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1 Lentreprise comme espace pédagogique Stage – apprentissage – césure – tutorat – expérience Mise en situation professionnelle Où allons-nous ? Le 16 octobre 2014 13h30 ICAM Lille 6 rue Auber

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L’entreprise comme espace pédagogique Stage – apprentissage – césure – tutorat – expérience

Mise en situation professionnelle

Où allons-nous ?

Le 16 octobre 2014 13h30 ICAM Lille 6 rue Auber

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La CRGE a organisé le 16 octobre 2014 son deuxième colloque annuel. Le thème

choisi est « l’entreprise comme espace pédagogique ».

Les deux mondes de l’Entreprise et des Grandes Ecoles s’interpénètrent de manière étroite depuis longtemps : les élèves des GE effectuent de nombreuses mises en situation dans les entreprises que ce soit au titre de stages, de projets, etc.. et l’alternance se développe de plus en plus dans l’enseignement supérieur à la plus grande satisfaction de toutes les parties : apprentissage, mais aussi contrats de professionnalisation. L’Université s’est aussi mise à la recherche de relations étroites avec l’entreprise et le nombre de stagiaires et d’alternants de l’Université augmente chaque année. En ce sens, l’entreprise peut être souvent considérée comme le plus « grand amphi » de nombreuses GE et elle est un partenaire pédagogique fondamental. Par ailleurs, face à des pratiques douteuses, le Gouvernement vient de réglementer les séjours des élèves dans les entreprises au titre des stages et ceci n’est pas sans conséquences sur les maquettes pédagogiques des formations. Pour mieux comprendre les enjeux et modalités de l’immersion en entreprise, la CRGE organise une réunion d'échange et de partage d'expérience le jeudi 16 octobre après-midi, à l'attention des enseignants, des directeurs d'étude et responsables d'établissement, mais aussi des partenaires dans l’entreprise de nos établissements. Durant une après-midi, environ 80 personnes ont pu échanger sur ce thème important pour nos écoles et nos étudiants. Vous en trouverez ci-après les actes.

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PROGRAMME

13.30 Accueil 14.00 Table ronde pour présenter le cadre institutionnel et les enjeux :

• Le cadre juridique de l’immersion en entreprise et Les attentes croisées des entreprises et des écoles, avec :

� M. François THEBAUD, Responsable du service Associations et Collectivités de la MAIF ;

� Véronique DESRUENNE, Responsable Accompagnement et Politique RH de la société Orange ;

� Saida MEJOUTTI, chargée des relations Ecoles du groupe RABOT-DUTILLEUL ;

� Dominique LEMOINE du groupe AUCHAN ; � Elodie MULLER, chargée des relations avec les entreprises à

l’IMMD ; � Fanny HEIMST, du groupe SITA

15.45 Ateliers de débat et de réflexion sur trois thèmes particuliers :

• La valorisation : Comment les établissements valorisent-ils l’immersion dans leur pédagogie ? Qu’en retire l’entreprise ? Qu’en retire l’élève ? Avec :

� Jean-Marc ZURETTI, Ecole d’Architecture, animateur ; � Céline VIART apprentie à la société CLAIRANCE, élève du CESI ; � Laurent REMONDI, de l’ICAM ; � Marie-Céline ASTARIE, responsable RH de la société WORLDLINE ;

• La mise en situation professionnelle : Rôle du tuteur, sa formation et la reconnaissance dans l’entreprise ? Jusqu’où vont les entreprises dans les responsabilités confiées aux élèves en immersion ? Quel retour d’expérience à l’Ecole (valorisation pédagogique) ? Avec :

� Pierre BAILLON, animateur de l’atelier ; � Lucie KOZIOL, apprentie de la société EDF, élève du CESI ; � Richard KLUBB, de l’ICAM ;

• L’accompagnement de l’immersion (dans l’entreprise et dans l’établissement d’enseignement) : avant, pendant et après l’immersion. Avec :

� Thierry FRICHETEAU, Centrale Lille, animateur de l’atelier ; � Loïc STROZYCKI, Responsable projets Travaux Neufs et tuteur

d’apprenti , groupe NESTLE, ancien apprenti du CESI ; � Fanny HEIMST, responsable maintenance et flotte du groupe SITA ; � Sébastien TRANCHANT, Responsable RH, Toyota Motors

Manufacturing France, Onnaing 17.00 Restitution des échanges 17.30 Clôture des travaux

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Colloque CRGE du 16 octobre 2014

L’entreprise comme espace pédagogique

ACCUEIL Jean-Pierre HILLEWAERE : Cette année, nous avons choisi de nous intéresser à l’entreprise comme espace

pédagogique. J’ai l’habitude de dire que l’entreprise, c’est le plus grand de nos amphis, étant donné que tous nos étudiants font peu ou prou 3 mois de stage par an. Donc, l’entreprise, c’est effectivement le plus grand de nos amphis.

Nous avons choisi de traiter ce thème aujourd’hui, sur une demi-journée. Les principaux moments sont les suivants :

- Une introduction par Bernard-Gilles FLIPO, Directeur de l’ICAM, qui nous fait le plaisir de nous accueillir ici.

- Une présentation de la CRGE par Jean-Marc ZURETTI, Directeur de l’Ecole d’Architecture de Lille, et Vice-Président de la CRGE.

- Une présentation du colloque en lui-même par Géraldine LONGÉ, Directrice du CESI d’Arras, et co-animatrice de la commission IPVE, Pédagogie et Vie Etudiante, qui a mené ce colloque.

- Une table ronde et trois ateliers. - La restitution vers 17 heures.

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INTRODUCTION

Bernard-Gilles FLIPO : Je ne vais pas être très long. Je voulais surtout vous souhaiter la bienvenue à l’ICAM, et

vous dire qu’on a été très heureux que cette proposition nous soit faite d’accueillir ce colloque cet après-midi.

L’ICAM a une grande tradition de liens à l’entreprise, et considère depuis fort longtemps l’entreprise comme un espace pédagogique. Vous savez peut-être qu’à la création de l’ICAM, il y a d’abord des chefs d’entreprise, des patrons chrétiens de Lille, en particulier, qui ont voulu créer une école pour former des chefs d’atelier humains et compétents, à l’époque où la classe ouvrière à Lille prenait un essor important. Ils se sont dit « Si on ne

forme pas des gens qui savent être entre le patron et les ouvriers, avec des compétences

techniques, mais aussi de l’humanité, les ouvriers du monde industriel de demain seront

comme les machines, l’énergie et les bâtiments : une simple ressource de production ».

C’est un peu comme ça que l’ICAM est née. Comme ces chefs d’entreprise étaient chrétiens, ils ont cherché un ordre religieux. Pour le plus grand bonheur de l’ICAM, ça a été les Jésuites, qui sont toujours très présents à l’ICAM, non seulement en France, mais aussi à l’International. Et je dis souvent « aujourd’hui, pour faire un ingénieur ICAM, il faut à la fois

des entreprises et des Jésuites ». En fait, il y avait 3 piliers à la fondation de l’ICAM. Il y avait les entreprises, les Jésuites,

et les problèmes d’argent. Et 120 ans après, on a toujours des Jésuites, des entreprises, et des problèmes d’argent. On est donc fidèles à nos racines.

Pourquoi l’entreprise est-elle importante ? Je vais vous livrer un des secrets du moteur

de l’ICAM, à propos de la pédagogie ignacienne, et de tout ce que les Jésuites essayent de mettre en œuvre dans leurs établissements. On avait essayé de se dire « Finalement, qu’est-

ce qu’il y a derrière cette pédagogie ignacienne ? ». En fait, il y a 4 points importants : - Le premier, c’est d’abord que le savoir serve à servir, et non pas qu’il soit un

pouvoir pour celui qui le détient. - Le deuxième point, c’est toujours de partir du vécu et de l’expérience. C’est là

qu’on rejoint l’entreprise comme terrain d’apprentissage. - Le troisième point, c’est d’être capable de décider en situation paradoxale, parce

que la vie n’est pas une équation du second degré à deux inconnues. Quand on prend des décisions, on les prend avec les éléments qu’on a à l’instant T, en fonction d’un contexte. Et après, il faut assumer ces décisions.

- Et le quatrième pilier, c’est d’être audacieux et créatif, parce qu’on n’est pas obligé de refaire demain ce qui a été fait hier.

C’est toujours là-dessus que s’appuie l’ICAM, et je pense que c’est une des raisons pour

lesquelles l’ICAM a été une des premières écoles d’ingénieurs, à l’époque où la loi l’a permis, à se lancer dans les formations par apprentissage en plus de la voie dite « classique ». Il y a eu d’autres écoles, mais l’ICAM a été l’un des pionniers. Et aujourd’hui, on défend l’apprentissage non seulement dans le cadre des formations d’ingénieurs, mais aussi dans le cadre de formations « bacs professionnels » et de titres professionnels niveau bac +2, parce qu’on pense que c’est important de pratiquer de cette manière là, pour que les gens soient,

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demain, à l’aise en entreprise, et ne se fasse pas de l’entreprise une image complètement déconnectée de ce qu’ils apprennent à l’école.

C’est aussi la raison pour laquelle il y a actuellement un établissement ICAM en Inde. Il s’agit de l’Université de Loyola, qui est la 4ème grande université d’Inde, située à Chennai, anciennement Madras. C’est une Université jésuite. Et elle constatait que les gens qu’elle formait, qui était très brillants sur le plan académique, mettaient des années à s’adapter à la vie en entreprise. Il y a donc eu un partenariat entre l’ICAM et le Loyola Collège, qui a donné le Loyola ICAM Collège, qui diplôme depuis l’année dernière des bachelors dans différents domaines du génie industriel.

A l’ICAM, on essaye de divulguer ce lien à l’entreprise et au réel. Du coup, ça nous fait

vraiment plaisir d’accueillir ce colloque, cet après-midi. Vous êtes donc les bienvenus à l’ICAM. J’espère que les conditions d’accueil sont optimales. Je n’en doute pas, compte tenu de la préparation qui a été faite. Je tiens à remercier l’équipe, et notamment Nathalie qui la représente ici, de toute cette préparation. Je vais laisser la parole à Jean-Marc ZURETTI, qui va nous parler un peu de la CRGE.

Merci.

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PRESENTATION DE LA CRGE

Jean-Marc ZURETTI : La CRGE, en quelques mots… Certains, évidemment, la connaissent : la Conférence

Régionale des Grandes Ecoles, créée d’abord comme un club de directeurs. Maintenant, il s’agit plutôt d’un groupe d’hommes, de femmes, et surtout d’établissements, dans toute leur complexité : des écoles d’ingénieurs, en majorité, mais aussi des écoles de commerce et des écoles dites « autres », que je représente désormais :

- 15 écoles d’ingénieurs qui couvrent, comme vous le voyez, à peu près tous les domaines : des écoles généralistes, des écoles vouées au génie civil, à l’électronique, à l’agro-alimentaire, à l’agriculture.

- 4 écoles de commerce parmi les plus prestigieuses de la Région. - les autres écoles, dont les sigles sont peut-être un peu moins connus : l’Institut

Supérieur du Design de Valenciennes, l’Institut d’Etudes Politiques, l’Ecole Supérieure de Journalisme, et l’Ecole d’Architecture et de Paysage de Lille.

Donc, voilà ce que nous représentons : - 30 000 étudiants sur un ensemble de 150 000/160 000 étudiants pour l’ensemble

de la COMUÉ (la Communauté d’Universités et d’Etablissements de la Région Nord-Pas de Calais),

- 40% des diplômés scientifiques d’un niveau bac +5, - 3500 diplômes d’ingénieurs, - 180 thèses soutenues chaque année sur les 450 au niveau régional, - Et 20 millions d’euros de contrats de recherche, principalement avec des

organismes financeurs, mais aussi avec des entreprises. Bien évidemment - Bernard-Gilles FLIPO vient de le rappeler - l’innovation

pédagogique, mais aussi l’innovation dans les métiers, font partie des traits structurants et des fondamentaux qui nous unissent, et qui ont donné lieu à la création d’un certain nombre d’outils :

- des incubateurs, dont un qui est implanté à l’Ecole des Arts et Métiers, - les ADICODE, ateliers d’innovation et du co-design, que le groupe HEI, ISA, ISEN a

porté auprès de l’ANR, l’Agence Nationale pour la Recherche, au titre des initiatives d’excellence pour les formations innovantes, et qui consiste à placer des étudiants de provenances diverses dans des situations ramassées dans le temps, pour qu’à un instant T, en tenant compte des connaissances données, ce groupe d’étudiants puisse apporter des réponses à une sollicitation extérieure, portée soit par une institution, soit par une entreprise.

- la Formation professionnelle et continue, dont la réunion, aujourd’hui, est un des événements qui contribue à la formation permanente de l’ensemble des personnels chargés d’encadrer les jeunes, ici.

La CRGE essaye, à travers ces différentes représentations, de peser dans les débats

locaux sur l’avenir de la COMUÉ, sur ses projets d’investissements, sur ses projets de recherche, et sur l’harmonisation des cartes de formations. Et pour ce faire, la CRGE a

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organisé son travail au sein de 4 commissions, dont la nôtre, celle qui nous réunit ici, que nous dirigeons avec Géraldine LONGUÉ qui prendra la parole juste après moi, et qui doit vraiment beaucoup à l’activité de Jean-Pierre HILLEWAERE. C’est « Pédagogie et Vie Etudiante », qui essaye de trouver, effectivement, les meilleures méthodes pédagogiques, d’encadrement et de suivi du parcours et de formations des étudiants. Pour ceux qui le souhaitent, l’ensemble des informations est disponible sur le site de la CRGE. Les comptes-rendus des commissions et des groupes de travail sont accessibles à tout un chacun.

La CRGE réfléchit à sa stratégie au sein de ces groupes de travail, et la déploie ensuite.

La parole y est portée dans plusieurs institutions, instances, groupes de partage et de prise de parole :

- Les Pôles de Compétitivité de la Région, - La Société de Transferts de Technologies, qui a été complètement réaménagée, il y

a maintenant 2 ou 3 ans. - Le Parlement du Savoir, qui, instauré par l’Etat et par la Région, rassemble 113

membres représentant les différentes composantes, à la fois des territoires du monde économique et du monde académique local.

- Le CESER, le Comité Economique, Social et Environnemental Régional, - L’Espace Stratégique mis en place entre le Parlement du Savoir et la COMUÉ pour

redéfinir d’un point de vue plus opérationnel les décisions ou les lignes directrices définies au sein du Parlement du Savoir, pour essayer de mieux les articuler avec les activités et les décisions des différents membres de la COMUÉ.

- Le Conseil de Développement de Lille, - ADRINORD Ce sont toujours des endroits où la CRGE est représentée en tant que telle, et porte la

voix collective que nous essayons d’harmoniser au mieux. Jean-Marc IDOUX, ancien Directeur d’HEI, et maintenant du Groupe HEI, ISA, ISEN,

nous représente. Plusieurs Vice-présidents représentent chacun des 3 collèges : - Jean Philippe AMMEUX pour l’ensemble des écoles de commerce, donc les 4 écoles

de commerce dont vous avez vu figurer les noms tout à l’heure. - Daniel BOULNOIS, qui représente les écoles d’ingénieurs, - Pour ma part, je représente les autres écoles. - Le Secrétaire, Bernard-Gilles FLIPO, qui vient de nous accueillir, - Géraldine LONGÉ, qui assure la surveillance de nos finances en tant que Trésorière. Donc, je vais laisser la parole à Géraldine LONGÉ, qui va nous dire comment nous avons

imaginé la tenue de ce colloque. Prenons ce colloque comme une réunion de travail, de partage d’échanges, permettant

non pas de nous former, mais vraiment de nous tenir à la pointe de l’actualité en ce qui concerne le sujet, d’essayer de faire partager nos bonnes pratiques. Soumis au nécessaire objectif d’insertion professionnelle de nos jeunes et à une meilleure formation, nous avançons parfois sans trop savoir si nous sommes dans les bonnes méthodes, si nous employons les bons termes. En tout cas, nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.

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Je vous remercie vraiment, au nom de la CRGE, d’être venus nombreux pour ce

partage. Et je remercie toutes les entreprises, petites ou grandes, qui sont venues témoigner de la manière dont elles accueillent en leur sein nos étudiants.

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PRESENTATION DU COLLOQUE

Géraldine LONGÉ : Merci Jean-Marc. Bonjour à tous. En effet, je voulais introduire le thème de cette après-midi. Au cœur de notre réflexion,

on trouve l’entreprise. L’objectif, c’est d’avoir différents témoignages sur le thème de l’entreprise comme espace pédagogique : la relation de l’entreprise avec nos établissements de formation, et la relation de l’entreprise avec ses apprenants, qu’ils soient stagiaires, alternants, ou bien apprentis.

Aujourd’hui, en tant qu’établissement de formation, quand nous avons des relations avec des entreprises, c’est souvent à travers les personnes que l’on forme, et qui, au sein même de ces entreprises d’accueil, vont être accueillies soit en tant que stagiaires - s’ils ont un statut d’étudiant - soit en tant qu’alternants - s’ils sont reçu par le biais d’un contrat de professionnalisation ou d’une période de professionnalisation - soit en tant qu’apprentis – s’ils sont accueillis aux termes d’un contrat d’apprentissage.

Dans un premier temps, je vais proposer à Monsieur THEBAUT, de la MAIF, de venir

nous apporter son éclairage sur les responsabilités des entreprises et des établissements de formation, par rapport à ce qui touche à l’accueil d’un stagiaire.

Dans un deuxième temps, j’’inviterai tous les DRH à me rejoindre pour la table ronde. Merci monsieur THEBAUD.

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Philippe THEBAUD, Responsable Service développement Associations et Collectivités

à la MAIF : Merci, et bonjour à tous. Je m’appelle Philippe THEBAUD. Je fais partie de la Direction Association et Collectivité

de la MAIF. Je suis juriste de formation. J’ai été sollicité par Monsieur HILLEWAERE, que je remercie, pour intervenir sur les stages.

J’ai discuté tout à l’heure avec certains d’entre vous. Pour certains, il y a la

problématique de l’apprentissage, de l’alternance. Je ne m’aventurerai pas à répondre sur ses sujets là, qui sont ultra-techniques. Néanmoins, je peux laisser mes coordonnées. Vous pourrez m’appeler si vous avez besoin qu’on échange après, sur le sujet.

Je suis venu évoquer avec vous la problématique de l’accueil du stagiaire, plutôt sous

l’angle « quand ça ne se passe pas bien ». Je fais partie d’une compagnie d’assurances, d’une mutuelle. Forcément, quand les dossiers arrivent chez nous, c’est souvent parce que ça se passe mal. Ceci nous amène à descendre sur le terrain pour faire de la formation et de la prévention. C’est vrai que l’accueil du stagiaire, d’un point de vue du droit, est quelque chose de très compliqué, de très pénible, de très technique. C’est surtout quelque chose qui n’est pas logique. S’il y a des juristes dans la salle, je m’excuse, mais je vais vraiment expliquer à gros traits.

Si on veut faire simple, le premier paradoxe quand on parle d’un étudiant qui va faire

un stage, c’est son statut en cas d’accident. Vous savez comme moi que la convention de stage qui est signée entre l’Entreprise, l’Ecole et le stagiaire n’est pas un contrat de travail. Pour autant, le Code de la Sécurité Sociale est très clair sur le sujet. A partir du moment où il effectue un stage en entreprise, l’étudiant – au même titre que les élèves du secondaire dans le technique, etc. – va bénéficier du régime « accident du travail/maladie professionnelle ». C’est un régime qui est alimenté par une caisse spécifique : la caisse « accident du travail/ maladie professionnelle » de la Sécurité Sociale, et pas par la mutuelle étudiante. Ce sont 2 choses différentes. Ce qui sous-entend qu’il faut que les étudiants soient déclarés à l’URSSAF pour pouvoir bénéficier de ce régime. Tantôt, c’est l’Ecole qui déclare l’étudiant, tantôt, c’est l’entreprise. Ca dépend du montant de la gratification dont bénéficie le stagiaire.

La question, c’est de savoir ce qui va se passer en termes de responsabilité lorsqu’à

l’occasion du stage, le stagiaire est victime d’un accident, ou est blessé. Est-ce que c’est l’entreprise d’accueil ? Ca peut paraître logique parce qu’effectivement, c’est cette entreprise qui est dépositaire de la mise en œuvre des règles de sécurité dans le cadre de l’accueil du stagiaire. Pour autant, la logique, ici, n’est pas suivie, parce que les tribunaux sont très clairs, et ce depuis très longtemps. Celui qui est considéré comme employeur au sens de la sécurité sociale – et non pas du Code du travail, puisqu’il n’y a pas de contrat de travail – c’est l’école, l’établissement, ou l’université qui envoie le stagiaire.

Donc, ça veut dire que lorsque le stagiaire se blesse, s’il envisage de rechercher une

responsabilité, la seule possibilité qui s’ouvre à lui dans le cadre de l’accident de travail dont

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il est victime, c’est de rechercher la responsabilité de son employeur. En l’occurrence, il s’agit de l’Ecole, de l’établissement qui l’a envoyé en stage. A partir du moment où ce processus se met en place, on va arriver devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, puisque le régime « accident du travail » dépend du Code de la Sécurité Sociale. Ca n’est pas un tribunal de droit commun, comme le Tribunal de Grande Instance qui traite de beaucoup d’affaires. Il s’agit vraiment d’un régime dérogatoire.

Cette mécanique est assez complexe, et surtout, elle a beaucoup évolué au fil des ans.

Parfois l’histoire permet d’expliquer simplement des choses. Dans quelles conditions l’école, l’établissement, peut être tenue responsable d’un accident du travail dont a été victime un étudiant stagiaire ? C’est uniquement lorsque l’étudiant démontre que son employeur, c’est à dire l’école, a commis ce qu’on appelle en droit « une faute inexcusable ».

La faute inexcusable, on se doute que ça doit être quelque chose de grave, mais on a

un peu de mal à la cerner. Cette notion de faute inexcusable a évolué avec le temps. Je vous rappelle un peu la mécanique de l’accident du travail. C’est quelque chose qui n’est pas nouveau en France, et qui a commencé à la fin du XIXème, quand on a donné la possibilité au salarié qui se blessait pendant le temps de travail de se faire indemniser des préjudices qu’il avait subi, notamment des blessures. A l’époque, le salarié pouvait se faire indemniser de tous les préjudices subis. En droit, les préjudices sont nombreux. Il y a les frais de soins, l’incapacité physique dont on peut être atteint à la suite de l’accident, mais il y a aussi de nombreux autres préjudices. :

- « Je vais souvent au ski, et comme maintenant, j’ai une jambe droite qui ne bouge

plus, je ne peux plus en faire », je peux réclamer un préjudice d’agrément. - « Je suis dans un fauteuil roulant, je ne peux plus avoir de rapports sexuels », je

peux demander un préjudice sexuel. - « Je me destinais à une carrière de pilote de chasse, je ne peux pas le faire parce

que je suis handicapé », je vais demander un préjudice professionnel. - « Je me blesse, je me fais mal, je vais demander à être indemnisé de ce qu’on

appelle le pretium doloris, le prix de la douleur ». On chiffre la douleur de 0 à 7. Plus ça monte dans l’échelle, plus ça a fait mal, et plus le responsable paie.

Bref, en droit, tout s’indemnise. La compensation, c’est de l’argent. Au départ, les salariés avaient le droit d’aller rechercher la responsabilité de leur

employeur lorsqu’ils s’étaient blessés, pour se faire indemniser de tous leurs préjudices. Mais pour se faire indemniser, on leur disait « il va falloir que vous prouviez devant un tribunal que

votre employeur a commis une faute ». Et ça, c’était compliqué pour les salariés. Matériellement, d’abord, parce qu’il faut avoir la connaissance, connaître les règles de sécurité dans l’entreprise, et démontrer qu’elles n’ont pas été respectées. Mais aussi psychologiquement, compte tenu de la crainte de perdre son travail suite à ces poursuites. Donc, face à ce problème, le droit du travail a évolué, et a automatisé l’indemnisation du salarié.

On a mis en place ce qu’on appelle une indemnisation forfaitaire. Dès qu’il y a un accident, ça ouvre droit, automatiquement, pour le salarié et par la sécurité sociale, à l’indemnisation de certains préjudices :

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- Les pertes de salaires. Par les indemnités journalières, on maintient le salaire. - Les frais de soins sont remboursés. - Si jamais j’ai une incapacité permanente partielle, je peux avoir une rente de la

sécurité sociale. Par contre, tous les autres postes de préjudices que j’évoquais (le prix de la douleur,

etc.) ne sont absolument pas indemnisés par la sécurité sociale. Et la rente versée par la sécurité sociale n’a rien à voir avec la rente que vous pourriez obtenir à la suite d’un accident de voiture, devant un tribunal civil. En exagérant à peine, ça doit être dix fois moins.

A partir de là, une mécanique s’est mise en place dans l’après-guerre. On a dit aux

employeurs « Vous allez payer pour alimenter une caisse. On va créer une caisse au sein de la

sécurité sociale, et vous, employeurs, vous allez alimenter cette caisse par des cotisations que

vous versez à l’URSSAF quand vous avez des salariés. A partir du moment où vous alimentez

cette caisse par vos cotisations, en cas d’accident du travail, et par le jeu de la mutualisation,

c’est cette caisse qui va indemniser automatiquement les salariés. Mais en échange de cette

cotisation, on va vous donner une immunité. C’est donnant-donnant. On va vous garantir que

votre responsabilité ne pourra jamais être recherchée s’il y a un accident du travail. C’est un

peu comme un contrat d’assurance. Vous payez des cotisations, et quand il y a un problème,

c’est l’assureur qui paye, et non pas vous, même si vous êtes responsable ». C’est cette mécanique qui s’est mise en place dans le cadre de l’accident du travail.

Mais on a dit « Vous cotisez. Avec ces cotisations, on indemnise en cas d’accident du

travail, et en échange de ces cotisations, vous avez une immunité. Votre responsabilité ne

pourra pas être recherchée, sauf dans un cas : quand vous commettez une faute dite

inexcusable ». Ca sous-entendait que, même en cotisant, ce que l’employeur avez fait était tellement impardonnable en matière de non-respect de sécurité, que sa responsabilité pouvait être recherchée. Donc, de ce fait, il pouvait payer deux fois. Ca sous-entendait que cette faute était vraiment énorme. Je ne vais pas trop vous embêter avec des textes, mais je vais vous donnez un peu la consistance de ce qu’était cette faute à l’origine. On parlait « d’une faute d’une exceptionnelle gravité, d’une omission involontaire de la conscience du danger que devait avoir son auteur, c’est à dire l’employeur, et de l’absence de cause justificative ». Tout ceci constituait une faute d’une exceptionnelle gravité. Ca n’était pas simplement un petit oubli dans la norme de sécurité. C’était presqu’un fait intentionnel. Ca n’était pas intentionnel, mais on en n’était pas loin.

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Donc, lorsqu’un accident du travail survenait, pour mettre en cause la responsabilité de son employeur devant le tribunal de la sécurité sociale, il fallait que le salarié arrive à démontrer que son employeur avait commis une faute extrêmement grave. Autant dire que ça arrivait assez rarement. Il y avait des cas de figure où une faute très grave était démontrée, mais c’était très compliqué pour le salarié de démontrer une faute d’une telle gravité. S’il y arrivait, l’avantage que ça lui donnait, c’est qu’au delà des avantages que lui donnait la sécurité sociale, il pouvait faire payer par son employeur tous les préjudices qui n’étaient pas remboursés par la sécu : le prix de la douleur, le préjudice d’agrément, etc. Quelqu’un qui reste dans un fauteuil roulant, et qui est atteint d’une tétraplégie, il y a un élément qui n’est pas remboursés par la sécurité sociale, c’est ce qu’on appelle la tierce personne, c’est à dire la personne qui va aider l’accidenté à faire tous les actes de la vie quotidienne. C’est donc quelqu’un qui est quasiment 24 heures sur 24 auprès de la victime, et qu’il faut payer. Et quand la victime a 21 ans, avec le taux de l’espérance de vie en France, vous imaginez ce que ça peut représenter en termes d’indemnités. Ca, c’est à l’employeur de le prendre en charge si sa faute inexcusable est démontrée.

Avec la définition de la faute inexcusable, statistiquement, sur 10 accidents du travail, il

y avait à peine 1 ou 2 employeurs condamnés. C’était à peu près ça jusqu’en 2002. Et en 2002, il y a eu un retournement complet de la part des tribunaux, et de la Cour de Cassation, qui est l’organe suprême en France en matière de jugement. La définition de la faute inexcusable a complètement changé. C’était les fameux arrêts sur l’amiante, sur l’éternit. Là, on était plus sur la maladie professionnelle, mais la mécanique est la même. Et la Cour de Cassation n’était plus du tout sur « la faute d’une exceptionnelle gravité ». Elle a même dit : « L’obligation de sécurité qu’a l’employeur à l’égard de ses salariés est une obligation de

résultat ». Une obligation de résultat, en droit, ça signifie que vous garantissez quasiment l’accident zéro. Et si un accident survient, votre responsabilité est quasiment automatique. Et surtout, la Cour de Cassation a dit « on va apprécier la faute de l’employeur d’une manière

abstraite ». Avant, le juge disait « Il s’est passé tel accident. Est ce que l’employeur, compte

tenu des faits et des circonstances, pouvait avoir conscience du danger ? Et si oui, qu’a t-il mis

en face pour essayer de l’éviter ? ». Ca n’est plus cette question qu’on pose, désormais. Maintenant, on dit « Compte tenu de l’accident, l’employeur aurait-il du avoir conscience du

danger ? ». Et là, forcément, quasiment 10 fois sur 10, il aurait du en avoir conscience, s’il était un bon employeur. Donc, ce retournement de la jurisprudence fait qu’aujourd’hui, sur 10 accidents de travail, on a quasiment 7 ou 8 employeurs qui sont condamnés. Il est important de savoir que cette notion de faute inexcusable n’est plus du tout celle d’après-guerre, au moment de sa création. Aujourd’hui, pour un salarié, faire reconnaître la responsabilité de son employeur, c’est quelque chose de relativement facile.

C’est la même chose pour un étudiant en stage qui est blessé. Quand il va appeler

l’Ecole devant le tribunal de la sécurité social, ça sera assez facile de faire reconnaître sa responsabilité. A partir de là, en discutant avec des directeurs de grandes écoles, certains m’ont dit « Dont acte ! Néanmoins, ça n’est pas très grave, parce que si on est condamnés,

mais qu’on sait que l’accident est du à un manque de vigilance de l’entreprise (non-respect

des règles de sécurité, mauvais encadrement du stagiaire), à ce moment là, on se retournera

contre l’entreprise ». Ca, c’est la logique mathématique. Sauf que le droit est tout sauf logique, et tout sauf mathématique. La Cour de Cassation, depuis 2007, interdit strictement à une école de se retourner contre une entreprise d’accueil.

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A la MAIF, on a plaidé des dossiers jusque devant la Cour de Cassation dans ce cadre.

On assurait l’école, on a indemnisé la victime, l’étudiant. On a même eu un dossier où le chef d’entreprise avait été condamné pénalement à titre personnel, tellement il y avait un problème au niveau sécurité. Et bien même dans ce cas de figure là, avec un chef d’entreprise condamné pénalement suite à l’accident, la Cour de Cassation refuse systématiquement ce qu’on appelle l’action récursoire de l’établissement envers l’entreprise. Il y avait une espèce d’immunité des entreprises d’accueil en matière de stage, en cas d’accident de l’étudiant stagiaire.

C’est quelque chose qui à mon avis devrait changer avec la nouvelle Loi, qui a réformé

les stages en entreprise, et qui est toute récente. J’ai lu beaucoup de choses dessus. Il y a eu beaucoup de commentaires sur la durée des stages, sur les fiches pour les stages à l’étranger, etc. J’ai rarement vu de commentaires sur l’article 8 de cette Loi, qui a été fait par un député lors des amendements déposés par l’Assemblée Nationale, mais qui est absolument fondamental dans le sujet qu’on aborde. A savoir que cet article 8, qui figure aujourd’hui dans la Loi, dit qu’en cas d’accident du travail d’un stagiaire dans le cadre d’un stage en entreprise, lorsque le stagiaire recherche la responsabilité de l’école devant le tribunal de la sécurité sociale, l’école, l’établissement doit appeler à la cause l’entreprise d’accueil devant le tribunal. C’est maintenant une obligation qui est faite à l’école d’appeler à la cause l’entreprise d’accueil lorsque l’étudiant recherche sa responsabilité. Je ne peux pas m’empêcher de penser que si cet article a été mis en place, voté, et maintenant intégré dans le Code de la Sécurité Sociale, c’est pour permettre aux magistrats de pouvoir envisager des transferts de responsabilité, voire des partages de responsabilité. Dans le cas que je citais, avec un chef d’entreprise condamné pénalement, il y a de fortes chances que, pour le tribunal de la sécurité sociale, la responsabilité soit transférée sur l’entreprise, ou qu’il y ait des partages de responsabilité : une partie pour l’entreprise, et une partie pour l’école. C’est une avancée assez importante en matière de responsabilité.

C’est vrai qu’en discutant au cours des interventions que je fais, j’ai vu certains chefs

d’entreprises qui ont dit « Oui, mais c’est encore quelque chose qui risque de freiner les

stages en entreprises ». Moi personnellement - mais ça n’est qu’un avis personnel - je ne crois pas. Je suis peut-être un peu naïf, parfois, mais je ne peux pas m’empêcher de croire que cette disposition ne peut qu’améliorer les échanges entre l’Ecole et l’Entreprise d’accueil en matière de sécurité et d’accueil des stagiaires. Pour une école, les étudiants sont quand même la matière la plus chère, la plus riche. Il faut la protéger. L’école a intérêt à ce que les étudiants ne se blessent pas. Pour l’entreprise, les étudiants sont aussi un vrai vivier. Elle a aussi intérêt à ce que tout se passe bien. Et à partir du moment où on sait qu’en matière d’accident, on pourrait être sur une responsabilité partagée, on a un intérêt partagé à la fois entre l’école, l’étudiant et l’entreprise, et une responsabilité partagée en cas d’accident. Pour moi, ça ne peut que promouvoir la prévention dans le cadre de l’accueil des stagiaires. Je ne dis pas que ça se passera comme ça, mais c’est un vœu pieu.

Retenez ça. C’est vraiment à gros traits, mais j’ai rencontré beaucoup de directeurs

d’école qui ne connaissaient pas cette mécanique. Je terminerai juste par un petit point : c’est le cas de figure où ça n’est pas le stagiaire

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qui est blessé, mais c’est le cas où le stagiaire blesse quelqu’un pendant son stage. Ca arrive aussi régulièrement. La difficulté en la matière, c’est que là, les tribunaux ne sont pas vraiment fixés sur une règle aussi claire que celle de l’accident de travail quand c’est le stagiaire qui est blessé. En fait, il peut y avoir plusieurs possibilités. La première possibilité, qui est souvent mise en œuvre, c’est lorsque la victime va rechercher la responsabilité personnelle du stagiaire, ce qui est un peu ennuyeux, parce que le pauvre n’est que stagiaire.

Après, on s’est interrogé sur la responsabilité de l’entreprise du fait du stagiaire. Là, en droit, ça devient un peu compliqué, parce que comme le stagiaire n’est pas un salarié de l’entreprise, il est difficile d’actionner la responsabilité de l’employeur du fait de son salarié.

Ensuite, on se demande si ça ne peut pas être la responsabilité de l’école du fait de son étudiant. Ca, ça a marché. J’ai vu des arrêts qui l’ont reconnue. J’ai un exemple où un stagiaire a blessé un client de son entreprise. Finalement, la condamnation a été supportée d’une manière solidaire. C’est une condamnation in solidum, entre l’étudiant, l’école, et l’assureur de l’école. La base textuelle était l’article 1384-6 du Code civil sur la responsabilité des enseignants du fait de leurs élèves. C’est un peu tortueux, mais c’est un arrêt de la Cour de Cassation.

Je pense qu’à la limite, il peut y avoir la possibilité d’une responsabilité personnelle du stagiaire. C’est la plus plausible. La responsabilité de l’école du fait du stagiaire, je ne peux pas l’écarter. Elle peut être plaidée et retenue. La responsabilité de l’entreprise du fait du stagiaire semble plus difficile lorsqu’on lit les jugements aujourd’hui. C’est plus difficile, parce que comme le stagiaire n’est pas un salarié, il n’y a pas de lien de subordination. C’est ce lien de subordination qui fait que l’entreprise va répondre des dommages causés par ses salariés. Mais en matière de stage, il n’y a pas de lien de subordination, donc ça ne fonctionne pas. Mais dans d’autres affaires - quand par exemple, un agent d’une commune est mis à disposition d’une entreprise ou d’une association - on ne parle pas de notion de subordination. On parle de notion de donneur d’ordre. On considère qu’au moment de l’accident, c’est bien l’entreprise qui était donneur d’ordre par rapport au stagiaire, et que c’est bien dans ce cadre là que l’accident est survenu. Mais dans le cadre du stage, ça ne fonctionne pas vraiment.

Donc, comme en droit, actuellement, la situation n’est pas bien arrêtée par rapport à

ces deux possibilités de responsabilité du stagiaire à titre personnel, et de l’école du fait de son stagiaire - vous allez dire que je prêche pour ma paroisse – mon conseil, c’est de faire travailler vos assureurs. Un assureur, ça n’est pas quelqu’un à qui on ne fait que donner des cotisations, et qui évite de payer quand quelque chose ne va pas. C’est quelqu’un qui a une obligation de conseils à l’égard de son assuré. Ca veut dire que vous faites travailler vos assureurs pour que, dans le contrat de l’école, votre faute inexcusable de l’employeur soit assurée. Aujourd’hui en France, il est possible de l’assurer. Avant c’était interdit, mais aujourd’hui, on peut. Sur des dossiers où la conséquence de l’accident est une tétraplégie, les enjeux financiers pour l’école peuvent se chiffrer en millions d’euros. Qu’on soit bien clair, c’est de ça aujourd’hui dont il s’agit. Et cette responsabilité s’assure. Un assureur doit savoir le faire. Dans le contrat de l’école, quand on parle des stages, demandez à votre assureur qu’il assure l’école et sa responsabilité du fait et à l’égard du stagiaire, mais qu’il assure aussi la responsabilité personnelle du stagiaire. En cas d’accident, si c’est la responsabilité personnelle du stagiaire qui est recherchée, l’école sera sûre que son étudiant ne paiera pas toute sa vie. C’est le contrat de l’école qui interviendra. Et il faut surtout protéger l’école. Au niveau de l’école, au moment de payer, si vous n’êtes pas assuré ou mal assuré, vous risquez

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d’attaquer les fonds propres et de mettre en péril l’école. La solution curative réside dans l’assurance. Donc, n’hésitez pas à faire travailler vos assureurs. Expliquez-leur de quoi vous avez besoin. Ils sont sensés vous le donner et vous accompagner sur ces problématiques.

Voilà. J’espère que je n’ai pas trop débordé. J’ai fait très court. Géraldine LONGÉ : Merci Monsieur THEBAUD. Je vous remercie pour cet échange sur la notion de responsabilité.

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TABLE RONDE

Philippe THEBAUD, MAIF Véronique DESRUENNES, Orange Saida MEJOUTI, Rabot-Dutilleul Dominique LEMOINE, Groupe Auchan Elodie MULLER, IMMD Géraldine LONGÉ : Monsieur THEBAUD, ce que je vous propose, c’est de venir nous rejoindre, ainsi que

Madame DESRUENNES, de la société Orange, Madame MEJOUTI de la société Rabot-Dutilleul, Monsieur LEMOINE du groupe Auchan, et Madame MULLER, chargée d’entreprise à l’IMMD, qui va représenter les établissements de formation.

Ce que je souhaiterais, dans un premier temps, c’est que vous puissiez échanger sur

tout ce qui touche à la politique d’accueil de vos entreprises concernant les alternants que vous pouvez recevoir, et les éventuels stagiaires. Madame DESRUELLES, je vais peut-être vous laisser la parole en premier.

Véronique DESRUENNES : Bonjour à toutes et à tous. Je suis Véronique DESRUENNES, DRH adjointe chez Orange, à la Direction Orange Nord. Orange s’est lancée dans une politique vraiment volontariste en matière d’intégration

d’alternants et de stagiaires. Je dis « volontariste » pour répondre à deux choses. D’abord, à notre enjeu en termes de diversité. Nous sommes une entreprise qui

développe énormément tous les aspects de la diversité, et en particulier l’égalité des chances. Accueillir des jeunes au titre de l’alternance ou des stages, c’est la preuve, justement, que nous travaillons la diversité.

Le deuxième enjeu qui a conduit à cette politique volontariste, c’est le fait qu’Orange a une pyramide d’âge plutôt élevée. Je dirais au-dessus de 50 ans. Dans les années à venir, d’ici 3 ans, nous nous attendons à avoir beaucoup de départs. Travailler l’alternance et les stages, ça nous donne un vivier de recrutement dans les métiers pour lesquels nous aurons besoin de recruter dans les années à venir. En particulier, il y a deux types de métiers qui sont ciblés. Ce sont les métiers commerciaux en contact avec le client, pour faire de la vente et du business, et les métiers techniques, avec des techniciens au service du client, pour des installations, des dépannages, et d’autres choses techniques.

Cette politique volontariste a été mise en musique dans deux accords. Un accord que

nous avons appelé « accord intergénérationnel », que nous avons signé fin 2013, et un accord qui a été un renouvellement d’accord sur l’alternance, signé en début d’année 2014.

Quelques chiffres pour vous montrer qu’on est sur des choses vraiment importantes. Ce sont les chiffres de la France. Je n’ai pas pris les chiffres de la région Nord :

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- Nous avons 5 000 alternants en France en permanence. C’est un chiffre qui reste à peu près stable d’une année sur l’autre. Quand on a des départs, on renouvelle les postes. Sur la région Nord, pour vous faire le parallèle, j’ai en permanence 300 alternants, dont à peu près 50% sortent chaque année, et 50% sont recrutés, ce qui nous situe à peu près à 7% de l’ensemble de salariés en termes d’alternance.

- On a une politique de stages aussi, puisqu’on accueille régulièrement des stagiaires : 2 500 en France, chaque année, de tous niveaux, de bac +2 à bac +5, avec vraiment la volonté de les accueillir et de les former, de les monter en compétences pour leur donner une vraie expérience professionnelle.

- En fait, ces viviers - puisque nous considérons que tous ces jeunes qui sont chez nous sont des viviers - viennent alimenter les 4 000 CDI qui sont recrutés. Nous avons un plan de recrutement entre 2013 et 2015 de 4 000 CDI, essentiellement sur les métiers que je vous ai cités tout à l’heure, du commerce et de la technique au service du client. Nous allons y puiser, et l’engagement est de puiser a minima 40%, dans nos viviers d’alternants. Donc nous avons vraiment une volonté forte d’intégrer nos alternants.

Cette politique, pour être rapide, nous la déployons sur un certain nombre d’axes en

termes d’accompagnement. Je viens de le dire, nous avons la volonté d’insérer durablement un certain nombre d’alternants. Nous avons, à compétences égales – c’est écrit dans nos accords – l’engagement de recruter des alternants quand nous faisons des recrutements en CDI. Nous avons mis dans l’accord intergénérationnel de 2013, en plus des 5 000 alternants, 1 000 alternants supplémentaires sur le très haut débit qui est un enjeu fort de l’entreprise aujourd’hui et demain. Et sur ces alternants « très haut débit », nous avons pris l’engagement de recruter 80% minimum de ces alternants. Donc, c’est vraiment une intégration durable très volontaire. Et pour que cette durabilité s’inscrive dans les actions, on a un accueil très « processé » des alternants et des stagiaires, avec différentes phases d’intégration :

- On a une formation. Par exemple, un stagiaire ou un alternant qui arrive dans le domaine de la vente, a au minimum 6 à 8 semaines de formation aux métiers d’Orange avant d’être mis en contact avec un client, que ce soit en téléphone ou en boutique. Récemment, on a mis à côté de chaque alternant un tuteur – ça, c’est la loi, un tuteur formé – mais aussi un référent RH pour qu’il l’accompagne dans toute l’intégration dans l’entreprise. Et nous l’accompagnons jusqu’à sa sortie de l’entreprise, puisque la dernière année de l’alternance, ce jeune va pouvoir assister à des ateliers. Il va avoir l’aide d’un conseiller qui va lui permettre de définir son projet professionnel et d’être préparé aux CV, lettre de motivation, entretien. S’il utilise ça pour rentrer en CDI chez nous, très bien. Mais il aura au moins ce bagage là s’il n’est pas pris en CDI chez Orange, pour aller candidater dans d’autres entreprises et bien mettre en évidence son expérience professionnelle.

Voilà les grandes lignes de ce que je voulais partager avec vous cet après-midi. Géraldine LONGÉ : Je vous remercie. Une question, peut-être, tout de suite. Comment est-ce que

l’entreprise Orange fixe ses objectifs auprès de ses apprenants ? Et par rapport à ce que demandent les établissements de formation, notamment quant à l’évaluation de leur travail, comment est-ce que vous concevez ce rôle ?

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Véronique DESRUENNES : Je dirais qu’on a plusieurs types d’évaluation. On a l’évaluation du jeune dans sa situation de travail. Le jeune, après sa période de

formation, monte progressivement en compétences dans l’activité professionnelle. A ce titre, il a deux objectifs, comme tout salarié. Les objectifs sont progressifs. A l’issue des 8 semaines de formation dont je vous ai parlées, on ne lui donne pas directement les objectifs d’un salarié compétent, en poste depuis déjà plusieurs années. Il va avoir une montée progressive de ses objectifs, en même temps que sa montée en compétences. Ca, c’est la première évaluation. Et cette évaluation va nous servir à une autre évaluation, que nous menons dès l’intégration du jeune chez nous. C’est une évaluation qui va lui permettre d’être en vivier. Notre volonté, c’est évidemment de ne recruter en CDI que des jeunes qui sont très bons, voire excellents. Et cette évaluation va venir justement nous permettre d’alimenter ces viviers et de savoir qui nous voulons recruter, et qui nous ne voulons pas recruter.

Géraldine LONGÉ : Je vous propose peut-être de prendre la parole, pour apporter votre témoignage. Saida MEJOUTI : Bonjour à toutes et à tous. Moi, je suis Madame MEJOUTI, du groupe Rabot-Dutilleul.

Nous sommes beaucoup moins gros qu’Orange. On est un groupe familial du Nord spécialisé dans le BTP. J’ai en charge le développement des relations Ecole pour le groupe. Je suis arrivée en 2006. A l époque, nous étions 800. Maintenant, nous sommes 2 000. La création de la Direction RH Groupe s’est faite fin 2008. Au début, je travaillais surtout pour les sociétés du Pôle Construction, et maintenant, je travaille pour toutes les sociétés du Groupe.

Pour vous résumer, Rabot-Dutilleul, à l’origine, c’est la construction, le béton armé. On s’est développé depuis les années 80 sur d’autres métiers, notamment la promotion

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immobilière et tous les métiers liés à la maintenance du bâtiment et à l’optimisation énergétique.

Au début, je gérais 50 stagiaires. Maintenant, on est à un peu plus de 250 stagiaires et un peu plus de 50 alternants.

En ce qui concerne les stagiaires, on a eu récemment un contrôle de l’inspection du travail pour justifier du fait qu’un stagiaire ait été seul sur un chantier. Ca fait sans doute suite à la réforme sur les stages. Ca explique un peu mon retard et l’absence de support.

Nous avons mis en place des guides, qu’on appelle « le guide du stage », et « le guide

du tuteur », pour expliquer à chacun le rôle du stagiaire et le rôle du tuteur, et pour rappeler le contexte règlementaire. Malheureusement, je pense que beaucoup de nos tuteurs pensent que nos stagiaires sont des salariés et exigent peut-être un peu beaucoup. Ils se disent « moi, de mon temps, on me confiait telles responsabilités et je ne comptais pas mes

heures ». Il faut apprendre à nos « anciens managers » qu’aujourd’hui, ça ne marche pas comme ça. On n’a pas affaire aux mêmes générations. Tout est cadré. Donc, on a mis en place ces guides, aussi bien pour les étudiants que pour les tuteurs. Pour les étudiants, on a un autre problème. Ca n’est pas un problème de compétences, mais plus de savoir-être. On peut avoir quelqu’un de très bon techniquement, très bon sur le chantier ou en bureau d’études, mais avec un gros problème de savoir-être, que ce soit pour les stagiaires ou les alternants.

Donc, on a mis en place ces guides, et on a dupliqué également un guide pour les alternants, pour expliquer le rôle du maître d’apprentissage, quand il s’agit d’un contrat d’apprentissage. On fait peu de contrat de professionnalisation, mais plutôt du contrat d’apprentissage, du CAP à l’école d’ingénieur. Je dirais que, depuis que les écoles d’ingénieurs se sont mises au développement de l’apprentissage, on favorise le recrutement d’étudiants en alternance, parce que c’est une très bonne école. On ne recrute pas tout le monde en CDI, à la fin. Un peu comme chez Orange, il y a un carnet de compétences. Il y a une évaluation, des objectifs qui sont donnés sur les 3 ans - puisqu’en général, c’est 3 ans d’apprentissage. Et on incite aussi l’apprenti actuel, et futur collaborateur du Groupe, à faire acte de candidature et à montrer qu’il veut bien rejoindre le Groupe. On ne peut pas embaucher tout le monde et on essaye de garder les meilleurs, surtout ceux qui sont en phase avec nos valeurs, avec les valeurs du Groupe Rabot-Dutilleul. Voilà un peu notre politique d’accueil.

Ce qui a changé, je dirais, c’est qu’avec la réforme sur la taxe d’apprentissage et la

réforme sur les stages, on se pose beaucoup de questions, comme au sujet de la mise en place d’un quota sur le nombre de stagiaires. On n’a pas pour habitude de compter. Tant qu’on a des chantiers, c’est facile d’intégrer un ou deux stagiaires. En bureau d’études, on est plus limités. Mais tant qu’on a des chantiers, on est prêts à former des jeunes et à leur faire découvrir nos métiers. Aujourd’hui, si on nous fixe un quota, se pose la question de qui on privilégie en fonction des métiers à venir. La grosse question sur la taxe d’apprentissage, c’est pareil. Est-ce qu’on va plutôt privilégier les formations CAP jusqu’à bac +2 en apprentissage, ou plutôt les écoles d’ingénieurs, ou les écoles de commerce ou les universités ?

Géraldine LONGÉ : Quelle était la raison, par exemple qui motivait que vous ne preniez pas, jusque

maintenant, de contrat de professionnalisation ?

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Saida MEJOUTI : C’est en majorité parce que les écoles avec lesquelles on travaille proposent

essentiellement des contrats d’apprentissage. C’est être un peu le coût aussi. Aujourd’hui, il y a une histoire de coût financier.

Géraldine LONGÉ : Les salariés qui décident d’être tuteur d’un stagiaire, ou qui décident d’être maître d’un

apprenti, comment ça se déroule chez vous ? C’est plutôt du volontariat ? Saida MEJOUTI : Oui, c’est plutôt du volontariat. Et on a également repéré un certain nombre de

personnes qui sont plus ou moins pédagogues. Il faut accepter de prendre du temps, d’être patient, de transmettre ses compétences. On a aussi repéré des métiers en pénurie, des métiers cibles sur lesquels il faut qu’on forme, aussi bien en stage qu’en alternance. Donc, on est en train de construire une formation « mentor ». C’est aussi lié à l’accord sur les seniors. On est en train, plutôt, de privilégier les personnes qui ont plus de 45 ans, suite à cet accord, puisqu’on est senior à partir de 45 ans - ce sont les textes qui le disent, pas moi. Sur des métiers sur lesquels on a une pénurie, on essaye de privilégier le transfert de compétences. On parle beaucoup de management intergénérationnel, donc on essaye de faire travailler ces deux générations qui sont complètement opposées. Mais on sait que les seniors comme les jeunes ont beaucoup à apporter à l’entreprise.

Géraldine LONGÉ : D’accord. Merci. Monsieur LEMOINE, peut-être un autre témoignage ?

Dominique LEMOINE : Oui. Bonjour à toutes et à tous. Moi, je vais peut-être vous décevoir parce que je n’apporte pas de chiffres au niveau du

nombre de stagiaires. Je ne suis pas RH, mais seulement architecte au sein d’un Groupe. Moi, je venais plus pour parler de la diversité des métiers. On est environ 300 000

salariés au sein du Groupe. On a donc beaucoup de stagiaires. Je ne peux pas vous donner de nombres.

Dans mon petit service, on est 8. C’est un service d’appui à l’international sur les faisabilités des nouveaux projets. Donc tous les nouveaux pays que je vais vous énumérer : la Russie, l’Ukraine, la Chine, et d’autres aussi qu’on ne connaît pas encore parce qu’on est en première phase de « conquête » - Ce terme n’est peut-être pas très judicieux.

J’ai initié depuis maintenant 6 ans de proposer des stages pour des étudiants architecte avec la volonté de construire une belle aventure avec eux, c’est à dire d’avoir vraiment un sujet qui, pour nous, est compliqué à aborder par manque de temps. Et donc, on s’impose, grâce à ça, de travailler sur un sujet donné.

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En ce qui concerne Immochan, c’est intéressant parce que c’est là que se situent tous les projets, du moins la partie architecture sur des projets qui sont très différents de ce qu’on peut connaître en France. On n’est plus du tout sur l’étalement. On est sur de l’urbain, du projet compliqué, et c’est très intéressant pour les étudiants d’être confrontés avec des projets complexes. Un étudiant, cet été, a travaillé sur le devenir d’un ancien centre commercial de première génération, comme on peut les connaître autour de la Métropole, pour le transformer véritablement en quartier urbain. Il était enthousiasmé. Il est parti en Espagne et a pu avoir une grande liberté, tout en étant accompagné.

Ce que je voulais mettre en exergue, c’est qu’il faut se méfier un petit peu. Il y a des entreprises qui ont beaucoup de métiers différents. Bien sûr, le premier métier, c’est le commerce. Mais à côté de ça, il y a des ingénieurs, des architectes, plein de métiers différents.

Géraldine LONGÉ : Ce sont des stagiaires, que vous avez ? Des alternants ? Vous avez les deux ? Dominique LEMOINE : Moi, je prends des CDD en complément l’été, mais surtout des stagiaires, dans un stage

diplômant, qui est en fin de 4ème année. Géraldine LONGÉ : Alors justement, par rapport à l’accueil de ces stagiaires, si vous devez vous adresser

aux établissements de formation – il y en a beaucoup dans la salle – qu’est ce que vous attendez d’eux quand vous accueillez un stagiaire ?

Dominique LEMOINE : Tout d’abord, je pense qu’il faut bâtir ensemble. Volontairement, je passe du temps sur

le choix du sujet, parce que c’est 3 mois passés ensemble. Il n’y a peut-être pas assez d’échanges avec l’établissement – je parle de l’école d’architecture –parce que le sujet pourrait devenir en même temps un sujet pédagogique pour l’école. Et je suis toujours étonné de voir arriver des étudiants qui ne sont pas assez ouverts sur l’entreprise, et qui ont une image de leur futur en agence, ou installé.

Ca change un petit peu, mais il y a 7 ans, c’était ça. C’est beaucoup plus ouvert que ça, heureusement. Les architectes sont partout dans l’entreprise, et souvent sur des sujets plus qu’intéressants. Moi, j’ai pu comparer. Je suis parti 2 ans en agence. J’ai quitté 2 ans la société Auchan pour aller dans une agence d’architecture, où je travaillais aussi le commerce. Mais j’ai pu voir qu’on avait des sujets parfois plus intéressants au sein de l’entreprise, parce qu’on est en amont des projets, et sur des projets très complexes.

Après, on est en liaison avec un architecte extérieur qui va faire, bien sûr, les permis et les autorisations. Mais j’essaye d’ouvrir l’étudiant, et de le préparer au futur, de lui dire qu’il y a beaucoup de choses possibles, et aussi de lui faire comprendre la nécessité de la capacité à aller vite, et de savoir donner des réponses sur les évolutions, par exemple, du commerce.

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Géraldine LONGÉ : Si on recentre sur ce que je vous avais demandé, ce que vous attendez de l’organisme

de formation, c’est peut-être davantage d’exploitation de ce qui peut être fait en entreprise ? Dominique LEMOINE : Voilà. Et puis m’aider aussi à recruter, parce que j’ai du mal à trouver des stagiaires.

C’est très étonnant. Je dépose une annonce sur le site de l’ordre des architectes, mais ça met un temps fou pour avoir 3 réponses. C’est assez incroyable. Est-ce que l’intitulé n’est pas assez séduisant ? Je ne sais pas. Mais je suis très étonné. Ou alors c’est au tout dernier moment.

Géraldine LONGÉ : En signant un contrat de travail avec vous, on n’est pas tout à fait dans la même

relation ?! Est-ce que vous mettez tout le monde dans le même sac, ou est-ce que, quelque part, vous considérez que les attentes doivent être différentes en fonction du fait que la personne est accueillie chez vous en tant que stagiaire ou bien en tant qu’apprenti ou alternant ?

Saida MEJOUTI : C’est différent. Les stagiaires et les apprentis sont deux choses différentes. L’alternant a

souvent du mal à comprendre qu’il est salarié. Ca vient avec le temps, mais c’est vrai que ça n’est pas la même chose.

Et pour rejoindre Monsieur LEMOINE, je pense qu’on ne leur ouvre pas assez le champ des possibles sur les métiers. Dans le BTP, autant le domaine du chantier est connu, autant on a plein de métiers qui gravitent autour du chantier. Ca, c’est méconnu des étudiants. Pour apporter quelques éléments de réponse à Monsieur LEMOINE, il faut être visible, aller dans les écoles, multiplier les interventions, faire des ateliers de partage d’expérience.

Il y a aussi une chose qui marche très bien, c’est tout ce qui est réseaux sociaux. Là-dessus, les étudiants sont à la pointe. On n’a pas forcément le temps en entreprise. Je sais de quoi je parle. Je suis en RH, et je n’ai pas le temps d’aller tchater avec les étudiants. Mais il faut faire passer quelques petits messages très simples, sur Viadeo ou LinkedIn : « on cherche un profil architecte ». Il faut séduire un peu l’étudiant. Aujourd’hui, l’entreprise doit aller séduire les étudiants. C’est ce qu’on nous demande aujourd’hui. Attention, moi je parle d’aller séduire les étudiants. Ca n’est pas leur vendre du rêve. On n’est pas Bouyghes ou Eiffage. Je leur parle surtout des valeurs qu’ils sont sensés retrouver chez nous.

Géraldine LONGÉ : D’accord. Et par rapport à ça, en quoi les établissements de formations avec lesquels

vous travaillez peuvent vous être utiles ? Saida MEJOUTI :

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J’ai du mal avec certaines écoles. Parfois, ils ont du temps libre le jeudi après-midi, pour des évènements organisés par le BDE. Mais nous, en face, on n’a pas un nombre suffisant d’étudiants. Donc, on est un peu frustrés et déçus. Je fais intervenir des directeurs qui n’ont pas forcément le temps. Donc, si je n’ai que 10 étudiants devant moi, c’est un peu frustrant.

Il faudrait peut-être bloquer des plages horaires, une fois par mois. « Vous avez des

ateliers, c’est obligatoire, vous avez un amphi de présentation de telle société, ou vous avez

une visite de site, c’est obligatoire ». Je pense qu’il faut le rendre obligatoire, sinon les étudiants viennent, ou ne viennent

pas, ou s’affolent à la dernière minute. On n’a pas de mal à avoir des candidatures pour tout ce qui est stage chantier, parce

que ça parle plus. Mais pour certains profils, en bureau d’études, ou même pour la promotion immobilière, ou sur tout ce qui est aménagement urbain, les métiers sont peut-être moins connus, ou ont moins la cote.

Véronique DESRUENNES : Pour compléter, et donner un autre angle de vue, c’est vrai que « stagiaire » et

« alternant », c’est complètement différent dans les relations avec les écoles. Nous, nous allons beaucoup plus loin dans l’alternance que sur les stages.

Dans l’alternance, on essaye vraiment de développer les relations avec les écoles, parce que notre objectif, c’est vraiment que le jeune réussisse son diplôme. C’est ce qui va lui donner une qualification, ce qui lui permettra de trouver un travail. Et en lui donnant une expérience professionnelle, ça va lui donner des éléments supplémentaires sur son CV. Donc, tous les ans, on va voir les écoles avec lesquelles on travaille l’alternance. Moi, 90% de mes alternants sont sur du bac +2, commerce ou technique. Donc, c’est un certain nombre d’écoles. Je suis même allée, l’année dernière, jusqu’à signer des conventions avec certaines écoles pour ouvrir des classes spécifiques à Orange.

En Picardie, par exemple, nous avons signé une convention avec une école parce que nous avons besoin d’un BTS technique, ou d’un bac +2 technique qui n’existait pas là-bas. L’école a accepté de créer une classe. Nous avons signé une convention, et nous avons créé cette classe de 12 ou 13 étudiants l’année dernière pour des métiers techniques. On essaye d’aller dans une relation forte avec l’école, pour bien encadrer le jeune, pour qu’il réussisse son diplôme, sa scolarité, et son expérience professionnelle. En étant vraiment solidaires, école et entreprise, on arrive à des bons résultats. Et d’un point de vue « offre de places dans les écoles », on va jusqu’à signer des conventions quand on n’a pas le diplôme recherché sur place.

Géraldine LONGÉ : D’accord. Peut-être un témoignage côté école, justement. Madame MULLER… Elodie MULLER : Merci. Bonjour à tous. Effectivement, maintenant, on va partir côté école, mais vous

allez voir qu’on va s’y retrouver, parce que, vraiment, je me suis retrouvée dans les discours des différents intervenants.

Moi, je travaille avec l’IMMD, l’Institut du Marketing et du Management de la

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Distribution. J’ai moi-même une carrière de 15 ans dans la distribution, chez Auchan et Leroy-Merlin.

Aujourd’hui, je suis en charge des relations entre les entreprises, que je représente au sein de l’école, et l’IMMD. Le but, en fait, c’est vraiment de faire coller au maximum le programme d’enseignement de l’IMMD, la durée et le contenu des stages, avec les attentes des entreprises.

Donc, l’AFMD, qui est l’association qui représente les enseignes au sein de l’école - soit actuellement 14 enseignes de la distribution - c’est l’association qui a été à la genèse de la création de l’IMMD il y a 30 ans. Il y a 30 ans, on n’était pas dans la situation d’emploi qu’on connaît actuellement. En fait, on avait des besoins dans la distribution, et clairement pas de main d’œuvre adaptée pour travailler sur ces postes là.

Donc, à l’époque, ils ont créé MD, un diplôme universitaire, qui est devenu ensuite une faculté. L’IMMD est une faculté qui délivre des diplômes de la Licence jusqu’au Master.

Quand je dis qu’on va vraiment s’y retrouver sur l’insertion, c’est que je pense que ce qui existe aujourd’hui entre l’IMMD et les enseignes de la distribution, c’est un modèle unique en France. On fait partie du Conseil d’Administration (quand je dis « on », je parle des entreprises). On est présents au Conseil d’Administration. On décide ensemble des programmes de cours. Ensuite, les maquettes sont forcément labellisées au sein des différentes directions universitaires. Mais on décide ensemble quelles compétences il faut avoir pour tel diplôme, pour que le jeune soit employable et évolutif au sein des métiers de la distribution. On décide ensemble des stages. L’IMMD, c’est une école en 5 ans, de la Licence I au Master II. Sur les 5 ans, vous avez 50% d’alternance. Et si on ne prend qu’à partir de la Licence 3, on est à 70% d’alternance. Par exemple pour la première année, ils arrivent en septembre, et on leur dit « en décembre, c’est 15 jours en distribution, en magasin ». Je peux vous dire qu’en général, s’ils survivent, c’est qu’ils sont faits pour la distribution.

Ensuite, ils continuent en fin d’année avec un stage de 8 semaines. Et la deuxième année, c’est pareil.

La Licence, ils peuvent la faire directement en alternance, ou bien ils la font en formation initiale avec un stage à partir du mois d’avril.

Au niveau du Master, ils peuvent choisir soit la voie de l’alternance par l’apprentissage, soit la voie de la formation initiale avec des stages. La dernière année se fait en alternance.

En fait, on a des jeunes qui sont super-opérationnels. Ils arrivent en magasin, et forcément, ils savent ce que c’est un magasin, ils savent ce qu’est une tête de gondole, ils savent ce qu’est un besoin client. En fait, au fur et à mesure de leurs stages, ils ont acquis les compétences techniques et opérationnelles qui allaient avec les savoir-faire qui leurs ont été transmis par l’université.

On a vraiment un bon maillage des choses, et du coup, on arrive à un taux d’insertion qui est de 90%, 3 mois après le diplôme. C’est quand même assez génial, surtout en ce moment. Nous avons des jeunes qui sont évolutifs, et qui aujourd’hui occupent des postes importants dans l’ensemble des enseignes de distribution, que ce soit des métiers en magasin, ou des métiers en centrale d’achat, en contrôle de gestion, etc.

Comment on construit notre pédagogie ? Je vous l’ai dit, on est vraiment maillés avec

les entreprises. Et donc, ça veut dire qu’on va faire des COP. Qu’est ce que c’est qu’un COP ? C’est un Comité d’Orientation Pédagogique. On va réunir les différents DRH qui travaillent avec nous, et leur dire « Voilà. Pour un étudiant qui sort de Licence, quelles compétences lui

faut-il ? Quel savoir-faire et savoir-être - on travaille aussi beaucoup dessus – lui faut-il pour

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être employable au sein d’Auchan, au sein de Leroy Merlin, au sein de Castorama… ? ». Par exemple, l’année dernière, on a ajouté à nos programmes des interventions de

professionnels, de juristes notamment. Un cours sur les CE, les DP et les CHSCT, c’est bien. Maintenant, si vous avez un professionnel qui vient vous expliquer comment, chez lui, il anime le CE, le DP, le CHSCT, et les problèmes qu’il peut avoir, ça parle plus aux étudiants.

Ensuite, les professionnels sont présents sur toutes les épreuves importantes de la vie de l’étudiant, que ce soit au moment de l’entrée, de la sélection, ensuite sur les soutenances de stages, forcément – les stages ont une valeur très importante dans la notation. Les professionnels sont là pour les jurys de présentation des stages. Ils sont là sur une matière fondamentale qui est le Grand Oral. En général, quand je dis ça, les étudiants commencent à trembler. Le Grand Oral, c’est une épreuve qui leur permet de passer en Master II. Ils tirent un sujet qui est sur une des 10 matières fondamentales du programme. Ils vont exposer, en fait, une théorie sur ce sujet, leur problématique, et ils ont en face d’eux le responsable de la matière, un enseignant, et un professionnel de la distribution qui va vérifier que ce qui est dit est bien en rapport avec la réalité, et que c’est bien ce qui existe dans la vraie vie.

Ensuite, on a beaucoup de professionnels qui animent des cours, qui viennent faire des conférences. Les conférences, chez nous, sont obligatoires, parce qu’on est aussi sur une population, une génération où ils fonctionnent beaucoup par l’envie. Et il faut savoir les séduire. La distribution, ça n’est pas forcément un secteur très séducteur, au départ. On ne se dit pas « Tiens, je veux être chef de rayon, plus tard ». Par contre, on arrive à les séduire par les politiques que mettent en place les entreprises. Ils viennent faire des conférences sur des métiers. On les ouvre sur des métiers qu’ils ne connaissent peut-être pas. Ca peut être l’expansion… Il y a plein de métiers dans la distribution, et on leur fait connaître tout ça.

On fait des jeux d’entreprises. On a un de nos partenaires qui est dans la salle, d’ailleurs. On a des conférences sur des thèmes précis, par exemple l’animation RH. On fait des TD. Là, c’est pareil. Ce sont des professionnels qui viennent co-animer les TD. Le brief, la structure du cours est construite par l’enseignant. Par contre, le professionnel vient témoigner de ce qu’il vit, et donner des conseils aux jeunes. On fait des simulations d’entretiens au niveau de la Licence et au niveau du Master, pour les préparer au mieux à aller en entreprise et qu’ils n’arrivent surtout pas sur un forum en disant « Bonjour, qu’est ce

que vous me proposez ? ». Moi, pour avoir été de l’autre côté, à chaque fois, ça me hérissait le poil. « Je n’ai rien à vous proposer. C’est vous qui avez des compétences ou un savoir-faire à

me vendre ». On fait aussi du suivi en entreprise. On en parlait tout à l’heure. On a la chance d’être

une école où on diplôme à peu près 150 étudiants à l’année, et on garde aussi un esprit très famille, très « école ». Nos étudiants, on les connaît tous. On les chouchoute. Et quand ils partent en entreprise, on sait où ils sont, ils savent par qui ils sont accueillis, et on sait comment ça se passe. Ils ont chacun un lien très fort avec une des personnes dans l’école. Ils ont des livrets et on a tous un certain nombre d’apprentis à aller suivre en entreprise. C’est un livret propre à l’IMMD, avec des rendez-vous obligatoires, etc. L’étudiant a notre numéro de téléphone et nous appelle dès qu’il y a quoique ce soit qui se passe en bien ou en mal.

Moi, je leur organise également ce qu’on appelle « les rendez-vous de la distribution ». Donc, au niveau de la première année, ça fait un peu colonie de vacances. Mais au niveau de la Licence III, ça commence à prendre du sens. En première année, en fait, on leur dit « voilà,

c’est quoi la distribution ? Vous êtes rentré dans une école de management de la distribution.

Et c’est quoi la distribution ? Et bien c’est du drive ». On va aller voir Chronodrive. « C’est de la

logistique, c’est du commerce dans des grandes surfaces ». On va aller faire du « Vis ma vie

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chez Auchan ». « C’est du commerce plus conseil-client ». On va aller chez Leroy-Merlin, où vous n’allez pas exercer le commerce de la même façon que chez Auchan, puisque votre besoin n’est pas le même. Donc, on leur fait un peu découvrir tout ça.

Et au niveau de la 3ème année de Licence, ils sont reçus par les enseignes sur une demi-journée. Les enseignes leurs font beaucoup de témoignages d’anciens, leur montre l’évolution possible chez eux, leur montre leur stratégie, leur politique RH pour les accueillir en stage. En fait, c’est une opération de séduction. Ils font aussi des jeux d’entreprise.

Par exemple, on revient de chez Electro-dépôt qui est un de nos partenaires. Ils ont tous eu des sujets sur, par exemple, « le balisage en magasin », ou le « catalogue les jouets de Noël ». « Qu’est ce que vous en pensez, vous, avec regard d’étudiant bac +3 en marketing

et management de la distribution. Quel apport vous pouvez nous faire ? » Géraldine LONGÉ : D’accord. Donc, il y a un très beau maillage, d’après votre témoignage, entre ce qui se

passe dans le monde de l’entreprise, et ce que vous mettez en place au sein de vos formations.

Elodie MULLER : Oui. On travaille ensemble. Moi, je suis côté entreprise, mais j’ai mon bureau au sein

de l’IMMD. Géraldine LONGÉ : D’accord. Je propose peut-être de vous laisser la parole. Vous avez peut-être des

questions à poser ? Public : Bonjour. J’ai une question pour Monsieur THEBAUD, au sujet de son intervention

précédente. Au niveau de la responsabilité des écoles vis à vis des stagiaires que l’on envoie à l’étranger, est-ce qu’on est assujettis aux mêmes termes de responsabilité, ou pas ? Comment ça se passe ?

Philippe THEBAUD : Alors, de mémoire, quand il s’agit d’étudiants qui partent de votre école à l’étranger, au

niveau du statut, ça va varier. Ils ont le régime accident du travail, de la même façon que quand ils restent en France. Après, de la façon dont ils en bénéficient - je vous le dis vraiment de mémoire - c’est fonction de la gratification qu’ils ont. C’est très barbare. Si c’est moins de 12,5% du taux, soit en deçà de 430 euros, ils bénéficient du régime accident du travail pendant 12 mois. Si par contre on est au dessus de ce seuil de gratification, ça n’est plus l’école qui va déclarer le stage, mais l’entreprise d’accueil. Sauf que l’étudiant sera à l’étranger. Donc, ce que je conseille, c’est que l’école vérifie que le stagiaire, pendant son stage, va bien bénéficier de ce régime de protection. C’est à dire que l’entreprise qui va l’accueillir a bien fait le nécessaire pour que le stagiaire bénéficie de cette protection.

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Je vais vous donner un exemple. J’ai eu un dossier à gérer il y a quelques années, d’une école - dont je tairais le nom - qui avait envoyé un stagiaire en entreprise en Algérie, sur des chantiers. Ce stagiaire s’est fait arracher la tête par une poutrelle qui est tombée d’un camion sur le chantier. Quand on a eu le dossier, la première chose que j’ai demandée, c’est la déclaration d’accident du travail. On s’est alors rendus compte qu’il n’y en avait pas. Et on s’est rendu compte qu’il n’y avait même pas le bénéfice du régime d’accident du travail, parce qu’aucune déclaration n’avait été faite. Donc, il n’y avait plus aucune protection, en termes d’indemnisation - pas pour l’étudiant, malheureusement, puisqu’il était décédé - pour ses ayant-droits.

C’est vrai que c’est compliqué à mettre en place. Mais justement, est-ce que cette vérification que l’étudiant est accueilli dans de bonnes conditions, que l’entreprise a fait le nécessaire, ça n’est pas quelque chose qui peut participer au choix des entreprises d’accueil ? Ca pourrait être une sorte de tri qui serait fait entre les entreprises sérieuses, et d’autres, peut-être moins sérieuses.

Et n’oubliez pas que ça n’est pas parce que ça s’est passé à l’étranger que ça sera jugé à l’étranger. Je vous rappelle qu’en cas d’accident, l’employeur au sens du Code de la sécurité sociale, c’est l’école. L’école est une école française. La victime, l’étudiant, est française. Ca veut dire que cette affaire sera jugée en France, selon les règles du droit français.

Si on est en deçà des 430 euros de gratification pendant 12 mois, il y a le bénéfice du régime AT, mais il faut que l’école fasse la déclaration à l’URSSAF. Par contre, effectivement, si vous dépassez ce seuil, c’est l’entreprise d’accueil qui doit faire le nécessaire.

En France, c’est plus facile parce qu’il y a la proximité. C’est vrai qu’à l’étranger, c’est

beaucoup plus compliqué. Mais la règle théorique, c’est celle-ci. Public : Puisqu’on est dans votre intervention, vous parliez tout à l’heure de l’obligation de

résultat des employeurs. Du coup, est-ce qu’une école a également une obligation de résultat vis à vis de la sécurité de ses stagiaires ? Et si oui, comment peut-elle envisager de l’appréhender ?

Philippe THEBAUD : Le droit est assez barbare. L’obligation de résultat, je vais l’opposer à une autre

obligation, qui est l’obligation de moyens. Je pense que c’est comme ça qu’on peut essayer de l’expliquer clairement.

L’obligation de moyens, qu’est ce qu’on entend par là ? Quand vous vous occupez de quelqu’un, quand vous mettez en place une activité, quelle qu’elle soit, on vous demande de mettre en œuvre tous les moyens à votre disposition pour assurer la sécurité des participants. Ca ne veut pas dire que vous garantissez l’accident zéro. Ca veut dire que vous garantissez de mettre en œuvre tous les moyens à votre disposition pour assurer la sécurité des participants à votre activité. On disait « c’est de la gestion en bon père de famille ». Là, la loi sur l’égalité des chances a été réformée. Donc il est interdit de dire « en bon père de famille », parce que ça rompt la parité. On doit dire une gestion « raisonnable ».

L’obligation de résultat a une mécanique différente. Pour l’obligation de résultat, on

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vous demande de garantir l’accident zéro. Si un accident survient, la victime n’aura que deux choses à prouver :

- Son dommage : « j’ai été blessé ». - Et « j’ai été blessée sous l’égide de… ». Par contre, elle n’aura pas à prouver que vous avez fait une faute. Par contre, dans l’obligation de moyens, la victime doit démontrer que vous n’avez pas

tout mis en œuvre pour assurer sa sécurité. Donc, c’est beaucoup plus compliqué. Quand il s’agit d’une école, dans l’accueil quotidien des étudiants, en fonction de

l’activité dont on parle, la nature de l’obligation change. Quand c’est l’accueil, les cours, etc., l’école est sur une obligation de moyens. Quand vous êtes sur de la restauration avec le risque d’intoxication alimentaire, vous êtes sur une obligation de résultat. S’il y a un étudiant qui est empoisonné par un repas servi par l’école, il y aura une responsabilité automatique de l’école, pour des écoles de droit privé. Pour des écoles de droit public, c’est autre chose. Le régime administratif de la faute est tout à fait différent. Il faut prouver qu’il y a une faute, etc. C’est plus compliqué.

Si on revient sur les stages, je vous l’ai dit, comme c’est l’école qui a la qualité

d’employeur au sens de la sécurité sociale, si jamais l’étudiant se blesse, l’obligation de sécurité de l’école, au regard de la jurisprudence sur l’amiante, est devenue une obligation de résultat. Il va falloir qu’on démontre qu’on a bien mis en œuvre toutes les mesures de sécurité. Donc côté école, qu’est ce que c’est ? Ca n’est pas vous qui avez le stagiaire. Ca n’est pas vous qui regardez si la machine est bien aux normes, etc. Ca va passer en amont, dans les échanges avec les entreprises d’accueil, pour vérifier que les postes sur lesquels vont être les étudiants sont bien adaptés, que les règles de sécurité sont bien respectées, etc.

L’autre jour, j’étais à la CGE pour parler de ce thème. Je disais que depuis 1991, tout employeur est tenu d’élaborer un document qui s’appelle le DUERP, le Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels. Quand on envoie un stagiaire en entreprise, il n’est pas visé par le DUERP. Par contre, l’entreprise, elle, a fait son DUERP. Et il est possible, et même certain, que dans ce document unique, le poste que va occuper le stagiaire soit visé. Ca peut être une chose à regarder ensemble. On ne peut pas le demander de manière arbitraire. Mais dans les échanges entre l’école et l’entreprise…

Madame disait « on va visiter des écoles ». Je pense que ça fait partie des choses que vous envisagez, la notion de sécurité, etc. Il y a des postes avec des risques particuliers, avec une formation particulière. Tout ça contribue à l’obligation de sécurité/résultat de l’école.

Public : Là vous parlez de moyens… ? Philippe THEBAUD : Oui, parce que la particularité, c’est qu’en matière d’accident du travail, la Cour de

Cassation dit « c’est une obligation de résultat ». En droit commun, l’obligation de résultat, le seul moyen de s’en sortir, c’est de prouver la force majeure. Ca veut dire qu’on n’y arrive quasiment jamais. La particularité en accident du travail, c’est que c’est une obligation de

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résultat, mais l’employeur a la possibilité de s’en sortir s’il arrive à démontrer qu’il a eu conscience du danger, et qu’il a tout mis en œuvre pour essayer que le danger ne s’avère pas. Donc, c’est une obligation de résultat un peu particulière.

Public Si le stagiaire a un accident à l’étranger, hors du temps de travail, parce que le pays est

dangereux, est-ce que l’école est responsable ? Philippe THEBAUD : Alors, quand le stagiaire a un accident hors du temps de travail, déjà, on n’est plus sur

le dispositif « accident du travail », à condition que ça ne soit pas un accident qui survienne pendant le trajet domicile/entreprise d’accueil. Sinon, on n’est plus sur l’accident de travail. On est sur l’accident de trajet, mais la mécanique est la même.

Par contre, s’il est en vie privée, il a fini son boulot, il est rentré chez lui, il va boire un coup et il se fait mal, ou il est agressé, par exemple. Là, on est dans un cadre vie privée. Pour qu’on puisse aller rechercher, éventuellement, la responsabilité de l’école, il faudrait que le Ministère de l’intérieur ait fait savoir à tout le monde que le pays est dangereux, qu’il vaut mieux l’éviter. Là, la responsabilité pourrait peut-être être retenue. Vous savez, la règle de la responsabilité, c’est que quasiment n’importe qui peut aller chercher votre responsabilité n’importe comment. Ca ne veut pas dire qu’il va la faire reconnaître. Mais vous pouvez toujours vous faire assigner.

J’ai un exemple récent, qui n’est pas dans les Grandes Ecoles, mais sur une Commune. La Commune avait mis un banc public devant une maison qui appartenait à une voyante. La voyante a assigné la mairie au motif que depuis qu’il y a un banc, les gens s’assoient et coupent les ondes. Donc, elle ne voit plus rien. Ca fait toujours rire, mais c’est une réalité. Elle a saisi le tribunal administratif. Personne n’a pu empêcher cette dame d’agir en justice, sauf à lui dire qu’elle a commis un abus de droit et à la condamner pour ça. Mais ça, ça n’arrive jamais. Donc, pour répondre à votre question, l’étudiant qui arriverait à démontrer que le pays était dangereux, qu’il y avait une information suffisamment claire, pourrait peut-être faire reconnaître la responsabilité de l’Ecole.

De plus, je pense que dans la Loi sur les stages, il y a des dispositions particulières sur

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ce thème. Si vraiment la dangerosité du pays était avérée, et que malgré ça, l’école avait insisté, effectivement, je ne vais pas dire que vous en sortiriez tout blanc.

Public : Est-ce que l’école n’a pas intérêt à prendre une assurance vie-privée pour les

étudiants ? Philippe THEBAUD : C’est pour ça que je vous disais tout à l’heure « il faut faire bosser vos assureurs ». Là,

je parle en tant qu’assureur, quand une école vient nous voir et nous demande d’assurer ses activités, et notamment les stages. Il n’y a pas longtemps, j’ai fait une intervention identique à la CGE. Ensuite, par LinkedIn, un DAF d’une grosse école de management m’a appelé en me disant « il faut que vous veniez me voir vite, parce que vous avez dit des trucs à la CGE qui ont

fait flipper mon DG. Donc, il faut que vous veniez ». Et quand je l’ai rencontré, on a discuté de sujets comme l’URSSAF, etc. Et il s’est rendu compte que les déclarations URSSAF, dans son école, n’étaient pas faites. Sa responsable de stage confondait « régime maladie – sécurité sociale étudiante » et « régime accident du travail ».

Sur la vie privée, quand on vient nous voir pour ça et qu’on parle des stages, on considère que la réponse d’un assureur qui fait correctement son travail, c’est de dire « Voilà ! Comme vous êtes employeur, en cas d’accident, vous risquez d’être assigné devant le tribunal de la sécurité sociale. Il faut couvrir votre responsabilité en cas de faute inexcusable ». Ca, c’est la première chose. Mais si vous voulez faire bien le boulot et dormir sur vos deux oreilles en tant que dirigeant de l’école, il ne faut pas s’arrêter là. Vos étudiants eux-aussi, peuvent blesser des gens et se blesser. Je vous l’ai dit tout à l’heure, s’il blesse des gens, c’est lui qui va payer. Il y a des écoles qui disent à leurs étudiants « quand vous partez en stage, on vous fait confiance, vous vous assurez ». Je ne suis pas sûr que toutes les écoles, avant le départ en stage, ramassent toutes les attestations d’assurance. Et je vais vous expliquer une chose. Quand vous ramassez l’attestation d’assurance, 3 mois après, rien ne vous dit que votre étudiant a payé son assurance, ou qu’il n’a pas changé. Donc, vous n’avez aucune garantie. Il y a un bon moyen de pallier à ça.

Je vais vous donner un exemple qui reste dans le domaine de l’éducation, c’est ce que font aujourd’hui les écoles primaires. Vous savez que dans une école primaire, il y a des activités pour lesquelles les élèves doivent être assurés pour toutes les activités qui se déroulent en dehors du temps scolaire. Il doit y avoir une assurance de responsabilité civile de l’enfant, une « individuelle accident », etc. A partir de là, quand l’enseignant organise une sortie en dehors du temps scolaire, la première chose qu’il doit faire, c’est être certain que tous les élèves ont une assurance. Si vous êtes papa et maman, chaque année, vous avez les enseignants qui vous courent après en disant « on n’a pas votre attestation d’assurance ». Il y a des attestations d’assurance qu’ils ne récupèrent jamais. Ca veut dire que s’il vont jusqu’au bout du raisonnement, le petit Jean-Charles qui n’a pas donné son attestation d’assurance, alors que tous ses copains montent dans le bus, lui doit rester à l’école. Pourquoi il doit rester à l’école ? Parce qu’on n’est pas sûrs qu’il est assuré. Et pourquoi on n’est pas sûr qu’il est assuré ? Ca n’est pas forcément parce que ses parents ne sont pas des gens sérieux. C’est peut-être aussi parce que ses parents n’ont pas les moyens de payer une assurance. Parce que ça arrive. Et je pense que dans le monde des étudiants, une assurance multirisques, ça coûte cher. Et 200 euros par an, pour un étudiant, c’est quand même beaucoup.

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Donc, un étudiant, même si vous lui avez donné une consigne de s’assurer à titre personnel, il peut partir en stage sans l’avoir fait, ou en étant mal assuré. Vous ne connaitrez pas, vous, en tant qu’école, le contenu du contrat. La seule solution pour que vous soyez certains que, quand l’étudiant va en stage, il a une assurance vie privée qui l’assure s’il cause un dommage à quelqu’un, et qui l’assure aussi s’il se blesse, c’est que cette assurance soit prise dans le contrat de l’école. Si elle est prise dans le contrat de l’école, c’est vous qui négociez le contrat avec votre assureur. Vous savez quel est le contenu de l’assurance dont vont bénéficier vos étudiants quand ils partent. Et c’est la seule solution que vous ayez pour dormir sur vos deux oreilles.

Et je vais encore plus loin. Pour un stage en entreprise à l’étranger ou en France, le

risque ne se cantonne pas à la durée de présence dans l’entreprise et aux trajets. Un étudiant, ça continue de vivre, quand c’est rentré. C’est même là que ça vit le mieux. On a tous été étudiants. Pour son risque vie privée, c’est important qu’il soit assuré aussi. Donc, on dit à l’école « Vous savez quoi, votre étudiant, pendant toute la durée du stage, par le

contrat de l’école, il va être assuré 24 heures sur 24, du premier jour de stage au dernier jour

de stage. Comme ça, vous, dirigeant de l’école, vous êtes tranquille ». Quand je suis allé voir cette école de management, le DAF se rendait compte qu’ils

avaient un contrat avec la CCI. Il ne m’en avait donné qu’une partie. Il me parlait allègrement de stage aux Etats-Unis et de stage en Australie. Et sur la seule feuille que j’avais du contrat d’assurance, on voyait que l’assureur limitait ses garanties à l’Union Européenne. Donc, tous ses étudiants qui partaient aux Etats-Unis et en Australie n’étaient sont pas couverts ».

Je pense que c’est dans le contrat d’assurance de l’école qu’il faut intégrer l’assurance

personnelle des étudiants. Je vais même être très franc avec vous, ça n’est pas quelque chose qui coûte très cher. Et on aurait tort de s’en priver.

Public : Vous avez un ordre de prix ? Philippe THEBAUD : Non. Si vous m’appelez, je vous en donnerai, mais pas comme ça. Je ne l’ai même pas

en tête. Mais je vous assure que ça n’est pas 100 euros par étudiants. C’est très loin de ça, et très peu cher par rapport à la tranquillité d’esprit que ça apporte pour les dirigeants de l’école.

Nathalie LEROY : Je voulais juste compléter ce que disait Monsieur THEBAUD. Je suis Nathalie LEROY de

Formasup. On envoie 25% de nos apprentis à l’étranger. Nous avons effectivement pris une assurance pour chacun de nos apprentis. Nous avons également pris une assurance rapatriement pour chacun de nos apprentis qui effectuent 12 semaines à l’étranger pour les écoles d’ingénieur, et aussi les DUT et les licences.

Nous avons également élaboré une convention en mentionnant l’assurance responsabilité civile du jeune, l’assurance du CFA, l’assurance de l’entreprise d’origine, et

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l’assurance de l’entreprise d’accueil. Philippe THEBAUD : Est-ce que je peux me permettre de rebondir juste une minute sur ce que vous venez

de dire. Vous parlez d’assurance rapatriement, ce qu’on appelle les compagnies d’assistance.

Dans les garanties dont doit bénéficier le stagiaire, il y a forcément la responsabilité civile personnelle. Mais pour moi, ça n’est pas suffisant. L’individuelle accident, c’est important parce qu’un étudiant qui se blesse dans son appartement, ou en tombant dans l’escalier pendant son stage, il va avoir une jambe cassée. Il va faire sa déclaration à la sécurité sociale étudiante. S’il se casse une jambe, ça va, mais s’il se casse les dents… Vous connaissez le taux de remboursement de la sécurité sociale et des mutuelles sur les prothèses dentaires ? Ca n’est rien du tout. Il va avoir un volume de frais à charge très important sur une restauration prothétique. L’individuelle accident, c’est la garantie qui va prendre en charge ce qui n’est pris en charge ni par la sécurité sociale ni par la mutuelle. Ca, ça me paraît aussi important.

L’assurance rapatriement, elle est aussi très importante. Pour l’Assistance, Mondiale

Assistance, Europe Assistance, ou pour toute autre compagnie, la plupart du temps, on se cantonne au rapatriement sanitaire. Vous vous souvenez de Coluche : « Je suis malade, on m’affrète un avion et on vient me chercher ». C’est ça, mais c’est loin de n’être que ça.

Je vais vous donner un exemple de la vie de tous les jours. Vous envoyez un stagiaire aux Etats-Unis. Et là bas, il lui arrive un truc qui n’est pas horrible : il nous fait une crise d’appendicite. C’est banal. On ne va pas affréter un avion pour le rapatrier, parce qu’à Los Angeles, on va vous opérer de l’appendicite aussi bien qu’en France. Vous allez rentrer 2 jours en clinique, et tout va bien se passer. Sauf que, contrairement à ce qui se passe en France, vous ne quitterez pas le territoire américain sans avoir réglé la facture de l’opération. En France, on ne se rend pas compte de ce que coûte une opération de l’appendicite, parce que c’est la sécurité sociale qui paye. Ca vaut très cher.

Public : 4 000 euros ? Philippe THEBAUD : C’est plus de 10 fois ça. Et je ne connais pas beaucoup d’étudiants qui ont ça sur eux

pour rentrer. Donc, lorsque cela arrive, l’étudiant appelle l’Assistance qui va faire ce qu’on appelle

une avance de fonds. Elle va lui envoyer la somme. Avec cette somme, il va régler la facture. Puis il va rentrer en France. Et une fois qu’il est rentré en France, il y a deux solutions. Il déclare son opération à la sécurité sociale française, et si la sécurité sociale a des accords avec le pays d’où il vient, elle va rembourser l’avance de fonds à l’Assistance. Pour l’étudiant, ça sera une opération blanche. Par contre, s’il n’y a pas d’accord et que la sécurité sociale française ne rembourse pas, la somme versée par l’Assistance restera – par une bonne Assistance – et l’étudiant n’aura pas à la rembourser. Donc, ça, c’est un exemple bête, d’une

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banale crise d’appendicite, où il y a intérêt, effectivement, à avoir une bonne Assistance. Géraldine LONGÉ : D’autres questions ? Public : Oui, permettez-moi une question, ou plutôt une remarque. Je viens ici avec une casquette de chef d’entreprise. Je suis sur le marché des Serious

Games, et principalement des Business Games en école, en formation en enseignement supérieur, et aussi en entreprise.

Une petite remarque que je me suis faite, c’est que quel que soit l’endroit en France où on fait ces Business Games, où on met les étudiants dans le rôle d’un manager, pendant quelques jours, ils sont à la tête d’une entreprise et doivent prendre des décisions. Et j’ai eu cette remarque en vous entendant tout à l’heure, en faisant référence à des entreprises qui commettent des abus en termes de comportement vis à vis des stages et des alternants. Et visiblement, on a la chance d’avoir 3 entreprises qui ne font pas partie de ces entreprises, puisqu’elles mettent en place des guides pour aider les collaborateurs accueillants, ou alors cet accueil s’intègre dans un véritable programme d’embauche. Et quand on met aujourd’hui les étudiants en situation de manager, et qu’ils ont besoin à un moment d’une variable d’ajustement dans leurs charges, leur premier reflexe, c’est de nous dire « on va prendre des stagiaires et des alternants ». Tout ça pour dire que, nous, les entreprises, nous avons encore beaucoup de travail à faire pour mettre en avant le fait que, quand on prend des stagiaires et des alternants, ça doit avant tout être parce que nous avons l’envie de transmettre quelque chose, de faire découvrir nos métiers et d’assurer des recrutements futurs, avant même d’autres motivations.

Géraldine LONGÉ : D’accord. Public (Cécile LEROY) : Bonjour. Cécile LEROY, responsable des stages à l’Ecole des Mines de Douai. J’avais une question pour Monsieur LEMOINE, qui est chez Immochan. Vous parliez de

la difficulté de trouver des stagiaires. Est-ce que vous ne prenez que des profils architectes ? Dominique LEMOINE : Oui. Dans le service, oui. Mais dans d’autres services, il y a d’autres profils. Par

exemple, des profils d’ingénieurs qui peuvent être sur l’énergie. Il y a quand même vraiment beaucoup de possibilités, sur la base de Villeneuve d’Ascq et de Croix, sur le Grand Boulevard.

Public (Cécile LEROY) : D’accord. Donc Immochan… Vous, c’était l’assistance, le service d’appui technique ?

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Dominique LEMOINE : Dans le Groupe Auchan, moi, c’est vraiment un service d’appui technique à

l’international. Mais après, il y a les directions techniques, qui ont besoin, au niveau national, d’ingénieurs, de tout ce qui concerne l’énergie.

Public (Cécile LEROY) : Parce que nous, on a quand même une très grosse portion de nos ingénieurs qui sont

orientés vers les métiers du bâtiment et de la construction. Et on est en train de créer un partenariat avec une école d’architecture pour avoir des profils un peu sur les deux volets. Et peut-être que ça peut coller aussi sur des services, sachant qu’on a une part d’internationalisation qui est de plus en plus importante, avec des élèves qui ont déjà fait des stages dans un contexte international. D’où ma question.

Et j’avais une autre question, qui était une petite question sur les guides des stages

chez Rabot-Dutilleul. Ces guides sont-ils sur le site ? Est-ce qu’on peut les relayer auprès de nos étudiants ?

Saida MEJOUTI : Pour le moment, c’est un guide interne, le guide du stage et du tuteur. C’est vraiment à

destination de nos stagiaires. Mais je peux donner un exemplaire à mes correspondants en école. Il n’y a pas de souci.

Et je souhaitais rebondir sur l’accident de stage, et le contrôle – parce que du coup, j’ai

eu les deux cas. Pour l’accident de stage, on a une stagiaire d’HEI qui s’est blessée l’été dernier sur un

chantier. C’était dans le cadre du stage ouvrier. Nous avons toutes sortes de stages, du niveau ouvrier jusqu’au niveau ingénieur. « Ouvrier » parce qu’il faut bien faire découvrir le chantier. C’est très formateur. Donc, on les sensibilise. Ils ont l’information à la sécurité renforcée parce que c’est obligatoire. Mais là, cette jeune étudiante a voulu aider les compagnons, les ouvriers. Pourtant, je les avais vu 3 semaines avant, parce qu’ils se plaignaient de ne pas avoir de responsabilité. La difficulté en entreprise, c’est de leur expliquer « Attendez, ne

grillez pas trop les étapes. Vous avez un stage ouvrier à faire, donc vous faites votre stage

ouvrier ». Je peux vous assurer que 3 semaines avant, je les avais vu parce qu’ils ne comprenaient pas pourquoi on leur demandait de nettoyer le chantier, de balayer le chantier, de couler du béton, mais aussi de nettoyer le poste de travail. Ils ne comprenaient pas trop. Et là, en l’occurrence, elle a eu un accident – heureusement qu’elle avait un compagnon à côté d’elle – parce qu’elle a voulu aider. Elle a voulu prendre des initiatives. Etant en première année d’école d’ingénieur, elle n’était pas sensibilisée à tout ça, même si on a fait une petite formation sécurité. C’est difficile à appréhender. Le risque zéro n’existe pas, même si on prend les mesures qu’il faut.

Mais je pense qu’à l’école, on peut déjà les sensibiliser en disant « Que ce soit en

industrie, ou sur chantier, il y a toujours des risques. Faites attention, soyez à l’écoute de vos

tuteurs, soyez à l’écoute de l’entreprise ». Ca n’est pas pour rien.

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Et pour le contrôle de l’inspection du travail, j’ai joué sur le fait que, chez Rabot-

Dutilleul, on prend des stagiaires parce qu’il faut les former, leur faire découvrir des métiers, et que c’est un vivier de talents à recruter. Donc, j’espère qu’il va comprendre qu’on ne prend pas des stagiaires pour remplacer des salariés qu’on ne peut pas recruter.

Au niveau législation, c’est très difficile, parce qu’il faut continuer à former, mais il faut tout cadrer. Ca devient difficile. Moi, récemment, on m’a dit « Les stagiaires, ça va devenir

comme les salariés ». On m’a même demandé de mettre en place une feuille de présence, pour dire « Attention, le stagiaire, il ne fait pas plus de 35 heures ». Dans les bureaux, vous pouvez contrôler. Sur les chantiers, vous ne pouvez pas contrôler, si le stagiaire veut venir à 7 heures 30 pour voir comment on coule du béton.

En tout cas, nous, chez Rabot-Dutilleul, on fait des efforts. On essaye d’appliquer la loi. On compte aussi sur les établissements pour être nos relais, et faire comprendre aux étudiants qu’on ne fait pas ce qu’on veut en stage, même s’ils ont une grande soif d’apprendre sur le terrain.

Public (Frédéric HOOGSTOEL) : Frédéric HOOGSTOEL, de Polytech’Lille. Saida, vous avez expliqué que vous avez un carnet de compétences que vous établissez.

En général, les organismes de formation doivent aussi établir un carnet de compétences avec des objectifs.

Comment est-ce que vous discutez avec les organismes de formation ? Comment est-ce que ça se passe ? Est-ce que les compétences que vous retrouvez dans vos carnets, et ceux des organismes de formation sont les mêmes, ou est-ce qu’il y a une différence entre une compétence définie par l’entreprise, et une compétence définie par l’organisme de formation ?

Saida MEJOUTI : En général, ce sont les mêmes. Sauf que nous, en entreprise, on va peut-être être plus

précis, parce qu’on va les caler au mieux sur nos métiers. A l’école, quelquefois, ce sont des compétences génériques. Mais sur ça, on n’a pas de trop grandes difficultés.

On essaye plutôt de construire quelque chose qui est interne au Groupe, et aux métiers du Groupe. Après, on comprend aussi qu’à l’école, il y a un référentiel à respecter. Et le carnet de compétences, c’est le lien entre l’apprenti et le tuteur ou le maître d’apprentissage. Après, je sais qu’il y a un bilan qui est fait avec le référent école. Donc, à mon avis, ça peut être partagé avec les entreprises.

Public (Frédéric HOOGSTOEL) : Chez nous, le maître d’apprentissage doit compléter le livret de compétences qui est

interne à l’école, avec l’aide du stagiaire et de l’apprenti. Saida MEJOUTI : Nous, on a un carnet de compétences vraiment interne à Rabot-Dutilleul.

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Public (Frédéric HOOGSTOEL) : Donc ça veut dire qu’il y en a deux à remplir par le maître d’apprentissage. Saida MEJOUTI : Oui. C’est aussi son rôle. On fait un travail là-dessus aussi. Public (Frédéric HOOGSTOEL) : Parce que parfois, les maîtres d’apprentissage disent « ça va faire quand même

beaucoup ». Donc s’il y a deux fois le carnet de compétences à remplir, c’est peut-être un peu lourd.

Saida MEJOUTI : C’est pour ça qu’il y a toujours un référent RH qui accompagne le maître

d’apprentissage interne et le référent école, en général. Je ne vous cache pas qu’on est derrière. Vous en avez qui sont très assidus, et il y en a qui sont vite pris par leur métier au quotidien, ce que je comprends. Il faut un appui RH. On ne fait pas à leur place, mais on les accompagne.

Je n’ai pas parlé de l’intégration des stagiaires et de l’intégration des apprentis. Pour l’intégration des stagiaires, on fait ça sous forme d’une ballade dans Lille, sous

forme d’un petit jeu où on leur fait découvrir les différentes réalisations de Rabot-Dutilleul, parce qu’on est historiquement basés dans le Nord. Pour les stagiaires parisiens, j’ai fait différemment. J’ai fait une visite de chantier. Mais dans Lille, c’est pas mal. C’est un petit jeu, et on leur fait découvrir les différentes réalisations.

Pour les apprentis, par contre, ils ont une vraie intégration. Ca se passe au siège, à Lille. Quand on peut, on fait intervenir notre PDG, François DUTILLEUL, parce qu’on joue aussi sur les valeurs familles : Groupe familial, à proximité des collaborateurs. Sinon, ils ont une présentation du Groupe le matin, et l’après-midi, c’est le spécifique métier. C’est à dire que chaque alternant est intégré dans sa société, pour qu’il ait une connaissance des différents services et des différents métiers, et qu’ils comprennent qu’au milieu, il y a un chantier, et que tout autour gravitent un tas de métiers, avec différentes phases : par exemple, le rôle de l’architecte. On essaye de leur expliquer et leur ouvrir les yeux, même s’ils sont apprentis en service RH, apprenti sur chantier…

Public : Est-ce que le fait de prendre des alternants, ça amène quelque chose dans l’ambiance,

et quelquefois aussi dans la marche de l’entreprise, ce qui peut être innovant ? Et je ne parle pas seulement des hauts niveaux.

Saida MEJOUTI :

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Vous ne parlez pas seulement des hauts niveaux, donc du CAP jusqu’au… Public : Qui amène une ambiance, une modification de l’ambiance de travail, des

collaborations différentes. Est-ce que ça ramène quelque chose ? Bien-sûr, les hauts niveaux certainement, a fortiori. Mais l’apprentissage, le contrat de professionnalisation d’une manière générale, est-ce que ça apporte quelque chose à l’entreprise ?

Saida MEJOUTI : Il est clair qu’en recrutant des jeunes, on découvre qu’ils ont ce côté innovant qu’on n’a

peut-être pas en entreprise, ou qu’on n’a pas le temps de développer. Après, au niveau de l’ambiance, c’est une ambiance de travail. Mais je pense que ce qu’on attend des populations plus jeunes, des stagiaires ou des apprentis, c’est qu’ils ont ce regard neuf, et ce côté innovant. Ils peuvent nous aider dans ce sens à avancer sur des projets pour lesquels on n’a pas forcément beaucoup de temps à accorder. Et je pense que c’est ce que font les tuteurs en général. Il y a l’apprentissage du métier. Mais on essaye à côté de les faire réfléchir, ou de les associer à des projets, pour faire avancer une démarche.

Nous, par exemple, on a beaucoup de jeunes qui postulent en disant « moi, je veux

faire du développement durable ». On leur explique qu’aujourd’hui, le développement durable, on le retrouve dans tous nos métiers. Donc, c’est à eux de nous proposer et de nous expliquer ce qu’ils entendent par développement durable. Ou la gestion de projets. Ca, c’est à la mode. « Et bien montre nous comment tu veux faire de la gestion de projets, ou montre

nous en quoi consiste la gestion de projets ». Nous, on à l’avantage d’être un Groupe encore familial, à taille intermédiaire. Donc, on

les teste, aussi. On les laisse avoir une certaine autonomie. On essaye de voir de quoi ils sont capables, et on les laisse prendre des initiatives. C’est vrai qu’on les encourage à prendre des initiatives.

Elodie MULLER : Juste deux minutes pour compléter la réponse. Dans la distribution, en fait, ça apporte

vraiment beaucoup. C’est très valorisant pour quelqu’un d’être le tuteur d’un étudiant. Vraiment, ça lui donne une compétence-clé en plus. Ca le sort de un peu de son quotidien, de son commerce, de sa gestion, etc. Et donc, il y a un vrai parrainage qui est fait en entreprise. Et je pense que l’apprentissage ou l’alternance, ça créé des liens vraiment très forts, et ça donne des compétences supplémentaires au tuteur.

Et côté étudiant, on les voit quand ils reviennent d’entreprise. Ils sont transformés. On a l’impression qu’ils ont compris ce qu’était le monde du travail, qu’ils ont compris pourquoi il ne fallait pas parler en classe, etc. Et ça donne vraiment un sens à ce qu’ils sont en train d’apprendre.

Donc, pour mon secteur, en tout cas, oui, c’est très important. Géraldine LONGÉ : Merci pour vos témoignages.

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Donc, maintenant, nous allons poursuivre ces réflexions en ateliers. Il y a 3 ateliers qui vous sont proposés :

- Un atelier sur la valorisation : « comment les établissements valorisent l’immersion dans leur pédagogie. Qu’en retire l’entreprise, et qu’en retire, en fait, l’étudiant, l’apprenti ou l’alternant ». Donc, cet atelier sera animé par Jean-Marc ZURETTI, en présence de Céline VIARD, apprentie chez Clairance, et au CESI. Laurent RAIMONDI de l’ICAM, et Marie-Céline ASTARIE de la société Worldline.

Sachant qu’un atelier se déroulera ici, et deux ateliers se dérouleront dans le couloir juste à côté.

Donc le premier atelier peut se dérouler ici. - Le deuxième atelier, c’est sur « la mise en situation professionnelle, le rôle du tuteur,

sa formation, sa reconnaissance dans l’entreprise ». Cet atelier sera animé par Pierre BAILLON, en présence de Lucie KOZIOL, apprentie chez EDF et au CESI. Et Richard KLUBB de l’ICAM.

- Et enfin, le dernier atelier sur « l’accompagnement de l’immersion dans l’entreprise et dans l’établissement de formation, à la fois avant, pendant et après la formation », en présence de Thierry FRICHETEAU de Centrale Lille en tant qu’animateur, Loïc STROZICKI, responsable projet travaux neufs et tuteur d’apprentis dans le Groupe Nestlé, ancien apprenti. Et Sébastien TRANCHANT, responsable RH de Toyota Motors Manufacturing. Donc, dans la troisième salle.

Vous avez le temps, entre deux, de prendre un petit café pour ceux qui le souhaitent.

On se retrouve à 17 heures pour la restitution. Et à 17 heures 30, il y a un pot organisé à la fin de cette après-midi.

Jean-Pierre HILLEWAERE : Pour les ateliers 2 et 3, le plus simple est de sortir dans la cour, et de rentrer tout de

suite par la porte en aluminium. Ca se situe tout de suite dans le couloir là-bas, d’où je peux vous guider tout à l’heure.

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ATELIER VALORISATION Rapporteur : Jean-Pierre HILLEWAERE L’ICAM a mis en place un dispositif de construction du projet professionnel des étudiants, sur la base de la pédagogie ignacienne, qui s’articule autour de 3 questions :

• Qu’ai-je fait ? • Qu’est-ce que j’ai apporté ? • Qu’est-ce que j’en fais ?

En matière de stage ou d’immersion en entreprise, ce dispositif se décompose en trois phases :

• Une préparation avec les étudiants, avec une formation à la connaissance de l’histoire du monde ouvrier et un entretien individuel ;

• Une relecture du stage après réalisation ; • Identification des apports pour le projet professionnel.

Dans le cadre de l’apprentissage, un accompagnement durant la phase de recherche de contrat et durant l’alternance est mis en place. La valorisation du séjour en entreprise fait apparaître ainsi deux composantes :

• Quel apport pour le métier d’ingénieur ? • Quel apport pour le projet professionnel ?

Le principal apport, constaté quelle que soit l’Ecole, est que le contact avec l’entreprise fait prendre conscience de la réalité et change considérablement l’écoute du message pédagogique. D’une manière générale, la confrontation avec l’entreprise modifie le regard de l’apprenant par la confrontation avec le terrain. Une pédagogie intégrant mieux les interactions avec le terrain pourrait être de donner un apport théorique succinct avant l’immersion en entreprise, suivie d’une relecture en commun pour permettre un enrichissement collectif. C’est un peu ce que fait l’Ecole des Mines avec sa filière Management Stratégique de l’Entreprise, pensée comme une formation-action : apport théorique minima (moins de 30 heures), puis mise en application en groupe (coaché par un enseignant) sur une entreprise réelle, et restitution de l’action par un rapport présenté lors d’une soutenance en présence du responsable de l’entreprise. L’entreprise est ressentie par les membres de l’atelier comme apportant une maturité, une compréhension de l’intérêt de certains apports théoriques, et surtout un savoir-être professionnel. C’est le lieu de l’acculturation du monde professionnel. Elle permet, en particulier pour les ingénieurs en formation, des aller-retour entre théorie et pratique.

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Atelier Mise en situation professionnelle (Rapporteur : Pierre Baillon)

Formateur-coach et la formation par apprentissage : un nouveau métier ? A. Les 7 résistances des enseignants chercheurs vis-à-vis de la

formation par apprentissage :

• Méfiance du « Vécu ». • Méfiance devant toute généralisation hâtive. • Méfiance vis-à-vis des explications prématurées. • Méfiance vis-à-vis du pragmatisme, du bon sens. • Méfiance devant ceux qui, face à un fait, ont tout de suite une explication • Méfiance vis-à-vis de l’obscurantisme • Méfiance vis-à-vis de la libido

Nous enseignants chercheurs, ces obstacles, c’est notre lot quotidien dans nos travaux de recherches, dans notre champ d’expertise et nous savons que c’est par l’acquisition de savoir et de méthode que nous avançons.

B. Nos choix

• La 1ère solution, c’est celle de Jules Ferry, c’est d’enlever les enfants de la réalité pour les

conduire vers la connaissance. • La 2e est de laisser les jeunes chez leurs parents sauf pour une élite. • La 3e c’est l’alternance, l’apprentissage.

C. Surmonter la méfiance : apprentis enseignants-chercheurs ?

• Les apprentis ont :

� Un statut : � Quatre types de référents adultes :

o Maitre d’apprentissage o Les collègues en entreprise o Les enseignants o Les parents ou adultes de la structure familiale

� En entreprise, ils sont dans l’action ; ils acquièrent sous l’autorité de

l’encadrement des compétences : o Par mimétisme o Par l’observation o Par l’expérience

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D. Que nous dit Bachelard

1. Ces apprentis ont une opinion, il faut s’en méfier, mais les écouter. 2. Des préjugés sur eux surgissent, des incompréhensions ; avec eux un

échange doit se créer pour déceler ce qu’il y a derrière leur première impression leurs opinions.

3. Laisser grouiller les microbes en essayant de comprendre la logique des associations.

4. Il faut laisser s’exprimer les émotions, les rêves ; l’illusion est de penser qu’il faut se passer d’illusion pour commencer à penser.

5. Il faut favoriser le dormeur éveillé ne pas croire qu’il s’ennuie ; ne pas oublier la maturation.

E. La pédagogie active comprend :

1. Apprentissage par Problème 2. Pédagogie du projet 3. Les Études de Cas 4. La pédagogie basée sur le jeu 5. Les TP.

• F. Trois solutions s’offrent à nous

1. Continuer le même enseignement que dans le système classique ; c’est celle de la majorité de nos collègues.

2. Refuser d’y enseigner au nom de conviction idéologique 3. Mettre en place un nouveau processus pédagogique basé sur la Pédagogie

active et inductive dans l’esprit d’E.Morin

G. Elle s’appuie sur 5 principes

1. Écouter, mettre en forme 2. Créer du lien 3. Accepter des périodes de vide 4. Co-construction 5. Développer la fonction pédagogue

Passer d’enseignant chercheur (donner pour recevoir) à formateur-coach ou

pédagogue-coach (recevoir pour donner) nécessite tout un parcours de réflexion sur notre métier qui comprend 5 invariants :

H. Le formateur doit être au clair sur sa posture : coach, enseignant,

maître, pédagogue…

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1. Le formateur doit avoir réfléchi sur : c’est quoi, pour moi être auteur de ma Vie,

2. Le formateur doit avoir réfléchi sur l’intérêt du travail en groupe 3. L’École doit créer un processus pour amener les apprentis à être auteurs de

leur formation et à lever les obstacles : 4. Un cadre doit être mis en place en n’oubliant pas la logistique :

• Pierre Baillon [email protected] 0685208832 169 rue du Bois 59000 LILLE

• Octobre 2014 FORMASUP

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Atelier 3 : L ’accompagnement de l’immersion – Animateur : Thierry FRICHETEAU

Accompagnement de l’immersion dans l’entreprise et dans

l’établissement d’enseignement

1

Ecole Centrale de Lille

• Formations EC Lille, IG2I et Iteem :– Stages et Césures (EC Lille, IG2I, Iteem):

• Accompagnement à la recherche de stage, relations entreprises,

• Validation du sujet de stage, établissement d’une convention,

• Suivi de stage par un tuteur école, et tuteur entreprise, CR intermédiaires, visites…

• Retour d’expériences de stage, rapport, soutenance, bilan,

– Apprentissage à IG2I

– Contrat de professionnalisation à EC Lille

2

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cas de l’Apprentissage:IG2I antenne du CFA

• Assurer les enseignements prévus et le suivi des apprentis

• En étroite collaboration avec l’entreprise formatrice

• Établissement d’un calendrier

• Organisation des évaluations, vérification des présences

3

L’employeur

• Assurer la formation pratique en confiant à l’apprenti des tâches en relation avec la progression pédagogique

• Nommer un maître d’apprentissage pour accompagner le jeune• Participer aux procédures d’évaluation• Veiller à l’assiduité de l’apprenti (entreprise et formation)• Respecter le calendrier de la formation