deffieux, j.-p.la famille est-elle necessairement oedipienne

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mais résiste à savoir la part quelle a prise dans cette pathologie familiale dont elle tente de se dé ga ge r. Elle s’applique à démontrer e n quoi il y a une jouissance mau vaise, et « familiale » , qui pousse chacun au m al dire. Car il s’a git, reconnait- elle finement, de médir e, et la pulsion réside da ns cette médisance. C’est une façon de faire tomber , de faire trébucher l’autre, d’en faire un rebut du discours en quelque sorte . Chaque fois qu’elle rapporte un tel débordement familial auquel elle s’est trouvée e xposée, Elena e mploie ce g enre de formule : «J ’en suis tombée par terre » , ou bien : «J ’en suis restée sur le derrière », ou encore : «Je ne m’en re lève pas. » Mais elle dit au ssi que, dans cette embrouille familiale du mal dire  qui l’attriste ou suscite s a colère, elle sait s’off rir au lieu même d’où fusent le s pa roles qui la blesse nt. C’es t comme s’il lui était impossible de ne pas se faire battre par les mots, c’est comme s i les coups qu’elle prenait étaient, cependant, pour e lle, autant de pre uves d’amour. Maladie d’amour en quelque sorte . «Le sujet qui vient seulement en se plaignant des au tres, indiquait  J. -A. M il le r , f in it pa r a p pr en d r e q u e c ’e s t d e sa fa u t e . Et s ’i l n e p a s s e p a s par des moments où “c’est de safaute”, on ne peut pas àproprement parler, l’ana lyser. Lacan appelait ces su jets (ceux pour lesquels ce n’es t  ja ma is d e le u r fa ute ), “ d es canail le s ”. Il d is a it q u ’il va la it m ie u x le s écarte r de la pratique analytique. Et cependant, le seul fait de pa rler en analyse produit un effet d’absolution, d’allégement, parce qu’il satisfait un désir de rec onnaissanc e fondame ntal chez l’être parlant. » Pour conclure, disons que le tout dire  auquel la psychanalyse a donné naissance est à la fois le triomphe de Freu d et une défaite qui ronge la psychanalyse. Mais si c’est a ussi «la sexualité qui est ce qui, de l’espèce humaine, ne s’a rrang e jamais, il faut juste trouver, dans une analyse, comment s’arranger avec ce qui ne s ’arrange jamais ». De façon inédite et exceptionnelle, il est prévu quelors des Journées d’Étude de l’ECF, chacun de ceux qui vont y intervenir s’essaient à transmettre un exemple de comment il leur a été possible d’analyser, d’interpréter, de dé pass er, d’inventer une autre façon d’y faire avec les embrouilles de sa famille. Par exem ple, en devenant psychanalyste.  Jea n-Pi erre D e f f i e u x  La famille est-elle nécessairement oedipien ne ? « *  Je a n -Pi e r r eD e f f ieu x, m e m bred el’ Ec o le d el a C au s e f r e u d ienneet d el’  As soc ia t io n  mondialede psy ch analyse , e st psyc hiatreet psyc hanalyste(Borde aux).

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mais résiste à savoir la part quelle a prise dans cette pathologie familialedont elle tente de se dégager. Elle s’applique à démontrer en quoi il ya une jouissance mauvaise, et « familiale », qui pousse chacun au maldire. Car il s’agit, reconnait-elle finement, de médire, et la pulsionréside dans cette médisance. C’est une façon de faire tomber, de fairetrébucher l’autre, d’en faire un rebut du discours en quelque sorte.

Chaque fois qu’elle rapporte un tel débordement familial auquel elles’est trouvée exposée, Elena emploie ce genre de formule : «J’en suistombée par terre », ou bien : «J’en suis restée sur le derrière », ouencore : «Je ne m’en relève pas. »Mais elle dit aussi que, dans cetteembrouille familiale du mal dire qui l’attriste ou suscite sa colère, ellesait s’offrir au lieu même d’où fusent les paroles qui la blessent. C’estcomme s’il lui était impossible de ne pas se faire battre par les mots,c’est comme si les coups qu’elle prenait étaient, cependant, pour elle,autant de preuves d’amour. Maladie d’amour en quelque sorte.

«Le sujet qui vient seulement en se plaignant des autres, indiquait J.-A. Miller, finit par apprendre que c’est de sa faute. Et s’il ne passe paspar des moments où “c’est de sa faute”, on ne peut pas à proprementparler, l’analyser. Lacan appelait ces sujets (ceux pour lesquels ce n’est

 jamais de leur faute), “des canailles”. Il disait qu’il valait mieux lesécarter de la pratique analytique. Et cependant, le seul fait de parleren analyse produit un effet d’absolution, d’allégement, parce qu’ilsatisfait un désir de reconnaissance fondamental chez l’être parlant. »

Pour conclure, disons que le tout dire  auquel la psychanalyse adonné naissance est à la fois le triomphe de Freud et une défaite quironge la psychanalyse. Mais si c’est aussi «la sexualité qui est ce qui,de l’espèce humaine, ne s’arrange jamais, il faut juste trouver, dansune analyse, comment s’arranger avec ce qui ne s’arrange jamais ».

De façon inédite et exceptionnelle, il est prévu que lors des Journéesd’Étude de l’ECF, chacun de ceux qui vont y intervenir s’essaient à

transmettre un exemple de comment il leur a été possible d’analyser,d’interpréter, de dépasser, d’inventer une autre façon d’y faire avec lesembrouilles de sa famille.

Par exemple, en devenant psychanalyste.

 Jean-Pierre D   e f f i e u x  

La famille est-elle nécessairement oedipienne ?

«*

 Jean-PierreDeffieux, membredel’Ecoledela Causefreudienneet del’ Association mondialede psychanalyse, est psychiatreet psychanalyste(Bordeaux).

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T

Comment détecter, derrière les multiplicités et la complexité destournures de la famille aujourd’hui, le noyau structural qui sous-tend ces différentes moutures - le «résidu » indestructible, comme ledit Lacan - et qui fait que la famille reste toujours très présente et

 vivante dans nos sociétés, bien que de plus en plus diversifiée. Plus lafamille se diversifie, plus la question de ce qui constitue cet invariantse pose. Peut-on dire que cet invariant s’appelle Œdipe ? Est-ce quetoute famille a comme structure celle de l’œdipe ?Devant l’éclatementdes modèles familiaux traditionnels, dans de nombreux cas de famillesrecomposées, monoparentales, homoparentales, se retrouve la structureœdipienne, complexifiée, mais bien présente. On peut aussi penser que,derrière ces nouveaux types de famille contemporaine, se dessinent des

structures qui ne relèvent pas du père œdipien, des familles qui ne sontpas construites sur le modèle du Discours du maître, qui ne répondentpas à l’écriture de la métaphore paternelle, qui ne mettent pas en jeu lerapport du désir et de la loi à partir de l’interdit de la jouissance.

Dans ces cas, on peut se demander ce qui vient causer le désir defamille. Sur quoi celle-ci pourrait-elle alors se construire ?Jacques-AlainMiller pose dans son texte «Une fantaisie », intervention au Congrèsde l’AMP à Comandatuba en 2004, la question de savoir sida boussolede la métaphore paternelle, quand elle est défaillante, laisse le sujet sansdiscours, voire hors discours, c’est-à-dire schizophrène. C’est la questionde ce que devient le binaire névrose-psychose face au déclin de l’œdipeet de la fonction du père symbolique. Est-ce qu’il suffit maintenant de

dire qu’un sujet ne s’inscrit pas dans la métaphore paternelle pour assurerqu’il a une structure psychotique ?Irions-nous vers une généralisationde la psychose ?Il n’y a pas de raison de le penser.

 Jacques-Alain Miller a montré que ce qui tend à remplacer lesignifiant maître qui civilise, qui interdit, qui régule suivant une loi,c’est l’exigence du plus-de-jouir. La conséquence en est le règne de la

 jouissance, qui ne favorise pas l’engagement dans le symbolique, qui nefavorise pas l’engagement vis-à-vis de l’Autre, donc qui ne favorise pas

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la dimension de la filiation et de la transmission, mais plutôt l’exercicede la jouissance pulsionnelle de l’Un. Que reste-t-il du mariage et dela famille si elle n’est plus commandée par le S, (le signifiant maître) ?Il reste une relation de couple basée sur la liberté de la jouissance, surla rencontre de deux modes de jouissance qui peuvent êtres portés à ladignité de l’amour. Cela entraîne une plus grande variété, une plus

grande insécurité, une plus grande mobilité, mais peut-être une plusgrande authenticité que le mariage basé au xixcsiècle avant tout sur latradition, les alliances et la transmission d’un patrimoine.

Le lien familial qui se construisait sur le manque, le renoncementet sur l’engagement en pâtit. C’est la satisfaction de la jouissance quidécide de la durée du couple et de la famille, souvent éphémère, quise constitue. Deux modes de jouissance portés par deux parlêtress’accordent pour un temps : on change quand on ne se plaît plus. Lephénomène actuel de la rencontre des couples par Internet qui n’estplus un épiphénomène et deviendra probablement le principal modede rencontre des couples, met cela en lumière. C’est accessoirement àpartir de l’image, de la photo, mais plus essentiellement à partir de ladescription du mode de jouir de chacun que les couples se forment ettrouvent à s’accorder.

Dès 1936, dans Les Complexes familiaux\  Lacan énonce qu’il n’ya pas d’instinct familial naturel. Il n’y a pas de fonction naturellepaternelle, il n’y a pas non plus de lien instinctuel entre la mère etl’enfant dans l’espèce humaine. La famille est une invention symboliquequi, depuis l’orée des temps, a pris des formes très diverses. La familleest une réponse symbolique au réel du sexe, au fait que ne peut s’écriresymboliquement le rapport du sexe entre un homme et une femme. Adéfaut de pouvoir écrire le rapport homme-femme, la famille écrit lerapport père-mère. C’est le christianisme, et en particulier la religioncatholique, qui a institué un mode standard de la famille qui noue,chez le même homme, les fonctions de procréation, d’éducation et

de transmission. C’est dans cette société qu’est née la psychanalyse.La famille représentait alors l’instrument de la morale traditionnelle :respect, valeur, idéal. Elle reposait sur l’identification. Les identificationsparentales constitutives du surmoi orientent le sujet dans son existenceet donnent une direction à la voie d’un désir soumis au renoncement àla jouissance.

1. Lacan, Jacques, LesComplexesfamiliaux, Bibliothèque des Analytica, Navarin-Seuil, Paris, 1984.

 Jean-Pierre Deffieux

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 La familleest-ellenécessairement œdipienne?

L’œdipe freudien, même s’il va puiser ses sources dans la mythologiegrecque, est la mise en forme logique qui découle de ce modèle dela famille judéo-chrétienne. Certes Freud en a fait une critique qui

 visait à libérer le sexuel, à libérer une jouissance qui n’était jusque-làpermise que dans le cadre du mariage et en vue de la reproduction.Cependant l’œdipe freudien correspond à l’idée bien arrimée de la

famille nucléaire et de la puissance dupaterfamilias. Cette institutionfamiliale traditionnelle rend compte d’un certain modèle de rapportsde couple et de rapports parents-enfants qui a l’avantage de donner desrepères identificatoires solides, dont l’enfant a d’ailleurs beaucoup demal à se départir. C’était jusqu’à nos jours une des raisons principalesdu sujet névrosé de demander une analyse.

Lacan n’a eu de cesse de subvenir cette vision œdipienne de lapsychanalyse et a prédit très tôt le déclin de l’œdipe dans nos sociétés.La formule de la métaphore paternelle écrit un rapport symboliqueétabli entre le père et la mère - entre la loi du père et le désir dela mère. Mais Lacan a toujours rappelé que l’ordre symbolique n’esten rien une norme et que chaque sujet a à s’y rapporter suivant un

mode singulier. C’est d’ailleurs la définition même de la névrose quiest l’impossibilité dans laquelle se trouve le sujet de se conformer àl’ordre symbolique et qui invente, par le particulier de son fantasme, unrapport singulier au symbolique et au réel.

Dans Le Séminaire V, Les formations de l’inconscient, dans lequelplusieurs chapitres examinent le complexe d’Œdipe et le complexede castration, Lacan défend l’idée, nouvelle alors, que ce que l’onappelle la carence paternelle n’est pas directement liée à l’absence dela personne du père —ni à son trop de présence. Il y affirme qu’unœdipe peut tout à fait se constituer sans la personne du père. Il dit,dans ce Séminaire, que «le père est une métaphore2», le père est unefonction ; et plus il avancera dans son enseignement, plus la fonctionpaternelle sera dissociée de la personne du père. Il finira par fairedu Nom-du-Père une nomination du réel, du symbolique et del’imaginaire. Cependant, si le père est une fonction symbolique, c’estaussi une fonction qui agit sur le réel, en particulier sur le réel du sexe,qui oriente la position sexuée du sujet, masculine ou féminine. Donc sile père est une fonction, c’est une fonction qui doit être incarnée ; la loidu père tout autant que le désir de la mère doivent être incarnés.

2. Lacan, Jacques, LeSéminaire, livreV, Lesformations del’inconscient, LeSeuil, Paris, 1998, p. 174.

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Nous pouvons déduire de l’enseignement de Lacan que cettefonction incarnée n’est pas obligatoirement référée au père et à lamère biologiques dans le cadre d’une famille traditionnelle. Cela n’ad’ailleurs pas toujours été le cas dans l’histoire, en particulier dans laRome antique, où l’on était père par adoption, par consentement,c’est-à-dire par nomination. Cette question est cruciale dans notremonde contemporain où la science autorise de plus en plus à dissocierla parentalité de la naissance biologique.

Lacan avait déjà approché cette question en distinguant le père réel,le père symbolique et le père imaginaire. Les trois fonctions ne serapportent pas systématiquement au même individu. Aujourd’hui, demoins en moins, les fonctions maternelle et paternelle se confondentavec le père et la mère biologiques. Elles sont exercées par d’autresfigures et ne sont souvent pas figées une fois pour toutes sur la mêmepersonne. C’est ce qu’on appelle lesparents sociaux.

 Avec l’homoparentalité, on franchit un cap nouveau : la fonctionmaternelle n’est plus forcément attribuée à la femme, et la fonctionpaternelle à l’homme. Non seulement la parentalité est dissociée

du biologique pour au moins l’un des deux parents, mais de plus ilfaut distinguer différence des sexes et parentalité. On peut même sedemander si la fonction maternelle doit être obligatoirement portée parune femme, et la fonction paternelle obligatoirement exercée par unhomme. Il suffit ainsi d’observer de nos jours nombre de familles dites«classiques » pour se rendre compte que les pères assurent les soinsmaternels, voire restent à la maison, tandis que la femme va gagner la

 vie de la famille en travaillant à l’extérieur. La distribution homme-femme/père-mère est, dans ces familles, assez floue.

Les formules de la sexuation écrites par Lacan dans LeSéminaireXX,  Encoreont nettement balayé certains a priori puisqu’elles démontrentqu’un homme biologique peut s’inscrire, sur le plan du désir et de la

 jouissance, côté femme et une femme, côté homme. Lacan a permis, parces formules, d’envisager une distinction entre le sexe anatomique et laposition sexuée. Pouvons-nous faire un pas de plus et distinguer, dansun certain nombre de cas, le sexe biologique et la fonction parentale ?Est-ce que la métaphore paternelle, le rapport du désir à la loi, peuventfonctionner si la répartition père-mère ne coïncide pas toujours avecla stricte répartition homme-femme ? Les statistiques portant sur les

 Jean-Pierre Deffieux

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 La familleest-ellenécessairement œdipienne?

familles homoparentales sur le mode œdipien semblent dire que oui, neserait-ce que parce que le sujet trouve les identifications qui lui sontnécessaires hors de la famille.

Les propos de Lacan dans LeSéminaireR.S.I.3, tenus deux ans aprèsl’écriture des formules de la sexuation, ne peuvent que nous interrogersur ce qui nous apparaît au premier abord comme un certain recul surses avancées du SéminaireXX. Il ne réfère plus le couple père-mère à laloi symbolique, à l’articulation de la loi et du désir, mais à la relationhomme-femme, c’est-à-dire à la jouissance en jeu dans la rencontresexuelle et ce, suivant la voie œdipienne ainsi que l’a mentionnée

 Jacques-Alain Miller dans son intervention de conclusion au colloque«Des gays en analyse ?»à Nice en 2003, paru dans la revue de la Causefreudienne4.

La fonction paternelle est, dans ce Séminaire, uniquement référéeau lien sexuel entre l’homme et la femme. Il n’y a pas d’autre garantiede père que de faire un enfant à une femme qui cause son désir. Quantau rôle de père, il est réduit «à intervenir exceptionnellement dans lesbons cas »et non pas dans un sens éducatif mais dans le sens d’affirmer

sa version du désir sexué à l’égard de sa femme. Cela dépoussièresérieusement les acquis éducatifs de la famille traditionnelle mais, enmême temps, vient compliquer l’idée qu’on aurait pu se faire de lafamille à partir de ce que Lacan avançait dans  LeSéminaireXX,  enparticulier les formules de la sexuation, car cela remet au premier planle lien de la famille et la différence des sexes. «Un père n’a droit aurespect, sinon à l’amour que si ledit amour, ledit respect - vous n’allezpas en croire vos oreilles - [...] est fait d’une femme, objet a qui causeson désir5. »

On peut même dire que cela renforce le lien du biologique et dela parentalité : «une femme qui lui soit acquise pour lui faire desenfants6». Ce dernier bouclage de Lacan sur cette question, à la fin de

3. Lacan, Jacques, LeSéminaire, livreXX II, R.S.I., séance du 21 janvier 1975 (inédit). Ornicar ?, n° 3, Navarin-Seuil, 1975.4. Miller, Jacques-Alain, «Des gays en analyse ?Intervention conclusive au Colloque franco-italien de Nice sur ce thème », La Causefreudienne, Revue de psychanalyse, Des gays en analyse, n° 55, octobre 2003.5. Lacan, Jacques, LeSéminaire, livreXXII, R.S.I.,  leçon du 15 janvier 1975, op. cit. Ornicar ?, n° 3, op. cit., p. 107.6. IbicL , p. 108.

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son enseignement, est à entendre et à ne pas prendre pour une positionréactionnaire dans le contexte social de l’époque. Il réaffirme, en tantque psychanalyste, la notion fondamentale de la différence des sexes.Il se situe par rapport à un monde qui contourne de plus en plus cettedifférence en ayant recours, entre autres, aux avancées de la science quifavorisent les modalités d’évitement de la castration. La science qui,

sous des formes diverses, interfère dans la conception de l’enfant. La«rupture de ban phallique7»annoncée très tôt par Lacan, est à l’ordredu jour.

 Alors, comment comprendre cette apparente contradiction entre Le Séminaire Encore et Le Séminaire R.S.L.  ? Jacques- Alain Millernous en donne des éléments de réponse grâce à son développementdans l’intervention de conclusion du colloque Des gays en analyse?, enresituant strictement cette phrase de Lacan dans le registre de ladimension œdipienne. Il rappelle que le père œdipien est un nom dupère entre autres, qu’«il est une façon de faire parmi d’autres de savoir y faire avec la jouissance », que Lacan a remis en question la normeœdipienne en en faisant une perversion, une «père-version8»: la voie

œdipienne, dit Jacques-Alain Miller, «ce n’est que se tourner vers lepère en tant qu’il s’occupe d’une femme ».

 À cela, il oppose un nouvel âge de la psychanalyse qui est l’âgepragmatique. Il a en effet fait valoir, dans un autre article de cettemême revue de la Cause freudienne, «Religion et psychanalyse », quel’œdipe freudien n’est qu’un habillage, une couverture qui fait intervenirla figure du père comme interdicteur et masque une révélation plusprofonde qui est la structure différenciée de la jouissance suivant lessexes ; l’impossible de la jouissance est la vérité de l’interdit paternel. Lapère-version, réservée à la voie œdipienne, est donc une perversion parmid’autres ; il y a d’autres façons de savoir y faire avec la jouissance de nos

 jours - des façons qui mettent peu en jeu la castration et qui peuventouvrir la voie à d’autres formes de paternité qui ne répondent pas àcette père-version-là. Il est d’ailleurs remarquable que Lacan fasse appel

 Jean-Pierre Deffieux

7. Lacan, Jacques, «Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien »,

 Écrits,  Le Seuil, Paris, 1966, p. 813.8. Lacan, Jacques, LeSéminaire, livreXXII, RS.I., leçon du 15 janvier 1975, op. cit. Ornicar ?,

n° 3, op. cit., p. 108.

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dans cette phrase au respect qui, il faut bien le dire, n’a plus tellementcours dans les liens fils-père aujourd’hui. Il y a donc toute raison depenser, même si on y résiste beaucoup, que la famille œdipienne n’estpas la seule structure familiale. Il n’y a pas que l’interdit paternel de la

 jouissance pour se débrouiller avec le non-rapport sexuel et pour fairefamille.

Quel peut être le résidu invariant de toute famille si ce n’est pasl’œdipe ? C’est le couple, modifié d’un rien par l’homosexualité,comme le proposait Jacques-Alain Miller dans sa présentation des

 Journées9de 1ECF sur la famille en 2006 —le couple et la transmissiona 1enfant d un désir qui ne soit pas anonyme. L’œdipe n’est qu’unefaçon parmi d’autres de réaliser ces conditions.

 La familleest-ellenécessairement œdipienne?

9. XXXVe*Journées de l’École dela Cause freudienne, «L’envers des familles - Le lien familialdans l’expérience psychanalytique », Paris, 21 et 22 octobre 2006.

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Cet ouvrage est réédité grâce à l’aide de la Ville de LaRochelle suite au séminaire « La famille et ses embrouilles -Que dit aujourd’hui la psychanalyse de la famille ? » organiséle mercredi 7 octobre 2009 par Gérard Laniez pour le CentreCommunal d’Action Sociale de la Rochelle.

Hervé Castanet et Gérard Laniez remercient Sylvie Goumet,Nicole Guey, Philippe Lacadée et Yves-Claude Stavy qui, nepouvant être présents à La Rochelle, ont accepté de s’associerà cette publication, ainsi que Marie-Laure Alvès et FrançoiseSanton sans l’aide desquelles cette édition n’aurait pu voir le

 jour.

Les Séminaires en Sciences de l’Homme et Sociétés bénéficient des concours du Crédit Mutuel O céan (La Rochellesud) et du Comité National du Pineau des Charentes.

© éditions Lussaud, Fontenay-le-ComtePhotographie de couverture : © Leïla Boop ^Réalisation maquette : Marie-Laure Alvès —www.marielaurealves.fr ISBN : 978-2-85603-004-2

La familleet ses embrouilles

Que dit aujourd'hui la psychanalyse dela famille ?

Francesca BIAGI-CHAI

Hervé CASTANET

 Jean-Pierre DEFFIEUX

 Anne GANIVET-POUMELLEC

Nathalie GEORGES

Sylvie GOUMET

Nicole GUEY

Philippe LACADÉE

Laute NAVEAU

 Yves-Claude STAVY 

Textes choisis par HERVÉ CASTANETen collaboration avec Gérard Laniez

 M L U S S A U D

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Le lien familial est le seul lien qui s’inscrit d’un rapport dont on peutrêver qu’il soit naturel. On aimerait croire que la famille anticipe le liensocial, qu’elle est un avant la société. On a pu même rêver de construireune société sur le modèle de ce lien espéré naturel, premier. Force est deconstater qu’il n’en est rien - le lien familial est une forme particulière du liensocial. À ce titre, il est dénaturé, variable selon l’histoire et la géographie :la nature est un pot-pourri de hors-nature. Les sociologues, historiens etautres anthropologues l’ont démontré au cas par cas. La psychanalyse, elle,affirme sa thèse : le lien social se constitue à partir du trou du non-rapportsexuel. Le lien social supplée au défaut du rapport entre les sexes. Le lienfamilial nouant des parlêtres pour lesquels l’impossible est toujours certain,les embrouilles sont au rendez-vous —et ce rendez-vous est de structure.

Les familles de nos sociétés contemporaines indiquent assez leschangements de ce qui faisait jusqu’ici l’actualité clinique autant quepolitique, mais attestent également de la vitalité de la famille, à traversl’invention de mille et une façons de faire lien. Le découplage contemporainentre enfant et famille fait en outre apparaître que c’est à partir de l’enfant,pris comme objeta de la famille, que celle-ci souvent se structure - souventn’est pas toujours. La question tombe : la famille ne peut-elle être régie queselon la loi de l’œdipe ? Justement, une clinique orientée par le réel de la

 jouissance aboutit à d’autres conséquences. La psychanalyse, à l’École deFreud et de Lacan, à partir de son éthique, prend en compte cette évolutionrapide de la famille en accueillant ces mutations comme des formesnouvelles du lien social et en se tenant prête à répondre aux demandessymptomatiques qui pourront en émerger au cas par cas. Une série de cascliniques, présentés dans cet ouvrage, déplient ces questions et nommentles bricolages auxquels les parlêtres sont interpellés pour créer du nouveau.

Hervé Castanet

Francesca BIAGI-CHAI Sylvie GOUMET

Hervé CASTANET Nicole GUEY 

 Jean-Pierre DEFFIEUX Philippe LACADÉE

 Anne GANIVET-POUMELLEC Laure NAVEAU

Nathalie GEORGES Yves-Claude STAVY ISBN : 978-2-85603-004-2

782856 03004 18,50€ [email protected]

La familleet ses embrouilles

Que dit aujourd’hui la psychanalyse dela famille ?

Textes choisis par HERVÉ CASTANET

en collaboration avec Gérard Laniez

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Éditions Lussaud