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Dans le secret des dieux

Alain Dag ‘Naud

LA CREATION DU MONDE

Zeus, tel est le nom que me donnent les humains, simples mortels. Je suis le souverain des dieux et des hommes. Écoute l'hymne que l'on chante en mon honneur : « Ô toi, le plus glorieux des Immortels. Toi qu'on adore sous mille noms. Toi dont la toute-puissance est éternelle. Zeus, maître de la nature. » Quand je fronce mes sourcils, quand j'agite ma chevelure, le monde tremble. Je possède la lance qui déchaîne l'éclair. Cependant, je n'ai pas régné de toute éternité sur le ciel et la terre. Voici mon histoire et mes combats.

Nous allons d'abord nous rendre en un monde étrange, effrayant. Celui des origines, quand il n'y avait ni terre, ni mer, ni ciel. Rien que le vide. Les ténèbres envahissaient tout. C'était le domaine de Chaos, mon lointain ancêtre. Il était seul dans l'infini. Comme il n'avait nulle part où poser le pied, il voulut mettre de l'ordre. Il créa d'abord la déesse Nuit et son frère Érèbe. Alors survint une merveille. La Nuit se mit à danser au-dessus du vide. Elle dansait pour se réchauffer. Tant et si bien que son mouvement onduleux fit naître un vent du nord, le Borée. Celui-ci dissipa les ténèbres, et le Jour naquit. Puis ce fut l'espace, qu'on appelle Éther. Et vinrent la Terre et la Mer. Les éléments étaient en place.

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Au plus profond du monde souterrain demeurent encore des êtres monstrueux, souvenirs de ce temps. Mieux vaut éviter de les affronter. Nous allons pourtant aller à leur rencontre, descendre dans le domaine d'Érèbe. Pour y pénétrer, il faut passer devant une caverne. C'est la demeure d'Echidna. Cette créature étrange profite d'une éternelle jeunesse. Son buste et sa tête sont ceux d'une charmante jeune fille. Mais attention : le bas de son corps est formé d'un serpent redoutable, une énorme vipère tueuse, et sa bave est un poison violent.

Échidna a donné naissance à de nombreux enfants. Deux d'entre eux sont redoutables : Chimère et Cerbère. La première a trois têtes, l'une de lion, l'autre de chèvre, la troisième de serpent. Elle crache le feu et dévore ceux qu'elle rencontre sur son chemin. Le second, Cerbère, est un chien à plusieurs têtes et à la queue de dragon. Il est posté à l'entrée des enfers. Il laisse tout le monde entrer ; mais il dévore ceux qui tentent d'en ressortir.

Continuons à descendre. Nous sommes maintenant au plus profond du royaume infernal. On entend des ronflements et des soupirs. Ce sont ceux des trois Erinyes, toujours en Furies. Elles sont vêtues de noir. Leur robe est tachée de sang, car elles fouettent les coupables de crimes et de vols. Mieux vaut ne pas prononcer leur nom, cela porte malheur. Plus loin, ces femmes vêtues de blanc, ce sont les Moires. Sur leur quenouille, elles filent le destin de chaque homme. La première, Clotho, lance le fil. La seconde, Lachésis, choisit le dessin de la vie. La troisième, Atropos, coupe le fil au moment de la mort. Et ce jeune homme, là-bas, qui porte une torche en main, c'est Thanatos. Il accompagne le défunt lors de son passage dans l'au-delà.

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GAIA, LA TERRE

Remontons maintenant du royaume des ténèbres. Nous voici sur Terre. Le sol sur lequel nous marchons cache un secret. C'est le corps vivant de la plus grande des déesses : elle s'appelle Gaia. Voici son étrange histoire.

Gaia, la Terre, se maria avec le Ciel, que l'on nomme Ouranos. Us eurent beaucoup d'enfants. D'abord douze Titans, six garçons et six filles. Tout petits déjà, ils étaient d'une taille énorme et d'une force incroyable. Puis elle donna le jour à des Géants aux cent bras. Elle enfanta encore le serpent Python à l'haleine puante et toute une famille de monstres. Ils étaient si horribles qu'Ouranos dit à Gaia : « Je ne veux plus voir mes enfants ! » Et il les enferma dans une prison souterraine, le Tartare. Gaia d'abord ne dit rien. Chaque nouveau bébé qui naissait, Ouranos le prenait et le jetait dans le Tartare. Un jour, cependant, Gaia en eut assez. Sans rien dire à son mari, elle prit le chemin du monde souterrain. Tout au fond, elle appela ses enfants. Us vinrent et s'assemblèrent autour d'elle. Gaia leur dit : « Votre père vous retient prisonniers ici.

- Mais que pouvons-nous faire ? répondit une Titanide, la belle Mnémosyne, déesse de la Mémoire. - Vous révolter, répondit sa mère. - Nous n'oserons jamais l'affronter. Il est notre père. Nous lui devons le respect ! » dit le Titan Japet.

Gaia était désolée. Tout à coup, le plus jeune des Titans, Cronos, s'écria : « Moi, j'agirai ! » Il accompagna sa mère jusqu'à l'air libre. La nuit était tombée. C'était parfait. Ouranos ne pouvait les voir. Gaia murmura à l'oreille de Cronos : « Tiens. Prends cette serpe de silex. Je l'ai fabriquée moi-même. Tu exécuteras ta mission dans deux heures, quand Ouranos me rejoindra. » L'aube se levait. Ouranos, tout nu, se glissa contre son épouse. Cronos en profita. Il se faufila près du lit. Puis d'un coup sec, il trancha le sexe d'Ouranos.

Horrible histoire n'est-ce pas ? Mais des gouttes s'échappèrent de la blessure. Elles tombèrent dans les flots marins. Une écume blanche se mit à bouillonner. En jaillit une déesse superbe. C'était Aphrodite, déesse de l'amour.

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CRONOS, LE TEMPS QUI DEVORE SES ENFANTS

Les enfants de Gaia libérés, Cronos prit le pouvoir. Il se maria avec l'une des Titanides, Rhéa. Ils eurent à leur tour de nombreux enfants. Moi, Zeus, je suis l'un d'eux. Mais j'ai bien failli ne jamais voir le jour. Voici pourquoi.

Cronos apprit, je ne sais comment, que l'un de ses enfants s'emparerait de son trône. Il décida alors d'avaler tout cru ses nouveau-nés. Cinq d'entre eux furent ainsi engloutis. Rhéa attendait un sixième enfant. « Je dois le sauver », se dit-elle. Avant d'accoucher, elle prit une grosse pierre. Elle la couvrit de langes. Elle me donna le jour et me cacha. Puis elle se leva, prit la pierre emmaillotée et la tendit à Cronos : « Voici votre fils. » Cronos l'enfourna sans se douter de rien.

Aussitôt, ma mère m'emporta. Elle courut jusqu'à l'île de Crète, en pleine mer Méditerranée. Elle me cacha dans la montagne, au sein d'une grotte profonde. J'avais un berceau d'or. Mais voilà que je me mis à pousser de grands cris. J'avais faim. Elle demanda à des jeunes gens des environs, les Curètes, de faire du bruit pour couvrir mes vagissements. Ils tapèrent tant sur leurs tambours et leurs cymbales que nul ne m'entendit. Puis elle fit venir Adrastée et sa sœur, filles du roi de Crète :

« Nourrissez-le. Elevez-le comme votre fils, leur commanda-t-elle. Et n'en dites rien à personne. » Les deux princesses amenèrent une chèvre, Amalthée, qui me donna son lait. Une grosse abeille m'apportait chaque jour du miel. Et je grandissais, heureux. Je jouais avec les bergers du mont Ida. Quand ma chèvre mourut, je découpai sa peau pour en recouvrir un bouclier. Puis j'ôtai l'une de ses cornes. Elle était merveilleuse. Elle offrait sans limite des fruits, des richesses et tout ce que je désirais. Je l'appelai la corne d'abondance.

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ZEUS FACE A SON PERE Les années ont passé. Un jour, sur le bord de la mer, j'aperçus une jeune femme au visage très doux. J'allai vers elle. « Je suis Métis, déesse de la sagesse, me dit-elle. J'ai le pouvoir de distinguer le bien du mal. - Sachez, lui dis-je, que le roi Cronos est mon père. Il a dévoré mes frères et mes sœurs. Je voudrais les sauver, si c'est possible, et retrouver ma mère. » Elle réfléchit un moment. Elle me regarda longuement et me dit : « Tu es Zeus. Je connais ton histoire. Je vais t'aider. Prends ce flacon. Il contient une boisson magique. Fais-la boire à ton père ! Va maintenant ! »

Dès le lendemain, j'embarquai sur un navire. Parvenu à destination, je me rendis au palais de Cronos. Il cherchait un échanson. Je me présentai. Il m'accepta. « Tenez, Majesté, lui dis-je. Buvez de ce nectar que j'ai préparé pour vous ! » Il saisit la coupe et but largement. Il fut pris aussitôt de violentes nausées. Il vomit d'abord la grosse pierre que ma mère lui avait fait avaler. Puis apparurent mes deux frères, Poséidon et Hadès. Et mes trois sœurs, Héra, Hestia et Déméter. Ils étaient tous bien vivants.

Cronos continuait à vomir. J'en profitai alors pour rassembler mes frères et sœurs et leur dis : « Il faut nous préparer à la guerre contre notre père. Toi, Poséidon, prends le contrôle des mers. Toi, Hadès, surveille le monde souterrain. Vous, mes sœurs, protégez ce qui vit sur la terre. Moi, je vais descendre au fond du Tartare libérer les Cyclopes. Leur force prodigieuse nous aidera. »

Nous fîmes comme je l'avais annoncé. À l'entrée du Tartare, je me suis trouvé face à Campé, gardienne des lieux et alliée de Cronos. Elle était affreuse avec ses écailles sur tout le corps, ses doigts longs et crochus et son dard de scorpion sur le dos. J'ai réussi à la tuer. J'ai ouvert la lourde porte de bronze qui retenait les Cyclopes. De leur œil unique, gros comme une roue, une larme s'est échappée.

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Pour me remercier, ils m'ont offert une arme merveilleuse qui déclenche la foudre et le tonnerre. Puis nous sommes remontés. La guerre se déchaînait. D'horribles fracas se faisaient entendre. La terre entière était saisie de terreur. Cronos nous livrait un combat sans merci. 11 était aidé des Titans ses alliés. Je bondis dans le ciel étoilé. De là-haut, je lançai des éclairs qui aveuglèrent nos ennemis et les foudroyèrent. Les Titans battirent en retraite. Ils rentrèrent au plus profond de la terre. Nous avions gagné.

Mon père s'est présenté devant moi. « Va, je te pardonne, lui ai-je dit. Je t'accorde de régner désormais sur l'île des Bienheureux. Elle est située aux limites de l'Océan. Des brises marines la rafraîchissent l'été. Des fleurs d'or y poussent. Tu y seras heureux. »

MAITRE DES DIEUX

Allons maintenant dans mon domaine, tout en haut de la montagne nommée l'Olympe. Le sommet de ma demeure dépasse les nuages. De là, je vois et j'entends tout ce qui se passe sur la terre. Écoute ! Un homme m'adresse une prière : « O toi, le plus glorieux des immortels ! Toi dont la toute-puissance est éternelle ! Zeus, souverain maître de la nature, je te salue ! »

Je suis le maître des dieux et des hommes. Tous me doivent obéissance. Je rassemble les nuages, je manie la foudre et le tonnerre. Je fais tomber la pluie bienfaisante, mais je peux aussi déchaîner les éléments.

Un jour, des Géants redoutables surgis de l'abîme ont essayé de s'emparer de mon royaume. Pour arriver jusqu'à moi, ils ont entassé plusieurs montagnes les unes sur les autres. Mais l'Olympe les dépassait toujours. Les Géants bombardaient mon palais avec d'énormes blocs de pierre et des arbres enflammés. J'ai alors interdit au Soleil et à la Lune de briller. Mes ennemis ne voyaient plus. J'ai lancé contre eux des soldats aux oreilles pointues et au corps velu. Ils étaient montés sur des ânes dont les braiments terrorisèrent les Géants.

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Géants. Puis j'ai lancé en avant mon frère Hadès. Quand il est apparu sur son char funèbre, tiré par des chevaux noirs, il a semé l'effroi. Les Géants horrifiés se sauvèrent. Sur mon ordre, ils furent changés en rochers, en îles et en volcans.

J'ai aussi le pouvoir de me transformer comme je veux. Par exemple, pour approcher la belle Héra qui me plaisait, je me suis métamorphosé en moineau. Je me suis posé sur ses genoux. Elle ne s'est pas méfiée. A peine eut-elle commencé à me caresser que j'ai repris ma forme. Et j'ai demandé à Héra de m'épouser. Elle a accepté. Si toi, un jour, tu as besoin de mon aide, voici comment faire : mon arbre préféré est le chêne. Tu en cherches un et

tu lui adresses ta prière. Pour entendre ma réponse, il ne te reste plus qu'à écouter le bruissement du vent dans les feuilles du chêne.

FRERES ET SOEURS

Entrons dans mon palais de l'Olympe. Là résident les membres de ma famille. Ils sont réunis pour un banquet dans la grande salle. Les murs en sont d'or, d'ambre et d'ivoire. Il n'y en a pas d'aussi beaux dans le monde des humains. Au bout de la table, voici Hestia, notre aînée. Elle boit une coupe d'un nectar exquis.

« Ma mission, précise la déesse, est de protéger les maisons et les villes. En mon honneur, chaque cité fait brûler un feu sacré. Si tu veux mon aide, allume une fois par an une jolie flamme dans ton foyer. A ce signal, j'arriverai en secret. » La salle, soudain, s'emplit de chants mélodieux. « Ce sont les Muses qui nous bercent de leur musique, explique le maître des dieux. Car dans ce palais, nous passons notre temps dans le bonheur et la joie.

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- Hélas, il n'en a pas toujours été ainsi ! s'exclame une grande femme, assise à côté d'Hestia. Je suis Déméter, poursuit-elle, la déesse des moissons. Je fais pousser le blé. J'apporte aux hommes les belles récoltes de légumes et de fruits. Mais il m'est arrivé une histoire bien triste. J'avais une fille, Perséphone. Je l'aimais. Elle m'aimait. Un jour, elle sortit cueillir des fleurs. Le roi des morts la vit et la désira. Monté sur son char noir, il surgit d'un gouffre inconnu et il l'enleva. J'entendis son cri déchirant. Neuf jours et neuf nuits, j'ai cherché ma fille. Je ne mangeais plus, je ne buvais plus. Le dixième jour, le Soleil, témoin du rapt, me révéla la vérité : Perséphone se trouvait parmi les ombres des morts. Folle de douleur et de colère, je quittai l'Olympe, abandonnant mes fonctions divines. Je poursuivis longtemps ma quête désolée. J'étais si triste que les champs jaunirent, les récoltes furent perdues. Cette année-là fut terrible pour les hommes, car la famine menaçait. »

- J'ai alors intercédé auprès de mon frère Hadès, explique Zeus. Je lui ai dit : "Je suis le roi des dieux. Je te demande de libérer Perséphone." Il a accepté à une condition : revoir sa bien-aimée un tiers de l'année. Puis il a fait préparer son char d'or qui a reconduit la jeune fille à sa mère. »

« Depuis lors, reprend Déméter, quand ma fille revient près de moi, les fleurs du printemps s'épanouissent, les feuilles et les fruits poussent. Quand elle retourne auprès du roi des ombres, l'hiver tombe sur moi et sur les hommes. »

Zeus se tourne vers un autre convive : « Poséidon, dieu des mers et des fleuves, ton empire est immense. » Poséidon sourit avec fierté. Il explique : « Je vis le plus souvent dans mon palais de verre au fond des océans. Armé de mon trident, je peux déchaîner les tempêtes. Pour les calmer, il me suffit de surgir des flots avec mon char tiré par de magnifiques chevaux à la crinière d'or. J'aime les chevaux. Je suis le père du plus beau d'entre eux, Pégase. Avec ses ailes sur les flancs, il galope librement à travers les cieux. Il est vif comme une rafale de vent. » Mais des éclats de voix l'interrompent. Ils viennent de la salle du trône.

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HERA, L’EPOUSE JALOUSE

C’est Héra, mon épouse, remarque Zeus. Je l'entends crier, comme à son habitude. Elle a mauvais caractère ! » Héra surgit. « Zeus, un misérable mortel m'a humiliée. Il doit être puni ! dit-elle avec dépit. - De qui parles-tu ? s'enquiert le maître des dieux. - De Pâris, fils de Priam, roi de Troie. L'autre jour, un grand repas était organisé. La déesse Eris était présente. Elle cherche toujours la discorde. Elle a déposé sur la table une pomme qui portait l'inscription : "A la plus belle". J'ai tendu la main pour la prendre, mais Athéna, ta fille, et aussi Aphrodite, déesse de l'amour, m'en ont empêchée. - Que s'est-il passé ? interroge le puissant Zeus. - Hermès a proposé à Pâris de nous départager, répond Héra. Et Pâris a offert la pomme à Aphrodite ! Elle est pourtant moins belle que moi ! » Zeus, prudent, répond : « Bien sûr que tu es très belle. - Hum ! répond Héra. Mais je me vengerai. Je pousserai les Grecs à faire la guerre contre Troie. La cité sera anéantie ! - Ne laisse pas la colère t'envahir, ma chère épouse, recommande Zeus. A tant t'agiter, ton diadème est de

travers et ton voile a glissé de tes épaules. Ton paon préféré en est tout effrayé. -Tu en parles à ton aise, réplique Héra très en colère, toi qui n'hésites pas à me tromper. Un jour, tu as pris l'apparence du nommé Amphitryon. Tu t'es présenté à sa femme, Alcmène, et tu lui as fait un enfant, l'incroyable Héraclès. - Mais pour me punir, reprend Zeus, tu as envoyé à mon fils deux serpents pour l'étouffer ! Heureusement, c'est lui qui leur a brisé le cou. - Je te rappelle aussi ton aventure avec la princesse Europe, ajoute Héra avec rage. Tu t'étais métamorphosé en taureau blanc. Tu semblais si gentil. Europe s'est approchée. Elle a grimpé sur ton dos, et tu t'es élancé, l'emportant au loin. A elle aussi tu as fait des enfants. »

Zeus rougit un instant, mais il riposte : « N'as-tu pas le regret de certaines de tes vengeances ? Souviens-toi de Sémélé. Je l'aimais. Tu t'es déguisée en vieille nourrice pour la rencontrer. Tu l'as poussée à formuler l'impossible demande : me voir dans toute ma puissance et ma gloire. J'ai tenté de l'en dissuader. Elle a insisté. J'avais promis de réaliser son vœu le plus cher. Je suis donc apparu avec la foudre et les éclairs.

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La pauvre petite est morte foudroyée. Je n'ai eu que le temps de sortir de son ventre l'enfant qui allait naître. Je l'ai pris avec précaution. Avec un couteau, je me suis ouvert une entaille dans la cuisse. J'y ai introduit le bébé. J'ai recousu la peau. Il n'y avait plus qu'à attendre qu'il pousse bien au chaud. Quand le temps est venu, j'ai senti ma peau s'agiter. J'ai rouvert ma cuisse. Le petit est sorti, tout braillant. Je l'ai appelé Dionysos. Il est devenu le dieu de la vigne et du vin. »

Héra reprend la parole, toujours aussi énervée : « Ne m'as-tu pas trahie lorsque tu as séduit ma grande prêtresse, Io ? Elle demeurait dans une jolie vallée. Pour me cacher tes amours, tu as recouvert la vallée d'une brume d'or. Mais je veillais. J'ai franchi ce voile. Tu t'es empressé de transformer la jeune fille en génisse pour que je ne la reconnaisse pas. Je ne me suis pas laissé abuser. Je t'ai demandé de m'offrir la jeune vache. - A qui tu n'as jamais accordé la paix, réplique Zeus. Tu as jeté sur elle un taon furieux qui la piquait sans cesse. Épouvantée, lo a parcouru le monde pour lui échapper. Par bonheur, j'ai réussi à lui rendre sa forme humaine. Et j'ai mis fin à ta malédiction. - Je pourrais te reprocher aussi... » Héra n'a pas le temps de finir sa phrase. « Ne restons pas ici, remarque Zeus. Allons plutôt voir mes enfants. Ils sont sur ce balcon de nuages. Ils regardent la terre et les hommes qui s'agitent tout en bas. »

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SACREE FAMILLE

Le maître des cieux se dirige vers ses enfants. « Voici Athéna, ma fille. Elle est ma préférée. Admire ses yeux. Ils sont pers, d'un magnifique bleu-vert, dit Zeus qui poursuit sur le ton de la confidence. Elle est née je ne sais pas bien comment. Un jour, j'avais affreusement mal à la tête. Je fis appel au forgeron des dieux Héphaïstos. Il n'a pas hésité. D'un coup de masse, il m'a ouvert le crâne. Alors jaillit Athéna tout armée. Sa tête était surmontée d'un casque. Elle poussa un formidable cri de guerre qui retentit dans tout l'Olympe. - Je suis la protectrice d'Athènes, précise Athéna. J'ai offert à cette cité l'olivier qui donne l'huile précieuse.

- J'ai confié à Athéna une arme redoutable, ajoute Zeus. Un bouclier nommé l'égide. Il porte la tête coupée de Méduse. C'est un monstre aux cheveux de serpents. Ses yeux pétrifient quiconque les regarde. »

Zeus se tourne vers un splendide jeune homme. C'est Apollon, dieu de la beauté et de la lumière. Il a en main une lyre dorée à sept cordes. « Quand il en joue, explique Zeus, il charme tout l'Olympe. Apollon a été élevé à l'ambroisie, la nourriture des immortels. Si bien qu'il a grandi en quatre jours. Il se déplace dans un char tiré par deux cygnes majestueux. Je lui ai offert un arc d'argent. Avec ses flèches, il guérit les malades. Mais il peut aussi déclencher la peste parmi les hommes, quand ceux-ci ont mal agi. » Apollon prend la parole : « J'ai surtout décoché mes flèches pour débarrasser la terre d'un monstre, le serpent Python. Il encerclait de son corps sept fois un lieu magnifique au centre du monde. Il s'agit de Delphes. J'ai tué le serpent. Avec sa peau, j'ai recouvert un trépied sur lequel j'ai fait écrire : "Connais-toi toi-même." À côté de ce trépied, une femme, la Pythie, annonce aux hommes mes prédictions. Nul en Grèce n'entreprend une chose importante sans me consulter. »

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Apollon poursuit : «J'ai aimé une jeune fille. Elle s'appelait Daphné. Mais elle ne voulait pas de moi. Pour ne pas céder, elle s'est transformée en laurier. Depuis, j'ai adopté cette plante qui m'accompagne partout. - Quand je vois des fleurs de laurier, je pense à toi, mon frère. » La voix est celle d'une jeune fille vêtue d'une courte jupe blanche. « Artémis, tu n'es donc pas à la chasse ! s'étonne Zeus. Artémis est la sœur jumelle d'Apollon, la déesse de la chasse. » Artémis confirme : « 11 est vrai que j'aime courir les forêts et les montagnes. J'ai un char magnifique tiré par quatre cerfs aux bois d'or. Avec ma lance et mon arc, je ne manque jamais les bêtes fauves que je poursuis. Un jour, je me baignais nue dans un lac. Un adolescent m'a surprise. Actéon était son nom. Il m'observait derrière un buisson. Je l'ai transformé en cerf. Il s'est sauvé. J'ai lancé à sa poursuite une meute de cinquante chiens qui l'ont dévoré. - Était-ce inévitable ? » remarque Zeus. Il se détourne et tend la main vers un bel athlète qui porte un casque avec des ailes. Ses chevilles sont aussi ailées. 11 tient en main une étrange baguette enroulée de deux serpents. Elle est magique. C'est le caducée.

« Hermès est le fils à qui je confie les messages que j'adresse aux humains, explique Zeus. Avec ses sandales ailées, il franchit l'espace en quelques instants. Il est rusé et aime jouer des tours. N'est-ce pas, Hermès ? » Celui-ci répond avec un charmant sourire : « Je ris encore de mon stratagème à l'égard d'Apollon. Le jour même de ma naissance, je me suis débarrassé de mes langes. Puis de toute la vitesse de mes ailes, j'ai gagné une prairie appartenant à Apollon. Cinquante bœufs aux cornes d'or y étaient assemblés. Je les ai fait sortir à reculons pour brouiller les pistes. Et j'ai caché le troupeau dans une grotte. Apollon, qui devine toute chose, est venu à mon berceau. Il a exigé que je lui rende ses bêtes. Je lui ai proposé un marché. J'avais confectionné une lyre dans la carapace d'une tortue. Je lui ai offert cette lyre. En échange, je gardais le troupeau. Il a accepté. Depuis lors, je suis le protecteur des marchands et des voleurs. - Tu es aussi mon héraut et le messager des dieux », ajoute Zeus.

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LA GUERRE, LE FEU, L’AMOUR

« Zeus, tu as oublié plusieurs d'entre nous ! proteste Héra. Nous sommes douze grands dieux sur l'Olympe. Tu as parlé de toi, de moi, de Poséidon, d'Hadès, d'Hestia, d'Athéna, d'Apollon, d'Artémis et d'Hermès. Cela fait neuf. Il en manque trois ! - Laisse-moi réfléchir... répond Zeus qui compte sur ses doigts. Effectivement. Il y a Arès, qui doit faire la guerre quelque part. Héphaïstos, occupé dans sa forge. Sa femme, Aphrodite, déesse de l'amour. » Après un instant d'hésitation, Zeus propose : « Redescendons sur terre, à la rencontre de ces trois dieux. »

Après avoir cherché parmi les champs de bataille, nous trouvons Arès, dieu de la guerre. « Héra et moi sommes ses parents. Mais nous ne l'aimons pas, chuchote Zeus. Avec son épée et sa cuirasse de bronze, il est trop violent. Plusieurs fois, il a été blessé au combat. Comme il est immortel, il ne craint pas la mort. Mais il hurle de douleur à la moindre blessure. Un jour, Héphaïstos lui a tendu un piège. Il a tissé un filet de métal aux mailles si fines qu'elles étaient invisibles. Il l'a tendu sur le passage d'Arès qui partait déclencher une bataille.

déclencher une bataille. Arès s'est pris dedans, sans pouvoir en sortir. Héphaïstos ne Ta libéré qu'une fois la paix assurée. » Nous laissons Arès à ses jeux guerriers. Zeus se dirige à grands pas vers un cratère. Nous nous y engageons, protégés de la fournaise par un voile magique. Nous arrivons au cœur du volcan, l'Etna, qui crache ses laves. À travers le brouillard de chaleur, nous apercevons un homme vigoureux et tout poilu. Son corps est protégé par un tablier de cuir qui descend jusqu'aux genoux. Dans la main droite, il tient un marteau, dans l'autre une paire de tenailles. « Approchons-nous », dit Zeus dont la voix couvre à peine le bruit des soufflets et des coups sur l'enclume.

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De près, Héphaïstos apparaît laid sous sa barbe. Il s'avance vers nous en claudiquant, car il boite des deux jambes. « Je vous fais peur ! dit-il. Ne craignez rien. J'aide les hommes dès que je le peux. Et je sais la tristesse des enfants rejetés. Quand ma mère, Héra, a vu combien j'étais difforme, elle m'a jeté du haut de l'Olympe. Je suis tombé dans l'Océan. Des nymphes m'ont recueilli. Dans une grotte sous-marine, j'ai appris l'art de forger. Je suis devenu le maître du feu et du travail des métaux. » Zeus renchérit : « C'est le meilleur artisan au monde. Il a forgé mes foudres qui déclenchent les éclairs. De ses mains, il a créé les flèches d'Apollon, des armes magiques et un bouclier pour le guerrier Achille. - J'ai même façonné la première femme, ajoute Héphaïstos. Nous l'avons dénommée Pandore*. » Le dieu forgeron poursuit : « Je suis peut-être affreux. Mais j'ai épousé la plus belle des femmes. Elle s'appelle Aphrodite. Elle est la déesse de l'amour. - Il a raison, dit Zeus. J'ai déjà parlé d'elle et de sa naissance dans un grand coquillage, au milieu de l'écume marine. Elle possède une ceinture magique qui rend tout le monde amoureux de qui la porte. Mais Aphrodite la prête rarement.

*Voir Prométhée et la conquête du feu.

- La voici qui passe, remarque Héphaïstos. Regardez : sous ses pas poussent les fleurs. Sentez ce parfum ! - Aphrodite est accompagnée par Éros, constate Zeus. Un enfant étonnant, cet Éros. S'il tire une flèche dans un cœur, il fait naître le désir et l'amour. Mais le voici qui bande son arc ! »

Qui vise-t-il ? Nous le saurons bientôt.

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