courrier de m.-n. lienemann à emmanuel macron sur l'avenir de la papeterie de docelles (88)
DESCRIPTION
Suite à une question écrite restée sans réponse, et après que le tribunal de commerce d'Epinal a débouté les salariés engagé pour une reprise en SCOP de la papeterie, Marie-Noëlle Lienemann interpelle le ministre de l'économie pour que l'Etat intervienne enfin dans le dossier à la mesure des engagements pris en 2012 devant les Français par le Président de la République, pour des situations comparables.TRANSCRIPT
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Monsieur Emmanuel Macron
Ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique 139, rue de Bercy,
75572 PARIS cedex 12
Paris, le mercredi 14 octobre 2015,
A l’attention de Monsieur Emmanuel Macron
Ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique
Objet : Devenir de la Papeterie de Docelles (Vosges)
Monsieur le Ministre,
Je vous avais adressé le 12 mars 2015 une question écrite sur l’avenir de la
Papeterie UPM de Docelles dans les Vosges. Celle-ci est restée sans réponse.
Depuis plus de deux ans, les salariés de l’usine UPM Papeterie de Docelles
(Vosges), avec le soutien des élus locaux, se mobilisent pour empêcher la
fermeture de leur entreprise, la plus ancienne papeterie de France (site créé en
1478). Sa fermeture définitive donnerait un coup rude au tissu économique
d’un territoire déjà fortement touché par la disparition de l’activité textile,
avec 152 emplois supprimés.
L’entreprise appartient au groupe finlandais UPM, qui a déjà fermé plusieurs
usines en France ; celle des Vosges représente 0,7% de ce groupe qui par
ailleurs a dégagé plus de 800 millions d’euros de bénéfices en 2014 (en
progression de 23%). Ce groupe a toujours refusé les propositions d’achat qui
lui étaient présentées, jouant sur les coûts de cession qui sont brutalement
passés de l’euro symbolique à plus de 10 millions.
Les salariés ont travaillé à la création d’une SCOP, car les conditions
semblent réunies pour assurer la pérennité de l’entreprise : économiquement
viable, souplesse de son outillage (un des plus performant d’Europe, qualité
des papiers produits, hautes compétences de ses ouvriers.
Ce projet, dont le business plan a été bouclé en février 2014, a reçu le soutien
des collectivités locales, de l’union régionale des SCOP et du préfet des
Vosges. Il disposait d’un financement de 12 millions d’euros, issu de mesures
du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et associant la Banque publique
d’investissement et deux banques.
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
MARIE-NOËLLE
LIENEMANN
___________
ANCIEN MINISTRE
___________
SENATRICE
DE PARIS
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Il prévoyait, après la préparation de la relance du site, de recruter 120
personnes pour atteindre, au bout de deux ans d’activité, un effectif de 160
personnes. À nouveau, UPM a refusé cette solution.
Les dédales juridiques de cette affaire, oscillant entre l’examen des
prud’hommes et le tribunal de commerce, ont longtemps traîné en longueur.
On peut s’interroger légitimement s’il n’y a pas eu dans cette affaire la
volonté de laisser pourrir la situation en dépassant l’échéance du 15 avril 2015
qui marquait la fin de l’obligation de maintenir le site en état de pouvoir
redémarrer.
Or, le 29 septembre dernier, le Tribunal de commerce d’Epinal a débouté les
salariés réunis dans la SCOP de leur offre de reprise de l’entreprise. L’un des
motifs invoqués sont l’absence d’accord du groupe UPM sur les prix et les
conditions de la reprise. Il faut souligner que ce groupe avait évoqué lors du
plan social la possibilité de céder l’activité aux salariés pour l’euro
symbolique. En tout état de cause, suite à une réunion d’information
consultation, le 13 décembre 2013, la société UPM a proposé de modifier le
plan de sauvegarde de l’emploi en précisant qu’une société (comme la SCOP)
pourrait reprendre le site pour « un prix inférieur à la valeur du marché ».
UPM, refusant toute tentative de faire expertiser le site pour connaître sa
valeur en fonction du prix du marché, interdit ainsi toute possibilité de se
conformer à ses engagements, ces derniers ayant été reconnues par le tribunal
de commerce qui n'a toutefois pas voulu faire droit a minima à cette demande.
Les salariés ont évidemment fait appel de la décision du tribunal de
commerce, car à ce stade elle ne permet aucune solution sérieuse pour le
maintien de l’activité sur le site.
Le groupe UPM avait accepté un PSE et un contrat de revitalisation mais s’est
toujours refusé à négocier sérieusement le maintien de l’activité, rejetant toute
offre de médiation. Il n’a donc pas agi en conformité avec les
recommandations de l’OCDE.
Aujourd’hui, la convention de revitalisation signée avec le préfet en décembre
2014, est en cours d’application. La première étape est la recherche d’un
repreneur papetier, ce qui supposait de réussir à faire fléchir UPM sur le prix
de cession grâce à une implication du gouvernement. Si cette étape échoue, la
seconde étape consistera à chercher à réindustrialiser le site, quelle que soit
l’activité.
Monsieur le Ministre, je vous réaffirme que la papeterie de Docelles est
durablement viable et peut permettre d’engager de nouveaux procédés et
produits, d’autant que les outils de production sont récents et
technologiquement avancés.
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Cette affaire me semble emblématique de deux engagements pris devant les
Français par le Président de la République à savoir, d’une part, l’obligation de
rechercher un repreneur et, d’autre part, d’accorder une priorité de reprise aux
salariés sous la forme de coopératives.
Aussi, il paraît désormais indispensable que l’État mette enfin tout son poids
dans ce dossier et que le gouvernement intervienne pour débloquer la
situation.
Les élus locaux – en particulier le maire de Docelles – sont mobilisés et on
saisi plusieurs responsables du gouvernement sans obtenir de réponses. Ils
sont particulièrement inquiets car, au-delà de cette papeterie, d’autres sites
industriels semblent menacés.
Je ne doute pas que vous aurez à cœur de dialoguer avec eux et, en tout cas,
d’apporter des solutions opérationnelles pour conserver les capacités
productives de notre pays, en particulier, lors qu’il s’agit d’une usine
moderne, performante et susceptible de conserver et d’ouvrir de nombreux
marchés.
La logique des grands groupes n’est pas toujours celle qui permet la
compétitivité et le développement de notre pays et de ses territoires. C’est
pourquoi il faut dans ce cas les amener à leur responsabilité et prévoir une
possibilité de reprise par d’autres acteurs comme par exemple la SCOP.
Restant à votre disposition, je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le
Ministre, l’expression de ma considération.
MARIE-NOËLLE LIENEMANN