cotisations, solidarité et adaptations automatiques dans un premier pilier flexible
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Un cadre de réflexion formelTRANSCRIPT
ANNEXE 4.1Cotisations, solidarité et adaptations automatiques dans un premier pilier flexible : un cadre de réflexion formel
UN CONTRAT SOCIAL PERFORMANT ET FIABLE Commission de réforme des pensions 2020-2040
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Table des matières
1. Introduction .................................................................................................................................... 5
2. Une formule de pension flexible ..................................................................................................... 6
3. Interprétation du système à points : cotisations, solidarité et conditions d'accès ................. 7
3.1. Conditions d'accès : quand peut-on prendre sa pension ? ..................................................... 8
3.2. Calcul des points ..................................................................................................................... 9
3.3. De àr : pensions minimales et maximales ...................................................... 11
3.4. Conclusion ............................................................................................................................. 13
4. Responsabilité relative au départ à la pension : .................................................................... 13
4.1. Possibilités et limitations d'une spécification du paramètre fondée sur l'âge .............. 14
4.2. Flexibilité du système à points en ce qui concerne le retrait du marché du travail ............. 16
5. Un point de repère pour le taux de remplacement : la valeur d'un point .............................. 17
5.1. Le régime belge actuel applicable aux travailleurs salariés .................................................. 20
5.2. Un système composé de comptes notionnels individuels (NDC) ........................................ 21
6. Évolutions des pensions après la mise à la retraite : liaison au bien-être .................................... 22
6.1. Absence d'adaptation au bien-être ...................................................................................... 23
6.2. Adaptation intégrale au bien-être ........................................................................................ 23
7. Mécanismes d'adaptation automatiques : évolution salariale, taux d'activité et chocs
démographiques ........................................................................................................................... 24
7.1. Modifications apportées aux salaires moyens ...................................................................... 25
7.2. Modifications apportées au taux d'emploi et à l'espérance de vie : modification par l'âge de
la pension .............................................................................................................................. 26
7.3. Adaptation incomplète de l'âge moyen de la pension : modifications dans le taux de
cotisation............................................................................................................................... 30
7.4. Adaptations par un financement alternatif .......................................................................... 31
8. La prise en compte du baby-boom ............................................................................................... 32
Liste des figures
Figure 1. Le rapport entre et ......................................................................................... 12
Figure 2. Un minimum et un maximum au prorata .............................................................................. 12
Figure 3. Durée de carrière et espérance de vie ................................................................................... 15
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1. Introduction
Les principaux défis inhérents à la réforme du premier pilier du système de pension sont les suivants :
(a) le rétablissement de la viabilité financière au niveau macro-économique. Il convient à ce
stade d'opérer une distinction entre le défi à long terme qui est posé par l'augmentation
structurelle de l'espérance de vie, d'une part, et le défi aigu consistant à assumer les
conséquences du baby-boom au cours des prochaines décennies.
(b) le rétablissement de la confiance des jeunes générations (notamment), en leur permettant
d'espérer un taux de remplacement approprié au moment de leur admission à la retraite.
(c) l'intégration, d'une manière structurelle, d'une norme de solidarité intergénérationnelle
(socialement acceptable). Cette solidarité intergénérationnelle peut également être
interprétée comme une forme d'assurance.
(d) l'instauration d'une flexibilité accrue lors de la décision de prendre sa pension. Cette volonté
s'accompagne inévitablement d'un niveau accru de responsabilité individuelle.
(e) le maintien de la solidarité, tant via des périodes assimilées (socialement acceptables) que
via l'instauration d'un régime de pension minimale. Cette volonté nécessite de rendre
légitime et sans ambiguïté la solidarité qui est intégrée dans le système de pension.
(f) l'adaptation du système de pension aux formes de vie en société en mutation rapide et la
demande croissante en termes d'individualisation des droits à la pension.
(g) si possible, l'instauration d'une correction pour les différences socio-économiques en termes
d'espérance de vie et de conditions de travail.
Il va bien évidemment de soi que des choix devront être posés. Ainsi, le relèvement du niveau de
solidarité entraîne un renchérissement du système, ce qui complique la problématique du
financement. Par ailleurs, certains de ces défis sont, à première vue, incompatibles entre eux. C'est
ainsi que le défi (a) impose une évolution dans le sens d'un régime à contributions définies (DC =
DEFINED CONTRIBUTION ), tandis que le défi (b) laisse à penser qu'il conviendrait de conserver un
principe de prestations définies (DB= DEFINED BENEFITS ).
Dans notre rapport, nous commenterons de manière circonstanciée les choix que nous opérons et
les raisons pour lesquelles nous les défendons. Dans la section 2 , nous introduirons un schéma de
réflexion formel qui permettra de mieux inscrire nos choix relatifs à la conception de la composante
de répartition dans le premier pilier. Dans ce cadre, nous partons d'une formule de pension flexible
permettant l'intégration cohérente des questions sociétales plus générales en matière de viabilité
financière et de solidarité intergénérationnelle, avec des considérations micro-économiques propres
aux individus. Nous restons à cet égard à un certain niveau d'abstraction. Il va de soi que le passage
de ce cadre de réflexion général et abstrait à l'implémentation concrète dans la réalité belge
implique de nombreuses conséquences. Dès lors, l'objectif n'est bien évidemment pas de défendre
la transposition de cette analyse formelle en une proposition de réforme concrète. Nous
ambitionnons cependant de démontrer, la cohérence logique entre les différentes propositions
concrètes. Par ailleurs, nous aurons ainsi une idée précise des éléments de nos propositions
nécessaires au maintien de la cohérence réciproque et des aspects pour lesquels, le cas échéant,
d'autres choix pourront également être posés.
Dans les sections 2 à 6, nous décrirons l'architecture potentielle d'un régime de pension, en
supposant l'absence de toute difficulté de financement des pensions. Dans les sections 7 à 9, nous
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examinerons les conditions sur base desquelles le régime de pension peut s'autofinancer et quel
mécanisme d'adaptation doit être prévu pour préserver cet équilibre financier en cas de
changements démographiques et économiques.
2. Une formule de pension flexible
Lors de l'élaboration du système de pension, il convient d'opérer une distinction entre, d'une part, la
formulation des conditions d'accès et, d'autre part, le calcul du montant de la pension. La cohésion
entre ces deux éléments sera régulièrement examinée dans cette section. A la section 3, nous
détaillerons plus spécifiquement la manière dont les conditions d'accès peuvent être intégrées dans
notre cadre de réflexion. Nous examinerons avant toute chose les différents éléments du calcul de la
pension pour les personnes partant à la retraite .
Nous écrivons la pension qu'une personne i reçoit à son départ à la retraite à la période T
comme suit :
( )
L'équation (1) contient les éléments suivants :
(a) est le total des « points » que l'individu i a obtenus pendant sa vie active. Ce paramètre
diffère d'un individu à l'autre et peut être complété de façon flexible pour tenir compte des
différences de revenu, des minima et maxima, des droits minimums, et même des conditions
d'accès. Différentes conceptions de la justice interpersonnelle et de la solidarité seront reflétées
dans différentes méthodes de calcul de . Nous approfondirons cet élément à la section 3.
(b) est une correction des différences de comportements individuels dans la décision de retraite.
La valeur de ce paramètre est de 1 pour les personnes dont le comportement correspond au
comportement moyen de toutes les personnes qui partent à la retraite au même moment T. Par
'comportement', nous entendons l'âge et/ou la longueur de carrière de l'individu au moment où il
décide de partir à la retraite. Pour les individus qui partent plus tôt (plus tard), est plus petit (plus
grand) que 1. Ce paramètre est également spécifique à l'individu. Nous aborderons ultérieurement
la question de savoir s'il s'agit de l'âge ou de la durée de la carrière ; nous préciserons ce paramètre
à la section 4.
(c) détermine la valeur d'un point à la période T. Ce paramètre est le même pour toute personne
qui part à la retraite à cette période. Nous l'examinerons à la section 5. A la section 7, nous
expliquerons de quelle façon des adaptations automatiques des pensions selon les modifications de
la structure démographique peuvent être mises en œuvre par des modifications (ex ante) de la
valeur d'un point .
Toutes les différences entre individus dans les pensions sont donc déterminées par le produit
. , c'est-à-dire par les différences dans les points de pension accumulés et dans la décision de
retraite. Ces paramètres sont déterminés au moment de la prise de la pension et ne changent plus
par la suite. Cela ne signifie pas nécessairement que toute personne qui combine travail et retraite
ne pourra accumuler aucun droit à la pension supplémentaire. Des modifications de entraîneront
des ajustements proportionnels de toutes les pensions entrant en vigueur au moment T. Ceci a pour
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conséquence que l'inégalité des pensions pour toutes les valeurs possibles de reste égale à
l'inégalité dans l'expression spécifique individuelle , du moins pour les critères d'inégalité les
plus fréquemment utilisés.1
Pendant la période où l'individu i reçoit une pension, ces pensions sont adaptées chaque année
d’une part en fonction de l’évolution du bien-être et d’autre part en fonction d’ajustements
éventuels d’ordre démographique ou économiques. Nous écrivons que la pension de la personne i
pendant la période k après la pension ( ) est égale à
( ) ( )
l'adaptation entre les périodes T et (T+k) étant rendue opérationnelle par le paramètre qui
reflète à la fois le bien être et les ajustements éventuels Nous fournirons des compléments
d'information à ce propos à la section 6.
Dans tout cette section, nous travaillerons en termes réels, c'est-à-dire que toutes les grandeurs
monétaires (comme les pensions et les salaires) seront adaptées à l'inflation.
La formule que nous proposons ici est flexible mais elle implique cependant un choix important :
nous faisons une distinction entre la collecte d'un nombre de points pendant la carrière d'une part et
la valorisation finale de ces points à la fin de la carrière (au moment T) d'autre part. Nous faisons
donc une différence entre une 'quantité' ou un 'volume' (le nombre de points) et le 'prix par unité'
(la valorisation); le prix par unité est fixé uniformément pour tous les points à la fin de la carrière. En
d'autres termes : pour les personnes qui partent à la retraite en 2040, la valorisation d'un point
acquis en 2025 est égale à la valorisation d'un point acquis en 2030 (mais la valorisation que ces
points obtiennent peut être différente pour les personnes qui partent à la retraite en 2039 ou en
2041). Nous examinerons dans la section 5.1 l’effet de cette approche face à la formule de pension
actuelle applicable aux travailleurs du secteur privé.
3. Interprétation du système à points : cotisations, solidarité et conditions d'accès
Les gens se constituent des droits pendant leur carrière active. Ces droits sont accumulés et
exprimés en points. Pour les personnes qui partent à la retraite pendant la période T, la somme des
points accumulés peut être décrite comme suit
( ) { ∑
}
où représente les points qui sont accumulés dans la période t et Gi l'année de naissance d'une
personne i. Comme expliqué ici, une personne peut donc commencer à collecter des points dès son
année de naissance. Ce n'est bien entendu pas l'objectif et pour une série d'années, π peut être égal
à 0. Nous partons provisoirement du principe que les points peuvent être accumulés à n'importe
1 L'inégalité dans les pensions restera inchangée lorsqu'elle est mesurée au moyen d'un critère d'inégalité dit
d'invariance multiplicative. Les critères les plus fréquemment utilisés (tels que ceux de Gini et de Theil) répondent à cette invariance.
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quel âge, ce qui signifie qu'il n'y a aucun âge minimum ou maximum. La notation MAXN exprime en
réalité la possibilité de constituer une limite dans le nombre d'années pour lesquelles les points
peuvent être accumulés : MAXN signifie que les N 'meilleures années' sont enregistrées, ce qui
signifie les N années pour lesquelles les points sont les plus élevés. Dans la pension actuelle des
travailleurs salariés, les 45 meilleures années sont prises en compte. Ce principe est connu sous le
vocable de l 'unité de carrière'.
Même si l'assimilation de dans l'expression (1) semble être équivalente à , nous allons voir
par la suite qu'elle ne l'est pas nécessairement. Nous partons du principe que l'unité de temps
utilisée pour le calcul de (3) est d'un an mais ce n'est bien entendu pas indispensable non plus.
Comme les fractions d'années sont considérées comme telles, le choix d'une unité de temps n'a
aucune conséquence substantielle.2
Nous allons désormais examiner successivement les questions suivantes. De quelle manière les
conditions d'accès peuvent-elles être combinées avec ce schéma (section 3.1) ? Qu'est-ce qui
détermine la valeur de , c'est-à-dire les points constitués pendant la période t (section 3.2)?
Comment passe-t-on de à (section 3.3)? Nous traiterons ces questions séparément, même
s'il est évident que les choix opérés pour une valeur doivent être cohérents avec les choix opérés
pour une autre. Dans cette section, nous illustrerons essentiellement la grande flexibilité conférée
par un système à points. Cela nous permettra également d'inscrire clairement les propositions
stratégiques que nous avons formulées dans notre rapport.
La réponse à ces questions est indépendante de la problématique de l'éventuelle application d'une
limitation au nombre d'années susceptibles d'être prises en compte, c'est-à-dire de l'éventuelle
application du principe de « l'unité de carrière ». Imaginons qu'une « carrière » soit limitée à N
années (comme dit précédemment, elle est de N = 45 années dans le système belge actuel). «
L'unité de carrière » ne signifie pas qu'un travailleur salarié ne puisse pas améliorer sa pension en se
constituant une carrière de plus de N années : les années qui peuvent être ajoutées remplacent les
moins bonnes années, ce qui améliore la pension, mais l'effet des années supplémentaires n'est
cependant pas si important. « L'unité de carrière » signifie qu'une carrière de N années devrait être
« suffisante ». Dans le système actuel, ce principe s'avère tout particulièrement important lorsque
les pensions des travailleurs sont cumulées à des pensions du secteur public, c'est-à-dire les retraites
grâce auxquelles une pension maximale peut être obtenue après des carrières relativement brèves.
La limitation du cumul implique dès lors une limitation du nombre d'années de carrière susceptible
d'être réalisé : il ne peut pas être supérieur à N.
3.1. Conditions d'accès : quand peut-on prendre sa pension ?
Lors de la détermination des conditions d'accès, quatre possibilités (ou combinaisons de ces
possibilités) peuvent être distinguées :
(a) Les individus sont totalement libres de choisir le moment où ils prennent leur retraite. Leurs
droits à la pension sont déterminés au moment de la prise de pension. Une correction actuarielle,
2 Si, par exemple, une personne se trouve durant trois mois dans la situation A et durant neuf mois dans la
situation B, des pondérations de 0,25 et de 0,75 peuvent être utilisées pour équilibrer les points obtenus dans ces situations.
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fondée sur cette date de mise à la pension, peut bien évidemment être prévue. Nous examinerons
cette possibilité à la section 4.
(b) En principe, les personnes prennent leur pension lorsqu'elles disposent d'une carrière d'au moins
C* années, cette valeur C* représentant une norme donnée. Les dérogations individuelles à cette
valeur normative sont bien évidemment possibles ; toutefois, dans un tel cas, la pension versée sera
corrigée au moyen du paramètre (voir section 4).
La façon dont la valeur de CTi – la longueur de la carrière d'un individu i au moment T – est
déterminée, c'est-à-dire quelles années sont prises en compte et lesquelles ne le sont pas, n'est pas
aussi évidente. En référence à la formule de pension que nous expliquons ici, on pourrait dire qu'une
année est prise en compte dans la détermination de CTi, dès qu'un nombre minimum de points est
réuni pendant cette année (c'est-à-dire l'année t compte dans la carrière de la personne i si πti > 0).
Un autre approche peut s'appuyer sur l'enregistrement d'une durée de prestations minimale, par
exemple un nombre minimal de jours de prestations de travail ou d'épisodes y assimilés. Nous
n'approfondirons pas cette question importante ; la deuxième approche, qui repose sur
l'enregistrement du temps, semble cependant plus plausible si nous souhaitons également utiliser la
valeur C dans le contexte des régimes minimaux que nous esquisserons dans la section 3.3. La
deuxième approche permet également de comptabiliser certaines périodes t en vue de déterminer
si la valeur C* a déjà été atteinte et, dans le même temps, de ne leur attribuer aucun point, c'est-à-
dire de les assimiler à zéro. Grâce à cette approche, la détermination des conditions d'accès peut
être, jusqu'à un certain point, scindée de l'octroi de points.
Un tel critère de carrière induit que les personnes ayant débuté leur carrière à un âge plus précoce
(par exemple en raison d'études moins longues) satisferont aux conditions d'accès à un âge inférieur.
Cela peut être considéré comme une deuxième correction des conditions de travail précaires, si l’on
considère que les personnes titulaires de diplômes supérieurs occupent également, en règle
générale, de meilleurs emplois.
(c) Les individus peuvent prendre leur pension lorsqu'ils ont atteint un âge déterminé de L* . À
nouveau, ce principe est assorti d'une certaine souplesse grâce à l'instauration du paramètre .
Il est en principe également possible d'instaurer un critère en vertu duquel une pension n'est
octroyée que lorsqu'un nombre minimal de points a été accumulé. Les personnes percevant un
salaire inférieur devraient dès lors travailler plus longtemps avant de pouvoir être admises à la
retraite. Cette approche s'avère moins défendable sur le plan éthique et se heurterait aussi sans
aucun doute à une résistance sociétale.
Enfin, il est possible de combiner certaines de ces conditions, p. ex. d'accorder l'accès dès un âge
si la carrière répond à une longueur minimale de C*, et à partir de l'âge si la carrière ne satisfait
pas à cette longueur minimale. Une telle combinaison de conditions d'âge et de carrière est utilisée
actuellement dans notre régime de pensions et est reprise également dans les propositions de la
Commission.
3.2. Calcul des points
Plus encore que la détermination des conditions d'accès, la manière concrète dont les points seront
attribués traduiront d'importants choix sociétaux en matière de responsabilité et de solidarité et,
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plus particulièrement, l'importance relative qui est accordée au principe de la contribution
économique.
Nous parlons tout d'abord de l'attribution relative de points pour les personnes qui travaillent à
temps plein. La façon qui semble la plus évidente de rendre le principe de contribution économique
opérationnel est d'exprimer les points obtenus comme un rapport entre le revenu du travail de
l'individu i dans la période t ( ) et les revenus moyens du travail dans l'économie pendant cette
même période ( ):3
( )
Un individu qui travaille à plein temps pour un salaire moyen de plein temps reçoit alors un point. Il
s'agit d'une façon intuitive intéressante pour normaliser la valeur d'un point. Tous les autres cas
peuvent alors toujours être comparés à la situation d'une personne qui travaille à plein temps pour
un salaire de plein temps. Pour les personnes qui travaillent moins qu'à plein temps ou qui gagnent
plus ou moins que la moyenne, la valeur de est alors adaptée de façon proportionnelle.
Rien n'empêche par ailleurs de déroger à ce principe simple. Des droits minimums peuvent ainsi
être introduits sans problème : une personne qui travaille à temps plein durant une période reçoit,
pour cette période, un nombre minimal de points indépendamment du niveau de son salaire.
Une valeur maximale peut également être instaurée. Cela peut s'avérer tout particulièrement
important lorsque certaines personnes cumulent différents emplois dans différents systèmes. S'il
s'agit d'emplois exercés sous différents statuts sociaux (fonctionnaires, indépendants, salariés),
auxquels sont applicables différents modes de calcul de la pension, une valeur maximale pour π
pourra dans ce cas constituer une alternative au principe de « l'unité de la carrière » (c'est-à-dire
une limitation du nombre d'années de carrière prises en considération jusqu'à un maximum de N).
Observons en effet qu'il est en principe possible d'appliquer différents systèmes d'octroi de points à
différents régimes (fonctionnaires, indépendants, salariés). L'organisation éventuelle d'un tel
système dépend de la réponse apportée à la question inhérente à la gestion des différences entre
ces groupes : conservent-ils des régimes séparés, ou non ? Dans son Rapport, la Commission
propose de maintenir différentes « sortes » de points pour les différents régimes. Il est important
d'observer qu'un système à points flexible permet d'opérationnaliser différentes options à cet égard.
La solidarité peut être instaurée en octroyant des points pour des périodes « assimilées » au cours
desquelles aucun travail n'a été presté (périodes de maladie et de chômage par exemple). Dans ce
cadre, deux décisions doivent être prises : (a) quelles causes d'inactivité sont acceptées pour cette
assimilation ?; (b) combien de points peut-on obtenir durant cette période ? Le cas échéant, ces
points peuvent être reliés au salaire antérieur de l'individu concerné ou à une partie seulement de
ce salaire. Ils peuvent également être octroyés de manière forfaitaire, par exemple au niveau du
salaire minimal.
3 Les points ne sont pas accumulés sur la base des cotisations sociales ou des contributions qui sont payées
mais bien sur la base du montant du salaire. Lorsque nous parlons dans le rapport de « cotisations », il ne s'agit pas d'un principe de cotisation défini de façon administrative, mais bien d'une contribution à la vie économique (ou éventuellement d'activités auxquelles une contribution équivalente est reconnue; voir Cadre 2 dans le texte du rapport).
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L'instauration du système à points ne pose pas de problème au niveau de l'individu (bien qu'en
principe, l'indice i puisse également concerner une société). Au niveau d’un couple, Le principe de la
scission des pensions peut être opérationnalisé en toute simplicité dans le système, car, au cours de
chaque période, les points acquis par les deux partenaires peuvent être scindés (ou les points
accumulés peuvent être scindés au moment d'un divorce).
3.3. De àr : pensions minimales et maximales
Le système à points est suffisamment flexible pour permettre différentes options quant à
l'architecture des régimes minimaux et maximaux.
(a) droits minimaux et maximaux par unité de temps. Ceci répond à une certaine logique d'équité :
d'une part, une personne occupée à temps plein a droit à un nombre de points minimal garanti et,
d'autre part, une limite supérieure doit être imposée aux droits susceptibles d'être accumulés au
cours d'une période donnée. Comme nous l'avons déjà mentionné, cette possibilité s'avère
notamment pertinente lors du cumul de différents emplois (exercés le cas échéant sous différents
régimes). D'autre part, l'instauration de droits minimaux et/ou maximaux par période présente
l'inconvénient majeur de perdre la perspective inhérente à la carrière complète. Il se pourrait qu'au
cours de la période t, une personne bénéficie d'un droit minimal, tandis qu'au cours d'autres
périodes, ses droits soient nettement supérieurs au minimum. Ce raisonnement s'applique aussi
mutatis mutandis en cas d'instauration d'une limite liée à une période ; il n'est pas
toujours logique de tronquer les points obtenus au cours d'une période donnée dans le chef d'une
personne qui, pour le reste de sa carrière, percevra des revenus relativement faibles. Dès lors,
l'instauration de droits minimaux et de droits maximaux pourrait s'accompagner d'effets
indésirables, notamment chez les personnes pour lesquelles la variabilité des revenus durant la
carrière est élevée (comme c'est le cas par exemple de nombreux indépendants).
(b) une pension minimale (et/ou une pension maximale) absolue(s), c'est-à-dire un minimum et/ou
un maximum relatif(s) au nombre total de points susceptibles d'être accumulés durant toute la
carrière. Cette hypothèse nous conduit dès lors à la relation entre dans l'expression (3) et le
paramètre dans la formule de pension (1).
Plusieurs possibilités sont illustrées dans la Figure 1:
(i) la ligne en continue 1 correspond au cas le plus simple, dans lequel aucune correction n'est
apportée, c'est-à-dire dans lequel =
(ii) la ligne en pointillés 2 présente une situation dans laquelle une valeur minimale et une
valeur maximale sont introduites. Comme il apparaîtra clairement à la section 5, une valeur
minimale pour garantit une pension minimale comme une fraction du salaire moyen pendant
l'année T – et l'introduction d'un maximum impose une limite supérieure pour les pensions
comme une fraction du salaire moyen pour l'année T. En particulier pour l'introduction d'une
pension minimale, cette approche ne peut certainement pas être envisagée indépendamment de la
détermination des conditions d'accès (comme expliqué à la section 3.1).
(iii) il est même possible d'instaurer un système encore plus complexe, assorti d'une progressivité
globale (comme représenté par la ligne en pointillés 3). Dans ce cadre, l'obtention de points
supplémentaires (c'est-à-dire une augmentation du nombre total de points ) a un effet
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décroissant surle paramètre , à mesure que augmente. Il est également possible d'adapter
proportionnellement la somme des points acquis au-dessus d'un minimum déterminé (comme à la
ligne brisée 4).
Figure 1. Le rapport entre et
(c) un minimum au pro-rata et/ou un maximum au pro-rata , ce qui signifie qu'un minimum et/ou un
maximum est prévu pour le taux ΠTI /CTi, oùj CTi représente la longueur de la carrière. Ce système est
illustré dans la Figure 2. Les Figures 1 et 2 ne sont pas directement comparables : pour calculer le
nombre minimum de points dans la Figure 2 qu'une personne avec une carrière de CTi a acquis, le
minimum au pro-rata de la Figure 1 doit encore être multiplié par le nombre d'années de carrière.
Figure 2. Un minimum et un maximum au prorata
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L'approche au pro rata tient compte de l'ampleur de l'effort qu'une personne a fourni : elle est
intéressante tant d'un point de vue de fairness4 qu'au niveau des incitants. Elle suppose cependant
qu'un critère indépendant soit défini pour déterminer CTi , indépendant des points qui ont été
réunis; nous devons donc prévoir d'une façon ou d'une autre un enregistrement basé sur le ‘temps’
de l'activité professionnelle (ou d'une activité qui y est assimilée). C'est précisément la raison pour
laquelle nous avons mentionné précédemment qu'un 'enregistrement du temps' est une variante
plus crédible pour déterminer CTi que la simple mesure des points accumulés ou non pendant une
année déterminée.
3.4. Conclusion
De nombreuses options différentes peuvent être considérées, sans aucune difficulté, comme étant
constitutives d'un système à points. Par ailleurs, nous illustrerons, à la fin de la section 5, comment
le système belge actuel pour les salariés s'intègre dans une logique de points, à tout le moins si les
salaires sont complètement revalorisés lors du calcul de la pension en fonction de l'évolution
salariale moyenne antérieure. Dans notre rapport, nous avons évoqué et argumenté des choix
spécifiques afférents à chacune des questions ayant été abordées dans cette section. L'instauration
d'un système de pension flexible avec mécanismes d'adaptation automatiques ne dépend toutefois
absolument pas de ces choix.
Le principal atout d'un système à points est donc davantage de nature conceptuelle. Il est
transparent et sa communication ne pose aucune difficulté. La portée du principe de contribution
est claire. Un volet de solidarité est instauré de manière transparente, tant par l'intermédiaire de
périodes assimilées que via l'instauration de minima et de maxima. Toutes les caractéristiques du
système peuvent être appréciées par la valeur du point de référence : les droits de pension qu'une
personne acquiert lorsqu'elle travaille une année à temps plein au salaire moyen de cette année.
L'utilisation de tel point de référence facilite l'interprétation des règles d'exception.
La contribution essentielle de la formule de pension (1) ne réside cependant pas dans l'instauration
d'un système à points: il est en effet important qu'une distinction claire soit opérée entre, d'une
part, les différences individuelles dans les pensions et, d'autre part, les mécanismes d'adaptation
automatiques communs sous-tendus par la valeur d'un point et le coefficient d’adaptation wT Au
moment de l'admission à la pension, le paramètre T détermine la répartition des droits individuels.
La pension peut être adaptée en fonction de la décision individuelle de partir à la pension (prise en
toute autonomie) et ensuite des mécanismes collectifs d'adaptation automatiques peuvent être
intégrés. L'examen de ces éléments sera poursuivi dans les sections suivantes.
4. Responsabilité relative au départ à la pension :
Dans la section précédente, nous avons montré qu'il existait plusieurs options possibles quant au
moment du départ à la retraite : il peut être totalement libre ou basé sur un critère de carrière ou
4 Ces précisions en matière de ‘fairness’ supposent qu'outre un régime minimal au prorata, le système prévoit
également la mise en place d'un régime d'assistance aux personnes âgées, qui empêche ces dernières de tomber dans la précarité, quelle que fût la durée de leur carrière. Sous l'angle de la lutte contre la pauvreté, un minimum au prorata est en effet un instrument moins efficace qu'un régime d'assistance.
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d'âge déterminé. Même dans ces deux derniers cas, un certain degré de flexibilité peut également
être prévu. Les travailleurs peuvent partir à la retraite avant ou après la date indicative. Dans chacun
des cas, le montant de leur pension sera adapté par un paramètre individuel Comme il
apparaîtra clairement, les individus assument personnellement la responsabilité dans notre
approche des divergences entre leur décision de retraite et celles de leur cohorte : le comportement
moyen en matière de départ à la pension est une responsabilité collective qui sera pris en compte
par la valeur du point .
Pour organiser nos idées, nous proposons, dans une première sous-section 4.1, une spécification de
ce paramètre de responsabilité individuelle, qui est fondée sur l'âge de prise de la pension. Dans ce
cadre, nous allons cependant formuler certaines observations et proposer des alternatives. Dans la
sous-section 4.2., nous examinerons de manière plus approfondie l'objectif de « flexibilité du départ
à la pension » et nous le confronterons aux idées relatives à la pension « flexible » et « à temps
partiel ».
4.1. Possibilités et limitations d'une spécification du paramètre fondée sur l'âge
La méthode la plus évidente pour opérationnaliser la correction inhérente au départ à la pension est
de la fonder sur l'âge au moment du départ à la pension. Cette méthode est conforme aux
approches (comme par exemple les comptes notionnels – NDC) dans lesquelles le capital accumulé
est converti en une rente au moment du départ à la pension, dans le respect des conditions d'ordre
actuariel (en tenant compte de l'espérance de vie et du taux d'intérêt). Par analogie, nous pourrions
spécifier notre paramètre comme suit :
( )
dans lequel représente la correction actuarielle pour l'individu i et la correction actuarielle
moyenne dans le groupe de la population qui se retire l'année T . Pour un individu qui présente le
comportement moyen de retrait de la vie active (en termes d'âge), elle est de Lorsque la
pension est prise plus tôt (ou plus tard), le montant de la pension sera adapté à la baisse (ou à la
hausse). Remarquez qu'en raison de la manière dont est défini au (5), sa valeur moyenne sera
toujours de C’est une simple redistribution autour de la moyenne.
Dans la formule (5), nous adaptons les pensions individuelles selon que la décision de retraite de
l'individu i diffère de celle de la moyenne de la population. Il s'agit donc d'une correction pour
différences individuelles. Au niveau collectif, la décision de pension moyenne, c'est-à-dire la durée
moyenne de la carrière active et de la mise à la retraite, a des conséquences majeures sur la viabilité
macro-économique des pensions dans un contexte de vieillissement et d'augmentation de
l'espérance de vie. Il se pourrait que les pensions soient « trop élevées » lorsqu'en moyenne, la
population quitte trop tôt le marché du travail. Dans pareil cas, nous proposons d'instaurer une
correction supplémentaire par le biais de la valeur du point (voir la section suivante). Lorsque
l'augmentation de l'espérance de vie a des incidences sur la viabilité financière globale du système,
nous l'interprétons comme une responsabilité collective. La responsabilité individuelle via porte
sur des divergences par rapport à la moyenne observée dans la même cohorte de futurs retraités.
Il en résulte donc immédiatement que dans le cadre de notre logique, ne doit pas
nécessairement faire l'objet d'une correction actuarielle stricto senso. Nous pouvons aussi choisir
15
plus facilement des formules et interpréter par exemple comme (l'inverse du) nombre d'années
escompté au cours desquelles une personne bénéficiera de sa pension (que nous allons désormais
désigner au moyen de ). Ceci a le mérite d'être très transparent : les gens peuvent alors facilement
comprendre sur quoi porte la correction. Il est d'ailleurs possible d'aller plus loin et d'abandonner la
référence exclusive à l'âge : en principe, il est parfaitement envisageable d'appliquer la correction
pour le moment de la retraite en fonction de la différence entre CTi et C* (si l'on utilise un critère de
carrière pour les conditions d'accès). Nous laissons ces différentes possibilités ouvertes et
interprétons comme un paramètre générique, susceptible d'être complété de différentes
manières. Dans notre Rapport, nous faisons cependant des propositions plus spécifiques sur ce
paramètre.
Une question majeure inhérente aux critères liés à l'âge est le niveau de différenciation individuelle
lors de la détermination de la correction individuelle . Nous illustrerons notre propos pour le cas
simple dans lequel la correction est basée sur le nombre d'années de pension escompté
L'approche la plus évidente consiste dans ce cas à utiliser l'espérance de vie moyenne d'une cohorte
donnée. Dans ce cas, la valeur de sera identique pour toutes les personnes prenant leur pension
au même âge. Il existe cependant des données empiriques qui démontrent l'existence d'un facteur
socio-économique en termes d'espérance de vie : les personnes les plus qualifiées vivent en
moyenne plus longtemps que les moins qualifiées. Ces différences en termes d'espérance de vie
peuvent difficilement relever de la responsabilité individuelle. Nous pourrions dès lors argumenter
qu'il est défendable, lors de la détermination du , de tenir compte du niveau de formation de
l'individu.
Figure 3. Durée de carrière et espérance de vie
Les conséquences y afférentes dépendent de l'option qui est choisie à propos des conditions
d'admission. Nous l'illustrerons au moyen de la Figure 3. Supposons qu'une personne peu qualifiée
commence à travailler à 18 ans et ait une espérance de vie (à a naissance) de 80 ans. Pour une
personne hautement qualifiée, ces âges sont respectivement de 23 et de 85 ans. L'espérance de vie
moyenne est de 83 ans. Même s'il ne s'agit bien évidemment que d'un exemple, ces valeurs se
rapprochent des données empiriques disponibles pour la Belgique. Supposons que nous
introduisions une condition de carrière de 45 ans : tant les personnes peu qualifiées que les
Peu qualifiés
Hautement qualifiés
16
personnes hautement qualifiées auront encore, au moment de leur mise à la pension, une
espérance de vie de 17 ans. Si, au contraire, nous utilisons une espérance de vie moyenne, la
correction pour les personnes peu qualifiées sera relativement défavorable, car, d'après cette
moyenne, il sera supposé qu'il leur reste encore 20 ans à vivre (tandis que pour les personnes
hautement qualifiées, ce pronostic ne sera que de 15 ans). La situation des personnes peu qualifiées
est cependant encore plus défavorable lorsque nous utilisons un critère d'âge (par exemple 63 ans).
Ils doivent en effet dans ce cas travailler plus longtemps pour répondre à la condition d'admission.
En outre, leur espérance de vie au moment de la pension sera de 17 ans, contre 22 ans pour les
personnes hautement qualifiées. Utiliser l'espérance de vie moyenne implique cependant que soit
équivalent à 20 pour les deux groupes. Un critère d'âge lié à l'utilisation de tables de mortalité
moyennes signifie dès lors le cumul de deux injustices. Si l'on estime que l'utilisation de tables de
mortalité différentes n'est pas opportune, nous disposons d'un argument solide pour employer un
critère de carrière - à tout le moins au niveau des conditions d'admission. Techniquement, il serait
également parfaitement possible d'abandonner également le critère de l'âge dans le facteur de
correction individuelle de retrait de la vie active et de lui substituer un critère de carrière. Dans son
Rapport, la Commission propose de travailler sur la base d'une combinaison des deux critères.
Deux considérations finales. Tout d'abord, l'expression (5) peut également être appliquée sans
aucune difficulté aux pensions minimales et aux pensions maximales qui découlent des régimes
esquissés dans la section 3.3. Deuxièmement, l'idée selon laquelle les travailleurs choisissent de
prendre une pension anticipée suppose l'existence d'un régime d'allocation (en marge de la retraite
anticipée) dans lequel les personnes qui perdent involontairement leur travail disposent d'une
assurance revenu ; la logique est en outre que cette période de chômage involontaire compte
comme une période assimilée pour la constitution ultérieure de la pension. En d'autres termes : les
corrections actuarielles apportées au régime de retraite devraient, logiquement, aller de pair avec
une assurance-chômage appropriée pour les personnes perdant leur travail à un âge plus avancé. Si
nous contraignons les personnes perdant leur travail à accepter une retraite anticipée avec
corrections individuelles, nous les pénaliserons jusqu'à la fin de leur vie.
4.2. Flexibilité du système à points en ce qui concerne le retrait du marché du travail
Comme indiqué ci-dessus, s'agissant du moment auquel les personnes prennent leur pension, un
régime de pension moderne doit pouvoir organiser un niveau de flexibilité élevé, pour autant que les
responsabilités inhérentes aux conséquences de ce choix soient clairement posées aux niveaux
individuel et collectif. Différentes notions de « flexibilité » et de « retraite anticipée», c'est-à-dire de
la possibilité de partir à la retraite avant de répondre aux exigences d’une « norme » en termes de
durée de carrière ou d'âge, peuvent facilement être optimisées par un système à points.
Le système à points peut être proposé comme un système dans lequel des points qui sont accumulés
en travaillant (ou pendant des périodes assimilées) sont conservés dans un « sac à dos ». À un
moment donné et dans certaines conditions, il est possible de décider de convertir une part de ces
points en une pension. Mais rien n'empêche d'ajouter encore par la suite des points dans son sac à
dos. Différents cas spécifiques sont traités à ce propos dans le Rapport. Nous l'illustrons par la
possibilité de prendre « partiellement » sa retraite, c'est-à-dire de convertir une partie des points
acquis en une pension anticipée, avec possibilité de reprendre le solde ultérieurement. Au sein d'un
système à points, ceci signifie qu'à un moment T1 , une personne peut choisir de convertir une part
17
du total de points acquis ΠT1i en droits de pension (s'il existe à ce moment-là un droit à la pension
anticipée); la part restante pourra être convertie par la suite, à un moment T2.
5. Un point de repère pour le taux de remplacement : la valeur d'un point
Pour garantir l'acceptation sociétale du système de pension, il importe de pouvoir offrir, aux
générations actives actuelles, une certaine sécurité quant au taux de remplacement auquel elles
peuvent s'attendre lorsqu'elles seront admises à la pension. Toutefois, dans le même temps,
l'expérience observée au cours de ces dernières décennies a démontré qu'un système à PD
(prestation définie) pur et simple n'est pas tenable sous l'angle financier dans un contexte de
vieillissement et d'accroissement de l'espérance de vie. Cela signifie qu'un taux de remplacement
donné ne pourra être garanti qu'à la condition que le système prévoie des mécanismes d'adaptation
destinés à compenser les changements démographiques. Toutefois, même si la garantie n'est que
conditionnelle, il est capital, sous l'angle politique et sociétal, de rétablir la confiance dans le premier
pilier.
Pour formaliser l'idée d'un « taux de remplacement conditionnel garanti », nous partons d'une
personne de référence pour laquelle Comme expliqué ci-après, la définition de cette
personne de référence peut varier dans le temps : nous l'indiquons clairement par l'indice T. Cette
idée est essentielle : la personne de référence doit en effet être déterminée de façon à maintenir la
faisabilité financière du régime de pensions. La faisabilité financière du régime dépend en effet
notamment du comportement de retrait moyen de toutes les personnes. Nous analyserons à la
section 7 comment les modifications apportées au seront en mesure de limiter l'impact
financier des pensions, par exemple dans une situation caractérisée par l'augmentation de
l'espérance de vie. Nous allons également discuter du rôle d'autres instruments (comme le taux de
cotisation et les formes de financement alternatif). Dans cette section, nous exposerons la logique
sous-tendant le taux de remplacement pour une valeur donnée de . Nous partons en outre de
l'hypothèse selon laquelle la personne de référence présente le comportement de retrait de la vie
active moyen, c'est-à-dire que, dans son chef, Il s'agit d'une condition naturelle dans un
système où les individus sont responsabilisés face à tout écart par rapport au comportement moyen
de retrait de la vie active.
Nous supposons désormais que la pension de la personne de référence (avec
)
peut être écrite comme suit
( )
L'expression (6) implique dès lors qu'un taux de remplacement brut (rapport entre la pension et le
salaire brut moyen pendant la période T) de est garanti à la personne de référence. Le fait que
nous travaillions avec un taux de remplacement brut n'a aucune conséquence dans ce contexte. Si,
pendant la période T , le taux de cotisation est égal à , un taux de remplacement brut constant de
correspond simplement à un taux de remplacement net de ( ) ⁄ Nous examinerons dans la
section 7 ce qui se produit dans le cas où peut également changer.
Les points suivants sont essentiels pour l'interprétation correcte de l'expression (6):
18
(1) À première vue, nous pourrions penser que l'expression (6) nous ramène à un système DB pur et
simple. Ce serait cependant une grave erreur. Le taux de remplacement est garanti à une personne
de référence, mais la définition de cette personne de référence varie dans le temps, en fonction des
autres paramètres du système et en fonction de l'espérance de vie et du taux d'emploi de la
population. Le mécanisme concret est exposé à la section 7, mais peut déjà être esquissé ci-dessous
dans ses grandes lignes. Supposons que nous nous trouvions au départ dans une situation
d'équilibre budgétaire, assortie cependant d'une augmentation de l'espérance de vie. Si, après cette
augmentation de l'espérance de vie, la population part toujours à la pension au même âge, le
nombre d'années de pension moyen augmentera. Le montant total des pensions s'accroîtra
également et, si le taux de contribution demeure constant, l'équilibre budgétaire sera rompu. Pour
pallier à cette situation, une possibilité consiste à travailler en moyenne plus longtemps : nous
obtenons ainsi comme le nombre moyen d'années de pension qui peut être financé si et ne
changent pas. L'indispensable glissement de vers se reflétera dans une hausse du . Le
taux de remplacement ne peut donc être garanti à la personne de référence que si le
comportement de retrait de la vie active s'adapte à l'évolution de l'espérance de vie. La définition
donnée à la notion de personne de référence varie dès lors dans le temps. C'est pour cette raison
que dans la comparaison (6), il ne s'agit donc pas d'une garantie inconditionnelle (comme dans un
système à PD), mais d'une garantie conditionnelle, qui prévoit l'imposition de la condition selon
laquelle le comportement de retrait de la vie active s'adapte, de sorte que la contrainte budgétaire
du système soit encore respectée. Comme nous l'avons mentionné dans la section précédente, nous
considérons les divergences entre le moyen et la valeur indicative normative comme une
responsabilité collective.
(2) Des modifications dans d'autres variables (comme le taux de cotisation , l'ampleur du
financement alternatif ou l’adaptation des pensions en cours par le coefficient d’ajustement wt)
peuvent également contribuer au rétablissement de l'équilibre budgétaire (voir section 7). Même si
les modifications de sont plus limitées, l'interprétation reste pour l'essentiel inchangée.
(3) Maintenant, comment peut-on interpréter ? Le choix de cette personne de référence
coïnciderait de toute évidence avec une personne qui, durant toute une carrière, a travaillé à temps
plein au salaire moyen Nous souhaitons en effet exprimer la clause de garantie sous la forme du
rapport entre, d'une part, la pension, et, d'autre part, les montants que les personnes ont perçus
durant toute leur carrière. Pour nous positionner utilement à propos de la clause de garantie dont
pourrait bénéficier une personne de référence, nous devons donc non seulement formuler une
hypothèse à propos de ce revenu moyen par année de carrière, mais aussi à propos de la durée de
sa carrière. Nous partons ici de l'hypothèse selon laquelle la personne de référence dispose d'une
carrière dont la durée répond à une norme donnée, . La longueur que doit avoir cette carrière
normale dépendra notamment de l'espérance de vie, comme expliqué dans la section 7. Si le régime
de pension adopte une ‘unité de carrière’, c'est-à-dire une valeur (limitative) du paramètre N dans
l’expression (3), il est logique que N soit égal à . Dans ce système, la personne de référence
(qui, durant toute sa carrière, a travaillé à temps plein au salaire moyen), aura, au moment de son
admission à la retraite, accumulé précisément N points.
(4) L'expression (6) reflète également le jugement de valeur de la société qui considère qu'une
carrière de ans doit suffire pour se constituer une pension acceptable, c'est-à-dire une pension
19
qui se situe non seulement dans une certaine proportion par rapport à ce que l'on a gagné
auparavant mais aussi avec laquelle il est possible de se maintenir dans la société dans laquelle on
vit en tant que retraité. Nous opérationnalisons cette idée en exprimant la pension de la personne
de référence par rapport au salaire moyen que les actifs gagnent au moment où ils partent à la
retraite. Vu notre définition spécifique de la personne de référence, le taux de remplacement peut
donc être lu de différentes manières :
(a) est le rapport entre la pension de la personne de référence et le salaire moyen des actifs
au moment de sa retraite; la personne de référence reçoit pour ainsi dire une 'pension
standard' dont le montant est égal à une fraction du salaire moyen au moment où il part à
la retraite;
(b) est le rapport entre ce que la personne de référence a gagné en moyenne par année de
carrière, si nous 'revalorisons' ses salaires précédents selon l'évolution du salaire moyen
pendant la période passée (voir expression (4)). En d'autres termes, détermine un rapport
entre le salaire revalorisé moyen de la personne de référence (moyenne sur toute sa
carrière) et sa pension. Ceci sera encore illustré dans la section 5.1, où nous faisons une
comparaison avec le régime belge actuel des pensions des travailleurs salariés.
(c) est, vu le profil salarial spécifique de la personne de référence, également le rapport entre
son dernier salaire et sa pension.
Pour que l'expression (6) puisse s'appliquer à notre formule de pension générale (1), nous devons
définir la valeur d'un point comme suit :
( )
et la pension qui est donnée à un individu i dans la période T par
( )
Les différences entre la pension de l'individu i et celle de la personne de référence sont en partie
déterminées par le rapport
. Attendu que la valeur définitive de dépendra de nombreux
facteurs différents, la formulation d'assertions générales à ce propos ne va pas de soi, même si la
comparaison avec demeure en toute hypothèse transparente. Observez que cette valeur de
référence a été compilée au départ de la situation d'une personne qui a travaillé, durant toute sa
carrière active, au salaire moyen. Une personne qui, durant toute sa vie, a perçu une rémunération
qui représente une fraction de la moyenne et dont la carrière a été aussi longue que la carrière de
la personne de référence et qui part à la retraite au même âge qu’elle, aura également, relativement
à ses rémunérations moyennes revalorisées (et à sa dernière rémunération ), un taux de
remplacement égal à .
L'interprétation de l'expression (8) peut être approfondie lorsque nous la comparons à d'autres
systèmes. Nous examinerons tout d'abord le régime de pension des travailleurs salariés
actuellement en vigueur en Belgique et ensuite un système de comptes notionnels individuels (NDC).
20
5.1. Le régime belge actuel applicable aux travailleurs salariés
Le régime belge actuel ne comprend bien entendu aucune conditionnalité. Afin de faciliter la
comparaison, nous ne tiendrons pas compte de la correction individuelle et supposons que .
Considérons maintenant un travailleur sans périodes assimilées, qui n'est pas concerné par l'un des
règlements minimum ni par les plafonds, et dont les 45 'meilleures' années se situent dans une
période continue avant sa retraite. Sa pension dans la période T est donnée par la formule suivante
( )
(∑
)
où = revalorisation du salaire de l'année t pour celui qui part à la retraite l'année T . Il est plus
facile de comparer (9) et (8) si nous réécrivons (9) comme suit
( )
(∑ ( )
)
Il semble alors évident d'interpréter le système belge comme une application de (8) avec =0,60,
et ∑
Ce qui est concrètement complété ensuite dépend de la valeur des coefficients de revalorisation
Dans le système actuel belge, le coefficient de revalorisation est égal au rapport entre l'indice des
prix de l'année T et celui de l'année t: il n'y a donc aucune adaptation selon l'évolution salariale
réelle au-dessus de l'indice des prix. Du fait que nous raisonnons dans ce chapitre en termes réels,
nous pouvons l'écrire comme suit Il apparaît alors clairement que le taux de remplacement
de 0,60 (en fonction du salaire actuel moyen) ne peut être garanti qu’à une personne pour qui
∑ c'est-à-dire à une personne pour qui la somme de ses salaires sur toute sa
carrière de 45 ans est égale à 45 fois le salaire moyen actuel. Dans une période de croissance
économique, ceci signifie que dans sa carrière passée, cette personne devra avoir un salaire
nettement plus élevé que le salaire moyen.
Comparons ceci à une alternative (hypothétique) dans laquelle la revalorisation suit non seulement
l'inflation mais également l'évolution réelle des salaires moyens. Nous pouvons alors décrire le
coefficient de revalorisation comme suit
( )
Dans ce cas, une personne qui gagne toujours pendant toute sa carrière le salaire moyen a
précisément la valeur de référence . Ce système hypothétique correspond alors à la façon
dont nous avons complété la formule de pension flexible (8), avec cependant une différence
importante et essentielle : le régime actuel des salariés ne contient aucune conditionnalité et
correspond donc au pur principe des prestations définies. Dans le système que nous proposons, le
taux de changement n'est garanti que si la longueur de la carrière s'adapte de façon appropriée
aux modifications de l'espérance de vie.
À ce stade, nous nous arrêterons encore un instant à la différence entre un calcul de pension dans
lequel les salaires antérieurs ne sont pas revalorisés et un régime de pension dans lequel les salaires
antérieurs sont effectivement revalorisés. Supposez une personne qui a une carrière de 45 ans et
21
dont l'évolution de salaire a suivi l'évolution générale moyenne. Nous faisons également abstraction
des régimes minimaux et des plafonds dans le calcul, et il n'y a pas de périodes assimilées dans sa
carrière. Nous distinguons deux scénarios : un 'scénario de croissance' dans lequel les salaires ont
réellement augmenté pendant 45 ans de 1% par an, par rapport à un 'scénario de stagnation' dans
lequel les salaires n'ont pas augmenté en terme réel. Une 'revalorisation' des salaires antérieurs
signifie que nous devrions les adapter pour le calcul de la pension dans le scénario de croissance sur
la base d'un rythme de croissance annuel de 1%. Le régime de retraites belge n'applique pas cette
revalorisation. Dans ce régime, le taux deremplacement brut pour notre personne hypothétique
(tant par rapport au dernier salaire qu'à la moyenne des salaires revalorisés) s'élèvera à 60% dans le
scénario de stagnation et à 48,6% dans le scénario de croissance. Ceci signifie que le rapport entre la
pension de l'intéressé et le salaire moyen des actifs au moment de son départ à la retraite est moins
élevé dans le deuxième cas que dans le premier. La non-revalorisation implique donc un risque
d’érosion pour les futurs retraités en période de croissance : plus les salaires moyens augmentent,
plus petit est le taux de remplacement brut, tant par rapport à ce que l'intéressé a réellement gagné
(immédiatement avant son départ à la retraite, mais aussi considéré sur toute sa carrière) que par
rapport au revenu des actifs au moment de son départ à la retraite. Inversement, le scénario de
stagnation implique (par rapport au scénario de croissance) une charge de contribution relativement
plus élevée pour les actifs pour maintenir les pensions à un niveau acceptable. L'introduction d'un
principe de revalorisation élimine ces risques : les taux de remplacement à la retraite et la cotisation
que les actifs doivent payer ne sont plus alors influencés par l'évolution des salaires; nous
reviendrons plus tard sur cette particularité qui est pour ainsi dire inhérente au système de points
décrit dans ce document.
Disons que dans le cadre de la formule actuelle de pension belge, nous devrions passer d'un calcul
sans revalorisation à un calcul avec revalorisation : bien entendu, la transition doit être assurée(sans
quoi les pensions deviendraient sensiblement plus élevées). Si nous revalorisons les salaires dans le
calcul et que nous voulons garantir dans le cas d'une progression annuelle réelle des salaires de 1%
une même pension qu'avec la formule de calcul actuelle (sans revalorisation), la règle des '60%' de la
formule de calcul actuelle doit être remplacée par une règle de '48,6%'.
5.2. Un système composé de comptes notionnels individuels (NDC)
Il existe plusieurs versions des systèmes NDC, même si sa forme générique peut être décrite comme
suit:
( ) ∑
où représente le taux de cotisation et un coefficient de conversion qui transforme en rente le
« capital virtuel » accumulé pendant la période T. Bien que le système NDC n'emploie pas la notion de
personne de référence, nous pouvons cependant l'intégrer sans aucune difficulté dans la formule (12).
Supposons par ailleurs (dans l'esprit des comptes notionnels individuels) que le coefficient de
revalorisation représente la croissance du revenu professionnel moyen et est donc donné par
22
l'expression (11)5 et que les points soient déterminés sur la base du principe de contribution pur et
simple (4) avec . En application de ces hypothèses, la formule (12) peut être décrite
comme suit :
( )
Si nous comparons maintenant les formules (13) et (8), nous apercevons immédiatement que le
système NDC génère implicitement un taux de remplacement qui, pour les individus affichant un «
comportement de retrait de la vie active moyen » ( ), est égal à
( )
Ce taux de remplacement est immédiatement lié au taux de cotisation. Plus important encore, il
n'est cependant pas constant, mais dépend du comportement de retrait de la vie active. Si
l'espérance de vie augmente et si l'âge moyen d'admission à la retraite reste constant,
diminuera et le taux de remplacement se repliera donc également pour la personne dont le
comportement de retrait de la vie active est proche de la moyenne.
L'écart par rapport à notre formule (8) est cependant réduit et davantage symbolique. L'introduction
de l'idée de la conditionnalité dans la formule (13) ne poserait aucun problème. Un système assorti
d'un taux de remplacement conditionnel garanti se rapproche davantage d'un système à CD (comme
les systèmes NDC) que d'un système à PD (comme le système actuellement en vigueur en Belgique).
Toutefois, son interprétation sociétale et politique est différente. Dans notre approche, l'adaptation
du comportement de retrait de la vie active en fonction des modifications apportées au niveau de
vie est considérée comme un défi collectif, tandis que dans un système NDC, l'accent réside
entièrement sur les adaptations individuelles (voir principalement dans la formule (12)).
6. Évolutions des pensions après la mise à la retraite : liaison au bien-être
Jusqu'à présent, nous nous sommes exclusivement concentrés sur la pension qui est versée au
moment de l'admission à la retraite. Afin de calculer les pensions moyennes, il est également
nécessaire de préciser ce qui se passe après ce moment, c'est-à-dire la manière dont le paramètre
est déterminé dans la formule (2).6 Pour faciliter la notation, nous nous concentrerons sur
l'évolution de la pension pour la personne de référence. Sa généralisation à toutes les autres
personnes va de soi, en raison de la structure transparente de la formule (1). Par ailleurs, nous
préciserons les formules générales à la fin de cette section. Nous supposerons dans cette section
qu’il n’y a pas d’ajustements à effectuer au coefficient wt pour équilibre financier. Ce point sera
traité aux deux sections suivantes .
5 Une autre règle de revalorisation courante définit comme une fonction du revenu total (et non du revenu
moyen) pendant l'année t et tient donc également compte du volume de l’emploi. Cette approche peut également être transcrite comme un cas particulier de la formule (8). 6 Il est essentiel de distinguer la différence entre les paramètres dans l'expression (11) et dans
l'expression (15). Le premier porte sur la revalorisation des salaires du passé tels qu'ils ont été mis en œuvre pour le calcul de la pension au moment du retrait du marché du travail; le deuxième a trait à l'adaptation au bien-être des pensions après la période du départ à la retraite.
23
S'agissant de la personne de référence, nous pouvons immédiatement déduire des formules (2) et
(6) que
( )
Définissez à présent le ratio de bien-être des pensionnés pendant l'année (T+k) comme suit
( )
et le taux de croissance des salaires entre la période T et la période (T+k) comme suit , si bien
que
( )
Nous examinons à présent deux possibilités extrêmes : aucune adaptation au bien-être et une
adaptation intégrale.
6.1. Absence d'adaptation au bien-être
Si les pensions pendant la période de pension ne sont pas adaptées7, on obtient . Nous
pouvons immédiatement déduire des formules (15)-(17) que
( )
Le rapport entre la pension de la personne de référence (qui, durant toute sa carrière à temps plein,
a perçu le revenu moyen) et le revenu moyen au cours de la période (T+k) n'a de cesse de se réduire
au cours d'une période de croissance économique. D'autre part, le ratio de bien-être augmentera au
cours des périodes de repli économique. Cette évolution n'est pas souhaitable. Elle ne cadre pas
avec l'idée de garantir à la population un taux de remplacement cible. Elle s'oppose également à la
notion d'équité intergénérationnelle (ou de répartition des risques intergénérationnelle), qui est
incarnée dans la règle de Musgrave. Nous approfondirons ce thème dans une section suivante.
6.2. Adaptation intégrale au bien-être
Le régime de pension peut également garantir (toujours dans le respect des conditions décrites dans
la section 5) que le ratio de bien-être pour la personne de référence restera constant dans le
temps et sera égal à . À cet effet, les facteurs de revalorisation doivent être définis comme suit
( )
Cette adaptation s'inscrit bien mieux dans la lignée des hypothèses de base ayant été défendues
dans les sections précédentes. Nous supposerons dès lors, dans la suite , que les pensions sont
7 Étant donné que, dans ce chapitre, nous raisonnons en termes réels, « l'absence » d'adaptation signifie que
les fluctuations de l'indice des prix constituent la seule adaptation.
24
effectivement liées à l'évolution des salaires réels.8 Dans la section 7, nous examinerons de manière
approfondie la viabilité financière du système et les conséquences inhérentes au partage des risques
entre les générations.
Si nous réunissons (2), (8) et (19), nous pouvons écrire la pension pour un individu i pendant la
période (T+k) comme suit
( ) ( )
( )
Dans un régime caractérisé par une liaison intégrale au bien-être, les formules (8) et (20) sont donc
parfaitement équivalentes. Notez cependant que (et non
) figure au dénominateur de la
formule (20)). Lorsqu'elles ne sont pas égales (par exemple, durant une période d'augmentation de
l'espérance de vie), des conditions transitoires devront être élaborées.
7. Mécanismes d'adaptation automatiques : évolution salariale, taux d'activité et chocs
démographiques
Jusqu'à présent, nous avons systématiquement souligné que le système à points flexible que nous
proposons dépend de l'adaptation régulière (et automatique) du nombre de points de référence
en fonction des modifications apportées aux variables démographiques (espérance de vie) et
économiques (taux d'emploi). Nous commentons ci-dessous la méthodologie susceptible d'être
utilisée dans ce cadre. Dans la section 7.2, nous analysons la situation dans laquelle les adaptations
sont totalement appliquées sur l'âge de la pension. Dans la section 7.3, nous examinons les
modifications possibles dans le taux de cotisation. Dans la section 7.4 enfin, nous montrons de
quelle manière un financement alternatif (p. ex. par la dette publique ou par un impôt sur le capital)
peut être intégré dans l'analyse.
Il est instructif de partir d'une situation d'équilibre budgétaire et d'examiner ensuite la manière dont
le système réagit face à des chocs. Partons dès lors d'une période initiale « 0 » dans laquelle le
système de pension présente un équilibre budgétaire. À défaut de sources de financement externes,
il faut que pendant cette période
( )
dans laquelle représente le nombre total de pensionnés et
le nombre total d'actifs. Si nous
définissons le taux de dépendance économique comme le rapport entre le nombre de
pensionnés et le nombre d'actifs, c'est-à-dire comme
⁄ , la contrainte budgétaire peut
également se présenter comme suit :
( )
En supposant toujours que nous nous trouvons dans une situation d'équilibre (une période au cours
de laquelle reste constant), nous pouvons (en utilisant les expressions (8) et (20)) écrire la
pension moyenne au cours de la période 0 comme suit :
8 Il s'agit également de la procédure standard dans un système NDC.
25
( )
où représente la moyenne de sur la population. Nous exprimerons par la suite cette
moyenne en utilisant et reviendrons ultérieurement sur son interprétation. Observez - comme
nous l'avons commenté dans la section 5 - qu'une hausse de induit une diminution de la
pension moyenne – et, en définitive, une réduction de toutes les pensions, car la valeur d'un point
baisse dans l'expression (7).
Si nous complétons l'expression (23) en remplacement de , la contrainte budgétaire (22) pourra
être réécrite comme suit :
( )
Nous allons maintenant examiner la manière dont les paramètres du système doivent être adaptés
lors de la survenance de modifications dans la situation économique ou démographique. Nous nous
concentrerons sur les résultats de statique comparé, c'est-à-dire que nous comparons entre elles
deux situations d'équilibre différentes. Nous reviendrons brièvement sur la problématique de la
transition dans les prochaines sections. Dans cette section, nous commenterons comment des
mécanismes d'adaptation automatiques (ex-ante) peuvent être mis sur pied. Nous nous focaliserons
en outre principalement sur la question de l'entité à laquelle incombera cette adaptation. Pour que
le système de pension demeure, à long terme, acceptable pour la population, il convient de
déterminer une règle sans ambiguïté en matière de répartition intergénérationnelle. Il est intenable,
sous l'angle social, de faire peser l'intégralité de la charge des adaptations sur les épaules soit des
pensionnés, soit de la population active. De même, des considérations en matière de diversification
des risques à long terme plaident en faveur de la répartition équilibrée de la charge entre les actifs
et les pensionnés (ou, dans une perspective ex-ante, une répartition entre la période active et la
période de retraite propres à toute existence). À cet égard, la règle dite de Musgrave constitue un
point de référence intéressant. Ce principe impose que le rapport entre les pensions et les salaires
nets doit rester constant, soit
( )
( )
Nous examinons d'abord les conséquences de modifications dans les salaires moyens. Ensuite, nous
passons en revue les adaptations nécessaires en cas de changement dans l'espérance de vie et dans
le taux d'emploi.
7.1. Modifications apportées aux salaires moyens
Les salaires moyens ne figurent pas dans la condition (24) en matière d'équilibre budgétaire, ce qui
s'explique par le fait qu'une hausse des salaires entraîne une augmentation à la fois du total des
cotisations et de la charge totale des retraites. En effet, l'expression (23) montre d'emblée qu'il
existe un lien proportionnel entre le salaire moyen et la pension moyenne. Toutes les adaptations se
déroulent donc automatiquement et, dans le système que nous décrivons, les modifications
apportées aux salaires n'altèreront pas le principe de Musgrave (25). Notez cependant que ce
résultat intéressant n'est obtenu que si les pensions sont liées au bien-être (voir section 6).
26
7.2. Modifications apportées au taux d'emploi et à l'espérance de vie : modification par l'âge de
la pension
Les modifications du taux d'emploi de la population et de son espérance de vie conduisent à des
adaptations plus complexes. Elles induisent une modification du taux de dépendance économique
dans les expressions (22) et (24). Comme nous l'avons préalablement affirmé, nous partons de
l'hypothèse selon laquelle les évolutions à long terme dans l'environnement économique et
démographique seront les plus utilement compensées par le biais d'adaptation automatique des
pensions, par l'intermédiaire de la valeur d'un point . Nous considérons ces évolutions comme une
responsabilité collective. En outre, nous souhaitons en principe garantir un taux de remplacement
fixe de , sans que la charge y afférente ne repose entièrement sur les épaules de la population
active (par le biais d'un relèvement du taux de contribution ). C'est pourquoi nous examinerons
dans ce chapitre les possibilités de rétablissement de l'équilibre budgétaire par le biais d'adaptations
à l'âge moyen de la pension et au taux d'emploi. Dans les sections suivantes, nous discutons d'autres
scénarios dans lesquels le taux de cotisation ainsi que l'ampleur du financement alternatif peuvent
également être adaptés.
7.2.1. Modifications dans l'espérance de vie : adaptation de l'âge de la pension
Pour avoir une idée plus précise des adaptations qui sont imposées par une hausse progressive de
l'espérance de vie lorsque et sont déterminés, nous utiliserons un modèle très stylisé. Supposons
que tous les individus aient la même espérance de vie – et qu'ils soient uniformément répartis dans
toutes les catégories d'âge (et donc absence de papy boom). Nous indiquons la durée moyenne de la
pension (c'est-à-dire le nombre d'années durant lesquelles une personne perçoit une pension)
comme précédemment, sous la forme , le nombre moyen d'années prestées, sous la forme et le
nombre d'années non prestées (pour cause de scolarisation, de chômage, d'invalidité, de maladies,
etc.), comme suit . Il apparaît aussi clairement que dans chaque période n
( )
et, au vu de nos hypothèses simplifiées,
( )
Cela signifie donc qu'au cours de notre période initiale d'équilibre budgétaire, la comparaison (22)
peut être réécrite comme suit :
( )
dans laquelle nous omettons l'indice afférent au taux de contribution, car nous supposerons qu'il
reste (ou qu'il doive rester) constant. Nous supposons également que reste constant – les
modifications apportées à étant abordées dans la section 7.2.2.
Supposons maintenant que (toute autre chose restant égale) l'espérance de vie augmente – de à
, et analysons les caractéristiques du nouvel équilibre, en partant de l'hypothèse selon laquelle les
adaptations s'effectuent par le biais d'une modification de l'âge de l'admission à la pension et non
d'une hausse du taux de contribution Dans ce cas, la partie droite de l'expression (28) ne sera pas
27
modifiée. Pour rétablir l'équilibre après un « choc » de , trois paramètres peuvent être
utilisés : la pension moyenne, le moment du retrait (et donc la valeur de ) et le taux d'emploi .
Comme précisé ci-dessus, nous nous focaliserons ici sur les deux premiers paramètres.
Un premier résultat en est immédiatement déduit : si , c'est-à-dire si l'individu ne travaille
pas plus longtemps,
et l'équilibre ne pourra être rétabli qu'en diminuant la pension
moyenne. Attendu que le salaire moyen ne varie pas entre la période 0 et la période 1 (et que le taux
de contribution reste également constant), la condition inhérente à la règle de Musgrave (25) ne
sera plus respectée. Pour se conformer à la condition de Musgrave, il faut que . Cela ne
signifie cependant pas (voir (22) et (28)) que le taux de dépendance économique doive également
rester constant. Nous pouvons ensuite décrire le mécanisme d'adaptation automatique à
l'espérance de vie en deux étapes :
(a) Le taux de dépendance économique ne doit pas varier avant et après l'augmentation de
l'espérance de vie. Cela signifie donc que
( ) ( )
(
)
ou
( )
Dans le cadre de ce modèle simplifié et en cas d'augmentation de l'espérance de vie, le nombre
d'années de pension devra donc également augmenter de manière proportionnelle. Cette «
proportion» répond à des caractéristiques simples (qui, bien évidemment, dépendent de la
simplicité inhérente aux hypothèses sous-jacentes). La comparaison (29) peut en effet être réécrite
comme suit :
( )
Partant d'une situation d'équilibre, l'atteinte d'un nouvel équilibre suppose que le rapport entre le
temps de retraite et le temps de travail (l – u) reste inchangé. Tout ceci signifie dès lors que le
prolongement de l'espérance de vie peut entraîner une augmentation du nombre d'années de
retraite, mais que , en d'autres termes, en cas de niveau d'emploi constant, le nombre
d'années actives doit augmenter et donc retarder l'âge de la retraite.
(b) Si les personnes travaillent plus longtemps, leur nombre de points croîtra. Ceci signifie bien
entendu que le nombre moyen de points va augmenter. De plus, si l'individu i commence à
travailler plus longtemps, la valeur de va également changer. Toutefois, pour se conformer à la
règle de Musgrave, la pension moyenne doit rester constante. Le paramètre fait son apparition.
Dans la section 5, nous avons continuellement souligné que la définition de la personne de référence
doit être modifiée en cas d'augmentation de l'espérance de vie. Nous pouvons d'ores et déjà déduire
comment : doit s'adapter pour que la pension moyenne reste constante. Il ressort donc
immédiatement des comparaisons (23) et (24) que :
28
( )
dans laquelle présente la valeur hypothétique de , laquelle s'accompagne de l'indispensable
adaptation de L'interprétation de cette formule est plus simple si nous formulons une hypothèse
relativement innocente à propos de la cohérence entre et . Nous pouvons en effet
généralement écrire que
( ) ( )
La section 4 nous a appris que . Si nous supposons maintenant que ( ) , la
formule (32) peut être simplifiée en
( )
L'interprétation de ces expressions va de soi. Comme nous l'avons décrit à la section 5, la personne
de référence est un individu dont la carrière répond à une norme donnée (que nous avons appelée
). Cette « norme » dépendra de toute une série de paramètres qui apparaissent tous dans les
expressions précédentes : les principaux sont le taux de cotisation, l'espérance de vie et la
conception du système à points (pour détermination p. ex. des régimes minimums et du traitement
des périodes assimilées). L'expression (34) (et, de façon plus générale (32)) indiquent alors de quelle
façon cette norme va glisser en cas de changement de l'espérance de vie et de réalisation de
l'équilibre budgétaire par des adaptations de la carrière de référence.
Il importe de comprendre que est la valeur en points qui correspond aux modifications apportées
aux comportements de retrait de la vie active qui sont nécessaires pour déterminer . Si les
personnes ne s'adaptent pas suffisamment en travaillant plus longtemps et si, en conséquence, le
nombre de points n'augmente pas suffisamment, la pension moyenne diminuera (car dépend
de et non du réel). Il ne saurait en aller autrement, car le taux de dépendance économique
augmentera si l'âge d'admission à la retraite ne s'adapte pas suffisamment au relèvement de
l'espérance de vie. Nous en arrivons ainsi à un point essentiel, celui des incitants. Le système à
points crée automatiquement un incitant à travailler plus longtemps, car l'augmentation de la durée
de la vie active permet d'accroître le nombre de points (et donc la pension individuelle).9 Ce
mécanisme s'ajoute au bonus (malus) que l'on obtient au moyen du paramètre de flexibilité . Cela
ne permet cependant pas de garantir que ces incitants automatiquement créés seront suffisants
pour parvenir à l'indispensable augmentation de la durée de la carrière. Une intervention
réglementaire plus soutenue s'imposera, par exemple par le biais du renforcement des conditions
d'accès, notamment si l'augmentation de la durée de carrière ne s'accompagne que d'une
revalorisation relèvement modeste de la pension effectivement versée.
Si l'âge effectif de l'admission à la retraite (et donc
) n'est pas suffisamment modifié, le
mécanisme esquissé ne garantira pas encore l'équilibre budgétaire. Dans pareil cas, en raison de
l'adaptation de , les pensions versées diminueront en effet automatiquement (et partant
9 Attention à la confusion possible. Le paramètre est déterminé de telle façon que, moyennant une
adaptation de leur carrière active, la pension moyenne reste intacte. Cette condition est essentielle.
29
). Ce constat illustre à nouveau que le système à points avec mécanismes d'adaptation
automatiques est très éloigné d'un système à PD pur et simple – et se rapproche en réalité d'un
système à CD. Nous pourrions même affirmer que le postulat de la constance du taux de
contribution fait reposer de manière trop substantielle la charge de l'adaptation sur les épaules des
pensionnés. Dans ce cas et si tel est le souhait, le mécanisme d'adaptation tel qu'esquissé ci-dessus
pourrait également être adapté. Nous y reviendrons dans la section 7.2.7.3 après l'examen des
conséquences des modifications apportées au taux d'emploi.
Dans ce texte, nous nous sommes sciemment concentrés sur l'esquisse relativement abstraite de
l'éventuelle architecture d'un système de retraite. Reste bien entendu la question de
l'opérationnalisation éventuelle : comment connaître (et donc ) à l'avance ? Il est bien sûr
évident qu'une parfaite connaissance (et donc une parfaite prévision) sont impossibles. Ce constat
vaut pour tous les mécanismes d'adaptation « automatiques » pour lesquels les paramètres doivent
être fixés à l'avance (remarque : le système NDC dans sa forme pure ne garantit aucun équilibre
budgétaire). Toutefois, la situation à cet égard est loin d'être sans issue. La valeur actuelle moyenne
des points est en effet examinée au cours de chaque période par l'administration (laquelle
connaîtra par ailleurs la composition de , et plus particulièrement encore, la quote-part des actifs,
etc.). Il devrait donc être possible de procéder à des approximations raisonnables de , d'autant
plus que l'augmentation de l'espérance de vie est un processus graduel, dépourvu de chocs majeurs.
7.2.2. Modifications du taux d'emploi
Jusqu'à présent, nous avons considéré, dans notre raisonnement, que le taux d'inactivité de la
population était une constante. En réalité, ceci variera bien entendu également dans le temps : le
taux ( )⁄ peut être interprété comme le taux d'emploi. Les changements apportés à
peuvent être interprétés de deux manières :
(a) Jusqu'à un certain point, le taux d'emploi est un paramètre susceptible d'être influencé par la
politique menée. La comparaison (28) révèle qu'une baisse de (et donc une augmentation du taux
d'emploi) permet une augmentation immédiate de la pension moyenne (à taux de contribution,
salaire moyen et espérance de vie inchangés). Un repli de est également intéressant lorsqu'il s'agit
de compenser l'augmentation de l'espérance de vie. Si nous parvenons à augmenter le taux
d'emploi, l'indispensable retardement de l'âge de l'admission à la retraite pourra être atténué. Une
baisse de entraîne en effet immédiatement une diminution du taux de dépendance économique.
(b) Le taux d'emploi peut cependant également être modifié sous l'effet de facteurs exogènes (par
exemple, en réponse à la conjoncture internationale). Nous nous concentrons principalement sur les
chocs négatifs (une augmentation de ). Une diminution du taux d'emploi induira une
baisse du montant des cotisations de pension. Dans ce cas également, nous pourrions essayer de
maintenir l'équilibre du budget des pensions en modifiant l'âge d'admission à la retraite : dans ce
cas, une diminution de est nécessaire. Si l'équilibre du système de retraite est réalisé au moyen
d'une adaptation de l'âge de l'admission à la pension, l'égalité suivante devra dans ce cas être
obtenue (comparaison avec la formule (29)):
( ) ( )
(
)
et donc (comparez avec (30))
30
( )
En réalité, on peut se demander s'il s'agit bien d'un scénario réaliste : il n'est pas évident en effet de
prolonger la durée du travail en période de chômage. Il est en toute hypothèse improbable que nous
serons en mesure de faire face, par ce biais, aux conséquences de l'augmentation du chômage pour
le financement des pensions. Cela nous conduit tout naturellement aux scénarii éventuels dans
lesquels l'âge moyen d'admission à la retraite ne peut pas s'adapter de manière suffisante pour
absorber les chocs démographiques et/ou économiques.
7.3. Adaptation incomplète de l'âge moyen de la pension : modifications dans le taux de
cotisation
Dans les sections précédentes, nous avons déduit comment les changements apportés au taux de
dépendance économique (soit par l'intermédiaire d'une augmentation de l'espérance de vie, soit
par le biais d'un choc économique négatif sur l'emploi) pouvaient être compensés par une
adaptation de (à et inchangés). Il se pourrait toutefois que cette adaptation indispensable soit
impossible, notamment en cas de choc économique négatif. Dans le mécanisme tel que nous l'avons
jusqu'à présent esquissé, la charge de l'adaptation repose entièrement sur les pensions. Comme
nous l'avons déjà précisé, nous pourrions rétorquer qu'il s'agit d'une approche simpliste et que, dans
pareils cas, il ne faut pas à tout prix s'en tenir à un taux de contribution constant . Ceci signifie que
nous arrivons à un scénario à trois paramètres politiques : l'âge de pension moyen (ou la durée de
carrière), le taux de remplacement implicite et le taux de cotisation. Les conséquences en termes de
répartition intergénérationnelle différeront bien évidemment en fonction des choix qui seront posés
à propos de ces paramètres.
Nous supposons que toutes les mesures stratégiques envisageables sont destinées à influencer ,
mais qu'elles ne sont pas suffisantes pour garantir l'équilibre budgétaire, c'est-à-dire que même
après avoir mené la meilleure politique,
ou Nous partons de l'hypothèse
selon laquelle . Pour conserver l'équilibre, il conviendra donc d'adapter soit , soit ,
soit les deux.
À ce stade, plusieurs réactions sont possibles :
(a) Le taux de cotisation n'est pas adapté. Il s'agit de l'approche ayant été commentée dans la
section 7.2.1. Dans ce cas, le choc sera entièrement supporté par les pensionnés, sous la forme
d'une diminution de leur retraite. Nous sommes donc en présence d'un système proche de la
variante à CD.
(b) Le taux de remplacement est garanti, même si l'adaptation de l'âge de la pension est
incomplète. Dans ce cas, devra être déterminé, de sorte que ou
( )
Nous retombons donc dans un système à PD pur, la charge de l'adaptation étant entièrement
supportée par la population active.
31
(c) Nous avons déjà démontré qu'aucune des deux approches extrêmes n'est équilibrée – et
qu'aucune d'entre elles ne pourra probablement compter sur un large appui sociétal. Si nous
souhaitons conclure un nouveau contrat entre les générations, la règle de Musgrave, telle que
présentée dans l'expression (25), constitue un point de référence intéressant. Si nous introduisons le
principe de Musgrave (25) dans la comparaison budgétaire (22), nous observons immédiatement
que
( )
Quand
on a . Toutefois, dans le même temps,
. La pension sera
donc elle aussi revue à la baisse ( ). Le taux de remplacement brut en sera modifié, mais si la
règle de Musgrave est respectée, le taux de remplacement net reste inchangé. Ce résultat montre
bien que le mécanisme conditionnel qui est proposé ici n'entre absolument pas dans le cadre d'un
système à PD.
7.4. Adaptations par un financement alternatif
Pour reprendre la possibilité d'un financement alternatif dans le modèle, nous réécrivons la
condition de budget (21) comme suit
( )
où représente une source de revenus qui ne s'appuie pas uniquement sur la population active.
On peut penser au bénéfice par exemple d'un financement basé sur le capital, d'une cotisation
sociale généralisée ou d'une réduction des charges de l'intérêt sur la dette publique. Si nous
supposons maintenant que ces sources de revenu alternatives financent une fraction de la charge
totale des pensions, la contrainte budgétaire (39) peut être réécrite comme suit
( ) ( )
ou
( ) ( )
Si nous comparons les expressions (41) et (22), nous constatons que tous les résultats précédents
peuvent facilement être généralisés en remplaçant par ( )
Cette illustration s'applique
à l'adaptation de l'âge de la pension en cas d'augmentation de l'espérance de vie.
Dans le modèle étendu, la condition pour un équilibre budgétaire avec financement alternatif si le
taux de cotisation reste inchangé (29) doit être remplacée par
( ) ( )
( )
ou
( ) ( ) ( ) ( )
Pour obtenir des expressions simples, nous introduisons un nouveau paramètre
32
qui reflète la modification dans l'ampleur du financement alternatif entre les périodes 0 et 1. Si
, l'ampleur du financement alternatif reste le même. Si > (<) 1, l'ampleur du financement
alternatif augmente (diminue).
De (43) nous obtenons donc
( ) (
)
( )
et
( ) (
)
( )
Ces expressions peuvent facilement être interprétées. Si l'importance du financement alternatif
n'augmente pas entre les périodes 0 et 1, on obtient et nous retrouvons simplement les
résultats de l'expression (30). Si l'ampleur du financement alternatif augmente ( > 1), une plus
grande fraction de l’augmentation de l'espérance de vie peut être conservée en années de pension :
augmente et diminue par rapport au modèle sans financement alternatif.
Tous les autres résultats des sections 7.2 et 7.3 peuvent être réinterprétés de façon analogue.
L'intuition est toujours la même : si le financement alternatif augmente, la « charge » de l'adaptation
pour le régime de pension même est allégée.
8. La prise en compte du baby-boom
Dans la section 7, nous avons décrit comment des adaptations automatiques aux chocs
économiques pouvaient être intégrées dans la formule de pension. Les conséquences inhérentes aux
changements apportés au revenu réel sont toujours réparties de manière équilibrée entre les
générations. L'augmentation progressive de l'espérance de vie peut être compensée par un
glissement de l'âge de la pension : à condition de réaliser réellement ce glissement, le taux de
remplacement brut et le taux de cotisation peuvent rester inchangés. Si ce glissement n'est pas
(suffisamment) opéré, le taux de remplacement et les taux de remplacement bruts devront être
adaptés. Cela implique toutefois que la valeur d'un point doive être adaptée au fil du temps. Nous
avons démontré que l'instauration (d'une forme de) règle de Musgrave pouvait permettre de
répartir la charge de manière équilibrée entre les générations actives et les générations retraitées. Il
est probable que les modifications apportées au taux de contribution s'avéreront surtout
pertinentes lorsque des chocs économiques devront être absorbés, car le report de l'âge de
l'admission à la retraite en période d'augmentation du chômage ne va pas de soi. L'importance de la
règle de Musgrave ne peut pas être sous-estimée : lorsqu'elle est intégrée dans le système de
pension, elle garantit à toutes les générations qu'elles ne seront pas les seules à devoir supporter
l'intégralité de la charge. La garantie conditionnelle d'un taux de remplacement déterminé est
ensuite complétée par une garantie non conditionnelle de répartition équilibrée des charges.
33
Cette même logique continue également à s'appliquer dans d'autres circonstances. Notre exposé
relatif aux modifications apportées à l'espérance de vie s'appuyait sur une situation relativement
stable qui permettait de procéder à des adaptations progressives et prévisibles. À court terme, nous
serons cependant confrontés aux conséquences du baby-boom: il ne s'agit pas ici d'une adaptation
progressive car les mécanismes d'adaptation nécessaires étaient présents dans le système actuel.
Dans cette situation, le retardement de l'âge de l'admission à la retraite est absolument impérieux,
mais il est irréaliste de penser que le problème pourra être entièrement résolu à court terme. Une
combinaison de plusieurs mesures sera probablement nécessaire. Dans le cadre de cette adaptation,
la règle de Musgrave pourrait également être utilisée comme point de repère. Dans la logique du
système de pension proposé dans ces lignes, il importe d'opérer une distinction entre le choc unique
et substantiel inhérent à l'absence de prise en compte du baby-boom et l'évolution à long terme du
système (par exemple, l'augmentation progressive de l'espérance de vie), qui peut être prise en
charge par le biais de mécanismes d'adaptation automatiques. Des simulations permettent d'isoler
la divergence, dans la tendance à long terme, résultant du baby-boom de cette tendance à long
terme.
Nous observons enfin un problème de transition. L'analyse dans la section 7 revenait pour l'essentiel
à opérer une comparaison entre deux situations d'équilibre – alors que dans la réalité, une phase
transitoire les séparera. Il ne peut en effet plus être demandé aux personnes percevant déjà une
pension de travailler plus longtemps. Il est malaisé de formuler des considérations générales à
propos de cette problématique de la transition, car elle est notamment conditionnée par
l'augmentation de l'espérance de vie des cohortes de pensionnés – cette hausse étant cependant
inférieure à celle des cohortes encore actives. Seules des simulations circonstanciées pourraient
apporter un éclairage précis sur cette situation. De telles simulations détaillées permettront de
préciser plus clairement l'adaptation devant être apportée à la carrière active afin de tenir compte
de ces cohortes de pensionnés. Les mécanismes de base esquissés (adaptation de l'âge de
l'admission à la pension, financement alternatif et, si nécessaire, réduction équilibrée des pensions
et augmentation des cotisations sur la base de la règle de Musgrave) restent dès lors d'application.
En outre, dans ce cadre plus réaliste, nous disposons d'un autre instrument : en intervenant dans le
mécanisme de la liaison au bien-être des pensions, il est également possible de faire supporter une
part de la charge de financement par les cohortes des personnes déjà pensionnées ( adaptation du
coefficient d’ajustement des pensions en cours w ).
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