de nouveaux mythes » cinema l’avenir · 2014. 5. 23. · parlons philo pages 5 et 6 la voix du p...

4
chaque semaine, une question d’actualité, plusieurs regards EDGAR MORIN SUR LE CINéMA « Certes le cinéma est de la même famille que les dessins rupestres des Eyzies, d’Altamira et de Lascaux, des griffonnages d’enfants, des fresques de Michel-Ange, des représentations sacrées et profanes, des mythes, légendes et littérature... Mais jamais à ce point incarnés dans le monde lui-même, jamais à ce point aux prises avec la réalité naturelle. C’est pourquoi il a fallu attendre le cinéma pour que les processus imaginaires soient extériorisés aussi originalement et totalement. Nous pouvons enfin visualiser nos rêvesparce qu’ils se sont jetés sur la matière réelle. Enfin, pour la première fois (…), ils sont fabriqués industriellement, partagés collectivement. Ils reviennent sur notre vie éveillée pour la modeler, nous apprendre à vivre ou ne pas vivre. Nous les réassimilons, socialisés, utiles, ou bien ils se perdent en nous, nous nous perdons en eux. Les voilà, ectoplasmes emmagasinés, corps astraux qui se nourrissent de nos personnes et nous nourrissent, archives d’âme... » Le Cinéma ou l’homme imaginaire, Éditions de Minuit, 1956 CINEMA L’AVENIR D’UN RêVE page 3 LE POINT DE VUE DE ANDRZEJ ZULAWSKI Cinéaste et écrivain, l’auteur de L’important c’est d’aimer (1975) regrette l’absence de rêve dans la production cinématographique actuelle. Il invite les réalisateurs à revenir à plus de littérature. René Bonnell ÉCRIVAIN ET ÉCONOMISTE Auteur d’un rapport récent sur le financement du cinéma à l’heure du numérique, il rappelle en quoi l’expérience de la salle reste fondamentale. Jean Douchet CRITIQUE ET CINÉASTE Pour cette figure phare de la cinéphilie française, l’avenir du cinéma réside dans sa singularité technique : l’art des images en mouvement est seul à même de capturer la vie. Ollivier Pourriol « Alors ça commence dans un ascenseur à Cannes, un jeune réalisateur français rencontre Steven Spielberg… » PARLONS PHILO pages 5 et 6 LA VOIX DU POÈTE T.S. ELIOT « Comme le souffle du vent parmi le chaume sec Comme le trottis des rats sur les tessons brisés Dans notre cave sèche. » N° 6 3’:HIKROA=WUW]U^:?a@k@k@g@a"; M 07402 - 6 - F: 2,80 E Belgique/Luxembourg/Portugal : 2,90 € – Suisse : 4,2 CHF – Canada : 4,99 CAD – USA : 4,99 USD – Maroc : 30 MAD – Royaume-Uni : 2,60 GBP – Tunisie : 3,90 TND – DOM : 2,90 € – TOM : 400 XPF mercredi 14 mai 2014 - France 2,80 € poster STAR SYSTEM UNE CONSTELLATION D’ADMIRATIONS LES FILMS DE LEUR VIE KEN LOACH COSTA-GAVRAS JERRY SCHATZBERG DAVID GORDON GREEN AGNèS VARDA BRUNO DUMONT MONTE HELLMAN RADU MIHAILEANU HAIFAA AL MANSOUR JOHN TRUBY, SCRIPT DOCTOR « LE CINÉMA DOIT RACONTER DE NOUVEAUX MYTHES » JANE CAMPION JOHN KEATS ET MOI QUENTIN TARANTINO LE ROI BELMONDO ALBERTO MORAVIA DIALOGUE AVEC CLAUDIA CARDINALE

Upload: others

Post on 26-Jan-2021

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • chaque semain e , u n e qu est ion d ’actual it é , plus ieurs regards

    Edgar Morin sur le cinéma « Certes le cinéma est de la même famille que les dessins rupestres des Eyzies, d’altamira et de Lascaux, des griffonnages d’enfants, des fresques de Michel-ange, des représentations sacrées et profanes, des mythes, légendes et littérature... Mais jamais à ce point incarnés dans le monde lui-même, jamais à ce point aux prises avec la réalité naturelle. C’est pourquoi il a fallu attendre le cinéma pour que les processus imaginaires soient extériorisés aussi originalement et totalement. nous pouvons enfin “visualiser nos rêves” parce qu’ils se sont jetés sur la matière réelle. Enfin, pour la première fois (…), ils sont fabriqués industriellement, partagés collectivement. ils reviennent sur notre vie éveillée pour la modeler, nous apprendre à vivre ou ne pas vivre. nous les réassimilons, socialisés, utiles, ou bien ils se perdent en nous, nous nous perdons en eux. Les voilà, ectoplasmes emmagasinés, corps astraux qui se nourrissent de nos personnes et nous nourrissent, archives d’âme... »

    Le Cinéma ou l’homme imaginaire, Éditions de Minuit, 1956

    CinEMaL’avEnir d’un rêvE

    page 3

    le point de vue de Andrzej zulAwski Cinéaste et écrivain, l’auteur de l’important c’est d’aimer (1975) regrette l’absence de rêve dans la production cinématographique actuelle. il invite les réalisateurs à revenir à plus de littérature.

    René BonnellÉcrivain et ÉconoMisteAuteur d’un rapport récent sur le financement du cinéma à l’heure du numérique, il rappelle en quoi l’expérience de la salle reste fondamentale.

    Jean Douchetcritique et cinÉaste Pour cette figure phare de la cinéphilie française, l’avenir du cinéma réside dans sa singularité technique : l’art des images en mouvement est seul à même de capturer la vie.

    Ollivier Pourriol« Alors ça commence dans un ascenseur à Cannes, un jeune réalisateur français rencontre Steven Spielberg… » parlons philo pages 5 et 6

    La voix du PoÈTE

    T.S. ELIOT

    « Comme le souffle du vent parmi le chaume sec

    Comme le trottis des rats sur les tessons brisés

    Dans notre cave sèche. »

    n° 6

    3’:HIKROA=WUW]U^:?a@k@k@g@a";

    M 07

    402 -

    6 - F

    : 2,80

    E

    Belg

    ique

    /Lux

    embo

    urg/

    Port

    ugal

    : 2,9

    0 €

    – S

    uiss

    e : 4

    ,2 C

    HF

    – C

    anad

    a : 4

    ,99

    Ca

    d –

    uSa

    : 4,9

    9 u

    Sd –

    Mar

    oc : 3

    0 M

    ad

    – r

    oyau

    me-

    uni

    : 2,6

    0 g

    BP –

    Tun

    isie

    : 3,9

    0 Tn

    d –

    do

    M : 2

    ,90 

    € –

    To

    M : 4

    00 x

    PF

    mer

    cred

    i 14

    mai

    201

    4 - F

    ranc

    e 2,

    80 €

    poster

    STar SySTEM une constellation d’admirations

    LES FiLMS dE LEur viEKen LoacHcosta-gavrasJerry scHatzbergDaviD gorDon greenagnès varDabruno DuMontMonte HeLLManraDu MiHaiLeanuHaifaa aL Mansour

    joHn TruBy, SCriPT doCTor « Le cinÉMa Doit raconter De nouveaux MytHes »

    janE CaMPionjohn keAts et MoiQuEnTin TaranTinoLe roi beLMonDo

    aLBErTo Moravia DiaLogue avec cLauDia carDinaLe

  • 3./

    M E R C R E D I 1 4 M a I 2 0 1 4

    2./

    Louis cHevaiLLier,éditeur et poète, présente chaque semaine un poème lié à l’actualité traitée par LE 1.—En 1979, Apocalypse now remporte la Palme d’or à Cannes. Francis Ford Coppola y transpose en pleine guerre du Vietnam (la scène se déroule au Cambodge) Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, une longue nouvelle dans l’Afrique coloniale. Vous souvenez-vous de cette scène ? Martin Sheen a atteint la fin de son voyage. Des divinités placides ou effrayantes

    apparaissent sous la brume. Marlon Brando, une main sur son crâne rasé, lit les premiers vers des « Hommes creux ». Le poème de T.S. Eliot date de 1925. Sous une citation du récit de Conrad, il comporte cinq parties dont la première est reproduite ici. Son titre évoque le personnage de Kurtz, à l’intelligence lucide et à l’âme folle, « creux jusqu’au plus profond de son être ». Mais aussi le complot inutile de Guy Fawkes contre le roi en 1605 (chaque 5 novembre, les enfants fabriquent et brûlent son effigie en paille et demandent un penny

    pour leurs créations) et les ombres de la Divine Comédie. Car l’œuvre de T.S. Eliot s’inscrit dans une tradition littéraire. Et pour dire le manque originel, elle fait allusion au vestibule de l’Enfer que dépeint Dante. Y souffrent les lâches « sans infamie ni louange », aux vaines plaintes stridentes, que la miséricorde et le châtiment dédaignent. Américain devenu britannique, T.S. Eliot (1888-1965) se convertit à la religion anglicane en 1927. Faut-il lire dès lors une future rédemption dans la prière interrompue qui

    clôt « Les Hommes creux » ? Et dans la confrontation courageuse à la vérité, la première condition d’une métamorphose ? Que voit Kurtz à sa mort quand il murmure : « L’horreur ! L’horreur ! » ?

    À lire : T.S. Eliot d’Helen Gardner, Seghers, 1975.

    sculpture : Jazzy – 3, papier patiné de Pascale Marchesini-arnal©Pascal goetgheluck

    Traduction de Pierre Leyris. Extrait des « Hommes creux », Poésie, coll. « Le don des langues ». © Éditions du Seuil, pour la traduction française, 1947, 1950, 1976.

    La voix du

    PoÈTE

    — la clé du songe VOUS DEMANDEZ : Y A-T-IL ENCORE UN RÊVE

    AU CINÉMA ? Le cinéma n’a été qu’un rêve, et comme il n’y en a plus beaucoup – de rêves, je veux dire – il n’y a pas beaucoup de cinéma. Depuis Lascaux et les ombres dans les caves de Platon, on a voulu du cinéma. Cette année, j’ai reçu mon coffret réglementaire de films pour le vote aux Césars. Cent trente films, et pensez, ce n’est que peu face aux plus de cinq cents produits par la France, année calendrier. Sur cent trente, je n’en ai vu qu’un qui m’attirât. Un sur cent trente, un sur sans doute cinq cents ? Une orgie de quoi ? De rien. Le film qui me fit un peu – un tant soit peu – plaisir, s’appelait Alceste à bicyclette. Bien que la trame me parût affectée, le jeu des acteurs me prit. Dernier espoir : les acteurs ? Tout le monde a eu ses acteurs sublimes. On peut y revenir. Mon frère, linguiste distingué, prétend qu’il ne voit avec plaisir que les films qu’il a déjà vus, et plutôt plusieurs fois. Le plaisir. Faudrait-il remplacer le mot « rêve » par le mot « plaisir » ? Et le mot « plaisir » par le mot « nostalgie ». Ou « sécurité », ou adolescence. La découverte du cinéma en adolescence – comme toutes les autres – débouchait sur le plaisir ou la haine, en tout cas l’intransigeance. Dieu, comme on prenait feu pour les uns, on haïssait les autres. Le commerce, la bassesse, la stupidité, le mensonge. Mais Dieu que le mensonge d’amour passait bien. Ces corps, ces visages, ces énigmes, ces intrigues. Leçons à rattraper, découvertes à faire. Le plaisir au cinéma est découverte, en arrière et en avant. Deux courants dans la mer qui se frôlent et, en âge mûr, ne se combattent pas. Mon frère est plus jeune que moi, mais moi, j’attends les surprises de ce que je n’ai pas encore deviné. Il me paraît parfois que j’ai déjà tout deviné. Sauf la technologie. Le cinéma, n’est-ce pas, progresse, ou en tout cas avance par sauts technologiques. L’orthochromatique n’était pas le panchromatique, le muet le sonore, la couleur le noir et blanc. Et patati et patata. Par bonheur, ayant un œil dérangé par la première bombe qui tomba sur Lwów, ma ville natale, grâce à M. Hitler qui attaquait M. Staline son allié, et qui, lui, avait conquis ce territoire polonais en le prenant de concert, par bonheur donc je ne vois pas en 3D, et le cinéma a toujours été pour moi un écran plat. Dieu, si ça ne veut pas dire une platitude.Récapitulons : plaisir, rêve, nostalgie. Or, on siffla Fellini à Cannes, comme on hua Antonioni, et on nia tant d’autres. Les platitudes, sottes ou savantes, tristes à mourir ou gaies à vomir, s’amoncellent. Les cimetières de l’ennui, et du prévisible. Le rêve ? D’être surpris encore une fois, de continuer à l’être, d’aller d’adolescence en adolescence. Dans mon vieil âge qui n’a réussi à rien changer. Les amours comptent à nouveau quand elles comptent la surprise. Je vis à Varsovie, et les cimetières y sont fleuris. C’est même

    les endroits les plus colorés de la sinistre métropole. On y fabrique moins de films, et je me demande par quelle aberration les gens paient leur place au cinéma, pour voir du martyrologiconational, -iste, du stupide et du quelconque. Oui, parce qu’on aime que les acteurs nous parlent dans notre langue, comme les Français en français. Nos stars, nos vedettes, nos lubies, nos talents. Ah, unetelle a surpris, un autre percé.L’avenir. Ce qui ne perce guère, ici ou là-bas, c’est la littérature. Oh, il y en a. Tout le monde tape sur des claviers, jamais nous n’avons été aussi lettrés. Plus d’analphabètes, mais maigre récolte. Or sans littérature, pas de cinéma. La clé serait-elle là ? Vous me demandez : rêver au cinéma. Je rêve de littérature. Des images, j’en ai plein la vue. Proust ou Tintin, où est, en vérité, la différence ? Proust fut mieux adapté par Raoul Ruiz, et

    Tintin canardé par Spielberg. Vous imaginez Tintin luttant à coups de grue portuaire avec l’infâme je-ne-sais-qui, personnage

    juste épisodique de la fine bande dessinée ? Au lycée, j’entendis un chanteur à succès, appelé, je crois, Dario Moreno, égrener

    « Le jour où la pluie viendra / Nous irons / toi et moi… ». Où, je ne sais plus. Vers l’inconnu, ce serait bien. Le connu, triste. Mon frère aime

    Aragon, et il lui arrive de chantonner « Il n’aurait fallu qu’un moment

    de plus / Pour que la mort vienne / Mais une main nue / Alors est venue / Qui a pris la mienne… ». La main du cinéma est toujours nue, quand elle est sincère, même dans un gant de boxe, ou une plus précieuse mitaine. En première année d’IDHEC, je découvrais La Règle du jeu, puis j’allais sur les Boulevards voir Sissi dans une salle qui sentait le pou. Des années après, mon

    premier film français, je le fis avec Romy Schneider. On est dans un arbre perché. Sophie, avec qui j’ai fait quatre films, dans le premier disait « arbe ». Depuis, elle a appris. Ces derniers temps elle a appris une médiocrité : celle des cinq cents. Comment rêver un rêve perdu ? J’ai beaucoup cru au cinéma. Celui-là, là, est fait non pas par des imbéciles, mais des ratiboiseurs. Du sinistrement aguichant d’un côté, un cimetière festivalesque de l’autre. Ribouldingue et Filochard, où est le troisième larron ? Croquignol, si ma mémoire me sert. Je suis très pessimiste. On ne peut pas écrire la technologie. On peut mal faire de bons films sans littérature. Ni sans ces acteurs de rêve qui auraient en eux ce qui est au-delà des mots.

    Illustration Stéphane Trapier

    Les Hommes creux

    Nous sommes les hommes creuxLes hommes empaillés

    Cherchant appui ensembleLa caboche pleine de bourre. Hélas !

    Nos voix desséchées, quandNous chuchotons ensemble

    Sont sourdes, sont inanesComme le souffle du vent parmi le chaume secComme le trottis des rats sur les tessons brisés

    Dans notre cave sèche.

    Silhouette sans forme, ombre décolorée,Geste sans mouvement, force paralysée ;

    Ceux qui s’en furentLe regard droit, vers l’autre royaume de la mort

    Gardent mémoire de nous – s’ils en gardent – non pasComme de violentes âmes perdues, mais seulement

    Comme d’hommes creuxD’hommes empaillés.

    T.S. ELIOT

    « Messa Kurtz – lui mort. »

    un penny pour le vieux guy

    Andrzej Zulawski

    De retour en Pologne

    depuis près de quinze ans, le réalisateur de L’important c’est d’aimer (1975), de Possession (1981), et de La Fidélité (2000) s’y est consacré à la politique et à l’écriture (Jonasz, L’Infidélité).

  • 4./

    M E R C R E D I 1 4 M a I 2 0 1 4 L E 1

    chaque semaine Céline Devaux décline le thème des commencements

    C’est l’histoire d’une roue de vélo qui ne tourne pas. Une roue à boyau posée contre un bureau dans une rédaction. Pas n’importe quel bureau. Celui de Dustin Hoffman – alias Carl Bernstein – dans Les Hommes du Président. Ce film, je l’ai vu cent fois, pour dire un chiffre. J’étais adolescent à sa sortie en 1976. Je ne rêvais que du Tour de France et du maillot jaune. Mais ces deux reporters du Washington Post qui allaient dégommer un président des États-Unis, c’était à couper le souffle. La fiction semblait plus vraie

    que nature. On était dans la fièvre de l’enquête. L’ombre menaçait sans cesse d’avaler la lumière. Pour la première fois j’entendis l’expression « gorge profonde » et je crus dur comme fer que les vraies informations s’obtenaient dans les sous-sols obscurs des parkings. Longtemps je me suis demandé ce qu’ils venaient faire dans l’histoire, ces plans fixes sur une roue de vélo. J’ai fini par y voir un signe et un signal. Je serais un Rouletabille, un journaliste pédalant. Plus tard Jean-Luc Godard m’a conforté dans cette intuition en

    décidant que le cinéma, c’était la vérité vingt-quatre fois par seconde. Une partie de (ma) vérité dormait dans cette image anodine, une invitation à tailler sa route. À chaque rediffusion du film, je vérifie que la roue est toujours là. Woodward et Bernstein continuent de traquer le mensonge avec une énergie intacte. Le cinéma est comme le vélo une machine à remonter le temps. Plus il est d’hier et plus il raconte aujourd’hui.

    Certains regrets sont tenaces : j’aurais tant voulu devenir chef-opérateur, vous savez celui qu’on appelle aussi sur un plateau directeur de la photographie. il paraît que souvent les actrices tombent amoureuses de ces gens-là. Pas si bêtes, elles ont bien compris que

    leur beauté dépend d’eux. Hélas pour ceux de ma corporation, les écrivains, la lumière célèbre mieux que les mots. Toute lumière est une œuvre. voyez comme le spectacle du monde est plat, vers midi, quand les rayons du soleil se contentent de tomber droit. il faut du relief à la lumière, de l’oblique, du contraste, du mystère. il faut lui tenir les rênes courtes, à la lumière. il faut lui courber la tête, il faut l’obliger à dialoguer avec l’ombre. rien n’est

    jamais donné, même aux visages agréables, même aux corps dits de rêve : pour qu’ils fassent rêver, il faut les éclairer. alors sans rancune, messieurs de la photographie !Souvent, je me promène sur la Croisette, tard, très tard le soir. je lève les yeux vers les fenêtres de vos chambres. Et voyant des lampes allumées, je me dis : voilà une femme heureuse d’être si bien regardée et voilà un homme qui, pour ce regard, a mérité d’être

    remercié. À caresse, caresse et demie. ne vitupérons pas trop l’époque : je vous assure qu’il y a de la justice à Cannes. au moins le temps du festival.

    www.le1hebdo.fr

    FGH INVEST - 8 rue Lamennais, 75008 Paris - Fondateurs : Éric Fottorino, Laurent Greilsamer, Natalie Thiriez et Henry Hermand Directeur de la publication : Éric Fottorino - Directeur de la rédaction : Laurent Greilsamer - Contact rédaction : 01 45 61 44 51 ou [email protected]

    Service abonnement : 01 44 70 72 34 ou [email protected] - Abonnement France métropolitaine : 9 € par mois, 89 € par an - Réassort : à juste Titres, 04 88 15 12 41 Conception graphique : be-pôles, Antoine Ricardou - Impression : Groupe Maury Imprimeur, 45330 Malesherbes - Dépôt légal avril 2014 - ISSN 2272-9690/CPPAP en cours

    le motd’Erik orsennade l’académie française

    —[Lumière]

    Chose vue par Éric Fottorino—Une machine à remonter le temps

    « La lumière donne à “voir”, mais, plus encore, elle donne à “penser” ».Henri Alekan,

    chef-opérateur

    Les H

    omm

    es d

    u Pr

    ésid

    ent ©

    War

    ner

  • 5./ 6./

    L E 1M E R C R E D I 1 4 M a I 2 0 1 4

    ParLonS PHiLo

    oLLivier PourrioL,essayiste et romancier, propose chaque semaine un dialogue philosophique lié à l’actualité traitée par le 1.

    – Hello !– Bonjour.– You are... It’s really you ?– C’est bien moi.– Woaw ! You speak French ! C’est incredi-ble ! Et vous rencontrer dans un elevator... Vous montez ou vous descendez ?– Ça dépend. Du point de vue de l’ascen-seur, nous ne bougeons pas. C’est l’ascen-seur qui bouge.– Ah oui. Et il monte ou il descend ?– Ça dépend. S’il descend du point de vue de la Terre, du point de vue de la Lune il monte.– Je comprends. Du point de vue de E.T., Indiana Jones est moche. I’m your biggest fan ! Je me présente : je suis un French réal-isateur. Vous permettez que je vous parle de mon project ?– À Hollywood, cette situation porte un nom : the elevator pitch. Vous avez moins de deux minutes pour faire impression au boss croisé dans l’ascenseur. Le temps entre deux arrêts. Time is money. Je vous écoute.– OK. Alors ça commence dans un as-censeur à Cannes, un jeune réalisateur français rencontre Steven Spielberg et le convainc en moins de deux minutes de produire son film. Vous en pensez quoi ?– Pas mal. Un court métrage ?– Non, come on ! C’est Steven Spielberg ! Pour les courts métrages on peut faire tout seuls, en France on a the CNC quand même !– Et après, de quoi ça parle ?– De la différence entre la vie et le ciné-ma. Vous voyez, là c’est votre vie, elle est chiante, enfin la mienne, et vous aimeriez que ce soit comme dans un film. Comme maintenant. Comme la vôtre.– Je me souviens quand j’ai rencontré cette fille. Je l’ai emmenée voir une comédie romantique. Juste après l’avoir ramenée chez elle, je me suis retrouvé seul à un carrefour et je me suis dit : si j’étais dans un film, je ferais demi-tour.– Et alors ?– C’est vous qui pitchez. Devinez.– Vous l’avez épousée ?– Non, j’ai eu un accident. Bon. Et après, il se passe quoi ?– Euh... L’ascenseur tombe en panne ! – Les ascenseurs ne tombent pas en panne à Cannes. Trop deus ex machina.– Pas une panne. Une grève ! A strike. You know, it’s French. Like baguette. Mais pas de problème, on tournera en Inde ou en Roumanie.– Vous voulez tourner en Inde un film qui se passe dans un ascenseur ?– Vous avez raison. On peut tourner là, maintenant, avec mon smartphone.– Donc vous n’avez pas besoin de moi, vous tournez déjà !– My God, you have so much réponse à tout. Dans un film, vous auriez trouvé mon idée géniale et vous m’auriez signé tout de suite.– C’est vrai. Dans un film, j’aurais vraiment été Steven Spielberg.– Quoi ? It’s not you ! ? You look like him terribly !

    rEPÈrES SUR LE FESTIVAL DE CANNES

    François Olislaeger

    P r e n e z L e P L i D u 1   !Abonnez-vous

    01 44 70 72 34 ou www.le1hebdo.fr

    l’expérience de la salle, un plAisir collectif

    C’est peut-être un nouveau modèle, pour certains films. Malgré la progression du home cinéma, le cinéma en salle a de l’avenir. La salle, c’est une sortie : on va au cinéma comme on s’offre un moment de vacances. Paradoxalement, l’individualisation croissante des modes de consommation audiovisuelle a renforcé le besoin de collectif, de grégarité. Cet élan vers le rassemblement est le contrepoint d’un repli domestique plus fréquent. Il faut lire le livre indépassable d’Edgar Morin, Le Cinéma ou l’homme imaginaire (1956). Au cinéma, on est dans l’ombre, à un niveau primaire d’émotion : peur, rire... Alors que la télé est un meuble que l’on domine – la télécommande procure la maîtrise de l’outil, l’image vient vers le téléspectateur –, au cinéma, l’image vient dans le dos et vous projette vers l’écran. Le cinéma offre un plaisir hypnotique, narcotique. C’est l’art où l’on est le plus passif, le plus agi. Cette projection onirique satisfait un besoin humain fondamental d’abandon. Enfin, c’est une nouveauté statistique : la population cinématographique vieillit plus vite que la population globale. Les moins de 16 ans vont moins au cinéma, et les seniors

    LE CINÉMA COMME MODE DE CONSOMMATION FICTIONNEL a un très grand avenir. Son problème, c’est qu’il ne s’appelle cinéma que s’il est diffusé d’abord en salles. Un film fait avec peu de moyens a souvent une esthétique de téléfilm. C’est le public qui le consacre comme cinéma en se déplaçant en salles. Les Roseaux sauvages de Téchiné est devenu un film quand il est sorti sur grand écran alors qu’il avait été fait pour la télé. Même chose pour Ma vie avec Liberace, produit par HBO et sélectionné à Cannes : aux États-Unis c’est un téléfilm, dans le reste du monde c’est un film. Bien sûr, s’il présente une plus forte valeur ajoutée de production (moyens, effets spéciaux, 3D, etc.), il est sui generis destiné à la projection en salles.Le distributeur Wild Bunch fait une expérience qui vaut d’être suivie attentivement : le film d’Abel Ferrara sur DSK sort directement en VOD à 7 euros sans passer par la salle. On économise l’argent de la sortie en salles et on le consacre à la promotion sur Internet.

    – C’est la barbe. It’s the beard. Et j’ai les dents de sa mère.– Mais si vous n’êtes pas vous, enfin si vous n’êtes pas lui, c’est pour ça que you speak French so well ?– Of course. I am French. Et psychanalyste. Ce que vous venez de faire s’appelle une projection. Vous voyez ce que vous voulez voir. Le vrai producteur, c’est votre Incon-scient, pas moi.– Mais you have a smoking et un nœud-pap !– À Cannes, it’s not really an exception culturelle !– If you’re French, we can speak French, non ?– Yes we can.– Mais on ne le fait pas ? Why ?– Moi c’est parce que vous m’avez pris pour Steven Spielberg. Je ne voudrais pas vous décevoir. And you ?– Moi je suis ivre, et ivre à Cannes, I speak English. It feels better, I don’t know why. On the other side of Champagne, I am allergic to alcohol.– Pourquoi boire alors ?– For work. Le boulot. Quand je suis drunk, my English is rich. Comme quand je watch a movie. En English, ça fait really cinoche. Sinon franchement...– Pour moi c’est le contraire. Un vrai film c’est en français, with English subtitles.– La New Wave ?– En bon anglais on dit La Nouvelle Vague. Le français, c’est encore mieux en anglais. Comme dans Un poisson nommé Wanda, où la femme adore que son amant lui parle russe. L’anglais excite les Français, mais ce qui excite le reste du monde, c’est d’enten-dre parler français. La projection, toujours !– Comment on dit « montée des marches» en anglais ? Red carpet ?– On dit « montée des marches ». Mais du point de vue de l’alcool, ce sont plutôt les marches qui vont vous monter.– Je ne comprends pas pourquoi avec toute cette technologie, il faut encore se taper des marches.– Ça permet de faire le tri entre ceux qui parlent vraiment anglais et les ivrognes. – Un alcootest...– Ce n’est pas juste un escalier. C’est un message.– Quel message ?DING !– On est arrivés. Vous ne descendez pas ?– Non. Je reste là. Je suis le psy de l’ascen-seur. Vous me devez 100 euros.– Quoi ? Vous passez tout le festival ici ?– En cas d’urgence. C’est très dangereux de réaliser son rêve. Après, on déprime. Spiel-berg a dû fuir jusqu’en Russie et en Inde pour échapper aux T-shirts des Dents de la mer. Spielberg, Coppola et Lucas, tous les « hommes qui valaient trois milliards »... C’est comme dans le film avec Bogart : plus dure sera la chute ! – Because Cannes, c’est le haut du pavé.– Oui. Et c’est le bas de la page. Vous rêvez tous de faire des films, mais par pitié, prenez l’escalier !

    @opourriol

    r E n é B o n n E L L roMancier, essayiste et ÉconoMiste Du cinÉMaIl a dirigé la distribution de Gaumont, cofondé Canal + et créé sa filiale spécialisée dans le cinéma, le Studio Canal. Ancien président de la Fémis et d’Eos Images, il a également exercé des fonctions à la présidence de France Télévisions. En janvier 2014, il a remis au CNC un important rapport sur le financement du cinéma à l’heure du numérique.

    L E 1

    en haut En BaS

    © G

    etty

    imag

    es

    Conception et documentation MANON PAULIC

    LouP WoLff,administrateur de l’Insee et chercheur au Centre d’études de l’emploi, propose cette semaine un chiffre lié à l’actualité traitée par le 1.

    —LE CINÉMA MONDIAL est en recomposition accé-lérée. D’après les données récoltées par l’Unesco, le nombre de longs métrages professionnels produits dans le monde connaît actuellement une crois-sance rapide : de 4 818 films en 2005 à 6 573 en 2011. Avec 1 255 films produits en 2011, l’Inde garde la pre-mière place, qu’elle occupe depuis longtemps, suivie des États-Unis (819 films). L’Europe conserve une place prépondérante et totalise 1 706 films (le tiers de ces films étant produits au Royaume-Uni ou en France).Mais la nouveauté est la part grandissante occu-pée par la Chine dans ce panorama de la production

    mondiale. En six ans, ce pays a plus que doublé le nombre de films réalisés et en a proposé 584 en 2011. La Chine se hisse ainsi au rang de troisième produc-teur mondial de films et, si les tendances devaient se poursuivre, elle pour-rait prendre la place des États-Unis au second rang dès 2015. Les deux géants asiatiques s’apprêtent à dominer la production mondiale.

    Largement absente de ce panorama, l’Afrique réapparaît si l’on prend également en compte les productions audiovisuelles non destinées aux cinémas. Les cinéphiles de ce conti-nent très peu doté en salles privilégient d’autres façons de produire et de regarder

    des films. Selon l’Unesco, le Nigeria a ainsi produit autour de 1 000 films en 2011. L’Afrique affirme un certain dynamisme, même s’il se manifeste à l’écart des circuits profession-nels tradionnels et reste pour cette raison difficile à appréhender.Mais la perspective change si l’on considère ce tableau des évolutions mondiales à l’aune des démographies de ces grands pays. Malgré son poids croissant, la Chine ne produit que 4 films pour 10 000 habitants et l’Inde 10 films. Loin derrière les États-Unis (26 films pour 10 000 habitants), la France (43 films) ou le Royaume-Uni (48 films). Et la fréquentation des salles dans ces pays reste très inférieure à celle observée en Occident : les Chinois vont quinze fois moins souvent au cinéma que les Américains.

    LES CHiFFrESdéCHiFFréS

    — Des évolutions en trompe-l’œil

    7 000 films produits par an

    Capturer la vieL’idée de la nouvelle vague, c’était de trouver l’écriture de l’instrument. C’est une mécanique, le cinéma. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une méca-nique s’est muée en art. au cinéma, le fait même que tu captes la vie change tout. Sur l’écran, on voit vivre la vie. rien à voir avec la fixité de la photo.Mais nous sommes arrivés à un moment où la vie qu’on nous contraint à vivre ne nous plaît pas. il y a eu des espérances. aujourd’hui juste de la désespérance. L’hypercapitalisme est la plus haute catas-trophe humaine qui soit, non ?L’avenir constant du cinéma, c’est : «  occupons-nous de la vie. » Le cinéma doit s’amuser à inventer des possibles. Les meilleurs aujourd’hui mettent le doigt sur les impossibilités. Cronenberg promène sur Hollywood un regard psychiatrique : c’est la folie totale. Le grand rêve occiden-tal est en décadence, il faut trouver une nouvelle cadence. Le cinéma aura une part obligatoire dans ce renouveau. aujourd’hui il ne fait que constater. Que ce soit dans le documentaire, la fiction ou l’animation, il est dans le désenchantement.Ce qui est important, c’est l’imaginaire. Le monde, c’est quoi ? La vie qui impose son existence à l’existant. Les rêves s’imposent à la réalité : le réel n’est pas une donnée, mais un produit.La fonction d’un grand cinéaste n’est pas simplement de refléter l’esprit de son temps, mais de sentir venir la chose : l’à venir. C’est un être d’intuition, pas de déduction. Pas médium, plutôt porteur du monde qui vient. il le fait venir, il l’ac-couche. il le sent, mais ne le sait pas. alors oui, le cinéma est encore porteur d’un rêve. À partir du moment où il accepte de regarder la vie, la vie rêve toute seule. La vie c’est du rêve en perpétuel bouillon-nement.

    Propos recueillis par OLLIVIER POURRIOL

    iL EST TEMPS Pour LE CinéMa dE rEvEnir non pas à plus de réalité, mais à plus de vérité. Le contraire des block-busters ! Ma petite philosophie à moi : l’univers c’est le mouvement. Toute fixité est criminelle, ou dangereuse, ou fausse. au fond, c’est ça, le cinéma. Les frères Lumière, c’est quoi ? on pose une caméra, et on voit ce qui se passe. on voit comment ça vit, la vie. La vie a une vie propre. Le vrai avenir du cinéma, c’est donc l’ins-tant. À chaque instant, il y a une chose qui se passe. Cette chose peut provenir d’une logique mais peut être incongrue. La vie est jaillissement permanent. Elle n’a pas à s’expliquer. La plupart du temps elle obéit à un continuum. Le cinéma d’aujourd’hui est plutôt un cinéma de discontinuité. Les bons films sont discontinus. dans la modernité, ce qui m’intéresse c’est la fin de la dra-maturgie au sens antique du terme. Le no future est devenu quelque chose de véri-table. Si Coppola et de Palma ne travaillent plus à Hollywood, c’est qu’Hollywood ne veut pas de ça.j’adore les gens comme Lacan qui ont dévissé les mots. Lacan, c’est l’aboutis-sement de la préciosité : déconstruire ses certitudes et redonner du sens par la cassure des mots. Le langage du cinéma y arrive d’autant plus que le montage le lui permet.

    j E a n d o u C H E Tcritique, cinÉaste et acteurImportant participant et historien de la Nouvelle Vague, il a commencé à écrire aux Cahiers du cinéma en 1957. Auteur d’un ouvrage sur Hitchcock, il est aussi un infatigable pédagogue et animateur de ciné-clubs. Il a influencé des cinéastes aussi divers qu’André Téchiné, Xavier Beauvois, François Ozon, Arnaud Desplechin...

    davantage. Les jeunes regardent les séries américaines à la télé ou sur Internet, et ne vont au ciné que pour les gros films américains ou les comédies populaires. À court terme, c’est positif pour la diversité : un public plus adulte permet des films plus audacieux. La Vie d’Adèle n’aurait vraisemblablement pas fait un million d’entrées il y a quinze ans.Mais le premier trimestre 2014 a été très décevant pour la production française, avec moins 30 % de mises en production alors que la fréquentation se redressait grâce à quelques comédies nationales et au tarif très dynamique appliqué aux moins de 14 ans. La France bat des records en matière de distribution (plus de 600 films par an, contre 450 à 500 aux États-Unis) et produit 250 à 300 films à majorité ou minorité française, contre 120 à 200 chez nos voisins européens de taille comparable. Pour préserver l’avenir, il faut adapter le coût des films au résultat espéré dans une économie extrêmement aléatoire et avec une fréquentation qui se concentre. Par exemple, de l’ordre de 8 à 10 % des films catalogués « français » atteignent un million d’entrées et moins de 15 % en

    réalisent 500 000. Près des deux tiers ne dépassent pas 100 000. Le dernier film de Dany Boon a attiré 5 millions de spectateurs, et c’est tant mieux, mais il aurait perdu de l’argent s’il en avait attiré moins de 4 millions. Le problème essentiel est de savoir quel est le niveau acceptable de risque qui dicte la rentabilité macroéconomique de la branche. Enfin, contre « l’auteurisme » des enfants de la Nouvelle Vague, je suis pour une plus grande division des tâches et un vrai travail en équipe. Tous les auteurs ne peuvent cumuler écriture du scénario et réalisation. Il faut savoir parfois laisser le scénario au scénariste et être fier d’apporter son talent à la seule réalisation. C’est le seul moyen pour le cinéma d’espérer rivaliser avec des séries télé de plus en plus audacieuses comme House of Cards ou Game of Thrones.

    Propos recueillis par OLLIVIER POURRIOL