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novembre - décembre 2012 #18 12 « Ce projet a été imaginé il y a une dizaine d’an- nées, lorsqu’un de mes amis, Kevin, s’est re- trouvé aux Soins intensifs suite à un accident de voiture », se souvient le Pr Pierre-François La- terre, chef du Service des soins intensifs. Il est resté hospitalisé durant trois semaines, sous respirateur et recevait de grosses quantités de sédatifs et d’analgésiques. « Comme près de 60% des patients, il est passé par des phases d’hallucinations qui ont débouché sur de l’anxié- té et de la dépression. » REMÉDIER À UN ENVIRONNEMENT ANXIOGÈNE Une fois remis sur pieds, Kevin a décrit en dé- tails les sensations qu’il avait éprouvées lors de son hospitalisation : un environnement an- xiogène, notamment à cause des nombreux bruits produits par les alarmes, les respira- teurs et le personnel. Les nombreuses séda- tions lui donnaient l’impression de perdre les notions de temps et d’espace. Tout cela contri- buait à augmenter son anxiété. Suite au témoignage de Kevin, des mesures furent prises afin d’améliorer l’environnement des Soins intensifs. « Nous réveillons les pa- tients qui le peuvent durant le jour, tout en dimi- nuant leurs sédations, explique le Pr Laterre. Nos équipes de soignants parlent plusieurs fois par jour avec les personnes pour leur rappeler où elles sont et les aider à se familiariser avec les lieux. » Dans certains cas, les patients ont même l’occasion de pratiquer du sport durant la journée (lire Lucarne n°17). MUSIQUE DE CHAMBRE POUR LES PATIENTS… « Musicien de profession, Kevin a également apporté sa pierre à l’édifice », poursuit le Pr Laterre. Pendant trois années, il a travaillé à la composition d’une musique appropriée pour les patients, susceptible de les détendre. Résultat : un CD d’une douzaine d’heures. « Nous ne nous sommes pas arrêtés là : nous avons rassemblé sur d’autres CD de la musique classique conventionnelle, de la varié- té et de la pop ! » Et depuis janvier, toutes les chambres des Soins intensifs disposent du matériel adé- quat : un casque (à usage unique) muni de boutons pour choisir le canal souhaité. « Ac- tuellement, nous proposons quatre canaux diffé- rents : musique classique, planante, variété française… Le patient peut choisir ce qui lui convient le mieux. » D’un point de vue organisationnel, le Service a constitué en son sein un groupe d’infirmières et infirmiers, chargé de définir les patients qui peuvent profiter de ce projet. Actuellement, les patients ciblés sont conscients ou suscep- tibles d’être éveillés. « Mais à terme, nous dési- rons élargir cela aux patients inconscients afin de mesurer l’impact que la musique pourrait avoir sur eux », continue le Pr Laterre. SUR UN AIR DE GUÉRISON Ecouter de la musique améliore l’environne- ment des patients, désormais moins dérangés par les nuisances sonores. « D’autre part, plu- sieurs études ont démontré les bienfaits de la musique : diminution de la tension artérielle et des sédations administrées aux patients, insiste le Pr Laterre. Notre projet utilise le recueil de données d’une pharmacienne hospitalière qui a mesuré les consommations de sédatifs en soins intensifs. » Depuis le début de cette année, le Service des soins intensifs offre la possibilité aux patients conscients d’écouter de la musique pendant leur hospitalisation. Ce projet a pour but de diminuer l’anxiété des patients, possiblement les quantités de sédatifs et de rendre l’environnement plus agréable. Pierre-François Laterre, chef du Service des soins intensifs, tél. 02 764 27 35, [email protected] © Clin.univ.St-Luc / H. Depasse EN AVANT LA MUSIQUE ! DE LA MUSIQUE AUX SOINS INTENSIFS L’implémentation de la musique aux Soins intensifs aboutira prochaine- ment sur un projet de recherche clinique. « Nous pourrons élargir l’emploi de la musique à tous les patients, conscients et inconscients, et mesurer ainsi clairement ses effets », conclut le Pr Laterre. } [SB] E c h o s d e s s e r v i c e s + D’INFOS u Les patients peuvent choisir le style de musique qu’ils préfèrent.

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novembre - décembre 2012#18

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« Ce projet a été imaginé il y a une dizaine d’an-nées, lorsqu’un de mes amis, Kevin, s’est re-trouvé aux Soins intensifs suite à un accident de voiture », se souvient le Pr Pierre-François La-terre, chef du Service des soins intensifs. Il est resté hospitalisé durant trois semaines, sous respirateur et recevait de grosses quantités de sédatifs et d’analgésiques. « Comme près de 60% des patients, il est passé par des phases d’hallucinations qui ont débouché sur de l’anxié-té et de la dépression. »

REMÉDIER À UN ENVIRONNEMENT ANXIOGÈNEUne fois remis sur pieds, Kevin a décrit en dé-tails les sensations qu’il avait éprouvées lors de son hospitalisation : un environnement an-xiogène, notamment à cause des nombreux bruits produits par les alarmes, les respira-teurs et le personnel. Les nombreuses séda-tions lui donnaient l’impression de perdre les notions de temps et d’espace. Tout cela contri-buait à augmenter son anxiété. Suite au témoignage de Kevin, des mesures furent prises afi n d’améliorer l’environnement des Soins intensifs. « Nous réveillons les pa-tients qui le peuvent durant le jour, tout en dimi-nuant leurs sédations, explique le Pr Laterre. Nos équipes de soignants parlent plusieurs fois par jour avec les personnes pour leur rappeler où elles sont et les aider à se familiariser avec les lieux. » Dans certains cas, les patients ont même l’occasion de pratiquer du sport durant la journée (lire Lucarne n°17).

MUSIQUE DE CHAMBRE POUR LES PATIENTS…« Musicien de profession, Kevin a également apporté sa pierre à l’édifi ce », poursuit le Pr Laterre. Pendant trois années, il a travaillé à la composition d’une musique appropriée pour les patients, susceptible de les détendre. Résultat : un CD d’une douzaine d’heures. « Nous ne nous sommes pas arrêtés là : nous avons rassemblé sur d’autres CD de la musique classique conventionnelle, de la varié-té et de la pop ! »Et depuis janvier, toutes les chambres des Soins intensifs disposent du matériel adé-quat : un casque (à usage unique) muni de boutons pour choisir le canal souhaité. « Ac-tuellement, nous proposons quatre canaux diffé-rents : musique classique, planante, variété

française… Le patient peut choisir ce qui lui convient le mieux. »D’un point de vue organisationnel, le Service a constitué en son sein un groupe d’infi rmières et infi rmiers, chargé de défi nir les patients qui peuvent profi ter de ce projet. Actuellement, les patients ciblés sont conscients ou suscep-tibles d’être éveillés. « Mais à terme, nous dési-rons élargir cela aux patients inconscients afi n de mesurer l’impact que la musique pourrait avoir sur eux », continue le Pr Laterre.

SUR UN AIR DE GUÉRISONEcouter de la musique améliore l’environne-ment des patients, désormais moins dérangés par les nuisances sonores. « D’autre part, plu-sieurs études ont démontré les bienfaits de la musique : diminution de la tension artérielle et des sédations administrées aux patients, insiste le Pr Laterre. Notre projet utilise le recueil de données d’une pharmacienne hospitalière qui a mesuré les consommations de sédatifs en soins intensifs. »

Depuis le début de cette année, le Service des soins intensifs offre la possibilité aux patients conscients d’écouter de la musique pendant leur hospitalisation. Ce projet

a pour but de diminuer l’anxiété des patients, possiblement les quantités de sédatifs et de rendre l’environnement plus agréable.

Pierre-François Laterre,

chef du Service des

soins intensifs,

tél. 02 764 27 35,

[email protected]

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EN AVANT LA MUSIQUE !

DE LA MUSIQUE AUX SOINS INTENSIFS

L’implémentation de la musique aux Soins intensifs aboutira prochaine-ment sur un projet de recherche clinique. « Nous pourrons élargir l’emploi de la musique à tous les patients, conscients et inconscients, et mesurer ainsi clairement ses effets », conclut le Pr Laterre. } [SB]

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u Les patients peuvent choisir le style de musique qu’ils préfèrent.