cristallochimie des lizardites substituees mg-fz-ni

16
Clay Minerals (1982) 17~ 377-392 CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI PAR SPECTROMETRIE VISIBLE ET INFRAROUGE PROCHE B. D. CERVELLE ET M. MAQUET Laboratoire de Mindralogie-Cristallographie, Universitd Pierre et Marie Curie, Tour 16, 4 place Jussieu 75230 Paris Cedex 05, France (Received 27 April 1982) R t~S U M I~ : Des lizardites substitubes (Mg,Fe,Ni)3Si2Os(OH)4 ont &~ &udi6es par spectrom&rie en reflectance diffuse de 340 ~ 2500 nm, de mani6re h d&erminer l'environnement de Mg 2+, Ni z+ et Fe 2+, en particulier la sym&rie des sites et les distances m&al-ligands. L'examen de la structure de la lizardite sensu stricto ayant conduit a d6finir pour Mg 2+ deux sites hexacoordonn6s M~ et M 2 non 6quivalents dans la couche octa6drique du feuillet serpentineux, l'interpr&ation, fi l'aide de la th~orie du champ cristallin, des spectres d'absorption de/izardites de compositions chimiques vari+es a fourni les r6sultats suivants: 1. Le site Mt a la sym~trie C2v: octa6dre orthorhombique. 2. Le site M 2 a la sym&rie C3,: octa6dre rhombo6drique. 3. Fe 2+ est hexacoordonn6, et occupe les deux sites M 1 et M s si sa teneur est superieure ~i environ 2%. Pour une teneur inf6rieure, Fe 2+ n'occupe que M~. 4. Dans une lizardite Mg + Fe + Ni, Ni 2+ est hexacoordonn6 et occupe le site M 2. Ce site du nickel est plus grand en pr6sence de Fe 2+, que lorsque le nickel y est seul (n6pouite). Ni 2+ y occupe une position plus rapproch6e du centre de la couche octa6drique que Mg 2+, ce qui contribue a r6duire la flexion du plan des cations dans cette couche. 5. Dans une lizardite proche du p61e nickelif6re (n6pouite), il y a r6organisation de la structure autour d'un site hexacoordonn6 unique de sym&rie C3,. Ce site est d6form& et plus petit: distance moyenne mbtal-ligand r = 2.06/~ dans la n6pouite, r = 2.11 A dans la fizardite magn6sienne sensu strieto. Cette r6duction de la taille du site ne peut se concevoir que par la r6duction de l'6paisseur de la couche octa~drique: 2.20 A (p61e Mg) fi 2.16 A (pdle Ni). INTRODUCTION La lizardite sensu strieto, de formule gtobale Mg3Si2Os(OH) 4, est une ortho-serpentine un seul feuillet plan rigide. La structure cristalline de ce phyllosilicate a &6 bien &udi~e, en particulier aux rayons X (Brindley, 1980). Le magn6sium peut &re facilement remplac~ par du fer ou du nickel divalents, ce qui entra~ne des modifications cristallochimiques importantes, dont l'&ude fait l'objet de ce travail. D~finition de deux sites M 1 et M 2pour Mg 2+ dans la lizardite Chaque feuillet +16mentaire de lizardite Mg3Si/Os(OH) 4 (Fig. la) est compos~ d'une couche de t&ra~dres SiO 4 formant un r6seau pseudo-hexagonal dont le param&re b = 9.18 A, et d'une couche d'atomes de magnesium en sites octa6driques de param&re b = 9.45 A. La difference de 0.27 A entre chacune des couches est compens6e par des ajustements internes de la position des atomes dans les couches 616mentaires (Wicks & 1982 The Mineralogical Society

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Page 1: CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI

Clay Minerals (1982) 17~ 377-392

C R I S T A L L O C H I M I E D E S L I Z A R D I T E S S U B S T I T U E E S M G - F z - N I P A R S P E C T R O M E T R I E

V I S I B L E ET I N F R A R O U G E P R O C H E

B. D . C E R V E L L E ET M . M A Q U E T

Laboratoire de Mindralogie-Cristallographie, Universitd Pierre et Marie Curie, Tour 16, 4 place Jussieu 75230 Paris Cedex 05, France

(Received 27 April 1982)

R t~ S U M I~ : Des lizardites substitubes (Mg,Fe,Ni)3Si2Os(OH)4 ont &~ &udi6es par spectrom&rie en reflectance diffuse de 340 ~ 2500 nm, de mani6re h d&erminer l'environnement de Mg 2+, Ni z+ et Fe 2+, en particulier la sym&rie des sites et les distances m&al-ligands. L'examen de la structure de la lizardite sensu stricto ayant conduit a d6finir pour Mg 2+ deux sites hexacoordonn6s M~ et M 2 non 6quivalents dans la couche octa6drique du feuillet serpentineux, l'interpr&ation, fi l'aide de la th~orie du champ cristallin, des spectres d'absorption de/izardites de compositions chimiques vari+es a fourni les r6sultats suivants: 1. Le site Mt a la sym~trie C2v: octa6dre orthorhombique. 2. Le site M 2 a la sym&rie C3,: octa6dre rhombo6drique. 3. Fe 2+ est hexacoordonn6, et occupe les deux sites M 1 et M s si sa teneur est superieure ~i environ 2%. Pour une teneur inf6rieure, Fe 2+ n'occupe que M~. 4. Dans une lizardite Mg + Fe + Ni, Ni 2+ est hexacoordonn6 et occupe le site M 2. Ce site du nickel est plus grand en pr6sence de Fe 2+, que lorsque le nickel y est seul (n6pouite). Ni 2+ y occupe une position plus rapproch6e du centre de la couche octa6drique que Mg 2+, ce qui contribue a r6duire la flexion du plan des cations dans cette couche. 5. Dans une lizardite proche du p61e nickelif6re (n6pouite), il y a r6organisation de la structure autour d'un site hexacoordonn6 unique de sym&rie C3,. Ce site est d6form& et plus petit: distance moyenne mbtal-ligand r = 2.06/~ dans la n6pouite, r = 2.11 A dans la fizardite magn6sienne sensu strieto. Cette r6duction de la taille du site ne peut se concevoir que par la r6duction de l'6paisseur de la couche octa~drique: 2.20 A (p61e Mg) fi 2.16 A (pdle Ni).

I N T R O D U C T I O N

L a l izardi te sensu strieto, de fo rmule g toba le M g 3 S i 2 O s ( O H ) 4, es t une o r t h o - s e r p e n t i n e

u n seul feuillet p l an rigide. La s t ruc tu r e cr is ta l l ine de ce phyl los i l i ca te a &6 bien &udi~e, en

par t icu l ie r aux r a y o n s X (Br indley , 1980). Le m a g n 6 s i u m peu t &re f ac i l emen t r emplac~ pa r

du fer ou du nickel d iva lents , ce qui entra~ne des mod i f i ca t i ons c r i s t a l l och imiques

i m p o r t a n t e s , d o n t l ' & u d e fai t l ' ob je t de ce t ravai l .

D~finition de deux sites M 1 et M 2 p o u r M g 2+ dans la l izardi te

C h a q u e feuillet +16mentaire de l izardi te M g 3 S i / O s ( O H ) 4 (Fig. l a ) est c o m p o s ~ d ' u n e

c o u c h e de t&ra~dres SiO 4 f o r m a n t u n r6seau p s e u d o - h e x a g o n a l d o n t le p a r a m & r e

b = 9 .18 A, et d ' u n e c o u c h e d ' a t o m e s de m a g n e s i u m en sites o c t a 6 d r i q u e s de p a r a m & r e

b = 9 .45 A. L a d i f ference de 0 . 2 7 A en t re c h a c u n e des c o u c h e s est c o m p e n s 6 e p a r des

a j u s t e m e n t s i n t e rnes de la pos i t ion des a t o m e s d a n s les c o u c h e s 616mentaires (Wicks &

�9 1982 The Mineralogical Society

Page 2: CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI

378

la)

B. D. Cervelle et M. Maquet

" ~ " Z o " Z o OCTA~O~,OU~ o : M g

/ \ / \ / . \ / . \ .:s,

- \ / - \ couc.E i ~ ~ . - - TETRAEDRIQUE

a Pb

(b)

- r - O - - - 0 . . . . O . . . . O . . . . /O,H, OH~ a"~ 0.~ O H ? p '1 / 1 .16A I ~ . . . . . ~ .__j__ l |

i , I ~ - - - I / / 1 i - - I Mg z , 2 - 1 0 A I

- J - - - , . . . . . . . . . t / o Mg~ I I I 12.37 A

I ' t c I ~ I 1L I _F

a l O~ ~, b 03 03 03

(c)

site M~ OH3 OH3 site M z

/ ^ "xb'?'T " 2 0 0 / ,",u . NCb/ 1 :~OO\ OH1

03 Oa

Ftc;. 1. (a) Projection sch~matique suivant a d'un feuillet ideal de lizardite, (b) Projection suivant a de la couche octa6drique non id~alis6e dans la lizardite. (c) Representation des sites M t et Mz

du magnesium.

Whittaker, 1975). Cela se traduit par la d6formation du plan des cations de magnesium, de sorte que ceux-ci occupent des positions structuralement distinctes, s~par6es de 0.4 A suivant l 'axe c (Fig. lb). Les distances Mg2+-ligands seront donc diff&entes suivant la position considbr6e de Mg ~§ On peut donc proposer, pour Mg 2+, deux positions hexa- coordonn~es, Mg~ et Mg 2, non 6quivalentes (Fig. lc) que nous d6signerons par M~ et M 2 par analogie aux sites d~crits darts le pyrox6ne et l'olivine.

En prenant 2.20 A comme valeur de l'6paisseur de la couche octa6drique, et 9.18 A pour param6tre cristaUin b, nous avons calcul6 les distances cations-anions dans les deux sites M x et M2, en utilisant les r6sultats obtenus aux rayons X par Krstanovic (1968). Ces distances sont fournies dans le Tableau 1.

Page 3: CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI

Cristallochimie de lizardites F e - N i

TABLEAU 1. Distances m&al-ligand dans les deux sites M 1 et M 2 du magnbsium de la lizardite sensu stricto.

distance m~tal-ligand distance moyenne M-ligand site en ,~ dans le site

M l ~ O H 2=2.11 (2fois) MI M 1 ~ OH 3 = 2.11 2.10A

M l -, OH l 2.00 M l --' 03 = 2' 14 (2 fois) M 2 -, OH 2 = 1.92 (2 lois) M 2 ~ OH 3 = 1.92 M 2 -~ OH 1 = 2.22 M 2 --, 03 = 2-40 (2 fois)

M 2 2.13/k

379

Substitutions de Mg2+ par Fe 2+ ou/et N i 2+

Ainsi d6finis les sites dans une lizardite non substitu6e, les possibilit6s de remplacement de Mg 2+ soit par Fe E+, soit par Ni 2+, soit par les deux simultan6ment, d6pendront essentiellement des rayons ioniques respectifs de ces trois cations lorsqu'ils sont hexacoordonn~s:

Mg 2+ ---- 0 .80 /~ ; Fe E+ --- 0-86 A; Ni 2+ =- 0.77 A,

valeurs les plus r6centes, publi6es par Whit taker & Muntus (1970). La substitution Mg 2+ --, Fe 2+ sera donc n6cessairement limit6e puisque, avec un rayon

ionique plus grand, F C + ne peut qu'accro~tre le d6saccord entre les couches de cette structure d6j~i ~i la limite de l 'ajustement.

Au contraire, une substitution Mg 2+ --, Ni 2+ est favoris6e, car Ni 2+ hexacoordonn6, de rayon ionique plus petit que Mg 2+ hexacoordonn~, permet de r~duire les tensions de la couche octa6drique. Cette aptitude se traduit par l 'existence d 'un 6quivalent nickelif6re ~t la lizardite, la n6pouite (Maksimovic, 1973) et d 'une solution solide entre les p61es magn6sien et nickelif6re d 'une s6rie (Mg,Ni)3Si2Os(OH)4 (Springer, 1974).

Ces substitutions entre cations de transit ion ont des cons6quences importantes sur leur environnement anionique, qu'il est particuli6rement commode d '&udier par spectrom&rie visible et infrarouge proche, avec l 'appui de la th6orie du champ cristallin (Wey et aL,

1968). Le but de ce travail est donc de d6finir soigneusement l 'environnement de Ni 2+ et de Fe 2+

dans la lizardite, en particulier la sym&rie des sites et les distances m&al- l igands .

T E C H N I Q U E S E X P E R I M E N T A L E S

Le spectrophotom&re utilis~ est un Cary 17D, muni de son accessoire ~ sphere int~gratrice pour mesurer la r6flectance diffuse.

Le principe en est assez simple: le faisceau de lumi~re monochromat ique produit par un syst~me ~t double r6seau est projet~ alternativement ~ la fr~quence de 30 Hz sur l '~chantillon et sur un ~talon. Les r~flexions diffuses multidirectionnelles du faisceau incident ayant frapp~ l '~chantillon puis r~talon, sont collect~es dans la sphere int~gratrice (recouverte int~rieurement de BaSO4) et capt6es alternativement par le d&ecteur. La

Page 4: CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI

380 B. D. Cervelle et M. Maquet

th6orie de Kubelka et Munk, expliqu6e et simplifi6e pour ses applications fi la spectrom6trie des poudres par Kort/im (1969), permet de relier de mani&e simple l'absorbance A e t la r~flectance diffuse Rd. Ainsi, l'appareil fournit directement un spectre d'absorbance:

Rd (6chantillon) A -- -- log 10

Rd (&alon)

Les spectres ont ~t6 enregistr6s de 29 000 fi 4000 cm -1 (340 fi 2500 nm) sur des poudres de granulom6trie inf6rieure/i 100/zm, par rapport ~i un 6talon de blanc absolu de BaSO 4 compress6 (Eastman White Reflectance Standard).

Afin d'individualiser les bandes d'absorption composant chaque spectre, nous avons effectu~ sa d6composition en composantes gaussiennes. Dans ce but, nous avons suppos6 qu'un spectre r6sultait d'une somme de bandes d'absorption 616mentaires de forme gaussienne superpos6es A un 'fond continu' qui, dans le cas d'un spectre visible et IR proche, peut ~tre consid6r6 comme une droite de pente connue, repr~sentant le flanc tr6s raide d'une bande de transfert de charge centr6e dans I'UV. La d6composition consiste donc fi superposer au spectre r6el un spectre fictif, somme de composantes gaussiennes, dont le nombre et les positions sont bas6s sur les caract&istiques (maxima, 6paulements) du spectre exp&imental num6ris6.

Les calculs ont 6t6 effectu6s avec un petit ordinateur. L'accord entre le spectre fictif et le spectre exp6rimental est obtenu sur une console de visualisation en jouant sur les param6tres des gaussiennes. La qualit6 de la simulation est traduite par un nombre r6siduel, le plus petit possible, fournissant la somme des carr6s des distances du spectre exp6rimental au spectre fictif.

Les lizardites naturelles 6tudi6es proviennent des serpentines nickelif6res de Nouvelle Cal6donie (Maquet et aL, 1981). Elles ont 6t6 contr61~es aux rayons X (chambre Guinier-de Wolf) et analys~es sur des produits secs (titrim&rie, colorim&rie, absorption atomique). Leur composition chimique est fournie avant chaque description de spectre.

L I Z A R D I T E F E R R I F E R E

L'analyse chimique de la lizardite ferrif&e 6tudi6e a fourni les pourcentages pond6raux suivants: Fe 5.43; Ni 0.26; Cr 0.08; MgO 38.2; MnO 0.10; AI20 3 0.42; SiO 2 37.3; H20 18.2 correspondant globalement ~ la formule en 616ments majeurs Mg2.sFe0.2Si2Os(OH)a.

Le spectre de cette lizardite est repr6sent6 sur la Fig. 2 pour la partie infrarouge proche, et sur la Fig. 3 pour la partie visible, off il est compar6 ~i celui de l'olivine.

Description du spectre d'absorption de lizardite h Fe 2+

lnfrarouge proche. Entre 7000 et 17 000 cm 1 (1500 et 600 nm), la d6composition en composantes gaussiennes (Fig. 2b) montre que le spectre r6sulte du recouvrement d'au moins 4 bandes d'absorption dont les caract&istiques sont pr6sent6es au Tableau 2. Pour plus de clart6, des bandes tr6s fines, attribuables aux vibrations des groupements (OH) situ6es vers 7410 cm i (1400 nm), ont &6 soustraites de tous les spectres d'absorption. L'&ude des groupements hydroxyles des serpentines feront l'objet d'une autre publication.

Visible. La Fig. 3 pr6sente le spectre de lizardite entre 29 000 et 17 000 cm i (340 ~ 600 nm); on y observe plusieurs bandes &roites peu intenses et des 6paulements plae6s sur le flanc basse 6nergie d'une bande de transfert de charge 02- -~ Fe 2+.

Page 5: CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI

(a)

c

o 21 <

Cristallochimie de lizardites Fe-Ni

645 755 913 1150

I I I I

,tnm

381

(b)

/

t 5 1 0 •

FIG. 2. Spectre d'absorption infrarouge proche de lizardite ferrif~re. (a) Spectre. (b) D6com- position de ce spectre en quatre bandes ~l~mentaires, suppos~es gaussiennes, dont les carac-

t6ristiques sont donn6es au Tableau 2.

Discussion

L'action du champ cristallin sur les niveaux d'~nergie de l'ion Fe 2+ darts deux sites octa6driques M 1 et M 2 (par exemple dans l'olivine) permet de pr~voir trois transitions ~lectroniques autoris~es, intenses (Marfunin, 1979) (Fig. 4). Ainsi, et par analogie avec l'interpr6tation de Kliem & Lehmann (1979) du spectre de biotite, on peut admettre que les trois bandes intenses observ6es dans l'infrarouge proche sur le spectre de lizardite ferrif~re sont provoqu6es par les transitions de Fe z+ dans les deux sites octa6driques M 1 et M 2 que nous proposons 6galement pour cette serpentine. On consid~re g6n6ralement (Marfunin, 1979) que des bandes d'absorption provoqu+es par les transitions ~ partir du niveau de base vers les niveaux excit6s issus d 'un m~me &at d~g~n6r~ sont d'~gale largeur ~t mi-hauteur. Les bandes centr6es ~t 13 250 cm -1 (755 nm) et fi 8675 cm -1 (1150 nm) repr~sentent donc des transitions vers les deux &ats excites de haute ~nergie de Fe 2§ localis6 dans un site M1, soit:

5A 1 --' 5A l(Eg) 13 250 cm -1 = 755 nm 5A 1 --' 5B1 8675 cm -1 = 1150 nm.

Page 6: CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI

382 B. D. Cervelle et M. Maquet

25 2 0 15 x 1 0 3 c m 1

I I I D

Olivine

Lizardi te

I J I I I I i I I L t J I J t I ~ I 4 0 0 5 0 0 6 0 0 7 0 0 nm

FIG. 3. Spectre d'absorption dans le visible de lizardite ferrif6re, compar6 fi celui d'une olivine. 2+ Les bandes de faible intensit~ sont dues/~ des transitions interdites de Fe .

TABLEAU 2. Caract6ristiques des bandes d'absorption dans le proche infrarouge d'une lizardite ferrif6re. Ces bandes dbcoulent de la d6composition du spectre en composantes bl6mentaires de forme

gaussienne.

Bandes intenses Bandes faibles

cm -1 13 250 10 950 8675 15 500 Positions nm 755 913 1150 645

Largeur fi 2625 1950 2625 mi-hauteur cm -~

L '6car t observ6 entre les m a x i m u m des deux bandes d ' abso rp t ion est de 4575 cm -~,

va leur compat ib le avec ce qui est pr6vu (Marfunin, 1979) pour un site de sym&rie

inf6rieure fi la sym&rie quadra t ique , et dans lequel les dis tances m&al- l igands ne sont pas

t rop dispers6es. N o u s accep te rons donc la sym6trie C2v pour M 1, qui se d6crit c o m m e un

octa6dre o r t h o r h o m b i q u e non d6form6. La troisi6me bande fi 10 950 cm -~ (913 nm) est

Page 7: CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI

Cristallochimie de lizardites Fe-Ni

5A 1

383

- - S E o SE

SD

m

- - S T 2 g

bB 1

----•i I - - - - - ~ 5 B 2

ION LIBRE O h C3v site M 2 C2v (C2") site M 1

FIG. 4. D6composition du terme 5D de Fe 2+. A gauche: en site octa~drique de symetrie Oh; au milieu: en site M 2 rhombo+drique de sym&rie C3,,; ~t droite: en site M I monoclinique C2,.

attribuable ~t la transition 5A lg ~ 5E(Eg) de Fe 2+ dans le site M 2. La largeur observ6e (1950 cm -1) pour cette bande est plus 61ev6e que ce qui est pr6vu (1400-1800 cm -1) pour un site rhombo6drique id6al. Nous en concluons que le site M 2 de Fe 2+ est un octa6dre rhombo6drique, de sym&rie C3v, avec une certaine distortion, provoquant un 61argissement de la bande correspondante.

Sur la Fig. 3, on a compar6 le spectre visible de la lizardite ferrif6re fi celui d'une olivine typique. Pour celle-ci, on sait qu'aux bandes intenses li6es ~ la transition entre les termes de m~me multiplicit6 5Tzg ~ 5E~, s'ajoutent de nombreuses transitions interdites entre le niveau 5T2g et des niveaux de multiplicit6 inf6rieure. La position de ces niveaux d6pend principalement du param6tre B de Racah (Marfunin, 1979) lid au degr6 de covalence du site. La similitude des spectres de lizardite ferrif6re et d'olivine nous autorise, en l'absence de Mn et de Cr, fi attribuer les bandes observ6es pour la lizardite aux transitions interdites de Fe 2+ (Burns, 1970), y compris la bande ~t 15 500 cm -1 (645 nm). On note, cependant, par rapport ~t l'olivine, un d6placement des bandes vers l'ultraviolet et leur affaiblissement. On peut interpr6ter ces deux diff6rences par leur d6pendance, vis ~ vis du param&re de Racah, des niveaux impliqu6s dans ces transitions. Ainsi, dans la lizardite ferrif6re (i) l'augmentation d'6nergie des transitions peut provenir d'une covalence plus dlevde du site (d6placement vers l'ultraviolet), (ii) la baisse d'intensit6 des transitions peut provenir, cornme dans le cas des verres (Calas, 1980), d'une mauvais ordre h moyenne distance des cations du phyllosilicate (affaiblissernent des bandes).

L I Z A R D I T E N I C K E L I F E R E

L'analyse chimique de la lizardite nickelif6re 6tudi6e a fourni les pourcentages pond6raux suivants: Fe 0.55; Ni 37.38; MgO 4.47; A120 3 1.43; SiO 2 32.6; H 2 0 19.5. En ne prenant en compte que les 616merits majeurs, cette composition correspond ~i la formule globale suivante: Mgo.TNi2. 3 Si20 5 (OH)4.

Page 8: CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI

384 B. D. Cervelle et M. Maquet

Description du spectre de lizardite & N# +

Le spectre de lizardite nickelif~re, proche du p61e n~pouite, est reproduit sur la Fig. 5a. I1 comprend trois maxima, centr~s vers 26 000 cm -1 (380 nm), 15 000 cm -1 (670 nm) et 9000 cm -1 ( 1 1 0 0 nm). On remarque des ~paulements sur les flancs de ces bandes qui sugg~rent qu'elles sont compos6es de plusieurs bandes se recouvrant partiellement. La d6composition en gaussiennes (Fig. 5b) montre en effet six composantes intenses et une septi6me faible. Les caract~ristiques de ces absorptions sont donn~es dans le Tabeau 3.

Discussion

Lakshman & Reddy (1973), ont affirm6 que le nickel, dans des serpentines nickelif~res (garni~rites), &ait en site t&ra~drique et divalent. Faye (1974) rejette cette interpr&ation et montre que Ni 2+ est en site octa~drique, avec les param&res suivants:

Intensit~ du champ cristallin A = 9100 cm -I Param&re de Racah B = 947 cm -1.

(a)

I

500 1000 1500 rim

(b)

,' ' , ' , / , ' , ' ', I , , \ / %%~ %%% i I i l l / k ~}(I ii I "~\ I,\

' / " ' I ' " ' ' T r" , , - - I I , \ , i ~ ' - I ~ ~ ' ' ~ '~ 25 20 15 10 ~,i 03 cm i

F]G. 5, Spectre d'absorption visible et proche infrarouge de lizardite nickelif+re. (a) Spectre. (b) D~composition du spectre en sept composantes gaussiennes 61~mentaires, dont les carac-

t+ristiques sont fournies au Tableau 3.

Page 9: CRISTALLOCHIMIE DES LIZARDITES SUBSTITUEES MG-Fz-NI

Cristallochimie de lizardites Fe-Ni 385

TABLEAU 3. Caract6ristiques des bandes d'absorption dans le visible et le proche infrarouge d'une lizardite tr6s nickelif6re (proche du p61e n6pouite). Ces bandes d6coulent de la d6composition du spectre en composantes

616mentaires de forme gaussienne.

Bandesintenses Bandefaible

cm i 26 700 23 810 16000 13 675 9900 8425 14 975 Positions nm 375 420 625 731 1010 1187 668

Largeur fi mi-hauteur 3500 3500 2125 2125 2000 2000 1250

Ceci permet fi Faye d'estimer fi 2.01 A la distance moyenne m6tal-ligand dans le site octa6drique du chrysotile.

Cette distance parait faible, Wicks & Whittaker (1975) ayant montr6 par rayons X qu'elle est de 2 .06/k. De plus, le site octa6drique le plus petit connu, pour les serpentines, est celui de l'am6site (Wicks & Whittaker, 1975), avec 2.04/k, valeur qui n'est atteinte que pour une substitution massive d'aluminium dans les deux couches du feuillet 616mentaire. Notons enfin que la valeur obtenue par Faye pour le param&re B est un peu 61ev6e, par rapport fi celle que l'on connalt pour NF +dans d'autres silicates:

Olivine Site Ma: Site M 2:

Diopside:

B = 900 cm -1 (Wood, 1974) B = 882 cm -1 (Wood, 1974) B = 810 cm ~ (White etal., 1971).

Ces 16gers defauts dans les conclusions de Faye nous permettent de formuler trois hypoth6ses concernant la sym~trie du site octabdrique de Ni 2+ dans la lizardite: (i) ou bien Ni 2+ est dans un site octa6drique parfait; (ii) ou bien Ni 2+ se place dans deux sites octa6driques parfaits, mais diff&ents; (iii) ou bien Ni 2+ est darts un site octa~drique d6form6. Le spectre de lizardite nickelif6re peut s'interpr6ter fi la lumi6re de ces trois hypoth6ses.

lore hypothOse: un seul site oeta~drique parfait. Les conclusions de Low (1958) permettent de pr6voir, dans ce cas de figure, trois transitions autoris6es et quatre transitions de spin interdites, soit trois bandes d'absorption intenses et quatre faibles. Or nous observons sur le spectre (Fig. 5) six bandes intenses, dont deux ~t 9900 et 8425 cm -1 (1010 et 1187 nm), alors qu'une seule transition est pr6vue par Low dans ce domaine d'6nergie. Cette hypoth~se doit ~tre 6cart6e.

2~me hypothOse: deux sites oetaddriques parfaits, Ae t B. Dans ce cas, off les sites A e t B seraient les 6quivalents des sites M 1 et M 2 d6terminbs dans la lizardite ferrif~re, six transitions d'intensit6s voisines sont pr6visibles, ce qui est clair sur le spectre de la lizardite nickelif6re. Les calculs de champ cristallin A pour les sites A e t B suppos6s conduisent fi des r6sultats compatibles avec la position des bandes effectivement observ6es: A(A) = 9900 cm -a et A(B) = 8425 cm -1. Mais il faut abandonner cette hypoth6se pour des raisons structurales. En effet, on sait que le champ crystallin A est inversement proportionnel fi ?5, off ? est la distance moyenne m~tal-ligand dans le site consid6r6 (Figgis, 1966). En prenant comme r6f+rence MgO dop6 au nickel, pour lequel les param&res suivants sont connus: A = 8600 cm -1 (Low, 1958) et ? = 2.10 A (Bragg & Claringbull, 1965), on calcule ais6ment, b. partir de A(A) et A(B), une distance moyenne de ?(A) = 1.92 A e t ?(B) = 2.10 A.

Cette diff&ence de taille entre les sites A et B envisag6s, jointe au fait que, dans cette

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386 B. D. Cervelle et M. Maquet

hypoth~se, la sym~trie octa6drique et suppos6e parfaite, implique und couche octa~drique encore plus d~form~e que dans le cas de la lizardite ferrif+re, dont nous avons montr~ qu'elle 6tait d+j& & la limite de l'ajustement. Cette deuxi6me hypoth+se ne semble done pas r~aliste.

3bme hypothbse: un seul site octa~drique d~form& Darts cette hypotb.~se, si l 'on regarde la couche octa+drique suivant l'axe e (Fig. 1), on imagine ais6ment une sym+trie rhombo6drique (C3~) pour un site octa+drique unique, l'axe ternaire parall+le & e passant par Mg 2+ et les miroirs parall61es ~t e passant par Mg z+ et les O,OH.

Dans cette sym&rie, la d~g~n6rescence des niveaux est partiellement levee, conduisant ~i six niveaux excites, compatibles avec le spectre de la lizardite nickelif~re (Fig. 5). Les niveaux d'~nergie de Ni ~+ dans cette configuration de sym&rie C3, sont repr~sent~s sur la Fig. 6.

25 7 4 0 3T - -

26 7 0 0

23 8 1 0

1 D

3 F

/ /

f \ \ \ \ \ \ \

\ \ \

/ /

/ /

/

I

I

15 2 2 5

9 4 1 0

1 6 0 0 0

L 3A2g

a b c

FIG. 6. Action du champ cristallin sur Ni 2+, (a) Ion libre. (b) En site octa~drique de sym~trie O h. (c) En site rhombo6drique de sym~trie C3v. Les transitions observ~es sur le spectre de lizardite nickelif6re (Fig. 5b) sont report6es en (c) sur ce diagramme ( autoris6es; - - - interdites),

ainsi que les ~nergies correspondantes (en cm-~).

14 9 7 5

I 1E9 ~ I 1 3 6 7 5

r I I I I I I 990O

3T2g - - - - ~ - - . . . . - - I

I 8 4 2 5

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Cristallochimie de lizardites Fe-Ni 387

En appliquant la r~gle du barycentre, on peut calculer les ~nergies th6oriques des diff+rents niveaux. Les valeurs obtenues indiqu6es (Fig. 6) sont en bon accord avec les valeurs observ6es pour les bandes intenses (Tableau 3). I1 reste ~ attribuer la bande de faible intensit6 centr~e ~ 14 975 cm -~ (668 nm). Dans notre hypoth6se, elle s'explique bien, en utilisant le diagramme de Tanabe-Sugano publi+ par Berkes (1968) et la valeur trouv+e pour le champ cristallin A = 9410 cm -~ relatif ~ cette bande: elle d6coule d'une transition interdite de spin 3/12 ~ 1E(D). En effet en sym&rie C3v, le niveau ~E(D) n'est pas d6compos6, et l'intensifieation de cette transition interdite est due ~ un m~lange partiel des ba ts 3Tlg (F) et lEg(D) qui sont tr6s proches en 6nergie pour le A consid6r& La sym&rie C3v convient donc pour l'unique site octa6drique d6form6 de Ni 2+ dans la lizardite nickelif6re.

Comme pr6cedemment, on peut calculer, ~ partir de A = 9410 cm -1, la distance moyenne m&al-ligands: ? = 2.06 A. Cette valeur est en accord avec les r6sultats radiocristallographiques de Wicks & Whittaker (1975).

Recherche d'une confirmation radiocristallographique

Des diagrammes de rayons X (chambre Guinier de Wolf) ont 6t~ tr+s soigneusement r~alis~s sur les lizardites ferrif~re et nickelif~re ~tudi~es. De la comparaison des deux diagrammes il ressort: (i) que, dans les deux cas, la distance des plans (020), soit b/2, reste identique: d02 o = 4.60 A ~ b = 9.20 A. La distance Mg-Mg vaut b/3 = 3.07 A, (ii) par contre, les distances des plans (002), soit c/2, different l~g~rement:

lizardite Fe2+: d002 = 3.65 A --, c = 7.30 A lizardite Ni2+: d002 = 3.63 A --, c = 7.26 A.

La diff6rence entre les param&res c des deux lizardites substitu6es est de 0.04 A. Si l'on admet que cette diff6rence ne se r6percute que sur l'epaisseur de la couche

d'octa6dres, on en d6duit que celle-ci passe de 2.20 A ~t 2.16 A. On obtient donc pour la distance moyenne m&al-ligand dans le site de sym6trie C3v du nickel une valeur r = 2.07 A tr6s proche de celle calcul6e, 2.06 A, ~ partir de l'6nergie du site.

L I Z A R D I T E B I - S U B S T I T U E E F E 2 + - N I 2§

Nous avons montr6 que Fe 2+ se r6partit dans deux sites M 1 et M 2 non 6quivalents de la couche octa6drique d'une lizardite ferrif6re, alors que la substitution de Mg 2+ par Ni 2§ se traduit par une d6formation d'un site octa6drique unique dans une fizardite nickelif6re. I1 reste fi &udier ce qui se passe quand Fe 2+ et Ni 2+ simultandment remplacent Mg 2+.

Trois lizardites bisubstitu6es ont 66 analys6es, donnant les formules globales suivantes:

LIZ. A: Mg2.93Feo.osNio.o2Si2Os(OH)4 LIZ. B: MgE.91Feo.oaNio.06Si2Os(OH)4 LIZ. C: Mgz.a4Feo.oENio.04SiEOs(OH) 4.

Les spectres d,absorption visible et proche infrarouge de ces 6chantillons naturels, provenant des minerais de Nouvelle Cal6donie, sont pr6sent6s sur la Fig. 7.

Description des spectres

Sur la Fig. 7, on constate que la pr6sence di Ni 2+ se traduit, pour les lizardites contenant

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388 B. D. Cervelle et M. Maquet

25

o

2 0 15 10

I I I

5 0 0 1 0 0 0

x l O a cm 1

Lizardite Fe

-...<

kizardlte Ni

.

1 5 0 0 nm

FIG. 7. Spectres d'absorption visible et proche infrarouge de lizardites bisubstitu6es ferrif+re et nickelif~re. De haut en bas, la teneur en fer diminue. La presence deNi 2+ se traduit par l'apparition d'une bande & 660 nm (15 150 cm-1). La presence de Fe 2§ est marquee par une

bande ~ 910 nm (10 950 cm-1).

aussi Fe 2+, par l 'appari t ion d 'une bande suppl~mentaire fi 15 150 cm -1 (660 nm). D 'aut re part , la bande ~, 26 000 cm -1 (380 nm), bien r~solue sur le spectre de lizardite nickelif~re, est masqu6e sur les spectres de lizardite (Fe,Ni) par la bande de transfert de charge O 2- ~ F C +. On note enfin que la fen&re de transmission plac~e vers 19 230 cm -1 (520 nm) et responsable de la couleur verte de la lizardite Ni, se d~cale vers 17 850-17 240 cm -1 (560-580 nm) pour les lizardites (Fe,Ni) d'ot~ leur couleur vert-jaune.

Discussion

Le flanc de la bande de transfert de charge rend difficile l ' interpr&ation de ces spectres entre 27 000 et 18 000 cm -1 (360 et 560 nm). Par contre, entre 18 000 et 5000 cm (560-2000 nm), les positions respectives du fer et du nickel sont rep6rables.

Position de Fe 2+. Sur la Fig. 7, on constate que lorsque la teneur en fer d~cro~t, l 'intensit6 de la bande fi 10 950 cm -1 (910 nm), attribuable fi Fe z+ en site m2, diminue, puis dispara~t lorsque Fe <2% environ. Ceci s'explique du point de vue du champ cristallin: Fe 2+ doit

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Cristallochimie de lizardites F e - N i 389

peupler en priorit6 les sites M 1, off il acquiert une 6nergie de stabilisation plus 6levee (Burns, 1969). On peut donc proposer le processus progressif de peuplement par Fe z+ des sites M~ puis M z dans une lizardite: (i) pour Fe z+ en faible teneur (<2%), ce cation se place en site M1; (ii) lorsque la teneur en Fe z+ devient plus importante, le peuplement ionique du site M 1 provoque un trop grand d~s~quilibre de la structure, ce qui n6cessite le report de Fe 2+ sur le site M2; ainsi, pour F e 2 + ~ 4%, Fe 2+ se r~partit entre M~ et M 2. Ce processus est compatible avec les differences de rayons ioniques: Fe z+, plus encombrant que Mg z+, pr+f+rera M1 oti il se trouve en position centrale, alors qu'il se trouverait tr+s d~centr~ dans le site M 2 que nous avons montr6 ~tre d6form&

Position de N i 2+. Sur la Fig. 7, on constate que l'influence du fer est la plus faible sur le spectre de lizardite LIZ. C. L'absence de bande/t 10 950 cm -~ (910 nm) indique que seul le site M~ (octa~dre orthorhombique) est occup6 par le fer. Le spectre de LIZ. C est tr~s voisin de celui de la lizardite purement nickelif~re, mais il pr~sente un d~placement (520 570 nm) de ses bandes vers des ~nergies plus faibles. La similitude de ces spectres implique que la sym~trie de l 'environnement du nickel dans la lizardite Fe + Ni est la m~me que dans la lizardite Ni, c'est-fi-dire C3~ (octa~dre rhombo6drique). Par cons6quent, Ni z+ occupe le site M 2.

Le d6placement des bandes vers des ~nergies plus faibles traduit l 'augmentation de la taille du site, dans une lizardite Fe + Ni, par rapport fi ce que l'on observe dans la lizardite Ni 2+ (dans t ous l e s cas, c'est Mg 2+ qui d+finit la structure): le diagramme d'6nergie de Ni 2+ de la lizardite bisubstitu6e, est pr~sent~ sur la Fig. 8, diagramme incomplet du fait du recouvrement partiel du spectre par la bande de transfert de charge O z- ~ Fe 2+. I1 permet cependant de calculer l'~nergie du site du nickel, soit A = 9200 cm-L Cette valeur, plus faible que celle de Ni ~+ dans une lizardite g Ni seul, confirme que le site du nickel est plus grand en presence de fer (A ~ 1/rS).

Au plan structural, Ni 2+, plus petit que Mg z+, peut occuper dans M z une position plus

/ - - - - /

/ /

/ /

/

~--.. \ \ \ \ \ \ \ \

\ \

\

\ \ \

/ j / /

I I

~ t I I I J I

+ 9 2 0 0 cm 1 I

I I

I I

- - 3 E 15 4 2 5 cm 1

IE 14 125 cm 1

3A 2 13 075 cm

3E 9 6 5 0 cm -~

8 3 2 5 cm 1

FiG. 8. Diagramme d'+nergie partiel pour Ni 2+ dans lizardite ferrif6re et nickelif+re (site octa~drique de symetrie C3~ ). Ce diagramme est incomplet du fait du recouvrement partiel du

spectre par le bande de transfert de charge 02 ~ Fe z+.

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390 B. D. Cerve l l e et M . M a q u e t

rapproch6e du centre de la couche octa6drique, contribuant ainsi ~i r6duire le gauchissement du plan des cations dans cette couche.

Ce fait, 1i6/~ la plus grande 6nergie de stabilisation du nickel dans la lizardite, explique son affinit6 pour ce min6ral et permet de comprendre les processus de sa concentration dans les formations lat6ritiques nickelif6res.

C O N C L U S I O N

L'examen d6taill6 de la structure de la lizardite nous a conduit ~i consid6rer l'existence de deux sites hexacoordonn6s M~ et M 2 non 6quivalents darts la couche octa6drique du feuillet serpentineux. L'6tude des spectres d'absorption optique de lizardites de compositions chimiques vari6es a fourni les r6sultats suivants:

1. I.~ site M~ a la sym6trie C2,,: octa6dre orthorhombique. 2. Le site M 2 a la sym6trie C3,,: octa+dre rhombo6drique. 3. Fe 2+ est hexacoordonn6, et occupe les deux sites M~ et M 2 si sa teneur est sup6rieure

~i environ 2%. Pour une teneur inf6rieure, Fe 2+ n'occupe que M r 4. Dans une lizardite Mg + Fe + Ni, Ni 2+ est hexacoordonn6 et occupe le site M 2. Ce

site du nickel est plus grand en pr6sence de Fe z+, que lorsque le nickel y est seul (n6pouite). Ni 2' y occupe une position plus rapproch6e du centre de la couche octa6drique que

Mg 2+, ce qui contribue a reduire la flexion du plan des cations dans cette couche. 5. Darts une lizardite proche du p61e nickelif6re (n6pouite), il y a r6organisation de la

structure autour d 'un site hexacoordonn6 unique de sym&rie C~,,. Ce site est d6form6, et plus petit: distance moyenne m&al-ligand ~ = 2.06 A dans la n+pouite, ? = 2.11 A dans la lizardite magn6sienne sensu-s t r ic to . Cette r6duction de la taille du site ne peut se concevoir que par la r6duction de l'~paisseur de la couche octa+drique: 2.20 A (p61e Mg)/~ 2.16 A

(pfle Ni).

REMERCIEMENTS

Les 6chantillons ont 6t6 fournis par MM. Pelletier, Reibel et Troly de la Soci6t6 M6tallurgique Le Nickel (S.L.N.). Les analyses chimiques ont 6t6 conduites part M. C. Sichere et H. Vachcy, Laboratoire de Min6ralogie-Cristallographie de Paris VI. Le texte a 6te r6vis6 par G. Gouet, de ce m6me laboratoire. Que tous soient chaleureusement remercies.

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A B S T R A C T : Nickel- and iron-substituted lizardites--(Mg,Fe,Ni)~Si20~(OH)4--have been studied by diffuse reflectance spectroscopy (340-2500 nm) in order to determine the environ- ment of Mg 2+, Ni 2+ and Fe 2+ ions, in particular the symmetry of the sites and the metal-ligand distances. Two unequivalent six-coordinated sites, M~ and M2, are defined in the single octahedral layer. Interpretation of the absorption spectra of Fe 2+ and Ni 2+ in various lizardites using crystal field theory indicates that: 1. The M1 site is an orthorhombic octahedron (symmetry C2v ). 2. The M 2 site is a rhombohedral octahedron (symmetry C3~). 3. The six-coordinated Fe 2+ ion occupies both sites when it becomes a major component (>2% by weight); if present in smaller amount, Fe 2+ occupies only the M~ site. 4. In a (Fe + Ni)-substituted lizardite the six-coordinated Ni 2+ ion occupies the M 2 site. This site is larger when the lizardite contains some iron than when only nickel is present (nepouite). Ni 2+ in the M 2 site occupies a more central position than does Mg 2+ in the lizardite sensu stricto. This contributes to a reduc- tion in buckling of the cation plane in the layer. 5. In a nickeliferous lizardite (nepouite) the structure is reorganized around a single six-coordinated site of C3v symmetry; this site is deformed and smaller. The metal-ligand mean distance is r 2.06 A in the nepouite, compared to r = 2.11 A in the lizardite s.s. The reduction in size of the site leads to a thinning of the octahedral layer from 2.20 A (Mg-end) to 2.16 A (Ni-end).

K U R Z R E F E R A T : Von nickel- und eisensubstituierten Lizarditen - - (Mg,Fe,Ni)aSi2Os(OH) 4 - - wurden Remissionsspektren (340-2500 nm) aufgenommen, um die Umgebung von Mg~_ +, Ni 2+ und Fe2+-Ionen im Gitter zu untersuchen, wobei die Symmetrie der Bindungspositionen und die Abst~inde zwischen Metall und Liganden im Vordergrund standen. Im einfachen oktaedrischen Gitter wurden zwei nicht ~iquivalente, sechsfach koordinierte Pl~itze M 1 und M 2 definiert. Die Interpretation der Absorptions-spektren von Fe 2+ und Ni 2+ in unterschiedlichen Lizarditen mit Hilfe der Kristallfeld-Theorie weisen auf folgendes hin: (1) Die M~-Position ist ein orthorhombisches Oktaeder (Symmetric C2v); (2) die M2-Position ist ein rhombisches Oktaeder (C3v); (3) das sechsfach koordinierte Fe~+-Ion besetzt beide Positionen, wenn es einen Gewichtsanteil von fiber 2% ausmacht. Anderenfalls besetzt es nur MI-Pl~itze. (4) In einem (Fe,Ni)-substituierten Lizardit besetzt das Ni 2§ in Sechserkoordination die M2-Position. Wenn der Lizardit etwas Eisen enth~ilt, ist dieser Platz gr613er, als wenn nur Ni vorhanden is t (Nepouit). Ni 2§ auf M2-Pl~itzen hat eine mehr zentrale Position inne als Mg 2§ im Lizardit (im engeren Sinn). Dies tr~igt zu einer Gl~ittung der Ebene der Kationenlagen bei.

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392 B. D. Cervelle et M. M a q u e t

(5) In einem nickelhaltigen Lizardit (Nepouit) baut sich die Struktur um eine einzelne, sechsfach koordinierte Position mit C3v-Symmetrie auf. Diese Position ist deformiert und kleiner. Der mittlere Metall-Liganden-Abstand ist im Nepouit r 2.06 A, im eigentlichen Lizardit r = 2.11 A. Die Verringerung dieses Abstandes ffihrt zu einer Schrumpfung der Oktaederschicht von 2.20 A (Mg-Endglied) auf2.16 A (Ni Endglied).

R E S U M E N : Se han estudiado, por espectroscopia de reflectancia difusa, (340-2500mm) una serie de Lizarditas (Si2Os(OH4)(Mg,Fe,Ni) con sustituciones de Mg por Ni +2 y Fe +2, con el objeto de determinar el entorno de estos iones, particularmente su simetria y las distancias metal-ligando. Se han encontrado dos posiciones exacoordinadas no-equivalentes, M 1 y M2, en la capa octa6drica, la interpretacidn de los espectros del Fe +2 y Ni +2 en varias lizarditas, aplicando la teoria del campo cristalino indica que: 1. La posicion M 1 es un octaedro ortordmbico (simetria Czv ). 2. La posicidn M 2 es un octaedro rombo6drico (simetria C3v ). 3. E1 Fe +2 exacoordinado ocupa ambas posiciones cuando pasa a ser un componente mayoritario (2% en peso). En caso contrario, el Fe +2 ocupa sdlo la posicidn M v 4. En una lizardita sustituida (Fe + Ni), el idn Ni +2 exacoordinado ocupa la posicidn M 2. Este hueco es mis grande cuando la lizardita contiene algunos fitomos de hierro que cuando sdlo contiene niquel (neponita). E1 Ni +2 en el hueco M 2 ocupa una posicion mils c6ntrica que el Mg +2 en la lizardita, sensu stricto. Esto se traduce a una deformacidn del plano del catidn en la limina. 5. En una lizardita niquelifera (neponita), la estructura se reorganiza alrededor de una flnica posicidn exacoordinada de simetria C3v. Este hueco es mils pequefio y deformado. La distancia media metal-ligando es r = 2.06 A en la neponita, comparado con el valor r = 2.11 A en la lizardita s.s. la disminucidn del tamafio de los huecos conduce a un adelgazamiento de la capa octa+drica desde 2.2 ./~ para el t~rmino Mg hasta 2.16/k para el t~rmino Ni.