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FIRST/ROW ALAIA Le Prince de la Couture DEC Mode, Hiver Business et Luxe

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Premier numéro de First/Row magazine. Ce numéro met à l'honneur Azzedine Alaia, traite d'une mode proche de l'implosion, du cas Hedi Slimane ainsi que de nombreux autres sujets.

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Page 1: December issue

FIRST/ROW

ALAIALe�� Prince

de�� laCouture

DEC

Mode,�� HiverBusiness�� et�� Luxe

Page 2: December issue

Llivane LawsonEditor & Fashion features director

Evens Jean-PierreCreative director & Fashion marketing editor

Era DylaContributing editor

First/Row est un fanzine digital, fondé/lancé par des passionnés en Décembre 2013. L’équipe décline tout droit quant aux photos publiées. Elle s’engage par ail-leurs à fournir la provenance des photos publiées dans le magazine. Les droits d’auteur ne portent que sur les articles écrits par nos soins. Pour toute réclama-tion, merci de nous contacter à cette adresse : [email protected]

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FIRST/ROW

SOMMAIRE

La Note de la Rédaction par Llivane Lawson

Focus sur : Azzedine Alaïa par Llivane Lawson

Le cas Hedi Slimane par Evens Jean-Pierre

Les essentiels de l’hiver I : No future par Evens Jean-Pierre

Les essentiels de l’hiver II : Sweet dreams par Evens Jean-Pierre

La Mode est-elle sous pression ? par Evens Jean-Pierre

On The line : par Era Dyla

Credits

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FIRST/ROW

La première création, le premier jet ne sont pas de tout repos. Il faut analyser, mesurer, compter, repenser. Rien n’est laissé au hasard. Dans le monde de la mode, plus que jamais, on souhaite se démarquer des autres, tout en respectant les règles et les normes imposées. Tel est le parti pris de First Row. Fruit de toute une élaboration autour d’une théma-tique commune, le magazine épouse les formes classiques du support, mais se démarque par son approche. En effet, First Row tend à être un magazine d’observation où on analyse, réfléchit sur l’actualité de la mode. Cette actualité dont il est dépendant car si First Row existe, c’est parce qu’il est indéniablement lié au flux d’informations dont il dispose. Cela a pour conséquence qu’il n’y a aucune périodicité, aucun« rendez-vous » mensuel entre le lecteur et le magazine. Il n’est présent que quand la mode est à son effer-vescence. First Row met à l’honneur Azzedine Alaia dans ce premier numéro. Le jeune artiste tunisien a connu la différence et le rejet, la difficulté de venir à bout de ses créations mais, sommes toutes, s’est laissé prendre au jeu et s’est précipité vers l’inconnu.

Dans ce numéro, l’honneur est aussi aux génies qui se nomment Philo, Slimane, Ghesquière et plus encore qui incarnent aujourd’hui la nouvelle scène de la mode. Sous pression constante, ils ne cessent de (sur)produire encore et toujours, souhaitant satis-faire investisseurs et public. A l’heure où ces artistes se transforment petit à petit, First Row a décidé de décortiquer ce monde de créativité sous le joug de l’économie.

Alors que le Palais Galliera de Paris ouvre à nouveau avec une rétrospective retraçant le parcours d’Azzedine Alaïa et où les directeurs artistiques sont sur le fil rouge, First Row se propose de satisfaire aussi investisseurs et public mais à la manière Alaia, c’est-à-dire à contre-courant.

Llivane LawsonEditor and fashion features director

La Note de la Rédaction

(De gauche à droite : Azzedine Alaia et l’une de ses muses, Boutique YSL à Paris, Aymeline Valade pour le défilé Marc Jacobs.)

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Focus surPar Llivane Lawson

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ALAÏA,A contre-courant

A l’ occasion de la réouver-ture du Palais Galliera à Pa-ris, le créateur Azzedine Alaïa est mis à l’honneur. First Row se penche sur le parcours long et sinueux d’un jeune homme à contre-courant, de-puis les cinémas de Tunis aux prestigieux ateliers de Paris.

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Né en 1940 à Tunis, l’enfance du petit Azzedine Alaïa est marquée par l’éducation de sa grand-mère et ses pre-mières rencontres cinématographiques avec l’icône amé-ricaine Rita Hayworth. Leur culture, leurs traits, leurs attitudes et l’élégance qu’elles partagent influencent gran-dement le petit Tunisien, qui ne destinait nullement à l’époque à devenir un créateur connu. Très vite, le jeune apprend à découper, modeler, ciseler des patrons et se di-rige vers des études de sculpture aux Beaux-arts de Tunis. Azzedine Alaïa rêve de Paris et ne tarde plus à monter faire ses preuves. Nous sommes dans les années 1960 : alors que le monde rend à la ville de Paris ses lettres de noblesse, nombreux sont ces jeunes gens qui se pressent aux portes des plus grands couturiers. Courrèges, Lacroix, Saint Laurent. Le monde de la nuit n’a d’yeux que pour ces talents qui, le temps d’un défilé, font voyager admirateurs et admira-trices. Le jeune Alaïa se présente aux plus grands, dont la maison Dior où il passera quelques jours. Mais très vite, il se voit obligé de prendre la porte. Cet « étranger » n’a pas ses papiers, le contexte socio-politique qui règne alors – la fin de la Guerre d’Algérie – est grave. Penaud, il prêtera par la suite ses talents à Guy Laroche pendant un an et demi. Mais Azzedine Alaïa sait s’entourer et ses connaissances du nom de Simone Zerhfuss et Leila Menchari, actuelle déco-ratrice des vitrines Hermès, le recueillent et le conseillent.

Très vite, son carnet d’adresse de remplit de lui-même, et le jeune homme présente ses créations chez lui, dans sa chambre de bonne. Greta Gar-bo, Arletty, Cécile de Rostchild : les belles dames de Paris accourent et se pressent à sa porte. Car Alaïa intrigue. Car Alaïa n’habille pas, il sublime. Car ce n’est plus lui qui va aux autres, c’est le monde qui finira par venir au « Petit Prince ». Le jeune créateur sculpte, crée, s’emballe : à chacune de ses nouvelles idées, Azzedine Alaïa remercie le Ciel pour son don. Il moule ses créations sur le corps des femmes, les rend belle. Une chute de reins, un début de poitrine, une cambrure de dos, une paire de jambes fuselées, le créateur ne laisse rien au hasard et capture la moindre courbe fémi-nine dans des créations sans précédent.

À peine quelques années après son arrivée dans la capitale, nombreuses sont ces femmes qui veulent Azzedine. Son nom est fréquemment cité et bientôt, les artistes améri-caines Grace Jones et Tina Turner viennent le trouver afin de lui demander des créations personnelles.

Ses créations sont sexy, assumées et elles plaisent. Azze-dine Alaïa a pour prédilection le cuir et la laine qu’il marie aisément et utilise à loisir : des matières qui collent naturellement à la peau des femmes. Une ex-pression lancée par Arletty au détour d’une conversa-tion l’influence et de là, ses silhouettes « vierges de toute décoration » feront la différence. Il n’en a pas encore conscience, mais le créateur vient d’inventer l’une des silhouettes les plus marquantes de la décennie : le « body consciousness » est né. En parallèle, l’Amérique titre « Azzedine gave us our body back ».À contre courant, Alaïa s’affaire à rester discret. Loin du faste des années 1990, des excès de la nuit et du « porno chic » initié par le duo Ford-Roitfeld, le créateur se re-tire peu à peu dans ses quartiers dans le Marais, à Paris. Seul, il crée patiemment, ne recevant de visiteurs que ses proches et celles qui l’inspirent, dont Naomi Cam-pbell ou Farida Khelfa, à qui il accorde volontiers son temps libre. Au cœur du Marais, Azzedine œuvre à ses créations, intimes, confidentielles. Jalousement gardées au sein de son atelier, elles ne seront jamais exposées ni ne défileront, à l’inverse des multiples maisons de cou-ture du monde entier, soutenues par les financiers et les grandes entreprises.

Jusqu’à la rétrospective qui a pris ses quartiers – d’abord au Groninger Mu-seum aux Pays-Bas, puis, au Palais Gal-liera, nul n’a eu l’occasion d’admirer le travail du créateur, en dehors de son cercle de proches.

Rendre hommage au créateur obnubilé par le corps des femmes n’est pas chose aisée. Pour ce faire, l’attente a été longue. Face à la grandeur des en-jeux et du travail d’Alaïa, le Palais Galliera a refait peau neuve et a ouvert à nouveau pour y abriter les créations iconiques du créateur. A peine les pieds posés dans l’antre du Palais, on ressent déjà toute la passion qui émane des créations d’Alaïa. Tels des fantômes, les créa-tions voluptueuses prennent vie et leur mise en scène impressionne. Aujourd’hui, ce sont des artistes comme Lady Gaga et Rihanna, ou des femmes d’influence telles que Michelle Obama, qui, tous les jours rendent hommage au créateur. Le contexte social, politique et économique a changé, la mode suit le même chemin.

La rétrospective, qui a débuté en septembre dernier, retrace, au travers de ses soixante-dix créations, ce parcours sinueux et atypique. Première rétrospective d’une longue lignée, l’exposition relate un travail bref et juste.

Focus surAzzedine Alaia

« Le créateur vient d’inventer l’une des silhouettes les plus marquantes de la décennie : le body consciousness »

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SENS DESSUSL’évolution de la mode fait apparaître une inversion des rôles où ce n’est plus les créateurs qui donnent le LA mais les clients.

DESSOUS

Azzedine Alaia et les femmes : une histoire d’Amour

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Génie artistique ? Génie du marketing ? Tout ce que l’on sait, c’est Hedi Slimane fait parler de lui.

Le Cas Hedi Slimane

par Evens Jean-Pierre

Hedi Slimane à la tête de la maison hautement adulée, admirée et connue qu’est Yves Saint Laurent suscite des discussions interminables. Cependant, on ne peut pas nier que la maison française a, de nouveau, son heure de gloire. Heure de gloire teintée de scepticisme pour les uns et applaudissement pour les autres.

Car Hedi Slimane est l’homme qu’il faut quand on veut qu’une maison soit sous les feux de la rampe. C’est un fait indéniable. Il suffit de voir son parcours. Dior homme dans les années 2000 lance sous son œil acéré la tendance androgyne, du tailleur fitté, du look total noir et de l’atmosphère rock. Un ensemble qui marche commercialement et qui est la signature du créateur parisien. Ce qu’apporte Hedi Slimane dans la mode n’est pas une innovation créative, une recherche artistique bien poussée mais un univers, un style de vie.

Hedi Slimane est un maître de la provocation. Il se contente d’utiliser des icônes à l’allure sulfureuse, au charisme dérangeant telles que Marilyn Manson, Courtney Love, Sky Ferreira ou encore Christopher Owens. Des icones qu’il admire et qu’il sait sublimer grâce à ses photos. A l’instar d’Yves Saint Laurent qui bouleversa la société bien pensante avec ses tenues smoking, le créateur d’origine tunisienne en fait de même à sa façon.

Quand Pierre Bergé dit qu’ Hedi Slimane est le digne successeur d’Yves Saint Laurent, ce n’est pas tant dans la création puisqu’un fossé les sépare indéniablement de côté là mais c’est dans la démarche, l’approche même de la mode. Une mode qui chamboule, qui ne prend pas en considération les diktats archaïques de la mode que nous connaissons. L’un était le premier à mettre des mannequins de couleur, l’autre des musiciens aux visages atypiques. De plus, l’entourage d’Hedi Slimane joue grandement sur l’image de la marque : Kate Moss, Betty Catroux, The Kills et plein d’autres qui sont taillés pour les tenues imaginés par leur ami.

Tout cela participe sans grand mal à booster les ventes ; les acheteurs voient le symbole $ sur chacune des tenues des défilés, les clientes sortent déjà leurs portefeuilles, la marque est troisième dans les défilés les plus vus sur style.com et il n’y a que la presse qui grince des dents. Aucune importance, la presse n’achète rien…

Dans tout cela, on peut dénoter quelques points faibles : la susceptibilité flagrante du créateur. Défaut qui provoque des relations tendues avec un nombre important de personnalités de la mode. Tout d’abord avec Cathy Horyn, éminence mode du célèbre New York Times qui critique la première collection du créateur chez Saint Laurent.

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Ce dernier n’a pas manqué de répondre par : « Cathy Horyn est une terreur des bacs à sable doublée d’une comédienne de stand-up » et rajoute : « Je n’ai pas peur des observations, mais elles doivent venir d’une critique de mode, pas d’une attachée de presse masquée ». Cathy Horyn est désormais persona non grata chez Saint Laurent Paris. Ensuite, c’est au tour de Sarah Andelman, propriétaire du sacro saint temple Colette qui voit un de ses contrats juteux avec la maison rompu. La raison ? Un pull qui affiche « Ain’t Laurent without Yves » et qui se rapporte au changement de nom passant de Yves Saint Laurent à Saint Laurent Paris, ce qui ne fait pas rire le concerné. Enfin, dernière victime, Imran Amed, qui est le fondateur de Business of fashion, après un article nommé : « A wake-up call for YSL’s PR team » n’a pas reçu son invitation comme il l’espérait. Tout cela peut s’apparenter à une dictature mode mais d’un côté contribue très bien à l’aura rebelle et rock que présente Hedi Slimane dans ses collections.

Des collections où les vêtements sont tirés de l’univers grunge et bien evidemment du rock. Des vêtements majoritairement noirs, très fittés où des matières comme le cuir, le suède, la laine ou la soie sont utilisés. Des collections qui brillent pas par une quelconque prouesse artistique mais par les accessoires hautement intemporels, unisexes et commerciales.

Les fashion weeks sont maintenant attendues avec une impatience presque malsaine de voir les prochains conflits entre le directeur artistique et les personnalités de la mode mais aussi de voir jusqu’où celui-ci va pousser le rock à son paroxysme au sein de la maison parisienne.

Objets de désir :

De haut en bas, de gauche à droite :Perfecto en cuir, 2,850€ / bottines en suède, 725

€ /bracelet OS en vermeil , 795€ /sac Duffle en cuir noir, 1,390€

( Campagne Saint Laurent Paris « music project» )

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SENS DESSUSL’évolution de la mode fait apparaître une inversion des rôles où ce n’est plus les créateurs qui donnent le LA mais les clients.

DESSOUS

La mode c’est du Fall-Winter, du Spring-Summer, du Resort, du Pre-fall mais aussi de

la Haute-couture. C’est pratiquement plus d’un mois où les rédactrices, acheteurs, célébrités parcourent plus de 7000 km et passent plus de 10h de leur temps dans des avions. La mode du 21ème siècle va vite, trop vite même, pour un néophyte mais aussi pour un expert. Les premières victimes ne sont pas les clientes, loin de là, mais les créateurs. En effet, l’impatience grandissante des clientes aux larges portefeuilles ronge petit à petit la créativité et surtout le temps des créateurs de produire.

Le nombre de collections présentées a doublé depuis quelques années. Passant de deux à quatre pour le prêt-à-porter féminin, ce changement s’explique par la demande et l’appétence gargantuesque des clientes. Les acheteurs tels que Barneys, Selfridges, Bergdorf Goodman, Lane Crawford et le Printemps se sont vite trouvés en situation de pénurie. N’ayant rien à présenter d’autres que les deux collections habituelles, il importait d’avoir des collections dites intermédiaires pour combler ce vide. Les grandes maisons de luxe ayant bien compris le problème se sont prêtées au jeu. Ces collections intermédiaires appelées respectivement « collection Pre-fall » et « collection Resort » suivent la ligne créative des collections « principales » ou apportent alors une nouveauté supplémentaire.

Quoi qu’il en soit, le succès de ces collections est effarant. Les chiffres ne mentent pas, c’est jusqu’à 70% du chiffre d’affaire. Par cela, elles sont devenues le « cœur », la force vitale des marques. La raison supplémentaire de ce succès est qu’elles sont beaucoup plus commerciales que créatives, laissant ce dernier atout aux collections principales. On remarque aussi qu’elles s’adaptent à un contexte non-négligeable qui est celui d’une météorologie beaucoup moins distincte entre les saisons. Cependant, faire autant de collections en des temps record engendrent, certes de bonnes, mais aussi de mauvaises choses.

La dépression de Christophe Decarnin, le comportement douteux de John Galliano, la résignation de Marc Jacobs, le troisième départ de Jil Sander et si ce n’était pas la faute d’une mode presque oppressante pour les créateurs ? Le rythme effarant de la mode semble tuer petit à petit la santé mentale de ces génies. Nicolas Ghesquière dans une interview pour System magazine déclare : « j’ai commencé à être malheureux lorsque j’ai réalisé qu’il n’y avait aucune estime, intérêt ou reconnaissance pour les travaux de recherche que j’avais faits, ils s’occupaient juste du résultat en boutique et en vente. Ils ignoraient le fait que toutes les pièces les plus emblématiques et populaires étaient issues de collections faites il y a dix ans. »

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On peut se demander alors si ce n’est pas les groupes financiers qui règnent en maître sur ces maisons de prestige qui tendent à faire imploser la mode. Ces mêmes groupes qui intentent des actions en justice contre leurs anciens directeurs artistiques car ils parlent un peu trop de ce qui se passe en interne. Si on continue de s’appuyer sur les dires de Nicolas Ghesquière, peut-on considérer qu’il y ait un manque de communication entre les dirigeants et leurs créateurs ? Que les premiers ne se soucient que de profits, dividendes, chiffres d’affaires alors que les seconds n’aspirent qu’à créativité et recherche ? Les deux sont-ils si incompatibles ?

De nombreux cas existent, malgré ce marasme entre créativité et business qu’est la mode, où ces deux critères se mélangent sans problèmes en particulier. Il y a l’association Raf Simons et Dior, Phoebe Philo et Celine, Riccardo Tisci et Givenchy, Miuccia Prada et Prada, Alexander Wang et Balenciaga ou encore Stella mcCartney et sa marque éponyme. Des duos qui ont su s’adapter à un contexte socio-économique non négligeable et à une volonté d’apporter une vision artistique différente. Des duos où les dirigeants n’ont pas à se plaindre des ventes qui ne cessent de s’accroitre à une vitesse folle ainsi qu’à des créateurs heureux d’apporter une nouveauté créative qui, de surcroit, plait à la fois aux clients et à leurs patrons. En effet, on parle d’une progression de 19% chez Christian Dior, que les ventes ont doublé chez Céline atteignant les 400 millions d’euros ou encore Balenciaga qui enregistre 2,6 milliards de chiffres d’affaires.

«Des duos qui ont su s’adapter à un contexte

socio-économique non négligeable et à

une volonté d’apporter une vision artistique

différente.»

(De haut en bas : Défilé Céline S/S 2013, Riccardo Tisci, DA chez Givenchy et défilé Balenciaga par Alexander Wang.)

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LesEssentielsde l’Hiver I :

NO FUTURE

On vous a annoncé la fin du monde l’année dernière, mais rien ne s’est passé. Vous y avez cru. En réalité, vous y croyez toujours. Au lieu d’investir dans un de ces bunkers en cas d’apocalypse imminent, il est préférable - quitte à ce que ce soit la fin - d’investir dans une vraie tenue. Cette tenue qui montrera que oui vous prenez au sérieux la fin du monde mais aussi votre apparence. Pour cela, rien de plus simple que de trouver refuge dans des tenues Rick Owens, Balenciaga, Chanel, Yohji Yamamoto, Ann Demeulemeester et Saint Laurent ainsi que de rendre chauve votre banquier, si ne l’est pas déjà, dans des bijoux trouvés chez Repossi, Eddie Borgo, Aurélie Bidermann. De toute façon, la fin du monde est une excuse car vous avez toujours voulu vous blottir dans des vêtements à l’aura rebelle. Du tartan, des clous, du cuir, du ultra skinny, du noir, du rouge et encore des clous. On se doute bien que vous étiez la première à être excitée lors du Met Gala : Punk chaos to couture.

Donc ceci est pour vous. C’est un essentiel de l’hiver pour nous mais pour vous c’est devenu l’essentiel de toutes les saisons.

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Les ESSENTIELS de l’HIVER I

NO FUTUREPar Evens Jean-Pierre

De haut en bas, de gauche à droite :

Sac en poil de veau, Saint Laurent, 1375€ / Chemise Uniqlo, 22€ / Bracelet en or et en onyx noir, Eddie Borgo, 275€ /Veste en cuir, en velours et en tweet, Givenchy 3,955€ / Pantalon en cuir noir, Givenchy, 1390€ / Bracelet «juste un clou», Cartier, 5,550€/ Boots en cuir, Balenciaga, 930€

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LesEssentielsde l’Hiver II :

Extra C omfy

Quand l’hiver arrive, il est indéniable que tout le monde ait envie d’être au chaud ou du moins d’être couvert. Au lieu des sempiternels doudounes pas vraiment flatteuses ou bien encore des Uggs traditionnelles, il serait plus élégant, attirant, flatteur – rayez les mentions inutiles - de porter quelque chose d’autre. Les derniers défilés à travers le monde ont montré qu’il fallait succomber à cette tendance « oversized » c’est-à-dire porter des vêtements bien plus grands que votre taille. On sait bien aussi que la fourrure est de rigueur. Miuccia Prada n’hésite pas à enrouler ses épaules d’une fourrure au ton chaud. Car bien evidemment, avec ce temps, il faut éviter la combinaison gris-blanc-noir. Donnez du peps à vos tenues ! Egayez-vous ! Pour y arriver porter du orange, du safran, du rouge, du bordeaux et du camel même des camaieux de couleurs feront l’affaire. Par ailleurs, portez à vos lèvres un rouge bordeaux comme on a pu le voir chez Derek Lam. Il n’y a pas de soleil ? Soyez le soleil. Eblouissez ceux qui vous entourent, portez de l’or sans concessions...

Vous voyez ? L’hiver n’empêche pas d’être bien vêtu sans frôler l’hypothermie.

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Par Evens Jean-PierreLes ESSENTIELS de l’HIVER II

Extra C omfy

De haut en bas, de gauche à droite : Pull en laine et cachemire, Carven, 250€ / Montre , Nixon,

200€ / Sac « Clasp», Céline, 1,550€ / Chemise en soie imprimée, Marc Jacobs, 740€ / Bague en or 18 carats, Repossi,

5, 205€ / Manteau camel en laine, Stella McCartney 2, 255€ / / jupe grise en laine, Carven, 230€ / Chaussures, Prada, 806€

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Au petit, certes, mais grandissant royaume des quelques blogs qui cartonnent, nous ne sommes pas sans la connaître, ou tout du moins son nom évoque-t-il quelque chose: Mademoiselle Chiara Ferragni alias The Blonde Salad.Si vous avez raté le train de la blogosphère, voilà qui devrait faire office de récapitulatif : il s’agit d’une jeune italienne prétendument étudiante en droit, son ex-copain Richie et son adorable bouledogue Matilda.

Tout ce petit monde évolue dans ce que tout lecteur normalement constitué est tenté de surnom-mer Bisounours Land en raison de l’apparente perfection made in USA qui semble y régner. Dans le monde de Chiara, chaque jour réserve son lot de surprises euphorisantes, la simple ballade dans les rues de New-York s’apparente à une marche au paradis, il nous est presque possible –en plissant bien les yeux- de visualiser la nuée d’angelots hilares qui jonchent les trottoirs. C’est un festival de quali-ficatifs tous plus élogieux les uns que les autres qui viennent orner ses descriptions, à croire que les mots « banal », « train-train » et ennuyeux n’ont tout bonnement jamais existé. Après cinq minutes de visionnage, votre vie vous paraît nulle à souhaits et au bout de la sixième, vous commencez à envisager l’éventualité d’y mettre un terme. Pour avoir suivi le phénomène depuis le -plus ou moins- début, je pense avoir pu assister à l’évolution certainement la plus efficace, calculée et grotesque de la blogosphère. Il faut comprendre que tout ceci partait d’un simple projet de business de Richie et ceci dans le cadre de la continuité de ses cours. Ledit projet s’est véritablement métamorphosé, muté, mué en supernova de l’internet. Alors certes, que de louanges pour Chiara, sortie de nulle part et réussissant un tour de force qui nous laisse rêveurs. Pour ceux qui ne sont pas sans avoir connaissance de la difficulté de la recon-naissance dans la mer que constitue l’internet, notre bloggeuse en question est tout même bien arrivée à ce que l’on peut se permettre de nommer sans aucun doute : le top.

Il s’agit tout de même de préciser le « top », ainsi, si vous ne baviez pas encore d’envie, voilà de quoi y remédier et si c’était déjà le cas, voici de quoi vous achever: invitations multiples aux diverses fashion weeks à travers le monde, galas, diners et autres évènements mondains, campagnes de publicité pour de grandes marques telles que Giorgio Armani ou Louis Vuitton, partenariat avec Superga pour sa propre ligne de baskets et campagne de pub, articles dans des magazines de mode, lancement de sa marque de chaussures, ouverture d’un bureau dans lequel travaille son équipe.

A chaque numéro, notre rédactrice préférée donne le bon ou le mauvais de ce qui se fait sur la mode en ligne ! Chiara Ferragni

est sa première victime...

Par Era Dyla

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A présent une petite définition logique de la vocation plutôt universelle des fashion bloggers histoire de remettre tout de même l’objet du débat en perspective. En publiant, partageant et exposant ses divers looks quotidiens ou hebdomadaires sur la toile, le fashion blogger poursuit donc un but de reconnaissance par ses lecteurs. Il aime à être connu par le fait de l’assemblage qu’il effectue de différentes tenues, du « life style » qu’il promeut, des idées originales et éventuellement inédites qu’il propose. Quant aux personnes consultant son blog, elles, sont en quête d’inspiration, de nouveaux horizons. En leur qualité de bons moutons, elles se borneront à examiner soigneusement quelles marques composent le look qui a retenu leur attention pour, purement et simplement, le reproduire de leur côté et bien souvent à leur manière.Maintenant voilà, si nous relions le phénomène Ferragni et les lecteurs de blogs assoiffés de nouvelles tendances, nous pouvons dès à présent adopter une moue dubitative et jouer les oiseaux de malheur et ce sans retenue je vous prie ! C’est beaucoup plus plaisant ainsi. La belle Chiara reçoit régulièrement des « petits cadeaux » de différentes marques, petits cadeaux qui impliquent qu’elle use de son don hors pair de mise en valeur des objets par la suite. Normal me soutiendrez vous, lorsqu’une idée marche, tout le monde s’y accroche fermement pendant le temps de sa gloire, c’est ainsi que vont les choses. Cependant ce qui ne s’explique que très difficilement c’est la raison pour laquelle, récemment, le lecteur se trouve confronté à ceci : un pull constellé de têtes du tristement célèbre Bart Simpson, sans doute le créateur ayant opté pour réflexion non aboutie du genre de « Eh ! Prenons un personnage célèbre de dessins animés et collons-le sur nos habits ! Après tout, la célébrité du dessin donnera envie d’acheter aux gens et…bof, non, ne finissions pas cette phrase ! ». En bref, un snobisme intentionnel, une ignorance délibérée des conséquences esthétiques engendrées par la conception et la mise en vente d’un tel habit. Pour en revenir au lien que nous tentions d’établir entre un lecteur et cette calculée décadence : je vous le demande, quel hypothétique inspiration peut-on raisonnablement tirer de ceci ? Alors soit, je vous le concède, pour le plus pessimiste d’entre vous, qui se plairaient à imaginer un scénario de toute proche fin du monde, les pulls Bart Simpson seront éventuellement de mise lorsque toute la population sera déclarée officiellement aveugle suite à une quelconque épidémie nous changeant tous enzombies amateurs de Jeremy Scott.

J’en viens à présent au deuxième dilemme de taille : le porte-monnaie. N’avez-vous donc pas remarqué cette myriade de beaux accessoires qui accompagnent même les plus infâmes de ses tenues ? Si non, je me fends pour vous, lecteurs, de quelques exemples: le dernier sac Boy de la maison Chanel (prix moyen : environ 3000 euros), celui de chez Céline sous toutes ses formes : petit, moyen, grand, coloré, sobre puis le PS1 de Proenza Schouler, le Birkin de Hermès, des Miu Miu à n’en plus finir, des bracelets Balenciaga, des bijoux Cartier et j’en passe…

Pensez-vous que tout lecteur lambda dispose d’un budget fabuleusement astronomique et illimité pour son shopping ? Permettez-moi de tenir mon rôle d’avocat de la défense et de m’écrier que non ! Le seul effet intelligent, certes- qu’ont ces objets sur le lecteur c’est la frustration pure et dure, sous sa forme la plus rudimentaire et simplifiée : « Tu veux ? Tu veux ? Eh bien, NON ! ».

Coup marketing absolument intelligentissime car la frustration crée l’envie et la frustration à chaque nouvel article paraissant créer l’envie à outrance : ces lecteurs désargentés, à la première augmentation, au premier anniversaire ou peu importe quel sordide événement, fonceront tête baissée sur ce qu’ils pensent être LA pièce du moment qu’ils désirent plus que tout au monde, l’achèteront en ayant la ferme conviction d’être à présent à la mode mais cela sans se douter que le nouvel article à paraître se chargera de leur rappeler leur misère et leur bêtise car le nouveau modèle du sac qu’ils viendront par hypothèse d’acquérir se trouvera sous leur yeux, virtuel, beau et à nouveau inatteignable.

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Est-ce que tout lecteur lambda dispose d’un budget fabuleusement astronomique et illimité pour son shopping ? Permettez-moi de tenir mon rôle d’avocat de la défense et de m’écrier que non ! Le seul effet –intelligent, certes- qu’ont ces objets sur le lecteur c’est la frustration pure et dure, sous sa forme la plus rudimentaire et simplifiée : « Tu veux ? Tu veux ? Eh bien, NON ! ».

Coup marketing absolument intelligentissime car la frustration crée l’envie et la frustration à chaque nouvel article paraissant créer l’envie à outrance : ces lecteurs désargentés, à la première augmen-tation, au premier anniversaire ou peu importe quel sordide événement, fonceront tête baissée sur ce qu’ils pensent être LA pièce du moment qu’ils désirent plus que tout au monde, l’achèteront en ayant la ferme conviction d’être à présent à la mode mais cela sans se douter que le nouvel article à paraître se chargera de leur rappeler leur misère et leur bêtise car le nouveau modèle du sac qu’ils viendront par hypothèse d’acquérir se trouvera sous leur yeux, virtuel, beau et à nouveau inattei-gnable.

Conclusion ? Oui et non, je suis partagée. Le phénomène Chiara Ferragni qui semblait au premier abord mignon, innocent et innovateur car peu répandu est, à mon sens, à présent dénaturé. Il tra-duit la forte tendance qu’ont les marques, ces derniers temps, et, par procuration, la société à pous-ser la population à la surconsommation. Utiliser l’image de la gentille fille « comme tout le monde », qui a une belle vie et de beaux habits pour tenter de nous refourguer la dernière création en vogue était facilement exploitable. Quant au concept ainsi décortiqué, il en laissera perplexe plus d’un et si ce n’est pas le cas, il est tout de même possible de retrouver, en toute bonne foi, principe de l’en-tu-bage.

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Objets de convoitise ( A gauche )

Jeremy Scott et son pull Bart Simpson( En haut à droite )

Sac Céline( En bas à droite )

Sac Boy Chanel

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CREDITSPar rubrique :

Cover :

Karim Sadli, the NY Times T style women’s spring fashion 2013

La note de la rédaction :

Azzedine alaia : meltystyle.frYSL boutique : glamshops.ro

Aymeline valade : bloginity. Photo by gianni Pucci

Focus sur :

garancedoré.frTina Turner and Azzedine Alaia, shot by Roxane Lowit

Grace Jones and AA by REXStephanie Seymour by Gilles Bensimon for Flaunt Magazine

Rihanna in Alaia at Grammy Awards 2013 by Getty

Le cas Hedi Slimane :

nymag.comsidewalkhustle.com

ysl.com

La mode est-elle sous pression ? :

pursuitist.comlatimes.comzimbio.comflare.com

On the line :

get dressed.typepad.comwall-mag.com

valois.vintage -paris.comlvmh.fr

Page 20: December issue

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