3 ; RJF 8-9/08 n° 1021.

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b) La qualification de donation indirecte suppose que le dessaisissement du donateur soit irrévocable :

C’est sans doute la partie la plus intéressante de la décision : L’assemblée générale ordinaire a toujours la faculté de décider ultérieurement le versement d'un dividende prélevé sur les réserves. Les réserves ainsi distribuées reviennent à l'usufruitier, soit que l'on considère que la décision de la société a pour effet de faire perdre aux réserves leur caractère de capital, soit que l'on considère qu'il s'agit d'un quasi-usufruit, l'usufruitier retrouvant alors le droit d'exercer son droit de jouissance sur les sommes ainsi distribuées, même s'il a la charge de les restituer en fin d'usufruit. Il n'est donc pas possible de dire que l'usufruitier perd d'une manière irrévocable ses droits sur les bénéfices mis en réserve. L'opération ne peut donc pas être qualifiée de donation indirecte aux nus-propriétaires soumise aux droits de mutation à titre gratuit.

c) Mais tous ces principes peuvent s’effondre si la société est fictive : Mais pour démontrer cette fictivité, l’administration devrait appliquer la procédure de répression de l’abus de droit. 2) Les dérogations conventionnelles à la répartition des résultats : Aux termes de l’article 8 du CGI, « En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l’usufruitier est soumis à l’impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d’usufruitier. Le nu-propriétaire n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l’usufruitier ». Cependant, les commentaires administratifs admettent que des conventions puissent préciser les modalités de répartition des résultats entre l’usufruitier et le nu-propriétaire : « Toutefois,, l’usufruitier et le nu-propriétaire de droits sociaux démembrés peuvent décider d’une répartition conventionnelle des résultas sociaux opposable à l’administration fiscale à condition qu’elle soit conclue ou insérée dans les statuts avant la clôture de l’exercice aux termes d’un acte régulièrement enregistré, ayant date certaine »5 Une grande liberté est laissée aux associés, mais l’administration fiscale prévoit cependant deux limites : -Si la convention entraîne une mutation de propriété, l’administration en tirerait les conséquences en matière de droits de mutation à titre gratuit6 ; en d’autres termes, elle qualifierait l’opération de donation indirecte. --La deuxième limite est l’application éventuelle de la procédure de répression de l’abus de droit « s’il apparaissait que de telles conventions n’ont été conclues que dans le but d’éluder l’impôt » 7. On peut voir une discrète « mise en garde » sur ce point dans une phrase de l’instruction du 8 novembre 1999 (§ 20) : « les conventions doivent être conformes aux dispositions du Code civil et notamment à ses dispositions relatives aux droits de l’usufruitier (articles 582 à 599 du Code civil) ». L’administration fiscale sera sans doute attentive aux conventions qui conféreront des droits importants à l’usufruitier ; il faudra, dans ce cas, que les parties puissent avancer des raisons « extra-fiscales » pour échapper aux risques de la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit…n’oublions pas que l’administration considère que l’associé est le nu-propriétaire (elle le confirme dans l’instruction) ; on peut penser que l’administration sera vigilante, notamment, pour les prises en charge de déficits par l’usufruitier.

5 Instr. du 8 novembre 1999, Droit fiscal 48/1999, 12 336 ; v. également les études de F.Lucet et L.Giraud, Droit fiscal 36/1999, p. 1074 ; Droit fiscal 10/2000, p. 439 6 Instr. du 8 novembre 1999, § 21 7 Instr. précitée § 21 ;

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Il reste, comme le remarquent certains commentateurs, que la preuve de l’abus de droit sera délicate à apporter8. Cependant, le risque ne doit pas être tout à fait écarté s’il apparaît, compte tenu des circonstances de fait, que l’usufruitier joue le rôle essentiel, voire quasi exclusif, dans le fonctionnement de la société et dans la prise des décisions qui conditionnent les résultats. 3) La renonciation à l’usufruit : Les renonciations à usufruit purement extinctives ou abdicatives sont assujetties au droit fixe prévu à l'article 680 du CGI. Toutefois, les droits de mutation à titre gratuit ou à titre onéreux deviennent exigibles, si le nu-propriétaire entre en jouissance du droit abandonné par l'usufruitier. Cependant, l’administration estime que la renonciation à un usufruit peut s'analyser en une donation, si elle révèle clairement l'intention du renonçant de consentir une libéralité au nu-propriétaire et que celui-ci accepte. L’intention libérale sera présumée si l’opération intervient entre conjoints ou, c’est une situation plus fréquente, entre parents et enfants. A cet égard, il est précisé que l'acceptation peut être tacite. Or, en pratique, dans la plupart des cas, après la renonciation à l’usufruit, l’acceptation de ce droit par le nu-propriétaire ne pourra être évitée (notamment, s’il accepte de percevoir les loyers tirés de la location de l’immeuble qui était démembré). C’est ce qui résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation : « Mais attendu qu'ayant relevé que M. et Mme Questembert ont donné la nue-propriété de divers biens immobiliers à leurs enfants et, dix-huit mois plus tard, sans qu'il soit invoqué de trop lourdes charges pour l'expliquer, ont renoncé à leur usufruit, de sorte que, la pleine propriété étant ainsi reconstituée entre leurs mains, leurs enfants ont perçu des loyers sur ces biens avant que l'usufruit tel qu'il résultait de la donation antérieure fût venu à son terme, le jugement en déduit que la renonciation, procédant d'une intention libérale, était un acte translatif de l'usufruit aux enfants Questembert qui, en touchant les loyers, ont manifesté leur acceptation de cette donation ; qu'ayant, hors toute contradiction ou dénaturation, légalement justifié sa décision en appréciant les intentions des parties au regard des faits qu'il a relatés, le tribunal a fait une exacte application de la loi ; »9 Comme toujours dans ce genre d’affaire, les situations doivent être appréciées au cas par cas et l'administration peut rétablir le véritable caractère des actes. 10 Voici un autre exemple de requalification de la renonciation à l’usufruit en donation indirecte : Des enfants ont vendu en pleine propriété des valeurs mobilières dont leur mère leur avait donné la nue-propriété en s’en réservant l’usufruit. Le juge a pu décider, en se fondant sur divers indices, que la mère avait entendu, dès l’acte de donation, se dessaisir de son usufruit de manière irrévocable et immédiate au profit de ses enfants, qui l’avaient accepté, et que cet acte de renonciation était constitutif d’une donation indirecte, taxable en tant que telle.11

8 V.l’étude, précitée, de F.Lucet et L.Giraud : Droit fiscal 10/ 2000, p. 442, § 25 9 Cass. com. 2 décembre 1997, n° 2441 P, Questembert : RJF 4/1998, n° 480 10 Rép. Bourdin : Sén. 20 mars 2008 p. 548 n° 356 ; Bulletin fiscal, 6/2008, inf. 598 ; v. aussi, Etude de Th.Tarroux dans Droit Fiscal 29/2008, comm. 412 11 Cass.com. 20 novembre 2007, 06-19 294 : Bordais : RJF 4/2008, n° 515 (commentaire critique de B.Hatoux !).

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B- L’abus de droit : Voici quelques cas tirés de la jurisprudence et des rapports du Comité consultatif pour la répression des abus de droit (mais la liste des risques n’est pas exhaustive !).

1) Démembrement de propriété avec constitution d’une société fictive Cette hypothèse sera sans doute rare dans la mesure où la constitution d'une société ne peut être considérée comme fictive dès lors que la société a eu une activité réelle, même si cette activité a été réduite12. Mais on peut mentionner une réponse ministérielle intervenue à propos de l'application de l'article 751 du CGI (v. l’examen de cet article, ci-après). Dans cette réponse ministérielle, il est indiqué que la présomption de l'article 751 ne s'appliquerait pas dans le cas où un bien est acquis en usufruit par les parents et en nue-propriété par une Société civile immobilière dont les associés sont les enfants. Mais il est précisé que, le cas échéant, l'administration pourrait avoir recours à la procédure de l'abus de droit13.

2) Démembrement de propriété assorti d’un bail fictif : Le bail fictif a évidemment pour objet de permettre une déduction de charges. La jurisprudence a eu l'occasion de préciser ,à travers de nombreux arrêts ,les indices pris en considération pour déterminer la fictivité d'un bail conclu par une société civile immobilière : le contrôle exclusif ou quasi-exclusif par les bénéficiaires du logement ; le délai écoulé entre la constitution de la SCI et l'opération "suspecte" (par exemple, la réalisation de travaux importants) ; le caractère unique du logement litigieux comme patrimoine de la société ; le financement de la construction par les apports de la société ; la modicité du loyer versé par ces derniers14.

3) Montages uniquement motivés par le souci de minorer les charges fiscales : L'abus de droit pourrait résulter de l'enchaînement rapide de plusieurs opérations. Cet enchaînement étant destiné, notamment, à réduire le montant des droits de succession (notamment, par l'utilisation des démembrements de durée limitée).Quelques décisions de jurisprudence sont intervenues sur ce genre de montage (mais qui ne comportaient pas de démembrements de propriété). On peut tirer les conclusions suivantes de ces décisions: -L'enchaînement rapide des différentes opérations est un indice important pour justifier l'abus de droit. En revanche, différentes opérations échelonnées sur une durée très longue ne seraient pas considérées comme un abus de droit. On pourrait appliquer ces critères pour des montages comportant des démembrements de propriété de durée limitée (la durée "normale" étant une question de fait, donc fort difficile à déterminer avec précision). -Il faut également souligner que le souci de minimiser la charge fiscale n'est pas nécessairement un abus de droit. Comme l'avait écrit un commissaire du gouvernement : "La seule existence de préoccupations fiscales de la part des parties à une convention non fictive ne suffit pas à les rendre coupables d'un abus de droit, si cette convention peut être regardée comme ayant également un autre objet" 15. On peut résumer comme suit "l'esprit" de la jurisprudence : il n'y a pas abus lorsqu'un "montage" a été élaboré en vue d'atteindre un objectif "extra-fiscal", même si, pour atteindre cet objectif, les parties ont choisi la voie la plus favorable sur le plan fiscal. Tel serait le cas

12̀ v.par exemple,TA Lyon,15 novembre 1989,req.85.9083 et 88.11925,Régie immobilière de Villeurbanne : Droit fiscal 19/1989,comm.947. 13 Rép.min.JO Débats AN 23 février 1993,p.674. 14 v. les commentaires dans la RJF 8-9/1990,n°1069. ; v.également,Droit fiscal 15 / 1994,comm.746,à propos de la location d'un immeuble par l'usufruitier au nu-propriétaire. 15 M.Martin-Laprade,concl. dans Droit fiscal 40/1989,comm.1772.

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d'un montage comportant des démembrements de propriété en vue, par exemple, de faciliter un transfert de patrimoine familial.

4) L’apport de la nue-propriété d’un immeuble peut rendre l’action paulienne recevable :

Les créanciers (parmi lesquels le Trésor public) peuvent exercer l’action paulienne car les parts émises en contrepartie de cet apport sont plus difficiles à négocier. 16 Compte tenu de cette motivation essentielle, on peut d’ailleurs estimer que la solution retenue pourrait être identique en cas d’apport de la pleine propriété.

5) Apport de la nue-propriété d’un immeuble à une SCI et cession ultérieure des parts :

L’opération consiste, fréquemment, en l’apport, par les parents, de la nue-propriété d’un immeuble à une SCI et, ensuite intervient la cession des parts, notamment aux enfants. Ces différentes opérations interviennent le plus souvent dans des délais très brefs : la succession rapide des différentes phases du montage donne « l’alerte » à l’administration et on peut remarquer qu’elle est le plus souvent signalée dans les avis du Comité (v. les textes des avis, ci-après). Donc, en pratique, il peut être habile d’espacer quelque peu les différentes étapes de la réalisation du montage !

a) Le Comité pour la répression des abus de droit et l’administration invoquent souvent l’abus de droit dans ces situations :

Le Comité avait tendance à considérer cette opération comme un abus de droit (le montage ayant, notamment, pour intérêt de « tourner » le barème d’évaluation de l’usufruit qui était en vigueur avant 2004). Voici quelques exemples d’avis du Comité favorable à l’administration Affaire 2003-23 1) Les faits : M. M... a constitué le 18 juillet 1997, avec ses enfants, la SCI F... dont

l'objet est l'acquisition et la gestion de tous biens immobiliers. Le même jour, M. M... apporte à la SCI la nue-propriété d'un ensemble immobilier et fait donation en avancement d'hoirie à ses enfants de la pleine propriété des parts de la SCI. 2) Avis rendu : Le Comité a constaté que la création de la société civile immobilière F... était concomitante à l'acte d'apport de M. M... et à la donation de la pleine propriété des parts de la SCI. Il a par ailleurs remarqué l'absence de fonctionnement réel de la société civile immobilière qui ne dispose d'aucun revenu. Le Comité a en conclu que l'opération dissimulait la donation directe de la nue-propriété de l'ensemble immobilier aux enfants de M. M... afin d'éviter l'application du barème légal prévu par l'article 762 du CGI. En conséquence, le Comité a émis l'avis que l'administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L 64 du LPF.

On notera, au passage, l’imprécision du vocabulaire déjà signalée : le Comité parle de donation indirecte alors qu’il s’agit, en réalité, d’une donation déguisée. L’argument essentiel – qui ne doit pas être perdu de vue en pratique – est celui tiré de « l’absence de fonctionnement réel de la SCI, qui ne dispose d’aucun revenu. Il sera donc intéressant, en pratique, de doter la SCI de revenus (par exemple, en lui faisant acquérir un appartement et lui permettre d’encaisser des loyers). Noter aussi la brièveté des délais.

16 Cass. 20 décembre 2000, n° 1702 FS-PB, Trésor public c/ Giresse : BRDA 2/2001, p. 3

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Affaire n° 2005-28 Par actes du 5 décembre 2001, Mme X... et ses deux filles, Mmes Y... et Z... , ont constitué deux SCI, la SCI M... et la SCI L.... Mme X... a apporté à la SCI M... la nue-propriété d'un bien immobilier, évaluée à 2 014 580 € par référence à une valeur économique, recevant en contrepartie 201 458 parts de 10 € chacune, et à la SCI L... la nue-propriété d'un bien immobilier, évaluée à 45 350 € par référence à une valeur économique, recevant en contrepartie 4 535 parts de la société de 10 € chacune. Chacune des deux filles de Mme X... a apporté 10 € en numéraire à chaque société. Par acte du 17 décembre 2001, Mme X... a donné l'ensemble des parts sociales qu'elle possédait dans les SCI M... et L... à ses deux filles. L'administration a considéré que l'interposition d'un apport à une société civile n'avait eu d'autre but que d'éviter, pour la donation des biens litigieux, l'application du barème d'évaluation de l'usufruit et de la nue-propriété prévu à l'article 762 ancien du code général des impôts, lequel valorisait la nue-propriété des biens immobiliers à 90 % de la pleine propriété compte tenu de l'âge de Mme X... soit une valeur supérieure à celle déclarée par référence à la valeur économique. L'administration a donc notifié à Mme Y... une proposition de rectification sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales en recalculant les droits de donation sur la base des valeurs résultant de la mise en oeuvre dudit barème. L'avantage fiscal net résultant de l'opération a été chiffré à 112 341 € pour chaque donataire, soit un total de 224 682 €. Le Comité relève que le bref délai séparant les apports des actes de donation établit que la SCI a été créée dans le cadre d'une stratégie de transmission patrimoniale. Il constate par ailleurs que lors de sa constitution en 2001 et au cours des années suivantes, la SCI ne disposait que d'un patrimoine en nue-propriété et corrélativement d'une absence complète de ressources, situation ne lui permettant ni d'assumer les charges de la propriété, ni de répondre aux objectifs assignés par l'article 1832 du code civil à tout contrat de société. Il estime à cet égard non déterminant, dans les circonstances de l'espèce, l'argument selon lequel la société civile constituerait une forme d'organisation supérieure à l'indivision, celle-ci pouvant faire l'objet de conventions de gestion aussi performantes dans le cadre d'un cercle familial restreint. Il relève également qu'eu égard à la stricte égalité en nombre de parts des deux associées donataires, à l'existence d'une stricte co-gérance et l'absence de tout associé tiers permettant de départager Mmes Y... et Z... , la gestion des sociétés civiles deviendrait extrêmement difficile voire impossible en cas de conflit entre elles. Le Comité a donc émis l'avis que l'administration était fondée, compte tenu d'actes dissimulant la portée véritable d'une opération, à restituer à celle-ci son véritable caractère et à mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. On notera, là encore, l’argument tiré de l’absence de ressources de la SCI. On peut souligner également un argument nouveau : la SCI n’est pas nécessairement une forme d’organisation supérieure à l’indivision (c’est souvent une justification avancée par les promoteurs du montage), car des conventions de gestion peuvent être désormais conclues. Et toujours la brièveté des délais ! Affaire n° 2005-16

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Par acte du 25 juin 2001, M. X... et ses trois fils ont constitué la SCI X... . M. X... a apporté à la société la nue-propriété de deux ensembles immobiliers et chacun de ses enfants la somme de 240 €. Les apports en nue-propriété ont été évalués selon un barème économique dans lequel l'usufruit est valorisé à 37,6 % de la pleine propriété, soit 250 920 €. Par actes des 9 juillet et 14 décembre 2001, M. X... a fait donation à ses fils de l'ensemble de ses parts dans la SCI. L'administration a considéré que l'interposition d'un apport en société n'avait d'autre but, dans le cadre de la transmission aux enfants du patrimoine immobilier familial, que de contourner l'application du barème légal d'évaluation de la nue-propriété alors fixé par l'article 762 ancien du code général des impôts, lequel valorisait l'usufruit de M. X... à 10 % de la pleine propriété compte tenu de son âge. Elle a donc procédé à une nouvelle liquidation des droits de mutation à titre gratuit et effectué un rappel en droits de 15 687 €. Le Comité relève que le bref délai séparant les apports des actes de donation établit que la SCI a été créée dans le cadre d'une stratégie de transmission patrimoniale. Il constate par ailleurs que lors de sa constitution en 2001 et au cours des trois années suivantes, la SCI ne disposait que d'un patrimoine en nue-propriété et corrélativement d'une absence complète de ressources, situation ne lui permettant ni d'assumer les charges de la propriété, ni de répondre aux objectifs assignés par l'article 1832 du code civil à tout contrat de société. Il estime à cet égard non déterminant, dans les circonstances de l'espèce, l'argument selon lequel la société civile constituerait une forme d'organisation supérieure à l'indivision, celle-ci pouvant faire l'objet de conventions de gestion aussi performantes dans le cadre d'un cercle familial restreint. Le Comité a donc émis l'avis que l'administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L 64 du livre des procédures fiscales. Les arguments sont identiques à ceux de l’avis précédent ; Affaire n° 2005-28 Par actes du 5 décembre 2001, Mme X... et ses deux filles, Mmes Y... et Z... , ont constitué deux SCI, la SCI M... et la SCI L.... Mme X... a apporté à la SCI M... la nue-propriété d'un bien immobilier, évaluée à 2 014 580 € par référence à une valeur économique, recevant en contrepartie 201 458 parts de 10 € chacune, et à la SCI L... la nue-propriété d'un bien immobilier, évaluée à 45 350 € par référence à une valeur économique, recevant en contrepartie 4 535 parts de la société de 10 € chacune. Chacune des deux filles de Mme X... a apporté 10 € en numéraire à chaque société. Par acte du 17 décembre 2001, Mme X... a donné l'ensemble des parts sociales qu'elle possédait dans les SCI M... et L... à ses deux filles. L'administration a considéré que l'interposition d'un apport à une société civile n'avait eu d'autre but que d'éviter, pour la donation des biens litigieux, l'application du barème d'évaluation de l'usufruit et de la nue-propriété prévu à l'article 762 ancien du code général des impôts, lequel valorisait la nue-propriété des biens immobiliers à 90 % de la pleine propriété compte tenu de l'âge de Mme X... soit une valeur supérieure à celle déclarée par référence à la valeur économique. L'administration a donc notifié à Mme Y... une proposition de rectification sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales en recalculant les droits de donation sur la base des valeurs résultant de la mise en oeuvre dudit barème.

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L'avantage fiscal net résultant de l'opération a été chiffré à 112 341 € pour chaque donataire, soit un total de 224 682 €. Le Comité relève que le bref délai séparant les apports des actes de donation établit que la SCI a été créée dans le cadre d'une stratégie de transmission patrimoniale. Il constate par ailleurs que lors de sa constitution en 2001 et au cours des années suivantes, la SCI ne disposait que d'un patrimoine en nue-propriété et corrélativement d'une absence complète de ressources, situation ne lui permettant ni d'assumer les charges de la propriété, ni de répondre aux objectifs assignés par l'article 1832 du code civil à tout contrat de société. Il estime à cet égard non déterminant, dans les circonstances de l'espèce, l'argument selon lequel la société civile constituerait une forme d'organisation supérieure à l'indivision, celle-ci pouvant faire l'objet de conventions de gestion aussi performantes dans le cadre d'un cercle familial restreint. Il relève également qu'eu égard à la stricte égalité en nombre de parts des deux associées donataires, à l'existence d'une stricte co-gérance et l'absence de tout associé tiers permettant de départager Mmes Y... et Z... , la gestion des sociétés civiles deviendrait extrêmement difficile voire impossible en cas de conflit entre elles. Le Comité a donc émis l'avis que l'administration était fondée, compte tenu d'actes dissimulant la portée véritable d'une opération, à restituer à celle-ci son véritable caractère et à mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Là encore, des arguments semblables à ceux retenus dans les avis précédents.

b) La jurisprudence est désormais beaucoup plus nuancée, ce qui rend le montage peut être moins risqué :

La position de la Cour de cassation a très sensiblement évoluée face à des montages de cette nature. Après avoir adopté une position rigide, elle est depuis quelques temps beaucoup plus nuancée. Voici quelques exemples de cette évolution et les conclusions que l’on peut en tirer : Le montage n’a pas nécessairement une finalité exclusivement fiscale : « Mais attendu que l'arrêt retient, d'une part, que l'opération critiquée permettait aux époux Botherel, tous les deux gérants de cette société et disposant d'une minorité de blocage, de transmettre à leurs enfants une partie des biens dont ils conservaient les revenus, d'autre part, que la transmission des parts permettait un partage équitable entre les descendants, les difficultés inhérentes à un partage en trois lots équivalents de biens de nature différente et d'entité distincte se trouvant évitées ; qu'en l'état de ces constatations, desquelles il résulte que l'opération litigieuse ne présentait pas une finalité exclusivement fiscale, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé » ;17 Mais il faut souligner, qu’en l’espèce, la société doit avoir une réelle substance (elle n’était pas fictive). Par ailleurs, on a pu considérer que la société bénéficiait de l’augmentation permanente de la valeur de la nue-propriété ; ce dernier argument – de nature plutôt économique- est nouveau et méritera d’être utilisé, le cas échéant, en pratique, même s’il peut être parfois difficile à justifier. La Cour de cassation a également reconnue la régularité du montage dans une affaire semblable, en reprenant l’argument de la stabilité plus grande de la SCI par rapport à l’indivision (contrairement à la position du Comité consultatif, v. ci-dessus).

17 Cass. com. 3 octobre 2006 n° 1100 F-D, DGI c/ Botherel : RJF, 1/2007, n° 102 ; commentaire, P.Fernoux, Droit fiscal, 12/2007, p. 12

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« Mais attendu que l'arrêt retient que la constitution des SCI par M. Cere lui avait permis d'organiser les statuts de la manière qu'il estimait la plus appropriée, conservant le contrôle des SCI et celui des immeubles ainsi que la possibilité de les céder ; qu'il retient encore que l'opération avait permis à M. Cere d'assurer après son décès la cohésion du patrimoine familial en mutualisant entre ses enfants les aléas locatifs et les écarts de rentabilité susceptibles d'apparaître entre les différents immeubles et en permettant de mettre en place une procédure d'agrément de nouveaux associés tout en évitant que le créancier d'un indivisaire puisse déclencher le partage judiciaire des biens familiaux et cela dans un cadre juridique présentant une stabilité beaucoup plus grande qu'une indivision ; qu'en l'état de ces constatations, desquelles il résulte que l'opération litigieuse ne présentait pas une finalité exclusivement fiscale »18 Une autre affaire est particulièrement révélatrice de l’évolution de la jurisprudence : la Cour de cassation a rendu deux solutions contradictoires, dans la même affaire , à quelques années d’intervalle : Deux époux avaient constitué une société civile immobilière à laquelle ils avaient apporté chacun la moitié de la nue-propriété d'un immeuble puis ils avaient donné à leur fils la quasi totalité des parts de cette société civile immobilière : dans un premier arrêt, la Cour de cassation avait estimé que l'opération litigieuse poursuivait le seul but d'éluder les impositions dont était passible l'opération réelle19. Saisi, une nouvelle fois après intervention de la Cour d’appel, la Cour de cassation a retenu une solution contraire 20 : le montage n’est pas un abus de droit car il existait un intérêt pour l’apporteur de faire apport de la nue-propriété à la SCI plutôt que de la garder car il était devenu le gérant de la SCI et en sa double qualité d’usufruitier et de nu-propriétaire des parts de la SCI lui donnait des pouvoirs renforcés lui permettant de surmonter l’éventuel refus du nu-propriétaire d’assumer ses obligations légales ; puis la création de la SCI permettait aux parents donateurs de conserver un véritable pouvoir de décision sur la gestion du bien transmis. La Cour de cassation examine donc avec pragmatisme les modalités de l’opération.

6) Cession de l’usufruit temporaire de titres afin d’échapper à la taxation des dividendes et en vue de diminuer la base imposable à l’ISF :

a) Les avis du Comité :

Le Comité consultatif pour la répression des abus de droit a considéré que le montage suivant était un abus de droit : Affaire n° 2006-13 Par acte du 13 décembre 1999, M. et Mme X... ont cédé pour la somme de 34 437 743,02 FF à la société X, dont le siège est à Jersey, l'usufruit temporaire, pour une durée de 5 ans et 4 mois de 875 000 actions de la société Y.

18 Cass. com. 26 mars 2008 : Cere : Droit Fiscal, 16/2008, comm. 283 ; RJF 7/2008, n°

904 19 Cass. com. 16 novembre 2004 n° 1637 F-D, DGI c/ Tabourdeau : RJF 3/2005, n° 282 20 Cass. com. 20 mai 2008, 07-18 397, Tabourdeau : Droit Fiscal, 24/2008, comm.

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La société X...... avait été constituée le 8 décembre précédent par M. et Mme X... , seuls associés. Le capital de 35 000 F était assorti d'une prime d'émission de 34 965 000 F. Par acte du 16 décembre 1999, les époux X... ont placé dans un trust relevant également du droit de Jersey la totalité des titres de la société X.... L'administration a considéré, eu égard aux conditions de l'opération du 13 décembre 1999 que la cession d'usufruit temporaire était fictive et était donc inopposable à l'administration. Le Comité observe que le prétendu prix de cession payé aux époux X... par la société X... a été dans les faits, financé par M. X... au moyen d'un emprunt. Cette somme a été, en effet, apportée par M. X... à la société X pour le règlement de la prime d'émission avant d'être reversée aux époux X... au titre du paiement de l'usufruit transféré. Le Comité considère donc que la vente de l'usufruit temporaire des titres intervenue le 13 décembre 1999 doit être regardée comme fictive et ne peut être opposée à l'administration. En conséquence, le Comité émet l'avis que l'administration était fondée en l'espèce à mettre en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales. En l’occurrence, l’abus est caractérisé par le fait que la vente apparaissait largement fictive, en raison des modalités de financement retenues. La localisation de la société à Jersey a sans doute fâcheusement impressionné l’administration !

Autre affaire plus originale : il s’agissait, en l’espèce, d’une donation par un enfant à ses parents !

Affaire n° 2004-42 1) Les faits :

M. et Mme Eric P... ont constitué le 27 décembre 1996 la société civile de portefeuille (SCP) F... dont l'objet social est l'acquisition, l'administration, la gestion et l'aliénation de toutes valeurs mobilières et de toutes participations. Son capital social a été constitué essentiellement par des apports de titres et actions détenus par M. Eric P.... Par acte notarié en date du 31 décembre 1996, M. Eric P... a fait donation à ses parents, M. et Mme Gérard P..., de l'usufruit limité à dix ans de 10 046 parts de la SCP F... sur les 10 047 qu'il possède. L'acte de donation stipulait que les donataires « auront la jouissance des parts à eux données à compter de ce jour, par la perception des dividendes, intérêts ou arrérages dont elles sont productives ». Au cours des années 1997 à 2000, la SCP F... a réalisé des cessions qui, excepté en 1998, ont généré d'importantes plus-values qui ont été attribuées au nu-propriétaire pour un montant net de 668 456 € alors que dans le même temps, les usufruitiers ont perçu 20 890 € de dividendes. 2) Avis rendu : Le Comité a relevé la concomitance des opérations, quatre jours séparant la constitution de la SCP F... et la donation de l'usufruit temporaire des parts de la SCP. Il a par ailleurs constaté que de 1997 à 2000 M. et Mme Gérard P... ont perçu en tant qu'usufruitier de la SCP F... 20 890 € de produits financiers alors que la charge fiscale générée par cette donation, à savoir l'impôt de solidarité sur la fortune et l'impôt sur le revenu, représente 32 915 €. Le Comité a conclu de ce qui précède que l'acte de donation ne procédait pas d'une réelle intention libérale dans la mesure où il crée plus de charges que de produits

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pour les donataires obligeant même la SCP F... à effectuer des versements compensatoires. En conséquence, le Comité a émis l'avis que l'administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L 64 du LPF et à établir l'impôt de solidarité sur la fortune dont était passible M. Eric P... sur la valeur en pleine propriété des parts de la société F... dont l'usufruit avait été donné.

L’enfant consent une donation en usufruit temporaire pour 10 ans aux parents. Le nu-propriétaire a réalisé de grosses PV et les parents usufruitiers ont encaissé des revenus d’un montant faible et ont dû payer l’ISF. Donc, il ne s’agissait pas d’une véritable donation, car il n’y avait pas une réelle intention libérale dans la mesure où elle a créé pour les parents plus de charges que de produits. C’était un abus de droit car c’est le fils qio avait voulu éviter, lui, l’ISF.

b) La doctrine administrative sur la transmission temporaire d’usufruit à une personne morale

Ces opérations permettent une économie de l’ISF : La procédure de répression des abus de droit ne sera pas entamée si les conditions suivantes sont remplies cumulativement : -prendre la forme d’une donation par acte notarié ; -être réalisée au profit d’un organisme d’intérêt général habilité à recevoir des donations ; -être effectuée pour une durée au moins égale à 3 ans ; -porter sur des actifs contribuant à la réalisation de l’objet de l ‘organisme bénéficiaire ; -préserver les droits de l’usufruitier ; les biens concernés ne doivent pas faire l’objet d’une réserve spéciale d’administration. Les fruits doivent revenir à l’usufruitier, aucune disposition ne doit prévoir, par exemple, un prélèvement du nu-propriétaire sur les fruits.21

c) Quelques précautions pratiques à prendre dans les cessions temporaires d’usufruit :

Dans la pratique les cessions d'usufruit sont consenties pour des durées de l'ordre de 2 à 5 ans. Cette opération peut être considérée comme une sorte de « substitut » d’un prêt de titres. Il faut rappeler que, sur le plan fiscal, les prêts de titres répondant aux conditions définies par l’article L 432-6 du code monétaire sont neutres sur le plan fiscal22 En l’absence de texte précis, la cession du droit d’usufruit sera soumise aux règles de droit commun en matière de plus-values ou de droits d’enregistrement. La question de l’application de la procédure de l’abus de droit pourrait cependant se poser lorsque la cession a pour seul objet de permettre le transfert d’un avoir fiscal ou d’un crédit d’impôt à l’acheteur de l’usufruit. Comme l’a écrit un praticien 23 :« Ce risque (d’abus de droit) paraît élevé si une cession d’usufruit est effectuée sur une durée brève correspondant à une période de détachement de coupon, ou si, à l’occasion d’une cession d’usufruit portant sur une durée plus longue ( 2 à 3 années par exemple), le cédant garantissant une certaine rentabilité à l’acheteur de l’usufruit ou qu’un partage de l’avantage fiscal obtenu soit ultérieurement effectué entre le vendeur et l’acheteur de l’usufruit. Ces différents éléments souligneraient la finalité fiscale de la cession d’usufruit, ou même son caractère fictif ». Quelques précautions doivent donc être prises, en particulier :

21 Instruction du 6 novembre 2003, Droit Fiscal, 48 / 2003, 13 069 22 Mémento fiscal Lefebvre, n° 1752. Cette neutralité ne peut donc concerner que les prêts portant sur des valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé. 23 J.Vaudoyer, Droit fiscal 30/1992, p. 1287, § 54

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La période de détention de l'usufruit ne doit pas être anormalement courte. Une durée de 2 ans semble constituer un minimum. De plus l'acheteur de l'usufruit ne doit pas bénéficier d'une rémunération garantie, et celle-ci doit conserver un caractère aléatoire. Enfin, le prix de cession doit être déterminé lors de la cession et le régime d'imposition de l'acheteur ne doit pas avoir pour effet de modifier ultérieurement le prix de cession. Il faudrait également prendre garde au risque d’acte anormal de gestion dans des montages qui sont désormais proposés : une société d’exploitation acquiert un droit d’usufruit temporaire (par exemple, 10 ans) auprès de la SCI qui conserve la nue-propriété ; la société d’exploitation amortit le montant de l’usufruit. On donne souvent comme argument que l’intérêt « extra-fiscal » de ce montage consiste à sécuriser la société d’exploitation e manière plus nette que par une simple location que la SCI lui consentirait. Mais il faut, semble-t-il rester prudent dans ce genre de montage.

d) La constitution de sociétés d’usufruit : Il arrive que des usufruitiers constituent des sociétés d'usufruit afin de n'être taxés, au titre de l'ISF que sur la valeur des parts remises en rémunération de l'apport de cet usufruit. Il en va de même s'il résulte des circonstances de fait que la renonciation à un droit d'usufruit ou à un droit d'usage ou d'habitation est fictive. L'administration ne manquera pas, le cas échéant, de s'opposer à de tels procédés par la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L 64 du LPF, de même que de façon plus générale, dans tous les cas où le redevable tente de minorer fictivement par des montages juridiques appropriés son patrimoine imposable24. On trouve quelques sociétés spécialisées qui achètent l’usufruit temporaire. .

7) La cession de la de la nue-propriété d’une maison d’habitation peut être requalifiée en libéralité ; il y a abus de droit

Affaire n° 2006-24 « Par acte du 24 août 2002, M. et Mme J... ont acquis la nue-propriété d'une maison

d'habitation appartenant à Mme K..., âgée de 54 ans qui s'est réservé, sa vie durant et au profit de son époux M. R... S..., l'usufruit de la totalité du bien. Mme J... est la petite fille de M. R... S... L'usufruit a été évalué selon la méthode économique à 60 % de la valeur totale des biens estimée à 53 357 €. La vente a donc été consentie pour un prix de 21 343 € converti en rente viagère de 1 097 € par an sans versement initial d'une partie du prix de cession et a donné lieu au versement de droits de mutation à titre onéreux pour un montant de 934 €. Mme K... est décédée le 10 janvier 2003. Par une proposition de rectification en date du 27 mars 2006, l'administration a, dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L 64 du LPF, remis en cause la sincérité de l'acte précité, estimant à partir d'un faisceau de présomptions que celui-ci dissimulait en réalité une donation et qu'elle était donc en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse.Le comité relève que Mme K... avait déjà été hospitalisée à plusieurs reprises avant la signature de l'acte en cause qui la mentionne d'ailleurs « en invalidité » et est décédée moins de cinq mois après la vente litigieuse. Il note également qu'il existait des liens d'affection unissant les parties à l'acte, Mme J... étant la petite fille du conjoint de Mme K... Enfin, le comité remarque que la cession de la nue-propriété a été effectuée selon des

24 Inst. 19 mai 1982, 7 R-2-82 n° 125 ; D. adm. 7 S-3212 n° 51, 1er octobre 1999.

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modalités qui ne permettaient pas à la venderesse d'obtenir une contrepartie significative à son dessaisissement. Le comité considère qu'en l'état de ces constatations, la cession de la nue-propriété de la maison d'habitation doit être regardée comme présentant le caractère d'une libéralité.Le comité en conclut que l'administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L 64 du LPF ».Nota : L'administration prend note de l'avis favorable du comité.

Il faut noter les points essentiels de cet avis : -le décès rapide ( !) -les liens d’affection qui laissait présumer l’intention libérale -l’absence de contrepartie réelle à la cession.

8) Donation préalable à la vente et remploi avec quasi-usufruit : Cette affaire est intéressante, car le Comité a estimé que le montage ne constituait pas un abus de droit, mais l’administration a décidé de ne pas se ranger à son avis (ce qui est rare !). Affaire n° 2006-18 25 « M. et Mme A... F... promettent par un protocole en date du 25 octobre 2002 et sous

diverses conditions suspensives, de céder à la société S... la totalité des titres de la société T... qu'ils possèdent. Préalablement à la réalisation de la cession le 17 janvier 2003, M. F... fait donation le 15 janvier 2003 à ses trois enfants de la nue-propriété de 4 599 titres de la société T..., tandis que Mme F... fait donation à la même date de la pleine propriété de 399 titres.L'acte comporte une clause d'interdiction d'aliéner sauf au profit de la société S...L'acte de donation consenti par M. F... comporte en outre une clause de remploi obligatoire des produits de cession des titres ainsi qu'une convention de quasi-usufruit au profit de l'intéressé. Considérant que la donation litigieuse n'avait d'autre but que d'effacer l'impôt sur les plus-values, l'administration a mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit. Le comité constate que la donation des actions des titres a bien été consentie avant que leur cession ne devienne parfaite. Il a ensuite considéré que les différentes clauses et conditions assortissant l'acte de donation n'ont pas eu pour effet de rendre celle-ci fictive et que le caractère irrévocable de la donation ne saurait être remis en cause, au cas particulier, par le remploi du produit de la cession des actions démembrées dans la souscription du capital d'une société civile dont les parts sont elles-mêmes démembrées et dans laquelle le donateur dispose de pouvoirs restreignant à son profit les prérogatives attachées aux droits des nus-propriétaires. Le comité relève enfin que la convention de quasi-usufruit au bénéfice du donateur le laisse redevable d'une créance de restitution de même montant à l'égard des nus-propriétaires donataires. Dès lors, l'administration n'établit pas que le donateur se serait ainsi réapproprié les fonds précédemment donnés.

25 Commentaire (critique sur la position de l’administration) de B.Hatoux : Bulletin

fiscal, 3/2008, p. 198

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Le comité a donc émis l'avis que l'administration n'était pas fondée à mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L 64 du LPF ». Nota : L'administration a décidé de ne pas suivre l'avis défavorable du comité. Les arguments du Comité sont intéressants (il serait utile de les reprendre, le cas échéant, en pratique) : -la donation a bien été consentie préalablement à la vente ; -la donation n’était pas fictive et son caractère irrévocable ne saurait être remis en cause ; -les nus-propriétaires étaient juridiquement titulaires d’une créance sur le quasi-usufruitier. L’intervention d’une décision de justice dans cette affaire est attendue avec intérêt. Note sur le quasi-usufruit : Le quasi-usufruit résulte de l’article 587 du Code civil : « Si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l'argent, les grains, les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l'usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution. » Le quasi-usufruit peut résulter de la loi, en raison de la nature des biens en cause (v. ci-dessus), mais il peut résulter également d’une convention (quasi-usufruit conventionnel, notamment pour des titres (mais, dans ce cas, v. ci-dessous, la jurisprudence « Baylet » qui paraît fournir des solutions plus adaptées en pratique). Le quasi-usufruit est donc mal nommé car en réalité le quasi-usufruitier se voit reconnaître des pouvoirs supérieurs à ceux conférés au « simple « usufruitier. les quasi-usufruitiers se voient conférer un droit de disposition des biens soumis à l'usufruit pour permettre, à la fois, la perception des revenus procurés par les biens, et leur gestion en vue de la préservation de leur substance. Ce quasi-usufruit est aussi comparable au droit reconnu par la jurisprudence « Baylet » à l'usufruitier d'un portefeuille de valeurs mobilières, en vue d'une bonne gestion, de disposer des titres en propriété et de leur en substituer d'autres, à condition d'en préserver la substance en valeur (arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 1998).

9) La location d’un immeuble par l’usufruitier au nu-p ropriétaire n’est pas nécessairement un abus de droit :

Deux ans après avoir reçu par donation la nue-propriété d'un bien immobilier, un contribuable a pris à bail ce bien et, en application des articles 605 et 606 du Code civil, y a réalisé des travaux ayant généré un déficit foncier qu'il a imputé, faute de percevoir des revenus fonciers, sur son revenu global. Jugé que ce bail, dont le caractère fictif n'est pas contesté, ne peut être regardé comme ayant eu pour finalité exclusive d'éluder la charge fiscale du nu-propriétaire dès lors que

26 TA Montpellier 23 mars 2006 n° 00-4068, 2e ch., Piteu RJF 2/2007, n° 194 27 CE 5 octobre 1977 n° 4718 : RJF 11/, 1977 n° 586 28 TA Poitiers, 21 novembre1996 : RJF 1 / 1997, n° 7 ; conclusions Bayle dans BDCF 1 / 1997, p. 8 ; Article de J.Turot dans le Bulletin fiscal, 6/1997, p. 374 ; articles de P.Fernoux, Bulletin fiscal, 7/2005, p. 542, 2/1998, p. 77, 8-9/2007, p. 645

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ce dernier, qui n'occupait pas auparavant les locaux, les a pris à bail dans le but d'en avoir la maîtrise immédiate et durant toute la durée des travaux, et de s'en assurer ladisposition, après leur rénovation à l'issue desdits travaux.26

II- L’amortissement du droit d’usufruit : Il va de soi que le nu-propriétaire d'un bien amortissable peut l'amortir sur la base de la valeur de la nue-propriété.27 Reste la question de l’amortissement du droit d’usufruit. Cette question n’a jamais été explicitement tranchée de manière définitive, mais on peut raisonnablement penser que cet amortissement pourrait être admis, selon les règles consacrées pour les immobilisations incorporelles. Pour qu'un usufruit soit amortissable, deux conditions doivent être cumulativement remplies. Il doit tout d'abord présenter le caractère d'une immobilisation. C'est-à-dire que l'usufruitdoit constituer une source régulière de profits dotée d'une pérennité suffisante, et être susceptible de faire l'objet d'une cession. Il faut ensuite qu'il soit soumis à une dépréciation : selon les règles consacrées pour l’amortissement des immobilisations incorporelles, la constatation de l'amortissement de l'usufruit suppose qu'il soit normalement prévisible au moment de l'entrée du bien dans le patrimoine que ses effets bénéfiques sur l'exploitation prendront fin à une date déterminée. On rappelle à cet égard qu'un usufruit accordé à une personne morale ne peut excéder trente ans (C. civ. art. 619). La jurisprudence n’est guère fournie sur ce point ; on ne peut guère citer qu’une décision du TA de Poitiers qui a admis un tel amortissement à propos du droit d’usufruit portant sur des titres : l'usufruit avait été apporté pour une période de 10 ans ; il était donc prévisible dès l'apport que ses effets bénéfiques prendront fin à une date déterminée28 N’oublions pas cependant que ces règles demeurent encore incertaines et il sera peut être prudent de s’en tenir à la sage opinion de M.Turot (article précité) : “ En l’état actuel du droit fiscal, c’est la solution de la provision qui présenterait le moins de risque. Par cette technique, il devrait être possible de constater la dépréciation du droit d’usufruit, de façon progressive, sans passer par le détour de la notion d’immobilisation ”

III- La cession des titres démembrés : § 1) Règles générales concernant les cessions de droits démembrés : L’instruction du 13 juin 2001 pose un principe essentiel : « En toutes circonstances, la plus-value constatée sur un droit démembré ne peut être fiscalement « purgée » que si, lors de la transmission de ce droit, elle a été retenue, soit dans l’assiette des gains de cession à titre onéreux, soit dans l’assiette des droits de mutation à titre gratuit ». A- Cession conjointe avec répartition du prix de vente ou cession isolée de la nue-propriété ou de l’usufruit : L’opération est susceptible de dégager une plus-value imposable au nom de chacun des titulaires des droits démembrés. La plus-value réalisée par chacun d’eux est égale à la différence entre le prix de cession de ses droits et leur prix d’acquisition ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, leur valeur vénale. Lorsque le cédant a disposé de la pleine propriété des titres avant leur démembrement, il est admis de répartir le prix d’acquisition en fonction du barème de l’article 762 du CGI (en

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fonction de l’âge de l’usufruitier). Mais l’application de ce barème est une simple faculté laissée au contribuable. Lorsque les droits cédés ont été acquis distinctement par l’usufruitier et le nu-propriétaire, la valeur d’acquisition de ces droits a toujours fait l’objet d’une détermination séparée (prix d’acquisition à titre onéreux ou valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit). Les mêmes règles s’appliquent pour le cédant en cas de cession ou d’opération assimilée portant uniquement soit sur l’usufruit, soit sur la nue-propriété des titres. B- Cession en pleine propriété de titres dont la propriété est démembrée sans répartition du prix de vente : 1)-Règles générales : Le prix de vente peut être soit remployé dans l’acquisition d’autres valeurs, droits ou titres eux-mêmes démembrés, soit attribué en totalité à l’usufruitier dans le cadre d’un quasi-usufruit. Dans cette situation, la plus-value est imposable, soit au nom du nu-propriétaire en cas de remploi, soit au nom de l’usufruitier en cas de quasi-usufruit. Le premier terme de la plus-value de cession est toujours constitué par le prix de cession de la pleine propriété des titres cédés. 2)-Détermination du prix ou de la valeur d’acquisition : a)-Situation dans laquelle ni le nu-propriétaire ni l’usufruitier n’a disposé de la pleine propriété des titres avant leur démembrement : Les titres cédés ont été reçus simultanément par deux personnes distinctes, l’une en tant qu’usufruitier, l’autre en tant que nu-propriétaire (par exemple, lors d’une transmission à titre gratuit). Il faut retenir : -Soit le prix d’acquisition de la pleine propriété des titres lorsque la nue-propriété et l’usufruit ont été acquis à titre onéreux ; -Soit la valeur globale retenue pour la détermination des droits d’enregistrement lors de la mutation à titre gratuit qui a donné lieu au démembrement de propriété, lorsque la nue-propriété et l’usufruit ont été acquis à titre gratuit. b)-Situation dans laquelle le nu-propriétaire ou l’usufruitier a disposé de la pleine propriété des titres avant leur démembrement : Le prix ou la valeur d’acquisition est constitué en tout état de cause, par le prix ou la valeur d’acquisition initiale de la pleine propriété des titres majoré de l’accroissement de valeur du droit transmis constaté entre la date de l’acquisition initiale de la pleine propriété et la date de transmission à titre gratuit (cas le plus courant) ou à titre onéreux. Deux situations doivent être distinguées : -Le démembrement résulte d’une donation avec réserve d’usufruit : Le prix d’acquisition à retenir pour la détermination de la plus-value imposable est constitué par le prix ou la valeur d’acquisition initiale de la pleine propriété des titres majoré de l’accroissement de valeur de la nue-propriété constaté entre la date de l’acquisition initiale de la pleine propriété et la date de transmission de la nue-propriété. Pour l’application de cette règle, la fraction du prix d’acquisition de la pleine propriété des titres afférente à la nue-propriété peut être déterminée par l’application du barème de l’article 669 du CGI, en retenant l’âge de l’usufruitier à la date de la cession. -Le démembrement résulte d’une donation avec réserve de nue-propriété : Le prix d’acquisition à retenir pour la détermination de la plus-value imposable est constitué par le prix ou la valeur d’acquisition initiale de la pleine propriété des titres majoré de l’accroissement de valeur de l’usufruit constaté entre la date de l’acquisition initiale de la pleine propriété et la date de transmission de l’usufruit. Pour l’application de cette règle, la fraction du prix d’acquisition de la pleine propriété des titres afférente à l’usufruit peut être

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déterminée par l’application du barème de l’article 669 du CGI, en retenant l’âge de l’usufruitier à la date de la cession. Exemple : Achat Donation avec réserve d’usufruit Vente 100 300 400 NP : 210 NP : 70 Usufruit : 30 U : 90 Potentiellement, la PV est 400-100= 300 Mais l’accroissement de la valeur de la NP (soit, 210-70= 140) a supporté les droits de mutation à titre gratuit, la PV imposable est donc : 400 – (100+ 140) = 160 Achat Donation avec réserve de NP Vente 100 300 400 NP : 70 NP : 210 U : 30 U : 90 PV : 400 – (100+ 60)= 240 (60 est l’accroissement de valeur de l’U : 90-30). c)-Cas particulier : l’objet du démembrement est un portefeuille de valeurs mobilières : Le portefeuille constitue une universalité de biens (Cass. 12 novembre 1998, Baylet). Dans cette situation, le nu-propriétaire est, en principe, seul imposable sur les plus-values réalisées lors des cessions effectuées par l’usufruitier. Il est toutefois admis, sur option expresse et irrévocable formulée conjointement par le nu-propriétaire et l’usufruitier auprès de l’établissement financier teneur du compte, que cette plus-value soit imposable au nom du seul usufruitier. C- Cession de la pleine propriété de titres après réunion de l’usufruit et de la nue-propriété : 1)-Règles générales : La plus-value est imposable au nom du cédant et le premier terme de la différence est constitué par le prix de cession de la pleine propriété des titres cédés. 2)-Détermination du prix ou de la valeur d’acquisition : a)-Usufruit acquis par voie d’extinction : En principe, le prix d’acquisition de l’usufruit est nul (par exemple, usufruit acquis du fait du décès de l’usufruitier). Cependant, lorsque, dans un premier temps, les titres cédés ont été reçus simultanément par deux personnes distinctes, l’une en tant qu’usufruitier, l’autre en tant que nu-propriétaire, à la

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suite d’une transmission à titre gratuit et que, dans un second temps, le nu-propriétaire a reçu l’usufruit par voie d’extinction, le prix d’acquisition à retenir est égal à la somme des valeurs vénales déclarées pour chacun de ces droits lors de la transmission à titre gratuit qui est à l’origine du démembrement de la propriété. L’idée est manifestement de ne pas aboutir à un cumul d’imposition entre les droits de mutation à titre gratuit et la taxation de la plus-value. b)-Usufruit acquis à titre gratuit ou à titre onéreux : Le prix d’acquisition à retenir est égal à la somme du prix d’acquisition de la nue-propriété (ou de la valeur vénale retenue lors de la transmission à titre gratuit) et du prix d’acquisition de l’usufruit (ou de la valeur vénale retenue lors de la transmission à titre gratuit).

§ 2)-Le cas particulier du quasi-usufruit : A) La doctrine administrative traditionnelle :

En l’absence de textes particuliers, le quasi-usufruit devrait être traité comme un usufruit en droit fiscal. Mais, chacun le sait, le droit fiscal obéit souvent à une logique qui n’est pas nécessairement celle suivie par d’autres branches du droit. Ne parlons pas « d’autonomie du droit fiscal », mais du « pragmatisme du droit fiscal » ! La situation concrète du quasi-usufruitier peut être sommairement décrite comme suit : il jouit des revenus ainsi que des plus-values et il doit donc être imposé sur ces produits. Si l’imposition des revenus proprement dits ne pose aucun problème car il est évidemment normal qu’ils soient imposés au nom du quasi-usufruitier, la taxation de la plus-value a suscité quelques interrogations qui ont été en partie dissipées dans une réponse ministérielle 29 Ainsi, en cas de conclusion d'une convention de quasi-usufruit, l'usufruitier est redevable de l'impôt dû à raison des bénéfices courants et des bénéfices exceptionnels30 Deux problèmes sont résolus dans cette réponse : a- Le redevable de l'impôt sur la plus-value : La plus-value réalisée en cas de cession de la pleine propriété des droits sociaux par le quasi-usufruitier est imposable au nom du quasi-usufruitier. Cette solution est évidemment logique et ne peut être contestée. En effet, il serait paradoxal de faire acquitter l'impôt par le nu-propriétaire sur une plus-value dont il n'est pas certain qu'il puisse un jour profiter. Certes, il est titulaire d'une créance sur le quasi-usufruitier mais celui-ci peut avoir fait de mauvaises affaires et il peut être insolvable (notamment au jour de son décès) ; dans ce cas , bien sur , la créance du nu-propriétaire n'a aucune valeur . On peut souligner, au passage, que cette situation est l'un des dangers essentiels du quasi-usufruit. b-Le calcul de la plus-value : C'est sur ce point que la réponse Dubernard est la plus intéressante par les "perspectives " qu'elle ouvre sur les positions que pourrait adopter l'administration sur les montages de donations avec réserve de quasi-usufruit. L'analyse de l'opération par l'administration est la suivante : " D'une manière générale, lorsque le titulaire de droits consent la donation de leur nue-propriété et qu'avec le nu-propriétaire, il est convenu que le donateur se réserve le quasi-usufruit, il est admis, au regard des règles de droit civil, que ce dernier conserve la propriété des droits et qu'il peut en disposer, à charge pour lui d'en restituer l'équivalent en nature ou en valeur au terme de l'usufruit". Le point important est que l'administration estime que le donateur a conservé la propriété des droits. En d'autres termes, selon l'administration fiscale, il n'y a pas eu une " véritable

29 Rép.min. à M.Dubernard, n° 29549, JO Déb.Ass.Nat. 25 mars 1996,p. 1603 30 CE 18-12-2002 n° 230605 : RJF 3/03 n° 328

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donation " ; principe évidemment capital, qui pourrait entraîner des conséquences dévastatrices ! (notamment, sur la question de l’application de l’abattement aux donations échelonnées par période de six ans). On peut remarquer que cette analyse n'est pas si éloignée de celle présentée par certains juristes ; comme l'écrivait avec humour M.Sirineli, " le nu-propriétaire est plus nu que propriétaire " ! 31 Cette analyse est discutable et elle a été d’ailleurs réfutée par d’autres juristes qui ont démontré qu’une donation avec réserve de quasi-usufruit était valable au regard des règles de droit civil32. En fait, cette réponse peut s’expliquer par la volonté d’éviter une sorte d’abus de droit, tel qu’il avait été évoqué dans un avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit33. En l’espèce, le comité avait conclu en l’absence d’abus de droit, aux motifs : " le Comité a par ailleurs constaté que l'acte de donation avait été enregistré et que rien ne laissait supposer que M.et Mme M. aient pu conserver le produit de la vente des 126 actions litigieuses " ; une interprétation « a contrario » serait susceptible de justifier la position de l’administration ; elle pourrait en effet soutenir que le quasi-usufruitier conservera, le cas échéant, le produit de la vente, sous réserve de constater une dette à l’égard du nu-propriétaire. Certains commentateurs avaient d’ailleurs vu dans cet avis une condamnation implicite des donations avec réserve de quasi-usufruit34 La conséquence essentielle de l’analyse retenue par l’administration concerne le calcul de la plus-value de cession : " elle est égale à la différence entre le prix de cession de la pleine propriété des titres et leur prix d'acquisition ou, en cas d'acquisition à titre gratuit , leur valeur vénale appréciée au jour de leur entrée dans le patrimoine du cédant " . En d'autres termes, la donation avec réserve de quasi-usufruit ne permet pas " d'effacer" le montant de la plus-value latente acquise entre la date d'entrée des titres dans le patrimoine du donateur et celle de la donation avec réserve de quasi-usufruit, ce qui est cohérent avec l'idée selon laquelle la donation avec réserve de quasi-usufruit n'est pas une " véritable donation " .

B) Les possibilités d’assouplissement à la suite de l’instruction du 13 juin 2001 : Cette doctrine pourrait être assouplie par l’instruction, précitée, du 13 juin 2001. En effet, la fiche technique n° 1 ,jointe à cette instruction, précise que la « prix ou la valeur d’acquisition à retenir pour la détermination de la plus-value imposable est constitué, en tout état de cause, par le prix ou la valeur d’acquisition initiale de la pleine propriété des titres majoré de l’accroissement de valeur du droit transmis constaté entre la date de l’acquisition initiale de la pleine propriété et la date de la transmission à titre gratuit (cas courant) ou à titre onéreux ( cas plus exceptionnel) » . On peut remarquer que l’administration ne fait pas un « sort » particulier au quasi-usufruit. On pourrait donc en conclure que, désormais, que la donation avec réserve de quasi-usufruit gommerait au moins partiellement la plus-value. Certains praticiens en concluent que la technique du quasi-usufruit pourrait « renaître de ses cendres »35. Cette conclusion est sans doute valable s’il s’avère que l’administration traite les donations avec réserve d’usufruit de la même manière que les donations avec réserve de quasi-usufruit. Mais l’administration sera peut être amenée à apporter de nouvelles précisions sur cette question car la « réponse Dubernard » apparaît logique dans la « perspective fiscale » : avant la donation, le quasi-usufruitier possédait la pleine propriété des titres ; après la donation avec

31 Sirineli , Le quasi-usufruit , Les petites affiches , 26 juillet 1993 , n° 89-9. 32 V.l’étude de MM.Grimaldi et Roux, La donation de valeurs mobilières avec réserve de quasi-usufruit, Defresnois 1994, n° 35677 33 Affaire n° 94-17 : Droit Fiscal 15/1995, p. 682 34 V.Delfosse, Donation et purge des plus-values : JCP 1995, édi.N , n° 26 , prat.3419,p. 998. 35 V.M.Bornhauser, Droit fiscal, 43/ 2001, p. 1517

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la réserve de quasi-usufruit il pourra continuer de céder les titres et il jouira donc de la plus-value. La seule contrainte étant celle posée par l’article 587 du Code civil ( la créance du nu-propriétaire est égale à la valeur estimée du bien à la date de la restitution). L’analyse est donc essentiellement pragmatique, conformément à « l’esprit général » du droit fiscal ! Il serait sans doute excessif d’en tirer des conséquences définitives quant à la position de l’administration à propos de l’application de l’abattement aux donations avec réserve de quasi-usufruit (donations échelonnées, le cas échéant, sur dix ans). En l’état actuel des textes, il paraît difficile pour l’administration de considérer, d’une manière générale, que les donations avec réserve de quasi-usufruit ne sont pas de véritables donations. La seule « issue » pour l’administration serait, sans doute, d’entamer, dans ces hypothèses, une procédure de répression des abus de droit. La solution qui serait retenue par le comité consultatif pour la répression des abus de droit (et, le cas échéant, les tribunaux) reste évidemment incertaine, mais il convient de garder en mémoire l’avis du comité cité ci-dessus.

IV- La cession des immeubles démembrés :

A) Vente d’un immeuble après réunion de la propriété :

1) Réunion de la propriété après extinction naturelle de l’usufruit au décès de l’usufruitier :

Le prix d'acquisition servant au calcul de la plus-value est égal à la somme des valeurs vénales de chacun des droits (donc la valeur de la pleine propriété) à la date d'entrée de la nue-propriété dans le patrimoine du vendeur, bien que la valeur d'acquisition de l'usufruit soit nulle (Inst. 8 M-1-05 fiche 16 n° 14 et Inst. 8 M-1-04 fiche 4 n° 20). Le délai de détention est décompté à partir de l'acquisition de la nue-propriété (Inst. 8 M-1-05 fiche 16 n° 15 et Inst. 8 M-1-04 fiche 6 n° 10).

2) La nue-propriété et l’usufruit ont été acquis à titre onéreux : Le prix d'acquisition est égal à la somme des prix d'acquisition de chacun des droits démembrés stipulés dans chacun des actes d'acquisition (Inst. 8 M-1-05 fiche 16 n° 14 et Inst. 8 M-1-04 fiche 4 n° 20).

3) La nue-propriété a été acquise à titre gratuit et l’usufruit à titre onéreux : Le prix d'acquisition est la somme de la valeur vénale de la nue-propriété retenue lors de la donation ou de la succession et du prix d'acquisition de l'usufruit (Inst. 8 M-1-05 fiche 16 n° 14 et Inst. 8 M-1-04 fiche 4 n° 20).

4) Nue-propriété acquise par donation ou succession puis usufruit acquis par donation :

Le prix d'acquisition est égal à la somme des valeurs vénales retenues lors de chacune des transmissions (Inst. 8 M-1-05 fiche 16 n° 14 et Inst. 8 M-1-04 fiche 4 n° 20).

5) Usufruit acquis à titre gratuit, puis nue-propriété également acquise à titre gratuit :

Le prix d'acquisition est égal à la somme des valeurs vénales retenues lors de chacune des donations et/ou successions (Inst. 8 M-1-05 fiche 16 n° 14 et Inst. 8 M-1-04 fiche 4 n° 20).

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6) Appréciation de la durée de détention : Dans tous les cas, la durée de détention doit être décomptée à partir de la première des deux acquisitions, qu'elles soient à titre onéreux ou à titre gratuit (Inst. 8 M-1-05 fiche 16 n° 15 et Inst. 8 M-1-04 fiche 6 n° 10).

B) Cession conjointe par le nu-propriétaire et l'usufruitier d'un immeuble démembré, avec répartition du prix de vente entre les intéressés :

L’opération est susceptible de dégager une plus-value imposable au nom de chacun d'eux. Le prix de vente global de l'immeuble doit être ventilé de façon à faire apparaître distinctement le prix de cession de la nue-propriété et celui de l'usufruit, en fonction de leur valeur réelle au jour de la vente. A titre de règle pratique, l'administration admet toutefois que cette ventilation soit effectuée en application du barème de l'article 669 du CGI en tenant compte de l'âge de l'usufruitier au jour de la vente (Inst. 8 M-1-04 fiche 3 n° 7). Le prix d'acquisition de chaque droit est celui stipulé dans l'acte ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, la valeur vénale retenue pour le calcul des droits de mutation. Lorsque le démembrement a pour origine une succession antérieure à 2004, cette valeur est retraitée par application du barème de l'article 669 du CGI en retenant l'âge de l'usufruitier au jour de la cession (CGI art. 150 VB). Que le droit cédé ait été acquis à titre gratuit ou à titre onéreux, le délai de détention se calcule à partir de la date d'acquisition de ce droit, conformément aux principes généraux. Lorsque le droit n'a pas fait l'objet d'une acquisition isolée, le cédant du droit ayant initialement acquis l'immeuble en pleine propriété (à titre onéreux ou à titre gratuit avant d'opérer le démembrement), le prix d'acquisition du droit cédé est déterminé comme il est indiqué ci-dessous.

C) Cession isolée de la nue-propriété ou de l'usufruit

1) Droit acquis isolément : Lorsque le droit cédé a été acquis isolément, le prix d'acquisition est le prix du droit stipulé dans l'acte ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, la valeur vénale retenue pour le calcul des droits de mutation. Lorsque le démembrement a pour origine une succession antérieure à 2004, cette valeur est retraitée par application du barème de l'article 669 du CGI (n° 6212) en retenant l'âge de l'usufruitier au jour de la cession. Que le droit cédé ait été acquis à titre gratuit ou à titre onéreux, le délai de détention se calcule à partir de la date d'acquisition de ce droit, conformément aux principes généraux.

2) Cession isolée de la nue-propriété ou de l’usufruit d’un immeuble acquis en pleine propriété :

En cas de cession isolée de la nue-propriété ou de l'usufruit d'un immeuble acquis en pleine propriété (à titre onéreux ou à titre gratuit), la valeur d'acquisition du droit vendu à retenir pour le calcul de la plus-value correspond à la fraction de la valeur d'acquisition de la pleine propriété afférente à ce droit. Cette fraction est obligatoirement appréciée, au jour de la cession, à partir du barème de l'article 669 du CGI. Les charges et indemnités augmentatives du prix d'acquisition ainsi que les frais d'acquisition sont retenus dans la même proportion (CGI ann. II art. 74 SE et 74 SF).

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La durée de détention se calcule à partir de la date d'acquisition de l'immeuble en pleine propriété.

V- ISF : A- Principe : l’imposition de l’usufruitier sur la valeur en pleine propriété : 1°)-Le principe de l’imposition de l’usufruitier : Aux termes de l’article 885 G, alinéa 1 du CGI, les biens grevés d’un droit d’usufruit sont compris dans le patrimoine de l’usufruitier pour leur valeur en pleine propriété. Ce principe comporte quelques exceptions. Dans ces hypothèses, l’usufruitier et le nu-propriétaire sont imposés séparément sur la valeur de leurs droits respectifs, déterminée en application du barème de l’article 669 du CGI :

a-Démembrement de propriété résultant des articles 767, 1094 et 1098 du Code civil (concernant, notamment, l’usufruit légal des conjoints survivants).

b-Donation ou legs avec réserve d’usufruit au profit des associations reconnues d’utilité publique, de l’Etat, des départements ou des communes.

c. Vente avec réserve d’usufruit, à condition que l’acquéreur ne soit pas l’une des personnes visées à l’article 751 du CGI (notamment, l’héritier présomptif de l’usufruitier ou descendants ; personnes auxquelles le redevable a pu antérieurement consentir une donation ; personnes réputés interposées entre l’usufruitier, ses héritiers et donataires). L’administration a apporté quelques précisions, qui peuvent d’ailleurs entraîner quelques difficultés d’application : -L’usufruitier est imposé sur la pleine propriété en cas de vente de la nue-propriété par les donataires, même si la cession est consentie à un personne sans lien de parenté avec l’usufruitier36 -Les apports purs et simples en nue-propriété à une société ne sont pas considérés comme des ventes (à la différence des apports à titre onéreux).Dans ce cas, l’apporteur est tenu de déclarer dans son patrimoine la valeur en pleine propriété des biens dont il s’est réservé l’usufruit. Afin d’éviter une double imposition, il est admis que l’apporteur ne déclare pas les parts qui lui ont été remises en contrepartie de cet apport. Mais cette mesure de tempérament ne s’étend pas aux acquéreurs des parts. 37. Dans ce dernier cas, une double imposition pourrait donc apparaître : l’usufruitier est imposable sur la valeur en pleine propriété et les acquéreurs seront imposés sur la valeur vénale des parts qu’ils auront acquises et, bien entendu, la valeur de la nue-propriété apportée aura une incidence sur cette valeur vénale. 2°)-Appréciation du caractère de bien professionnel : L’administration a précisé que les biens ne peuvent être considérés comme des biens professionnels que si l’usufruitier les utilise lui-même dans le cadre d’une activité professionnelle38 Il faut indiquer que, sous certaines conditions, un redevable qui transmet des parts avec constitution d’un usufruit à son profit peut retenir la qualification professionnelle pour la fraction de la valeur correspondant à la nue-propriété. Les conditions d’application de cette tolérance sont prévues par l’article 885 O quinquies du CGI : -Le redevable remplissait, depuis trois ans au moins, avant le démembrement, les conditions requises pour que les parts et actions aient le caractère de biens professionnels ;

36 RM Lagorge, JO AN 18 octobre 1982, p. 4200, n° 18302 37 RM Valleix, JO AN 4 juin 1990, p. 2639, n° 14486 38 Instr. du 19 mai 1982, § 187

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-La nue-propriété est transmise à un ascendant, un descendant, un frère ou une soeur du redevable ou de son conjoint ; -Le nu-propriétaire exerce les fonctions de direction -Dans le cas de transmission de parts sociales ou d'actions d'une société à responsabilité limitée, ou d'une société par actions, le redevable doit, soit détenir directement ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frère ou soeur, en usufruit ou en pleine propriété, 25 % au moins du capital de la société transmise, soit détenir directement des actions ou parts sociales qui représentent au moins 50 % de la valeur brute de ses biens imposables, y compris les parts et actions précitées

B- Détermination de la valeur en pleine propriété : La Cour de cassation a jugé que la valeur en pleine propriété est égale à la valeur de l’usufruit et de la nue-propriété réunis et elle en déduit qu’aucun abattement n’est applicable au titre du démembrement de propriété. 39 Mais attendu que l'article 885 G du CGI, qui prévoit que les biens ou droits grevés d'un usufruit sont, sauf exceptions, compris dans le patrimoine de l'usufruitier pour leur valeur en pleine propriété, a pour but de faire obstacle à la prise en compte du démembrement pour la détermination de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune et s'oppose à l'application de tout abattement dont l'objet serait de constater une diminution de valeur du bien au titre de ce démembrement Cette solution a été critiquée : en effet, il n’est pas douteux que la valeur vénale d’un bien ou de titres est affectée par le démembrement de propriété40.

VI- Droits de mutation à titre gratuit :

E) Généralités : Les principaux avantages fiscaux liés au démembrement de propriété :

1) L’assiette et le barème : L’assiette est évidemment réduite puisque la transmission ne porte que sur une fraction du droit de propriété. L’évaluation se fait obligatoirement en fonction du barème prévu à l’article 669 du CGI, les pourcentages étant déterminés en fonction de l’âge de l’usufruitier.

2) La réduction d’impôt pour les donations : En cas de donation avec réserve d’usufruit, les taux des réductions d’impôt sont inférieures à ceux applicables en cas de donations en pleine propriété (article 790 du CGI). Le taux de la réduction de droits est fixé à : 35 % lorsque le donateur a moins de 70 ans ; 10 % lorsque le donateur a 70 ans révolus et moins de 80 ans.

3) Combinaison avec les pactes d’actionnaires : Dans un premier temps, l’abattement de 75 % n’était applicable qu’en cas de transmission en pleine propriété. Le but de la mesure était d'inciter à la transmission anticipée de patrimoine et

39 Cass. Com. 20 octobre 1998, n° 1675 P, Lansard : RJF 12/1998, p. 1016, n° 1504 ; Cass. Com. 12 janvier 1999, n° 129 P , Celier : RJF 4/1999, p. 325, n° 501 et le commentaire administratif : note du 19 avril 1999 : Droit fiscal 19/1999, 12 202 ; Cass. com. 20 mars 2007 n° 05-16.751 (n° 502 F-PB), Vrillaud :

RJF 7/2007 n°858 40 v. les observations critiques à la RJF 12/1999, p. 1016

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à l'organisation des conditions de la reprise de l'entreprise, afin qu'elle puisse s'effectuer de façon optimale. Afin que ces donations paraissent à la fois économiquement et socialement efficaces, il semblait nécessaire qu'elles puissent se faire en pleine propriété, la transmission du pouvoir de direction de l'entreprise en même temps que celle du patrimoine étant souhaitable.41 Dès lors, l’application de l’abattement pouvait se cumuler avec la réduction d’impôt prévue pour les donations, en fonction de l’âge du donateur (v. ci-dessus). Mais, dès la discussion du projet de loi qui devait devenir la loi du 1° août 2003 sur l’initiative économique, des interrogations étaient apparues à propos du comportement des chefs d’entreprises : « seront-ils incités à transmettre leur entreprise par anticipation mais en acceptant de la céder en pleine propriété ? Feront-ils le choix, dans le cas de sociétés, de céder une partie seulement de leurs parts afin de conserver un pouvoir dans l’entreprise et des dividendes ? »42 L’interrogation était légitime car le dispositif a été, en fait, assez peu utilisé en raison de cette limitation. D’où les modifications apportées par la loi du 2° août 200543, qui a étendu l’application de l’abattement aux donations avec réserve d’usufruit :l’abattement de 75 % s’applique à la valeur de la nue-propriété des titres ou biens, déterminée par application du barème de l’article 669 du CGI. Mais la loi pose une condition : les droits de vote de l’usufruitier doivent être statutairement limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices. Cette limitation a été justifiée par des raisons constitutionnelles, à savoir la nécessité de préserver l’égalité devant l’impôt, en prévoyant des conditions rigoureuses pour l’application de cette disposition44 De plus, les donations avec réserve d’usufruit qui ont bénéficié de l’exonération partielle de 75 % ne peuvent bénéficier de la réduction d’impôt (de 35 % ou de 10 %) prévue à l’article 790 du CGI (ce non-cumul concerne les donations de titres et les donations d’entreprises individuelles : articles 787 B et 787 C du CGI). Les donations en pleine propriété bénéficient donc toujours, en principe, d’un avantage (puisque dans ce cas, l’exonération partielle et la réduction d’impôt peuvent se cumuler). Cette situation a été discutée par M.Novelli : « En conséquence, la donation en pleine propriété demeure attractive dans le cadre des pactes ainsi, d'ailleurs, que pour les autres éléments du patrimoine du défunt ou du donateur. Votre Rapporteur veut bien admettre la cohérence de ces dispositions avec les efforts entrepris depuis le début de la législature pour inciter à une transmission pleine et entière du patrimoine des ménages vers les jeunes générations, dans tous les cas où cette modalité de transmission peut être privilégiée avec succès. Néanmoins, l'interrogation demeure quant à la persistance de cette incitation différenciée….. ». Ecartant l’argument tiré de la constitutionnalité du dispositif, il ajoute : « Il s'agit bien plutôt d'un argument de principe, consistant à encourager davantage la donation en pleine propriété, afin de promouvoir la transmission effective de patrimoine et de gestion des entreprises. Sans aller, à ce stade, jusqu'à remettre en cause un tel choix, votre Rapporteur estime qu'il ne doit rien avoir d'intangible. En tout état de cause, la constitutionnalité du cumul des deux dispositifs fiscaux (abattement prévu par les articles 787 B et 787 C et réduction d'impôt fixée par l'article 790 du CGI) a été tranchée par l'affirmative dans la décision rendue sur la loi pour l'initiative économique (n° 2003-477 DC du 31 juillet 2003) »45

41 V.les observations figurant dans le rapport n° 2431 de la Commission des finances

de l’Assemblée Nationale (sur la loi du 1° août 2005 relative aux PME). 42 Rapport de la commission spéciale de l’Assemblée Nationale, n° 572, précité, p. 102 43 loi 2005-882 du 2 août 2005, JO du 3, p. 12639. Cette loi a également relevé le

montant de l’abattement de 50% à 75 % 44 V. débats au Sénat, notamment la séance du 14 juin 2005. 45 V.Rapport, précité, de l’Assemblée Nationale, n° 2431, p. 43

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Il convient cependant d’étudier de manière détaillée les cas concrets, afin d’apprécier s’il est plus intéressant de faire une donation en pleine propriété en profitant des réductions d’impôt ou une donation avec réserve d’usufruit sans application des réductions d’impôt : en effet, comme l’ont montré des simulations, la donation avec réserve d’usufruit à un enfant peut s’avérer plus intéressante si le donateur a plus de 70 ans ( car la réduction d’impôt est faible dans ce cas, v. supra) ; il en serait de même pour la donation à un tiers si le donateur a plus de 80 ans ( car dans ce cas, la réduction d’impôt ne s’applique pas).

4) Le paiement différé : Le paiement des droits peut être différé jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de la réunion de l'usufruit à la nue-propriété ou de la cession totale ou partielle de cette dernière (toutefois, lorsque le montant de la cession est inférieur à celui des droits exigibles, le bénéfice du paiement différé peut être conservé pour le solde des droits à condition que cette somme soit versée à titre d'acompte sur les droits en suspens46 Il est rappelé que cette disposition s’applique uniquement au paiement des droits de succession (article 404 B de l’annexe III au CGI), à l’exclusion des droits sur les donations.

F) La conversion d’usufruit en rente viagère : a. Dans les actes de donation de la nue-propriété d'un bien, il arrive fréquemment que le donateur se réserve, en même temps que l'usufruit, la faculté de convertir ce dernier en rente viagère. En pareil cas, l'administration considère que l'acte de conversion s'analyse en un complément de donation avec charge soumis aux droits de donation. Lorsque la faculté de conversion n'a pas été prévue dans la donation, l'administration applique les droits de mutation à titre onéreux sauf preuve de l'intention libérale47. b. La conversion de l'usufruit du conjoint survivant dans les conditions prévues par le Code civil est soumise au droit fixe des actes innomés. Il en est de même de la conversion de ses droits viagers d'habitation et d'usage. Dans le cas où la conversion de l'usufruit du conjoint survivant est stipulée avec effet rétroactif à la date du décès, les droits de succession dus par les enfants sont liquidés (ou reliquidés) en déduisant de l'actif successoral taxable la valeur de capitalisation de la rente48 . c. A noter que, du point de vue de l’IR, les rentes ne sont, en principe, pas déductibles. La solution peut cependant être différente, le cas échéant, pour la fraction de la rente présentant un caractère alimentaire : tel est le cas lorsque la somme versée dépasse le montant de la rente qui aurait normalement pu être obtenue d'un acquéreur à titre onéreux (la fraction excédentaire est alors déductible si elle répond par ailleurs aux conditions prévues par les articles 205 à 211 du Code civil.

G) La présomption posée par l’article 751 du CGI : Les conséquences de l’application de ce texte peuvent s’avérer redoutables. Il importe donc de bien se garantir contre une éventuelle mise en œuvre de cet article. Le point essentiel est le suivant : Comme on le sait, en principe, la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété ne donne ouverture en principe « à aucune impôt ou taxe lorsque cette réunion a lieu par l’expiration du terme fixé pour l’usufruit ou par le décès de l’usufruitier » (article 1133 du CGI). Mais l’article 751 prévoit une exception : « Est réputé, au point de vue fiscal, faire partie, jusqu’à preuve contraire, de la succession de l’usufruitier tout bien ou titre appartenant, pour l’usufruit au défunt et pour la nue-propriété à l’un de ses présomptifs héritiers ou descendants

46 Rép. André : AN 11-1-1988 p. 122 n° 31793

47 D. adm. 7 G-312 n° 6 et 7 48 Inst. 7 G-1-03

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d’eux ». C'est-à-dire que, dans ce cas, les droits de succession s’appliquent sur la valeur en pleine propriété du bien en cause. Ce texte est issu d’une loi du 13 juillet 1925 et destiné à lutter contre les fraudes ou évasions (en profitant de l’article 1133 qui exonère de tout droit la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété). L’article 751 crée donc une présomption de fictivité de l’acte qui a opéré le démembrement de propriété, mais elle ne produit effet qu’au moment du décès de l’usufruitier.

1) Cas d’application : Le bien meuble ou immeuble appartient, pour l’usufruit, au défunt et pour la nue-propriété à l’un de ses présomptifs héritiers ou descendants…

a) Les nus-propriétaires visés : Les personnes concernées sont : -les héritiers présomptifs du de cujus et leurs descendants même renonçants ou exclus par testament ; -les donataires ou légataires même institués par testament postérieur au démembrement de propriété, même renonçants ; -les personnes réputées interposées entre le défunt et les héritiers, donataires ou légataires : il s’agit, d’une part : dans tous les cas de leur père et mère, de leurs époux et, pour les donataires et légataires de leurs descendants ; d’autre part, en matière de succession entre époux, des parents dont le conjoint survivant est lui-même présomptif héritier.

b) La qualité d’héritier est appréciée à un moment quelconque : Il n’y a donc pas lieu de rechercher si cette qualité lui appartenait au moment du démembrement de propriété ou au moment du décès.

2) Cas dans lesquels la présomption n’est pas applicable : L’article 751 précise que la présomption ne joue pas lorsqu’il y a eu donation régulière consentie depuis plus de trois mois avant le décès (délai non applicable en cas de donation constatée dans un contrat de mariage) . Selon l’administration, la présomption ne joue pas lorsque le démembrement de propriété résulte des évènements suivants : -donation régulière de la nue-propriété consentie plus de trois mois avant le décès, qu’il s’agisse d’une donation ordinaire ou d’une donation-partage ; -donation constatée dans un contrat de mariage sans condition de délai ; -succession dévolue de son vivant au défunt et à ses présomptifs héritiers et dans laquelle le premier aurait recueilli l’usufruit viager et les seconds la nue-propriété. -dispositions testamentaires selon lesquelles l’usufruit aurait été légué à une personne et la nue-propriété à ses présomptifs héritiers. L’article 751 du CGI a été complété pour préciser que la présomption qu'il pose ne s'applique pas en cas de démembrement de propriété effectué à titre gratuit, plus de trois mois avant le décès, constaté par acte authentique et pour lequel la valeur de la nue-propriété a été déterminée selon le barème prévu à l'article 669 du CGI.

3) La preuve contraire :

a) L’appréciation de la preuve contraire est une question de fait, à examiner cas par cas : L'article 751 du CGI a, en définitive, pour objet de renverser la charge de la preuve. Il appartient, dès lors, aux parties d'établir, dans les formes compatibles avec la procédure écrite, la sincérité et la réalité de l'opération de démembrement de la propriété que la loi présume fictive.

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La charge de la preuve, notamment de l’intention libérale du donateur supposé n’incombe pas à l’administration. Il suffit donc au tribunal de constater que la preuve contraire à la présomption n’était pas rapportée ; voici quelques exemples : -M. Dardaine a acheté à sa parente Mme Yvonne Dardaine, dont il devint le légataire universel, la nue-propriété d'un immeuble pour un prix dont une partie aurait été payée au comptant hors la vue du notaire, le reste étant converti en une rente viagère : il suffisait que le tribunal constate que la preuve contraire à la présomption n'était pas rapportée49 -M. Roland Thevenin et sa fille Mme Rolande Rémy-Thevenin ont respectivement acquis l'usufruit et la nue-propriété d'un immeuble, En l'espèce, l'héritière prétendait apporter la preuve de la réalité et de la sincérité de l'acte à titre onéreux en établissant qu'elle avait effectivement payé le prix de l'acquisition de la nue-propriété. Le juge avait retenu ce motif. La censure de la Cour de cassation est prononcée parce qu'il est établi que le paiement avait été fait avec des fonds donnés par le père, vendeur resté usufruitier. Ce paiement était donc fictif et ne pouvait établir ni la réalité ni la sincérité de l'acte litigieux ; la preuve d'un paiement réel aurait suffi à établir la réalité et la sincérité de l'acte50 - En 1981, M. et Mme Marcel Bequet ont acquis de Mme Irène Bequet la nue-propriété d'un immeuble pour sa valeur en nue-propriété, converti en une rente viagère annuelle ; que, par testament olographe du 5 mars 1986, Mme Irène Bequet a légué ses biens à M. Marcel Bequet, son neveu ; la preuve contraire est réputée apportée car la cession de la nue-propriété de l'immeuble avait été effectuée par acte notarié et que la rente viagère stipulée en paiement du prix avait été effectivement acquittée jusqu'au décès de la venderesse ;51 - Dans le cas d'une vente à un hériter présomptif avec réserve d'usufruit d'un bien pour un prix converti en une obligation de soins et d'hébergement au profit du vendeur, la preuve contraire à la présomption édictée par l'article 751 du CGI ne peut être considérée comme apportée que si l'héritier démontre qu'il avait satisfait à son obligation de soins et d'hébergement à compter de la date à laquelle cette obligation avait été mise à sa charge.52 La question de savoir si la preuve contraire est rapportée est donc une question de fait qui ne peut être résolue qu'après examen de l'ensemble des circonstances particulières de chaque affaire. On peut recommander qu’en cas d’acquisition conjointe d’un bien dont la propriété est démembrée entre une personne et ses successibles, de conserver tous les moyens de preuve permettant d’établir que la nue-propriété du bien acquise par ces derniers a été payée par leurs deniers.

b) L’assouplissement récent de la législation : La Cour de cassation avait adopté une conception très rigide de l’apport de la preuve contraire : la donation régulière permettant d’écarter la présomption de fictivité du démembrement est celle de la nue-propriété ou de l’usufruit du bien et non la donation d’une somme d’argent permettant d’acheter la nue-propriété ou l’usufruit de celui-ci, quand bien même cette donation serait elle-même réalisée régulièrement (Cass.com. 23 janvier 2007, n° 65 F-PB, Mézière : RJF 5/2007, n° 630).

49 Cass.com. 23 février 1999 : RJF 5/1999, p. 414, n° 652

50 Cass. com. 27 janvier 1998 n° 304 P : RJF 5/1998 n° 624 51 Cass. com. 16 janvier 2001 n° 80 F-D : RJF 5/2001 n° 714 52 Cass. com. 27 septembre 2005 n° 1313 F-D, DGI c/ Jorrey-Jullia : Droit Fiscal 37 / 2006, comm. 577

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La Loi de finances pour 2008 fait échec à cette jurisprudence, en complétant l’article 751 : « La preuve contraire peut notamment résulter d’une donation des deniers constatée par un acte ayant date certaine, quel qu’en soit l’auteur, en vue de financer, plus de trois mois avant le décès, l’acquisition de tout ou partie de la nue-propriété d’un bien, sous réserve de justifier de l’origine des deniers dans l’acte en constatant l’emploi. » Ce texte permet donc de sécuriser les opérations consistant pour des parents ou grand parents à donner de l’argent aux enfants ou petits enfants et ensuite d’acquérir en commun une bien en démembrant la propriété (selon les cas et les besoins, les parents peuvent acquérir l’usufruit ou la nue-propriété). D) Travaux effectués sur un immeuble par l’usufruitier L’usufruitier d’un immeuble qui a effectué sur celui-ci des travaux n’ayant pas le caractère de grosses réparations au sens de l’article 605 du Code civil n’est pas réputé détenir une créance sur le nu-propriétaire dont le montant serait à inclure dans l’actif de sa succession. 53

VII- Quelques conséquences en matière de revenus fonciers Plusieurs situations peuvent se rencontrer.

A) Location de l’immeuble à un tiers :

1) La situation de l’usufruitier : L'usufruitier est imposable au titre des revenus fonciers à raison du loyer perçu. En ce qui concerne les charges, il peut déduire celles qu'il a effectivement supportées (il en est ainsi même pour les travaux de grosses réparations, lorsqu'ils ont été effectivement pris en charge par l'usufruitier). Quelle que soit l'origine du démembrement du droit de propriété, il peut imputer sur son revenu global les déficits fonciers qu'il subit dans les conditions de droit commun (les déficits fonciers résultant de dépenses autres que les intérêts d'emprunts s'imputent sur le revenu global dans la limite annuelle de 10 700 €).

2) La situation du nu-propriétaire :

a) Règles générales : Il ne perçoit pas de loyers et il n’a donc pas de revenus à déclarer. S'il engage des dépenses de grosses réparations (en application de l'article 605 du Code civil), il peut les déduire des revenus fonciers procurés par ses autres immeubles possédés en pleine propriété. A défaut de tels revenus, ou si ceux-ci sont insuffisants, un déficit foncier est constaté. Ce déficit est susceptible de donner lieu à imputation (sans limitation) sur le revenu global lorsque les conditions suivantes sont remplies :

53 CAA Bordeaux, 26 septembre 2007 : RJF 7/2008, n° 900

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- le démembrement du droit de propriété concerne un immeuble bâti ou non (sont en revanche exclus les démembrements qui portent sur des titres de sociétés) ; - le démembrement résulte d'une succession ou d'une donation entre vifs effectuée sans charge ni condition et consentie entre parents jusqu'au quatrième degré inclusivement (sont donc notamment exclus les démembrements provenant d'un partage de communauté). Le déficit résultant des autres charges éventuellement supportées ainsi que le déficit constaté lorsque le démembrement ne répond pas aux conditions ci-dessus obéissent aux règles générales d'imputation de droit commun (imputation sur le revenu global à hauteur de 10 700 € puis, pour la fraction excédant cette limite et pour la fraction relative aux intérêts d'emprunt, sur les revenus fonciers des dix années suivantes) (Inst. 5 D-2-07 fiche 5 n° 18).

b) La déduction des intérêts d’emprunt contractés par le nu-propriétaire : L’intérêt pratique du régime de la nue-propriété est donc moins important qu’auparavant. Les conditions indiquées ci-dessus résultent d’une modification législative en vigueur depuis le 1° janvier 1993 et qui était destinée à mettre fin à des montages consistant à acheter des nues-propriétés en vue de déduire les charges. Cependant, les achats de nues-propriétés peuvent avoir encore un intérêt si les nus-propriétaires disposent, par ailleurs, d’immeubles en pleine propriété. D’ailleurs des sociétés se sont spécialisées pour proposer à des investisseurs l’achat de la nue-propriété : le montage consiste, notamment, à proposer la nue-propriété d’un bien à un investisseur privé et l’usufruit temporaire à des bailleurs sociaux. L’administration a apporté les précisions suivantes dans son instruction du 23 mars 2007 : « Il est précisé que seule la fraction du déficit foncier résultant de grosses réparations payées par le nu-propriétaire conformément aux dispositions de l'article 605 du Code civil est imputable sans limitation sur le revenu global. En conséquence, la fraction du déficit foncier résultant d'autres dépenses, dont les intérêts d'emprunt (y compris ceux qui sont contractés pour financer les dépenses de grosses réparations ; v. également ci-dessous), est uniquement imputable dans les conditions de droit commun. Les dépenses ne sont toutefois pas admises en déduction lorsque les dépenses afférentes sont supportées par le nu-propriétaire et que l'usufruitier se réserve la jouissance du local. La déduction par le nu-propriétaire de ces dépenses est en effet uniquement justifiée par le fait que l'immeuble est effectivement donné en location à titre onéreux dans des conditions normales et que le revenu correspondant est imposé au nom de l'usufruitier dans la catégorie des revenus fonciers. Les nus-propriétaires qui bénéficient de l'imputation sur leur revenu global du déficit foncier ainsi constaté sont tenus au dépôt d'une déclaration n° 2044 spéciale et ne peuvent par conséquent pas bénéficier du régime micro-foncier54 » Cette doctrine a été précisée dans une décision de rescrit : « La doctrine administrative relative au régime d'imposition applicable avant le 1er janvier 2006 dispose que les intérêts des emprunts effectivement versés par les nus-propriétaires d'immeubles loués et destinés à financer l'acquisition de la nue-propriété sont déductibles des revenus fonciers provenant, le cas échéant, de leurs autres propriétés. L'instruction administrative du 23 mars 2007 (5 D-2-07), qui commente la réforme des revenus fonciers issue notamment des articles 76 et 84 de la loi de finances pour 2006

54 Instruction du 23 mars 2007, 5 D-2-07, fiche 5, n° 18

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n'entend pas remettre en cause cette disposition relative à la définition des intérêts d'emprunt déductibles des revenus fonciers. Ainsi, les intérêts des emprunts effectivement versés par les nus-propriétaires d'immeubles loués et destinés à financer soit l'acquisition de la nue-propriété, soit les dépenses de réparation, d'entretien ou d'amélioration de ces immeubles sont déductibles des revenus fonciers provenant, le cas échéant, de leurs autres propriétés. Conformément aux dispositions de l'article 156, 1-3° du CGI, la fraction du déficit foncier qui résulte de ces intérêts d'emprunt est imputable exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes. »55

B) Immeuble occupé par l’usufruitier : L'usufruitier est dans la même situation que le propriétaire occupant son immeuble. Il n'est donc pas imposable au titre des revenus fonciers. Par ailleurs, s'il s'agit de son habitation principale, il peut bénéficier d'un crédit d'impôt dans les conditions et limites de droit commun à raison de certaines dépenses de gros équipements. Quant au nu-propriétaire, il ne peut pratiquer aucune déduction au titre des revenus fonciers, l'immeuble n'étant pas loué (v.aussi, ci-dessus, l’instruction du 23 mars 2007).

C) Immeuble occupé par le nu-propriétaire : Si cette occupation est consentie à titre onéreux (c'est-à-dire moyennant le paiement d'un loyer normal ; v. supra, I, la question du point de vue de l’abus de droit). - la situation de l'usufruitier est la même que si l'immeuble était loué à un tiers (voir, ci-dessus) - le nu-propriétaire est admis à déduire des revenus fonciers de ses autres propriétés ou, à défaut, de son revenu global les dépenses qui lui incombent en vertu de l'article 605 du Code civil dans les conditions énoncées ci-dessus.

D) Démembrement des parts d’une SCI : Le régime applicable a été précisé par l’instruction du 23 mars 200756

a) Règles générales : En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts de la société, l'article 8 du CGI prévoit une répartition de la charge fiscale entre l'usufruitier et le nu-propriétaire des droits sociaux. L'impôt est établi au nom de l'usufruitier des parts en cause à hauteur des droits que lui confère sa qualité d'usufruitier. Corrélativement, le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier. En pratique, l'usufruitier des parts est imposable à hauteur des bénéfices courants de l'exploitation et le nu-propriétaire à hauteur des profits exceptionnels. 55 Décision de rescrit 4 décembre 2007 n° 2007/49 FP et 11 décembre 2007, n° 2007/53/FP : Bulletin fiscal, 2/2008, n° 115 56 Inst. 23 mars 2007, 5-D-2-07 fiche 3 n° 27 à 33 : Bulletin fiscal, 11/2007, n° 1129

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Ce dernier peut également déduire la quote-part des déficits réalisés par la société correspondant à ses droits, dès lors qu'en sa qualité d'associé il est le seul à répondre des dettes de la société. Il s’agit ici d’un point important qui avait été déjà indiqué par l’administration dans une instruction du 8 novembre 199957 (qui a une portée plus générale et qui s’applique à toutes les sociétés de personnes : v. aussi, ci-dessus, I, les cas possibles d’abus de droit) : le nu-propriétaire est l’associé de la société, d’où sa prise en charge, en principe, des déficits. ; comme l’indique cette instruction, « Il (le nu-propriétaire)est également fondé à prendre en compte une quote-part des déficits réalisés par la société correspondant à ses droits dès lors qu'en sa qualité d'associé, il est le seul à répondre des dettes de la société. », d’où l’intérêt des possibilités de modifications de la répartition par voie conventionnelle.

b) Répartition conventionnelle des résultats sociaux : L'usufruitier et le nu-propriétaire de droits sociaux démembrés peuvent décider d'une répartition conventionnelle des résultats sociaux. Cette répartition est opposable à l'administration fiscale dès lors qu'elle procède d'une convention licite et a été conclue ou insérée dans les statuts avant la clôture de l'exercice (ou avant la fin de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie) aux termes d'un acte régulièrement enregistré, ayant date certaine. De même, une convention peut déterminer une répartition entre le nu-propriétaire et l'usufruitier de la charge correspondant à la mise en oeuvre de l'obligation de comblement des pertes. Trois séries de précisions ont été apportées par l’administration dans son instruction du 8 novembre 1999 (et elles sont applicables, bien entendu, aux démembrements de parts de SCI) : Les actes ou conventions doivent être conformes aux dispositions du Code civil et notamment à ses dispositions relatives aux droits de l'usufruitier (C. civ. art. 582 à 599). Dans l'hypothèse où de tels actes ou conventions entraînent une mutation de propriété, l'administration serait fondée à en tirer les conséquences en matière de droits de mutation à titre gratuit. En outre, s'il apparaissait que de telles conventions n'ont été conclues que dans le but d'éluder l'impôt, le service serait en droit d'appliquer la procédure de répression des abus de droit prévue par les dispositions de l'article L 64 du LPF. L’instruction, précitée, du 23 mars 2007 a ajouté les précisions suivantes : Il convient toutefois d'apporter certaines précisions dans le cas où l'usufruitier ou le nu-propriétaire de tout ou partie des parts de ladite société est, au titre des revenus locatifs de cette dernière, personnellement imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers. a. Imposition du bénéfice social. L'impôt est établi au nom de l'usufruitier des parts en cause à hauteur des droits que lui confère sa qualité d'usufruitier. Sauf convention contraire régulièrement conclue avec l'usufruitier, le nu-propriétaire des parts supporte l'impôt à raison des résultats qui ne sont pas imposés au nom de l'usufruitier, c'est-à-dire en pratique à raison des résultats exceptionnels. Compte tenu de la nature juridique de l'usufruit qui correspond à ce qui naît de la chose sans en altérer la substance (C. civ. art. 578), les droits dans les bénéfices conférés par la qualité

57 4F-2-99 : Droit Fiscal 48 / 1999 , 12 336

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d'usufruitier correspondent, en l'absence de convention régulière prévoyant une répartition particulière des résultats entre usufruitier et nu-propriétaire, au bénéfice foncier dégagé par la société. L'imposition du nu-propriétaire sur les profits exceptionnels ne trouve pas en pratique à s'appliquer en matière de revenus fonciers. En effet, bien que certains revenus soient parfois qualifiés d'exceptionnels pour la détermination des revenus fonciers, ces derniers ne sont pas de la même nature que les résultats exceptionnels (en pratique les plus-values de cession d'éléments d'actif) qui reviennent au nu-propriétaire de parts d'une société relevant de l'article 8 du CGI et exerçant une activité industrielle ou commerciale. De même, ne présente pas un caractère exceptionnel, pour l'application de ce dispositif, le revenu foncier constitué par la remise des constructions au bailleur à l'expiration d'un bail à construction ou par la remise des travaux réalisés par le preneur à l'expiration d'un bail à réhabilitation. Par suite, l'ensemble du bénéfice foncier dégagé par la société est, en l'absence de convention régulière prévoyant une répartition particulière des résultats entre usufruitier et nu-propriétaire, imposable au nom du seul usufruitier. b. Prise en compte du déficit social. Sauf convention contraire régulièrement conclue avec l'usufruitier, la prise en compte des déficits fonciers réalisés par la société revient de droit au nu-propriétaire, dès lors qu'en sa qualité d'associé il est le seul à répondre des dettes de la société. La nature des dépenses ou de l'avantage fiscal à l'origine du déficit foncier est sans incidence pour l'application de cette mesure. »

E) Démembrement et régimes fiscaux de faveur :

1) Le régime « Robien » n’est pas applicable aux titulaires de droits démembrés : Les dispositions de l'article 31, I-1° -h du CGI ne s'appliquent pas aux immeubles dont le droit de propriété est démembré. Il s'ensuit que le démembrement de propriété de tout ou partie des éléments entrant dans la base amortissable, tels que le logement, ses dépendances immédiates et nécessaires ou son terrain d'assiette, fait obstacle pour l'ensemble de l'immeuble au bénéfice de la déduction au titre de l'amortissement. De même, la déduction au titre de l'amortissement n'est pas applicable aux revenus des parts de sociétés non soumises à l'impôt sur les sociétés entrant dans le champ d'application de l'article 31, I-1° -h du CGI (société civile immobilière, société d'attribution, etc.) dont le droit de propriété est démembré. Si le porteur détient à la fois des parts dont le droit de propriété est démembré et des parts en pleine propriété, il ne peut bénéficier de la déduction au titre de l'amortissement qu'à raison des revenus procurés par ces dernières58.

2) Les régimes « Borloo » : Le régime du « Borloo neuf » est soumis aux mêmes conditions que le « Robien » (v.ci-dessus) ; il n’est donc pas applicable en cas de démembrement. En revanche, pour le « Borloo ancien », le démembrement de propriété du logement ou des parts ne devrait pas faire obstacle à l'application de la déduction spécifique lorsqu'il est antérieur à l'engagement de location du logement ou de conservation des parts. Dans cette hypothèse, seul l'usufruitier devrait bénéficier de la déduction.

58 Inst. 21 février 2005, 5 D-3-05 n° 13.

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Mais lorsque le démembrement du droit de propriété de l'immeuble ou des parts intervient postérieurement à l'engagement de location, l'avantage fiscal pourrait être remis en cause.

VIII- Indivision et co-exploitation : Le co-propriétaire indivis d’un fonds de commerce a, en principe, la qualité de co-exploitant mais en cas de démembrement de propriété le nu propriétaire ne peut être regardé comme exploitant que s’il établit son appartenance à une société de fait constituée avec le ou les usufruitiers (l’existence d’une telle société suppose, une triple participation, aux apports, aux résultats et à la gestion). Mais si la société de fait n’a pas été déclarée à l’administration fiscale, celle-ci peut s’en tenir à l’apparence et refuser de tenir compte de cette société. Auquel cas, le nu-propriétaire ne peut être considéré comme co-exploitant (et ne peut donc bénéficier de l’exonération des plus-values professionnelles prévue à l’article 151 septies du CGI). C’est une précision essentielle par rapport à la jurisprudence antérieure qui était quelque peu ambiguë sur ce point.59

IX- TVA :

A) Option en cas de location d’un immeuble à propriété démembrée : L'usufruitier d'un immeuble qui conclut un bail commercial en accord avec le nu-propriétaire a seul qualité pour opter en faveur du paiement de la TVA.60

B) Modalités de déduction : L'usufruitier d'un immeuble ayant opté pour l'assujettissement à la TVA du bail qu'il a conclu est autorisé à déduire, dans les conditions habituelles, la taxe se rapportant aux travaux d'entretien ou de grosses réparations dont il supporte la charge à titre définitif et qui sont affectés à son activité imposable. Cette déduction ne peut donc être effectuée que si l'usufruitier est en possession de factures libellées à son nom ou d'un document en tenant lieu, par exemple un compte rendu de mandat rédigé par le nu-propriétaire pour des travaux dont ce dernier demande le remboursement. Ce compte rendu doit alors mentionner le montant des travaux mis à la charge de l'usufruitier et la taxe correspondante.61 On peut citer une rare jurisprudence intervenue en la matière : Le cédant de l'usufruit représentant 75 % de la valeur vénale totale d'un bien (une zone industrielle) ne peut déduire que 75 % de la TVA qui a grevé le bien : c’est une interprétation stricte de la notion "d'opération" mentionnée à l'article 271 du CGI62 59 CE 28 avril 2006 n° 278857, 3e et 8e s.-s., min. c/ Mmes Cousin et Soulard : RJF, 7 / 2006, n° 887 ( même solution dans : CAA Bordeaux 27 février 2006 n° 02-2098, 5e ch., Crampe : RJF, 7 / 2006, n° 888). 60 Rép. Valleix : AN 23 mars 1987 p. 1662 n° 16523, BOI 3 D-6-87 ; D. adm. 3 A-513 n°

2, 20 octobre 1999. 61 Rép. Valleix : AN 23 mars 1987 p. 1662 n° 16253, BO 3D 6-87 ; D. adm. 3 D-1233 n°

1, 2 novembre 1996. 62 CAA Nantes 23 février 1994 : RJF 5/94 p.325 n° 543

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X- Taxe foncière :

Lorsque l'immeuble est grevé d'un usufruit, la taxe foncière est établie au nom de l'usufruitier.63

63 CGI, article 1400-II