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VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON 1
FACULTE DE PHARMACIE
INSTITUT DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES
2013 THESE n° 97
T H E S E
pour le DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE
présentée et soutenue publiquement le 5 juillet 2013
par
Mme VAILLANT Amélie
Née le 23 novembre 1987
à Ste Catherine Les Arras
*****
MISE EN PLACE DU DEPISTAGE ORGANISE DU CANCER DU
SEIN EN FRANCE : ENJEUX, ETHIQUE ET RAPPORT
BENEFICES/RISQUES
*****
JURY
M. ZIMMER Luc, Professeur des Universités - Praticien Hospitalier
Mme MOYRET-LALLE Caroline, Maître de Conférences des Universités
M. CATALA Olivier, Pharmacien officinal, Professeur associé
M. MATHIEU Damien, Pharmacien officinal
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
2
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON 1
FACULTE DE PHARMACIE
INSTITUT DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES
2013 THESE n° 97
T H E S E
pour le DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE
présentée et soutenue publiquement le 5 juillet 2013
par
Mme VAILLANT Amélie
Née le 23 novembre 1987
à Ste Catherine Les Arras
*****
MISE EN PLACE DU DEPISTAGE ORGANISE DU CANCER DU
SEIN EN FRANCE : ENJEUX, ETHIQUE ET RAPPORT
BENEFICES/RISQUES
*****
JURY
M. ZIMMER Luc, Professeur des Universités - Praticien Hospitalier
Mme MOYRET-LALLE Caroline, Maître de Conférences des Universités
M. CATALA Olivier, Pharmacien officinal, Professeur associé
M. MATHIEU Damien, Pharmacien officinal
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3
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1
Président de l’Université M. François-Noël GILLY
Vice-Président du Conseil d’Administration M. Hamda BEN HADID
Vice-Président du Conseil Scientifique M. Germain GILLET
Vice-Président du Conseil des Etudes et de la Vie Universitaire M. Philippe LALLE
Composantes de l’Université Claude Bernard Lyon 1
SANTE
UFR de Médecine Lyon Est Directeur : M. Jérôme ETIENNE
UFR de Médecine Lyon Sud Charles Mérieux Directeur : Mme Carole BURILLON
Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Directrice : Mme Christine VINCIGUERRA
UFR d'Odontologie Directeur : M. Denis BOURGEOIS
Institut des Techniques de Réadaptation Directeur : M. Yves MATILLON
Département de formation et centre de recherche en Biologie Humaine Directeur : M. Pierre FARGE
SCIENCES ET TECHNOLOGIES
Faculté des Sciences et Technologies Directeur : M. Fabien DE MARCHI
UFR de Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) Directeur : M. Claude COLLIGNON Ecole Polytechnique Universitaire de Lyon (ex ISTIL) Directeur : M. Pascal FOURNIER I.U.T. LYON 1 Directeur : M. Christophe VITON
Institut des Sciences Financières et d'Assurance (ISFA) Directrice : Mme Véronique MAUME-DESCHAMPS I.U.F.M. Directeur : M. Alain MOUGNIOTTE
JANVIER 2013
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4
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON 1
ISPB -Faculté de Pharmacie Lyon Directrice : Madame la Professeure Christine VINCIGUERRA
Directeurs Adjoints : Madame S. BRIANCON, Monsieur P. LAWTON, Monsieur P. NEBOIS Madame S. SENTIS, Monsieur M. TOD
Directrice Administrative : Madame P. SILVEIRA
LISTE DES DEPARTEMENTS PEDAGOGIQUES
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DE SCIENCES PHYSICO-CHIMIQUE ET PHARMACIE GALENIQUE
CHIMIE ANALYTIQUE, GENERALE, PHYSIQUE ET MINERALE Monsieur Jean-François SABOT (Pr) Monsieur Alain BANNIER (MCU) Monsieur Philippe BERNARD (MCU) Madame Julie-Anne CHEMELLE (MCU) Monsieur Raphaël TERREUX (MCU – HDR) Monsieur Pierre TOULHOAT (Pr - PAST)
PHARMACIE GALENIQUE -COSMETOLOGIE Madame Stéphanie BRIANCON (Pr) Madame Françoise FALSON (Pr) Monsieur Hatem FESSI (Pr) Madame Joëlle BARDON (MCU - HDR) Madame Marie-Alexandrine BOLZINGER (MCU - HDR) Madame Sandrine BOURGEOIS (MCU) Madame Ghania HAMDI-DEGOBERT (MCU) Monsieur Plawen KIRILOV (MCU) Monsieur Fabrice PIROT (MCU - PH - HDR) Monsieur Patrice SEBERT (MCU - HDR)
BIOPHYSIQUE Monsieur Richard COHEN (PU – PH) Madame Laurence HEINRICH (MCU) Monsieur David KRYZA (MCU – PH) Madame Sophie LANCELOT (MCU - PH) Monsieur Cyril PAILLER-MATTEI (MCU)
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE PHARMACEUTIQUE DE SANTE PUBLIQUE
DROIT DE LA SANTE Monsieur François LOCHER (PU – PH) Madame Valérie SIRANYAN (MCU - HDR)
ECONOMIE DE LA SANTE Madame Nora FERDJAOUI MOUMJID (MCU - HDR) Monsieur Hans-Martin SPÄTH (MCU) Madame Carole SIANI (MCU – HDR)
INFORMATION ET DOCUMENTATION Monsieur Pascal BADOR (MCU - HDR)
HYGIENE, NUTRITION, HYDROLOGIE ET ENVIRONNEMENT Madame Joëlle GOUDABLE (PU – PH)
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DISPOSITIFS MEDICAUX
Monsieur Gilles AULAGNER (PU – PH) Monsieur Daniel HARTMANN (Pr)
QUALITOLOGIE – MANAGEMENT DE LA QUALITE Madame Alexandra CLAYER-MONTEMBAULT (MCU) Monsieur François COMET (MCU) Monsieur Vincent GROS (MCU PAST) Madame Pascale PREYNAT (MCU PAST)
MATHEMATIQUES – STATISTIQUES Madame Claire BARDEL-DANJEAN (MCU) Madame Marie-Aimée DRONNE (MCU) Madame Marie-Paule PAULTRE (MCU - HDR)
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE SCIENCES DU MEDICAMENT
CHIMIE ORGANIQUE Monsieur Pascal NEBOIS (Pr) Madame Nadia WALCHSHOFER (Pr) Monsieur Zouhair BOUAZIZ (MCU - HDR) Madame Christelle MARMINON (MCU) Madame Sylvie RADIX (MCU -HDR) Monsieur Luc ROCHEBLAVE (MCU - HDR)
CHIMIE THERAPEUTIQUE Monsieur Roland BARRET (Pr) Monsieur Marc LEBORGNE (Pr) Monsieur Laurent ETTOUATI (MCU - HDR) Monsieur Thierry LOMBERGET (MCU - HDR) Madame Marie-Emmanuelle MILLION (MCU)
BOTANIQUE ET PHARMACOGNOSIE Madame Marie-Geneviève DIJOUX-FRANCA (Pr) Madame Anne-Emmanuelle DE BETTIGNIES (MCU) Madame Isabelle KERZAON (MCU) Monsieur Serge MICHALET (MCU)
PHARMACIE CLINIQUE, PHARMACOCINETIQUE ET EVALUATION DU MEDICAMENT Madame Roselyne BOULIEU (PU – PH) Madame Magali BOLON-LARGER (MCU - PH) Madame Céline PRUNET-SPANO (MCU) Madame Catherine RIOUFOL (MCU - PH)
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DE PHARMACOLOGIE, PHYSIOLOGIE ET TOXICOLOGIE
TOXICOLOGIE Monsieur Jérôme GUITTON (PU – PH) Monsieur Bruno FOUILLET (MCU) Madame Léa PAYEN (MCU -HDR) Monsieur Sylvain GOUTELLE (AHU)
PHYSIOLOGIE Monsieur Christian BARRES (Pr) Monsieur Daniel BENZONI (Pr) Madame Kiao Ling LIU (MCU) Monsieur Ming LO (MCU - HDR)
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6
PHARMACOLOGIE Monsieur Bernard RENAUD (Pr) Monsieur Michel TOD (PU – PH) Monsieur Luc ZIMMER (PU – PH) Madame Bernadette ASTIER (MCU - HDR) Monsieur Roger BESANCON (MCU) Madame Evelyne CHANUT (MCU) Monsieur Nicola KUCZEWSKI (MCU) Madame Dominique MARCEL-CHATELAIN (MCU - HDR) Monsieur Olivier CATALA (Pr PAST) Monsieur Pascal THOLLOT (MCU PAST)
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DES SCIENCES BIOMEDICALES A
IMMUNOLOGIE Monsieur Jacques BIENVENU (PU – PH) Madame Cécile BALTER-VEYSSEYRE (MCU - HDR)
HEMATOLOGIE ET CYTOLOGIE Madame Christine TROUILLOT-VINCIGUERRA (PU - PH) Madame Brigitte DURAND (MCU - PH) Monsieur Olivier ROUALDES (AHU)
MICROBIOLOGIE ET MYCOLOGIE FONDAMENTALE ET APPLIQUEE AUX BIOTECHNOLOGIE INDUSTRIELLES
Monsieur Patrick BOIRON (Pr) Madame Ghislaine DESCOURS (AHU) Monsieur Jean FRENEY (PU – PH) Madame Florence MORFIN (PU – PH) Monsieur Didier BLAHA (MCU) Madame Anne DOLEANS JORDHEIM (MCU) Madame Emilie FROBERT (MCU - PH) Madame Véronica RODRIGUEZ-NAVA (MCU)
PARASITOLOGIE, MYCOLOGIE MEDICALE Madame Anne-Françoise PETAVY (Pr) Madame Nathalie ALLIOLI (MCU) Madame Samira AZZOUZ-MAACHE (MCU - HDR) Monsieur Philippe LAWTON (MCU - HDR)
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DES SCIENCES BIOMEDICALES B
BIOCHIMIE – BIOLOGIE MOLECULAIRE - BIOTECHNOLOGIE Madame Pascale COHEN (Pr) Monsieur Alain PUISIEUX (PU - PH) Monsieur Karim CHIKH (MCU - PH) Madame Carole FERRARO-PEYRET (MCU - PH) Madame Caroline MOYRET-LALLE (MCU – HDR) Madame Angélique MULARONI (MCU) Madame Stéphanie SENTIS (MCU) Monsieur Olivier MEURETTE (MCU) Monsieur Benoit DUMONT (AHU)
BIOLOGIE CELLULAIRE
Monsieur Michel PELANDAKIS (MCU - HDR)
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INSTITUT DE PHARMACIE INDUSTRIELLE DE LYON
Monsieur Philippe LAWTON (MCU - HDR) Madame Angélique MULARONI (MCU) Monsieur Patrice SEBERT (MCU – HDR) Madame Valérie VOIRON (MCU - PAST)
Assistants hospitalo-universitaires sur plusieurs départements pédagogiques
Madame Emilie BLOND Madame Christelle MOUCHOUX Madame Florence RANCHON
Attachés Temporaires d’Enseignement et de Recherche (ATER)
Monsieur Eyad AL MOUAZEN 85ème section Monsieur Boyan GRIGOROV 87ème section Madame Faiza LAREDJ 85ème section Monsieur Waël ZEINYEH 86ème section
Pr : Professeur PU-PH : Professeur des Universités, Praticien Hospitalier MCU : Maître de Conférences des Universités MCU-PH : Maître de Conférences des Universités, Praticien Hospitalier HDR : Habilitation à Diriger des Recherches AHU : Assistant Hospitalier Universitaire PAST : Personnel Associé Temps Partiel
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8
REMERCIEMENTS
Aux membres du jury,
A Monsieur Luc ZIMMER,
Professeur de Pharmacologie à la faculté de pharmacie de Lyon, Praticien Hospitalier-
CERMEP, Imagerie du vivant, Groupement Hospitalier Est, Hôpitaux de Lyon.
Vous me faites le grand honneur d’accepter la présidence de cette thèse. Veuillez recevoir
l’expression de mon plus profond respect.
A Monsieur Olivier CATALA,
Docteur en pharmacie à Amplepuis, Professeur associé à la faculté de pharmacie de Lyon.
Je vous remercie de m’avoir permis de réaliser ce travail sur le dépistage organisé du cancer du
sein et m’avoir fait l’honneur de diriger ce sujet.
Merci pour la confiance que vous m’avez accordé en acceptant d’encadrer ce travail doctoral
ainsi que pour le temps que vous m’avez consacré. J’ai été extrêmement sensible à votre
dévouement à l’enseignement et à la passion que vous portez à notre profession.
Veillez trouver ici le témoignage de ma plus vive reconnaissance.
A Madame Caroline MOYRET-LALLE,
Maître de Conférences des Universités-faculté de pharmacie de Lyon, Habilitation à diriger des
recherches.
Je souhaite vous exprimer toute ma gratitude pour avoir accepté sans hésitation d’être membre
du jury. Je connais votre investissement dans le domaine du cancer du sein et votre grande
pédagogie auprès des étudiants de la faculté de pharmacie. Je vous en remercie infiniment.
A Monsieur Damien MATHIEU,
Docteur en pharmacie à Saint-Priest.
Un grand merci pour avoir accepté de participer à ce jury. Vous avez été le meilleur maître de
stage qu’un étudiant puisse espérer. Merci pour vos conseils avisés, votre disponibilité, vos
encouragements tout au long de ces deux années passées à vos côtés. Vous m’avez permis
d’enrichir ma formation tant sur le plan professionnel que sur le plan humain.
Je ne peux que vous assurer toute ma gratitude et mon fidèle attachement.
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9
A mes parents,
Je vous remercie pour votre patience et vos encouragements et tiens ici à vous témoigner mon
amour et ma reconnaissance.
A ma mère, parce que tu as été tous les jours présente sans aucune exception. Sans ce soutien et
cet amour, je ne serais pas parvenue à la fin de ce travail.
A mon père, parce que tu es pour moi un exemple de détermination et de persévérance. Merci
d’avoir toujours fait en sorte de me guider dans la bonne direction.
A David,
Merci pour tout l’amour que tu me donnes. Tu trouves toujours le mot juste ou la bonne blague
pour me faire sourire quand je doute. Chaque nouvelle journée avec toi est un nouveau bonheur,
je ne peux qu’espérer vivre ce bonheur le plus longtemps possible.
A Gaëtan et Benjamin,
Merci à mes deux petits frères adorés pour les nombreux et merveilleux moments que nous
avons passé ensemble, vous êtes mes deux petits anges…
A mes grands-parents,
Merci pour votre tendresse et l’amour que vous m’avez prodigué.
A ma petite grand-mère chérie, merci pour toute l’affection que tu me donnes, et pour avoir
toujours préparé mes plats préférés quand je rentrais dans le Nord.
A mon grand-père, je sais que de là haut, tu veilles sur moi.
A toute ma famille, parfois éloignée,
A mes oncles et tantes, merci pour votre soutien tout au long de ces années d’étude. Votre
présence aujourd’hui représente beaucoup pour moi.
A mes cousins et filleul, merci pour les superbes moments partagés ensemble et pour tous ceux
à venir !
A mes beaux-parents, merci du fond du cœur pour tout ce que vous avez fait pour moi, pour
votre accueil, votre gentillesse, votre affection…je vous en suis infiniment reconnaissante.
A Eve et Emile, merci pour vos conseils et votre aide si précieuse.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
10
A mes amies,
Merci à Mariya, pour ton humour et ta franchise, merci pour les moments inoubliables que nous
avons partagé durant nos études.
Merci à Charlotte, pour ta gentillesse et ton humilité, je sais que la distance ne nous empêchera
pas de garder notre complicité.
Merci à Mélanie, pour ton sens de la famille et ta joie de vivre
Merci à Florence, pour ta bonne humeur et ton optimisme.
A toute l’équipe de la pharmacie Bel-Air,
A Pascaline, merci mille fois pour tout ce que tu m’as appris, pour ta patience, ton
investissement, pour ton aide considérable et tes encouragements durant ce travail de thèse. J’ai
aujourd’hui la chance et l’immense joie de travailler à tes côtés. Tu sais déjà comme j’admire ta
façon d’exercer notre si belle profession.
Merci à Christel, pour ta sincérité et ton authenticité, merci de partager avec toujours beaucoup
d’attention et de bienveillance ton expérience et tes précieuses connaissances.
A Sandrine, merci pour ta gentillesse, ta douceur et aussi ton courage quand il a fallut
m’apprendre la mise en tube…
A tous les professeurs, maîtres de stage et pharmaciens d’officine que j’ai été amenée à
rencontrer au cours de mes études…
Merci de m’avoir enseigné ce métier et communiqué votre passion.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ....................................................................................................................... 19
1. HISTORIQUE, MODALITES ET ENJEUX DU DEPISTAGE EN FRANCE ..
................................................................................................................................. 21
1.1. Qu’est-ce que le dépistage?..................................................................................... 21
1.1.1. Généralités et définition selon l'OMS ..................................................................... 21
1.1.2. Indications d’un dépistage de masse selon l’OMS ................................................. 22
1.1.2.1. La maladie à dépister est appropriée : ................................................................... 22
1.1.2.2. l’examen de dépistage disponible est : ................................................................... 23
1.1.2.3. La population cible est appropriée ......................................................................... 24
1.1.2.4. les ressources disponibles au sein du système de santé .......................................... 25
1.1.2.5. Le bénéfice du dépistage est identifiable et mesurable ........................................... 25
1.1.3. Cas du dépistage précoce du cancer du sein dans le monde ................................... 25
1.2. Le programme français ........................................................................................... 27
1.2.1. Pourquoi organiser le dépistage du cancer du sein en France? ............................... 27
1.2.1.1. Epidémiologie du cancer du sein ............................................................................ 27
1.2.1.2. Légitimité de la mise en place d’un programme de dépistage organisé (DO) ....... 29
1.2.2. Historique : les programmes expérimentaux .......................................................... 30
1.2.3. Le nouveau programme national ............................................................................. 36
1.2.3.1. Un cahier des charges répondant aux critiques des programmes expérimentaux . 36
1.2.3.2. Aspects réglementaires ........................................................................................... 38
1.2.3.3. Aspects organisationnels......................................................................................... 40
1.2.3.4. Assurance de qualité ............................................................................................... 42
1.2.4. Objectifs du plan cancer 2009-2013 concernant le DO du cancer du sein ............. 43
1.2.4.1. Recommandations et mesures prévues par le plan cancer 2009-2013 ................... 43
1.2.4.2. État d’avancement au 15 juin 2012 ........................................................................ 47
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12
1.2.5. Difficultés intrinsèques au modèle français ............................................................ 49
1.2.6. Coût du programme de DO français du cancer du sein .......................................... 50
1.3. Délivrance de l’information sur le programme de DO du cancer du sein .............. 56
1.3.1. Octobre Rose ........................................................................................................... 57
1.3.2. Impact de la communication sur le comportement des femmes par rapport au DO58
1.3.3. Questionnement sur le caractère informatif des campagnes de communication .... 61
1.3.4. La nécessité de l’implication des médecins dans le programme ............................ 62
1.3.4.1. Place des médecins généralistes au sein du programme ........................................ 63
1.3.4.2. Place des gynécologues, radiologues et autres professionnels de santé ................ 65
2. MAMMOGRAPHIE DE DEPISTAGE : PRESENTATION TECHNIQUE,
IDENTIFICATION ET EVALUATION DES RISQUES ....................................................... 68
2.1. Déroulement de la mammographie dans le cadre du DO ....................................... 68
2.1.1. Principes et caractéristiques de la mammographie ................................................. 68
2.1.1.1. Conseils à la patiente avant une mammographie ................................................... 68
2.1.1.2. Définition, spécificité et sensibilité de la mammographie de dépistage ................. 69
2.1.1.3. Influence de la densité mammaire dans la lecture d’une mammographie ............. 70
2.1.2. Mammographie analogique/Mammographie numérique ........................................ 72
2.1.2.1. Présentation des différentes technologies ............................................................... 72
2.1.2.2. Comparaison des performances.............................................................................. 74
2.1.3. Parcours de la patiente dans le cadre du DO ........................................................... 75
2.1.4. Classification ACR .................................................................................................. 78
2.1.5. Considérations sur le dépistage du cancer du sein avant 50 ans ............................. 80
2.1.5.1. Facteurs de risque du cancer du sein ..................................................................... 80
2.1.5.2. Balance bénéfices/risques défavorable avant 50 ans ............................................. 82
2.2. Faux positifs/Faux négatifs ..................................................................................... 85
2.2.1. Faux positifs ............................................................................................................ 85
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
13
2.2.1.1. Définition ................................................................................................................ 85
2.2.1.2. Quels sont les problèmes que posent les mammographies faussement positives ? 85
2.2.1.3. Estimation du taux de faux positifs à travers une étude du dépistage
mammographique du cancer du sein en Europe ........................................................................... 86
2.2.1.4. Conséquences en termes de qualité de vie de la découverte d’une image faussement
positive 90
2.2.2. Faux négatifs ........................................................................................................... 92
2.2.2.1. Définition ................................................................................................................ 92
2.2.2.2. Estimation du taux de faux négatifs ........................................................................ 92
2.3. Surdiagnostics et sur-traitements ............................................................................ 94
2.3.1. Définition et mise au point sur les connaissances actuelle ..................................... 94
2.3.2. Estimation du risque de surdiagnostic à travers diverses études ............................ 95
2.3.2.1. Présentation de l’étude K.J. Jorgensen, P.H. Zahl, P.C. Gotzsche de 2009 .......... 95
2.3.2.2. Résultats d’autres études ........................................................................................ 99
2.4. Risque de cancers radio-induits ............................................................................ 103
2.5. Place des autres technologies dans le DO du cancer du sein ................................ 105
2.5.1. L’échographie ....................................................................................................... 105
2.5.2. L’IRM 106
3. EFFICACITE DU DO DU CANCER DU SEIN : CRITERES, BIAIS
D’EVALUATION ET ANALYSE DES DONNEES DE LA LITTERATURE .................. 108
3.1. Critères d’efficacité du DO et contrôle des biais .................................................. 108
3.1.1. Mesures de l’efficacité du DO .............................................................................. 108
3.1.2. Mortalité par cancer du sein : données épidémiologiques .................................... 108
3.1.3. Biais d’évaluation de l’efficacité du dépistage du cancer du sein ........................ 111
3.2. Comparaison de différents essais randomises :influence de la randomisation sur la
qualité de l’essai .......................................................................................................................... 113
3.2.1. Brève présentation de 8 essais randomises et de leur qualité de randomisation ... 113
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
14
3.2.1.1. Caractéristiques principales des 8 essais randomises .......................................... 113
3.2.1.2. Introduction de biais dans les essais..................................................................... 116
3.2.2. Focus sur les essais de Malmö1 et NBSS2 ........................................................... 118
3.2.2.1. Essai Malmö1: “Mammographic screening and mortality from breast cancer:The
Malmö mammographic screening trial”..................................................................................... 118
3.2.2.1.1. Objectifs et méthodes ............................................................................................ 118
3.2.2.1.2. Résultats et discussions ......................................................................................... 120
3.2.2.2. Essai NSSB2: “Canadian National Breast Screening Study-2: 13-Year Results of a
Randomized Trial in Women Aged 50 to 59 years ...................................................................... 126
3.2.2.2.1. Objectifs et méthodes ............................................................................................ 126
3.2.2.2.2. Résultats et discussions ......................................................................................... 128
3.3. Appréciation critique des méta-analyses de l’USPSTFet de Gøtzsche & Olsen .. 133
3.3.1. Apport des méta-analyses dans l’évaluation de l’efficacité du dépistage
mammographique du cancer du sein ........................................................................................... 133
3.3.2. Présentation de la méta-analyse de l’uspstf .......................................................... 134
3.3.3. Présentation de la méta-analyse de Gøtzsche et Olsen ......................................... 135
3.3.4. Discussion autour des divergences de ces deux méta-analyses ............................ 136
3.4. Autres types d’études menées sur l’efficacité du DO ........................................... 139
4. UTILISATION CONCRETE DE CE MEMOIRE DANS L’EXERCICE
QUOTIDIEN DU PHARMACIEN AUPRES DU PATIENT ............................................... 143
4.1. Description du cas de comptoir ............................................................................. 143
4.1.1. Mise en situation ................................................................................................... 143
4.2. Eléments de réponse à intégrer au conseil du pharmacien afin d’aider la patiente
dans sa prise de décision ............................................................................................................. 147
4.2.1. Critères d’inclusion et d’exclusion au DO du cancer du sein ............................... 147
4.2.3. Explication à la patiente des risques inhérents à la mammographie de depistage 149
C O N C L U S I O N S ............................................................................................................. 153
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
15
LISTE DES FIGURES*
Figure 1 : Cinétique des cancers………………………………………………………………...23
Figure 2 : Estimation nationale de l’augmentation du taux d’incidence (spécifique et standardisé
à la population mondiale par année) de 1980 à 2005……………………………………………28
Figure 3 : Evolution par année du taux de rappel (prévalence et incidence)……………………34
Figure 4 : Evolution par année de la VPP de l’indication de la biopsie (prévalence et
incidence)………………………………………………………………………………………...34
Figure 5 : Arrêtés ministériels précisant les modalités du dispositif de DO…………………….38
Figure 6: Programme de dépistage du cancer du sein. Taux de participation Insee par
département, année 2010………………………………………………………………………...44
Figure 7 : Evolution du taux de participation au DO du cancer du sein en France de 2004 à 2011
d’après les données de l’InVS…………………………………………………………………...56
Figure 8 : Evaluation de la place des différents dépistages de cancers dans la pratique des
médecins généralistes……………………………………………………………………………63
Figure 9 : Pour vos patientes âgées de 50 à 74 ans, préconisez-vous plutôt… ?.………………64
Figure 10 :Diriez-vous que vous êtes tout à fait d’accord, plutôt, plutôt pas ou pas du tout
d’accord avec les opinions suivantes sur le dépistage organisé du cancer du sein ?.....................64
Figure 11 : Mammographie incidence oblique (a) et de face (b) : densité de type 3…………...71
Figure 12 : Représentation d’un mammographe analogique…………………………………....72
Figure13 : Description simplifiée d’un mammographe (numérique ou analogique)…………...73
Figure 14 : Parcours théorique de la patiente dans le cadre du DO…………………………….77
Figure 15 : Incidence et Mortalité par âge, pour le cancer du sein en 2005 en France…………82
Figure 16 : Répartition des femmes dans l’étude de 2011 menée au Pays-Bas sur l’impact des
FP sur la qualité de vie…………………………………………………………………………...90
Figure 17 : Incidence du cancer du sein pour 100 000 femmes âgées de 50 à 69 ans dans les
zones non dépistées et à Copenhague et en Fionie………………………………………………98
Figure 18 : Incidence du cancer du sein pour 100 000 femmes âgées de 70 à 79 ans dans les
zones non dépistées et à Copenhague et en Fionie………………………………………………98
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
16
Figure 19 : Incidence cumulée de cancer du sein dans 2 groupes : « dépisté » et « contrôle » en
l’absence de surdiagnostic……………………………………………………………………...100
Figure 20 : Incidence cumulée de cancer du sein effectivement observée dans 2 groupes :
«dépisté» et «contrôle»…………………………………………………………………………101
Figure 21 : Dose efficace et équivalence en nombres de jours d’irradiation naturelle de plusieurs
examens radiologiques………………………………………………………………………….103
Figure 22 : Réalisation d’une échographie sur des seins de densité type 3 (ACR2dans la
classification BI-RADS)………………………………………………………………………..106
Figure 23 :Taux de mortalité observés par cancer du sein chez les femmes, en France au niveau
départemental entre 2004 et 2008 (TSM : Taux standardisés monde)…………………………110
Figure 24 : Influence du temps d’avance au diagnostic sur le temps de survie observé………112
Figure 25 : Nombre de décès cumulés par cancer du sein dans le groupe « dépisté » et dans le
groupe « contrôle » par année et pour toutes les femmes de l’étude (données préliminaires pour
1987)……………………………………………………………………………………………123
Figure 26 : Nombre de décès cumulés par cancer du sein dans le groupe « dépisté » et dans le
groupe « contrôle » par année chez les femmes ≥ 55 ans (données préliminaires pour 1987)…124
Figure 27 : Nombre de décès cumulés par cancer du sein dans le groupe « dépisté » et dans le
groupe « contrôle » par année chez les femmes ≤ 55 ans (données préliminaires pour 1987)…124
Figure 28 : Nombre cumulé de cancers du sein invasifs dans les 2 groupes d’études en fonction
du temps………………………………………………………………………………………...130
Figure 29 : Taux de décès parmi les femmes de 50-69 ans dans les 4 groupes d’études……...140
Figure 30 : Lettre type d’invitation au DO du cancer du sein....................................................144
Figure 31 : Brochure informative annexée à la lettre d’invitation..............................................145
Figure 32 : Critères majeurs de différenciation entre DI et DO.................................................148
Figure 33 : Explication schématisée des faux positifs à la patiente...........................................150
Figure 34 : Explication schématisée des faux négatifs à la patiente..........................................150
Figure 35 : Explication schématisée du surdiagnostic et du surtraitement à la patiente............151
Figure 36:Explication schématisée des cancers radio-induits à la patiente................................151
*les figures pour lesquelles aucune référence n’est spécifiée, sont issues d’une synthèse personnelle
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17
LISTE DES TABLEAUX*
Tableau 1 : Outils statistiques permettant la détermination de la valeur diagnostique d’un test
de dépistage...............................................................................................................................23
Tableau 2 : Incidence et mortalité (taux et nombre de cas) du cancer du sein en France chez
les femmes selon l’année (standardisés monde pour 100 00 personnes-années)......................28
Tableau 3 : Critères et taux recommandés dans le programme Europe contre le cancer en
2003...........................................................................................................................................32
Tableau 4 : Résultats des programmes français expérimentaux publiés en 2003 (InVS)........33
Tableau 5 : Principe et caractéristiques de 5 scénarios d’évolution du programme de DO du
cancer du sein............................................................................................................................51
Tableau 6 :Facteurs explicatifs de la participation au DO. Synthèse des résultats de 7 études
quantitatives françaises menées sur la période 1990-2010.......................................................59
Tableau 7 : Facteurs d’adhésion ou de non adhésion au DO. Synthèse des résultats de 6
études qualitatives françaises menées sur la période 2003-2007..............................................60
Tableau 8 : Synthèse des résultats de 4 études européennes sur le risque cumulé d’examens
complémentaires sans diagnostic de cancer du sein sur une période donnée ..........................87
Tableau 9 : Nombre de cancers du sein, nombre total de femmes et taux d’incidence dans les
zones « dépistage» et « pas de dépistage » avant et après la mise en place du programme de
dépistage et durant les 3 dernières années d’observation.........................................................96
Tableau 10 : Effectif annuel moyen de décès pour les différents cancers présentés, taux
standardisé pour 100 000 femmes et âge médian de décès (moyenne sur la période 2004-
2008).......................................................................................................................................109
Tableau 11 : Tableau récapitulatif des 8 essais randomisés sur la mortalité par cancer du
sein..........................................................................................................................................113
Tableau 12 : Composition des groupes de l’essai sur le dépistage par mammographie de
Malmö. Formation de sous-groupes en fonction de l’année de naissance..............................120
Tableau 13 : Nombre de cancers du sein diagnostiqués dans le groupe « dépisté » et le
groupe « contrôle » en fonction de l’âge au diagnostic..........................................................121
Tableau 14 : nombre (pourcentage) de patientes vivant avec un cancer du sein, décédées d’un
cancer du sein ou décédées d’autres causes à la fin de la période d’étude.............................122
Tableau 15 : Nombre de cancers du sein invasifs constatés au bout de 9 années de suivi....129
Tableau 16 : Nombre de décès pour 100 000 personnes/an et facteurs à l’origine de la
diminution de mortalité...........................................................................................................141
Tableau 17 : Critères d’inclusion ou de non-exclusion et critères d’exclusion au DO du
cancer du sein..........................................................................................................................141
*les tableaux pour lesquels aucune référence n’est spécifiée, sont issus d’une synthèse personnelle
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18
LISTE DES ABREVIATIONS
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PEC : prise en charge
VP : vrai positif
FP : faux positif
FN : faux négatif
VN : vrai négatif
VPP : valeur prédictive positive
IARC: International Agency for Research on Cancer
DO : dépistage organisé
DI : dépistage individuel
FNPEIS : Fonds de prévention de l'assurance maladie
CICS : carcinome intracanalaire strict
DGS : Direction Générale de la Santé
INCa : Institut National du Cancer
ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament
ARS : Agence Régionale de Santé
HAS : Haute Autorité de Santé
FNMR : Fédération Nationale des Médecins Radiologues
THS : traitement hormonal substitutif
MSA : Mutuelle Sociale Agricole
CNAMTS : Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés
RSI : Régime social des indépendants
IGAS : Inspection Générale des Affaires Sociales
HCSP : Haut Conseil de Santé Publique
InVS : Institut de Veille Sanitaire
MT : Médecin traitant
GRED : groupe de réflexion sur l’éthique du dépistage
AcBUS : accord de bon usage des soins
ACR: American Cancer of Radiology
BI-RADS: Breast Imaging Reporting and Data System
FR : Facteurs de risques
EI : Effets indésirables
IRM : Imagerie par résonnance magnétique
CIS : Carcinome in situ
ACS : American Cancer Society
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19
INTRODUCTION
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes dans le monde et
représente 16% de l’ensemble des cancers féminins avec 1 384 155 nouveaux cas et 458 503
décès en 2008 (derniers chiffres avérés) (1). On retrouve les taux les plus élevés de cancer du
sein dans les pays industrialisés, particulièrement en Amérique du Nord et dans l’Europe de
l’Ouest.
En France, avec environ 53 000 nouveaux cas, il se place au premier rang des cancers
incidents chez les femmes, bien devant le cancer du colon-rectum (19 000 cas) et du poumon
(12 000 cas) (2). C’est aussi le cancer qui cause le plus de décès chez les femmes avec 11 500
décès selon les projections démographiques pour 2011. Il s’agit de la première cause de décès
chez les femmes entre 45 et 64 ans (15%, toutes causes de décès confondues) (3). Son
incidence a augmenté de façon majeure entre 1980 et 2005 passant d’environ 21 000 cas à
presque 50 000 cas, tandis que la mortalité est restée plutôt stable sur la même période (8600
cas en 1980 et 11 200 en 2005). Amélioration des thérapeutiques, meilleure surveillance
clinique, diagnostic plus précoce, mise en place d’un programme de dépistage organisé sont
autant de facteurs pouvant expliquer ces résultats.
Pour comprendre l'origine du dépistage, il faut remonter plus de trente ans en arrière, en
1971. Le président Richard Nixon lance la guerre contre le cancer et promet un traitement
dans les 5 ans. Cependant le traitement promis n'est pas au rendez-vous, malgré les millions
de dollars débloqués pour la recherche (4).S'ouvre alors le 2éme front de guerre s’appuyant
sur un tout autre moyen: la prévention (avec le début des campagnes antitabac). Toutefois,
cette prévention reste limitée aux comportements individuels. Le dépistage du cancer, selon la
définition de Cole et Morrison proposée en 1980, dans un des articles princeps sur son
évaluation serait « l’application d’un test relativement simple et peu coûteux à un grand
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
20
nombre de personnes afin de les classer en sujets ayant vraisemblablement le cancer que l’on
dépiste, et sujets n’ayant vraisemblablement pas ce cancer » (5).
En pratique, le dépistage du cancer va alors consister à appliquer à des personnes
asymptomatiques, un test qui distinguera les sujets probablement atteints (résultat positif du
test) des sujets probablement non malades (résultat négatif). Cette classification provisoire
doit forcément déboucher sur des investigations complémentaires. Le dépistage à lui seul, ne
fournit pas un diagnostic définitif. Aussi, l’approche de dépistage conduit-elle toujours à un
certain nombre d’erreurs (6).
Le cancer du sein étant un problème majeur de santé publique par sa fréquence, ses
conséquences en termes de morbidité / mortalité et par son impact sur le système de soin, la
France a introduit en 2004, un programme de dépistage organisé du cancer du sein. Cependant,
depuis quelques années, des interrogations émergent concernant ses réels bénéfices et les
risques qu’il peut engendrer. Vient alors naturellement la question de l’éthique du dépistage
organisé du cancer du sein.
L’objectif de ce travail est d’une part de faire un état des lieux sur l’organisation d’un tel
programme en France et ses enjeux, depuis sa mise en place jusqu’aux dernières
recommandations officielles. L’accent sera placé notamment sur la communication autour du
dépistage. D’autre part, nous essaierons de comprendre comment la polémique relative au
dépistage est née en étudiant les différents risques qu’il peut comporter pour enfin tenter de
découvrir si ces risques se justifient par une efficacité avérée sur la mortalité.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
21
1. HISTORIQUE, MODALITES ET ENJEUX DU DEPISTAGE EN
FRANCE
1.1. QU ’EST-CE QUE LE DEPISTAGE?
1.1.1. GENERALITES ET DEFINITION SELON L 'OMS
Le dépistage précoce tel que le définit l'OMS (organisation mondiale de la santé) reste le
principal moyen de lutter contre le cancer, il comprend 2 volets (7):
- Le diagnostic précoce.
Il correspond à la reconnaissance des premiers signes et symptômes dans une population
présentant certains symptômes, afin de faciliter le diagnostic et un traitement à un stade
précoce.
- Le dépistage.
Il consiste à appliquer dans une population normalement asymptomatique, un test qui vise à
repérer les individus présentant des anomalies évocatrices d'un cancer particulier ou d'un stade
précancéreux et à les référer rapidement pour diagnostic et traitement. Pour certains types de
cancers fréquents, les programmes de dépistage sont particulièrement efficaces, sous réserve
qu'ils répondent à certaines conditions: le test disponible est simple, sans danger, performant,
applicable à une population cible clairement définie et la maladie est curable, ce qui signifie
que l’individu peut guérir de la maladie.
Exemples de méthodes de dépistage:
- L'inspection visuelle après application d'acide acétique pour le cancer du col de
l'utérus dans les milieux défavorisés.
- Le test de Papanicolaou dans le cas du dépistage du cancer du col dans les milieux
à revenu élevé ou intermédiaire.
- La mammographie pour le dépistage du cancer du sein dans les milieux à revenu
élevé.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
22
1.1.2. INDICATIONS D ’UN DEPISTAGE DE MASSE SELON
L’OMS
Dans le cadre d’un dépistage de masse, plusieurs critères sont à prendre en compte pour
que cet examen s’avère légitime (6).
1.1.2.1. LA MALADIE A DEPISTER EST APPROPRIEE :
- Importance sur le plan de la santé publique :
o La maladie est fréquente, sa prévalence est importante.
o Il s’agit d’une maladie grave pouvant entrainer le décès de la personne
o Elle représente un coût considérable pour la société
- Histoire naturelle de la maladie connue et caractéristiques de la maladie adaptées :
o La phase préclinique est suffisamment longue pour pouvoir répéter le test
et programmer un intervalle de réalisation (cf. ci-dessous : exemple du
cancer)
o La maladie est curable (traitement efficace disponible pour l’ensemble de
la population)
o Le pronostic est amélioré par un diagnostic et un traitement à un stade
précoce : le traitement administré en phase préclinique réduit de façon
significative la létalité (décès) ou morbidité de la maladie.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
23
Figure 1 : Cinétique des cancers
Exemple du cancer : La dissémination métastatique est un des facteurs les plus importants de
l’histoire naturelle de la maladie. Le traitement est beaucoup plus complexe et aléatoire
lorsque des métastases surviennent. Si l’on considère le dépistage dans la phase pré-
symptomatique de la maladie, alors il est théoriquement un réel atout pour une PEC (prise en
charge) précoce et efficiente du patient.
1.1.2.2. L’EXAMEN DE DEPISTAGE DISPONIBLE EST :
- facile à réaliser, par un nombre suffisant d’acteurs expérimentés
- non traumatisant : l’examen est indolore, sans danger ou danger acceptable
(proposé à une population en bonne santé)
- performant (évalué par rapport à une méthode de référence) :
Tableau 1 : Outils statistiques permettant la détermination de la valeur diagnostique d’un test
de dépistage
Malade Non malade
Test positif VP : vrai positif FP : faux positif
Test négatif FN : faux négatif VN : vrai négatif
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
24
o Sensibilité : capacité du test à identifier les sujets malades : elle doit être
élevée = probabilité que le test soit positif si le sujet est malade
Se = VP/malades = (VP/(VP+FN))×100(%)
En effet, si le test est peu sensible, des lésions ne seront pas détectées ce qui empêche le
diagnostic de la maladie.
o Spécificité : capacité du test à identifier les sujets sains : elle doit être
élevée= probabilité que le test soit négatif si le sujet est sain
Sp = VN/non malades = (VN/(VN+FP))×100(%)
Effectivement, si le test est peu spécifique, il entraine de nombreux FP et donc des examens
complémentaires inutiles et parfois traumatisants pour les patients.
o VPP (valeur prédictive positive) : elle doit être élevée = probabilité d’être
malade si le test est positif.
VPP=VP/tests positifs = (VP/(VP+FP))×100(%)
N.B : Si la sensibilité et la spécificité sont élevées, la probabilité pour qu’un test de dépistage
positif donne un résultat correct (VPP), dépend fortement de la prévalence de la maladie dans
la population générale (7). Si cette prévalence est faible, même le meilleur test de dépistage ne
constituera pas un outil de santé publique efficace et donc ne sera pas applicable. C’est donc
l’ensemble de ces critères qui doit être pris en compte pour évaluer une méthode de dépistage.
1.1.2.3. LA POPULATION CIBLE EST APPROPRIEE
- Une sous-population ou encore un groupe à risque est identifié si possible (5) (les
facteurs de risque doivent être connus)
- La démarche proposée est acceptable et acceptée sur les plans éthique et socio
culturel (lésions physiques et psychiques du test évaluées et très faibles)
- La population cible ressent le besoin d’une PEC de cette maladie.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
25
1.1.2.4. LES RESSOURCES DISPONIBLES AU SEIN DU
SYSTEME DE SANTE
Les infrastructures médicales et les moyens humains doivent être en quantité suffisante et
accessibles pour :
- garantir la continuité d’action et la coordination entre les professionnels et les
structures de dépistage
- faciliter le diagnostic des sujets positifs au test de dépistage
- prendre en charge les patients malades rapidement
1.1.2.5. LE BENEFICE DU DEPISTAGE EST IDENTIFIABLE
ET MESURABLE
Son efficacité est démontrée par la réduction de la mortalité ou de la morbidité effective
dans le cadre d’études expérimentales appropriées (essais randomisés).
1.1.3. CAS DU DEPISTAGE PRECOCE DU CANCER DU SEIN
DANS LE MONDE
Le cancer du sein est le premier cancer chez la femme à la fois dans les pays développés
et dans les pays en développement. Il représente 16% de l'ensemble des cancers féminins et
on estime à 519 000 le nombre de femmes décédées en 2004 du cancer du sein (8). Même si
l'on considère généralement cette maladie comme une maladie du monde développé, une
majorité (69%) de l'ensemble des décès par cancer du sein surviennent dans les pays en
développement. Les taux d'incidence, quant à eux varient énormément dans le monde, on
retrouve les taux les plus élevés pour les pays industrialisés (Amérique du Nord, Australie,
Europe de l'Ouest). Néanmoins, l'incidence du cancer du sein progresse dans le monde en
développement du fait d'une plus longue espérance de vie, de l'augmentation de l'urbanisation
et de l'adoption des modes de vie occidentaux.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
26
Le projet GLOBOCAN de l'IARC (1) (International Agency for Research on Cancer)
donne accès aux plus récentes estimations pour l'année 2008 avec 1 384 155 nouveaux cas et
une mortalité estimée à 458 503 femmes décédées de ce cancer dans le monde entier. Bien
qu'une réduction des risques puisse être obtenue par la prévention, ce type de stratégie ne
permet pas d'éliminer la majorité des cancers du sein qui apparaissent dans les pays à revenu
faible ou intermédiaire où la maladie est diagnostiquée à des stades très avancés (les facteurs
de risque étant peu accessibles à la prévention primaire). Ainsi les stratégies recommandées
pour un dépistage précoce dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires sont la
reconnaissance des premiers signes et symptômes, et le dépistage par un examen clinique du
sein dans les zones pilotes. Bien qu'elle soit la seule méthode de dépistage aux résultats
tangibles, la mammographie reste très coûteuse et n'est pour cela recommandée que dans les
pays disposant d'une bonne infrastructure médicale, qui ont les moyens de mettre en place un
programme à long terme (9).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
27
1.2. LE PROGRAMME FRANÇAIS
1.2.1. POURQUOI ORGANISER LE DEPISTAGE DU CANCER DU
SEIN EN FRANCE?
1.2.1.1. EPIDEMIOLOGIE DU CANCER DU SEIN
Le cancer du sein est un fait majeur de santé publique en France. C'est le premier des
cancers féminins, il représente 36.7% des cancers. La projection de l’incidence (réseau
Francim) a permis d’estimer à 52588 nouveaux cas le nombre de cancer du sein pour l’année
2010 (3). L'incidence augmente de près de 3% par an depuis 20 ans, avec un fléchissement
récent sur la période 2000-2005 (10). On note une augmentation plus importante de
l’incidence dans la catégorie d’âge des 55-64 ans entre 1980 et 2005 et plus récemment sur la
période 2003-2005, un taux de croissance supérieur pour la catégorie d’âge des 65-74 ans
(Figure 2)(11).
Première cause de mortalité par cancer chez la femme, le cancer du sein est la première
cause de mortalité prématurée (avant 65 ans), toutes causes confondues (5). Plus de 11 000
décès ont été recensés en 2010. Toutefois, la mortalité contrairement à l’incidence reste
relativement stable sur la période 1980-2005 avec un taux annuel moyen de -0.4% et plus
récemment (entre 2000 et 2005) un taux de mortalité à -1,3% (Tableau 2) (12). On observe
donc une incidence qui a plus que doublé entre 1980 et 2005 alors que le nombre de décès ne
croît pas sur la même période.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
28
Figure 2 : Estimation nationale de l’augmentation du taux d’incidence (spécifique et
standardisé à la population mondiale par année) de 1980 à 2005.
Tableau 2 : Incidence et mortalité (taux et nombre de cas) du cancer du sein en France chez
les femmes selon l’année (standardisés monde pour 100 00 personnes-années)
1:Chiffres brut à considérer avec précaution : on ne peut exclure ici la possibilité d’une augmentation de
l’incidence et de la mortalité due au vieillissement et/ou à l’augmentation de la population.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
45-54
55-64
65-74
75-84
Années
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
29
1.2.1.2. LEGITIMITE DE LA MISE EN PLACE D ’UN
PROGRAMME DE DEPISTAGE ORGANISE (DO)
La PEC des cancers du sein dans notre pays est performante tant au niveau des moyens
de diagnostic que de la PEC thérapeutique ce qui peut expliquer que la mortalité,
contrairement à l’incidence, reste stable sur la même période d’évaluation. Les traitements
palliatifs tels que l’hormonothérapie par exemple, de plus en plus efficaces permettent de
prolonger et d’améliorer considérablement les rémissions au cours des phases métastatiques
lors de l’évolution de la maladie (13). La mammographie, considérée comme l’examen
radiologique de première intention pour explorer la glande mammaire, permet la détection de
tumeurs de petites tailles. Ces lésions non palpables représenteraient entre 25 et 35% des
cancers du sein (14). Il est ainsi naturel de penser qu’un dépistage précoce du cancer du sein
conduira à une PEC de la patiente optimale et à visée curative plutôt que palliative.
Parallèlement à cela, le nombre et la qualité des installations de mammographie ont
régulièrement progressé ces trente dernières années et font partie de notre patrimoine médical.
Peu à peu, les gynécologues médicaux se sont investis dans le diagnostic, le suivi des
affections du sein et se sont impliqués d’avantage dans la pratique du dépistage sur
prescription individuelle. Celui-ci se développe à partir des années 1980, la radiosénologie
devient pratiquement alors une spécialité de la radiologie exercée à 90% par des radiologues
du secteur privé.
En 2004, on considère que la France se situe au second rang derrière la Suède concernant
le ratio mortalité/incidence (0,29 que l'on peut comparer au taux de 0,49 du Royaume-Uni).
Nous serions tentés de relier ce résultat plutôt favorable à la précocité du diagnostic ainsi qu’à
la qualité de la PEC thérapeutique. Cependant, il faut interpréter ce ratio avec prudence. En
effet, la mortalité par cancer du sein ne diminue pas dans notre pays à la différence d’autres
pays comme la Suède (10) (tandis que l'augmentation de l'incidence pourrait être due au sur-
diagnostic (détection par le dépistage de lésions qui ne seraient jamais devenues des cancers
et/ou n'auraient pas entraîné le décès). D'autres enquêtes montrent aussi que le diagnostic est
encore trop tardif: moins de 30% des cancers sont détectés grâce à la mammographie de
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
30
dépistage. Les femmes détecteraient elle-même plus de 70% des cancers du sein présentant
une traduction clinique ou non au moment du diagnostic (40% d’entre eux comporteraient un
envahissement ganglionnaire axillaire).
En conséquence, l'inadéquation entre les performances potentielles du système et
l'accessibilité réelle dont bénéficie la population au début des années 2000, ainsi que
l’absence d’évaluation et d’expertise du dépistage individuel (DI), justifiaient le
développement d'une action de santé publique programmée respectant les principes de qualité,
d'évaluation et d'équité. Ce programme devait alors s’inscrire dans le système de soins
français et donc s’adapter au contexte dans lequel s’est développé le DI. Des expérimentations
selon le modèle déjà établi à savoir le modèle décentralisé ont donc été menées dans plusieurs
départements pilotes utilisant les installations de radiologie existantes.
1.2.2. HISTORIQUE : LES PROGRAMMES EXPERIMENTAUX
Suite à la décision à l’échelle européenne de mettre en place un programme de dépistage
pour le cancer du sein, plusieurs pays de la communauté européenne développent le
programme de façon expérimentale. La transposition telle quelle, de la méthodologie de
dépistage appliquée dans les différents pays d’Europe (Pays nordiques et Royaume-Uni
essentiellement) à la France, ne pouvait se concevoir (13). En particulier parce que les
programmes étrangers s’inscrivaient dans un système de soin non libéral et très centralisé à
l’inverse de la France. La stratégie à adopter dans notre pays devait prendre en compte la
prévalence de la maladie, les moyens disponibles et l'acceptabilité potentielle (facteurs
dépendants des choix politiques de santé et des habitudes de soins de la population dans ce
système de santé).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
31
En France, le dépistage devait s’appuyer sur les unités de mammographie existantes et
sur l’implication des professionnels de santé et donc s’intégrer dans un système décentralisé,
ceci malgré les difficultés plus importantes rencontrées pour la mise en place de l'assurance
qualité et l'évaluation du programme. Des essais de faisabilité rigoureusement contrôlés et
limités à quelques départements pilotes s’avéraient nécessaires avant la transition nationale du
programme.
Les premiers programmes expérimentaux de DO, dont l'objectif principal visé est la
réduction de la mortalité, sont initiés en 1987 (dans 2 départements : Bas-Rhin et Rhône) (12).
Ils sont subventionnés par les Fonds de prévention de l'assurance maladie (FNPEIS) et
couvriront progressivement 10 départements en 1991. Le Ministre de la santé en exercice,
Simone Veil, décide en 1994 d’étendre le dispositif aux autres départements avec
l’instauration d’un « Programme national de dépistage systématique du cancer du sein » (15).
L’arrêté du 13 mars 1994 crée un comité national de pilotage dont la mission est
d’harmoniser l’organisation du programme sur l’ensemble du territoire avec notamment la
création d’un cahier des charges en 1996. 32 départements seront couverts en 2001,
exploitants les ressources suffisantes en structure de radiologie publiques et privées de notre
territoire (deux départements se verront équiper d’unités mobiles en raison de particularités
démographiques).
Le protocole de ces programmes défini par le cahier des charges reproduit le modèle
suédois:
- une population cible féminine âgée de 50 à 69 ans
- une incidence unique, oblique externe sur chaque sein
- un intervalle de 3 ans entre deux mammographies de dépistage
- un examen clinique non obligatoire.
Le contrôle de la qualité des mammographies se développe progressivement. Ces
dernières sont archivées dans les structures de gestion. La double lecture et l'évaluation des
résultats sont gérées de façon centralisée(13).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
32
L’évaluation continue de ces programmes expérimentaux est établie selon les référentiels
du programme « Europe Contre le Cancer » qui définit les indicateurs et les taux acceptables
en prévalence (première mammographie) et en incidence (mammographies suivantes). Ces
indicateurs de référence sont résumés dans le tableau 3.
Tableau 3 : Critères et taux recommandés dans le programme Europe contre le cancer en
2003
Première vague Vagues
suivantes
Critères de qualité
- Taux de participation
- Taux de rappel (ou taux de mammographies anormales)
- Taux de biopsies
- VPP de la biopsie
≥ 70 %
< 7 %
< 1.5 %
≥ 50 %
≥ 70 %
< 5 %
NP
≥ 65 %
Critères d’efficacité
- Taux de cancers
- Taux de CICS
- Taux de cancers invasifs ≤10 mm
- Taux de cancers invasifs N-
≥ 5 ‰
10-20 % des cancers
≥ 20 % des cancers
≥ 70 %
≥ 3 ‰
10-20 %
≥ 25 %
75 %
- Taux de rappel : pourcentage de femmes reconvoquées pour effectuer un examen
complémentaire ;
- VPP : valeur prédictive positive ;
- CICS : carcinome intracanalaire strict ;
- N- : sans envahissement ganglionnaire axillaire ; NP : non précisé.
Source : Dilhuydy M.H. Imagerie au service du dépistage : l’exemple du dépistage organisé du cancer du sein. Bull
Cancer. 2009 ; 96 (11) :1071-86.
D’une manière générale, ces indicateurs précoces d’évaluation se sont révélés pour la
plupart conformes aux standards européens même dans un système décentralisé (cf. tableau 4).
Nous pouvons donc penser que les critères de qualité et d'efficacité peuvent être atteints dans
un programme décentralisé.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
33
A noter que près de 12 000 cancers ont été détectés dans ces programmes et que le taux
de cancer<10mm (35% en prévalence ici) est plus élevé dans les départements avec
programme que dans les départements sans programme (27%).
De plus, les études effectuées depuis la mise en place des programmes expérimentaux ont
montré une réduction du nombre de FP (c'est-à-dire des dépistages conduisant à la réalisation
d’examens complémentaires alors qu’il y a absence de cancer), de par l’amélioration des taux
de rappels (figure 3) et l’amélioration de la VPP de la biopsie chirurgicale (c'est-à-dire une
diminution des biopsies effectuées pour des lésions qui s’avèrent différentes d’un cancer)
(figure 4).
Tableau 4 : Résultats des programmes français expérimentaux publiés en 2003 (InVS)
Première vague Vagues
suivantes
Critères de qualité
- Taux de participation
- Taux de rappel (ou taux de mammographies anormales)
- VPP de la biopsie
43 %
7.6 %
53.2 %
43 %
4.4 %
65.6 %
Critères d’efficacité
- Taux de cancers
- Taux de CICS
- Taux de cancers invasifs ≤10 mm
- Taux de cancers invasifs N-
- Taux de cancers invasifs ≤10 mm et N-
5.6 ‰
14.3 % des cancers
35.3 % des cancers
71 %
29.1 % des cancers
4.2 ‰
14.5 %
37.3 %
72 %
30.9 %
Source : Dilhuydy M.H. Imagerie au service du dépistage : l’exemple du dépistage organisé du cancer du sein. Bull
Cancer. 2009 ; 96 (11) :1071-86.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
34
Figure 3 : Evolution par année du taux de rappel (prévalence et incidence)
Source :Ancelle-Park R. Dépistage organisé du cancer du sein. Editorial. BEH 2003 ; 4 :13-6.
Les taux de rappel diminuent progressivement pour atteindre entre 1995 et 1998 la
recommandation européenne soit un taux de 7%. Cependant pour les années suivantes une
légère augmentation en incidence et en prévalence apparaît. Celle-ci est simultanée à la mise
en place des deux clichés par sein.
Figure 4 : Evolution par année de la VPP de l’indication de la biopsie (prévalence et
incidence)
Source :Ancelle-Park R. Dépistage organisé du cancer du sein. Editorial. BEH 2003 ; 4 :13-6.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
35
Ces études ont mis également en évidence que les cancers détectés dans le cadre du
programme de DO ont des critères de pronostic plus favorables que ceux détectés hors
programme dans un même département. Les résultats s’avèrent variables d'un département à
l'autre, mais s'améliorent dans le temps dans tous les départements, démontrant la capacité du
programme français à accroître la qualité des pratiques sur l'ensemble des sites concernés.
Par ailleurs, la double lecture montre son efficacité: 15 à 20 % des cancers détectés dans
les programmes ne sont vus que par le second radiologue lecteur. Il s’agit souvent dans ce cas
de cancers infiltrants qui se manifestent par des images subtiles (distorsion de l'architecture,
hyperdensité focale). Ces clichés permettent alors la constitution de banques d’images
destinées à la formation des radiologues au dépistage.
Toutefois, le programme expérimental français n’atteint pas ses objectifs quant à la
participation des femmes, dont le taux reste inférieur au taux de référence européen : 43% en
2003. Il varie de 20 à 60 % en fonction des départements. On peut considérer cet échec
comme la conséquence du développement parallèle du dépistage sur prescription individuelle
comme le prouve le pourcentage important (48%) de femmes ayant eu recours au DI dans les
3 ans précédant leur participation au programme. C’est l’effet paradoxal de la mise en place
d’un tel programme : une certaine partie de la population et des professionnels de santé
mettent en doute la qualité du DO et optent pour le DI qu’ils estiment meilleur de manière
intuitive même si ce dernier n’est pas évalué. Le terme de dépistage « organisé » ou « de
masse » est considéré comme péjoratif.
Plusieurs reproches à l'encontre des programmes sont exprimés (10), à savoir la réalisation
d'une incidence unique, le délai de 3 ans entre deux mammographies jugé trop long, l'absence
d'examen clinique voire l'absence du radiologue pendant la mammographie, le taux de
reconvocation important avec un retentissement psychologique non négligeable pour les
femmes, l'allongement du délai de PEC des anomalies, le sentiment d'exclusion des
généralistes et gynécologues(absence de prescription, caractère impersonnel des courriers,
archivage des mammographies à la structure de gestion, insuffisance du retour d'information).
Cependant, le DO a touché des femmes qui ne bénéficiaient pas du DI, 27% des
participantes n'avaient jamais eu de mammographie.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
36
Reste que la faible participation dans les programmes les rend critiquables en analyse
efficacité/coût et pose le problème fondamental de l'équilibre entre les bénéfices et les risques.
Pour toutes ces raisons, le programme français a évolué afin d'augmenter la participation
au programme en évitant la concurrence du DI, l'objectif étant à terme la fusion des deux
modalités. Le nouveau programme devait alors être aussi performant que le dépistage
spontané et allier des avantages supplémentaires (équité, accessibilité, assurance de qualité,
double lecture, évaluation) afin que la population cible adhère et que les professionnels de
santé « s'approprient » le programme.
1.2.3. LE NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL
1.2.3.1. UN CAHIER DES CHARGES REPONDANT AUX
CRITIQUES DES PROGRAMMES EXPERIMENTAUX
Le référentiel du programme de DO du cancer du sein français est établi par la DGS
(Direction générale de la santé) et correspond au cahier des charges (16). D’après une
synthèse réalisée par une équipe de gestion pluridisciplinaire : « l’objectif principal du cahier
des charges est de servir de référence et de préciser les engagements auxquels doivent
souscrire les départements qui souhaitent ou qui ont organisé un dépistage. Les responsables
doivent ratifier ce cahier des charges et prendre le mesures nécessaires pour s’y conformer. »
« Le cahier des charges a été élaboré par un groupe composé d’experts à la fois dans le
domaine de la cancérologie, de la sénologie, de la radiologie, de la santé publique, de
l’épidémiologie, de l’assurance maladie et de l’administration de la santé.
Le cahier des charges précise sur quelles bases doit être organisé le programme
départemental : l’assurance de qualité, la formation, la communication, le pilotage local et
l’évaluation.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
37
La révision du cahier des charges est faite par les experts du groupe permanent. Sa mise à jour
est régulière. Il est diffusé à toutes les associations départementales. »
Le cahier des charges se base essentiellement sur les recommandations européennes en
matière d’assurance de qualité du dépistage mammographique élaborées dans le cadre du
programme « l’Europe contre le cancer ».
Le cahier des charges du programme français devait prendre en compte les critiques
établies à l’issue des programmes expérimentaux et proposer un service garantissant une
qualité de PEC au moins équivalente au DI.
C’est ainsi que différents points du protocole ont été modifiés :
- Un intervalle de 2 ans entre chaque mammographie de dépistage
- Deux incidences sur chaque sein (craniocaudale et oblique externe)
- Bilan de diagnostic immédiat des anomalies détectées
- Retour vers les femmes et leurs médecins des mammographies et des comptes rendus
Une valeur ajoutée doit être apportée au DI, ceci pour légitimer la mise en place d’un tel
programme dans le but que les professionnels se l’approprient et qu’une large majorité de
femmes y adhérent.
- Seconde lecture de toutes les mammographies évaluées normales ou bénignes par le
premier lecteur
- Assurance de qualité à tous les niveaux
- Equité et accessibilité, soutenues par des campagnes de sensibilisation et d’information
- Evaluation continue et retour des résultats vers les acteurs du programme
Cela associé à un
examen clinique
pour augmenter la
sensibilité et la
spécificité du test
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
38
L’objectif final étant comme nous l’avons déjà évoqué la fusion des 2 types de dépistages
pour qu’un maximum de femmes dispose d’un outil performant et évalué.
L’évolution du cahier des charges implique ainsi des modifications du dispositif législatif afin
d’assurer la pérennité du système et plus concrètement du protocole pour répondre aux
critiques formulées à l’encontre des anciens programmes.
1.2.3.2. ASPECTS REGLEMENTAIRES
Le dispositif réglementaire du programme a nécessité quelques modifications lors de
l’arrêt des programmes expérimentaux pour décider d’une mise en place national du
programme.
En 1998, le code de la santé publique introduit un décret sur « les maladies aux
conséquences mortelles évitables » (13) spécifiant la PEC en tiers payant par l’assurance
maladie des actes de dépistage, sous réserve du respect d'un cahier des charges publié au
bulletin officiel fin 2001. Quatre arrêtés ministériels préciseront les modalités du dispositif (cf.
figure 5) (6).
Figure 5 : Arrêtés ministériels précisant les modalités du dispositif de DO
• Arrêté ministériel du 24 septembre 2001: fixe la liste des programmes de dépistage
organisé des maladies aux conséquences mortelles évitables (cancer du sein, cancer colorectal
et cancer du col de l'utérus).
• Arrêté ministériel du 27 septembre 2001: définit le modèle de convention type et le cahier
des charges pour le dépistage organisé du cancer du sein.
• Arrêté ministériel du 29 septembre 2006: précise les modalités pour le dépistage du
cancer du sein et publie le cahier des charges
• Arrêté du 24 janvier 2008: introduit la mammographie numérique dans le programme
Source :Soler-Michel P., Lasset C. Dépistage du cancer du sein. In : Mignotte H. Maladies du sein. Issy-les-
Moulineaux cedex : Elsevier Masson, mars 2011, p29-41.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
39
L’implantation sur la France entière a débuté par les anciens départements et s'est étendue
progressivement. En 2004, sous l'impulsion du premier plan cancer, un programme
opérationnel existe dans chaque département hormis la Guyane pour laquelle des solutions
particulières sont recherchées.
Le plan cancer 2003-2007 énonce huit mesures dans le chapitre « dépistage » parmi
lesquelles nous notons : « pérenniser le DO du cancer du sein de façon à tendre vers une
participation de 80%, en 2007, sur l'ensemble du territoire ». Il introduit également la
certification des structures dans le système de soins français et l'évaluation du programme afin
d’assurer la qualité de PEC des cas dépistés. Il crée parallèlement l'Institut national du cancer
(INCa) qui se verra confier le pilotage scientifique du programme.
Avec la loi du 9 août 2004, l’état affirme sa responsabilité dans le choix et la réalisation des
objectifs de santé publique. La région a alors un rôle essentiel dans la mise en œuvre de ces
objectifs. Le programme de dépistage s'inscrit dans le cadre du droit.
Fin 2006, le groupe technique pluridisciplinaire auprès de la DGS rédige des
spécifications au cahier des charges destinées aux radiologues et aux structures de gestion,
détaillant tous les aspects techniques et les points pratiques du fonctionnement du programme
et de son évaluation (cf. figure 5).
En 2008, la publication des résultats d'un important essai américain démontre que la
mammographie numérique est équivalente à la mammographie analogique en situation de
dépistage (à condition de qualité égale). Ainsi, un avenant au cahier des charges autorise la
mammographie numérique dans le cadre du programme après l’élaboration d'un protocole
spécifique de contrôle de qualité (arrêté du 24 janvier 2008, journal officiel du 5 février 2008).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
40
1.2.3.3. ASPECTS ORGANISATIONN ELS
Sur le plan départemental, l’organisation du programme de DO repose sur une structure
de gestion appelée généralement « Centre de coordination » dont le statut juridique varie d’un
département à l’autre (œuvre de l’assurance maladie, groupement d’intérêt public, association
loi de 1901, etc.). Les financeurs sont l’état, l’assurance maladie et pour la moitié des centres,
les départements. D’autres financeurs locaux sont possibles (comité de la ligue contre le
cancer, mutualité…).
Cette structure se trouve sous la responsabilité d’un ou de plusieurs médecins
coordonnateurs dirigeant le conseil d’administration réunissant aussi financeurs,
institutionnels, professionnels (radiologue, gynécologue, anatomopathologiste, chirurgien) et
représentants des usagers.
Les missions des centres de coordination sont :
- l’information et la sensibilisation du public conformément au plan national de
communication
- l’invitation par vagues de la population cible (édition de courrier type)
- la motivation et l’information des professionnels de santé (afin d’éviter les prescriptions
individuelles)
- la gestion des fichiers de personnes invitées et de personnes dépistées (en conformité
avec la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et en respect du
secret médical)
- l’organisation du circuit des mammographies et de la double lecture
- le recueil et la transmission des données organisationnelles et épidémiologiques pour
l’évaluation du programme par les organismes évaluateurs
- le retour d’information vers les professionnels de santé et le public.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
41
Le centre de coordination est donc garant du respect du cahier des charges. Cependant, si
la vérification de l’habilitation des centres de radiologie et la conformité du contrôle
semestriel restent à la charge de ces structures, l'agence nationale de sécurité du médicament
(ANSM) (anciennement l’AFSSPS : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de
Santé) conserve son rôle dans la matériovigilance et son autorité sur les décisions éventuelles
de suspendre une activité.
A l’échelon régional, c’est l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui veille au bon
déroulement des programmes en intervenant notamment dans l’instruction des demandes
budgétaires et dans le suivi des dépenses et de l’activité. L’ARS verse les subventions de
fonctionnement aux centres et permet leur insertion dans la filière de soins.
Au plan national, le pilotage du programme de dépistage est assuré par la DGS. Celle-ci
est chargée de l'expertise logistique, administrative et budgétaire des programmes. L'INCa
s’occupe de l'expertise scientifique du programme ainsi que de la communication vers le
public. Comme dit précédemment, la matériovigilance pour la pratique de la mammographie
en France dépend de l’ANSM. Enfin, la Haute Autorité de Santé (HAS) veille aux
recommandations et à l'évaluation des pratiques. C’est également cette instance qui est
sollicitée pour rendre un avis lors de l’évolution des modalités de dépistage.
Un des acquis fondamental du programme constitue ce maillage du territoire par 90
structures de santé publique offrant des locaux et du matériel dédiés, un réseau informatique
et relationnel de qualité, des compétences et une expertise. Les instances opérationnelles de
chaque échelon (départemental, régional et national) doivent assurer finalement une PEC
optimale de la population cible et une assurance de qualité dans ce système décentralisé.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
42
1.2.3.4. ASSURANCE DE QUALITE
Le contrôle de qualité est mis en place avec une grande rigueur compte tenu du système
décentralisé. Un organisme indépendant certifié par l'ANSM doit établir un contrôle
semestriel de toutes les installations de radiologie (contrôle comprenant l’appareillage, le
développement, la qualité d’image, le poste de lecture et toute la chaîne technique pour la
mammographie numérique). Cette certification semestrielle de conformité est obligatoire
depuis Octobre 2003 pour pouvoir faire des mammographies sous le contrôle de l'ANSM (y
compris en dehors des programmes). Des référentiels de qualité, mis à jour par l'ANSM pour
la mammographie analogique et numérique, sont publiés au bulletin officiel (Décision du 22
novembre 2010 fixant les modalités du contrôle de qualité des installations de mammographie
numérique) (17).
L’ensemble des radiologues et manipulateurs, pour participer au programme, reçoit
nécessairement une formation dispensée par un organisme agrée (Forcomed) et basée sur un
cahier des charges élaboré par la DGS et la Fédération Nationale des Médecins
Radiologues(FNMR). Des formations spécifiques sont mises au point pour apporter un
message pédagogique cohérent à l'ensemble des radiologues concernés. Elles portent sur la
lecture dans les conditions de dépistage, la classification des images en fonction de la
probabilité de malignité et la PEC des anomalies détectées. Des modules sont mis en place
pour la mammographie numérique et d'autres modules sont conçus plus particulièrement pour
les seconds lecteurs, avec des ateliers de mise en situation et de lecture d'images difficiles
(images subtiles).
Un volume minimal d'activité (500 mammographies annuelles) est indispensable pour
effectuer les mammographies dans le cadre du dépistage. Il a été démontré que le taux de FP
dépend plus de l'expérience du radiologue que de n’importe quel autre facteur (âge, densité,
traitement hormonal substitutif : THS, etc.). Pour être second lecteur, un volume de lecture de
2 000 mammographies, dont au moins 1500 en seconde lecture (6), est un minimum requis.
Le radiologue second lecteur pourra demander au premier lecteur de refaire des clichés s'il
juge la qualité de la mammographie insuffisante (contraste, artefact, flou, position).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
43
1.2.4. OBJECTIFS DU PLAN CAN CER 2009-2013
CONCERNANT LE DO DU CANCER DU SEIN
1.2.4.1. RECOMMANDATIONS ET MESURES PREVUES
PAR LE PLAN CANCER 2009-2013
En 2009, dans les recommandations du rapport Grünfeld, établies par le professeur Jean-
Pierre Grünfeld, certaines mesures concernent plus particulièrement le DO du cancer du sein
(18). Le plan cancer 2009-2013 s’inspire alors de ce rapport et devient sa déclinaison
opérationnelle avec pour objectifs de consolider les acquis du plan cancer 2003-2009,
d’assurer l’application des mesures et d’adapter leur mise en œuvre pour ce qui est du DO du
cancer du sein. Les mesures 14,15 et 16 du plan cancer 2009-2013 concernent ce DO, la
mesure 14 étant une des six mesures phares du plan (19).
Mesure 14 : « Lutter contre les inégalités d’accès et de recours au dépistage »
Le taux de couverture du dépistage du cancer du sein (soit DO + DI) serait de 70%. Ce
résultat apparemment positif cache néanmoins des disparités très importantes d’une région à
l’autre. En effet, même si le taux de participation est supérieur à 50% dans 76 des 100
départements français en 2010 (figure 6) (2), la participation la plus faible est relevée en Ile de
France avec un taux à peine supérieur à 25% tandis que le département du Cher montre un
taux supérieur à 70 % (conforme aux recommandations européennes).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
44
Figure 6: Programme de dépistage du cancer du sein. Taux de participation Insee par
département, année 2010
Source : Institut National du Cancer (INCa). La situation du cancer en France en 2011. Collection Etats des
lieux et des connaissances.www.e-cancer.fr/component/docman/doc_download/9580-la-situation-du-cancer-en-
france-en-2011,consulté le 20 février 2012.
Par ailleurs, selon le rapport Grünfeld, un taux de dépistage plus élevé du régime MSA
(Mutuelle Sociale Agricole) par rapport aux autres régimes a pu être constaté grâce à leur
communication de proximité : 53.4 % pour les adhérents MSA contre 49.1 % pour les
adhérents CNAMTS (Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés) et
31.1% pour les adhérents RSI (Régime social des indépendants). En effet le régime MSA a
développé un réseau de visiteurs à domicile permettant l’information et l’incitation au
dépistage de leurs adhérents éloignés des centres de radiologie.
L’éloignement géographique et la vulnérabilité sociale restant deux freins majeurs au
dépistage, il est indispensable d’identifier les zones de sous dépistage afin de mettre en place
des politiques locales ciblées et efficaces.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
45
Pour cela, différentes actions telles que la réalisation d’études de géocodage ou encore le
développement de système d’information géographique permettant une territorialisation du
sous-dépistage et des facteurs d’inégalité sont prévus par le plan cancer.
Il convient également d’évaluer le maintien du double accès au dépistage des cancers du
sein et de mobiliser les acteurs locaux (centres de coordination, ARS) et les professionnels de
santé pour sensibiliser les personnes ayant des problèmes d’accès aux soins sur le rythme et
les bonnes pratiques de dépistage en vue de leur intégration dans les programmes.
Mesure 15 : « Améliorer la structuration du dispositif des programmes nationaux de
dépistage organisé des cancers »
Rappelons que le pilotage national des programmes de dépistage est assuré par la DGS en
lien avec l’Assurance maladie et l’INCa.
À l’échelon régional, l’ARS assure la gestion et l’animation des programmes tandis qu’au
niveau local, le déploiement des programmes de DO du cancer du sein s’appuie sur les centres
de coordination départementaux ou interdépartementaux qui sont en grande majorité des
associations.
Dans le rapport d’évaluation du plan Cancer réalisé par l’IGAS (Inspection Générale des
Affaires Sociales) et le HCSP (Haut Conseil de Santé Publique), l’IGAS souligne la fragilité
financière de ces structures source en partie d’une rotation importante du personnel,
notamment des médecins coordonnateurs. Le plan cancer 2009-2013 prévoit donc
l’élaboration de référentiels de bonnes pratiques et de bonne gestion financière en vue
d’optimiser le fonctionnement des structures de gestion.
Les aspects juridiques et organisationnels du programme devront être explorés plus
profondément afin d’identifier les obstacles potentiels au bon déroulement du programme et
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
46
de faciliter et d’améliorer les pratiques, par exemple en mutualisant de façon pertinente
certains moyens de gestion ou de logistique au niveau régional.
Il semble essentiel, par ailleurs, d’avoir un retour d’information sur la perception du
programme par les acteurs du dépistage notamment les médecins coordonnateurs. Le plan
cancer 2009-2013 prévoit pour cela la mise en place d’une conférence nationale impliquant
ces différents acteurs.
De même, pour une meilleure efficience du DO, des campagnes de communication
adaptées (cf. 1.3.1. Octobre Rose) sont prévues pour fidéliser les personnes et encore
améliorer la participation des populations cibles (le déremboursement du DI du cancer du sein
réalisé en dehors du programme national pourra être étudié).
Dans un but similaire, ce plan doit permettre d’améliorer le suivi des résultats du
dépistage. La sélection de quelques indicateurs de suivi, transmis par les structures de gestion
aux ARS, à l’InVS (Institut de Veille Sanitaire) et à l’INCa permettrait de publier les résultats
du dépistage dans un délai de 2 ans au lieu des 3 ans actuels.
Mesure 16 : « Impliquer le médecin traitant dans les programmes nationaux de
dépistage et garantir l’égalité d’accès aux techniques les plus performantes sur
l’ensemble du territoire »
Le médecin généraliste et/ou le médecin traitant(MT) n’est peut-être pas autant impliqué
dans le circuit d’invitation et de DO du cancer du sein autant que pour le dépistage du cancer
colorectal malgré une forte demande de leur part. En effet lors d’auditions menées par
l’assurance maladie dans le but de remotiver les MT et de démontrer l’importance de leur
implication dans le dépistage, ces derniers ont réaffirmé leur volonté d’acquérir un rôle
central dans les dépistages quels qu’ils soient. Cependant, le DO du cancer du sein dispose
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
47
d’une organisation qu’il ne faut pas intégralement bouleverser. Alors, dans les régions
déficitaires, une meilleure mobilisation des généralistes et des gynécologues médicaux doit
pouvoir améliorer la participation. Les femmes les moins informées, appartenant souvent aux
groupes socioculturels les plus défavorisés, ont besoin des explications et des arguments
scientifiquement validés par leur médecin pour faire le choix de participer au dépistage. Il faut
donc mettre à disposition des médecins traitants des outils de formation, d’information et
d’inclusion de leur patientèle dans les programmes de dépistage. Ces outils doivent permettre
de proposer aux personnes ciblées, la stratégie de détection précoce et de dépistage adaptée à
leur niveau de risque et de leur assurer un retour systématique d’informations par leur
médecin généraliste.
Par ailleurs, des expérimentations visant à connaitre l’intérêt de l’extension de la tranche
d’âge de la population invitée à participer au dépistage du cancer du sein seront menées et
prendront en compte les aspects médicoéconomiques, éthiques et déontologiques. Enfin,
l’utilisation de mammographes numériques dans le programme de DO avec les mêmes
critères de contrôle qualité et le même encadrement que pour la technologie analogique sera
évaluée sur sites pilotes dans le but de définir une stratégie nationale.
1.2.4.2. ÉTAT D’AVANCEMENT AU 15 JUIN 2012
Même si d’une manière générale, les différentes mesures du plan cancer 2009-2013
progressent de façon satisfaisante et conformément au calendrier prévu, quelques mesures
dont certaines relatives au dépistage se heurtent à des difficultés (20). Le 5éme rapport
d’étape au président de la République précise les différentes avancées et les stratégies
adoptées :
- Le renouvellement annuel de la campagne « Octobre Rose » menée par le
ministère chargé de la santé et l’INCa en partenariat avec les régimes d’Assurance-
maladie a pour but de sensibiliser et de fidéliser la population cible au DO. En
2011, malgré une communication relativement importante (spots télés tournés avec
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
48
les journalistes de France télévision et opération ruban rose virtuel sur une page
Facebook), le taux de participation au DO ne s’améliore pas (52.70%) (21).
Cependant une diminution de la disparité sociale dans la pratique du DO a été
constatée.
- Malgré tout, ces inégalités d’accès ou de recours au DO pour des raisons sociales
ou géographiques demeurent significatives. Pour lutter contre ces disparités,
plusieurs stratégies ont été entreprises :
o Une expérimentation de géocodage est réalisée afin d’identifier les zones
de sous-dépistage et in fine de mettre en place des mesures adaptées contre
ces inégalités territoriales. Parallèlement et toujours dans le même but, une
étude dont les résultats sont attendus pour 2013 doit permettre de mieux
identifier les facteurs prédictifs et déterminants de participation au
programme de DO.
o De plus, des stations de radio de la diversité (Beur FM, Africa n°1, radio
Orient) coopèrent à la campagne de mobilisation « Octobre Rose » en
diffusant des spots radio pour promouvoir le DO auprès des femmes
d’origine étrangère(22) et également en invitant des professionnels de santé
prêts à répondre aux interrogations des auditrices. D’autres actions de
proximité faisant intervenir les caisses « Mutualité sociale agricole » ou
encore les magasins « La Halle » sont mises en place pour sensibiliser les
femmes les moins touchées par le programme de DO.
- Fin 2011, 38% des médecins traitants ont signé un contrat d’amélioration des
pratiques (CAPI) visant à favoriser la participation au DO du cancer du sein de
leur patientèle (femmes de 50 à74 ans). Par ailleurs, dans un but d’harmonisation
des pratiques, des séminaires nationaux (DGS-CNAMTS-INVS-INCa)
rassemblant les acteurs du dépistage sont organisés avec la participation des ARS
et des structures de gestion (guide juridique commun publié en 2011)
- Le tableau de bord d’indicateurs de pilotage pour le DO du cancer du sein est mis
au point. Il permet ainsi un meilleur suivi du dépistage.
- Enfin, la dématérialisation du système d’archivage au sein des structures de
gestion afin d’optimiser le programme est reportée dans l’attente d’un équilibre du
nombre de mammographes numériques.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
49
1.2.5. DIFFICULTES INTRINSEQ UES AU MODELE FRANÇAIS
Nous avons pu constater que le programme de DO du cancer du sein en France est
extrêmement complexe, étant donnés la multiplicité des acteurs impliqués, la lourdeur
administrative et organisationnelle et les obstacles que rencontrent les structures de gestion
pour optimiser la gestion du programme. Certains professionnels de santé se sentent parfois
exclus du programme de DO. En fonction des départements, on observe des inégalités dans
les pratiques du DO et donc dans ses résultats. Le système décentralisé existant en France fait
qu’il est plus difficile d’établir l’assurance de qualité et un niveau de performance élevé par
rapport au pays comportant un modèle centralisé.
L'évaluation du programme est aussi plus complexe en France. Les différents
départements ne bénéficieront pas tous du même niveau d’évaluation et de recherche. Au vu
de tous les obstacles que représentent la mise en place d’un tel programme de santé publique,
une question s’impose : pourquoi ne pas se contenter d’améliorer le DI en lui ajoutant un
contrôle de qualité, une seconde lecture des clichés de mammographie et une campagne de
sensibilisation ?
Pour perdurer dans le système de santé publique français, le DO du cancer du sein a une
obligation de résultats pour un minimum de risques acceptables. L'équilibre entre les
bénéfices attendus et les effets négatifs du dépistage est fragile. Cette lourdeur administrative,
cette complexité et cette rigueur dans l’évaluation centralisée sur tous les départements et tous
les sites justifient l’activité durable et stable du programme de DO. Sans tout cela, il serait
impossible de démontrer que l'objectif de santé publique a été atteint (10).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
50
1.2.6. COUT DU PROGRAMME DE DO FRANÇAIS DU CANCER
DU SEIN
La mise en œuvre du programme de DO du cancer du sein en France a forcément
demandé un investissement considérable tant au niveau organisationnel que structural. En
effet, le fait que ce programme se place dans un système décentralisé se basant ainsi sur les
structures de radiologie déjà existantes a engendré des coûts supplémentaires contrairement à
ce que l’on pourrait penser (obligation de formation du personnel non spécialisé aux pratiques
de dépistage, interdiction d’amortissement des coûts de structure…). La première étude
réalisée sur ce sujet en 1989 sur demande de la Commission des Communautés Européennes
avait pour but d’analyser la faisabilité économique du DO dans le système de soins français.
Par ailleurs cette analyse permit de démontrer le moindre coût de la mise en place d’un tel
programme national par rapport à une simple extension du DI sur une population cible (de 50
à70ans à l’époque) (12).
Les dernières données disponibles sur le coût du dépistage en France proviennent d’un
rapport de la HAS. Celle-ci estime le coût du DO pour l’année 2008 à 180 803 787 euros
(dont 175 914 734 euros pris en charge par l’assurance maladie et le reste par les femmes ou
leurs complémentaires). Ce coût comprend la mammographie, la seconde lecture, les examens
complémentaires (échographie, cytoponction, micro/macro biopsies, surveillance des ACR 3)
pour 2 287 163 femmes dépistées et 16010 cancers diagnostiqués à l’issue des examens. Si
l’on considère le coût total du dépistage (DO+DI), celui-ci s’élève à 218 399 998 euros (soit
un DI revenant à 37 596 211 euros dont 24 427 603 euros pris en charge par l’assurance
maladie). Le DI est pratiqué par 435 650 femmes dont 3050 qui révéleront un cancer du sein.
Cela nous amène à un total de 2 722 813 femmes dépistées et 19060 cancers diagnostiqués.
Nous appellerons la situation actuelle : sc0 (scénario 0).
Le groupe de travail de la HAS a étudié 5 scénarios visant le même objectif : une
situation cible dans laquelle d’avantage de cancers sont détectés grâce à une meilleure
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
51
efficience du programme pour un coût « tous financeurs » (i.e. l’assurance maladie + les
femmes ou leurs complémentaires) inférieur à celui de la situation actuelle (ce scénario cible
est plus couteux pour l’assurance maladie mais les femmes ou leurs complémentaires n’ont
plus à charge le ticket modérateur). Cette situation cible vise un report intégral du DI vers le
DO ce qui engendrerait le diagnostic de 283 cancers supplémentaires avec une diminution de
3,1 millions d’euros sur le coût « tous financeurs ». Le tableau ci-dessous reprend le principe
de chaque scénario et leurs caractéristiques.
Tableau 5 : Principe et caractéristiques de 5 scénarios d’évolution du programme de DO du
cancer du sein.
Scénario 1 Principe : « Déremboursement du DI ».
Avantages : Signal fort sur le dispositif à privilégier à savoir le DO.
Convergence vers le scénario cible si
-Taux de report du DI vers le DO=100%
-Taux d’abandon du dépistage (DI et DO)=0%
Limites : Forte sensibilité des résultats en fonction du taux de report et
d’abandon.
Impossibilité d’estimation préalable du taux de report et
d’abandon des femmes.
Acceptabilité de la mesure peu probable chez les professionnels
de santé et la population cible.
Coût :-sc1a : Taux de report=0%
Taux d’abandon =0%
-sc1b : Taux de report=100%
Taux d’abandon =0%
-sc1c : Taux de report=50%
Taux d’abandon =0%
-sc1d : Taux de report=50%
Taux d’abandon =25%
Situation cible
atteinteaaaaatteiatteinte 3,1million
s d’euros/sc0
Coût tous financeurs identique à
sc0 mais ↑du coût des femmes ou
complémentaires
-1,6millions d’euros/sc0
-11millions d’euros/sc0
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
52
Nombre de cancers détectés : -sc1a : =sc0
-sc1b : =situation cible (+283 cancers
détectés/sc0)
-sc1c : +141 cancers détectés /sc0
-sc1d : -621 cancers détectés /sc0
Scénario 2 Principe : « Intégration du DI dans le processus qualité du DO ».
→ Mise en place d’une 2éme
lecture pour le DI et suivi des
résultats par la structure de gestion.
Avantages : Légitimité si le seul objectif est l’amélioration de la qualité et
le suivi de dépistage.
Limites :Contre-productif par rapport à l’objectif d’une augmentation de
la participation au DO.
Risque de confusion entre DO et DI (perte d’un intérêt majeur du
DO)
Coût : +3,2 millions d’euros/sc0
Nombre de cancers détectés : +274 cancers détectés /sc0
Scénario 3 Principe : « Modification du cahier des charges du protocole de DO ».
→ Poursuite du DO mais arrêt de la 2éme
lecture amenant une
augmentation de la pratique de l’échographie.
Avantages : Répond à la remise en cause du protocole de DO par certaines
femmes et certains professionnels de santé.
Rendu rapide des résultats.
Limites : Efficacité médicale très éloignée de la situation cible
Coût : - 4,6 millions d’euros/sc0
Nombre de cancers détectés : - 1596 cancers détectés /sc0
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
53
Scénario 4 Principe : « Intégration du coût de l’échographie dans un forfait global
« dépistage du cancer du sein
» ».
Avantages : Remboursement à 100% de l’échographie en DO.
Limitation du nombre d’échographie non justifiée.
Possibilité pour le radiologue d’inclure les femmes dans le
DO si prescription de « mammographie + échographie » par le
MT.
Limites : Faisabilité et acceptabilité des professionnels de santé à tester.
Implique l’impossibilité de dépassement tarifaire du DI.
Coût : +21,2 millions d’euros/sc0 (en considérant un « bonus de
facturation » de 20% par rapport au prix de la mammographie seule)
Nombre de cancers détectés : =sc0
Scénario 5 Principe : « Mesures incitatives pour favoriser le recours le plus
systématique au DO »
→ Vise la modification du comportement des professionnels de
santé via leur inclusion dans le déroulement du DO
Avantages : Augmentation de la participation des femmes sans risque
d’abandon (contrairement au scénario 1).
Prescription directe par le MT grâce au libellé
« mammographie de DO, échographie si nécessaire ».
Substitution (si indication) du DI par le DO effectuée par le
radiologue.
Limites : Résultats des mesures incitatives incertains et dépendants de
l’adhésion des professionnels à la nouvelle procédure.
Coût :-sc1a : Taux de report=0% → Coût tous financeurs identique à sc0
-sc1b : Taux de report=100% → =Situation cible :-3,1millions
d’euros/sc0
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
54
-sc1c : Taux de report=25% → -9000 000 euros/sc0
-sc1d : Taux de report=50% → -1,7 millions d’euros/sc0
Nombre de cancers détectés : -sc5a : =sc0
-sc5b : =situation cible (+283 cancers
détectés /sc0)
-sc5c : +71 cancers détectés /sc0
-sc5d : +141 cancers détectés /sc0
Pour conclure ce chapitre, quelques précisions restent à apporter quant à certains
scénarios. Tout d’abord, dans le cas du scénario 1, il sera légitime de s’interroger sur le
déremboursement du DI des femmes de moins de 50 ans à risque moyen. Dans une telle
optique, il faudrait alors envisager une stratégie pour la PEC des femmes à haut risque de
cancers du sein et aussi différencier la mammographie de dépistage de la mammographie de
suivi ou de diagnostic, qui elle, resterait PEC. Par ailleurs, ces différentes situations ont été
analysées de manière distinctes les unes des autres mais peuvent, dans une certaine mesure, se
combiner. En effet, même si les scénarios 2, 3 et 4 s’éloignent de la situation cible, certaines
pistes peuvent être approfondie, telle que la création d’un forfait de PEC mammographie +
échographie pratiquée en DO en fonction d’un taux cible d’échographies restant à déterminer.
Cette évaluation des coûts du dépistage, bien que donnant une idée sur ce que représente
un tel programme au niveau économique, présente certaines limites :
- Premièrement, les données sur le DI sont insuffisantes et résultent le plus souvent
d’estimations.
- Ensuite, cette étude analyse le rapport coût/nombre de cancers détectés et non le
rapport coût/diminution de la mortalité. Or, l’efficacité du dépistage se démontre
par ce dernier critère, il aurait donc été logique d’étudier ce ratio.
- Aussi, aucune prise en compte du surdiagnostic n’est établie dans l’indicateur de
résultats.
- Pour finir, cette expertise ne se limite qu’aux coûts médicaux directement liés au
dépistage. Or 35,2 millions d’euros sont imputables aux dépenses effectuées pour
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
55
le fonctionnement des structures de gestion dans la situation actuelle (lettre
d’invitation, relance, suivi des résultats…). Cette somme n’a pas été réévaluée
selon chaque scénario car difficile à estimer.
C’est ainsi que si l’évaluation du programme de DO du cancer du sein se voulait
exhaustive, d’autres coûts seraient également à prendre en compte allant des coûts
organisationnels (campagne de communication), à la perte de productivité sans oublier les
coûts intangibles tels que l’anxiété ou l’inquiétude à tort en cas de FP (23).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
56
1.3. DELIVRANCE DE L ’INFORMATION SUR LE PROGRAMME DE
DO DU CANCER DU SEIN
Un des enjeux décisifs pour obtenir l’amélioration de la santé de la population grâce au
DO du cancer du sein réside dans le fait que la population cible, représentant 9 millions de
femmes en France (24), doit participer massivement au test de dépistage. Depuis 2004, on
observe une augmentation du taux de participation avec toutefois une tendance à la stabilité
depuis 2008 et des inégalités relativement importantes en fonction des régions (25).
Figure 7 : Evolution du taux de participation au DO du cancer du sein en France de 2004 à
2011 d’après les données de l’InVS
La délivrance d’une information précise, complète et adaptée à la population devient
alors fondamentale. Deux niveaux de communication sont employés pour sensibiliser les
femmes de 50 à 74 ans. Au niveau national, une campagne de communication est organisée
par l’Etat et l’assurance maladie relayée à l’échelon départemental par les structures de
gestion et les professionnels de santé (plaquette d’information, affichage dans les lieux
publics, cabinets médicaux...). Dans ce cadre, une action de mobilisation nationale est mise en
place durant le mois d’Octobre avec la coopération de la ligue contre le cancer et l’INCa.
0
10
20
30
40
50
60
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
40,2
44,8
49,3 50,8
52,5 52,3 52 52,7
Tau
x d
e p
arti
cip
atio
n e
n %
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
57
1.3.1. OCTOBRE ROSE
Octobre est le mois de mobilisation nationale contre le cancer du sein. Au milieu des
années 1980, l’American Cancer Society ainsi qu’un laboratoire pharmaceutique américain
entreprennent de faire du mois d’Octobre le mois de « sensibilisation à la lutte contre le
cancer du sein » (26). Puis, en octobre 1992, la société de produits cosmétiques « Estée
Lauder » s’investit dans la lutte contre le cancer du sein et emploie cette formule engageante:
« le cancer du sein, parlons-en » afin de marquer les esprits. Le ruban rose devient alors le
symbole de la lutte contre le cancer du sein. Cette manifestation progresse pour se transformer
en véritable campagne internationale.
En France, de nombreuses associations, les centres de coordination et de multiples
acteurs profitent de ce mois rebaptisé « Octobre rose » où l’attention de la population est forte
pour sensibiliser les femmes au DO. Mise en place par les pouvoirs publics en octobre 2004
(année à laquelle le DO est généralisé sur l’ensemble du territoire), la communication s’est
développée au fil du temps et en adaptant sa stratégie en fonction des réactions de la
population cible.
Concrètement, en 2012, après divers messages phares (« dès 50 ans, c’est tous les deux
ans » en 2008, « Parlez-en aux femmes que vous aimez » en 2011…) cette campagne se
construit autour d’un message précis : « vérifiez de quand date votre dernière
mammographie».
Des spots télés faisant intervenir des animateurs de France télévision, des annonces radios,
une page facebook de l’INCa, une ligne téléphonique « cancer info », autant de dispositifs mis
en place dans un même but : l’augmentation de la participation et la fidélisation de la
population au DO du cancer du sein.
Au regard de tous ces moyens mis en œuvre, une question s’impose alors à nous : s’agit-il
véritablement d’information des patientes sur le DO ou plutôt de promotion pour le DO du
cancer du sein ?
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
58
1.3.2. IMPACT DE LA COMMUNICATION SUR LE
COMPORTEMENT DES FEMMES PAR RAPPORT AU DO
Selon une enquête barométrique INCa/BVA menée en Janvier et Février 2009, 98% des
femmes de plus de 25 ans et 99% des femmes de 50-74 ans connaissent l’existence du DO du
cancer du sein en France (27). Il s’agit aussi du dépistage pour lequel les femmes identifient
le mieux l’examen 87% des femmes de 50-74 ans évoquent spontanément la mammographie.
Cela s’explique par la forte pratique de cet examen de dépistage. Que ce soit de manière
individuelle ou organisée, 91% des femmes déclarent avoir déjà eu recours à une
mammographie de dépistage avec une majorité dans le cadre du DO du cancer du sein (57%
des femmes de 50 à 74 ans). De plus, la plupart des femmes de la population cible a intégré le
message de la régularité du dépistage (72% mentionnent la durée de 2 ans comme l’intervalle
conseillé entre 2 mammographies de dépistage). En revanche, certains points restent encore
flous, l’âge de 50 ans auquel les femmes deviennent concernées par le DO n’est cité que par
30% des femmes. Cela doit être dû à la pratique très fréquente d’un dépistage spontané avant
50 ans.
Diverses études quantitatives (basées sur différents critères : économiques,
géographiques…) et qualitatives (12) (réalisation d’entretiens individuels ou collectifs) ont été
menées afin de déterminer quels facteurs pouvaient expliquer la participation au DO ou au DI
ou la non-participation de la population cible.
Les principaux résultats de 7 études quantitatives françaises couvrant la période 1990-
2010 sont résumés dans le tableau 6.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
59
Tableau 6 : Facteurs explicatifs de la participation au DO. Synthèse des résultats de 7 études
quantitatives françaises menées sur la période 1990-2010
Facteurs de participation au dépistage Facteurs de non-
participation au dépistage DO DI
Suivi par le MT Suivi par un médecin
spécialiste (gynécologue)
Faible attention accordée à sa
santé (ignorance de son taux
de cholestérol, tabagisme)
Pratique d’autres examens de
dépistage (col de l’utérus,
colon)
Pratique d’autres examens de
dépistage (col de l’utérus,
colon)
Renonciation antérieure aux
soins pour raisons financières
Campagne d’information
(citée par 54.9% du groupe
DO)
Résidente de la zone urbaine
parisienne
Revenu faible, catégorie
socioprofessionnelle peu
qualifiée
Proche atteint (concerne
19.3% des participantes)
Complexité d’accès (raisons
géographiques, milieu rural)
Statut de locataire de son
logement
Les différentes enquêtes n’ont pas permis de conclure sur l’incidence de la participation
par rapport à l’âge, une étude a révélé une plus faible participation des 50-54 ans au DO, peut-
être due à l’habitude de la pratique du dépistage spontané avant 50 ans tandis qu’une autre
enquête indique une moindre participation de la tranche d’âge supérieure (70-74 ans).
D’une autre manière, il est aussi intéressant d’identifier dans les études qualitatives les
critères décisionnels de la participation des femmes de 50-74 ans.
Age?
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
60
Tableau 7 : Facteurs d’adhésion ou de non adhésion au DO. Synthèse des résultats de 6
études qualitatives françaises menées sur la période 2003-2007.
Participation au dépistage Non-participation au dépistage
DO DI
Incitation par :
- les médecins
généralistes ou
spécialistes
- les autres
professionnels de
santé
- les proches
Doute de la qualité du
dépistage :
- vision d’une vocation
sociale du DO
Sentiment de ne pas être
concernée/peur de la maladie :
- fatalisme
- négligence
- impression d’être en bonne
santé
Préoccupation de sa
santé/peur de la maladie
Image de la qualité du DI
grâce au couplage
mammographie /
échographie
Manque de temps pour soi :
contraintes sociales, familiales,
médicales (autres pathologies)
Gratuité du dépistage Habitude
Lettre d’invitation
incitative, civisme,
participation à un acte
d’intérêt collectif
Il est plus difficile d’aboutir à de véritables conclusions pour le DI car les facteurs
d’adhésion relevés auprès des patientes sont plus vagues et de fait moins étudiés.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
61
Néanmoins, nous avons remarqué d’une manière générale que plusieurs facteurs socio-
économiques, culturels et comportementaux conduisaient à la démarche du DO et que ce
dernier pour une majeure partie de la population a plutôt une image positive. Cependant, il
reste difficile d’évaluer comment la communication via les médias impacte sur le choix des
femmes et surtout comment celle-ci est perçue par la population cible. Une seule étude
quantitative évoque plus clairement l’incitation des femmes à participer au DO grâce aux
campagnes de communication. Les femmes participant au DO se disent à 54.2% motivées par
les campagnes d’information (versus 15.9% pour le DI) (28).
Cependant peut-on considérer que l’information sur le DO est délivrée aux patientes de
manière objective, complète et précise et que leur décision de participation ou non repose sur
une connaissance exhaustive des tenants et aboutissants du programme de DO ?
1.3.3. QUESTIONNEMENT SUR LE CARACTERE INFORMATIF
DES CAMPAGNES DE COMMUNICATION
A la lecture des différents dossiers de presse des campagnes « Octobre rose » depuis 2004
jusque 2012, une caractéristique commune nous interpelle : jusque 2010, aucune mention sur
les limites ou les incertitudes que comportent le DO n’apparait. Ce n’est qu’en 2011 qu’on
peut lire dans un encadré, quelques lignes sur le surdiagnostic (29).
Différentes études ont été réalisées ces dernières années et ont émis de gros doutes quant
à la balance bénéfice/risque du DO du cancer du sein. D’abord destinées à documenter et
aviser une population avertie incluant surtout les professionnels de santé (médecin généraliste,
radiologue, gynécologue notamment), ces études sont rapidement vulgarisées dans divers
articles de journaux comme « Le Monde » ou « 20 minutes » et donc très vite accessible au
grand public. En 2012, le dossier de presse de la campagne de communication est beaucoup
plus explicite sur le surdiagnostic, le sur-traitement et le risque de cancer radio-induits.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
62
Malgré tout, les femmes ont-elles bien conscience de ces notions ? Savent-elle que la
mammographie même couplée à une double lecture n’est pas un examen fiable à 100% ? Que
le programme de DO ne trouve un intérêt qu’à la condition qu’il y ait une répétition de cette
démarche de santé publique ? Cela soulève également le fait qu’elle s’expose à être
confrontée tous les 2 ans à un acte qui peut s’avérer perturbant surtout si une image suspecte
est trouvée. Il semble alors évident qu’avant de faire un tel choix, toutes ces questions doivent
être abordées par le MT ou par le gynécologue afin d’éviter certaines confusions sur le
dépistage.
1.3.4. LA NECESSITE DE L ’IMPLICATION DES MEDECINS
DANS LE PROGRAMME
Deux des huit recommandations (recommandation R(94)11) du conseil de l’Europe sur le
dépistage visent plus particulièrement à préconiser aux états membres le respect de certaines
valeurs éthiques propres à la médecine préventive (24) :
- « Ne pas délivrer des informations connues sur les aspects positifs ou négatifs du
dépistage est contraire à l’éthique et porte atteinte à l’autonomie de l’individu. »
- « La décision de participer à un programme de dépistage doit être prise librement.
Les diagnostics et les traitements qui peuvent en résulter ont besoin aussi d’un
consentement libre et distinct. Aucune pression ne doit être utilisée pour amener
quelqu’un à suivre une de ces procédures. »
Au niveau national, la loi française du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé, précise que l’information de la personne sur les avantages et les
risques que peut présenter un dépistage, est un des devoirs des acteurs impliqués dans le
programme de DO.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
63
1.3.4.1. PLACE DES MEDECINS GENERALISTES AU SEIN
DU PROGRAMME
Il est évident que les médecins généralistes ont un rôle de médiateur privilégié de
l’information sur le DO de par l’impact de leur discours auprès de leur patientèle. De ce fait,
leur mobilisation est nécessaire pour que les femmes de la population cible obtiennent des
informations de qualité, pertinentes et surtout compréhensibles. Il nous semble alors
intéressant d’observer comment les médecins généralistes perçoivent le DO.
Une étude réalisée en 2010 sur 600 médecins généralistes nous apprend que 60% d’entre
eux considèrent qu’ils ont un rôle indispensable dans le dépistage du cancer du sein (30). De
plus, 56% des médecins généralistes déclarent vérifier systématiquement que leurs patientes
âgées de 50 à 74 ans aient bien effectué leurs mammographies. La plupart de ces médecins
déclare qu’il s’agit du test de dépistage de cancers le plus inscrit dans leur pratique (ce qui est
en contradiction avec les données du plan cancer 2009-2013).
Figure 8 : Evaluation de la place des différents dépistages de cancers dans la pratique des
médecins généralistes.
Prostate
Col de l'utérus
Colorectal
Sein
47
45
34
56
% de médecins impliqués dans le dépistage de cancers de leur patientéle
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
64
Aussi, 52% des médecins généralistes disent préconiser à leurs patientes de 50-74 ans le
DO qu’ils jugent de qualité supérieure grâce à une seconde lecture, une relance par courrier et
une organisation bien conduite (figure9). D’une manière générale, le DO du cancer du sein
apparait comme plutôt satisfaisant auprès de la plupart des médecins de cette enquête
(figure10).
Figure 9 : Pour vos patientes âgées de 50 à 74 ans, préconisez-vous plutôt… ?
Source :Institut National du Cancer (INCa). Médecins généralistes et dépistage des cancers. Synthèse des
résultats de l’enquête barométrique INCa/BVA Septembre 2010.
http://www.e-cancer.fr/component/docman/doc_download/9400-medecins-generalistes-et-depistage-des-cancers,
consulté le 17 janvier 2013.
Figure 10 :Diriez-vous que vous êtes tout à fait d’accord, plutôt, plutôt pas ou pas du tout
d’accord avec chacune des opinions suivantes sur le dépistage organisé du cancer du sein ?
Source :Institut National du Cancer (INCa). Médecins généralistes et dépistage des cancers. Synthèse des
résultats de l’enquête barométrique INCa/BVA Septembre 2010.
http://www.e-cancer.fr/component/docman/doc_download/9400-medecins-generalistes-et-depistage-des-cancers,
consulté le 17 janvier 2013.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
65
.
Toutefois, si 78% des médecins généralistes de cette étude estiment que le DO du cancer
du sein est efficace, la limite de la mammographie de dépistage qu’ils expriment le plus,
correspond manifestement aux FP. Concernant les surdiagnostics, cette étude établit que les
médecins généralistes ne semblent pas faire de corrélation entre cette problématique et le test
de dépistage.
Ce dernier renseignement montre qu’il reste tout de même des approximations dans la
connaissance des différents aspects du dépistage par les médecins. Ceci nous amène de
nouveau à penser que la population cible ne détient pas toutes les informations avant
d’adopter la démarche du DO.
Une synthèse de tous les éléments essentiels que doivent connaître les personnes invitées
au DO a été effectuée par le GRED (groupe de réflexion sur l’éthique du dépistage) réunis par
l’INCa réunit diverses notions dont la patiente doit avoir conscience et qui sont soit factuelles
comme le rythme, la tranche d’âge, les modalités de PEC, soit plus complexes comme le
surdiagnostic/surtraitement, les cancers de l’intervalle, les FP ou négatifs. Le GRED émet
l’idée d’un guide de bonne pratique qui serait à disposition des médecins pour délivrer les
informations de manière exhaustive aux femmes concernées.
1.3.4.2. PLACE DES GYNECOLOGUES , RADIOLOGUES ET
AUTRES PROFESSIONNELS DE SANTE
Le GRED insiste également sur l’importance d’un médecin pivot (MT ou gynécologue)
responsable de l’information de la patiente, de son suivi dans le cadre du DO et des soins si la
mammographie se révèle positive. Effectivement, l’absence d’un tel référent peut-être
synonyme pour la patiente d’une inattention, d’un désintérêt, à son égard, ce qui renvoie à
l’impersonnalité du DO et pourrait expliquer la coexistence du DI. De même, la présence d’un
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
66
médecin pivot que ce soit le MT ou le gynécologue, aurait une utilité capitale à
l’accompagnement dans l’annonce des résultats. Néanmoins, l’échange entre les deux
professionnels est indispensable pour assurer la coordination des soins et une PEC optimale
de la patiente.
Sur le site de l’INCa, plusieurs fiches d’informations à destination des professionnels de
santé sont disponibles afin de les aider à intégrer leurs patientes dans le programme de DO.
En ce qui concerne les gynécologues, cette fiche leur indique que s’ils prescrivent la
mammographie dans le cadre du DO, cela leur permettra de suivre plus simplement leurs
patientes en les adressant directement à un radiologue agréé par exemple, en donnant leur avis
sur les clichés de mammographies ou tout simplement en gardant une maitrise de leur
parcours de soins en cas de découverte d’une anomalie (31).
Le radiologue a aussi sa part de responsabilité dans l’information délivrée à la patiente
d’autant plus si l’examen se révèle positif. Il doit aussi réorienter selon les indications de
l’AcBUS (accord de bon usage des soins relatifs à la mammographie du 23.06.06) les femmes
du DI vers le DO.
Pour ce qui est des autres professionnels de santé tels que les pharmaciens, ils peuvent se
procurer des affiches et des dépliants à destination des patientes et de ce fait constituer un
véritable relai de l’information en ce qui concerne le DO notamment durant « Octobre rose ».
Sur le site de l’INCa, un document censé permettre aux pharmaciens de conseiller et
d’orienter les patientes dans la démarche du DO est disponible. Après le rappel des modalités
du DO, cet outil est supposé apporter aux pharmaciens les réponses aux interrogations de
leurs patientes : faut-il attendre un symptôme pour se faire dépister ? Quelles informations
données aux femmes qui appréhendent l’examen ?...Cependant, aucun élément concernant les
inconvénients ou les risques de la mammographie et du DO ne figure sur ce document. Or, en
tant que professionnels de santé et conformément au code de déontologie des pharmaciens, le
pharmacien « doit contribuer à l’information et à l’éducation du public en matière sanitaire et
sociale» (32) tout en prêtant son « concours aux actions entreprises par les autorités
compétentes en vue de la protection de la santé » (33).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
67
De toute évidence, pour accomplir cette mission dans le cadre du DO du cancer du sein,
le pharmacien manque cruellement d’information et exercerait ici plus un rôle d’incitation et
de motivation que d’éducation.
Après avoir étudié l’historique du dépistage, les modalités de mise en place du DO, ses
enjeux et dans quelles mesures les différents acteurs du dépistage intervenaient dans
l’information délivrée à la patiente, nous allons observer dans une seconde partie, comment se
déroule concrètement le DO, quelles sont les principales différences pratiques avec le DI et
pourquoi ne généralise-t-on pas le DO à partir de 40 ans ?
Cela nous amènera à comprendre à travers diverses études comment la polémique autour
du DO du cancer du sein est née et quels en sont les aspects principaux. Ainsi, nous
exposerons notamment les problématiques que sont celles du surdiagnostic et des FP. De
même, nous présenterons leurs impacts sur la population cible et en termes de santé publique.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
68
2. MAMMOGRAPHIE DE DEPISTAGE : PRESENTATION
TECHNIQUE, IDENTIFICATION ET EVALUATION DES
RISQUES
2.1. DEROULEMENT DE LA MAMMOGRAPHIE DANS LE CADRE DU
DO
2.1.1. PRINCIPES ET CARACTERISTIQUES DE LA
MAMMOGRAPHIE
2.1.1.1. CONSEILS A LA PATIENTE AVANT UNE
MAMMOGRAPHIE
Pour le déroulement optimal de l’examen, quelques conseils simples sont à délivrées à la
patiente. Le MT doit fournir les recommandations nécessaires avant une mammographie
notamment s’il s’agit de la première pour la patiente :
- Programmer la mammographie pendant la première partie du cycle menstruel car
les seins sont plus faciles à examiner et moins douloureux (34) (entre le huitième
et le douzième jour après le début des règles idéalement) : environ 50 % de
femmes considèrent cet examen comme douloureux.
- Ne pas appliquer de produits cosmétiques sur les seins (crème, lait de toilette,
parfum, talc…)
- Ne pas porter de bijoux
- Inutile d’être à jeun
- Inutile d’interrompre les traitements médicamenteux en cours mais signaler leur
prise au radiologue
- Signaler au radiologue toute intervention chirurgicale réalisée au niveau des seins
- Rapporter toutes les anciennes mammographies ou autres documents radiologiques
mammaires (35).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
69
2.1.1.2. DEFINITION , SPECIFICITE ET SENSIBILITE DE LA
MAMMOGRAPHIE DE DEPISTAGE
La mammographie permet l’obtention d’une image des tissus internes du sein grâce aux
rayons X. Il existe la mammographie de diagnostic, réalisée quand la présence d’une anomalie
est déjà connue, pour déterminer sa nature, sa taille exacte et sa localisation et la
mammographie de dépistage (correspondant à celle que l’on étudie ici). Des anomalies de
petites tailles (micro-calcification< 1mm par exemple) potentiellement de nature tumorale,
sans signe clinique et non détectables par palpation peuvent ainsi être détectées et donc prises
en charge précocement (14). Ces lésions non palpables découvertes par l’exploration
mammographique représenteraient 25 à 35% des cancers.
Deux incidences par sein sont réalisées :
- Face ou cranio-caudale
- Oblique externe
Le cliché de profil strict est souvent indispensable si une anomalie est détectée afin de la
localiser précisément dans l’espace. Des clichés supplémentaires peuvent être exigibles tels
que l’agrandi, ou la compression localisée, pour préciser la morphologie d’une anomalie.
La réalisation de deux incidences est pertinente notamment si la patiente présente des
seins denses car dans ce cas, 80% des cancers non détectés sur le cliché oblique externe seront
visibles sur le cliché de face (36).
D’après diverses études épidémiologiques, la spécificité de la mammographie (toutes
technologies confondues) serait supérieure à 90% et sa sensibilité s’élèverait à 75% environ.
Ce pourcentage diminue selon que la densité mammaire des patientes augmente, avec un plus
grand taux de FN.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
70
2.1.1.3. INFLUENCE DE LA DENSITE MAMMAIRE DANS LA
LECTURE D ’UNE MAMMOGRAPHIE
La densité mammaire peut se définir comme la proportion des structures radio-opaques
(tissu fibroglandulaire, composante hydrique) par rapport aux structures radio-transparentes
(tissu graisseux). Le sein est considéré comme dense si plus de 25% du sein est
radiologiquement dense. Dans le cas de seins denses, on obtient une diminution de la visibilité
des lésions du fait d’un faible contraste entre des opacités éventuelles et le tissu mammaire
environnant. Cela s’explique, notamment pour la mammographie analogique, par un
coefficient d’atténuation des rayons X semblable pour le tissu fibroglandulaire et les lésions
mammaires éventuelles. Aussi, plus le sein est dense, plus le rayonnement est diffusé ce qui
diminue encore le contraste. Une forte densité mammaire est retrouvée davantage chez les
femmes jeunes mais cela sans cassure franche ni limite d’âge. On considère que 30% des
femmes participant au DO donc de 50 à 74 ans ont les seins denses. Toutefois, l’estimation de
la densité mammaire est multifactorielle car dépendante aussi de facteurs techniques tels que
le film utilisé, les conditions de développement ou de lecture (luminosité ambiante, puissance
du négatoscope). On exprime l’importance de la densité mammaire selon la classification de
l’American Cancer of Radiology (ACR) rapportée dans le BI-RADS (Breast Imaging
Reporting and Data System) du type 1 au type 4 soit du moins dense au plus dense.
Les conséquences d’une densité mammaire importante ne sont pas négligeables car elle
augmente le risque de cancer du sein d’un facteur 2 à 6 selon les études, par rapport aux
femmes aux seins graisseux ou non denses. Elle diminue la sensibilité de la mammographie et
augmente le risque de cancers de l’intervalle (×5 pour le type 4, ×3 pour le type 3) et de FP
lors des campagnes de dépistage. L’impact de la densité mammaire sur la fiabilité de
l’interprétation mammographique est considérable et explique entre autre l’attrait pour la
technologie numérique qui semble être plus performante chez les femmes aux seins denses.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
71
Figure 11 : Mammographie incidence oblique (a) et de face (b) : densité de type 3
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
72
2.1.2. MAMMOGRAPHIE ANALOGIQ UE/MAMMOGRAPHIE
NUMERIQUE
2.1.2.1. PRESENTATION DES DIFFERENTES
TECHNOLOGIES
En 2011, 2,4 millions de mammographies ont été effectuées dans le cadre du DO (37). Le
parc mammographique français comprend au premier semestre 2012 environ 2300
installations. Dans le cadre du DO du cancer du sein, c’est la technologie analogique,
exclusivement, qui est utilisée jusque fin 2007. La publication en 2005 de l’étude nord-
américaine DMIST (Digital Mammographic Imaging Screening Trial) ainsi que la mise en
œuvre d’un contrôle qualité des mammographes numériques depuis janvier 2006, engendre un
changement radical dans la proportion des deux types de technologies. En effet, à partir de
janvier 2008 et de l’introduction de la mammographie numérique dans le DO, le nombre
d’installations numériques est multiplié par cinq en deux ans. Les installations numériques
représentent aujourd’hui plus de 82 % du parc mammographique français (soit 1900 appareils
numériques, dont 36% « DR » et 64% « CR »).
Figure 12 : Représentation d’un mammographe analogique
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
73
Le mammographe, qu’il soit analogique ou numérique est constitué de divers éléments
communs détaillés dans la figure ci-dessous (38).
Figure 13 : Description simplifiée d’un mammographe (numérique ou analogique)
Tous ces éléments participent à l’obtention d’une bonne qualité de l’image. Le système
CR (Computed Radiography) du mammographe numérique se différencie du système DR par
un écran radioluminescent photostimulable, qui, sous l’excitation d’un faisceau laser émet une
lumière convertie en signal électrique donnant une image constituée de pixels (traités ensuite
par des logiciels spécifiques). Le système DR (ou plein champ) utilisent un capteur plan dont
les pixels irradiés par les rayons X donnent directement un signal électrique formant une
image.
D’une manière générale, la technologie numérique tend à remplacer progressivement le
traditionnel film RX car elle offre certains avantages tels que la détection assistée par
ordinateur ou encore la tomosynthèse (mammographie en 3D permettant l’obtention de
coupes mammaires). Cependant, est-elle aussi efficace en termes de détection de cancers que
la mammographie analogique ?
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
74
2.1.2.2. COMPARAISON DES PERFORMANCES
Selon diverses études, le « tout numérique » permettrait une dose d’irradiation moindre
que la technologie analogique, un gain de temps dans la réalisation de l’examen, un confort de
lecture pour l’interprétation des anomalies, un gain écologique et enfin une amélioration de
l’archivage des mammographies (39).
En 2005, est publiée l’essai nord-américain DMIST, dont le but a été l’évaluation du
dépistage par la mammographie numérique (40). 42760 patientes de 47 à 62 ans, dont les
données étaient complètes, ont participé à cette étude pour laquelle trois variables ont été
retenues : l’âge, le statut hormonal (fonction de la date de la ménopause) et la densité
mammaire. Un des points forts de cette étude a été la neutralisation de la variabilité
individuelle car ces femmes ont toutes été dépistées par les 2 types de mammographes avec
une double lecture en cas de négativité. Les conclusions de cette étude indiquent que les
technologies sont très comparables en terme de détection de cancers mais avec une légère
supériorité du numérique notamment pour les femmes de moins de 50 ans, aux seins denses,
en pré et péri-ménopause.
En 2008, une publication complémentaire de l’étude DMIST vient conforter leurs
premiers résultats avec néanmoins certaines objections à leurs précédentes conclusions. En
effet, la mammographie analogique serait plus performante chez les femmes de moins de 50
ans, ménopausée, aux seins denses (soit 2,6% de la population étudiée) et les femmes de plus
de 65 ans (soit 12% de la population étudiée). Ils émettent toutefois la possibilité d’un biais
pour ce dernier groupe de patientes chez qui l’examen aurait été réalisé avec un matériel
d’une autre marque et pour lequel le nombre de cancers détectés serait inférieur par rapport
aux autres groupes. Par ailleurs, deux biais importants à cette étude vont être soulevés par
deux auteurs différents. Kopans souligne le problème de la variabilité interprétative du
lecteur : est-il familier à la technologie du mammographe utilisé ? Ou encore cela a-t-il
nécessité de nombreux efforts adaptatifs ? Il insiste sur l’impact médico-économique
qu’engendrent de telles conclusions. Hixson dénonce quant à lui, le problème des
technologies analogiques utilisées lors de l’étude qui selon lui ne correspondent pas aux
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
75
meilleurs standards et à la référence actuelle. Pour finir, la densité mammaire semble être
l’unique variable réellement pertinente dans cette étude car elle seule, définit au mieux l’étude
des tissus, les autres étant des variables dépendantes.
En juillet 2010, l’INCa publie une enquête menée auprès des structures de gestion sur
demande de la DGS, alertée par l’hétérogénéité des taux de cancers détectés entre les
mammographes analogiques et les mammographes numériques (avec notamment une
détection inférieure des mammographes CR à écran radioluminescent) (41). Il ressort de cette
enquête que les mammographes analogiques et numériques plein champ (DR) sont plus
performants en terme de détection de cancer (5.41‰ et 6.50‰ cancers détectés
respectivement sur plus de 2 millions de mammographies réalisées). Les systèmes CR ont
globalement un taux de détection inférieur (5.24‰) avec une grande variabilité en fonction de
la marque de l’appareil. De plus, le taux de clichés techniquement insuffisants (CTI) se révèle
supérieur pour la mammographie analogique versus numérique mais certains systèmes CR
présentent un taux de CTI plus important que la technologie analogique.
C’est pourquoi l’ANSM publie au JO du 28 décembre 2010 la décision d’un
renforcement du contrôle qualité des installations de mammographie numérique (42). La
nouvelle décision du 23 novembre 2012 renforce la précédente avec les critères
d’acceptabilité les plus contraignants au niveau européen. L’arrêt de l’utilisation de
l’installation est exigé si elle n’est pas conforme aux exigences de qualité. Sachant que
certains pays n’utilisent pas les systèmes CR dans le cadre du dépistage, il est légitime de se
poser la question quant à leur utilisation en France. L’expertise des radiologues se veut alors
fondamentale car l’enjeu de telles données dépasse le cadre du DO.
2.1.3. PARCOURS DE LA PATIEN TE DANS LE CADRE DU DO
Une grande majorité de femmes de 50 à 74 ans sont invitées à participer au DO par les
structures de gestion. Cependant, certains critères d’exclusions (non définitifs) existent et
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
76
demandent un suivi plus accru des patientes. Il s’agit par exemple de femmes en traitement ou
surveillance d’un cancer du sein, ou présentant des facteurs de risques importants (hyperplasie
canalaire atypique, gène de prédisposition…). Certains autres critères ne font pas l’objet de
cette exclusion, c’est le cas du port de prothèses mammaires ou encore d’antécédent (ATCD)
de chirurgie pour lésion bénigne (6). Les centres de coordination envoient donc un courrier à
la population cible et lui communiquent la liste des radiologues participant au programme
(pratiquant le tiers payant soit une PEC à 100% pour la patiente sans avance de frais sauf en
cas d’examens complémentaires). Une lettre de relance sera adressée à la patiente si elle n’a
pas participé.
Le jour de l’examen de dépistage, la patiente est dans un premier temps interrogée sur sa
dernière mammographie, ses ATCD médicaux et familiaux de cancers et sur la prise
potentielle d’un THS. Ces renseignements sont mentionnés dans la fiche d’interprétation qui
sera transmise à la structure de gestion. Le radiologue effectue ensuite les deux clichés de
base puis tout autre qu’il jugera nécessaire pour différencier un simple artefact d’une véritable
lésion. Il les compare avec les mammographies antérieures, si possible, et effectue un examen
clinique des seins à la recherche d’une anomalie palpable évidente sans traduction
mammographique.
S’il détecte une anomalie sur la mammographie ou lors de l’examen clinique, un examen
de diagnostic immédiat est réalisé (le même jour ou dans les jours suivants :on l’appelle alors
bilan de diagnostic différé) correspondant à une échographie, un agrandissement ou plus
rarement une cytoponction. Dans le cas du bilan de diagnostic différé, la patiente est informée
du protocole à suivre lors d’un entretien avec le radiologue. La fiche d’interprétation, le
compte rendu du radiologue et éventuellement un cliché montrant la lésion sont transmis au
centre de coordination. Dans le cas où le bilan de diagnostic s’avère positif, des investigations
supplémentaires seront menées pour confirmer le caractère tumoral de la lésion (biopsie) (43).
La structure de gestion informe alors le MT et/ou gynécologue indiqué par la patiente pour
qu’une PEC soit mise en place dans le cas où la patiente présente effectivement un cancer.
Si le radiologue premier lecteur considère la mammographie comme négative (ACR 1 et
2 :cf. chapitre 2.1.4), il envoie la fiche interprétative, son compte rendu et les clichés ou autres
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
77
examens qui ont été nécessaires pour établir son avis, à la structure de gestion afin que la
deuxième lecture soit réalisée. Il en informe la patiente. Celle-ci recevra sous quinze jours le
résultat définitif tout comme son MT et/ou gynécologue.
Si le radiologue second lecteur détecte une anomalie, le radiologue premier lecteur est
averti par courrier par le centre de coordination. Il est informé de la nature exacte de
l’anomalie, de sa localisation et de la conduite à tenir recommandée (tout comme le MT et/ou
gynécologue indiqué par la patiente). La patiente reçoit ses clichés et une lettre lui demandant
de contacter son médecin pour la réalisation d’un bilan de diagnostic et pour sa PEC.
Le centre de coordination a pour mission de colliger l’ensemble des données pour
chacune des patientes participant au DO afin de permettre l’évaluation du programme de
dépistage (différence notable avec le DI pour lequel aucune évaluation n’est réalisée).
Figure 14 : Parcours théorique de la patiente dans le cadre du DO
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
78
2.1.4. CLASSIFICATION ACR
Il existe une classification BI-RADS des mammographies établit par l’ACR et traduite
par la Société française de radiologie. Elle est fonction du degré de malignité de la lésion
retenue (14). Une présentation de cette classification est nécessaire afin de mieux comprendre
tout son enjeu dans la suite de l’exposé :
- ACR0 : Classification temporaire en attente d’investigations complémentaires
- ACR1 : Aucune anomalie présente
- ACR2 : Présence d’une anomalie bénigne ne nécessitant pas de surveillance
particulière (kystes huileux, lipomes, calcifications vasculaires…)
- ACR3 : Présence d’anomalie probablement bénigne pour laquelle une surveillance
initiale à court terme est conseillée (3 à 6 mois). Les anomalies classées dans cette
catégorie devraient avoir moins de 2% de risque de malignité (petit amas de
calcification peu nombreuses, opacité circonscrite non calcifiée et non liquidienne
en échographie…)
- ACR4 : Présence d’une anomalie suspecte pour laquelle une biopsie percutanée est
à envisager (microcalcifications punctiformes régulières nombreuses, distorsion
architecturale en dehors d’une cicatrice connue)
- ACR5 : Présence d’une anomalie à haute probabilité (≥95%) de malignité
(microcalcifications à topographie galactophorique en groupement, opacité
spiculée à centre dense…) Pour établir la stratégie thérapeutique, une biopsie
percutanée est le plus souvent proposée.
- ACR6 : Présence d’une lésion à malignité prouvée par la biopsie
Cette classification des mammographies selon la probabilité qu’une anomalie soit
maligne ou non apparait comme fiable et reproductible en intra et interobservateur. Toutefois,
le classement d’une mammographie en ACR3 peut sembler problématique et fait l’objet d’une
réflexion approfondie par le GRED dans le cadre du rapport sur l’éthique du DO du cancer du
sein en France. En effet, le groupe de travail soulève le fait qu’un cliché ACR3 ne bénéficie
pas d’une double lecture. Il sort de la procédure du DO pour obtenir un suivi spécifique (44).
Ce suivi qui, de prime abord, semble être pertinent, se révèle être une situation d’incertitude et
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
79
de stress pour les femmes concernées. Une femme sur dix environ se voit attribuer ce
classement qui les contraint à une surveillance accrue dans la plupart des cas sur plus de 2 ans.
Alors, comment peut-on s’assurer de la qualité du bilan d’imagerie et légitimer ce
classement ? Quelques éléments peuvent être facilement vérifiés par le clinicien afin de
s’assurer de la qualité du bilan d’imagerie. D’abord, un cliché de profil et des clichés localisés
doivent être réalisés outre les clichés standards devant une opacité mammographique afin
d’en préciser les contours. Une échographie sera également nécessaire pour la majorité des
cas. Aussi, la présence de microcalcifications devra engendrer la réalisation d’un profil strict
et d’agrandissement géométriques de face et de profil. Sans ces clichés complémentaires,
aucun dossier ne devrait être côté ACR3.
Une fois ce classement effectué, pourquoi ne pas procéder aux techniques diagnostiques
performantes dont nous disposons aujourd’hui (micro et macrobiopsie) et éviter par la même
une surveillance accrue, source d’angoisse pour la patiente ? La raison n’est autre que le
risque de surdiagnostic (cf. chapitre 2.3) car la multiplication des biopsies sur les images
ACR3 augmenterait potentiellement la détection de lésions au caractère évolutif inconnu et
donc leurs traitements sans preuve de bénéfice en termes de survie pour les patientes.
Au vue de ces informations, le suivi spécifique correspondrait à priori à la meilleure
solution. Sans faire courir le risque d’un sous-diagnostic, il permet aussi de diminuer le risque
de sur-traitement. Il serait donc nécessaire d’apporter aux patientes des explications simples et
claires en amont du dépistage sur l’éventualité d’une surveillance mammographique (via les
brochures sur le dépistage et les professionnels de santé). Ceci contribuerait à maintenir la
confiance dans le DO, car l’inquiétude générée par le classement en ACR3 pourrait freiner les
femmes à revenir au DO, lorsqu’ in fine, elles sont reclassées en ACR1 ou 2.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
80
2.1.5. CONSIDERATIONS SUR LE DEPISTAGE DU CANCER DU
SEIN AVANT 50 ANS
2.1.5.1. FACTEURS DE RISQUE DU CANCER DU SEIN
Avant d’étudier les raisons qui justifient la mise en place du programme à partir de 50 ans
(et non avant), nous allons reconsidérer les facteurs de risques (FR) les plus importants et les
plus notoires du cancer du sein. Son étiologie n’est que partiellement connue, son
développement est complexe et plurifactoriel.
- Âge : FR commun à tous les cancers, de par le délai d’exposition à certains
facteurs mais aussi du fait de la perte de capacité des cellules à réparer les
altérations causées à l’ADN (3).
- Exposition aux œstrogènes: Effet mutagène avéré par stimulation et prolifération
des cellules épithéliales mammaires et induction d’erreurs dans la réplication
augmentant l’émergence de clones cellulaires anormaux.
Une exposition prolongée aux œstrogènes augmente donc potentiellement le risque
de cancer du sein. Nous pouvons ainsi considérer que l’âge précoce des premières
menstruations (<12 ans)et que la ménopause tardive augmente ce risque. La
nulliparité et un âge tardif (>35 ans) à la première grossesse entraine une absence
de différenciation terminale de l’épithélium mammaire ou une différenciation
tardive. La sensibilité de cet épithélium aux carcinogènes et à leurs actions néfastes
se poursuit alors durant toute la période d’immaturité cellulaire. De plus, l’obésité
dans le cas de la femme ménopausée correspond également à un FR.
L’aromatisation des androgènes par le tissu adipeux constitue la source
d’œstrogènes circulants principale après la ménopause. Il est aussi prouvé que les
œstrogènes exogènes (contraceptifs oraux et traitements hormonaux substitutifs)
provoquent une augmentation du risque de cancer du sein (non définitive).
Cependant, même si tous ces facteurs représentent un risque plus élevé de
développer un cancer du sein, aujourd’hui plusieurs études nous indique que ce
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
81
risque est faible (risque relatif : 1,1<RR ≤ 2) en comparaison avec d’autres
facteurs beaucoup plus déterminant.
- Prédispositions héréditaires : Certains gènes sont majeurs dans la prédisposition au
cancer du sein et définissent des populations à très haut risque (RR>4). Les gènes
BRCA1 et BRCA2 fonctionnent comme des gènes suppresseurs de tumeur. Si une
mutation délétère est présente sur l’un des deux allèles de BCRA1 ou BCRA2,
l’individu est prédisposé (45). Le risque familial existe et est d’autant plus
important pour une patiente donnée si le cancer du sein atteint un parent (ou plus)
au 1er degré (mère, sœur) et à un âge précoce (< 50 ans).
- FR mammaires : Comme nous l’avons vu précédemment, une densité mammaire
importante accroit le risque de cancer du sein. Ce risque est considéré comme
modéré (2<RR≤4). Par ailleurs, certaines pathologies bénignes ou hyperplasie du
sein (outre les kystes, les cicatrices radiaires ou les hyperplasies communes légères)
peuvent augmenter le risque de cancer de façon modérée à élevée. Un ATCD
personnel de cancer du sein représentera un facteur de risque élevé.
- Autres FR : Beaucoup d’études aux résultats souvent discordants ont été menées
sur le rôle de l’alimentation, des radiations ionisantes et l’influence du tabac, de
l’alcool et d’autres composés toxiques dans le développement du cancer du sein.
Le but est ici d’apporter quelques éléments de réponse. Le seul FR nutritionnel
établi est l’alcool en raison de son rôle dans l’augmentation des taux sériques
d’œstrogènes et vraisemblablement dans la production accrue d’IGF (insulin-like
growth factor) qui agissent entre autre en inhibant l’apoptose (46). Toutefois, le
risque relatif de développer un cancer du sein, lié à ce facteur reste faible. Le tabac,
peut-être du fait de son effet antioestrogénique, n’est pas un FR avéré. Les
radiations ionisantes à haute dose (ex : radiothérapie dans la maladie de Hodgkin)
représentent un risque modéré. Enfin, des composés chimiques toxiques
carcinogènes chez l’animal ont été incriminés dans le cancer du sein mais sans
preuve tangible (composés plastiques, herbicides, trichloréthylène).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
82
2.1.5.2. BALANCE BENEFICES/RISQUES DEFAVORABLE
AVANT 50 ANS
En France et dans une majorité d’autres pays ayant mis en place un DO (Canada, Ecosse,
Royaume-Uni, Suède…), les recommandations ne sont pas en faveur d’un programme de
dépistage mammographique avant 50 ans. Il n’existe dans aucun pays du monde de
programme de dépistage avant 40 ans. En ce qui concerne les Etats-Unis et l’Allemagne, les
organismes publics et les sociétés savantes étant majoritairement en faveur du dépistage, ce
dernier commence à l’âge de 40 ans avec un intervalle d’1 à 2 ans entre les mammographies.
L’incidence du cancer du sein en France commence à augmenter de façon plus
importante à partir de 30 ans (âge auquel il est encore rare : moins de 200 cas annuels en
France), puis à 40 ans, on estime qu’une femme sur 720 est atteinte du cancer du sein, puis 1
sur 370 à 50 ans pour enfin atteindre un plateau entre 60 et 69 ans (avec un peu moins de 420
femmes sur 100 000) (47).
Figure 15 : Incidence et Mortalité par âge, pour le cancer du sein en 2005 en France.
Belot A, Velten M, Grosclaude P et al. Estimationnationale de l’incidence et de la mortalitéparcancer en France
entre 1980 et 2005.
http://www.invs.sante.fr/publications/2009/estimation_cancer_1980_2005/estimation_cancer_1980_2005.pdf,
consulté le 20 février 2013.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
83
Ainsi, la moindre prévalence du cancer du sein dans la tranche d’âge 40-49 ans (moins de
20% des femmes atteintes) est un des éléments contribuant à l’absence de dépistage dans cette
tranche d’âge.
Malgré tout, une étude randomisée anglaise : Age Trial (48), comprenant 160 921
femmes âgées de 39 à 48 ans incluses de 1991 à 1997 dans 23 centres, et divisées en 2
groupes : «Intervention» (une mammographie par an jusque 48 ans pour 1/3 des patientes) et
«Témoin» (absence de mammographie et soins usuels pour 2/3 des patientes) a montré une
réduction de la mortalité par cancer du sein dans le groupe « Intervention » (après 10 années
de suivi). Néanmoins, cette diminution du taux de mortalité n’était pas statistiquement
significative et l’étude publiée en 2006 avait pour principales limites une taille insuffisante
(49) bien qu’elle soit la plus importante à ce jour sur le sujet) et un suivi trop court des
patientes pour conclure véritablement.
Cette analyse nous amène à nous interroger sur les autres risques du dépistage chez les
femmes de moins de 50 ans. Comme certains risques existent et font débat pour le DO des 50-
74 ans, nous pouvons aisément penser que les mêmes problèmes se posent avant 50 ans. Les
taux de FN et de FP sont plus élevés dans cette tranche d’âge du fait d’une sensibilité et d’une
spécificité inférieure de la mammographie (la densité mammaire étant plus importante chez
les femmes jeunes). Or, un nombre important de FN pourrait inciter à raccourcir le délai de 2
ans entre les mammographies et donc contribuer à un risque iatrogène plus élevé de cet
examen d’autant plus si une décennie de dépistage (à raison d’une mammographie par an)
s’ajoute aux mammographies réalisées entre 50 et 74 ans.
Par ailleurs, les résultats d’une étude française chez les femmes de moins de 50 ans, avait
permis de conclure que le rapport coût/efficacité était supérieur à celui des autres classes
d’âge concernées par le dépistage (50). Ce qui s’explique en partie par la prévalence plus
faible de la maladie dans cette catégorie d’âge. Cependant cette conclusion était fortement
influencée par les hypothèses émises sur la diminution de la mortalité dans cette classe d’âge
sur lesquelles il est difficile de statuer à l’époque.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
84
Après avoir étudié l’opportunité d’étendre le DO aux femmes âgées de 40 à 49 ans selon
les critères OMS, aucune étude de bonne qualité méthodologique et de puissance satisfaisante
ne permet de conclure sur le bénéfice du dépistage dans cette tranche d’âge. Les
recommandations de l’HAS n’ont donc aucun intérêt à être révisée en ce qui concerne l’âge
du début du DO. Le dépistage entre 40 et 50 ans, faute de preuve, doit donc rester une
décision individuelle à évaluer par le MT et/ou gynécologue en fonction du risque personnel
de cancer du sein de chaque patiente.
Nous avons constaté qu’un certain nombre d’effets indésirables (EI) conduisaient à des
recommandations en défaveur du DO chez les femmes de moins de 50 ans. Il est certain que
ces EI existent toujours après 50 ans mais malheureusement, font rarement l’objet d’analyses
quantifiées (aucune pour la France à ce jour). Nous allons identifier ces EI et essayer de
quantifier leur impact dans la population cible.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
85
2.2. FAUX POSITIFS/FAUX NEGATIFS
2.2.1. FAUX POSITIFS
2.2.1.1. DEFINITION
Rappelons qu’un faux positif (FP) correspond ici à une mammographie présentant une
anomalie alors que la patiente est saine. La probabilité que le test soit positif chez un sujet
sain est liée à la spécificité du test, égale à 90% en moyenne pour l’examen mammographique
(de 82 à 93% dans les études randomisées).
En France, on estime les taux de rappel annuels suite au DO entre 6 et 8% (7,6% en 2003,
cf. Tableau3). On peut considérer ce taux comme l’estimation indirecte du taux de
mammographie anormale. Sachant qu’on estime le taux de vrais positifs à 0,6% (51), le
nombre de mammographies anormales se révèle environ 10 fois plus élevé que le nombre de
cancers. Les études démontrent aussi que le risque de FP est majoré au fil du temps, il s’agit
du risque cumulé de FP.
2.2.1.2. QUELS SONT LES PROBLEMES QUE POSENT LES
MAMMOGRAPHIES FAUSSEMENT POSITIVES ?
Outre le fait qu’un résultat positif génère potentiellement une anxiété et un stress
importants chez la patiente, celle-ci sera amenée à subir des examens complémentaires allant
de simples clichés supplémentaires à une biopsie chirurgicale, eux même pourvoyeurs d’effets
secondaires. Ces FP peuvent mener à une diminution de la participation au dépistage (une fois
que la patiente sait qu’elle n’est pas malade et doit retourner dans le circuit du DO) et in fine,
à une perte de confiance vis-à-vis du corps médical. On comprend donc aisément que ce taux
doit rester le plus faible possible mais sans manquer un cancer.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
86
Par ailleurs, une quantité importante de facteurs influe sur le nombre de FP : l’expérience
et l’entrainement du lecteur radiologue, la qualité de l’image, la densité mammaire, le nombre
de clichés effectués (qui varie en fonction du pays dans lequel est réalisé le dépistage), la
présence ou non d’une double lecture, les caractéristiques intrinsèques à la patiente…Autant
de paramètres qui vont rendre l’estimation de ce taux complexe et très aléatoire.
À travers diverses analyses et revues de la littérature, nous allons tenter d’apporter
quelques éléments de réponses.
2.2.1.3. ESTIMATION DU TAUX DE FAUX POSITIFS A
TRAVERS UNE ETUDE DU DEPISTAGE MAMMOGRAPHIQUE
DU CANCER DU SEIN EN EUROPE
Cette étude publiée en 2012, consiste dans un premier temps en une revue de la
littérature : quatre études réalisées dans quatre pays différents ont été sélectionnées, incluant
un total de 390 000 patientes suivies sur plusieurs années (52). Dans un second temps, le
recueil des données rassemblées par l’EUNICE (European Network for Information on
Cancer project) sur les examens complémentaires pratiqués chez les femmes présentant un FP
a été examiné. Il s’agit de données collectées dans 20 centres de dépistages présents sur 17
pays d’Europe. Cela représente 1,7 millions de femmes dépistées en 1ère vague et 5,9 pour les
vagues suivantes sur 2005-2007 (soit un seul examen de dépistage).
L’objectif de cette étude était l’estimation du risque cumulé de FP dans les programmes
de dépistage Européen, ainsi que l’analyse des procédures et du taux des examens
complémentaires.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
87
Les auteurs de l’étude considèrent les examens réalisés suite à un rappel, selon leur ordre
d’apparition le plus probable pour arriver à un diagnostic final : les clichés supplémentaires,
l’examen clinique (non pratiqué systématiquement avec la mammographie de dépistage dans
tous les pays), l’échographie, la ponction à l’aiguille fine, la biopsie percutanée, la biopsie
chirurgicale et l’IRM (de plus en plus utilisée dans l’exploration mammaire, particulièrement
pour son excellente sensibilité).
Dans l’analyse des quatre études, les auteurs définissent le risque cumulé de FP comme le
risque d’être rappelée pour des examens complémentaires au moins une fois, sur 10
dépistages bisannuels parmi les femmes de 50 à 69 ans sans diagnostic de cancer du sein. Le
risque de subir des examens invasifs est caractérisé par le risque de subir une ponction à
l’aiguille fine, une biopsie percutanée ou une biopsie chirurgicale sur la même période et le
même groupe de femmes sans diagnostic de cancer du sein. Le tableau suivant reprend les
résultats des quatre études.
Tableau 8 : Synthèse des résultats de 4 études européennes sur le risque cumulé d’examens
complémentaires sans diagnostic de cancer du sein sur une période donnée.
G1 :groupe1, G2 :groupe2, V1 :1ére vague, VS :vagues suivantes, EC :examen complémentaire, PAF :ponction à l’aiguille fine, BT :biopsie
au trocart, IC :intervention chirurgicale, NR :non renseigné
* :Données brutes
Cf. page suivante
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
88
Auteurs et année
de publication
Hofvind et al.
2004
Njor et al.
2007
Salas et al.
2011
Puliti et al.
2011
Pays Norvège Danemark Espagne Italie
Nombre de
femmes dans le
groupe étudié
83416 G1 :21261
G2 :9039
251275 28500
Tranches d’âge 50-69 ans 50-69 ans 50-69 ans 50-69 ans
Période d’étude 1996-2001 G1 :1993-2003
G2 :1991-2001
1990-2006 1991-2006
Intervalle entre 2
mammographies
2 ans 2 ans 2 ans 2 ans
Nombre de clichés
effectués
2 V1 :2
VS : 1 ou 2 si seins
denses
1 ou 2 2
Taux de rappel
sans diagnostic de
cancer du sein (%)
=FP
V1 :2,7-4,4
VS : 1,6-2,6
V1 :1,8
VS :0,7-0,9
V1 :5,7
VS :0,9-3,3
V1 :7,3*
VS : 3,7*
V1 :3,1
VS : 1,4-2,6
Taux ajustés NON NON OUI NON
Nombre de
dépistages
observés
3 5 6 7 : données
empiriques
Nombre de
dépistages estimés
10 G1 :10
G2 :10
10 7
Risque cumulé
d’EC sans cancer
du sein (%)
20,8 G1 :81
G2 :15,8
20,4
(20,0-20,8)
15,2
Examens invasifs
(%)
PAF :3,9
BT :1 ;5
IC :0 ;9
Total :6 ,3
NR 1,8
(1,7-1,9)
1,8
G1
G2
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
89
En exploitant les données de trois des études présentées ci-dessus (l’étude de Puliti et al.
étant exclue car basée sur des données empiriques), les auteurs ont estimé le risque cumulé de
FP entre 8 et 21% (moyenne pondérée de 20%), le risque d’examens invasifs de 3% et le
risque d’interventions chirurgicales de 0.9%.
Plusieurs limites à ces conclusions ont été soulevées. Tout d’abord, les résultats se basent
sur des estimations car aucune des études n’a réellement suivi les femmes pendant deux
décennies (équivalent à 10 dépistages). Aussi, ces estimations reposent sur l’hypothèse d’une
indépendance entre les résultats obtenus lors la première vague de dépistage et les vagues
suivantes, ce qui, selon les auteurs, pourrait conduire à une surestimation du risque. Enfin le
faible nombre d’études observées nécessite de considérer les résultats avec précaution,
notamment pour l’estimation du risque d’interventions chirurgicales pour lequel une seule
étude est disponible.
Dans la suite de l’étude, l’analyse des données de l’EUNICE a montré (après exclusion
de certains programmes pour défaut d’information) un taux global de FP de 5,4% pour la
première vague de dépistage et de 2,5% pour les vagues suivantes. Ces résultats sont
cohérents avec les taux des 3 études précédentes et est en accord avec les recommandations
européennes (cf. tableau 2). Le taux d’interventions chirurgicales est de 0,19% et de 0,07%
pour la première vague et les vagues suivantes. Il est toutefois important de noter qu’à la
différence de la première partie de l’étude où les femmes étaient suivies sur l’ensemble de
leur mammographie de dépistage, dans l’enquête de l’EUNICE, il s’agit d’un échantillon
représentatif incluant des femmes pratiquant régulièrement ou non régulièrement le dépistage,
observées sur la période 2005-2007. Aussi, des taux extrêmement variables de FP sont
observés d’un pays à l’autre, ce qui est lié aux procédures de dépistage inhérentes à chaque
pays.
Par ailleurs, cette étude signale que l’appréhension, l’anxiété et le stress consécutifs à un
rappel pour des examens complémentaires ne seraient que transitoires (allant parfois jusque 1
an après ces examens). Sachant que le risque de subir un examen complémentaire invasif
n’est que de 3%, le risque cumulé de FP sur 20 ans (à raison d’un dépistage biennal) égal à
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
90
20%, apparait comme acceptable pour les auteurs de cette étude et sans impact significatif sur
la qualité de vie.
2.2.1.4. CONSEQUENCES EN TERMES DE QUALITE DE VIE
DE LA DECOUVERTE D ’UNE IMAGE FAUSSEMENT
POSITIVE
Une étude publiée en 2011 et menée au Pays-Bas a tenté de quantifier les conséquences
d’un FP sur la qualité de vie des femmes et leur santé en générale. Trois centres de dépistage
ont participé à l’étude (53). Au Pays-Bas, les femmes de 50-75 ans sont invitées tous les 2 ans
à subir une mammographie de dépistage (1 seul cliché). 385 patientes ayant une
mammographie de dépistage anormale (MDA) ont accepté de participer à cette enquête. Un
cancer du sein a été authentifié chez 40% de ces patientes par biopsie percutanée voire
chirurgicale tandis que 60% avaient des IFP (confirmée également par biopsie).
Figure 16 : Répartition des femmes dans l’étude de 2011 menée au Pays-Bas sur l’impact des
FP sur la qualité de vie.
385 MDA
152 cancers du sein
233 (60 %) IFP
105 non revues
100: visite de contrôle
28 ont multiplié les
consultations
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
91
Deux questionnaires sur la qualité de vie de ces patientes et leur état de santé général
leurs ont été soumis. Des psychologues ont ensuite évalué l’anxiété des patientes à l’aide
d’échelles psychométriques en prenant en compte leur caractère et leur personnalité.
Les conclusions des professionnels ont permis d’une part, de montrer que le groupe
« IFP » comprend des femmes plus jeunes (57ans vs 60 ans pour le groupe « malade ») et que
les scores d’anxiété sont plus faibles pour le groupe « IFP » que pour le groupe « malade ».
Les autres données démographiques (statut marital, parité) sont équivalentes pour les 2
groupes. D’autre part, il faut noter que le groupe « IFP » a subi plus d’examens
complémentaires pour obtenir un diagnostic. Les patientes du groupe « IFP » ont été moins
suivies, seulement 100 d’entre elles ont eu une visite de contrôle. Un mois après le diagnostic,
les conclusions révèlent que la qualité de vie se détériore dans les 2 groupes et l’anxiété
augmente. Tandis qu’avec le temps, on constate une amélioration des scores d’anxiété et de la
qualité de vie dans le groupe « malade », la qualité de vie se dégrade significativement selon
les experts dans le groupe « IFP » et ceci pendant un an au moins. Peut-on invoquer l’absence
de suivi comme raison de cette dégradation ? Aucune réponse n’est véritablement apportée.
Pour finir, une brochure de la collaboration Cochrane (54) destinée aux femmes de la
population cible et visant à délivrer une information actualisée, de haute qualité et
transparente constate que sur 2000 patientes qui subiront un examen de dépistage
régulièrement pendant 10 ans, 200 femmes en bonne santé auront un résultat positif.
L’encadré ci-dessous reprend leur terme :
« Si 2000 femmes sont examinées régulièrement pendant 10 ans, environ 200 femmes en
bonne santé seront victimes d’une fausse alerte. Le stress psychologique de l’attente du
résultat pour savoir si elles ont vraiment un cancer peut-être très sévère. Beaucoup de
femmes éprouveront de l’anxiété, des soucis, du découragement, des troubles du
sommeil, des problèmes relationnels avec leur famille, leurs amis et leurs
connaissances, et des changements dans leur libido. Cela peut durer des mois et à long
terme, certaines femmes se sentiront plus vulnérables devant la maladie et consulteront
plus souvent un médecin »
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
92
Ainsi, il est vrai que le taux de FP semble particulièrement difficile à estimer de par les
innombrables facteurs l’influençant. Toutefois, l’observation des différentes études laisse
percevoir des taux très comparables de FP. Il s’agit alors plutôt de l’importance de
l’interprétation de ce taux, variable selon les études et les auteurs.
2.2.2. FAUX NEGATIFS
2.2.2.1. DEFINITION
Peu de données sont aujourd’hui disponibles sur les FN et leurs conséquences sont encore
mal connues. Un FN correspond ici à une mammographie de dépistage sur laquelle aucune
anomalie évocatrice d’un cancer ne sera observée. Le pourcentage de FN est lié à la
sensibilité du test de dépistage, celle-ci est en moyenne égale à 75% (14) pour la
mammographie (de 68% à 88% dans les principaux essais randomisés). Le taux de FN est
limité par la double lecture existant en France et a tendance à augmenter chez les femmes
jeunes aux seins denses comme nous l’avons dit précédemment.
2.2.2.2. ESTIMATION DU TAUX DE FAUX NEGATIFS
La problématique que posent les FN est qu’ils créent une fausse réassurance des patientes
qui seront à un moment donné, confrontées au diagnostic de cancer. Aucun moyen ne permet
de détecter un FN au moment du dépistage. Dans la pratique, on estimera le nombre de FN à
partir du nombre de cancers qui seront diagnostiqués entre deux mammographies de dépistage
(soit dans les deux suivants une mammographie ne présentant à priori aucune anomalie). Ces
cancers sont dits « cancers de l’intervalle ». Ils regroupent néanmoins les FN mais aussi les
cancers qui se seraient développés rapidement après la dernière mammographie de dépistage.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
93
Dans le cadre d’une étude canadienne, des mammographies de dépistage tirées au sort ont
été réexaminées par 3 radiologues expérimentés qui n’avaient aucune information sur les
diagnostics établis (55). Parmi les 302 cancers du sein confirmés lors du suivi de ces patientes
et détectés par ces 3 radiologues à la lecture des mammographies :
- 238 (soit 79%) avaient été détectés lors de l’examen de dépistage
- 17 (soit 5.5%) ont été diagnostiqués comme « cancers de l’intervalle »
- 47 (soit 15.5%) n’ont été repérés que lors de la mammographie de dépistage
suivante.
C’est ainsi que les auteurs de cette étude ont estimé le taux réel de FN à environ 15%.
Une certaine réserve doit être émise à l’encontre de cette étude datant de 1988. En effet, les
technologies d’imageries sont aujourd’hui plus performante (mammographe numérique) et
permettent une meilleure discrimination des anomalies. Toutefois, cette étude nous montre
que l’expérience et les compétences du radiologue sont fondamentales pour le maintien d’un
taux de FN aussi faible que possible.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
94
2.3. SURDIAGNOSTICS ET SUR-TRAITEMENTS
2.3.1. DEFINITION ET MISE AU POINT SUR LES
CONNAISSANCES ACTUELLES
Un des problèmes majeurs que pose le DO du cancer du sein correspond au risque de
surdiagnostic. Il s’agit en fait, de lésions correspondant par leurs caractères cytologiques à des
cancers, mais qui soit n’auraient pas évolué ou auraient régressé spontanément, soit auraient
effectivement présenté un potentiel évolutif létal mais seraient restés asymptomatique
jusqu’au décès de la personne pour une autre cause (6). Cet effet néfaste du dépistage,
remarqué depuis de nombreuses années par le corps médical, commence à être reconnu par les
différentes autorités de santé. Cependant, celles-ci minimiseraient encore l’étendue du
problème si l’on en croit l’avis de plusieurs experts.
Cette notion de cancers infracliniques est bien connue pour le cancer de la prostate chez
l’homme, mais elle existe aussi pour le cancer du sein. Dès 1994, un article sur le risque
iatrogène lié à la mammographie de dépistage indique que dans les études autopsiques 1 à 3%
de femmes présentent des cancers du sein invasifs ignorés du vivant de la personne. Les
carcinomes in situ (CIS), correspondant à des lésions cancéreuses limitées au tissu qui leur a
donné naissance, seraient d’avantage concernés par le surdiagnostic (5). L’INCa indique
qu'environ un cancer in situ sur trois serait susceptible de ne pas évoluer et correspondrait
donc à un surdiagnostic (56).
La PEC de ces cancers surdiagnostiqués conduit à ce qu’on appelle le surtraitement. Des
traitements lourds tels que des chimiothérapies voire des mastectomies peuvent alors être
pratiqués sur des patientes qui sans le dépistage n’auraient jamais eu connaissance de leurs
cancers.
En outre, une méta-analyse d’essais randomisés suédois et canadiens fiables
méthodologiquement constatait une augmentation relative de 8 à 32 % des mastectomies
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
95
totales dans le groupe « dépisté » par rapport au groupe témoin « non dépisté ». Les
mastectomies totales observées, seraient particulièrement liées à des diagnostics de CIS (dont
50 à 75% correspondraient à du surdiagnostic).
Cependant, les connaissances des experts à l’heure actuelle ne permettent pas de prédire
de façon formelle, l’évolutivité d’une lésion correspondant à un cancer au moment de son
diagnostic. Il existe des facteurs permettant uniquement de classer les patientes en fonction
de leur pronostic et donc d’adapter au mieux le traitement, les 3 principaux étant la taille
tumorale, l’envahissement ganglionnaire et le grade histologique (57). Des travaux de
recherches portent actuellement sur l’identification de marqueurs de pronostic ou d'agressivité
spécifiques qui pourraient permettre à terme le repérage de cancers peu évolutifs.
2.3.2. ESTIMATION DU RISQUE DE SURDIAGNOSTIC A
TRAVERS DIVERSES ETUDES
2.3.2.1. PRESENTATION DE L ’ETUDE K.J. JORGENSEN ,
P.H. ZAHL, P.C. GOTZSCHE DE 2009
Menée au Danemark de 1971 à 2003, l’objectif de cette expertise a été la quantification
du surdiagnostic dans le programme de dépistage du Danemark (58).
La méthode repose sur l’utilisation des taux d’incidence du cancer du sein (CIS ou
invasifs) dans les zones avec dépistage (à Copenhague et en Fionie) et sans dépistage (le reste
du Danemark). Ces zones ont été observées pendant 20 ans sans la présence du dépistage
(1971-1990) puis durant 13 ans à partir de la mise en place du programme de DO (1991-2003).
L’utilisation de lois statistiques (régression de poisson) a permis de corriger certaines
variations liées aux facteurs de confusion (géographiques et répartition de l’âge).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
96
Les populations de Copenhague et de Fionie sont comparables, avec le reste du
Danemark, au sujet de la répartition selon l'âge et le statut socio-économique. Copenhague est
la plus grande ville du Danemark, mais la seconde plus grande se situe dans les zones non-
dépistées. Par ailleurs, on trouve des zones rurales dans le comté de Fionie, comme dans le
reste du Danemark. La population danoise est l'une des plus homogènes au monde (ce qui
représente une force réelle pour cette étude).Les principales données de l’étude sont
synthétisées dans le tableau ci-dessous.
Tableau 9 : Nombre de cancers du sein, nombre total de femmes et taux d’incidence dans les
zones « dépistage» et « pas de dépistage » avant et après la mise en place du programme de
dépistage et durant les 3 dernières années d’observation.
Les auteurs indiquent que sur 1 342 836 femmes de la zone “dépistage” entre 1991 et
2003, 5189 ont un cancer du sein (soit 386/100 000 dont 6% de CIS) alors que dans la zone
«pas de dépistage» sur la même période, les femmes atteintes sont 17 686 sur 6 191 609 (soit
286/100 000 dont 3 % de CIS).
Ils précisent aussi que si ce rapport est ramené à la population de la zone « dépistage »,
1343 cancers supplémentaires sur 13 ans sont dépistés dans cette zone par rapport à la zone
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
97
«pas de dépistage», ce qui représente un surdiagnostic égal à 33% selon les auteurs (après
prise en compte des facteurs de confusions). De même si l’on se concentre uniquement sur la
période 2001-2003, 19% des cancers détectés seraient imputables aux surdiagnostics.
Toutefois, les données obtenues sur cette période courte ne sont pas suffisantes ce qui peut
expliquer pourquoi ce chiffre est plus faible que pour l’étude principale.
Une forte et durable augmentation de l’incidence du cancer du sein est donc observée à
l’introduction du programme de dépistage (1991 pour Copenhague et 1994 pour la Fionie)
(figure 17). En effet, lors de sa mise en place, l’incidence double à Copenhague et en Fionie.
Pourtant, cette augmentation n’est pas suivie d’une baisse de l’incidence dans les années
ultérieures dans le groupe « dépisté » chez les femmes plus âgées comme on pourrait s’y
attendre en l’absence de surdiagnostic. En effet, on remarque que parmi les femmes de 70-79
ans, en fin d’observation (2003), aucune diminution significative de l’incidence n’est
observée. Or, ces femmes correspondent à celles qui ont bénéficié du dépistage tout au long
de la période d’observation. L’incidence devrait donc diminuer chez ces femmes dans la zone
« dépistage » (figure 18). La diminution sur 2001-2003 de l’incidence du cancer du sein chez
les femmes de 70-79 ans observées en Fionie n’est pas significative selon les auteurs, du fait
d’une compensation par l’augmentation de l’incidence à Copenhague.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
98
Figure 17 : Incidence du cancer du sein pour 100 000 femmes âgées de 50 à 69 ans dans les
zones non dépistées et à Copenhague et en Fionie
.
Figure 18 : Incidence du cancer du sein pour 100 000 femmes âgées de 70 à 79 ans dans les
zones non dépistées et à Copenhague et en Fionie
Source (fig. 16 et 17): Jørgensen K.J. Zahl P.H.,Gøtzsche P.C. Overdiagnosis in organised mammography
screening in Denmark.A comparative study. http://www.biomedcentral.com/1472-6874/9/36, consulté le 24
février 2013.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
99
On note toutefois une augmentation de l’incidence également dans la zone sans dépistage
(figure 17). L’existence d’un DI dans les zones sans DO peut expliquer cette augmentation
d’autant plus que celle-ci apparait à la période d’introduction du programme. Le DI n’a pas pu
être évalué dans cette étude du fait des faibles données demeurant sur ce sujet (aucune
différence entre une mammographie de dépistage et une mammographie de diagnostic dans le
DI n’est établie dans les données officielles). Selon les auteurs, la non prise en compte de ce
paramètre peut impliquer une sous-estimation du surdiagnostic. Aussi, les auteurs supposent
que cette augmentation de l’incidence dans la zone « pas de dépistage » peut être due à
certains facteurs de risque tel que les THS. On peut souligner également que dès 1971,
l’incidence du cancer du sein est plus forte dans la zone « dépistage » que « pas de dépistage
». Ceci peut venir du fait que l’incidence est toujours plus élevée dans les villes que dans les
zones plus rurales.
Pour finir, peu de temps avant la publication de cette étude, les mêmes auteurs ont
effectué une méta-analyse reprenant les données d’incidence de différents pays tels que le
Canada, la Suède, la Norvège, le Royaume-Uni, et l’Australie. Leur estimation du
surdiagnostic s’est révélé être de 52%. La différence observée avec le taux de surdiagnostic,
estimé ici à 33%, peut s’expliquer par le faible taux de rappel (1.3%) existant au Danemark,
par l’attitude volontairement prudente des professionnels quant à la présence de
microcalcifications, ainsi que par une assimilation moins forte du programme par la
population au Danemark.
2.3.2.2. RESULTATS D ’AUTRES ETUDES
Une autre étude publiée en 2008 dans les « Archives of Internal Medecine » a suivi
pendant 6 ans (1996-2001) plus de 200 000 femmes de 50 à 64 ans en Norvège et a permis de
démontrer l’existence du surdiagnostic, évalué à 22% par les auteurs (59). Les 2 graphiques
qui suivent, présentent 2 groupes de femmes. Le premier groupe de femmes a été dépisté trois
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
100
fois sur les six années de suivi tandis que le deuxième n’a été dépisté qu’une seule fois en fin
de période d’observation. Ces 2 groupes de femmes étaient comparables en ce qui concerne la
répartition de l’âge et le statut sociaux économique. La participation a été similaire dans les 2
groupes (78.3% dans le groupe « dépisté » et 79.5 % dans le groupe « contrôle »). Les
graphiques ci-après comparent 2 situations :
- la première évalue l’évolution du nombre de diagnostic cumulés dans le groupe
«dépisté» et dans le groupe «témoin» si le surdiagnostic n’existait pas
(figure 19).
- le second graphique représente la situation effectivement observée (figure 20).
Figure 19 : Incidence cumulée de cancer du sein dans 2 groupes : « dépisté » et « contrôle »
en l’absence de surdiagnostic
Source: P. H. Zahl, J. Maehlen , H. G. Welch. The natural history of invasive breast cancers detected by
screening mammography.Arch. Intern Med 2008. Nov 24 ; 168(21):2311-6
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
101
Figure 20 : Incidence cumulée de cancer du sein effectivement observée dans 2 groupes :
«dépisté» et «contrôle»
Source: P. H. Zahl, J. Maehlen , H. G. Welch. The natural history of invasive breast cancers detected by
screening mammography.Arch. Intern Med 2008;24 :168(21):2311-6
Les chiffres de l’incidence des cancers du sein invasifs ont été obtenus à partir du
Registre du cancer de Norvège (les cancers in situ ont été exclus de l’étude). Dans le premier
graphique, au début de la période d’observation, le groupe « dépisté » à 3 reprises, présente
un nombre de diagnostics de cancers plus élevés que le groupe « contrôle » (du fait de la
précocité du diagnostic des lésions). Cependant, en l’absence de surdiagnostic, au bout de 6
ans et après l’unique dépistage subit par le groupe « contrôle », les droites se rejoignent au
même point : le taux de cancers cumulés est identique pour les 2 groupes (60).
Dans le second graphique montrant ce qui a été effectivement observé, au terme des 6 ans,
le groupe « dépisté » 3 fois présente un excès de diagnostics de 22% par rapport au groupe
«contrôle » dépisté 1 fois. De plus, les auteurs précisent que ce pourcentage a pu être sous-
estimé du fait de la mammographie effectuée dans le groupe contrôle. Il semblerait alors que
ce surdiagnostic provienne de la répétition de la mammographie de dépistage. Cela soulève la
possibilité d’une régression spontanée de certains cancers du sein invasifs.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
102
Pour conclure sur le surdiagnostic, une étude française, publiée en 2011, utilise les
données d’incidence du Registre du Cancer de l’Isère pour effectuer une approche par
modélisation de l’estimation du surdiagnostic (24). Cette approche permettrait la correction de
plusieurs biais importants (tel que la prise en compte du DI).
Les résultats montrent que de 1991 à 1996, parmi les femmes de 50 à 69 ans, 1.5% de
cancers invasifs seraient surdiagnostiqués (IC : intervalle de confiance à 95%, 0.3%-2.9%),
ainsi que 28% des CIS (IC95, 2.2%-59.8%). Ces estimations correspondent au surdiagnostic
de l’examen de dépistage, comprenant en France, un examen clinique des seins et la
mammographie de dépistage. Si l’on se réfère uniquement à la mammographie de dépistage,
les évaluations montrent un taux de 3.3% pour les cancers invasifs et de 31.9% pour les CIS.
Toutefois, l’incidence des CIS étant inférieur à 15% des cas de cancers du sein en France,
leurs contributions au surdiagnostic restent limitées selon les auteurs. Les auteurs précisent
que ces estimations sont spécifiques aux données d’incidence de l’Isère et que des résultats
divergents peuvent être trouvés dans d’autres pays en fonction de l’épidémiologie du cancer,
des procédures de dépistage et des taux de participation.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
103
2.4. RISQUE DE CANCERS RADIO-INDUITS
Avant d’estimer le risque de ce type de cancers, quelques notions importantes sont à
définir. Tout d’abord, la dose absorbée correspondant à l’énergie absorbée par kilo de
matière, s’exprime en Gray (Gy) (61). On utilisera les mGy dans le cas de faibles doses
comme c’est le cas ici pour la mammographie. De plus, pour différencier cette dose absorbée
en fonction de la nature des particules émises, de l’organe cible et aussi de la surface atteinte,
on parlera de dose efficace ou encore d’équivalent de dose exprimée en Sievert (Sv) et plus
particulièrement en mSv ici. On distingue deux sources d’irradiations à savoir la radioactivité
naturelle équivalente à 2.4mSv/an et par personne en France et l’irradiation d’origine
médicale.
En ce qui concerne la dose efficace pour une mammographie, on l’estime à 0.7mSv
environ (ou 2 mGy) pouvant donc aller jusque 4 mSv en quelque minutes lors d’un examen
comprenant plusieurs clichés. La figure 21 compare différents types d’examen radiologique
selon la dose efficace ainsi que l’équivalence en irradiation naturelle en jours. Lorsqu’une
femme effectue une mammographie, elle reçoit l’équivalent de 80 jours d’irradiation naturelle.
Figure 21 : Dose efficace et équivalence en nombres de jours d’irradiation naturelle de
plusieurs examens radiologiques.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
104
Un cancer radio-induit est un cancer dû à l’irradiation reçue par un patient lors d’examens
ou de traitements. La technologie numérique diminuerait la dose d’irradiation jusqu’à 30%
chez certains constructeurs. Il est difficile d’évaluer le risque de cancers radio-induits surtout
pour des doses faibles délivrées. Ce sont foncièrement les extrapolations théoriques à partir de
grosses catastrophes nucléaires qui ont permis de déterminer le seuil de 100 à 200 mGy (ce
qui reste large) au-delà duquel le risque de cancers radio-induits existe. Cependant, le facteur
individuel est déterminant dans la considération de ce risque notamment pour des faibles
doses. En effet, des études avec de faibles doses ont montré un taux de mort cellulaire aussi
élevé avec une dose de 0.1Gy que pour 1Gy.
Une récente étude de 2011 à observer in vitro les lésions de l'ADN radio-induites dans les
cellules épithéliales mammaires de 30 patientes présentant un risque familial faible ou élevé
de cancer du sein (62). Les résultats ont montré que la répétition des doses (2 + 2 mGy)
provoquait plus de cassures et une réparation de la double hélice d’ADN moins efficace
qu’avec une dose de 2mGy ou 4mGy. Cet effet était d’avantage retrouvé chez les patientes à
haut risque. Cette étude montre donc qu’il y a un effet des faibles doses et notamment des
faibles doses répétées.
Le risque de cancer radio-induit est donc fonction de la dose, de la fréquence au moment
de l’exposition ainsi que d’autres facteurs propres à l’individu (âge, facteurs génétiques,
familiaux). Avec les appareils de mammographie actuels, le risque est extrêmement faible,
mais l’INCa rappelle au vue des résultats de cette étude qu’ il n'y a pas d'indication à se faire
dépister avant l'âge de 50 ans, ni à faire plus d'une mammographie tous les deux ans.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
105
2.5. PLACE DES AUTRES TECHNOLOGIES DANS LE DO DU
CANCER DU SEIN
2.5.1. L’ECHOGRAPHIE
Concrètement, la sensibilité du diagnostic par l’échographie est insuffisante pour qu’elle
remplace la mammographie dans le cadre du DO. L’échographie seule, permettrait de détecter
0.4 à 0.5% des cancers, quand la mammographie et l’examen clinique se révèlent normaux
(cas de seins denses par exemple).
Son utilisation est tout à fait appropriée en complément de la mammographie pour
détecter des tumeurs de petite taille ou des opacités mammographiques infracliniques. C’est
surtout chez les femmes aux seins denses (type 3 ou 4 de la classification BI-RADS de l’ACR)
que l’échographie trouve un intérêt particulier (63). Elle a aussi un rôle majeur en cas de
résultat positif à la mammographie de dépistage car elle correspond à l’un des premiers
examens effectués pour établir le bilan de diagnostic immédiat. Dans cette optique, elle a
l’avantage d’être très bien tolérée et non invasive.
Toutefois, l’échographie reste un examen opérateur-dépendant, pouvant présenter des
critères d’interprétation variable. La fiabilité du diagnostic repose donc sur la qualité du
matériel, le sein étudié et essentiellement l’expérience de l’opérateur. Pour ces raisons, ses
indications restent relativement restreintes au complément de la mammographie, aux seins
très inflammatoires, à l’observation d’une anomalie sans traduction mammographique et enfin
au guidage de cytoponctions ou microbiopsies (12).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
106
Figure 22 : Réalisation d’une échographie sur des seins de densité type 3 (ACR2dans la
classification BI-RADS)
2.5.2. L’IRM
L’imagerie par résonnance magnétique ne présente aucun intérêt dans un dépistage de
masse mais aussi, aurait un coût bien trop important. Ses performances et sa fiabilité dans
l’exploration mammaire sont maintenant reconnues, notamment son excellente sensibilité (14).
La mammographie présente cependant une spécificité supérieure selon plusieurs études, ce
qui peut entrainer un taux de FP important avec l’IRM.
Cet examen est entre autre, indiqué dans le dépistage des femmes à très haut risque
(mutation génétique BRCA1 et 2) et à haut risque de cancer mammaire (d’autant plus qu’il
n’y pas d’irradiation avec l’IRM) (64). La taille d’une lésion observée à l’IRM est d’avantage
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
107
corrélée à la taille réelle de cette pièce histologique par rapport à la taille tumorale estimée à
la mammographie.
Ainsi, la mise en place d’un dépistage par IRM pour une population à risque exige
certaines conditions. D’une part, son interprétation nécessite les compétences de
professionnels entrainés, souvent radiologue sénologue pour ne pas dissocier la
mammographie et l’échographie souvent réalisées. D’autre part, des biopsies guidées sous
IRM devraient pouvoir être accomplies en routine, même si encore trop peu de centres sont
équipés en France (14).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
108
3. EFFICACITE DU DO DU CANCER DU SEIN : CRITERES,
BIAIS D’EVALUATION ET ANALYSE DES DONNEES DE LA
LITTERATURE
3.1. CRITERES D’EFFICACITE DU DO ET CONTROLE DES
BIAIS
3.1.1. MESURES DE L ’EFFICACITE DU DO
Nous avions vu dans le chapitre 1.1.2 (Indications d’un dépistage de masse selon l’OMS)
que pour prouver l’efficacité du dépistage, une diminution de la mortalité spécifique
(mortalité due au cancer du sein) était indispensable et devait être établie dans le cadre
d’essais randomisés. Nous pourrions penser que l’observation d’une augmentation de la
détection de cancers de stades précoces ou encore la mesure d’une durée de vie plus longue
correspondent à des indicateurs d’efficacité, mais ceux-ci présentent des biais d’évaluation.
La diminution de la mortalité spécifique ne peut être déterminée sur le plan individuel et
doit donc être mesurée au niveau collectif. Avant d’entrer dans les détails de cette évaluation,
il est intéressant de rappeler quelques chiffres concernant la mortalité due au cancer du sein en
France.
3.1.2. MORTALITE PAR CANCER DU SEIN : DONNEES
EPIDEMIOLOGIQUES
Les données obtenues sur la mortalité proviennent en partie du nombre de décès observé
de 1984 à 2008 au CépDic (centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès) de
l’Inserm mais également des estimations nationales de mortalité issues de modélisation
statistique, ce qui permet d’obtenir des projections pour le taux de mortalité jusqu’en 2011.
Les seules données disponibles concernent les cancers invasifs. Comme nous l’avons signifié
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
109
dans la première partie de ce mémoire, le cancer du sein, avec 11 500 décès en 2011, est celui
pour lequel le nombre de décès recensé est le plus élevé chez la femme (2). Le tableau 9
compare les taux de mortalité pour différents types de cancers.
Tableau 10 : Effectif annuel moyen de décès pour les différents cancers présentés, taux
standardisé pour 100 000 femmes et âge médian de décès (moyenne sur la période 2004-2008)
Type de cancers Effectifs Taux pour 100 000
femmes
Age médian du décès
Col de l’utérus 1113 1.9 64 ans
Pancréas 4012 4,7 77 ans
Ovaires 3340 4,8 73 ans
Côlon-rectum 7767 8,3 80 ans
Poumon 6195 9,9 69 ans
Sein 11 359 17,2 71 ans
De plus, sur la totalité des décès par cancer du sein, il faut noter que près de la moitié
surviennent chez les femmes de 50 à 74 ans en 2011. On remarque aussi que la mortalité est
plus élevée dans les régions du nord de la France avec un nombre de décès maximum pour le
Nord-Pas-de-Calais (22 pour 100 000) (figure 23). Le taux le plus faible en revanche, est
observé en Franche-Comté (14,8/100 000).
Malgré tout, la probabilité de guérir de ce cancer est élevée. La survie relative est en
moyenne de 97% à 1 an, de 90% à 3 ans et de 85 % à 5 ans, mais elle diminue avec l’âge pour
atteindre 78% chez les femmes de 75 ans et plus. En comparaison, la survie à 5 ans chez les
femmes pour le cancer colorectal et le cancer du poumon sont de 57% et 18% respectivement.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
110
Figure 23 :Taux de mortalité observés par cancer du sein chez les femmes, en France au
niveau départemental entre 2004 et 2008 (TSM : Taux standardisés monde)
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
111
3.1.3. BIAIS D ’EVALUATION DE L ’EFFICACITE DU DEPISTAGE
DU CANCER DU SEIN
Trois biais majeurs à l’estimation de l’efficacité du dépistage existent. Nous avons étudié
le premier dans la seconde partie de cette thèse, il s’agit du surdiagnostic. Diagnostiquer des
cancers qui auraient pu ne pas évoluer et seraient restés en phase préclinique parfois jusqu’au
décès de la patiente revient à prendre en charge des cancers à un stade très précoce présentant
un pronostic de survie excellent.
Le second biais correspond à la durée d’évolution (6). Des lésions d’évolution lente
montrent généralement une phase préclinique plus longue que les autres cancers et sont
souvent de meilleurs pronostics. Le fait de posséder une phase préclinique plus longue rend
ces lésions plus facilement détectables. En d’autres termes, leur probabilité d’être détectées
est supérieure par rapport aux cancers d’évolution rapide. Le dépistage sélectionnera alors
plus particulièrement ces cancers. Il paraitra efficace mais n’aura contribué qu’à dépister des
cancers à des stades plus précoces et dont l’évolution est plus favorable.
Enfin, le dernier biais à éliminer lors de l’évaluation de l’efficacité du dépistage est le
temps d’avance au diagnostic, correspondant à la période AB sur la figure 24. Le dépistage
peut être inefficace alors que l’on constate un temps de survie augmenté apparent, mais la
date de décès est inchangée (période AC sur la figure 24). La survie semble prolongée par
rapport à la survie sans dépistage (période BC) mais il n’y a aucune amélioration du pronostic
et aucune réduction de la mortalité.
En effet pour que le dépistage soit considéré comme efficace, il faut que le pronostic soit
amélioré, donc que la date de décès soit retardée (période AC’). Il y aura alors un décalage de
l’âge au décès et une réduction de la mortalité.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
112
Comme pour les autres biais, cette démonstration ne peut être effectuée à l’échelle d’un
seul individu. Il nous faut alors comparer deux groupes : un groupe dépisté et l’autre non
dépisté, dans le cadre d’essais randomisés étudiant la mortalité spécifique du cancer du sein.
Figure 24 : Influence du temps d’avance au diagnostic sur le temps de survie observé
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
113
3.2. COMPARAISON DE DIFFERENTS ESSAIS
RANDOMISES :INFLUENCE DE LA RANDOMISATION SUR LA
QUALITE DE L ’ESSAI
3.2.1. BREVE PRESENTATION DE 8 ESSAIS RANDOMISES ET
DE LEUR QUALITE DE RANDOMISATION
3.2.1.1. CARACTERISTIQUES PRINCIPALES DES 8 ESSAIS
RANDOMISES
Ces 8 essais comparatifs randomisés incluent des femmes de 39 à 74 ans (ils ont en
commun la tranche d’âge 50-59 ans, incluse aussi dans le programme français), avec une
période d’observation commençant en 1963 (essai HIP : Health Insurance Plan de New-York)
et se terminant en 1998 (essai du comté suédois : Ostergötland) (55).
Deux essais semblent biaisés (l’essai HIP de New-York et l’essai d’Edimbourg), quatre
d’entre eux sont de faible niveau de preuves (les 4 essais suédois : Göteborg, Stockholm,
Östergötland, Kopparberg) et enfin deux sont de bons niveau de preuves (l’essai Malmö 1 et
l’essai NSSB2).
Tableau 11 : Tableau récapitulatif des 8 essais randomisés sur la mortalité par cancer du sein.
Cf. page suivante
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
114
Essais
(Tranche
d’âge)
Pays et début
de l’étude
Effectifs de
patients
constants
Randomisation
de qualité
Nombre de décès pour
100000 femmes (au
bout de X ans)
Différence
statistiquement
significative de
la mortalité
entre les 2
groupes
Groupe
dépisté
Groupe
non
dépisté
Essais de bon niveau de preuves
Malmö 1
(44-68 ans)
Suède ; 1976
OUI OUI 6ans : 172
9 ans : 342
6ans : 122
9 ans : 362
NON
NSSB2
(50-59 ans)
Canada ;1980
OUI OUI 8 ans : 193
13 ans :446
16 ans :542
8 ans : 198
13 ans:457
16 ans:533
NON
Essais de faible niveau de preuves
Kopparberg
(40-74 ans)
Suède ; 1977
NON NON 14 ans :323
20 ans :389
14 ans:552
20 ans:642
OUI
Östergötland
(40-74 ans)
Suède ; 1978
NON NON 14 ans :346
17 ans :453
20 ans :428
14 ans:456
17 ans:501
20 ans:561
OUI
Stockholm
(40-64 ans)
Suède ; 1981
NON NON 11ans :164 11 ans:226 NON
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
115
Göteborg
(39-59 ans)
Suède ;1982
OUI NON 14 ans :291 14 ans :374 NON
Essais probablement biaisés
HIP
(40-64 ans)
USA ; 1963
NON NON 10 ans :486 10 ans :634 OUI
Edimbourg
(45-64 ans)
RU ; 1979
OUI NON 10 ans :458
14 ans :680
10 ans : 562
14 ans :782
NON
En résumé, 3 essais sont favorables au dépistage avec une diminution de la mortalité par
cancer du sein :
- Les essais des 2 comtés suédois :
o Östergötland (-10 décès/an pour 100 000 femmes au bout de 20 ans)
o Kopparberg
- L’essai HIP de New-York (-15 décès/an pour 100 000 femmes)
En ce qui concerne la mortalité totale (c'est-à-dire la mortalité due à toutes causes
possibles confondues), aucun des essais ne démontre une diminution de cette mortalité (après
prise en compte des facteurs de confusion). Par ailleurs, aucun d’entre eux n’a été conçu pour
avoir une puissance statistique suffisante pour ce critère.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
116
Les 5 autres essais évalués séparément ne montrent aucune différence statistiquement
significative de la mortalité par cancer du sein entre les 2 groupes étudiés. Toutefois, l’essai
NSSB2 et l’essai de Malmö sont les seuls à obéir aux 2 critères majeurs de fiabilité des
résultats dans un essai randomisé, à savoir l’obtention de groupes comparables par
randomisation et des effectifs de patients constants pendant la période d’observation.
3.2.1.2. INTRODUCTION DE BIAIS DANS LES ESSAIS
Comme nous l’avons dit précédemment, les essais contrôlés randomisés correspondent à
la méthode de référence pour évaluer l’efficacité du dépistage. La comparaison des taux de
mortalité spécifique entre 2 groupes, l’un expérimental (ou ici « dépisté »), l’autre témoin («
non dépisté ») demande l’application d’une méthodologie rigoureuse incluant une
randomisation de qualité.
Des exclusions de patientes après randomisation diminuent fortement la puissance
statistique de l’essai. C’est le cas pour l’essai HIP dans lequel des exclusions ont été
effectuées à la fin de la période d’observation dans le groupe témoin si le dossier hospitalier
de la patiente signalait l’existence d’un cancer diagnostiqué avant l’inclusion dans l’essai (65).
On constate aussi des exclusions à posteriori pour l’essai de Stockholm et probablement pour
les essais des 2 comtés suédois. Pour tous les essais de faibles niveaux de preuve sans
exception, les méthodes de randomisation souvent complexes sont peu décrites, manquent de
transparence et parfois laissent un doute quant au respect de leurs applications. Pour l’essai
d’Édimbourg par exemple, la méthode de randomisation « en grappes », par cabinets
médicaux, a été choisie pour réaliser les groupes de façon aléatoire (66). Les cabinets situés
en des zones différentes de la ville, ont engendré un groupe expérimental dont le niveau
socio-économique était supérieur au groupe témoin. Les auteurs ont admis eux-mêmes que
cette randomisation n’avait pas abouti à des groupes de comparaison similaires.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
117
Enfin, l’essai HIP présente une autre limite considérable à sa fiabilité. Il faut replacer ses
conclusions dans le contexte historique. Les mammographes de cette époque ont en effet une
capacité de détection de petites tumeurs bien inférieure aux technologies utilisées dans les
essais plus récents. Ceci est d’autant plus étonnant que cet essai conclue sur une forte
diminution de la mortalité pour le groupe dépisté.
De plus, le paradoxe entre des résultats favorables au dépistage dans des essais pour
lesquels les femmes sont invitées à seulement 2 ou 3 vagues de dépistage avec les intervalles
les plus longs entre les mammographies (Östergötland, Kopparberg) ne fait qu’augmenter la
suspicion de la présence de biais dans ces essais.
Nous allons à présent, observer plus particulièrement les 2 essais les plus fiables
méthodologiquement, afin de mieux comprendre dans quelles mesures les auteurs ont pu
conclure à une absence de diminution de la mortalité par cancer du sein et donc à une absence
d’efficacité du dépistage.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
118
3.2.2. FOCUS SUR LES ESSAIS DE MALMÖ1 ET NBSS2
3.2.2.1. ESSAI MALMÖ1: “MAMMOGRAPHIC SCREENING
AND MORTALITY FROM BREAST CANCER:THE MALMÖ
MAMMOGRAPHIC SCREENING TRIAL”
3.2.2.1.1. OBJECTIFS ET MÉTHODES
De nombreuses études cliniques ont montré que le pronostic d’un cancer du sein
dépendait en partie du stade auquel la maladie est diagnostiquée et du traitement. Cet essai
succède à l’étude HIP de New-York car l’extrapolation de ses résultats à la population
suédoise n’était pas possible en raison de la différence entre les taux de mortalité et les
procédures de dépistage des 2 pays.
Cet essai randomisé a commencé en octobre 1976 dans la ville de Malmö, au sud de la
Suède, afin de comprendre comment la mortalité par cancer du sein pouvait être diminuée par
la répétition de dépistage mammographique chez les femmes invitées à participer (67).
Toutes les femmes nées de 1908 à1932 (donc ayant entre 44 et 68 ans en 1976) ont été
identifiées à partir du registre de la population de Malmö. Des cohortes d’âge ont été
déterminées. La moitié des femmes de chaque groupe d’âge a été sélectionnée au hasard, pour
constituer le groupe « dépisté » (soit 21 088 femmes) et est invitée au dépistage. Le reste des
femmes a constitué le groupe « contrôle », ces femmes n’ont pas été dépistées (21 195
femmes). En septembre 1978, toutes les femmes du groupe « dépisté » avaient effectué leur
premier dépistage.
L’intervalle prévu entre les dépistages était de 18 à 24 mois. Les femmes ayant quitté la
ville de Malmö, n’ont pas été recontactées pour les dépistages suivants tandis que les femmes
qui ne se sont pas présentées, mais qui n’ont pas quitté la ville, ont été invitées aux dépistages
ultérieurs. L’ensemble de l’examen est pris en charge. Les derniers équipements disponibles
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
119
de mammographes analogiques sont utilisés. Lors des deux premières vagues de dépistage,
deux clichés sont réalisés (de face et oblique), puis 1 seul cliché (oblique) pour les vagues
suivantes sauf dans le cas où les seins sont denses.
Les patientes malades sont traitées en fonction du stade de leur cancer. Les traitements
ont évolué pendant la période d’observation avec une diminution des mastectomies.
L'effet du dépistage sur la mortalité par cancer du sein a été estimé par le risque relatif
(RR) de décéder du cancer du sein dans le groupe « dépisté » par rapport au groupe
« contrôle».
A la fin de l’essai, les femmes des 2 groupes ont été classées comme :
- vivante, sans cancer du sein
- vivante, avec un cancer du sein
- décédée du cancer du sein
- décédée d'autres causes
98% des patientes souffrant d’un cancer du sein ont été traitées au centre hospitalier de
Malmö. Les causes des décès ont été retenues à partir du Registre national de mortalité.
Cependant, pour aboutir à des conclusions solides, les causes de décès des patientes atteintes
de cancer du sein ont été évaluées de manière indépendante à la fin de la période
d’observation. De nombreux examens ont été effectués par un comité indépendant constitué
d’un médecin légiste et d’un oncologue travaillant en aveugle pour réduire le risque de biais.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
120
3.2.2.1.2. RESULTATS ET DISCUSSIONS
Le suivi de ces patientes a consisté en cinq vagues de dépistage voire six pour la plupart
des patientes. La durée moyenne de suivi a été dans chaque groupe de 8.8 ans. Le taux de
participation était plus important lors de la première vague avec un taux de 74% par rapport
aux vagues de dépistage suivantes (70%). Le tableau 12 affiche la répartition des femmes
dans les 2 groupes de l’étude en fonction de leur âge.
Tableau 12 : Composition des groupes de l’essai sur le dépistage par mammographie de
Malmö. Formation de sous-groupes en fonction de l’année de naissance.
Cohortes formées
en fonction de
l’année de
naissance
Groupe « dépisté » Groupe
« contrôle »
Nombre de
femmes invitées
Nombre (%) de
femmes ayant
participée
Nombre de
femmes
1908-1912 4183 2677 (64) 4169
1913-1917 4324 3113 (72) 4321
1918-1922 4600 3496 (76) 4623
1923-1927 4323 3458 (80) 4313
1928-1932 3658 2890 (79) 3769
TOTAL 21088 15604 (74) 21195
Source : Andersson I. Aspegren K. Janzon L. et al. Mammographic screening and mortality from breast cancer: the
Malmö mammographic screening trial. BMJ 1988; 297:943-8.
Sur l’ensemble de la population de l’étude 1035 cancers ont été diagnostiqué, 588 dans le
groupe « dépisté » et 447 dans le groupe « contrôle » (Tableau 13).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
121
Tableau 13 : Nombre de cancers du sein diagnostiqués dans le groupe « dépisté » et le
groupe « contrôle » en fonction de l’âge au diagnostic.
*7 autres cancers ont été diagnostiqués chez des patientes du groupe « dépisté » après leur départ de Malmö
Source : Andersson I. Aspegren K. Janzon L. et al. Mammographic screening and mortality from breast cancer:
the Malmö mammographic screening trial. BMJ 1988; 297:943-8.
17% des cancers du groupe « dépisté » ont été diagnostiqués entre 2 examens
mammographiques (le dernier étant normal) et 18% chez des femmes étant invitées mais qui
n’ont pas participé. Les auteurs font aussi remarquer que les cancers les plus avancés sont
d’avantage diagnostiqués chez les patientes qui n’ont pas participé ou les patientes du groupe
témoin. 5 stades du cancer sont définis, de 0 à 4, du moins avancé au plus avancé. Par
exemple, quatre cancers classés de stade 3 sont diagnostiqués dans le groupe « dépisté » lors
de l’examen de dépistage, alors que sept de ces cancers sont diagnostiqués entre deux
dépistages et quinze cancers de stade 3 sont diagnostiqués chez des patientes de ce groupe
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
122
mais non participantes. Le groupe « contrôle » présente vingt-sept cancers de stade 3. De la
même façon, aucun cancer de stade 4 n’est diagnostiqué dans le groupe « dépisté » lors de
l’examen, mais deux cancers de stade 4 sont diagnostiqués dans ce même groupe entre deux
dépistages et vingt chez des patientes de ce groupe mais non participantes. Enfin, trente-deux
cancers de stade 4 sont diagnostiqués dans le groupe « contrôle ». Nous pourrions voir ici un
biais correspondant à la durée d’évolution. Le dépistage tend à sélectionner des cancers de
meilleur pronostic et d’évolution plus lente.
Sur les 1035 patientes atteintes d’un cancer du sein, 193 sont décédées (94 dans le groupe
« contrôle » et 99 dans le groupe « dépisté »). Après validation par le comité indépendant, 66
décès dus au cancer du sein sont survenus dans le groupe « contrôle » et 63 dans le groupe
«dépisté » (tableau14).
Tableau 14 : nombre (pourcentage) de patientes vivant avec un cancer du sein, décédées d’un
cancer du sein ou décédées d’autres causes à la fin de la période d’étude.
*7 autres cancers ont été diagnostiqués chez des patientes du groupe « dépisté » après leur départ de Malmö,
ces patientes sont toujours vivantes à la fin de la période d’étude.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
123
Par ailleurs, au cours des sept premières années du programme de dépistage, le nombre
cumulé de décès par cancer du sein est plus élevé dans le groupe « dépisté » que dans le
groupe « contrôle », mais à partir de la septième année, on observe l’inversement de cette
tendance (figure 25). Pour mieux comprendre ce phénomène, regardons les figures 25 et 26
qui comparent le nombre de décès cumulés chez les patientes âgées de moins de 55 ans et
celle âgées de plus de 55 ans.
Figure 25 : Nombre de décès cumulés par cancer du sein dans le groupe « dépisté » et dans le
groupe « contrôle » par année et pour toutes les femmes de l’étude (données préliminaires
pour 1987)
Source (fig.25, 26, 27) : Andersson I. Aspegren K. Janzon L. et al. Mammographic screening and mortality from
breast cancer: the Malmö mammographic screening trial. BMJ 1988; 297:943-8.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
124
Figure 26 : Nombre de décès cumulés par cancer du sein dans le groupe « dépisté » et dans le
groupe « contrôle » par année chez les femmes ≥ 55 ans (données préliminaires pour 1987)
Figure 27 : Nombre de décès cumulés par cancer du sein dans le groupe « dépisté » et dans le
groupe « contrôle » par année chez les femmes ≤ 55 ans (données préliminaires pour 1987)
On observe une surmortalité par cancer du sein dans le groupe « dépisté » principalement
dans la cohorte plus jeune et pendant les six premières années de l'étude. Dans la cohorte plus
âgée, le groupe « dépisté » a eu moins de décès par cancer du sein que le groupe « contrôle »
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
125
au cours des trois dernières années de l'étude et en 1987. Ainsi, parmi les femmes ≤ 55 ans, il
y a eu 29 % de décès par cancer du sein en plus dans le groupe dépisté par rapport au groupe «
contrôle » (RR de 1.29, IC95 : 0.74-2.25) , tandis que chez les femmes ≥ 55ans, 21% de décès
par cancer du sein en moins dans le groupe « dépisté » par rapport au groupe « contrôle » (RR
de 0.79, IC95, 0.51-1.24).
À la fin de la période d’étude, aucune réduction significative de la mortalité par
cancer du sein ne s'est produite dans le groupe « dépisté ». Le taux de mortalité plus élevé
dans le groupe « contrôle » est lié aux différents biais évoqués précédemment (temps
d’avance au diagnostic et durée d’évolution). D’après les auteurs, cela ne peut pas être
considéré comme une preuve de l’efficacité du dépistage sur la mortalité.
Aussi, les auteurs reconnaissent que les résultats de l’essai ont pu être influencés par le
dépistage individuel dans le groupe contrôle. Une enquête sur un échantillon de 500 femmes
appartenant à ce groupe a montré que 24% d’entre elles ont subi une mammographie pendant
la période d’observation (une seule pour la plupart). 20 % des cancers du sein du groupe
«contrôle » serait détectés d’abord par une mammographie. De plus, la mammographie dans
le cadre du DI était également accessible au groupe « dépisté » entre les mammographies de
dépistage du programme. Cela peut expliquer le taux de 26 % de non-participation à la
première vague de dépistage. Il est difficile d’évaluer l’impact réel de ces phénomènes de
contamination du groupe « contrôle » et d’observance imparfaite mais il est sûr qu’ils
contribuent à diminuer la puissance statistique de l’essai.
Pour conclure, les auteurs indiquent que les résultats de cette étude ne peuvent pas être
utilisés pour promouvoir l'introduction de la mammographie de dépistage à n’importe quel
âge dans une population urbaine. Bien que des conclusions fermes et définitives ne puissent
être tirées de l'analyse des sous-groupes d’âge, les résultats confirment que le programme de
DO du cancer du sein peut entraîner une réduction de la mortalité par cancer du sein chez les
femmes de 55 ans et plus (68).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
126
Il faut toutefois rester critique à l’égard de ces résultats. Même si l’ensemble des
commentateurs considère cet essai comme de bon niveau de preuves, des différences restent
mal expliquées entre le nombre de femmes incluses au départ et finalement prises en compte
pour l’analyse.
Dans tous les cas, l’utilisation des résultats d'une seule étude pour calculer le bénéfice
attendu dans une autre population, dans laquelle des paramètres tels que l’incidence de la
maladie, la répartition géographique, le système de santé, le recours aux soins de la
population et les procédures de dépistage différent, paraît illusoire.
3.2.2.2. ESSAI NSSB2: “CANADIAN NATIONAL
BREAST SCREENING STUDY-2: 13-YEAR RESULTS
OF A RANDOMIZED TRIAL IN WOMEN AGED 50 TO
59 YEARS
3.2.2.2.1. OBJECTIFS ET METHODES
Cet essai randomisé a pour but de mesurer la contribution stricte de la mammographie de
dépistage effectuée annuellement chez les femmes de 50 à 59 ans dans la réduction de la
mortalité par cancer du sein (69).
Quinze centres de dépistage situés dans 6 provinces canadiennes (la Nouvelle-Écosse, le
Québec, l’Ontario, le Manitoba, l’Alberta et la Colombie-Britannique) ont participé, tandis
que la supervision de cette étude a été conduite centralement depuis l'Université de Toronto.
Les participantes ont été recrutées grâce à des lettres d'invitation personnelle élaborées à partir
des listes de population, de la publicité ou publipostage concernant l’essai et via les médecins.
Les critères d'admissibilité sont les suivants :
- femme de 50 à 59 ans
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
127
- aucune mammographie effectuée au cours des 12 derniers mois
- aucun ATCD de cancer du sein
- absence de grossesse
- signature du formulaire de consentement éclairé approuvé par l'Université de
Toronto.
L’étude commence en Janvier 1980 avec une sélection jusqu’en Mars 1985 de 39459
patientes. Après un examen clinique des seins initial et l’enseignement à la totalité des
patientes de l’auto examen des seins, les 39 459 participantes sont randomisées par centre et
par groupe d'âge de 5 ans (50-54 ans, 55-59 ans).Cette randomisation a donné lieu à 2 groupes
d’études, le groupe MP (Mammography plus Physical examination arm) constitué de 19 711
patientes, recevant une mammographie annuelle et un examen clinique des seins et le groupe
PO (Physical examination Only arm) constitué de 19 694 patientes, recevant uniquement
l’examen clinique des seins annuellement. 54 patientes ont été exclues de l’étude après
randomisation (non présentes pour l’examen initial, refus…). Deux clichés sont effectués au
cours des dépistages mammographiques. Jusqu’ en 1985, il s’agit des vues craniocaudale (de
face) et médio-latérale puis cette dernière sera remplacée par la vue oblique.
Si l'examen clinique des seins et/ou la mammographie montre une anomalie, la patiente
est adressée à la clinique référente de l’étude. Chirurgien et radiologue référents coopèrent
alors pour établir un bilan de diagnostic et décider avec le médecin de la patiente, si celle-ci
est malade, d’un protocole de traitement.
Les décès (toutes causes confondues) ont été recensés de trois façons:
- par les membres de la famille qui ont retourné un questionnaire envoyé aux
patientes participant au dépistage (pour planifier le prochain examen)
- par les médecins suivant leurs patientes atteintes de cancer du sein
- par les données de mortalité du Canada sur les 39 405 participantes à l’essai
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
128
Les dossiers cliniques ont été recueillis pour toutes les femmes atteintes d'un cancer du
sein décédées et dont le certificat de décès mentionne soit le cancer du sein, soit un cancer du
poumon, du côlon ou du foie ou encore une cause de décès « dite » inconnue. Trois
oncologues ont réexaminé et validé indépendamment chaque cas en aveugle.
3.2.2.2.2. RESULTATS ET DISCUSSIONS
Cinq vagues de dépistage ont eu lieu, à raison d’une par an, puis les femmes ont été
suivies jusqu’à la fin de l’étude en Juin 1996. La durée moyenne de suivi des femmes après
leur entrée dans l’essai est de 13 ans (de 11,3 à 16 ans). Au total, les auteurs ont procédé à 3
bilans, à 9 ans, à 13 ans et à 16 ans.
Lors du premier examen de dépistage, la participation a atteint 100% puis l’observance a
diminué entre 90,4% lors de la deuxième vague de dépistage et 86,7% à la cinquième vague
dans le groupe MP. Dans ce même groupe, quelques femmes ont subi l'examen physique,
mais ont refusé la mammographie (1,8% à 3,2% selon les années). Dans le groupe PO, la
participation à la deuxième vague de dépistage fut de 89,1% puis de 85.4% à la cinquième
vague. Par ailleurs, 1196 patientes (soit 6,1%) du groupe MP et 3330 patientes (soit 16.9%)
du groupe PO ont réalisé des mammographies en dehors de l’essai.
Lors du 1er dépistage, 17,1% des patientes du groupe MP et 11,2% des patientes du
groupe PO ont été redirigées vers la clinique référente. Les auteurs assimilent ici la différence
de 5.9% en plus pour le groupe MP, à la présence d’anomalies mammographiques sans
traduction clinique lors de l’examen des seins. Dans les deux groupes, les taux de femmes
devant pratiquer des examens complémentaires diminuent avec les vagues subséquentes
(7,3% pour le groupe MP et 5,9% pour le groupe PO dès la seconde vague de dépistage).
D’une manière générale, un nombre plus élevé d’examens complémentaires est réalisé ,en vue
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
129
du diagnostic, dans le groupe où la mammographie de dépistage est effectuée. Par exemple,
lors de la première vague, le taux de biopsies était de 8.7/1000 dans le groupe PO et de
24.3/1000 dans le groupe MP, puis lors de seconde vague, les taux étaient respectivement de
2.7/1000 et de 7.1/1000.
Le taux de cancers détectés dans le groupe MP au premier dépistage est de 7,20 pour
1000, tandis que pour le groupe PO, il est de 3,45 pour 1000. Les taux de détection sont
moindres lors des examens de dépistage suivants pour les 2 groupes. Après 13 ans de suivi, le
nombre de carcinomes in situ détectés était de 71 dans le groupe MP et de 16 dans le groupe
PO. Nous pouvons également observés plus de cancers invasifs et de cancers de l’intervalle
dans le groupe MP (tableau 15).
Tableau 15 : Nombre de cancers du sein invasifs constatés au bout de 9 années de suivi.
Nombre de cancers détectés lors des
examens de dépistage
Nombre de
cancers de
l’intervalle
Nombre de
cancers
incidents1
Nombre total de
cancers
MP MP/MA2 MP/PE
3 PO MP PO MP PO MP PO
267 126 141 148 50 88 207 264 524 500
1 Les cancers incidents sont définis comme ceux qui se produisent au moins 12 mois après l'examen de dépistage
précédent
2Dans le groupe MP, cancers détectés uniquement par la mammographie
3 Dans le groupe MP, cancers détectés par l’examen clinique des seins avec ou sans les résultats de la
mammographie
Il faut noter néanmoins que concernant les cancers du sein invasifs détectés lors des
examens de dépistage, 5 ans après le premier bilan, l’écart entre le nombre de cancers dans les
deux groupes est moins marqué (349 et 283 respectivement pour les groupes MP et PO). En
1993, un total de 622 cancers du sein invasifs est calculé pour le groupe MP. Il est de 610
pour le groupe PO (figure 28).
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
130
La figure 28 présente le nombre de cancers invasifs cumulés en fonction du temps et
illustre ainsi le temps d’avance au diagnostic. La zone comprise entre les deux courbes
correspond au temps d’avance au diagnostic obtenu uniquement par la mammographie. La
durée moyenne du temps d’avance au diagnostic pour le groupe MP est estimée à 3,6 ans
(IC95, entre 2.7 et 5.5ans) tandis que pour le groupe PO, elle est en moyenne de 1,5 an (IC95,
entre 1,0 et 3,3 ans). Par conséquent, le temps d’avance au diagnostic pour la mammographie
strictement est de 2,1 ans en moyenne.
Figure 28 : Nombre cumulé de cancers du sein invasifs dans les 2 groupes d’études en
fonction du temps
Source : Miller A., To T., Baines C. et al. Canadian National Breast Screenning Study-2: 13-Year Results of a
Randomized Trial in Women Aged 50-59 Years. http://jnci.oxfordjournals.org/content/92/18/1490.long,
consulté le 5 mars 2013.
Les auteurs font également remarquer que les tumeurs les plus volumineuses (≥ 20mm)
sont moins susceptible d’être détectées par la mammographie seule, 21% pour le groupe
MP/MA, comparé à 46% pour le groupe MP/PE et 56% pour le groupe PO lors du premier
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
131
examen de dépistage. Les pourcentages correspondant pour les quatre dépistages ultérieurs
sont respectivement de 10%, 42% et 50% en moyenne. Cela s’explique simplement car la
mammographie seule détecte d’avantage des tumeurs de petite taille, le plus souvent sans
traduction à l’examen clinique. Aussi la probabilité d’un envahissement ganglionnaire est
faible lorsque les cancers sont détectés uniquement par la mammographie.
Le nombre total de décès (toutes causes confondues) est similaire dans le groupe MP et
PO, 734 et 690, respectivement en décembre 1993. 107 femmes sont décédées du cancer du
sein dans le groupe MP et 105 dans le groupe PO à la fin de la période d’étude en 1996 (ratio :
1.02, IC95, 0.78 à 1,33). Nous pouvons donc conclure au bout de 16 ans d’étude, que la
mortalité par cancer du sein n’est pas différente statistiquement entre les 2 groupes allant
d’une diminution relative du risque de décès par cancer du sein de 22% à une augmentation
relative de 33%.
Plusieurs commentaires au regard de ces conclusions sont de rigueur. Ces résultats
prennent en compte plusieurs paramètres qu’il semble important de rappeler : le hasard, les
biais éventuels dans la répartition, la qualité des mammographies, la participation à la
mammographie de dépistage dans le groupe MP, la contamination du groupe PO et le manque
d'efficacité de la mammographie sur la mortalité par cancer du sein chez les femmes
effectuant annuellement un examen clinique du sein réalisé par des professionnels de santé
hautement qualifiés.
L’observance des mammographies de dépistage dans le groupe MP a été excellente tout
au long de la période d’étude. Il y a eu relativement peu de mammographies réalisées dans le
groupe PO, la plupart étant prescrites à des fins de diagnostic (70). Les raisons du faible taux
de DI dans le groupe PO peuvent s’expliquer par le consentement éclairé préalable des sujets
recrutés et un programme de dépistage du cancer du sein mis en place au Canada après les
conclusions de l’étude
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
132
Cet essai conclut que la mammographie de dépistage annuelle effectuée chez des femmes
de 50 à 59 ans, engendre des taux de détection plus élevés de cancers amenant à un excès de
mastectomies dans le groupe MP. Cette analyse a aussi confirmé que les cancers du sein de
petite taille et sans envahissement ganglionnaire étaient d’avantage détectés par la
mammographie sans que celle-ci n'ait d’impact sur la mortalité par cancer du sein.
Les estimations excluent ainsi une réduction de 30% de la mortalité par cancer du sein de
la mammographie de dépistage (comme l’atteste d’autres études) mais il est impossible de
prouver que l’effet est nul et les auteurs ne nient pas l'avantage de la mammographie de
dépistage comparativement à l'absence de dépistage. Ils suggèrent en fait une autre option
pour le dépistage des femmes âgées de plus de 50 ans: un examen clinique des seins annuel et
l'enseignement de l'auto examen des seins par des professionnels de santé qualifiés. Cette
option peut notamment se révéler d'un intérêt particulier dans les pays où le cancer du sein est
un problème croissant, et où les services de mammographie sont quasi inexistants. Cette
alternative devrait toutefois être considérée en pratique par les professionnels concernés,
particulièrement les médecins.
Pour terminer ce chapitre, il est nécessaire de rappeler que ces 2 essais randomisés sont
considérés comme de bon niveau de preuves pour une majorité de commentateurs. L’essai
NBSS2 a pourtant fait l’objet d’une vive polémique lors de sa publication. Certains
commentateurs ont notamment contesté les résultats et critiqué la qualité de la randomisation
et celle des mammographies. Pour lever les doutes, des enquêtes ont été menées par des
organismes indépendants (parfois non canadiens). Ces experts ont validé la qualité de la
randomisation. Toutefois, il est vrai que la qualité des mammographies réalisées au début de
l’étude était discutable mais sans impact sur l’ensemble de l’essai (les mammographies
ultérieures ayant une meilleure sensibilité et spécificité que dans les autres essais randomisés).
Afin de préciser les données d’efficacité des essais randomisés sur la mammographie de
dépistage du cancer du sein, de nombreuses méta-analyses ont été conçues, plus ou moins
pertinentes. Nous verrons dans le chapitre suivant l’intérêt réel de ces méta-analyses.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
133
3.3. APPRECIATION CRITIQUE DES META-ANALYSES DE
L’USPSTF ET DE GØTZSCHE & OLSEN
3.3.1. APPORT DES META-ANALYSES DANS
L’EVALUATION DE L’EFFICACITE DU DEPISTAGE
MAMMOGRAPHIQUE DU CANCER DU SEIN
Nous pouvons nous interroger sur le niveau de pertinence des méta-analyses. En effet,
qu’apportent-elles en plus des essais randomisés ? Il faut savoir que les essais randomisés,
considérés indépendamment, peuvent ne pas être de puissance statistique suffisante pour
démontrer l’existence d’un phénomène. Alors, une méta-analyse peut révéler la significativité
statistique d’un effet lorsqu’elle combine les résultats des différents essais.
Inversement, nous pouvons penser qu’un effet mis en évidence par une méta-analyse et
non prouvé statistiquement dans les essais isolés doit être probablement de faible ampleur.
Quoi qu’il en soit, même si une méta-analyse apporte des renseignements utiles notamment
lorsque les résultats des essais divergent, elle reste d’un plus faible niveau de preuves qu’un
essai comparatif bien conduit (71).
De nombreuses méta-analyses ont taché d’établir des expertises critiques sur les données
d’efficacité des mammographies de dépistage mais seulement deux méta-analyses ont estimé
tous les essais randomisés sur la base d’une analyse de leur qualité méthodologique
rigoureuse.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
134
3.3.2. PRESENTATION DE LA META-ANALYSE DE L ’USPSTF
La méta-analyse de l’USPSTF(US Preventive Services Task Force) a été réalisée en 2001
et financée par les fonds publics des Etats-Unis d’Amérique (55). Elle fait suite à la
publication de la méta-analyse de Gøtzsche et Olsen. La cotation de la qualité des essais a été
différente dans ces 2 méta-analyses. Celle de l’USPSTF a aboutie à 3 solutions :
- essai de « bonne qualité » (validation de tous les critères internes de qualité) :
aucun
- essais de « qualité moyenne » (défauts méthodologiques importants mais non
majeurs, résultats « très probablement » correct) :
o les essais Canadiens (NBSS1, mené chez les femmes de 40-49ans et
NBSS2)
o l’ensemble des essais suédois
o l’essai HIP de New-York
- essai de « mauvaise qualité » :
o l’essai d’Edimbourg (exclut de la méta-analyse)
Il résulte de cette méta-analyse une diminution relative du risque de décès par cancer du
sein de 16% (IC95 allant d’une diminution relative de 9 à 23% pour une durée de suivi de 14
ans en moyenne).
Cependant, nous pouvons nous interroger sur la légitimité de l’inclusion de l’essai HIP
dans cette méta-analyse, pour les raisons que nous avons invoqué précédemment, à savoir les
biais au niveau de la randomisation. De plus, nous pouvons aussi discuter la combinaison des
résultats de l’essai NBSS2 avec les résultats des autres essais. Effectivement, l’essai NBSS2
répond à la question du bénéfice de la mammographie de dépistage associée à l’examen
clinique des seins versus examen clinique seul, alors que les autres essais se focalisent sur le
bénéfice du dépistage mammographique versus absence de dépistage. Ces essais ne répondent
donc pas à la même problématique d’où notre questionnement sur le bien-fondé de cette méta-
analyse.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
135
3.3.3. PRESENTATION DE LA META-ANALYSE DE GØTZSCHE
ET OLSEN
La méta-analyse de Gøtzsche et Olsen réalisée en 1999 au nom d’un groupe du réseau
Cochrane, a été financée par des institutions danoises et a été publiée en 2000 dans « The
Lancet » et dans sa dernière version en 2001 (72). Pour établir une classification sur la qualité
méthodologique des essais, les auteurs ont été amenés à demander des précisions aux auteurs
de chaque essais et ils ont obtenu des réponses de tous, sauf concernant les essais de
Kopparberg et d’Östergötland. Les essais ont donc été répartis selon 4 niveaux de qualité :
- essai de « haute qualité » : aucun
- essais de « qualité moyenne » :
o les 2 essais canadiens
o l’essai de Malmö 1
- essais de qualité médiocre :
o l’essai de Göteborg
o l’essai de Stockholm
o les essais des 2 comtés suédois (Kopparberg et Östergötland)
- essais de « qualité insuffisante » :
o l’essai HIP de New-York
o l’essai d’Edimbourg
Le jugement des auteurs de cette méta-analyse repose avant tout sur la diminution de la
mortalité totale car ils estiment que la diminution de la mortalité par cancer du sein est un
critère biaisé en faveur du dépistage du fait de nombreux problèmes méthodologiques
inhérents aux essais. Leur conclusion révèle qu’en ne considérant que les essais de qualité
moyenne et médiocre, il n’y a aucune diminution de la mortalité totale ni au bout de 7 ans, ni
au bout de 13 ans. À 13 ans suivant leur entrée dans l’étude, 9.6% des patientes sont décédées
dans le groupe « dépistage » versus 8.6% dans le groupe « témoin » sur environ 290 000
femmes avec un IC à 95% allant d’une diminution relative de la mortalité totale de 1 % à une
augmentation de 3% d’après les auteurs.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
136
En ce qui concerne leur calcul de la mortalité par cancer du sein, les résultats varient en
fonction des essais employés. Aucune diminution de la mortalité par cancer du sein n’est
observée lorsque seuls les essais de qualité moyenne sont pris en compte. Le risque relatif est
alors de 1.05 (IC 95%, 0.83-1.33) au bout de 7 ans et de 0.97 au bout de 13 ans (IC 95%,
0.82-1.14) allant d’une diminution relative de 18% à une augmentation relative de 14% de la
mortalité par cancer du sein.
Maintenant, en considérant tous les essais sauf ceux classés de qualité insuffisante, nous
remarquons que la mortalité par cancer du sein diminue de manière statistiquement
significative avec un risque relatif de 0.74 après 7 ans de suivi (IC 95%, 0.73-0.99) et de 0.80
après 13 ans (IC 95%, 0.71-0.89) allant d’une diminution relative de la mortalité par cancer
du sein de 11% à 29%. Cette dernière conclusion est cohérente avec les autres méta-analyses
réalisées sur le sujet. Ainsi, cette méta-analyse met en avant le caractère plus favorable au
dépistage des essais de qualité médiocre. Néanmoins, la longue polémique faisant suite à la
publication de cette synthèse nous incite à interpréter ces résultats avec prudence.
3.3.4. DISCUSSION AUTOUR DES DIVERGENCES DE CES DEUX
META-ANALYSES
Les résultats de la méta-analyse du groupe Cochrane peuvent décevoir les espoirs placés
dans le dépistage du cancer du sein. D’ailleurs, de nombreux professionnels de santé se sont
sentis trahis par un tel constat et plusieurs rapports d’experts ont vu le jour afin de répondre à
la controverse. Les critiques ont essentiellement porté sur les conditions de classification en
fonction de la qualité des différents essais. Ces conditions se basaient à priori sur la présence
de « biais mineurs » ou de « biais majeurs » dans la méthodologie de l’essai sans qu’aucune
définition claire et précise de ces termes ne soit apportée.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
137
De plus, les auteurs ont fondé leur jugement sur la mortalité totale plutôt que sur la
mortalité par cancer du sein. En effet, ils considéraient ce critère d’analyse comme biaisé à
cause d’une mauvaise catégorisation des décès. Les complications des traitements contre le
cancer du sein étaient par exemple exclues du taux de décès par cancer du sein, ce qui peut
être discutable. Toutefois, aucun essai randomisé n’a été conçu pour avoir une puissance
statistique suffisante pour l’étude de la mortalité totale.
On peut reprocher à la méta-analyse de Gøtzsche et Olsen, comme à celle de L’USPSTF,
de combiner les résultats de l’essai NBSS2 aux résultats des autres essais alors qu’ils ne
répondent pas à la même question.
Aussi, la méta-analyse du groupe Cochrane rapportait un taux plus élevé de mastectomie
et de traitement par radiothérapie dans le groupe « dépisté » que dans le groupe « témoin ».
Cette observation va à l’encontre de l’hypothèse qu’un dépistage à un stade précoce permet
aux patientes de bénéficier d’un traitement moins lourd. Force est de constater qu’aucune
prise en compte des traitements administrés aux patientes n’est faite et que la pertinence des
protocoles de traitements n’est pas étudié dans les essais. Or, un groupe d’expert chargé
d’évaluer la méta-analyse de Gøtzsche et Olsen indique que l’effet du dépistage est forcément
lié aux effets thérapeutiques.
Malgré l’absence de données décisives des méta-analyses quant au bénéfice attendu du
dépistage sur l’ensemble de la population étudiée, il peut s’avérer judicieux d’analyser les
informations par tranche d’âge :
- En ce qui concerne les femmes de moins de 39 ans et de plus de 70 ans, aucune
donnée probante issue d’essai comparatif randomisé ne permet de conclure sur un
quelconque bénéfice du dépistage chez ces femmes (55).
- Pour les femmes âgées de 40 à 49 ans, l’essai canadien NBSS1 (1980) et l’essai
britannique Ukcccr (1991) portant exclusivement sur cette tranche d’âge et tous
deux de bon niveau de preuve, ne démontrent pas de diminution de la mortalité
totale ou par cancer du sein. Pour l’essai Ukcccr, plus récent, aucune diminution
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
138
statistiquement significative de la mortalité par cancer du sein n’est observée,
après 10,7 ans de suivi en moyenne, pour un IC à 95% allant d’une diminution
relative du risque de décès par cancer du sein de 34% à une augmentation relative
de 4% (51). Par ailleurs, d’autres méta-analyses effectuées dans cette tranche d’âge
confirment ces résultats, la plus favorable au dépistage (comprenant les résultats
de l’essai HIP) affirme qu’une participation de 1530 à 21 000 femmes âgées de 40
à 49 ans pendant 14 ans est nécessaire pour éviter 1 décès par cancer du sein. Il
faut noter aussi l’augmentation des effets indésirables dans cette tranche d’âge
(plus de FP et de diagnostic par excès) avant de statuer sur un éventuel bénéfice du
dépistage.
- Chez les femmes de 50 à 59 ans, des résultats incohérents ressortent de la méta-
analyse des sous-groupes des essais suédois avec une diminution de la mortalité
totale mais non de la mortalité par cancer du sein (probablement dû à l’inclusion
d’essais de moindre fiabilité). L’essai NBSS2 dont nous avons exposé les
conclusions précédemment (cf. 3.2.2.1), présente les résultats les plus probants
concernant cette classe d’âge.
- Chez les femmes de plus de 60 ans, l’analyse des sous-groupes de l’essai Malmö 1,
fiable méthodologiquement (cf. 3.2.2.2) semble en faveur d’une efficacité du
dépistage dans cette tranche d’âge (67).
Enfin, même si ce type d’analyse n’est jamais aussi concluant qu’un essai thérapeutique
du groupe « témoin », procédures de lecture des clichés, qualité de PEC…) interférant avec le
dépistage à proprement parler, de nombreux éléments de réponse pertinents sont à considérer.
Les essais comparatifs randomisés bien conduits demeurent la référence pour évaluer
l’efficacité du dépistage, mais de nombreuses autres études observationnelles apportent
certaines informations en actualisant les données mais aussi soulèvent des questions.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
139
3.4. AUTRES TYPES D’ETUDES MENEES SUR L ’EFFICACITE DU
DO
De nombreuses études sont publiées régulièrement, soit en vue de conforter le bénéfice
du dépistage, soit pour affirmer que son efficacité est moindre par rapport aux attentes. Il ne
s’agit pas d’études expérimentales comme les essais randomisés mais plutôt d’études
observationnelles ou encore quasi-expérimentales telles que les études « avant-après » et/ou
« ici ailleurs » sans randomisation qui permettent d’éliminer les biais d’avance au diagnostic
ou de durée d’évolution.
En 2010, une étude parue dans « The New England Journal of Medicine », menée en
Norvège entre 1996 et 2005 a tenté d’établir dans le cadre d’une étude « avant-après » non
randomisée, des groupes de comparaison valides (73). L’objectif de cette étude a été d’évaluer
l’évolution des taux de mortalité par cancer du sein dans le groupe « dépisté » par rapport au
groupe « non dépisté ». Les auteurs se sont affranchis de la difficulté de réaliser un groupe
témoin de femmes « non dépistées » en définissant 4 groupes :
- 2 groupes « contemporains » étudiés de 1996-2005 (ère du dépistage)
o Groupe « dépisté »
o Groupe « non dépisté »
- 2 groupes de comparaison « historiques » étudiés de 1986-1995 (avant l’ère du
dépistage) basés sur l’homologie des comtés (sur la base de données du Registre
du cancer de Norvège)
La comparaison du groupe « dépisté » vs groupe « non dépisté » évite les facteurs de
confusion tels que l’amélioration des traitements et la sensibilisation accrue de la population à
la pathologie. La comparaison des groupes « contemporains » versus groupes « historiques »
court-circuite la différence des taux de mortalité par cancer du sein entre les différents comtés.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
140
Le programme de dépistage de Norvège correspond à la mammographie de dépistage et la
PEC de la patiente malade par une équipe pluridisciplinaire. De 1996 à 2005, les femmes de
50-69 ans sont invitées à participer au programme et ont accès à la mammographie et à
l’équipe pluridisciplinaire si elles sont malades. Les femmes en dehors de cette tranche d’âge
(20-49 et 70-84 ans) habitant dans les comtés où le programme est appliqué ont accès à
l’équipe pluridisciplinaire si elles sont malades. La double lecture de la mammographie est
appliquée par deux radiologues différents. Globalement 77% des femmes invitées ont
participé au dépistage.
Les résultats de cette étude sont en faveur d’une diminution du taux de mortalité par
cancer du sein attribuable au programme de dépistage (figure 29).
Figure 29 : Taux de décès parmi les femmes de 50-69 ans dans les 4 groupes d’études
Dans le groupe « non dépisté » contemporain, une diminution de 18% de la mortalité par
cancer du sein a été observée par rapport à son homologue historique (c'est-à-dire les femmes
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
141
vivant dans les mêmes comtés de Norvège avant l’ère du dépistage). Dans le groupe «dépisté»
contemporain, la réduction de la mortalité par cancer du sein a été de 28% par rapport à son
homologue (n’ayant pas accès au dépistage). La différence de 10% constatée est alors
attribuable au programme de dépistage (tableau 16).
Tableau 16 : Nombre de décès pour 100 000 personnes/an et facteurs à l’origine de la
diminution de mortalité.
Le programme de dépistage a l’avantage ici d’intégrer une équipe pluridisciplinaire qui
intervient en partie dans la réduction de la mortalité. Autrement dit, la mammographie de
dépistage n’intervient qu’en partie dans cette diminution de la mortalité déjà relativement
faible.
Une des forces de cette étude réside dans l’organisation de la mise en place du
programme dans chaque comté. En effet, l’échelonnage de l’implantation du dépistage en
Norvège, a permis d’identifier un groupe « non dépisté » contemporain. De plus, l’utilisation
de groupes témoins historiques permet la diminution des facteurs de confusion et l’avance au
diagnostic est un biais très probablement absent dans cette étude.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
142
Cependant, l’ACS soulève une limite majeure (souvent rencontrée dans ce type d’étude),
la durée maximale de suivi a été de 8.9 ans avec une moyenne de 2.2 ans. Ainsi, aucune
conclusion ne peut être tirée sur une durée de suivi aussi courte. Par ailleurs, aucune donnée
n’est apportée concernant la contamination du groupe témoin.
Même si les conclusions de cette étude sont peu probantes, une chose est sûre ; le
bénéfice du dépistage, si tant est qu’il existe, ne pourra répondre aux obligations d’efficacité
que dans un système de santé bien organisé, disponible et correctement réparti sur l’ensemble
du territoire. Malgré l’absence d’essai comparatif randomisé mené en France, ce pays aurait
tendance à apparaître propice pour l’obtention de l’efficience d’un programme de DO du
cancer du sein notamment grâce à tous les dispositifs mis en place pour son bon
fonctionnement à savoir, cahier des charges rigoureux, assurance de qualité, double lecture,
formation continue des radiologues.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
143
4. UTILISATION CONCRETE DE CE MEMOIRE DANS
L’EXERCICE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN AUPRES DU
PATIENT
4.1. DESCRIPTION DU CAS DE COMPTOIR
Après avoir étudié les différents aspects du DO du cancer du sein, de sa mise en place en
France aux résultats contrastés des essais randomisés, tout en étudiant les divers risques qu’il
pouvait engendrer, nous allons tenter, dans cette dernière partie, de guider le pharmacien dans
son conseil au comptoir auprès d’une patiente qui s’interroge quant à sa propre pratique du
dépistage du cancer du sein.
Comme nous l’avons vu dans la première partie, les documents sur le DO du
cancer du sein, mis à disposition du pharmacien, contiennent peu de véritables informations
mais plutôt visent à inciter et guider les patientes vers la démarche du DO. Nous allons donc
nous efforcer d’apporter ici, les informations de manière objective en omettant aucun aspect
du DO et ce, dans le but que la patiente effectue son choix en connaissance de causes.
4.1.1. MISE EN SITUATION
Madame X, âgée de 50 ans, profite du renouvellement de son ordonnance dans sa
pharmacie habituelle, pour parler à son pharmacien de la lettre d’invitation au DO du cancer
du sein qu’elle a reçu récemment pour la première fois. Dans ce courrier, figure également
une brochure explicative sur le DO. Toutefois, la patiente s’interroge sur l’utilité de pratiquer
ce dépistage dans le cadre du programme. En effet, Madame X a déjà effectué deux
mammographies de dépistage avant ses 50 ans, qui lui ont été prescrites dans le cadre de son
suivi gynécologique, par son gynécologue.
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Figure 30 : Lettre type d’invitation au DO du cancer du sein.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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Figure 31 : Brochure informative annexée à la lettre d’invitation.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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Madame X n’a aucun antécédent de cancer du sein. Ses deux mammographies effectuées
à 46 et 48 ans, se sont révélées normales, classées en ACR 2. Toutefois, lors de la seconde,
elle a dû effectuer une échographie en examen complémentaire pour confirmer l’absence de
lésions tumorales.
Ainsi, elle s’interroge sur différents points. Pourquoi ne pourrait-elle pas continuer ses
mammographies sur prescription de son gynécologue ? Pourquoi son amie du même âge n’a-
t-elle pas reçu le même courrier ? Qu’est ce que le programme de DO apporte t-il finalement ?
Y a-t-il un réel avantage ? Sera-t-elle aussi bien suivie dans le cadre de ce programme ? Est-
elle obligée de se faire dépister tous les 2 ans comme l’indique la brochure ? La répétition des
mammographies comporte t- elle des risques ?Va-t-elle systématiquement devoir subir une
échographie ou d’autres examens complémentaires ? Et si le cancer était diagnostiqué ?
Madame X est véritablement perdue. Elle ne sait pas pour quel type de dépistage opter ou
même si elle a besoin réellement de se faire dépister. De plus, elle n’a pas osé poser ses
questions à son MT qu’elle voit régulièrement. D’ailleurs, elle ignore s’il est véritablement
impliqué dans ce parcours de soin.
En tant que professionnel de santé, le pharmacien doit apporter à la patiente, si ce n’est
une réponse, au moins des éléments de réponses scientifiquement validés, qui permettront à
celle-ci d’une part, de mieux comprendre en quoi consiste ce programme de dépistage, d’autre
part, de se positionner par rapport au DO du cancer du sein.
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4.2. ELEMENTS DE REPONSE A INTEGRERAU CONSEIL DU
PHARMACIEN AFIN D ’AIDER LA PATIENTE DANS SA PRISE DE
DECISION
4.2.1. CRITERES D ’INCLUSION ET D ’EXCLUSION AU DO DU
CANCER DU SEIN
De prime abord, il nous semble important d’expliquer à la patiente pourquoi elle a reçu
cette lettre d’invitation, contrairement à son amie du même âge. Effectivement, avant d’entrer
dans les détails des divers aspects du dépistage, le pharmacien doit renseigner la patiente si
celle-ci ignore comment et pourquoi elle reçoit cette invitation au programme de dépistage.
Madame X a ainsi reçu ce courrier par le centre de coordination du dépistage du cancer
du sein de son département car son organisme d’assurance maladie transmet périodiquement
les fichiers des femmes concernées par le programme de DO à cette structure de gestion (avec
l’accord de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés).
Les femmes concernées par le DO répondent à certains critères d’inclusion comme le
détaille le tableau ci –dessous (6).
Tableau 17 : Critères d’inclusion ou de non-exclusion et critères d’exclusion au DO du cancer
du sein
Critères d’inclusion ou de non-exclusion Critères d’exclusion (non définitifs)
Femmes âgées de 50 à 74 ans Femmes dont l’âge est inférieur à 50 ans ou
supérieur à 74 ans
Port de prothèses mammaires Traitement ou surveillance d’un cancer du sein
ATCD de chirurgie pour lésion bénigne Surveillance d’une image anormale
ATCD de traumatisme mammaire Existence de facteurs de risque important
(néoplasie lobulaire, gène de prédisposition)
Présence d’un symptôme au moment du
dépistage
Probabilité élevée de prédisposition, confirmée
lors d’une consultation d’oncogénétique
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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Ainsi, la patiente comprend mieux pourquoi elle a reçu ce courrier. Elle vient d’atteindre
l’âge requis pour entrer dans le programme et n’a aucun ATCD de pathologie mammaire
même bénigne. Aussi, son amie n’est pas concernée par le programme de DO car il est vrai
qu’elle présente une histoire familiale du cancer du sein, sa mère et ses deux sœurs ayant
toutes été atteintes à des âges précoces.
4.2.2. DEPISTAGE INDIVIDUEL/DEPISTAGE ORGANISE
Il paraît maintenant fondamental, pour que Madame X puisse faire son choix de manière
éclairée, qu’elle fasse bien la distinction entre le DI et le DO et comprenne quels sont les
points de différences entre ces 2 modes de dépistages.
Figure 32 : Critères majeurs de différenciation entre DI et DO
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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Madame X sait maintenant qu’en optant pour le DO, elle bénéficiera d’un examen pris en
charge à 100 % par la sécurité sociale (critère non négligeable si elle ne possède pas de
mutuelle) et ses mammographies, dans le cas où le radiologue premier lecteur ne détecte
aucune anomalie, seront lues une seconde fois par un autre radiologue afin de s’assurer de
l’absence de lésions.
Aussi quel que soit le type de dépistage vers lequel elle s’oriente, Mme Penn doit savoir
que les résultats de ses mammographies seront communiqués au MT et/ou gynécologue. Il
peut sembler de prime abord, que dans le parcours du DO, son MT et/ou son gynécologue
seraient moins impliqués dans son suivi, en partie du fait de l’absence de prescription. C’est
pourquoi, il est essentiel, si Madame X choisit ce dispositif, qu’elle s’entretienne avec son
MT et/ou gynécologue au sujet de la mammographie de dépistage afin que ses professionnels
de santé « référents » aient bien connaissance de son parcours de soins et interviennent si
besoin dans sa PEC.
L’explication claire et concise de ses différents points à la patiente par le pharmacien est
cruciale s’il veut qu’elle prenne en compte tous les paramètres avant de prendre sa décision. A
ce stade, Madame X tend plutôt à se faire dépister via le programme de DO. En effet, elle
considère que la double lecture des mammographies assure au DO une qualité de PEC
supérieure par rapport au DI à condition que le suivi soit identique dans les deux cas.
Cependant, certaines de ses questions restent en suspens, notamment en ce qui concerne
les risques que peut induire la mammographie de dépistage et finalement, si elle en tirera de
réels bénéfices.
4.2.3. EXPLICATION A LA PATIENTE DES RISQUES
INHERENTS A LA MAMMOGRAPHIE DE DEPISTAGE
Dans la majorité des informations délivrées aux femmes à travers les différents médias
utilisés (télévision, radio, journaux féminins), la notion de risques inhérents au dépistage n’est
que très peu, voire pas du tout évoquée. Pourtant, ces risques sont bien réels et relativement
évalués. Les femmes doivent avoir connaissance de ceux-ci pour effectuer leur choix de
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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manière éclairé. C’est aussi le rôle du pharmacien, si celui-ci est confronté aux interrogations
de la patiente, de restituer objectivement les données qu’il possède sur le sujet afin de lui
garantir un conseil professionnel et de qualité.
Figure 33 : Explication schématisée des faux positifs à la patiente
Figure 34 :Explication schématisée des faux négatifs à la patiente
Peut générer de l'anxiéte chez la
patiente
Définition:
Anomalie détectée sur la
mammographie alors que la patiente
n'est pas malade
Conduit à des examens
complémentaires pour confirmer un
diagnostric (l'échographie dans un premier temps)
Il y a 10 fois plus de mammographies anormales que de
cancers
-fausse réassurance de la patiente
-Possibilité d'une diminution de la confiance dans le
corps médical
Définition:
Aucune anomalie détectée à la
mammographie alors que la patiente
est malade
Découverte du cancer plus tardivement alors qu'il était déjà présent
à la mammographie précédente
-Difficulté d'estimation du nombre de FN
-La compétence et l'expérience des
radiologues garantissent une faible fréquence de ces cas
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Figure 35 :Explication schématisée du surdiagnostic et du surtraitement à la patiente
Figure 36:Explication schématisée des cancers radio-induits à la patiente
Aucun moyen ne permet aujourd'hui
de déterminer l'évolutivité des
lésions: le traitement est alors
systématique
Définition:
Diagnostic et traitement d'un cancer qui, en l'absence de test de
dépistage n'aurait pas évolué vers un stade
cliniquement détectable du vivant de la patiente
Ce risque est bien réél (estimé à 1
CIS/3) mais reste assez faible du fait
de la fréquence peu élevée de ce type de
cancers
Un test de dépistage par mammographie
correspond environ à 80 jours d'irradiation
naturelle
Définition:
Cancer dû à l'irradiation reçue par la patiente lors
des mammographies de dépistage
Risque fonction de la dose et de la fréquence d'irradiation ainsi que
de certains facteurs individuels
(âge,facteurs génétiques,familiaux)
Risque extrémement faible avec les
appareils actuels dans le cadre du DO (2 clichés par sein et
intervalle de 2 ans à respecter entre les mammographies)
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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Madame X détient maintenant les informations essentielles sur les risques que peut
comporter la mammographie de dépistage du cancer du sein, les deux principaux étant les FP
et le surdiagnostic. Elle doit savoir aussi que si elle s’engage dans la démarche du DO, elle
peut à tout moment de sa vie choisir de revenir vers le DI. De plus, l’intervalle de 2 ans entre
les mammographies correspond aux recommandations officielles mais ne constitue pas non
plus une obligation. Ainsi, elle est la première responsable et actrice de son parcours de soins.
Quant aux réels bénéfices du DO en termes d’efficacité dans la population cible,
personne n’est en mesure d’affirmer aujourd’hui de façon ferme et définitive qu’ils existent
ou non. Une chose est sûre ; les femmes âgées de 50 à 74 ans pourraient éventuellement voir
l’intérêt du DO si elles sont confrontées un jour au diagnostic de cancer du sein à l’issue
d’une mammographie de dépistage.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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ISPB - FACULTE DE PHARMACIE
C O N C L U S I O N S
THESE SOUTENUE PAR : Mademoiselle VAILLANT Amélie
Comme nous avons pu le voir au cours de cette thèse, la mise en place du dépistage organisé
du cancer du sein sur l’ensemble du territoire français en 2004, a exigé un long travail en
amont, lors des programmes expérimentaux, afin de répondre aux réels besoins en santé
publique et aux exigences que demande l’établissement d’un tel dispositif. Cependant, malgré
la rigueur considérable mise en œuvre sur les plans réglementaire et organisationnel lors de
son instauration, le programme de dépistage organisé du cancer du sein se heurte à un
problème majeur : la faible participation de la population cible (52.7% en 2011). Pratique du
dépistage individuel ? Crainte d’un dépistage de masse et de la dépersonnalisation de l’acte
médical ? Peur de la maladie ? Autant de points que s’efforce d’éclaircir depuis plusieurs
années le gouvernement avec l’aide de l’Institut National du Cancer auprès des femmes de 50
à 74 ans, à travers les campagnes de mobilisation et notamment « Octobre Rose ». Toutefois,
ces campagnes relèvent plus de la sensibilisation et de l’incitation des femmes à la
participation au dépistage organisé, plutôt que de leur information propre. Aussi, cette
démarche à visée sociale et citoyenne, bien que reposant sur le principe de solidarité et
présentant un enjeu collectif, ne peut en aucun cas être imposée aux femmes de la population
cible.
L’objectif de ce mémoire était donc d’une part, d’effectuer un état des lieux du programme de
dépistage organisé du cancer du sein en France afin de mieux comprendre les enjeux qu’il
représente. D’autre part, il s’agissait de faire le point sur la controverse liée à ce dépistage et à
sa généralisation à la France entière : le dépistage organisé encourageant les femmes de 50 à
74 ans à subir des mammographies bisannuelles comportent-il plus de risques que de
bénéfices ? Plusieurs risques avérés ont été identifiés, les faux positifs et le surdiagnostic étant
les deux plus importants, ils se situent au cœur de la polémique. Ainsi, les femmes en
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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participant au dépistage organisé du cancer du sein, courent le risque d’endurer des examens
complémentaires parfois invasifs, toujours anxiogènes, alors qu’elles sont en bonne santé.
Pire encore, elles sont susceptibles d’être traitées et de subir chirurgie, chimiothérapie ou
radiothérapie contre un cancer qui en l’absence de dépistage n’aurait jamais évolué et serait
resté asymptomatique jusqu’à leurs décès résultant d’une autre cause. En France, on estime le
taux de faux positifs entre 6 et 8% et le taux de surdiagnostic à environ un carcinome in situ
sur trois (les carcinomes in situ représentant approximativement 20% des cancers du sein).
Ces chiffres fluctuent peu selon les sources. Cependant, leurs interprétations varient et ces
risques, inhérents au dépistage organisé, deviennent acceptables pour certains au regard des
bénéfices, mais restent inadmissibles pour d’autres.
Nous pourrions effectivement penser que certains risques doivent être pris pour attendre une
réelle efficacité de ce programme de dépistage en termes de diminution de la mortalité par
cancer du sein ou de la mortalité totale dans la population cible. Qu’en est-il aujourd’hui ? Il
est malheureusement impossible de conclure à une diminution importante de la mortalité,par
cancer du sein ou totale, due au dépistage organisé. Pourtant, les autorités compétentes en
France estiment que l’efficacité est réelle même si son ampleur est faible.
Malgré tout, il est nécessaire de signaler que le programme de dépistage organisé français
semble être, au niveau européen voire mondial, celui qui garantit à la patiente uneprise en
charge de qualité supérieure, grâce notamment à l’importance du suivi, à la double lecture par
deux radiologues différents et à la prise en charge financière. Alors, les autorités se seraient-
elles investies de manière trop importante pour assumer une réévaluation du rapport bénéfice-
risque de ce dispositif ?
Voilà pourquoi il est fondamental pour les femmes de recevoir des professionnels de santé, en
qui elles ont confiance, une information claire et exhaustive sur le dépistage organisé du
cancer du sein. Il ne faut pas oublier que le risque iatrogène d’un traitement imposé à une
personne malade est souvent jugé comme acceptable au vue du bénéfice important qu’elle en
obtiendra, surtout si la pathologie est grave. Dans le cadre du dépistage, le paradoxe réside
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
155
dans le fait que des femmes saines vont s’exposer à des risques dans le but d’un éventuel
bénéfice futur. Ici, le vieux principe hippocratique « Primum non nocere » prend alors tout
son sens.
Vu et permis d’imprimer, Lyon, le 17 juin 2013
Le Président de la thèse,
Professeur L. ZIMMER
Vu, la Directrice de l’institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques, Faculté de Pharmacie
Pour le Président de l’Université Claude Bernard Lyon 1
Professeure C. VINCIGUERRA
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
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VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
163
SERMENT DE GALIEN
Je jure, en présence des maîtres de la faculté et de mes condisciples :
D’honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de mon art et de leur
témoigner ma reconnaissance en restant fidèle à leur enseignement ;
D’exercer, dans l’intérêt de la santé publique, ma profession avec conscience
et de respecter non seulement la législation en vigueur mais aussi les règles de
l’honneur, de la probité et du désintéressement ;
De ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs envers le malade et sa
dignité humaine.
En aucun cas, je ne consentirai à utiliser mes connaissances et mon état pour
corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels.
Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses.
Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque.
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164
L’ISPB- Faculté de Pharmacie de Lyon et l’Université Claude Bernard Lyon 1 n’entendent
donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions
sont considérées comme propres à leurs auteurs.
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Le dépistage d’un cancer est définit selon l’OMS comme l’application systématique dans
une population asymptomatique d’un test visant à repérer les individus présentant des anomalies
évocatrices d’un cancer particulier. En ce qui concerne le dépistage par mammographie du
cancer du sein, la population cible correspondant aux femmes de 50 à 74 ans représente 9
millions de personnes en France. Implanté en 2004 sur l’ensemble du territoire, le dépistage
organisé, malgré une communication massive autour du sujet, ne rassemble qu’un peu plus de
50% de la population cible depuis sa mise en place. Pourtant, ce dispositif bénéficie de plusieurs
avantages par rapport au dépistage sur prescription, à savoir une double lecture des
mammographies par deux radiologues expérimentés, une prise en charge à 100% et un suivi
adapté. Alors pourquoi le dépistage organisé ne rencontre t-il pas plus de succès ?
Plus que les doutes sur la qualité du dépistage organisé ou la peur de la maladie, la
polémique autour du surdiagnostic des cancers du sein et de l’absence de bénéfices en termes de
mortalité a pu constituer un obstacle à une évolution plus favorable du dispositif. En effet, ce
débat international conduit par de nombreux experts tend à remettre en cause l’existence même
de ce dépistage.
Malgré tout, si l’intérêt collectif nécessite encore d’être étudié, chaque femme peut voir
dans le dépistage organisé l’éventualité d’en être une des bénéficiaires, celles dont le risque de
décès dû au cancer du sein sera réduit notablement. Ce travail doit permettre aux pharmaciens
d’officine d’être à même de répondre aux interrogations de la patiente concernant le dépistage
organisé du cancer du sein.
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)
V AILLANT Amélie
Mise en place du dépistage organisé du cancer du sein en Fra~ce : enjeux, éthique et rapport bénéfices/risques Th. D. Pharm., Lyon 1, 2013, p. 164
RESUME
Le dépistage d'un cancer est défmit selon l'OMS comme l'application systématique dans une pQJ)Wt~J,Î$:]1
asymptomatique d'un test visant à repérer les individus présentant des anomalies évocatrices d'ui/~~~~ particulier. En ce qui ·concerne le dépistage par mammographie du cancer du sein, la populati~ll ~tl#l~
correspondant aux femmes de 50 à 74 ans, représente 9 millions de personnes en France. Implanté~ !tx(t4 sur l'ensemble du territoire, le dépistage organisé, malgré une communication massive autour du iii:lijel,nê rassemble qu'un peu plus de 50% de la population cible depuis sa mise en place. Pourtant, ce d.tic~~~f~îtj(l bénéficie de plusieurs avantages par rapport au dépistage sur prescription, à savoir une double lec•t~.··~t•
mammographies par deux radiologues expérimentés, une prise en charge à 100% et un suivi ...... "'"'~-'"'"''"·'''·"!'~~.If,... pourquoi le dépistage organisé ne rencontre t-il pas plus de succès?
Plus que les doutes sur la qualité du dépistage organisé ou la peur de la maladie, la. polémique ail~U.r •titli surdiagnostic des cancers du sein et de l'absence de bénéfices en termes de mortalité a pu cons~îmt:t l,Jlll obstacle à une évolution plus favorable du dispositif. En effet, ce débat international conduit pat le nombreux experts tend à remettre en cause 1' existence même de ce dépistage.
Malgré tout, si l'intérêt collectif nécessite encore d'être étudié, chaque femme peut voir dans le dè:IJi~tJ!lge organisé l'éventualité d'en être une des bénéficiaires, celles dont le risque de décès dû au cancer sera réduit notablement. Ce travail doit permettre aux pharmaciens d'officine d'être à même de r~J)ran.~~re aux interrogations de la patiente concernant le dépistage organisé du cancer du sein.
MOTSCLES
JURY
Dépistage Cancer du sein Mammographie Risques
M. ZIMMER Luc, Professeur des Universités - Praticien Hospitalier Mme MOYRET-LALLE Caroline, Maître de Conférences des Universités
M. CA TALA Olivier, Pharmacien officinal, Professeur associé M.· MA THIEU Damien~ Pharmacien officinal
DATE DE SOUTENANCE
Vendredi 5 juillet 2013
VAILLANT Amelie (CC BY-NC-ND 2.0)