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Confiance et réussite dans les fusions « entre égaux »
par Olivier JOFFRE
| Lavoisier | Revue française de gestion2007/175 - n° 175ISSN 0338-4551 | ISBN 978-2-7462-1907-6 | pages 171 à 193
Pour citer cet article : — Joffre O., Confiance et réussite dans les fusions « entre égaux », Revue française de gestion 2007/175, n° 175, p. 171-193.
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L’émergence des « fusions
entre égaux » dans le
discours des dirigeants
introduit de nouvelles
problématiques dans le
management des fusions-
acquisitions; au-delà de la
simple relation de pouvoir,
il s’agit de susciter la
confiance de la cible et son
engagement dans le projet.
En effet, la viabilité de
l’opération repose sur les
« synergies » à réaliser,
mais aussi sur l’édification
d’une structure définissant
les règles du nouvel
ensemble, ainsi que sur le
dépassement des
crispations
communautaires. À partir
d’un cadre théorique
original articulé autour des
ces trois enjeux, nous
mettons en évidence les
pratiques à privilégier dans
le management de
l’intégration.
L’engouement pour les fusions-acquisitionsn’a cessé de s’amplifier au cours des der-nières décennies1. À la fin des années 1990,
le marché français des transactions de fusions etd’acquisitions a atteint un volume record, du fait de leurnombre, mais surtout suite à l’accroissement considé-rable de la taille des opérations2.Traditionnellement, les études menées sur le succès desfusions-acquisitions s’accordent pourtant sur un constatdécevant : la grande majorité des opérations se solde parun échec dans les trois ans qui suivent la transaction(Napier, 1989). Celles ayant eu lieu au cours des années1990 n’échappent pas à la règle3.Mais, phénomène plus original, le développement de cesopérations de grande envergure s’accompagne del’émergence des « fusions entre égaux » dans le discours
DOSSIER
PAR OLIVIER JOFFRE
Confiance et réussitedansles fusions « entre égaux »
DOI:10.3166/RFG.175.171-193 © 2007 Lavoisier, Paris.
1. En nombre de transactions, le marché français des transactions defusions et d’acquisitions est passé de 223 à 264 sur la période 1970-1985, à environ 1300 entre 1995 et 1999 (Kechidi, 2003).2. En fait, le marché français des transactions de fusions et d’acquisi-tions a été multiplié par 6 entre 1990 et 1999 principalement du fait del’augmentation considérable de la taille des opérations, le nombre detransactions est, lui, resté stable entre 1995 et 1999 (autour de 1 300)(Kechidi, 2003).3. Seule la moitié des opérations de fusions-acquisitions a dégagé desrésultats supérieurs à la moyenne du secteur au bout de trois ans (Mer-cer Management Consulting, 2003).
des dirigeants4. Engageant deux entreprisesde grande taille dans des changements orga-nisationnels profonds, les opérations quirelèvent de ces terminologies suscitent desproblématiques complexes et nouvelles.Jusqu’alors réservées aux alliances dans lecadre des réseaux interorganisationnels, lesnotions de collaboration et de confiances’immiscent dans le management de l’inté-gration, et court-circuitent la frontière entrel’intérieur et l’extérieur de l’organisation,entre intégration et coopération.En effet, même si elles sont parfois troisfois plus petites en termes de chiffre d’af-faires ou de salariés, les entreprises ciblesrestent considérables par leur taille, etrevendiquent d’être traitées commel’« égal » de l’acheteur. Compte tenu de safaible connaissance de l’entreprise cible,inévitable du fait de la taille de cette der-nière, l’acquéreur doit s’assurer la coopéra-tion des membres de la cible pour se l’app-roprier sans la détruire, et donc dépasser lasimple relation de pouvoir pour générerl’engagement de la cible dans le projet defusion. Cela rend d’autant plus délicat lemanagement de l’intégration ; celui-ci nepeut, dès lors, être simplement conçucomme l’absorption mécanique d’uneentité par une autre, matérialisée par desrationalisations rapides en guise de syner-gies. Il est donc nécessaire, au-delà d’unsimple calcul économique, de générer de laconfiance parmi les salariés.Concept polysémique, la confiance est parconséquent difficile à opérationnaliser ; il
est néanmoins acquis qu’elle augmente lepotentiel de résolution positive des conflitset réduit l’incertitude (Guibert, 1999). Il estdonc souhaitable de l’appréhender indirec-tement à travers ses résultats sur l’intégra-tion. La viabilité de l’opération repose, nonseulement sur une conception moins étroitedes « synergies » à réaliser dans le cadre del’opération, mais aussi sur la prise encompte conjointe de deux autres dimen-sions de la performance dans le manage-ment de l’intégration : l’édification d’unestructure définissant les règles du nouvelensemble, et le dépassement des crispationscommunautaires. Nous distinguons ainsitrois processus dans le cadre de l’intégra-tion : le processus de synergie, le processusde structuration, et le processus social.Ce cadre conceptuel montre sa pertinencedans l’étude des cas Carrefour-Promodès,France Télécom-Orange et BNP-Paribas, àpartir desquels il permet d’établir des pra-tiques managériales à privilégier dans lesfusions « entre égaux ».
1. Modélisation théorique dans le cadredu management des fusions-acquisitions
L’importance du management post-acquisi-tion, mise en avant par le travail précurseurde Kitching (1967), puis par celui deShrivastava (1986), fait désormais l’objetd’un large consensus à la fois au sein de lacommunauté scientifique et parmi les prati-ciens. Les approches traitant de cette ques-tion s’inscrivent pourtant dans desdémarches très variées. Nous avons
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4. L’expression « fusion entre égaux » apparaît dans Les Échos et La Tribune en 1998. Daimler-Chrysler et AOL-TimeWarner constituent des opérations qui vont diffuser le concept. Il n’existe cependant pas de définition juridiquede ce terme, comme statué par U.S. District Court for the District of Delaware lors du procès Tracinda Corpora-tion v. DaimlerChryslerAG et al. Ce procès fut initié par d’anciens actionnaires de Chrysler qui remettaient en causel’utilisation abusive du terme « fusion entre égaux ».
ainsi classé la littérature en trois grandesfamilles de travaux : la perspective « straté-gique contingente »5, la perspective organi-sationnelle, et enfin, la perspective des res-sources humaines.
Nous synthétisons les principaux thèmesdéveloppés par ces approches, ainsi que lesauteurs qui y sont associés, dans letableau 1 suivant.
Confiance et réussite dans les fusions « entre égaux » 173
5. Terminologie de l’auteur.6. Processus aboutissant à l’établissement d’une seule nouvelle entité à partir des deux organisations ayant fait l’objet de la transaction.7. Quelques études abordent les conséquences économiques sur l’emploi des activités de fusion-acquisition. Oncitera : O’Shaugnessy et Flanagan (1998) et Gourvil-le Perron (2004). Ces analyses ne sont liées que de façon trèsindirecte au management des fusions-acquisitions.
Tableau 1LES DIFFÉRENTES PERSPECTIVES DU MANAGEMENT POST-ACQUISITION
Contenu
La présence de conditions initiales(complémentarité stratégique,taille relative des firmes, etc.)détermine la performance del’opération.
Le processus d’intégration6 choisiest déterminant dans la réussite dela fusion.La combinaison desorganisations s’accompagne demesures spécifiques (structures detransition, etc.).
Les fusions-acquisitions ont desconséquences psychologiquesnégatives sur les salariés.Il faut les rassurer(communication, gestion de laculture).(Conséquences sur l’emploi7)
Perspective contingentestratégique
Perspectiveorganisationnelle
Perspective des ressourceshumaines
Principaux auteurs
Rumelt (1974)Kitching (1967)Kusewitt (1985)Lubatkin (1983, 1987)Fowler et Schmidt (1989)Chatterjee et al. (1992)Sirower (1997)Healy, Palepu et Ruback (1997)Krishnan et al. (1997)Very et al. (1996)Jemison et Sitkin (1986)
Shrivastava (1986)Jemison et Sitkin (1986)Haspeslagh et Jemison (1991)Marks et Mirvis (2000)
– Conséquences psychologiquesMarks (1988)Sinetar (1981)Schweiger et al. (1987)– CultureBuono et Bodwitch (1989)Cartwright et Cooper (1990)– CommunicationHunt et Downing (1990)Napier et al. (1989)
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La perspective que nous nommons « straté-gique contingente » ne focalise pas à propre-ment parler sur le management post-fusion,puisqu’elle adopte un point de vue détermi-niste: la réussite de l’opération est subordon-née aux conditions préexistantes à la fusion(prix de la transaction, tailles respectives desorganisations, compatibilité culturelle exante, etc.). Nous la prenons en compte dansnotre travail, dans la mesure où elle met enévidence des contraintes auxquelles le mana-ger doit faire face. Dans le cadre de notreétude, nous appelons ces contraintes :« conditions de l’opération ». Au contraire, laperspective organisationnelle et la perspec-tive des ressources humaines mettent enavant le rôle du manager dans le déroulementdu processus d’intégration. Celui-ci disposed’une panoplie de mesures destinées, dans lecadre de la perspective organisationnelle, àfaciliter la combinaison des deux entités(structures de transition), et dans le cadre dela perspective des ressources humaines, àaugmenter l’implication des individus enminimisant les conséquences psycholo-giques, particulièrement du côté de la cible(rôles de la culture et de la communication).L’étude approfondie de ces principaux cou-rants de recherche met en évidence deuxlimites principales : le faible enracinementthéorique des travaux, ainsi que le cloison-nement entre eux des courants. Ceci consti-tue une grande faiblesse eu égard au caractère systémique du processus post-inté-gration, qui met en jeu de multiples variablesinteragissant entre elles. Néanmoins, dans leflot de la littérature sur le management desfusions-acquisitions, deux travaux apportentun éclairage original. Il s’agit des articles deJönsson et al. (2004), et de Koenig et Meier(2001). Leur particularité commune est de
découper le processus d’intégration selontrois axes distincts. Cela nous amène à consi-dérer non pas un, mais trois processus d’in-tégration. Nous empruntons la terminologiede ces processus à Jönsson et al.8, leur des-cription à Koenig et Meier (2001) :– le processus de synergie répond à l’enjeu« prévoir et se préparer »,– le processus de structuration répond àl’enjeu « clarifier et rassurer »,– le processus social répond à l’enjeu« s’accorder ».Ces trois processus rendent ainsi chacuncompte d’une dimension de la performancedu management de l’intégration : la créationde valeur pour le processus de synergie,l’incertitude interne pour le processus destructuration, et enfin le conflit et l’engage-ment pour le processus social. L’ensembleest contraint par les « conditions initiales »de l’opération. Le cadre de la recherche estainsi représenté dans la figure 2 ci-après :En réponse aux difficultés soulevées par larevue de littérature, ce cadre nous permetd’abord de mieux appréhender la com-plexité du processus post-intégration. Eneffet, il nous permet d’étudier trois systèmescentrés chacun autour d’un noyau-enjeu,plutôt qu’un seul système de variables inter-reliées, et donc avec autant de centres quede variables. C’est, de plus, sur la base de cecadre théorique que nous avons reclassé lesthèmes mis en avant par la littérature sur lemanagement post-fusion avant de les réexa-miner et les enrichir à la lumière des théo-ries des organisations et de la psychosocio-logie. Nous présentons dans le tableau 2,notre modèle théorique articulé autour devingt propositions issues des recherches surle management post-fusion (que nous avonsprésentées dans le tableau 1).
174 Revue française de gestion – N° 175/2007
8. Qui parlent de « logiques » d’intégration.
Confiance et réussite dans les fusions « entre égaux » 175
Figure 1ENJEUX ET DIMENSIONS DE LA PERFORMANCE
Figure 2LE CADRE DE LA RECHERCHE
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Confiance et réussite dans les fusions « entre égaux » 177
9. Phase pendant laquelle les deux organisations sont maintenues, afin de planifier les synergies.10. Structure spécifiquement dédiée à l’organisation du travail dans la phase de découverte.
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2. Méthodologie
Échantillon
Notre travail empirique se base sur l’étudede trois cas qui présentent des caractéris-tiques communes : Carrefour-Promodès,France Télécom-Orange et BNP-Paribas.Ces opérations sont des fusions présentées« entre égaux », « horizontales », dont lemontant est supérieur à 10 milliards d’eu-ros, et ayant eu lieu en 1999 et 2000. Ladéfinition de l’échantillon théorique estdestinée à assurer la comparabilité des cas.
Recueil des données
Le support empirique du travail est consti-tué dans une large mesure par les entretiensréalisés. Notre technique d’entretien estbasée sur la méthode des entretiens semi-directifs centrés (Romelaer, 2001, 2005)qui constitue notre base méthodologiqueprincipale pour le recueil des données.Ainsi, nous avons mené 42 entretiensauprès des dirigeants, de cadres et d’acteursayant eu un rôle spécifique dans la fusion.
Triangulation
Si l’on se base sur la distinction établie parDenzin (1978), on peut appliquer troistypes de triangulation à notre travail : parles théories, par les méthodes, par les don-nées11. Romelaer (2005, p. 126-127)explique que « la validité des résultats estnotamment renforcée quand plusieurssources et plusieurs méthodes apportent un« tir groupé » des résultats similaires,concordants ou cohérents. ». À cet égard,
nous avons veillé à interroger des membresdes deux organisations qui fusionnent, etcollecté des données secondaires sous laforme de documents internes ou publics.Nous avons également constitué un corpussystématique d’articles de presse.
Traitement des données
Les données ainsi obtenues, ont servi debase à deux types de traitement : d’abordune analyse intra-cas, puis une analyseinter-cas.Les trois cas font chacun l’objet d’une ana-lyse intra-cas. À cet effet, la méthoded’analyse principale choisie pour traiter lesentretiens est l’analyse de contenu théma-tique. Sur la base d’un dictionnaire desthèmes, nous effectuons un regroupementdes verbatims par codage. Ce travail prépa-ratoire est destiné à faciliter par la suitel’analyse thématique proprement dite(l’analyse des thèmes).Idéalement, l’analyse inter-cas doit per-mettre de dégager un modèle commun defusion « entre égaux ». Pour cela, il faut queces cas présentent des résultats un tant soitpeu similaires. En nous inspirant des tra-vaux de biologie cellulaire qui comparentune paire de séquences protéiques etnucléiques (ex : deux brins d’ADN), nousavons élaboré un instrument de mesureappelé « taux de convergence » qui, sur labase d’une matrice de scores, calcule l’ac-cord inter-cas vis-à-vis des propositionsissues de la littérature.Cette convergence « quantitative » permetd’obtenir un score de convergence, et ainsi
Confiance et réussite dans les fusions « entre égaux » 179
11. En fait, l’auteur distingue même quatre types de triangulation avec la triangulation par les enquêteurs. Le tra-vail étant entièrement réalisé par une même personne, ce type de triangulation n’est pas possible dans le cadre dece travail.
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3. Résultats de l’étude
Les propositions finales dont les thèmessont issus de la littérature ainsi que les nou-velles propositions issues des cas sont syn-thétisées dans le modèle commun présentédans le tableau 3.
Relecture du processus social
À l’issue de l’étude des trois cas, ceux-cis’accordent pour rejeter deux thèmes issusde la littérature et qui s’inscrivaient dans leprocessus social :– « Définition de valeurs »Les résultats empiriques suggèrent que « la culture ne se décrète pas ». CommeRomelaer (1998) nous invitait à le faire, ilfaut se méfier des « valeurs manipulatricesd’une culture d’entreprise officielle nonmise réellement en pratique ». En effet,notre étude empirique montre que suivantles préconisations de Marks et Mirvis(1992), les équipes de direction de FranceTélécom et de BNP ont défini de nouvellesvaleurs et normes pour impulser la culturedu nouvel ensemble. On constate que cesvaleurs ne sont pas adoptées par lesmembres des deux organisations.– « Discuter des différences culturelles »En accord avec Vaara (2000), notre étudemontre qu’amener les individus à discuterde leurs différences culturelles (organisa-tionnelles ou nationales) est une erreur. Eneffet, non seulement cela ne permet pas deréduire l’hostilité entre les groupes, mais au
contraire, la culture est utilisée commeargument rhétorique pour expliquer les dif-ficultés de l’intégration. Ce constat estcontradictoire avec l’approche développéepar la majeure partie de la littérature traitantdu management post-fusion (Sirower, 1997in De Wit et Meyer, 2002).Le rejet de ces deux thèmes, centrés autourde la notion de culture, nous invite à conce-voir différemment l’instrumentalisation dela culture. La culture n’apparaît pluscomme un moyen de rassembler. Ainsi,dans les ouvrages de Peters et Waterman(1983) et de Deal et Kennedy (1982), lerôle du dirigeant est de faire en sorte demettre en place une culture forte dans l’en-treprise, véritable « potion magique » quirassemble les énergies. Aucun cas ne metpourtant en évidence d’effets mobilisateursliés à la définition de nouvelles valeurs etnormes par l’équipe de direction.Les effets de la culture sont toujours perçusnégativement, et la stigmatiser en amenantles acteurs à discuter de leurs différencesculturelles équivaut à faire appel à un pom-pier pyromane. En effet, comme le montrentDameron et Joffre (2005) les différencesculturelles sont « invoquées » par les acteurspour expliquer des difficultés de relationsinterindividuelles. L’argument culturel estici un instrument rhétorique destiné à expli-quer les difficultés de la fusion.En tant que mécanisme de cohésion sociale,la notion de culture commune (Schein,1985) se révèle insuffisante. Ce constatnous incite à privilégier les mécanismesétudiés par les théories de l’identificationsociale (Tajfel et Turner, 1985). Les méca-nismes de catégorisation et de comparaisonsociale présentés par les tenants de cesthéories permettent d’expliquer les résultats
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des thèmes « Respect des symboles », et« Conditions de rencontre ».– « Respect des symboles »Dans le cadre des fusions entre égaux, lerespect des symboles de la cible est un élé-ment préconisé par la littérature (Haspes-lagh et Jemison, 1991). Les trois cas étudiésmontrent l’intérêt de cette recommanda-tion. Ainsi, Carrefour garde l’enseigneChampion de Promodès. BNP et Paribasaccolent leurs deux noms. L’abandon de Iti-néris au profit de Orange dans le cas FranceTélécom est perçu négativement par lesanciens de France Télécom Mobiles. Cesrésultats sont conformes à ce que ce nousindiquent les théories de l’identificationorganisationnelle : plus l’image organisa-tionnelle sera positive, plus l’identificationorganisationnelle sera forte (Dutton etDukerich, 1991).– « Conditions de rencontre »Le contact interpersonnel doit permettre deréduire le décalage entre l’image et la réa-lité et donc de limiter ce conflit (Newcomb,1947). Cette relation n’aura d’impact posi-tif que dans la mesure où elle a lieu dansdes conditions favorables : le soutien insti-tutionnel, la prise de connaissance (par uncontact régulier), l’égalité de statut et l’in-teraction de coopération (avec un objectifcommun et des tâches complémentaires).Ainsi dans le cas France Télécom, ce prin-cipe a été mis en œuvre à travers la créationde binômes (France Télécom-Orange) des-tinés au travail de fusion. Cela a favorisé laconstruction de relations intuitu personae.Dans le cas Carrefour, l’expérience n’a étéconduite que dans le cadre du comité decoordination. Elle s’est pourtant révéléepositive. Elle a d’ailleurs, semble-t-il, man-qué aux cadres de BNP. Ce thème va dans
le sens des travaux de Larsson et Lubatkin(2001). Ceux-ci ont observé l’impact posi-tif sur la fusion de leviers sociaux commel’implication des employés dans des activi-tés communes.– « Vision stratégique »À la différence d’autres termes utilisés enstratégie, comme la planification, qui met-tent en avant des notions de précision et deméthode, la vision privilégie l’image,l’évocation car il est question de mobiliserles hommes. En effet, comme le soulignentHamel et Prahalad (1989), la vision estd’autant plus motivante et captivantequ’elle exprime la démesure. Les cas étu-diés montrent que, malgré cette « déme-sure », la vision ne constitue pas un facteurde cohésion sociale et de mobilisation deshommes qui caractérisent le processussocial. Notre travail situe plutôt la notion de« vision stratégique » dans le processus destructuration. En effet, elle est appréhendéepar les personnes interrogées comme unsimple objectif réduisant le sentiment d’in-certitude des individus. Les cas suggèrentainsi d’abandonner le concept de visionstratégique tel qu’il est décrit dans la litté-rature. La valorisation d’objectifs ambi-tieux ne trouve un intérêt que dans lamesure où il y a résonance chez le salariéquant à ses opportunités de carrière, ce quirelève de la réduction de l’incertitudeinterne.– « Équilibre dans les équipes »Ce thème que nous avons identifié au coursde notre étude empirique renvoie à une spé-cificité des opérations étudiées : il s’agit defusions « entre égaux ». Dès lors, l’affron-tement entre les deux parties sera limité siles nominations tiennent compte de l’équi-libre numérique attendu. Cet équilibre est
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indispensable pour obtenir la participationdes salariés. De la même manière, Monin et al. (2005) suggèrent d’appréhender lesentiment d’injustice des salariés à traversles théories de la justice distributive(Homans, 1953 ; Adams, 1963). Parmi lesnormes de justice distributive existantes, lethème « équilibre dans les équipes » semblese fonder sur celle d’égalité. Cette dernièrese traduit par une répartition numériqueidentique, qui va permettre la préservationde la cohésion sociale. Au contraire, lanotion d’équité met en avant la rétributionau mérite. Elle renvoie donc au processusde synergie dans la mesure où la créationdes synergies va s’appuyer sur la producti-vité individuelle.
Relecture du processus de structuration
Dans le cadre de fusions entre égaux, lemode de choix des règles se révèle être unthème délicat à aborder, dont le traitementnécessite une attention particulière. Eneffet, contrairement aux autres thèmes duprocessus de structuration, la question dumode de choix des règles ne peut pas sesatisfaire des recommandations généralesde la littérature, eu égard à la spécificité denotre cadre de recherche.– « Mode de choix des règles »Moscovici (1996) explique que le rapportde force initial entre le « majoritaire » et le« minoritaire » va déterminer le mode dechoix des règles. Ainsi, si le majoritaireconsidère que le rapport de force est en safaveur, il va imposer ses règles ; si le rap-port de force est « équilibré », cela vaengendrer une situation de compromis, de« normalisation » selon la terminologie del’auteur.Dans les fusions entre égaux l’évaluationdu rapport de force est nécessairement
ambiguë. Les cas mettent en évidence plu-sieurs dimensions possibles pour définir quide l’acquéreur ou de la cible est « majori-taire » (en termes de taille, chiffre d’affairesou du nombre d’enseignes ; notoriété/pres-tige de la marque ; pouvoir actionnarial ;performance ; rôle dans la fusion (acqué-reur/cible)). De sorte, il n’y a pas deconsensus autour de la définition du « majo-ritaire » et du « minoritaire ».Dès lors qu’il n’est pas possible de recon-naître un « majoritaire » et un « minori-taire », le cadre proposé par Moscovici nepeut s’appliquer. Au contraire, lorsquel’une des deux parties impose ses règles,elles ne seront pas adaptées au nouvelensemble, augmentant ainsi l’incertitudeinterne.– « Rapidité des nominations », « Intensitéde la communication », et « Vecteur decommunication »Les trois cas valident l’idée selon laquelleles salariés ne doivent pas être laissés dansl’incertitude (Marks, 1988 ; Sinetar, 1981 ;et Schweiger et al., 1987). C’est pourquoi ilest nécessaire de procéder à l’officialisationdu nouvel organigramme le plus rapide-ment possible (Feldman et Spratt, 2000 ;Davis, 2001).La communication apparaît comme un levierd’action essentiel à cet effet : elle doit mon-trer l’avancée du projet en présentant desrésultats de la fusion, et cela de manière régu-lière et suivant la cascade hiérarchique (Huntet Downing, 1990; Napier et al., 1989).– « Leadership participatif »Ce thème est apparu au cours de notre étudeempirique. Une pratique observée dans lestrois cas met en avant la nécessité d’impli-quer les cadres dans le processus décision-nel et ce, même si les décisions ont étéprises en amont.
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Le discours d’un des dirigeants des cas étu-diés illustre parfaitement cette idée : « on nevoulait pas que ça soit des projets qui tom-bent tous cuits. Il y avait 10 personnes paréquipe. Cela fait donc 600 personnes qui ontété impliquées de très près, et donc capablesd’expliquer la décision ». Nous voyons bienici, que la participation des salariés au pro-cessus décisionnel les implique personnelle-ment et qu’ils seront en devoir d’afficher laposition officielle. En effet, « parties pre-nantes aux décisions prises, ils peuvent difficilement s’en dissocier » (Crozier et Friedberg, 1977, chapitre 11).
Relecture du processus de synergie
La littérature (Haspeslagh et Jemison,1991) insiste sur la nécessité de « piloter »le processus d’intégration à travers une« méthodologie ». Les cas confirment l’in-térêt d’organiser de manière spécifique lavalorisation des synergies et apportent deséléments permettant d’affiner les recom-mandations de la littérature.– « Durée de la phase de découverte »Haspeslagh et Jemison (1991) mettent l’ac-cent sur l’importance d’organiser la valori-sation des synergies en accord avec lesobjectifs de la fusion. Les synergies derationalisation nécessitent un « désosse-ment » de la cible, alors que les transferts decompétences amènent à maintenir la struc-ture existante de la cible, au moins pour unedurée supérieure à un an. L’étude des troiscas met en évidence la coexistence simulta-née des deux types d’objectifs. Ils ne peu-vent donc clairement être rattachés à unmode d’intégration. En effet, il ressort descas qu’il peut être dommageable de privilé-gier un des deux aspects au détriment del’autre. Ainsi, dans le cas Carrefour, les
compétences de gestion multiformat de lacible qui auraient été sans doute nécessairesau nouvel ensemble ont été négligées auprofit des rationalisations (licenciement decadres Promodès habitués à gérer le multi-format). Les cas nous suggèrent de définirune période minimale de « découverte » desix mois destinée à limiter la destruction decompétences et à les prendre en comptedans la réalisation des synergies.– « Définition de structures spécifiques »,« Ressources allouées aux structures d’in-terface », « Binômes dans les structuresspécifiques »Les cas s’accordent sur la nécessité d’orga-niser le travail de cette phase de découverte.Cela peut prendre la forme de structuresspécifiques clairement identifiées :– une structure de direction (comité de pilo-tage chez Carrefour, comité exécutif chezFrance Télécom et chez BNP),– une structure d’interface (comité de coor-dination chez Carrefour, program officechez France Télécom et comité de missionde rapprochement chez BNP),– et des groupes de travail (chantiers chezCarrefour, value creation teams chezFrance Télécom et groupes de travail chezBNP).Ces appellations différentes revêtent unemême réalité, ce qui dénote une certaine« standardisation » des pratiques dans la« méthodologie » de la fusion. Il s’agit declarifier les rôles de chacun. Dans la mêmeveine, la structure d’interface a pour rôle deconstamment mettre à jour les relationsentre les membres des structures spéci-fiques et de les guider dans leur travail.Allouer des ressources humaines à la struc-ture d’interface contribue donc à l’efficacitéde la valorisation des synergies. La
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construction d’un contexte destiné à mettreen relation les compétences respectives desmembres des deux organisations passeaussi par l’utilisation d’équipes mixtes etplus particulièrement de travail en« binômes » associant un membre de l’ac-quéreur et un membre de la cible. En effet,ceux-ci détiennent les connaissances spéci-fiques sur lesquelles se fondent les syner-gies.– « Statut des membres des structures spé-cifiques »Haspeslagh et Jemison (1991) insistent surl’implication des membres de la directiondans le processus de synergie. De même, lescas établissent un consensus concernant le« statut des membres des structures spéci-fiques ». Il apparaît nécessaire de maintenirun lien hiérarchique direct entre les indivi-dus impliqués dans la structure spécifique auprocessus d’intégration et l’organigrammede la structure permanente. Dans les troiscas, ce lien favorise leur implication.– « Degré de formalisation des objectifs »On reproche généralement à la formalisa-tion son caractère normatif : en instituant uncadre formaté elle empêcherait le dévelop-pement d’innovations (March, 1991). Eneffet, la formalisation des objectifs peutannihiler les chances de découvrir des béné-fices au cours du processus (Haspelagh etJemison, 1991, p. 161), c’est-à-dire la pro-babilité d’innover.Si dans les trois cas on assiste à une forma-lisation des objectifs, l’intérêt recherchén’est pas le même. Ainsi, dans les cas Car-refour et BNP la définition de ces objectifssert leur réalisation. Dans le cas France
Télécom, les personnes interrogées insis-tent davantage sur le caractère rhétoriquedes synergies. Il s’agit de crédibiliser le dis-cours et le rendre attractif aux actionnaires.Ce constat confirme la théorie de laconstruction sociale des synergies (Moninet Vaara, 2005).Nous avons identifié au sein des trois pro-cessus un certain nombre de régularités.L’étude approfondie des thèmes associésaux trois processus permet de mieux com-prendre les mécanismes à l’œuvre dans l’in-tégration : l’identification sociale dans leprocessus social, la division du travail dansle processus de synergie, et le problème del’incertitude interne dans le processus destructuration.
Le management des parties prenantes
Notre étude s’attache au managementinterne du processus d’intégration. L’étudeempirique met en évidence la nécessité deprendre en compte les parties prenantesautres que les salariés.La théorie financière (Jensen, 1984) nousexplique que pour accomplir son activitél’entreprise doit maintenir la confiance desparties prenantes à travers le respect decontrats à long terme. La fusion constitueune rupture de contrat. Les clients peuventressentir un changement négatif dans l’offrede produits ou services ; les fournisseursdoivent modifier leurs stocks… Cette rup-ture de contrat avec les parties prenantespermet un transfert des richesses des partiesprenantes aux actionnaires de l’entreprisecible (Jensen et Ruback, 1983)12. Commentdès lors l’entreprise va-telle pouvoir
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12. Nous avions fait ce constat dans la revue de la littérature relative à l’approche financière (chapitre 1).
continuer à prospérer après la fusion sans la confiance perdue des parties pre-nantes (Shleifer et Summers, 1988)?Ainsi, la « pression des marchésfinanciers » est un facteur bien présent dansl’esprit des dirigeants. Il les incite à préci-piter l’officialisation de résultats financiers.Pour cela, les dirigeants se voient contraintsde limiter « la durée de la phase de décou-verte ». L’attente de l’« autorisation deBruxelles » constitue une autre limite tem-porelle, lorsqu’elle est requise. Si la phasede découverte peut se prolonger après l’au-torisation de Bruxelles, notre étude indiqueque ce n’est généralement pas le cas. Fina-lement, la période de l’attente de l’autorisa-tion se confond avec la phase de décou-verte.Enfin, nous avons soulevé dans les cas Car-refour et BNP le thème « relations avec lessyndicats », qui s’avère être un thème ponc-tuel spécifique aux grands groupes s’inscri-vant dans le contexte français. En plus descontraintes légales des plans sociaux desentreprises de plus de 50 salariés13, lesgrands Groupes doivent en effet composeravec les syndicats et leur pouvoir de contes-tation : ceux-ci disposent légalement destructures à l’intérieur de l’entreprise14 quifacilitent la mise en œuvre de leurs revendi-cations. Ce thème n’est pas abordé dans lalittérature très largement anglo-saxonneayant trait au management des fusions. Onpeut attribuer cela à une moindre législationsociale dans le contexte américain. En effet,
la place des syndicats n’est régie que par leslois de 1935 (National Labor RelationsActs) et 1947 (Wagner Act). Celles-ci neprécisent pas leur rôle dans le cadre desrestructurations. Dans le cadre français dela grande entreprise, les « relations avec lessyndicats » jouent un rôle important dans leprocessus de structuration, dans la mesureoù des accords avec les syndicats permet-tent de réduire les formalités juridiques, etdonc d’effectuer plus rapidement les affec-tations de postes (thème : rapidité des nomi-nations).
CONCLUSION
Afin d’appréhender les déterminants duprocessus d’intégration dans le cadre des« fusions entre égaux », nous avons menéune étude empirique s’appuyant sur les casdes fusions France Télécom-Orange, Carre-four-Promodès et BNP-Paribas. La syn-thèse de cette étude montre qu’il existe uncertain nombre de régularités que nousavons présentées sous forme de « proposi-tions finales ». Nous avons identifié vingtsix facteurs qui définissent un modèle géné-ral de fusion. Les propositions finalesconstituent des pratiques à privilégier parle manager pour piloter le processus d’inté-gration. Elles s’inscrivent dans un modèlearticulé autour de trois processus possédantchacun leur logique propre. Le processus desynergie comprend les activités destinées àdéfinir des solutions de création de valeur
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13. Article L321-1 alinéa 2 du code du travail. Le plan comprend alors un délai d’attente pour envoyer les lettres delicenciement augmenté ; un triple contrôle de la conformité du plan social par les représentants du personnel, l’ad-ministration du travail et par le juge du conseil des prud’hommes ou du tribunal de grande instance.14. Un local doit être mis à disposition des sections syndicales dans les entreprises de plus de 200 salariés. Quandce nombre atteint 1000, chaque section peut se réunir dans son propre local (art. L. 412-1 du code du travail).
dans le cadre de la fusion, en valorisant lescompétences de chacun. Le processus destructuration regroupe les problèmes demise en place de la structure (règles du jeu)et de confiance des individus dans la nou-velle organisation. Le processus social sedéfinit par la confiance des individus dansles autres.En ce sens, notre cadre théorique entretientune proximité certaine avec les travaux deZucker (1986), qui distingue trois formesde confiance en fonction de leur mode deproduction : la confiance relationnelle« repose sur les échanges passés ou atten-dus en fonction de la réputation ou d’undon/contre don » ; la confiance institution-nelle « est attachée à une structure formellequi garantit les attributs spécifiques d’unindividu ou d’une organisation » ; enfin, laconfiance intuitu personae « est attachée àune personne en fonction de caractéris-tiques propres comme l’appartenance à unefamille, une ethnie ou un groupe donné »(Thuderoz et al., 1999).Les « pratiques à privilégier » génèrentdonc, selon leur appartenance à l’un destrois processus, une forme de confiance
(relationnelle, institutionnelle ou intuitupersonae) chez les salariés.Mais si ces pratiques peuvent être considé-rées isolément, elles n’en sont pas moinsinscrites dans un faisceau de contraintesconstitué par les « conditions initiales » etle « management des parties prenantes ».Au-delà des « conditions initiales » identi-fiées dans la littérature, l’étude empiriquemet en évidence la nécessité d’ajouter le« management des parties prenantes » quesont les syndicats, les marchés financiers,les clients et les autorités de régulation de laconcurrence.La confiance n’est donc pas à générer seu-lement au sein de l’entreprise : il s’agit d’unenjeu qui abolit les frontières de l’organisa-tion. Bien que les fusions constituent descas extrêmes à travers lesquelles les entre-prises perdent leur autonomie, le travailmontre qu’elles recouvrent des probléma-tiques de collaborations interorganisation-nelles. On pourra ainsi se demander dansquelle mesure nos résultats peuvent s’appli-quer aux alliances et aux problématiquesdes réseaux interorganisationnels.
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