concurrences - uliege.be
TRANSCRIPT
ConcurrencesRevue des droits de la concurrence
enCompetitions
Pratiques unilatérales
Chroniques l Concurrences N° 1-2011 â pp. 91-116
Frédéric [email protected]
l Chargé de recherche CNRS, Groupe de recherche en droit,économie et gestion (GREDEG), Université de Nice-Sophia Antipolis
Anne-Lise [email protected]
l Professeur de droit européen, Université de LiÚge, professeur invité,Université catholique de Louvain, professeur invité, université Paris II
Anne [email protected]
l Avocate Ă la Cour
Pratiques unilatérales
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 91
Chroniques
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.Frédéric [email protected]
Chargé de recherche CNRS, Groupe de recherche en droit, économie et gestion (GREDEG),
Université de Nice-Sophia Antipolis
Anne-Lise [email protected]
Professeur de droit européen, université de LiÚge,
professeur invité, Université catholique de Louvain,
professeur invité, université Paris II
Anne Wachsmann*
Avocate Ă la Cour
Abstracts1. EUMARGIN SQUEEZE â AS EFFICIENT COMPETITOR: 91The CJEU rules for the first time on a margin squeeze case and confirms that partly regulated tarifs by a dominant operator may be abusive. CJEU, 14.10.10, Deutsche Telekom v. Commission, case C-280/08 P
RELEVANT MARKET â PRIMARY MARKET AND AFTERMARKET: 95 The GCEU overrules a decision of the Commission rejecting a complaint lodged by an association of watchmaker-repairersGCEU, 15.12.10, CEAHR v. Commission, case T-427/08
EXCLUSIONARY CONDUCT â VERTICAL INTEGRATION â ENERGY SECTOR â COMMITMENTS: 97The European Commission renders legally binding the Italian gas incumbentâs commitments on gas transportation assetâs divestitureEur. Comm., 29.09.10, ENI, case COMP/39315
2. FranceEXCLUSIONARY CONDUCT â DISCRIMINATION: 103The Paris Court of Appeal rejects an appeal of a biogas market operator against a decision of the French NCA, which found no exclusionary abuse on the part of EDF or its subsidiaries and rejected its application for interim measuresCA Paris, 02.12.10, Euro Power Technology, v. Fr. NCA, 10-D-14
MARKET FORECLOSURE â DISCRIMINATION â EXCLUSIVITY CLAUSE: 104The French NCA issues an opinion on the online advertising market competition situation, while the European Commission initiates antitrust proceedings relative to Google market practicesFr. NCA, 14.12.10, online advertising, opinion 10-A-29 and Eur. Comm. IP/10/1624, 30.11.10, Google
EXCLUSIONARY CONDUCT â EXCLUSIVITY CLAUSES: 110The French NCA will conduct an additional inquiry into risks of anticompetitive preemption on the market for pay TV (fiber network)Fr. NCA, 16.11.10, pay TV, 10-D-32
RELEVANT PRODUCT MARKET - DOMINANT POSITION â PHARMACEUTICAL SECTOR: 113The French NCA dismisses charges in the cetirizine tablets case for lack of dominant position after a detailed analysis of the market definitionFr. NCA, 17.12.10, UCB pharma, 10-D-37
* Avec la collaboration de Bastien Thomas
1. Union eUropéenne
Compression des marges â Ciseau tarifaire â ConCurrent aussi effiCaCe â approChe par les effets â rĂ©gulation seCtorielle : La CJUE rend son premier arrĂȘt sur lâabus par compression de marge et confirme que le ciseau tarifaire constitue un abus mĂȘme lorsque lâun des Ă©lĂ©ments du tarif de lâentreprise en position dominante a Ă©tĂ© approuvĂ© par le rĂ©gulateur sectoriel (CJUE, 14 octobre 2010, Deutsche Telekom c/ Commission, aff. C-280/08 P)
LâarrĂȘt du 14 octobre 2010 dans lâaffaire Deutsche Telekom est le premier rendu par la Cour dans un cas de âcompression de margeâ, puisque tel est le terme choisi par la Cour de prĂ©fĂ©rence Ă âciseau tarifaireâ, qui avait Ă©tĂ© utilisĂ© par la Commission1, repris par le Tribunal puis adoptĂ© par lâavocat gĂ©nĂ©ral MazĂĄk2. En lâespĂšce, lâopĂ©rateur historique de tĂ©lĂ©communications en Allemagne avait pratiquĂ© des prix de dĂ©tail pour ses services dâaccĂšs Ă Internet qui, compte tenu du prix dâaccĂšs Ă la boucle locale facturĂ© Ă ses concurrents, âcompressaientâ les marges bĂ©nĂ©ficiaires de ces derniers lorsquâils offraient aux particuliers leurs propres services concurrents pour lâaccĂšs Ă Internet. En effet, lâaccĂšs Ă la boucle locale de lâopĂ©rateur historique Ă©tait pour les opĂ©rateurs concurrents un passage obligĂ©. Le prix de gros facturĂ© par Deutsche Telekom pour cet accĂšs reprĂ©sentait donc pour les nouveaux entrants sur le marchĂ© de lâaccĂšs Ă Internet un coĂ»t inĂ©vitable. Ils devaient acheter cet accĂšs Ă une infrastructure essentielle sur le marchĂ© amont dominĂ© par Deutsche Telekom pour pouvoir entrer sur le marchĂ© aval libĂ©ralisĂ©. Comme ces nouveaux entrants ne pouvaient par ailleurs pas espĂ©rer pĂ©nĂ©trer sur ce marchĂ© aval sâils ne proposaient pas aux clients finals des abonnements Ă Internet plus avantageux que ceux de lâopĂ©rateur en place, ils Ă©taient pris âen ciseauâ entre les deux tarifs de lâopĂ©rateur historique. Autrement dit, leur marge bĂ©nĂ©ficiaire Ă©tait âcompressĂ©eâ au point que lâentrĂ©e sur ce marchĂ© aval nouvellement ouvert Ă la concurrence ne pouvait ĂȘtre profitable.
La particularitĂ© de lâaffaire, sur le plan juridique, tenait au fait que les tarifs dâaccĂšs Ă la boucle locale avaient Ă©tĂ© approuvĂ©s par la Reg TP, le rĂ©gulateur sectoriel, chargĂ© de superviser, en Allemagne, lâouverture Ă la concurrence du marchĂ© des tĂ©lĂ©communications. Cette circonstance nâavait pas empĂȘchĂ© la Commission de considĂ©rer que lâĂ©cart entre les prix dâaccĂšs Ă la boucle locale et les prix de vente au dĂ©tail des abonnements Ă Internet Ă©tait abusif. La Cour, aprĂšs le Tribunal, valide cette analyse et admet lâimputabilitĂ© Ă lâentreprise dominante dâun Ă©cart tarifaire abusif dans la circonstance oĂč lâun des Ă©lĂ©ments de ce tarif est fixĂ© par le rĂ©gulateur (I). Les autres aspects intĂ©ressants de lâarrĂȘt tiennent Ă la question que ne peut manquer de se poser le commentateur de tout arrĂȘt postĂ©rieur Ă la communication de la Commission sur les abus-exclusions : comment la Cour se situe-t-elle par rapport Ă lâapproche plus Ă©conomique envisagĂ©e dans cette communication ? Ă cet Ă©gard, la lecture de lâarrĂȘt conduit Ă une rĂ©ponse nuancĂ©e : du cĂŽtĂ© de lâaccompagnement de la dĂ©marche de la Commission, on relĂšvera que la Cour, dans ce premier arrĂȘt sur un cas dâabus par compression des marges, se rĂ©fĂšre au critĂšre du concurrent aussi efficient (II). Elle consacre aussi la nĂ©cessitĂ© dâapprĂ©cier les effets des pratiques dâĂ©viction (III). Pour autant, lâanalyse de ces effets reste relativement abstraite (IV), et il est difficile de mesurer lâexacte portĂ©e dâune nouvelle formule utilisĂ©e par la Cour dans cet arrĂȘt (V).
I. LâimputabilitĂ© des pratiques tarifaires en prĂ©sence de prix rĂ©gulĂ©s : des prix partiellement rĂ©gulĂ©s peuvent ĂȘtre abusifs
Dans son arrĂȘt, le Tribunal avait jugĂ© que le fait que les prix de dĂ©tail pratiquĂ©s par Deutsche Telekom pour lâaccĂšs Ă Internet aient Ă©tĂ© approuvĂ©s par le rĂ©gulateur sectoriel ne supprimait pas toute marge de manĆuvre dans le chef de lâopĂ©rateur
1 La Commission continue pour sa part dâutiliser le terme « ciseau tarifaire ». V. dĂ©cision Vivendi, infra.
2 Le point 4 de lâarrĂȘt est explicite sur ce choix terminologique.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 92
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.le schĂ©ma institutionnel de mise en Ćuvre du droit de la concurrence : pas plus que la Commission nâest liĂ©e par les apprĂ©ciations des autoritĂ©s nationales de concurrence sur lâapplication des rĂšgles de concurrence Ă un cas donnĂ©, elle ne saurait ĂȘtre liĂ©e par les apprĂ©ciations des rĂ©gulateurs sectoriels â qui peuvent en outre avoir des missions autres que dâappliquer les rĂšgles de concurrence. A fortiori, la Commission nâest pas liĂ©e par une dĂ©cision nĂ©gative dâun rĂ©gulateur9. Le fait que, en lâespĂšce, le rĂ©gulateur allemand puisse avoir commis une erreur dâapprĂ©ciation concernant lâexistence dâun abus par compression de marges ne saurait faire Ă©chapper Deutsche Telekom Ă sa responsabilitĂ© ni la protĂ©ger dâune sanction prise par la Commission, puisque cette derniĂšre nâest pas tenue par les dĂ©cisions du rĂ©gulateur.
En ce sens, la confiance quâune entreprise en position dominante peut placer dans les dĂ©cisions nĂ©gatives du rĂ©gulateur sectoriel paraĂźt nâĂȘtre pas lĂ©gitime, en tout cas pas digne de protection. La Cour toutefois ne va pas aussi loin, puisquâelle considĂšre irrecevable le moyen pris de la violation de la confiance lĂ©gitime, au motif quâil viserait Ă remettre en cause les apprĂ©ciations du Tribunal et ne soulĂšverait pas de point de droit10. Ă la lecture de lâarrĂȘt, il est difficile de dire si cela tient Ă la formulation du moyen, Ă la lecture quâen fait la Cour ou aux deux. Il nous semble en tout cas prudent, du point de vue des entreprises concernĂ©es, de tirer de cet arrĂȘt lâenseignement suivant : lâapprobation dâun tarif par le rĂ©gulateur sectoriel ne crĂ©e aucune assurance quant Ă sa compatibilitĂ© avec lâarticle 102 TFUE et toute dĂ©fense tirĂ©e de la confiance lĂ©gitime est Ă cet Ă©gard hasardeuse. En effet, mĂȘme si, encore une fois, la Cour nâa pas Ă©cartĂ© le principe de cette dĂ©fense dans lâarrĂȘt Deutsche Telekom, il existe nĂ©anmoins des raisons en droit pour considĂ©rer quâune entreprise ne doit pas placer sa confiance dans les dĂ©cisions nĂ©gatives dâune autoritĂ© qui nâest pas compĂ©tente pour les adopter.
II. La compression des marges des concurrents : lâabus est constituĂ© si la tarification est de nature Ă exclure des concurrents aussi efficaces
En ce qui concerne lâanalyse au fond, lâarrĂȘt rapportĂ© est le premier rendu par la Cour dans une affaire de compression de marges. Il Ă©nonce donc pour la premiĂšre fois les conditions auxquelles ce type de schĂ©ma tarifaire constitue un abus. Rappelons Ă cet Ă©gard, une fois encore, que lâhypothĂšse de compression de marges ne concerne pas un prix abusif, mais un Ă©cart de prix abusif. Câest lâĂ©cart entre le prix dâaccĂšs Ă une infrastructure essentielle (ici la boucle locale) et le prix de dĂ©tail sur le marchĂ© aval qui est concernĂ©. Si cet Ă©cart est trop faible, les concurrents de lâentreprise en position dominante, pour qui le premier de ces prix reprĂ©sente un coĂ»t inĂ©vitable, ne peuvent entrer profitablement sur le marchĂ© aval.
La Cour rappelle que la liste des exemples dâabus contenue dans le paragraphe 2 de lâarticle 102 TFUE nâest pas exhaustive11 et confirme que la compression des marges peut constituer
9 Sur lâabsence de compĂ©tence des autoritĂ©s nationales de concurrence pour adopter des dĂ©cisions nĂ©gatives (constatant, par exemple, lâabsence dâinfraction Ă lâarticle 102 TFUE), v. infra, rubrique « Ă noter », concl. MazĂĄk dans lâaffaire C-375/09.
10 Pt 105 et suiv.
11 Pt 173.
historique3. En effet, celui-ci aurait pu solliciter une hausse de ses tarifs de dĂ©tail et rĂ©duire ainsi lâeffet de ciseau tarifaire. DĂšs lors, lâinfraction Ă lâarticle 102 TFUE consistant en une tarification qui avait pour effet de compresser les marges de ses concurrents lui Ă©tait imputable.
Dans son pourvoi, Deutsche Telekom ne niait pas avoir disposĂ© dâune marge de manĆuvre (il sâagit lĂ dâune question de fait et une telle prĂ©tention aurait Ă©tĂ© inopĂ©rante au stade du pourvoi)4. En revanche, elle faisait valoir que, en droit, lâexistence dâune marge de manĆuvre ne devait pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme suffisante pour Ă©tablir lâimputabilitĂ© dâun abus tarifaire en prĂ©sence de prix rĂ©gulĂ©s5. La Cour Ă©tait donc amenĂ©e Ă trancher une question qui concerne non seulement lâarticulation entre droit de la concurrence et rĂ©gulation sectorielle, mais aussi la portĂ©e de la responsabilitĂ© spĂ©ciale des entreprises en position dominante.
Concernant lâimputabilitĂ© Ă une entreprise en position dominante dâune pratique tarifaire contraire Ă lâarticle 102 TFUE lorsque les tarifs litigieux ont Ă©tĂ© approuvĂ©s par une autoritĂ© de rĂ©gulation, la Cour confirme le raisonnement du Tribunal : tant que la rĂ©gulation laisse une marge de manĆuvre Ă lâentreprise en position dominante, lâusage que fait celle-ci de sa marge de libertĂ© lui est imputable. La Cour rappelle Ă cet Ă©gard la jurisprudence â commune aux articles 101 et 102 TFUE â selon laquelle une restriction de concurrence sâapprĂ©cie par rapport Ă la concurrence qui est possible (ou âpraticableâ), compte tenu du cadre rĂ©glementaire6. Ce nâest donc que lorsquâune entreprise est obligĂ©e par le droit interne Ă adopter un comportement contraire au droit de la concurrence que celui-ci ne lui est pas imputable. En revanche, lorsquâune entreprise en position dominante est seulement âincitĂ©eâ Ă maintenir des tarifs contraires Ă lâarticle 102 TFUE, cela ne suffit pas Ă rendre cette disposition inapplicable7. La responsabilitĂ© spĂ©ciale dâune entreprise en position dominante et soumise Ă une rĂ©gulation sectorielle comprend donc lâobligation dâauto-Ă©valuer la licĂ©itĂ© de son comportement au regard de lâarticle 102 TFUE, et ce, indĂ©pendamment des apprĂ©ciations du rĂ©gulateur (en lâespĂšce, la Reg TP avait Ă©cartĂ© Ă plusieurs reprises le reproche tirĂ© dâune compression de marges restrictive de concurrence8).
Cet aspect de la responsabilitĂ© spĂ©ciale dâune entreprise rĂ©gulĂ©e paraĂźtra sans doute bien exigeant aux entreprises concernĂ©es, puisquâil signifie quâelles ne doivent pas se fier aux apprĂ©ciations du rĂ©gulateur quant Ă lâapplication de lâarticle 102 TFUE. Cela nâen est pas moins cohĂ©rent avec
3 TPICE, 10 avril 2008, Deutsche Telekom c/ Commission, aff. T-271/03, Rec. p. II-477, pts 85 et suiv., Concurrences, n° 2-2008, cette chronique, p. 112.
4 Par ailleurs, il est apparu devant la Cour que la marge de manĆuvre de Deutsche Telekom ne portait peut-ĂȘtre pas uniquement sur les prix de dĂ©tail. Les tarifs dâaccĂšs Ă la boucle locale, que le Tribunal avait supposĂ©s fixĂ©s par le rĂ©gulateur, comme il y Ă©tait invitĂ©, Ă©taient en effet eux aussi fixĂ©s par le rĂ©gulateur sur la base des propositions de lâopĂ©rateur historique. Ce point de fait est naturellement en dehors du cadre du pourvoi dont est saisie la Cour. Du reste, mĂȘme sâil avait Ă©tĂ© Ă©tabli Ă un stade antĂ©rieur de la procĂ©dure, lâanalyse de lâaffaire nâaurait pas Ă©tĂ© modifiĂ©e, puisque la marge de manĆuvre de Deutsche Telekom nâen aurait Ă©tĂ© que plus grande.
5 Pt 66.
6 Pt 80.
7 Pt 84.
8 Pts 70 et 99.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 93
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.la Commission. Il en va de mĂȘme sur un autre point, qui est une vĂ©ritable question de principe concernant lâinsertion dâune lâapproche Ă©conomique dans le droit de lâabus de position dominante : faut-il apprĂ©cier les effets des pratiques pour les qualifier dâabusives ? La Cour rĂ©pond clairement oui, mĂȘme si elle valide une approche relativement abstraite.
III. Lâexigence dâapprĂ©ciation des effets
LâarrĂȘt Deutsche Telekom marque une ouverture claire Ă une analyse des effets. La clartĂ© de la Cour sur la nĂ©cessitĂ© dâune analyse des effets est, sauf erreur, sans prĂ©cĂ©dent. Il faut dire que la question Ă©tait trĂšs clairement posĂ©e : devant le Tribunal, la Commission avait soutenu que, en lâĂ©tat du droit de lâUnion issu de la jurisprudence concernant les abus de position dominante, aucune dĂ©monstration dâun effet anticoncurrentiel nâĂ©tait nĂ©cessaire19. Le Tribunal avait rejetĂ© cette affirmation et jugĂ© que âlâeffet anticoncurrentiel que la Commission est tenue de dĂ©montrer se rapporte aux entraves Ă©ventuelles que les pratiques tarifaires de [lâentreprise en position dominante] ont pu causer au dĂ©veloppement de la concurrence sur le marchĂ© [aval]â20 (effet sur les concurrents donc, plus que sur les consommateurs). La Cour prĂ©cise que câest Ă bon droit que le Tribunal a jugĂ© ainsi21.
Elle juge aussi, en rĂ©ponse aux arguments du pourvoi, que, dans une hypothĂšse comme celle en cause, oĂč la compression des marges concerne les tarifs dâaccĂšs Ă une infrastructure essentielle, lâeffet dâĂ©viction est automatique : comme les concurrents nâont dâautre choix que de recourir Ă cette infrastructure, ils subissent nĂ©cessairement un effet dâĂ©viction si lâĂ©cart entre le coĂ»t dâaccĂšs Ă cette infrastructure et les prix de dĂ©tail avec lesquels les leurs doivent ĂȘtre concurrentiels est trop faible. Autrement dit, lâeffet dâĂ©viction rĂ©sulte du caractĂšre nĂ©cessaire de lâaccĂšs Ă lâinfrastructure essentielle.
En revanche, la Cour indique â ce qui pourrait peut-ĂȘtre constituer une ouverture Ă une analyse plus concrĂšte dans dâautres cas â que âen lâabsence du moindre effet sur la situation concurrentielle des concurrents, une pratique tarifaire telle celle en cause ne saurait ĂȘtre qualifiĂ©e de pratique dâĂ©viction lorsque la pĂ©nĂ©tration de ces derniers sur le marchĂ© concernĂ© nâest en rien rendue plus difficile par cette pratique22â. Sans doute, le standard est peu exigeant (âmoindre effetâ, âen rienâ) et lâouverture est donc timide. Il nâest pas non plus Ă©vident dâapercevoir Ă quelles hypothĂšses factuelles elle pourrait se rapporter (y aurait-il compression de marges si lâaccĂšs nâĂ©tait pas essentiel Ă lâentrĂ©e sur le marchĂ© aval ?23). Toujours est-il que la Cour a jugĂ© quâune dĂ©monstration des effets dâĂ©viction est exigĂ©e. Sans constituer une rĂ©volution, il nous semble donc que lâarrĂȘt Deutsche Telekom signale que la Cour est disposĂ©e Ă laisser une approche plus Ă©conomique de lâabus de position dominante se dĂ©velopper. Un dĂ©veloppement lent est cependant Ă prĂ©voir, dans la mesure oĂč la Cour, conformĂ©ment Ă sa jurisprudence antĂ©rieure, mais avec des
19 Pt 246.
20 ArrĂȘt du tribunal, citĂ© supra note 3, pt 235.
21 Pt 250.
22 Pt 254.
23 V. sur ce point la dĂ©cision 10-D-31 de lâAutoritĂ© de la Concurrence, infra (rubrique « Ă noter »)
un abus. Ă vrai dire, elle le fait en passant, car lâexistence de ce type dâabus nâĂ©tait pas contestĂ©e par la requĂ©rante, qui soutenait en revanche que les critĂšres dâapprĂ©ciation dâune compression des marges abusive devaient ĂȘtre adaptĂ©s dans le cas oĂč, comme en lâespĂšce, les tarifs de lâentreprise en position dominante Ă©taient rĂ©gulĂ©s12. Il est toutefois intĂ©ressant de relever que, Ă travers un point non contestĂ©, le critĂšre du concurrent aussi efficace est adoptĂ© par la Cour. Celle-ci Ă©nonce en effet que âpour autant que [lâentreprise en position dominante] dispose dâune marge de manĆuvre pour rĂ©duire ou Ă©liminer une telle compression des marges par lâaugmentation de ses prix de dĂ©tail pour les services dâaccĂšs aux abonnĂ©s [âŠ], cette compression de marges, eu Ă©gard Ă lâeffet dâĂ©viction quâelle est susceptible dâengendrer pour les concurrents aussi efficaces que [lâentreprise en position dominante], est susceptible, en elle-mĂȘme, de constituer un abus au sens de lâarticle [102, TFUE]13â.
Le critĂšre du concurrent aussi efficace, promu par la communication de la Commission sur les abus-exclusions se trouve ainsi admis par la Cour. Il convient de souligner quâil ne lâest pas uniquement dans lâhypothĂšse particuliĂšre de la compression de marges. En effet, dans le passage le plus important de lâarrĂȘt (pts 174-183), la Cour discute lâinsertion de cette forme dâabus dont elle connaĂźt pour la premiĂšre fois au sein de sa jurisprudence. Au point 177 de lâarrĂȘt, câest en termes gĂ©nĂ©raux que la Cour Ă©nonce la pertinence du critĂšre du concurrent aussi efficace. Elle juge en effet que âlâarticle [102, TFUE] interdit, notamment, Ă une entreprise en position dominante de se livrer Ă des pratiques tarifaires produisant des effets dâĂ©viction pour les concurrents aussi efficaces, actuels ou potentiels14â. Il est vrai que la gĂ©nĂ©ralitĂ© de cette affirmation reste limitĂ©e aux pratiques tarifaires, mais il en est de mĂȘme dans la communication de la Commission15.
Sans doute peut-on considĂ©rer que ce nâest pas la premiĂšre rĂ©fĂ©rence de la Cour Ă au critĂšre du conçurent aussi efficient : comme la Commission le relĂšve dans sa communication16, la Cour sây Ă©tait rĂ©fĂ©rĂ©e dans son arrĂȘt AKZO17, lorsquâelle avait indiquĂ©, Ă propos des prix prĂ©dateurs que â[c]es prix peuvent Ă©carter du marchĂ© des entreprises, qui sont peut-ĂȘtre aussi efficaces que lâentreprise dominante mais qui, en raison de leurs capacitĂ©s financiĂšres moindres, sont incapables de rĂ©sister Ă la concurrence qui leur est faite18â. Le critĂšre nâavait toutefois pas la mĂȘme portĂ©e que dans lâarrĂȘt Deutsche Telekom, car il prenait place alors dans lâĂ©noncĂ© dâune justification de lâinterdiction des prix prĂ©dateurs. Dans lâarrĂȘt commentĂ© en revanche, il sâagit dâune condition nĂ©cessaire pour que la compression de marges soit qualifiĂ©e dâabus. Sur ce point, lâarrĂȘt est donc dâassez bon augure en ce qui concerne la rĂ©ception par la Cour de lâapproche promue par
12 Pt 163.
13 Pt 183, nous soulignons.
14 Pt 177, nous soulignons.
15 Communication de la Commission, âOrientations sur les prioritĂ©s retenues par la Commission pour lâapplication de lâarticle 82 du traitĂ© CE aux pratiques dâĂ©viction abusives des entreprises dominantesâ, JO, C 45, 24 fĂ©vr. 2009, p. 7-20, § 23. Ce paragraphe se trouve dans la partie III, âApproche gĂ©nĂ©rale Ă lâĂ©gard des pratiques dâĂ©victionâ, dans la section C, âPratiques dâĂ©viction fondĂ©es sur les prixâ.
16 Note 17 de la Communication préc. (supra note 15)
17 CJCE, 3 juillet 1991, AKZOChemie c/ Commission, 62/86, Rec. p. I-3359.
18 AKZO, préc., pt 72.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 94
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.des pratiques sur les consommateurs ? Pourrait-on dĂ©finir, sinon des exigences probatoires, du moins des exigences de motivation plus prĂ©cises concernant le prĂ©judice des consommateurs ? Gageons que les plaideurs sauront poser Ă nouveau ces questions aux juridictions de lâUnion.
Effets dâĂ©viction des concurrents
En ce qui concerne lâanalyse des effets dâĂ©viction, lâeffectivitĂ© de lâapproche Ă©conomique Ă laquelle la Cour semble disposĂ©e Ă sâouvrir en principe â en adoptant le critĂšre du concurrent aussi efficace â dĂ©pendra en pratique de lâapplication de ce critĂšre. LĂ encore, il apparaĂźt dans lâarrĂȘt commentĂ© quâune approche raisonnablement abstraite peut ĂȘtre suffisante.
Le premier Ă©lĂ©ment dâabstraction dans lâapproche des effets dâĂ©viction est dĂ©jĂ connu : il ne sâagira pas dâexaminer si un concurrent donnĂ© est ou non aussi efficace que lâentreprise en position dominante. Comme la Commission le recommande dans sa communication et comme lâavait jugĂ© le Tribunal dans lâarrĂȘt qui se trouve ici confirmĂ©, comme la Cour elle-mĂȘme lâavait dĂ©jĂ jugĂ© dans son arrĂȘt Wanadoo, câest par rapport aux coĂ»ts de lâentreprise en position dominante elle-mĂȘme que le critĂšre sera appliquĂ©29. La question pertinente est donc de savoir si, en imaginant par un exercice mental que lâentreprise en position dominante se trouve en position de nouvel entrant sur le marchĂ© aval et en tenant compte des coĂ»ts dâaccĂšs Ă lâinfrastructure essentielle quâelle devrait alors subir, ainsi que de ses autres coĂ»ts pertinents, elle pourrait ou non entrer profitablement sur le marchĂ© aval. Comme nous lâavions Ă©crit Ă propos de lâarrĂȘt du Tribunal30, les entreprises en position dominante sont donc invitĂ©es Ă appliquer Ă leur comportement tarifaire une Ă©thique de la rĂ©ciprocitĂ©, exprimĂ©e dans ce quâon appelle parfois la rĂšgle dâor de la morale : âNe fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas quâon te fasse.â
Lâapproche est encore abstraite et gĂ©nĂ©rale en ce que la circonstance allĂ©guĂ©e par Deutsche Telekom, selon laquelle elle aurait Ă©tĂ© soumise Ă une rĂ©gulation asymĂ©trique, est jugĂ©e sans pertinence31. Le standard Ă lâaune duquel le critĂšre du concurrent aussi efficace est appliquĂ© est donc celui dâun concurrent hypothĂ©tique, ayant exactement les mĂȘmes coĂ»ts que ceux de lâentreprise en position dominante. Le fait que ce concurrent fictif puisse ne pas correspondre Ă une hypothĂšse rĂ©aliste â par exemple, parce que lâentreprise en position dominante est la seule Ă pouvoir rĂ©aliser des Ă©conomies dâĂ©chelle â est sans importance. En effet, ce mode de raisonnement ne tire pas sa justification de son ancrage dans la rĂ©alitĂ© des circonstances de chaque espĂšce, mais dans la sĂ©curitĂ© juridique quâil confĂšre aux entreprises en position dominante, du fait que celles-ci ne peuvent connaĂźtre les coĂ»ts de leurs concurrents mais bien les leurs32.
De la mĂȘme maniĂšre, câest une approche principielle de lâĂ©galitĂ© des chances entre concurrents qui conduit la Cour Ă rejeter le moyen pris du fait que le Tribunal nâavait pas examinĂ© concrĂštement les possibilitĂ©s pour les concurrents
29 Pts 196 et 198.
30 Concurrences, n° 2-2008, cette chronique, p. 114.
31 Pt 203.
32 Pt 202.
Ă©volutions qui mĂ©ritent dâĂȘtre signalĂ©es, admet une approche des effets que lâon peut qualifier de raisonnablement abstraite24.
IV. Lâapproche des effets reste raisonnablement abstraite
Effets sur les consommateurs
Le fait quâune apprĂ©ciation relativement abstraite des effets satisfasse aux exigences de la Cour se marque, en ce qui concerne lâapprĂ©ciation des effets sur les consommateurs, dans le raisonnement par lequel la Cour rejette lâobjection formulĂ©e par Deutsche Telekom selon laquelle, pour Ă©viter lâabus qui lui est reprochĂ©, elle aurait dĂ» augmenter ses prix de dĂ©tail. Dans le cadre dâun pourvoi, la Cour nâexamine naturellement pas la question factuelle de savoir si une telle augmentation des prix de lâopĂ©rateur historique aurait, en lâespĂšce, nuit aux consommateurs allemands. En revanche, elle statue en ce sens que, en droit, âla seule circonstance que la requĂ©rante devait augmenter ses prix de dĂ©tail pour les services dâaccĂšs aux abonnĂ©s pour Ă©viter la compression des marges des concurrents aussi efficaces quâelle-mĂȘme nâest nullement, en tant que telle, de nature Ă Ă©carter la pertinence du critĂšre retenu25â. Cette affirmation, qui suit le rappel de lâobjectif de protection des consommateurs26, trouve sa justification dans lâhorizon temporel long auquel se rĂ©fĂšre la Cour. Elle juge en effet que âla compression de marges [âŠ] a Ă©galement pour effet que les consommateurs subissent un dommage du fait de la limitation de leurs possibilitĂ©s de choix et, partant, de la perspective dâune rĂ©duction, Ă plus long terme, des prix de dĂ©tail en raison de la concurrence exercĂ©e par les concurrents au moins aussi efficaces sur ledit marchĂ©27â.
Il se dĂ©gage de ce passage lâimpression que lâeffet du comportement reprochĂ© Ă lâentreprise en position dominante sur les consommateurs est pris en considĂ©ration, mais quâil peut ĂȘtre Ă©tabli, comme par le passĂ©, par un raisonnement relativement abstrait. En rĂ©alitĂ©, lâadoption du critĂšre du concurrent aussi efficace permet dâaffiner une prĂ©somption qui existait dĂ©jĂ dans la jurisprudence, selon laquelle les consommateurs souffrent dâune altĂ©ration de la structure du marchĂ© ; le structuralisme initial cĂšde le pas Ă une approche plus en cohĂ©rence avec lâanalyse Ă©conomique contemporaine, mais lâapproche par prĂ©somption nâest pas remise en cause. Faut-il du reste le regretter ? Ce nâest pas certain. En effet, une exigence de dĂ©monstration in concreto du prĂ©judice subi par les consommateurs paraĂźt impraticable Ă plusieurs Ă©gards, ne serait-ce que parce que ce prĂ©judice ne peut ĂȘtre Ă©tabli avant dâĂȘtre rĂ©alisĂ©. Or, il est certain que la Commission nâa pas lâobligation dâattendre que lâabus soit consommĂ© pour le sanctionner28. Pourra-t-on nĂ©anmoins aller plus loin et trouver un meilleur compromis entre une approche tout Ă fait abstraite et une approche tout Ă fait concrĂšte de lâeffet
24 Nous empruntons cette expression Ă la Cour elle-mĂȘme, qui lâa utilisĂ©e dans un autre contexte, en matiĂšre de libre circulation des marchandises, dans lâarrĂȘt du 10 fĂ©vrier 2009, Commission/Italie, C-110/05, Rec. p. I-519, pt 31.
25 Pt 181.
26 Pt 180.
27 Pt 182.
28 Voir notamment pt 254.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 95
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.les pratiques susceptibles de causer un prĂ©judice immĂ©diat aux consommateurs, mais Ă©galement celles qui leur causent prĂ©judice en portant atteinte au jeu de la concurrenceâŠâ
Il nâest pas certain que cette modification lexicale soit dĂ©cisive. Du reste, les formules, surtout les mieux ancrĂ©es, ne sont modifiĂ©es durablement que par la rĂ©pĂ©tition dâune nouvelle formule, et la nouvelle rĂ©daction ci-dessus est donc encore trop jeune pour accĂ©der mĂȘme au statut de nouvelle formule. Il faut donc se contenter pour lâheure de relever que la Cour fait peut-ĂȘtre ici une ouverture vers une conception de la notion de restriction de concurrence qui ne serait plus aussi structuraliste que par le passĂ©. La responsabilitĂ© spĂ©ciale des entreprises en position dominante ne serait plus de prĂ©server la structure du marchĂ©, mais la concurrence. Souhaitons longue vie Ă cette nuance ! Elle pourrait en effet ĂȘtre importante pour lâintroduction dâune approche plus Ă©conomique, dans la mesure oĂč elle pourrait signifier quâil ne suffit plus dâĂ©tablir que le comportement en cause est de nature Ă provoquer une altĂ©ration de la structure de marchĂ© (Ă©viction dâun concurrent) pour conclure Ă un abus. Le prĂ©judice rĂ©sultant, pour les consommateurs, du comportement de lâentreprise en position dominante pourrait ne plus ĂȘtre prĂ©sumĂ© Ă partir de lâeffet sur la structure du marchĂ©42. Ce serait du reste cohĂ©rent avec le critĂšre du concurrent aussi efficace consacrĂ© dans le prĂ©sent arrĂȘt : lâabus ne serait pas constituĂ© par lâĂ©viction de nâimporte quel concurrent, mais seulement par celle dâun concurrent aussi efficace.
Ă petits pas donc, et pour toutes les raisons qui prĂ©cĂšdent, il est possible de lire dans lâarrĂȘt Deutsche Telekom plusieurs indices de la rĂ©ceptivitĂ© de la Cour Ă lâapproche mise en avant par la Commission sur les abus-exclusions. Ă tout le moins, la Cour ne fait pas obstacle au dĂ©veloppement dâune approche plus Ă©conomique des abus-exclusions.
A.-L. S n
dĂ©limitation de marChĂ©s de produits â marChĂ© primaire et marChĂ© de lâaprĂšs-vente : Le Tribunal de lâUE annule la dĂ©cision de la Commission de rejeter la plainte dâune association dâhorlogers-rĂ©parateurs (Trib. UE, 15 dĂ©cembre 2010, CEAHR c/ Commission, aff. Tâ427/08)
Saisie par la ConfĂ©dĂ©ration europĂ©enne des associations dâhorlogers-rĂ©parateurs (âCEAHRâ) de pratiques allĂ©guĂ©es dâentente et dâabus de position dominante contre six fabricants de montres de luxe, la Commission europĂ©enne (âla Commissionâ) avait, dans une dĂ©cision du 10 juillet 2008, rejetĂ© la plainte en lâabsence dâun intĂ©rĂȘt communautaire suffisant pour poursuivre lâenquĂȘte.
La CEAHR avait alors formé devant le Tribunal un recours en annulation contre cette décision de rejet (voir cette revue,
42 Sur cette infĂ©rence caractĂ©ristique de la jurisprudence europĂ©enne en matiĂšre dâabus de position dominante, voir E. Rousseva, Rethinking Exclusionary Abuses in EC Competition Law, Hart Publishing, OUP, 2010 ; L. Lovdahl Gormsen, âThe conflict between economic freedom and consumer welfare in the modernisation of Article 82 ECâ, European Competition Law Journal, 2007, p. 329-344 ; L. Lovdahl Gormsen, A Principled Approach to Abuse of Dominance in European Competition Law, Cambridge UP, âCambridge Antitrust and Competition Law Seriesâ, 2010.
de Deutsche Telekom de compenser par des subventions croisĂ©es les pertes quâils subissaient, du fait du comportement en cause, en ce qui concerne les abonnements Ă Internet (ils auraient pu se rattraper sur le prix des communications tĂ©lĂ©phoniques). Selon la Cour, le Tribunal Ă©tait en droit de ne pas Ă©tendre son analyse au-delĂ du marchĂ© concernĂ© (lâaccĂšs Ă Internet et non les communications tĂ©lĂ©phoniques) pour apprĂ©cier la viabilitĂ© des concurrents33. Le contrĂŽle effectuĂ© par le Tribunal, que la requĂ©rante jugeait excessivement restreint et âincompatible avec lâĂ©tat de la science Ă©conomiqueâ est donc jugĂ© suffisant par la Cour34.
V. Vers une nouvelle formule de lâabus ?
La jurisprudence de la Cour se construit par formules35. Les formules de la Cour, ce sont ces paragraphes familiers qui reviennent dâarrĂȘt en arrĂȘt, comme des refrains de la jurisprudence. En ce qui concerne lâabus de position dominante, la formule historique est celle de lâarrĂȘt Hoffmann-La Roche selon laquelle âlâarticle [102, TFUE] vise les comportements qui sont de nature Ă influencer la structure du marchĂ© oĂč, Ă la suite prĂ©cisĂ©ment de la prĂ©sence de lâentreprise en question, le degrĂ© de concurrence est dĂ©jĂ affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours Ă des moyens diffĂ©rents de ceux qui gouvernent une compĂ©tition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opĂ©rateurs Ă©conomiques, au maintien du degrĂ© de concurrence existant encore sur le marchĂ© ou au dĂ©veloppement de cette concurrence36â. Cette formule est rĂ©pĂ©tĂ©e dans la plupart des arrĂȘts â sinon tous â rendus en matiĂšre dâabus de position dominante. Elle lâest encore dans lâarrĂȘt commentĂ©37.
Toutefois, ce paragraphe si souvent rĂ©pĂ©tĂ© de lâarrĂȘt Hoffmann-La Roche nâest pas la seule formule de lâabus. Une autre, presque aussi frĂ©quemment prĂ©sente38, est issue des arrĂȘts United Brands et Michelin I lus conjointement : âLâarticle [102, FTUE] visant non seulement les pratiques susceptibles de causer un prĂ©judice immĂ©diat aux consommateurs, mais Ă©galement celles qui leur causent prĂ©judice en portant atteinte Ă une structure de concurrence effective39, il incombe Ă lâentreprise qui dĂ©tient une position dominante une responsabilitĂ© particuliĂšre de ne pas porter atteinte par son comportement Ă une concurrence effective et non faussĂ©e dans le marchĂ© commun40â. Cette derniĂšre formule, qui Ă©tait encore citĂ©e telle quelle dans lâarrĂȘt Wanadoo41 subit une lĂ©gĂšre modification dans lâarrĂȘt rapportĂ©. En effet, la rĂ©fĂ©rence Ă la structure du marchĂ© â issue de lâarrĂȘt United Brands â disparaĂźt dans le passage suivant : âLâarticle [102, TFUE] visant ainsi non seulement
33 Pts 233-236.
34 Pt 244.
35 Voir sur ce point L. Azoulai, âLa fabrication de la jurisprudence communautaireâ, dans P. Mbongo et A. Vauchez (dir.), Dans la fabrique du droit europĂ©en : ScĂšnes, acteurs et publics de la Cour de justice des CommunautĂ©s europĂ©ennes, Bruylant, Bruxelles, 2009, p. 153.
36 CJCE, 13 févr. 1979, Hoffmann-La Roche c/ Commission, 85/76, Rec. p. 461, pt 91.
37 Pt 174.
38 Nous nâavons pas effectuĂ© de comptage prĂ©cis.
39 CJCE, 21 févr. 1973, Europemballage et Continental Can c/ Commission, 6/72, Rec. p. 215, pt 26.
40 CJCE, 9 nov. 1983, Michelin c/ Commission, 322/81, Rec. p. 3461, pt 57.
41 CJCE, 2 avril 2009, France Télécom c/ Commission, C-202/07 P, Rec. p. I-2369, pt 105.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 96
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.des trois hypothĂšses de marchĂ©s possibles dans une situation telle que celle de lâespĂšce46, les deux autres Ă©tant :
â lâexistence, dâune part, dâun marchĂ© regroupant tous les produits primaires (toutes marques confondues) et, dâautre part, dâun marchĂ© des piĂšces dĂ©tachĂ©es et des services de rĂ©paration nĂ©cessaires pour lâusage et lâentretien de ces produits ;
â lâexistence, dâune part, dâun marchĂ© de tous les produits primaires (toutes marques confondues) et, dâautre part, de marchĂ©s secondaires des piĂšces dĂ©tachĂ©es et des services pour chaque marque.
Une telle dĂ©limitation dâun âmarchĂ© de systĂšmeâ diffĂšre de la pratique des autoritĂ©s françaises dans ce secteur, qui tend Ă segmenter nettement marchĂ© primaire et marchĂ© de lâaprĂšs-vente. Le Conseil de la concurrence, suivant en cela la Cour dâappel de Paris, a ainsi eu lâoccasion de dĂ©finir :
â un âmarchĂ© des montres haut de gamme ou montresde luxeâ 47;
â un âmarchĂ© de la rĂ©paration horlogĂšreâ caractĂ©risĂ© par âla qualification de la main dâĆuvre et par le type de produits rĂ©parĂ©s, montres et horloges de haut ou de trĂšs haut de gamme, seuls produits pour lesquels une rĂ©paration coĂ»teuse se justifieâ48.
On relĂšvera le fait que le Conseil de la concurrence avait Ă©galement eu lâoccasion de retenir un segment des âmontres dont le prix est supĂ©rieur Ă 1 000 âŹâ49.
Pour le Tribunal, la Commission ne sâest pas trompĂ©e sur lâutilisation de la notion de âmontres de luxe ou de prestigeâ Ă la place de la notion de âmontres qui valent la peine dâĂȘtre rĂ©parĂ©esâ. Il relĂšve en effet que la Commission nâa pas commis dâerreur dans la mesure oĂč la demande de piĂšces de rechange nâexiste que pour les âmontres chĂšresâ, de 1 500 Ă 4 000 euros, soit 60 Ă 160 plus que le prix de la montre la moins chĂšre âremplissant sa fonction principale de façon fiableâ, soit 25 euros (§ 73-74).
En revanche, le Tribunal ne suit pas la Commission dans la seconde partie de son raisonnement qui consiste Ă agrĂ©ger piĂšces de rechange, dâune part, et services aprĂšs-vente, dâautre part, dans un mĂȘme marchĂ© pertinent.
Sâagissant des piĂšces de rechange propres Ă une marque de montre, la Commission a en effet considĂ©rĂ© que ce marchĂ© peut ne pas constituer un marchĂ© pertinent dans le cas oĂč âle consommateur peut se tourner vers les piĂšces de rechange fabriquĂ©es par un autre producteurâ ou bien lorsque âle
46 Cf. R. OâDonoghue et A. Jorge Padilla, The Law And Economics of Article 82 EC, Hart Publishing, 2006, p. 103.
47 ArrĂȘt de la Cour dâappel de Paris, 9 dĂ©c. 1997, Rolex ; dĂ©c. Cons. conc. n° 03-D-60, 17 dĂ©c. 2003, relative Ă des pratiques mises en Ćuvre dans le secteur de lâhorlogerie de luxe, § 28 ; arrĂȘt de la Cour dâappel de Paris, 29 juin 2004, Marcout-Soulhol c/ Cartier ; dĂ©c. Cons. conc. n° 05-D-46, 28 juil. 2005, relative Ă des pratiques mises en Ćuvre par la sociĂ©tĂ© Jaeger-Lecoultre, § 2, voir notamment obs. A. Wachsmann, Concurrences, n° 4-2005, p. 75.
48 DĂ©c. Cons. conc. n° 05-D-46, 28 juil. 2005, relative Ă des pratiques mises en Ćuvre par la sociĂ©tĂ© Jaeger-Lecoultre, § 2.
49 Déc. Cons. conc. n° 06-D-24, 24 juil. 2006, relative à la distribution des montres commercialisées par Festina France, § 25.
Chronique ProcĂ©dures, infra, pour les moyens procĂ©duraux soulevĂ©s par la CEAHR) et a obtenu gain de cause avec lâarrĂȘt du 15 dĂ©cembre 2010.
La CEAHR avait en effet considéré dans sa plainte que les fabricants de montres de luxe, en refusant de continuer à approvisionner les réparateurs de montres indépendants, avaient abusé de leur position dominante et avaient participé à une entente.
Cette question de la dĂ©limitation des marchĂ©s pertinents dans le cas des services aprĂšs-vente a Ă©tĂ© souvent abordĂ©e par les juridictions de lâUnion europĂ©enne. La Cour et le Tribunal ont ainsi eu lâoccasion de constater lâexistence dâun marchĂ© des piĂšces de rechange dâune marque, distinct de celui du produit primaire et des piĂšces de rechange des autres marques. Tel avait Ă©tĂ© le cas dans lâaffaire Hugin43 , oĂč la Cour de justice avait considĂ©rĂ© quâil existait une demande spĂ©cifique de piĂšces dĂ©tachĂ©es Hugin pour les caisses enregistreuses de mĂȘme marque, celles-ci ne pouvant ĂȘtre remplacĂ©es par les piĂšces dĂ©tachĂ©es faites pour les caisses enregistreuses dâune autre marque. Dans les affaires Hilti44 et Tetra Pak45, un marchĂ© propre Ă une marque de produits avait Ă©tĂ© dĂ©fini : respectivement un marchĂ© des clous compatibles avec les pistolets de scellement Hilti et un marchĂ© des cartons destinĂ©s aux machines de conditionnement Tetra Pak.
Dans la prĂ©sente affaire, alors que la CEAHR considĂ©rait quâil existait un marchĂ© des âservices de rĂ©paration et dâentretien des montres qui valent la peine dâĂȘtre rĂ©parĂ©esâ (§ 50), la Commission avait estimĂ© que les activitĂ©s de service dâentretien et de rĂ©paration ne constituaient pas un marchĂ© pertinent mais devaient ĂȘtre examinĂ©es âconjointement avec le marchĂ© primaireâ (§ 53), câest-Ă -dire avec les produits eux-mĂȘmes, âmontres de luxe ou de prestigeâ (§ 52). De mĂȘme, la Commission avait considĂ©rĂ© quâelle ne disposait pas des Ă©lĂ©ments pertinents pour conclure que âla fourniture de piĂšces de rechangeâ constituait un marchĂ© distinct (§ 57). Câest donc sur un âmarchĂ© pertinentâ trĂšs Ă©largi constituĂ© du âmarchĂ© primaire des montres de luxe ou de prestigeâ, comprenant les âmarchĂ©s de lâaprĂšs-vente connexes de rĂ©paration et dâentretien, dâune part, et des piĂšces de rechange, dâautre partâ (§ 57), que la Commission a analysĂ© lâexistence dâune Ă©ventuelle entente et dâune Ă©ventuelle position dominante collective des fabricants.
En somme, la CEAHR reprochait Ă la Commission dâavoir effectuĂ© un double mouvement dans son analyse : dâune part, une rĂ©duction des produits en cause aux seules montres de luxe ou de prestige au lieu dâune catĂ©gorie plus large des montres âvalant la peine dâĂȘtre rĂ©parĂ©esâ, qui semblait cependant assez vague et moins claire que la notion de âmontres de luxeâ ; dâautre part, une agrĂ©gation, dans le mĂȘme marchĂ©, des produits (les montres) avec les services aprĂšs-vente et les services de rĂ©paration et de fourniture de piĂšces.
La dĂ©limitation retenue par la Commission correspond en rĂ©alitĂ© Ă celle dâun âmarchĂ© de systĂšmeâ (§ 103) incluant Ă la fois les produits et les piĂšces dĂ©tachĂ©es et les services nĂ©cessaires pour lâentretien de ces produits. Il sâagit de lâune
43 CJCE, 31 mai 1979, Hugin Kassaregister et Hugin Cash Registers, aff. C-22/78.
44 TPICE, 12 déc. 1991, Hilti, aff. T-30/89 et CJCE, 2 mars 1994, Hilti, aff. C-53/92.
45 TPICE, 6 oct. 1994, Tetra Pak International, aff. T-83/91.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 97
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.sur le fondement de la seule analyse dĂ©veloppĂ©e dans la dĂ©cision de rejet de la plainte, que les services de rĂ©paration et dâentretien des montres appartenaient au mĂȘme marchĂ© que les montres de luxe ou de prestige.
Une fois remise en cause la dĂ©limitation retenue par la Commission, les consĂ©quences sâenchaĂźnent quant Ă la qualification des pratiques et de la position des fabricants de montres :
â la Commission nâayant pas pu Ă©tablir que la part de marchĂ© des fabricants de montres est infĂ©rieure Ă 30 % sur les marchĂ©s des piĂšces de rechange propres aux enseignes, elle ne pouvait conclure Ă lâapplication de lâexemption prĂ©vue par le rĂšglement sur les restrictions verticales ;
â de mĂȘme, la Commission nâa pas examinĂ© âla position que les fabricants de montres suisses dĂ©tiennent sur les marchĂ©s des piĂšces de rechange spĂ©cifiques Ă leurs propres enseignesâ, sur lesquels il ne saurait ĂȘtre exclu quâils dĂ©tiennent âune position dominante, voire un monopole, Ă tout le moins pour ce qui concerne certaines gammes de leurs piĂšces de rechange, qui constituent des marchĂ©s pertinentsâ (§ 151).
Le Tribunal en conclut que la Commission a commis plusieurs erreurs manifestes dâapprĂ©ciation et annule la dĂ©cision de rejet de la plainte. Les pendules sont dĂ©sormais remises Ă lâheureâŠ
A. W. n
Ă©viCtion antiConCurrentielle â intĂ©gration vertiCale â engagements : La Commission europĂ©enne accepte les engagements de lâopĂ©rateur historique italien visant Ă supprimer les entraves Ă lâaccĂšs au marchĂ© gazier italien et Ă mettre fin Ă des pratiques allĂ©guĂ©es dâĂ©viction anticoncurrentielle (Comm. eur., dĂ©c. art. 9 R.1/2003 du 29 septembre 2010, ENI, aff. COMP/39315)
La dĂ©cision de la Commission europĂ©enne, rendant obligatoires les engagements proposĂ©s par ENI pour mettre fin Ă la procĂ©dure lancĂ©e Ă son encontre pour verrouillage anticoncurrentiel du marchĂ© gazier italien, sâinsĂšre dans la dĂ©sormais longue sĂ©rie dâaffaires relatives au secteur de lâĂ©nergie closes au travers dâune procĂ©dure dâengagements sur la base de lâarticle 9 du rĂšglement n° 1/2003. Elle doit, Ă ce titre, ĂȘtre remise en perspective avec la politique europĂ©enne en matiĂšre Ă©lectrique et gaziĂšre avant de faire lâobjet dâune analyse, portant successivement sur les pratiques concernĂ©es et sur les engagements rendus obligatoires par la dĂ©cision de la Commission.
I. Une procĂ©dure dâengagements prenant place dans le contexte particulier des interventions de la Commission dans le secteur Ă©nergĂ©tique
LâenquĂȘte sectorielle sur le fonctionnement des marchĂ©s europĂ©ens du gaz et de lâĂ©lectricitĂ© avait Ă©tĂ© lancĂ©e en 2005, seulement deux ans aprĂšs le deuxiĂšme train de directives libĂ©ralisant le secteur (directives du 26 juin 2003 n° 2003/54 relative au secteur Ă©lectrique et n° 2003/55 relative au secteur gazier). Ses conclusions, publiĂ©es en janvier 2007,
consommateur peut se tourner vers un autre produit primaire afin dâĂ©viter une augmentation de prix sur le marchĂ© des piĂšces de rechangeâ (§ 79).
DĂ©terminer la possibilitĂ©, pour le consommateur, de se tourner vers les piĂšces de rechange fabriquĂ©es par des concurrents revient Ă examiner sâil existe un marchĂ© unique des piĂšces de rechange ou bien une âmultitude de marchĂ©s de piĂšces de rechange spĂ©cifiques aux enseignesâ (§ 84). Le Tribunal, se fondant sur la position provisoire de la Commission dans le cadre de la prĂ©sente affaire, ainsi que sur la pratique dĂ©cisionnelle des autoritĂ©s nĂ©erlandaise et suisse, constate que la substituabilitĂ© entre les piĂšces de rechange de diffĂ©rentes marques nâest pas Ă©tablie par la Commission (§ 90).
Sâagissant de la possibilitĂ©, pour les consommateurs, de se tourner vers un autre produit primaire pour contourner lâaugmentation du prix des piĂšces de rechange, le Tribunal relĂšve notamment quââune augmentation modĂ©rĂ©e du prix des piĂšces de rechange demeure dâun montant nĂ©gligeable par rapport au prix dâune montre de luxe ou de prestige neuveâ (§ 96). Il en dĂ©duit que la possibilitĂ© de recourir Ă un autre produit primaire nâest pas Ă©tablie.
Le Tribunal considĂšre ensuite que pour quâun marchĂ© de systĂšme puisse ĂȘtre reconnu, il faut Ă©tablir quââun nombre suffisant de consommateurs se tournerait vers les autres produits primaires dans le cas dâune augmentation modĂ©rĂ©e des prix des produits ou services appartenant aux marchĂ©s de lâaprĂšs-vente pour rendre une telle augmentation non rentableâ (§ 105). Or, la Commission a considĂ©rĂ© que le prix des piĂšces de rechange est âmineur et dĂ©pourvu dâimportanceâ par rapport au prix des montres (§ 106). Le Tribunal en conclut que la Commission ânâa pas dĂ©montrĂ© quâune augmentation modĂ©rĂ©e du prix de piĂšces de rechange par un certain producteur causerait un dĂ©placement de la demande vers les montres des autres producteurs, rendant une telle augmentation non rentableâ (§ 107). Par consĂ©quent, il ne saurait ĂȘtre exclu quâil existe des âmarchĂ©s pertinents sĂ©parĂ©s constituĂ©s par les piĂšces de rechange spĂ©cifiques aux enseignes, en fonction de leur substituabilitĂ©â (§ 109).
Sâagissant des services de rĂ©paration et dâentretien des montres, Ă©galement agrĂ©gĂ©s au marchĂ© primaire des montres, le Tribunal constate quâil existe des entreprises spĂ©cialisĂ©es dans ce domaine, ce qui constitue un indice de lâexistence dâun marchĂ© distinct (§ 112). Plus sĂ©vĂšrement, il relĂšve que mĂȘme si le cas des marchĂ©s primaires et des marchĂ©s de lâaprĂšs-vente est spĂ©cifique (voir Ă©galement sur ce point la communication de la Commission du 9 dĂ©cembre 1997 sur la dĂ©finition du marchĂ© en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, § 56) et mĂȘme sâils peuvent ĂȘtre analysĂ©s dans le cadre dâun mĂȘme marchĂ©, la Commission doit Ă©tablir quâil existe un degrĂ© suffisant dâinterchangeabilitĂ© en vue du mĂȘme usage entre tous les produits ou les services considĂ©rĂ©s, la substituabilitĂ© ne sâapprĂ©ciant pas âau seul regard des caractĂ©ristiques objectives des produits et des services en causeâ, mais prenant âen considĂ©ration les conditions de la concurrence et la structure de la demande et de lâoffre sur le marchĂ©â (§ 67 et 115), ce quâelle nâa pas fait dans le cas prĂ©sent.
Le Tribunal en conclut, comme pour les activités liées aux piÚces de rechange, que la Commission ne pouvait conclure
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 98
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.effectivement de prĂ©venir le risque de conflits dâintĂ©rĂȘts entre la gestion des actifs de transport et les dĂ©cisions prises dans les autres activitĂ©s des groupes ouvertes Ă la concurrence.
De telles stratĂ©gies pouvaient en outre ĂȘtre dâautant plus facilement mises en Ćuvre que les interconnexions entre les diffĂ©rents rĂ©seaux nationaux sont sous-dimensionnĂ©es (elles furent conçues Ă des fins de secours mutuels ou dâĂ©changes limitĂ©s et non dans la perspective dâun marchĂ© unifiĂ©), que les capacitĂ©s disponibles font souvent lâobjet dâopportuns contrats de rĂ©servation, Ă long terme, au bĂ©nĂ©fice des opĂ©rateurs historiques et que les rĂ©gimes dâĂ©quilibrage sont souvent conçus dâune maniĂšre favorable aux opĂ©rateurs en place.
Afin de rĂ©pondre Ă ces difficultĂ©s, la Commission fit de premiĂšres propositions dans le cadre de la prĂ©paration du troisiĂšme paquet de directives allant dans le sens dâun ownership unbundling, en dâautres termes, dâune dĂ©s-intĂ©gration verticale des opĂ©rateurs historiques51. Ătant donnĂ© lâopposition rĂ©solue de certains Ătats membres, il fallut trouver un compromis : le modĂšle du gestionnaire indĂ©pendant de rĂ©seau de transport (ITO, Independent Transmission Operator) fut rendu possible aux cĂŽtĂ©s des modĂšles de la sĂ©paration patrimoniale et du gestionnaire de rĂ©seau indĂ©pendant (ISO, Independent System Operator) introduits par les directives de 2003 sur lâĂ©lectricitĂ© et le gaz52. Le systĂšme du gestionnaire de rĂ©seau de transport indĂ©pendant doit dans ce cadre apporter des garanties suffisantes en matiĂšre dâautonomie de gestion, compromis sâĂ©tablissant bien en-deçà des volontĂ©s initiales de la Commission.
Cependant, des procĂ©dures individuelles sur la base de lâarticle 102 du TraitĂ© furent lancĂ©es parallĂšlement Ă lâenquĂȘte sectorielle Ă lâencontre dâopĂ©rateurs historiques de nombreux Ătats membres, notamment lâAllemagne, la Belgique, la France et lâItalie53. Lâinstruction de ces diffĂ©rents cas, concernant des opĂ©rateurs majeurs des secteurs Ă©lectriques et gaziers europĂ©ens, tels E.On, RWE, EDF, GDF Suez ou ENI, fut menĂ©e indĂ©pendamment des discussions lĂ©gislatives sur le troisiĂšme paquet de directives54. Cependant, si la sĂ©paration patrimoniale â sous forme de cession par les groupes verticalement intĂ©grĂ©s de leurs actifs de transport â fut refusĂ©e Ă la Commission, il apparaĂźt que bon nombre des dĂ©cisions individuelles en cause se traduisirent in fine par de tels remĂšdes structurels. Second trait remarquable, les mesures correctives en question ne furent pas prononcĂ©es sur la base de lâarticle 7 du rĂšglement n° 1/2003, mais rendues obligatoires dans le cadre dâune procĂ©dure dâengagements volontaires suivant lâarticle 9 du mĂȘme rĂšglement.
Le recours à une telle procédure, commun aux cas E.On (26 novembre 2008) et RWE (18 mars 2009), mais aussi
51 Commission européenne, Proposition de directive modifiant la directive 2003/55/CE concernant des rÚgles communes pour le marché intérieur du gaz, COM(2007) 529 final, 19 septembre2007.
52 Conseil europĂ©en, Directive relative aux conditions dâaccĂšs aux rĂ©seaux de transport de gaz naturel, 13 juillet 2009.
53 Commission européenne, Competition: Commission has carried out inspections in the EU gas sector in five Member States, MEMO/06/205, 17 mai 2006.
54 U. Scholz et S. Purps, âThe application of EC competition law in the energy sectorâ, Journal of European Competition Law & Practice, vol. 1, n° 1, 2010, p. 37-51.
avaient mis en exergue un ensemble de dysfonctionnements des marchĂ©s de lâĂ©nergie faisant obstacle Ă la construction dâun marchĂ© intĂ©rieur concurrentiel50. Les prĂ©occupations de la Commission concernaient tant les marchĂ©s de gros de lâĂ©nergie que les possibilitĂ©s de dĂ©veloppement de stratĂ©gies anticoncurrentielles au travers du contrĂŽle des rĂ©seaux de transport. Le caractĂšre trop Ă©troitement oligopolistique des diffĂ©rents marchĂ©s nationaux Ă©tait Ă la fois expliquĂ© et aggravĂ© par les conflits dâintĂ©rĂȘts liĂ©s au caractĂšre verticalement intĂ©grĂ© des opĂ©rateurs historiques. Ces derniers, bĂ©nĂ©ficiant dĂ©jĂ de leur poids sur le marchĂ© (dĂ» aux capacitĂ©s installĂ©es), pouvaient en outre utiliser stratĂ©giquement leur contrĂŽle du rĂ©seau de transport pour verrouiller lâaccĂšs au marchĂ© aux nouveaux entrants. En effet, comme lâa mis en Ă©vidence lâenquĂȘte sectorielle, les intĂ©rĂȘts du groupe en matiĂšre dâactivitĂ©s de production et de fourniture (de gaz ou dâĂ©lectricitĂ©) peuvent gĂ©nĂ©rer quelques distorsions quant Ă la gestion des actifs de transport.
Celles-ci peuvent ĂȘtre regroupĂ©es en trois ensembles. Les premiĂšres distorsions correspondent Ă des conditions dâaccĂšs au rĂ©seau qui sont discriminatoires Ă lâĂ©gard des nouveaux entrants. Le gestionnaire de rĂ©seau peut avantager les filiales de son groupe sur le marchĂ© aval, par exemple en dĂ©gradant aux points de vue techniques ou tarifaires les conditions dâaccĂšs au marchĂ© des concurrents. Un deuxiĂšme ensemble de stratĂ©gies dâĂ©viction anticoncurrentielle correspond Ă la transmission dâinformations privilĂ©giĂ©es quant Ă la stratĂ©gie commerciale et aux activitĂ©s des concurrents. Dans le cas dâespĂšce, le rĂ©gulateur sectoriel ne serait pas en mesure de garantir que les murailles de Chine requises par les rĂšgles de sĂ©paration fonctionnelle sont rĂ©ellement effectives. Enfin, un troisiĂšme ensemble de difficultĂ©s peut provenir de distorsions induites dans les choix dâinvestissements du gestionnaire dâinfrastructures. En effet, des investissements qui seraient optimaux pour le rĂ©seau de transport, considĂ©rĂ© isolĂ©ment, peuvent en fait dĂ©truire de la valeur sâils sont considĂ©rĂ©s au niveau du groupe intĂ©grĂ©. Une extension des capacitĂ©s peut ĂȘtre souhaitable au point de vue du consommateur, accroĂźtre les ressources du gestionnaire de rĂ©seau, mais parallĂšlement accroĂźtre la contestabilitĂ© du marchĂ© national et donc mettre en cause la dominance de la filiale de fourniture du groupe. Un sous-investissement stratĂ©gique dans les capacitĂ©s de transport de gaz ou dâĂ©lectricitĂ© peut donc ĂȘtre observĂ©. Il peut mĂȘme induire un sous-investissement dans des actifs de production de la part des nouveaux entrants, dans la mesure oĂč ces derniers peuvent anticiper dâĂ©ventuelles entraves en matiĂšre dâaccĂšs au marchĂ©. Les questions de sous-investissements stratĂ©giques posent, comme nous le verrons, des difficultĂ©s spĂ©cifiques en matiĂšre de politiques de concurrence.
LâintĂ©gration verticale est donc vue par la Commission comme une structure industrielle offrant aux opĂ©rateurs historiques non seulement des incitations mais aussi la possibilitĂ© de mettre en Ćuvre des stratĂ©gies dâexclusion anticoncurrentielle. Selon elle, les rĂ©gulateurs nationaux ne disposaient pas des ressources et des compĂ©tences juridiques nĂ©cessaires pour sâassurer que les rĂšgles de sĂ©paration fonctionnelle introduites par les directives de 2003 permettent
50 P. Lowe, I. Pucinkaite, W. Webster et P. Lindberg, âEffective unbundling of energy transmission networks: Lessons from the Energy Sector Inquiryâ, Competition Policy Newsletter, n° 1, printemps 2007, p. 23-34.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 99
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.propres (en Italie et en Lybie), des contrats dâachats Ă long terme avec dâautres producteurs, mais il exploite â en partenariat avec des groupes Ă©trangers â lâintĂ©gralitĂ© des capacitĂ©s dâimportation de gaz naturel sur le marchĂ© italien, quâil sâagisse de gazoducs ou du terminal portuaire GNL de Panigaglia. Non seulement ENI exerce un contrĂŽle sur les infrastructures nĂ©cessaires Ă ses concurrents pour importer du gaz sur le marchĂ© italien, mais il dĂ©tient en outre des droits de transport particuliĂšrement Ă©levĂ©s sur ces derniers et a rĂ©servĂ©, Ă long terme, un volume significatif des capacitĂ©s disponibles (§ 18). ENI exerce, selon la Commission, une influence dĂ©terminante sur la gestion au jour le jour des infrastructures, sur les dĂ©cisions dâaffectation des capacitĂ©s Ă court et Ă long terme, mais aussi sur les dĂ©cisions dâextension de ces derniĂšres. Or, celles-ci sont indispensables aux concurrents dâENI pour accĂ©der au marchĂ© italien de la distribution de gaz (§ 32), dans la mesure oĂč aucun fournisseur nâa la capacitĂ© ni les incitations idoines pour dĂ©velopper des infrastructures alternatives.
Les griefs de la Commission sâarticulent donc autour de la thĂ©orie des infrastructures essentielles (âfacilitĂ©s essentiellesâ). En effet, la Commission souligne quâune entreprise dominante utilisant ce type dâinfrastructure pour accĂ©der au marchĂ© et refusant dans le mĂȘme temps son accĂšs Ă ses concurrents (actuels ou potentiels), ou le leur accordant dans des conditions discriminatoires par rapport Ă celles de ses propres activitĂ©s aval peut ĂȘtre sanctionnĂ©e sur la base de lâarticle 102 TFUE57. La jurisprudence europĂ©enne a dĂ©gagĂ© trois conditions cumulatives pour quâun refus dâaccĂšs Ă une telle infrastructure constitue un abus de position dominante.
Il faut tout dâabord que le refus porte sur un produit ou service indispensable Ă lâexercice dâune activitĂ© sur un marchĂ© aval. Il est ensuite nĂ©cessaire de montrer que ce refus est de nature Ă Ă©liminer ou Ă empĂȘcher une concurrence effective sur le marchĂ© considĂ©rĂ©. Enfin, il est requis de la Commission quâelle montre que ce refus ne repose pas sur des bases objectives.
Il est Ă relever que, dans ses orientations de fĂ©vrier 2009 relatives Ă lâapplication de lâarticle 102 aux stratĂ©gies dâĂ©viction mises en Ćuvre par les opĂ©rateurs dominants, la Commission avait relevĂ© que dâĂ©ventuelles obligations dâaccĂšs prononcĂ©es sur la base de la thĂ©orie des infrastructures essentielles devaient ĂȘtre conditionnĂ©es Ă la rĂ©alisation dâun Ă©quilibre des incitations, pour tenir compte des effets sur les incitations Ă investir tant de lâopĂ©rateur dominant que des entrants potentiels. Cependant, il est supposĂ© quâune obligation dâaccĂšs ne jouera pas dĂ©favorablement sur ces incitations Ă investir, dĂšs lors que âlâentreprise dominante a acquis sa position sur le marchĂ© amont grĂące Ă des droits spĂ©ciaux ou exclusifs ou Ă un financement au moyen de ressources dâEtat58â.
Dans le cas dâespĂšce, la Commission a effectivement considĂ©rĂ© que lâaccĂšs aux capacitĂ©s de transport Ă©tait objectivement nĂ©cessaire aux concurrents dâENI pour exercer leur activitĂ© sur le marchĂ© aval, que leur reproduction est impossible ou dĂ©raisonnablement difficile pour des raisons techniques, juridiques ou Ă©conomiques, et enfin que les refus dâaccĂšs en question peuvent ĂȘtre de nature Ă conduire Ă leur exclusion.
57 Commission européenne, aff. IV-34689, Sea Containers/Stena Sealink, 21 déc. 1993.
58 Commission europĂ©enne, âOrientations sur les prioritĂ©s retenues par la Commission pour lâapplication de lâarticle 82 du TraitĂ© CE aux pratiques dâĂ©viction abusives des entreprises dominantesâ, communication 2009/C45/02, JOUE, C45/7-20, 24 fĂ©vr. 2009, § 82.
effectuĂ© par exemple par EDF (17 mars et 11 aoĂ»t 2010 ; voir cette chronique, revue Concurrences, n°s 2 et 4-2010), est dâautant plus Ă relever que les cas E.On et RWE furent les deux premiers cas pour lesquels des engagements structurels furent proposĂ©s et acceptĂ©s, pour mettre un terme Ă une procĂ©dure engagĂ©e sur la base de lâarticle 10255.
La dĂ©cision de la Commission dans lâaffaire ENI permet donc de sâattacher Ă lâanalyse des pratiques incriminĂ©es (II), avant dâĂ©valuer les engagements acceptĂ©s par la Commission Ă lâaune de leurs caractĂšres nĂ©cessaires et proportionnĂ©s (III).
II. Les pratiques incriminées
Il sâagit successivement de sâattacher aux prĂ©occupations concernant la concurrence exprimĂ©es par la Commission dans le cas dâespĂšce et de les discuter dans le contexte plus gĂ©nĂ©ral du fonctionnement de la concurrence sur les marchĂ©s europĂ©ens du gaz et de lâĂ©lectricitĂ©, caractĂ©risĂ©s par la puissance de marchĂ© dâopĂ©rateurs historiques intĂ©grĂ©s verticalement.
Ă lâinstar des procĂ©dures lancĂ©es contre RWE en mai 2006, E.On en dĂ©cembre 2006, EDF et Electrabel en juillet 2007, la procĂ©dure lancĂ©e en mai 2006 contre ENI le fut parallĂšlement Ă la rĂ©alisation de lâenquĂȘte sectorielle menĂ©e par les services de la Commission de 2005 Ă 2007. Une procĂ©dure formelle fut ouverte le 20 avril 2007, et la Commission communiqua le 6 mars 2009 ses griefs au groupe italien, Ă propos desquels il fit part de son dĂ©saccord le 1er octobre 2009. Il nâen dĂ©cida pas moins dâaccepter une procĂ©dure dâengagements, en faisant le 4 fĂ©vrier 2010 une premiĂšre proposition qui fut amendĂ©e le 8 juillet56.
La Commission faisait grief Ă ENI dâavoir mis en Ćuvre un ensemble de pratiques visant Ă mettre Ă profit son contrĂŽle des capacitĂ©s de transport pour Ă©vincer ses concurrents du marchĂ© du transport de gaz vers lâItalie et du marchĂ© aval de la fourniture de gaz. De telles pratiques, susceptibles dâĂȘtre sanctionnĂ©es sur la base de lâarticle 102 TFUE, passaient, selon la Commission, par des dĂ©cisions dâexploitation et de gestion des capacitĂ©s de transport du gaz vers lâItalie ayant pour effet dâentraver lâaccĂšs des tiers et, ce faisant, de verrouiller le marchĂ© italien. Un tel abus de position dominante passait par trois stratĂ©gies. La premiĂšre Ă©tait une stratĂ©gie dâaccumulation de capacitĂ©s (capacity hoarding), conduisant Ă empĂȘcher lâaccĂšs des tiers Ă ces derniĂšres ; la deuxiĂšme, une stratĂ©gie de dĂ©gradation des conditions dâaccĂšs aux capacitĂ©s, passant par lâĂ©tablissement de conditions dâaccĂšs discriminatoires ; la troisiĂšme, enfin, rĂ©sidait dans une limitation volontaire des capacitĂ©s disponibles, passant par un sous-investissement stratĂ©gique.
De telles stratĂ©gies reposent sur la position de force sur le marchĂ© gazier italien que dĂ©tient lâopĂ©rateur historique. Non seulement ce dernier dĂ©tient des capacitĂ©s de production
55 O. Koch et al., âThe RWE gas foreclosure case: Another energy network divestiture to address foreclosure concernsâ, Competition Policy Newsletter, n° 2, 2009, p. 32-34.
56 Notons que le recours Ă la procĂ©dure dâengagements nâimplique pas de reconnaissance de culpabilitĂ©. Ainsi, comme ENI, EDF a dĂ©cidĂ© dâaccepter une telle procĂ©dure aprĂšs avoir refusĂ© dâadmettre les griefs (faute de contestation). N. Bessot et al., âThe EDF long term contracts case: Addressing foreclosure for the long term benefit of industrial customersâ, Competition Policy Newsletter, n° 2, 2010.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 100
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.rĂ©seau. Ce type dâincrimination modifie indubitablement le cadre habituel dâapplication de la thĂ©orie des infrastructures essentielles. Il est dĂ©jĂ vrai quâĂ court terme, le propriĂ©taire dâune infrastructure essentielle ne peut opposer un refus Ă une demande dâaccĂšs sur la base dâune utilisation de sa part de 100 % des capacitĂ©s installĂ©es. Il doit prendre toutes les mesures nĂ©cessaires pour accĂ©der Ă de telles demandes61. Cependant, Ă long terme, une telle approche pourrait conduire Ă des obligations de nouveaux investissements ne tenant pas seulement compte des besoins de lâentreprise concernĂ©e mais aussi de ceux de ses concurrents (§ 57).
Lâargument reprend lâhypothĂšse du conflit dâintĂ©rĂȘts inhĂ©rent Ă lâintĂ©gration verticale sur les marchĂ©s de lâĂ©nergie, qui induirait dâinexorables distorsions dâinvestissements de la part des groupes contrĂŽlant les actifs de rĂ©seau. Il nâen demeure pas moins que cette idĂ©e constitue une forme dâextension de la dĂ©jĂ trĂšs controversĂ©e thĂ©orie des infrastructures essentielles62. Une entreprise dĂ©tenant un tel actif pourrait-elle se voir reprocher de ne pas investir suffisamment pour faciliter lâentrĂ©e ou lâexpansion de ses concurrents sur le marchĂ© aval63 ?
Il est dâailleurs Ă relever quâENI a Ă©tĂ© sanctionnĂ©e par lâautoritĂ© de concurrence italienne en 2006, sur la base dâun abus de position dominante, Ă la suite de la dĂ©cision de lâune de ses filiales de ne pas accroĂźtre les capacitĂ©s dâun gazoduc permettant dâimporter du gaz depuis la Tunisie (AutoritĂ Garante della Concorrenza e del Mercato, dĂ©c. du 15 fĂ©vrier 2006). Lâintervention dâENI aurait privĂ© sa filiale de sâengager dans des transactions profitables. Ă ce titre, la stratĂ©gie de lâopĂ©rateur historique ne fait pas sens en dehors dâune logique dâimpediment competition. La Commission semble donc tendre Ă considĂ©rer quâune insuffisante prise en compte des besoins des concurrents dans les programmes dâinvestissements de lâopĂ©rateur de rĂ©seau constitue un outil de verrouillage du marchĂ©. La frontiĂšre entre les domaines respectifs de la concurrence et de la rĂ©gulation sectorielle est remise en question dĂšs lors quâil sâagit dâagir sur les structures de marchĂ© ou de contrĂŽler les choix dâinvestissements des opĂ©rateurs64. Une telle intervention concerne Ă©galement la conciliation entre les exigences du droit de la concurrence et les droits fondamentaux des entreprises65, qui occupe Ă©galement une large place quant Ă lâĂ©valuation de la procĂ©dure dâengagements elle-mĂȘme.
III. La discussion des engagements
Une part croissante â sinon hĂ©gĂ©monique â des procĂ©dures contentieuses engagĂ©es par la Commission dans le domaine Ă©nergĂ©tique sur la base de lâarticle 102 du TraitĂ© se conclut au travers dâengagements. En matiĂšre de contentieux liĂ©s Ă
61 La Commission souligne quââun propriĂ©taire dominant dâune installation essentielle est tenu de prendre toutes les mesures possibles pour lever les contraintes imposĂ©es par lâabsence de capacitĂ©s et dâorganiser son activitĂ© de maniĂšre Ă libĂ©rer un volume maximal de capacitĂ©s sur cette installation essentielleâ (§ 56).
Voir Commission européenne, déc. 98/190/CE, Frankfurt Airport, 1998 et déc. 94/119/CE, port de RÞdby.
62 U. Scholz et S. Purps, op. cit.
63 R. Whish, Competition Law, 6e Ă©d., Oxford University Press, 2008, p. 697.
64 A. Perrot, âLes frontiĂšres entre rĂ©gulation sectorielle et politique de la concurrenceâ, Revue française dâĂ©conomie, vol. 16, no 4, 2002, p. 81-112.
65 U. Scholz et S. Purps, op. cit.
Cette stratĂ©gie dâexclusion passe donc, selon la Commission, par trois types de pratiques. La premiĂšre correspond donc Ă une stratĂ©gie de prĂ©emption des capacitĂ©s disponibles. ConformĂ©ment au âmodĂšleâ de comportement anticoncurrentiel fondĂ© sur lâintĂ©gration verticale mis en exergue dans lâenquĂȘte sectorielle, celle-ci se traduit par un ensemble de comportements se dĂ©clinant du refus dâaccĂšs pur et simple (§ 46) Ă la sous-Ă©valuation des capacitĂ©s disponibles (§ 48), en passant par le maintien dâun niveau de performance volontairement faible en matiĂšre de gestion des capacitĂ©s disponibles (§ 47). Il sâagit dans tous les cas de dissuader les concurrents de demander un accĂšs au rĂ©seau pourtant obligatoire dans le cadre des directives europĂ©ennes et indispensable pour exercer une activitĂ© de fournisseur sur le marchĂ© italien.
De la mĂȘme façon, la Commission fait grief Ă ENI dâavoir acquis dâimportants droits dâusage sur les capacitĂ©s en question, sur la base de contrats de long terme, et de limiter au travers de telles stratĂ©gies de prĂ©emption les capacitĂ©s disponibles pour ses concurrents (§ 49). Il est clair que lâexistence de capacitĂ©s de transport de lâĂ©nergie conditionne les capacitĂ©s dâentrĂ©e des concurrents sur le marchĂ©. Ă ce titre, la Commission considĂšre avec une extrĂȘme mĂ©fiance la rĂ©servation de capacitĂ©s sur le long terme par les opĂ©rateurs dominants. Cependant, Ă cĂŽtĂ© du caractĂšre potentiellement verrouillant de ces contrats, il convient de mettre en exergue leur caractĂšre favorable en termes de bien-ĂȘtre du consommateur, notamment au regard de la sĂ©curitĂ© dâapprovisionnement. Ă ce titre, une analyse au cas par cas des effets de ces clauses apparaĂźt indispensable. La Commission fait donc face Ă une difficile conciliation entre efficacitĂ© concurrentielle et objectifs Ă long terme, liĂ©s aux incitations Ă lâinvestissement59.
Ă cĂŽtĂ© des stratĂ©gies de prĂ©emption de capacitĂ©s au profit de lâopĂ©rateur dominant, des stratĂ©gies de dĂ©gradation des capacitĂ©s au dĂ©triment des concurrents furent mises en Ćuvre. Il sâagit en dâautres termes de pratiques de marchĂ© relevant dâune impediment competition, câest-Ă -dire ne faisant pas sens Ă©conomiquement pour lâentreprise les mettant en Ćuvre, en dehors de la dĂ©gradation des conditions dâaccĂšs au marchĂ© des firmes concurrentes60. Non seulement ENI propose des conditions dâaccĂšs aux infrastructures qui sont discriminatoires vis-Ă -vis de certaines firmes bĂ©nĂ©ficiant dâaccords bilatĂ©raux, mais elle engage Ă©galement un ensemble de pratiques de marchĂ© visant Ă retarder la mise Ă disposition des capacitĂ©s ou Ă proposer celles-ci dans des conditions sous-optimales pour les concurrents â en lâoccurrence des contrats Ă court terme, interruptibles ou non fermes â voire en organisant des ventes distinctes et non coordonnĂ©es de capacitĂ©s sur des segments de rĂ©seau pourtant complĂ©mentaires.
Le troisiÚme ensemble de pratiques dont il est fait grief à ENI porte sur le sous-investissement stratégique dans les actifs de
59 J.-M. Glachant et A. Hauteclocque, âLong-term energy supply contracts in European competition policy: Fuzzy not crazyâ, Robert Schuman Centre for Advanced Studies â Loyola de Palacio Chair Working Paper Series, n° 2009-06, European University Institute, Florence, 2009.
60 N. Giocoli, âCompetition vs property rights: American antitrust law, the Freiburg school and the early years of European competition policyâ, Journal of Competition Law and Economics, vol. 5, n° 4, 2009, p. 747-786.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 101
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.rĂ©seau, se traduisant par des refus dâaccĂšs Ă lâinfrastructure essentielle et des pratiques de compression des marges. La Commission considĂ©rait que RWE avait volontairement crĂ©Ă© des goulets dâĂ©tranglement dans lâaccĂšs des concurrents au rĂ©seau de gaz â au moyen de rĂ©servations excessives pour son compte propre, de mesures techniques et de gestion visant Ă rĂ©duire les capacitĂ©s disponibles ou encore de refus dâaccĂšs non justifiĂ©s objectivement.
Ă lâinstar dâE.On, RWE sâengagea dans une procĂ©dure nĂ©gociĂ©e. Il proposa de cĂ©der ses actifs Ă un tiers ne posant pas a priori de problĂšmes de concurrence. AprĂšs la rĂ©alisation dâun test de marchĂ© et la discussion des propositions, la Commission rendit les engagements obligatoires dans une dĂ©cision dâaprĂšs laquelle la cession se fera sous la supervision dâun mandataire indĂ©pendant et lâidentitĂ© du repreneur devra faire lâobjet dâune approbation prĂ©alable.
De façon moins spectaculaire, la mĂȘme logique a Ă©tĂ© Ă©galement Ă lâĆuvre dans le rĂšglement de la procĂ©dure ouverte Ă lâencontre de GDF Suez. La Commission a acceptĂ©, le 3 dĂ©cembre 2009 (voir Concurrences, n° 1-2010, cette chronique, p. 112, obs. A.-L. Sibony), les engagements quâa proposĂ©s GDF Suez pour mettre fin Ă la procĂ©dure entamĂ©e sur la base dâun verrouillage du marchĂ© gazier français. Ă lâinstar du cas ENI, les manĆuvres anticoncurrentielles allĂ©guĂ©es tenaient Ă des limitations volontaires dâinvestissements (dans le dĂ©veloppement de terminaux portuaires LNG) et dans des stratĂ©gies de prĂ©emption de capacitĂ©s dâimportation au moyen de contrats de rĂ©servation Ă long terme (stratĂ©gies de capacity hoarding). Si les mesures correctives ne prirent pas, dans le cas dâespĂšce, la forme de cessions dâactifs de transport, GDF sâengagea Ă rĂ©duire radicalement ses rĂ©servations de capacitĂ©s69. Une mĂȘme logique de rĂ©duction des engagements Ă long terme a Ă©galement occupĂ© une place centrale dans les engagements proposĂ©s par EDF et rendus obligatoires par la dĂ©cision de la Commission du 17 mars 2010.
Câest dans ce contexte quâENI sâengagea dans une procĂ©dure nĂ©gociĂ©e, malgrĂ© sa rĂ©cusation des griefs formulĂ©s Ă son encontre (§ 63). LâopĂ©rateur historique transalpin proposa de se dĂ©faire de ses parts dans les gazoducs internationaux exploitĂ©s dans le cadre dâentreprises communes Ă des investisseurs agrĂ©Ă©s par la Commission. Il proposa Ă©galement de cĂ©der ses participations dans les gestionnaires de rĂ©seaux. Ces diffĂ©rentes cessions devraient ĂȘtre par ailleurs rĂ©alisĂ©es sous lâĂ©gide dâun mandataire indĂ©pendant et ne pas ĂȘtre conditionnĂ©es Ă un prix de cession minimal. En outre, ENI sâengage Ă fournir au repreneur tous les services auxiliaires et Ă transfĂ©rer les personnels nĂ©cessaires pour garantir lâexploitation des infrastructures de transport cĂ©dĂ©es (§ 71).
La Commission a accueilli favorablement les engagements dâENI, les considĂ©rant comme proportionnĂ©s au problĂšme de concurrence identifiĂ© et adĂ©quats dans la mesure oĂč il nâexiste pas, Ă son sens, de mesures correctives alternatives, de nature comportementale, susceptibles de rĂ©pondre de façon aussi efficace et moins contraignante aux problĂšmes de concurrence concernĂ©s (§ 90). La prĂ©fĂ©rence de la Commission pour les remĂšdes structurels est donc rĂ©affirmĂ©e sur la base de la difficultĂ© â sinon de lâimpossibilitĂ© â pour une autoritĂ© en
69 U. Scholz et S. Purps, op. cit.
une forclusion des marchĂ©s passant par des contrats Ă long terme, le cas de Distrigaz fournit un exemple. Distrigaz Ă©tait accusĂ©e par la Commission dâavoir verrouillĂ© le marchĂ© de la distribution du gaz en Belgique par la conclusion de contrats Ă long terme. Pour mettre fin Ă la procĂ©dure, la compagnie gaziĂšre belge sâengagea, en octobre 2007, Ă limiter volontairement ses capacitĂ©s Ă conclure de tels contrats (Commission europĂ©enne, dĂ©cision du 11 octobre 2007, Distrigaz, cas COMP/37.966). Le recours Ă la procĂ©dure dâengagements sur la base de lâarticle 9 du rĂšglement n° 1/2003 ne se limita pas aux questions liĂ©es aux contrats Ă long terme, mais porta sur lâune des dimensions centrales de lâenquĂȘte sectorielle, en lâoccurrence la question du contrĂŽle des actifs de transport et des pratiques anticoncurrentielles qui en dĂ©coulent de façon quasiment inhĂ©rente pour la Commission.
Ă ce titre, les cas E.On, RWE et GDF Suez sont particu-liĂšrement intĂ©ressants tant sur la question des pratiques incriminĂ©es â en relation avec lâaffaire ENI â que sur celle des mesures correctives qui ont Ă©tĂ© finalement prononcĂ©es.
La dĂ©cision relative Ă E.On, le 26 novembre 2008, a constituĂ© une double nouveautĂ©66. Il sâagissait non seulement de la premiĂšre affaire sâĂ©tant traduite par des cessions dâactifs dans le secteur Ă©nergĂ©tique, mais aussi de la premiĂšre dĂ©cision rendant obligatoires des engagements proposĂ©s sur une base volontaire par lâentreprise elle-mĂȘme, sur la base de lâarticle 9 du rĂšglement n° 1/2003. Deux ensembles de pratiques Ă©taient reprochĂ©es Ă E.On. Le premier portait sur les marchĂ©s de gros de lâĂ©lectricitĂ©. Cela concernait des manipulations de prix passant par des retraits stratĂ©giques de capacitĂ©s et diverses stratĂ©gies visant Ă limiter les investissements des concurrents dans le domaine de la production en leur proposant des contrats Ă long terme ou des parts dans des projets de nouvelles capacitĂ©s67. Le deuxiĂšme ensemble de pratiques anticoncurrentielles portait sur le marchĂ© de lâĂ©quilibrage. E.On aurait Ă©tĂ© favorisĂ© par le gestionnaire du rĂ©seau de transport, en lâoccurrence sa propre filiale.
Pour Ă©chapper Ă une dĂ©cision sur le fond pouvant aboutir au constat dâune infraction Ă lâarticle 102 et donner lieu Ă une amende, E.On proposa en fĂ©vrier 2008 un certain nombre dâengagements tenant Ă la cession dâactifs de production (quelque 5 000 MW, soit 20 % de ses actifs de production en Allemagne), mais aussi et surtout Ă la cession de son rĂ©seau de transport. Ainsi, pour la premiĂšre fois, la sĂ©paration patrimoniale pour laquelle la Commission plaidait vainement Ă©tait rĂ©alisĂ©e dans le cadre dâune procĂ©dure contentieuse, conclue sur la base dâengagements volontaires.
Un mĂȘme type de remĂšde fut appliquĂ© pour le second Ă©nergĂ©ticien allemand, RWE68. Dans le cas dâespĂšce, la Commission accepta les engagements proposĂ©s le 18 mars 2009. Ses griefs reposaient sur des stratĂ©gies dâĂ©viction mises en Ćuvre au dĂ©triment des concurrents devant accĂ©der au
66 P. Chauve et al., âThe E.On electricity cases: An antitrust decision with structural remediesâ, Competition Policy Newsletter, n° 1, 2009, p. 51-54.
67 Rappelons que la Commission a considĂ©rĂ© quâE.On, dans le cas dâespĂšce, Ă©tait susceptible dâabuser individuellement dâune position dominante collective dĂ©tenue avec RWE.
68 O. Koch, op. cit.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 102
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.Ă des exigences dâadĂ©quation et de proportionnalitĂ© avec la prĂ©occupation de concurrence exprimĂ©e par la Commission72, mais aussi dâabsence de remĂšde ayant des effets Ă©quivalents et pouvant sâavĂ©rer moins contraignant. Dans le cas dâE.On, les cessions dâactifs proposĂ©es par lâentreprise allemande, qui avaient alors une ampleur inĂ©dite, Ă©taient justifiĂ©s aux yeux de la Commission par le fait quâune mesure structurelle permettait seule de supprimer les risques relatifs aux manipulations anticoncurrentielles du marchĂ© de lâĂ©quilibrage par le gestionnaire du rĂ©seau de transport. En effet, la seule alternative serait un contrĂŽle des opĂ©rations au jour le jour, lequel sâavĂšrerait bien plus coĂ»teux, sinon impossible Ă mettre en Ćuvre73. Ce faisant, lâargument sur lâinefficience voire lâinefficacitĂ© intrinsĂšque des rĂšgles imposĂ©es en matiĂšre de sĂ©paration fonctionnelle, qui occupait une place centrale dans les propositions de la Commission aprĂšs lâenquĂȘte sectorielle de 2007, se retrouve exactement en matiĂšre dâapprĂ©ciation des propositions dâengagements74.
Le raisonnement suivi pour E.On fut Ă©galement appliquĂ© pour RWE. La cession du rĂ©seau de transport apparaĂźt Ă la Commission comme le moyen le plus appropriĂ© pour rĂ©gler les problĂšmes de risques dâĂ©viction anticoncurrentielle, le moyen le moins contraignant pour parvenir Ă ce rĂ©sultat (du fait des difficultĂ©s du contrĂŽle du respect des engagements comportementaux au jour le jour) et enfin un remĂšde proportionnĂ© Ă lâobjectif assignĂ©.
Cependant, lâĂ©valuation de la proportionnalitĂ© des mesures correctives prĂ©sente quelques spĂ©cificitĂ©s, dĂšs lors quâil ne sâagit pas dâune dĂ©cision sur le fond en application de lâarticle 7 du rĂšglement n° 1/2003 mais dâune procĂ©dure nĂ©gociĂ©e. En effet, la Commission souligne dans sa dĂ©cision relative Ă ENI quâil ne sâagit pas, en lâoccurrence, de remĂšdes imposĂ©s Ă une entreprise Ă titre de sanction, mais de mesures correctives âvolontairement proposĂ©[e]s par lâentreprise cherchant Ă mettre fin Ă la procĂ©dure sans adoption dâune dĂ©cision reconnaissant formellement lâexistence dâune infractionâ (§ 85). ConformĂ©ment Ă lâarrĂȘt Alrosa75, elle dispose dâune marge de discrĂ©tion pour Ă©valuer lâadĂ©quation et la proportionnalitĂ© des engagements. Cependant, le contrĂŽle de proportionnalitĂ© se limite dans le cas dâespĂšce Ă la vĂ©rification de la capacitĂ© des engagements proposĂ©s Ă rĂ©pondre aux prĂ©occupations de concurrence et au fait que lâentreprise concernĂ©e nâait pas proposĂ© dâengagements dâune nature moins contraignante. Par voie de consĂ©quence, la Commission nâest pas tenue Ă rechercher elle-mĂȘme lâexistence dâune telle alternative. LâĂ©valuation se limite aux propositions faites par lâentreprise elle-mĂȘme.
En dâautres termes, il nâest nullement requis quâelle compare les propositions de lâentreprise avec les mesures correctives quâelle aurait Ă©tĂ© susceptible de dĂ©cider dans le cadre dâune Ă©ventuelle dĂ©cision sur le fond. En dâautres termes, le
72 TPICE, 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997, pt 144 ; TPICE, 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T-65/98, Rec. p. II-4653, pt 201 et suiv.
73 P. Chauve et al., op. cit.
74 N. Kroes, âMore competitive energy markets: Building on the findings of the sector inquiry to shape the right policy solutionsâ, European Energy Institute, Bruxelles, 19 sept. 2007, SPEECH /07/ 547.
75 CJUE, 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C-441/07 P, non encore publié au Recueil.
charge de lâapplication des rĂšgles de concurrence de sâassurer â au jour le jour â que la gestion du rĂ©seau de transport se fait de façon Ă©quitable et ne sert pas de levier pour la mise en Ćuvre de stratĂ©gies dâĂ©viction anticoncurrentielle au dĂ©triment des concurrents du groupe verticalement intĂ©grĂ©. Les rĂ©ticences de la Commission Ă lâĂ©gard des mesures correctives de nature comportementale la conduisent donc, dans lâĂ©valuation des propositions dâengagements dans chaque cas individuel, Ă accueillir trĂšs favorablement les solutions conduisant Ă une sĂ©paration patrimoniale identique Ă celle prĂ©conisĂ©e dans ses projets initiaux pour le troisiĂšme paquet de directives70. Enfin, Ă lâinstar de la dĂ©cision relative Ă GDF Suez, ENI doit sâengager Ă rĂ©duire ses rĂ©servations Ă long terme de capacitĂ©s sur les gazoducs permettant dâimporter du gaz sur le marchĂ© italien.
Lâobservation de telles procĂ©dures dâengagements se traduisant par des cessions volontaires dâactifs pourtant a priori stratĂ©giques et rĂ©munĂ©rateurs pour les groupes de lâĂ©nergie pose deux types de questions. Un premier a trait Ă lâindĂ©pendance de ces remĂšdes structurels par rapport aux projets initiaux de la Commission relativement au troisiĂšme paquet de directives Ă©lectriques et gaziĂšres. Le second porte sur la compatibilitĂ© de telles mesures correctives avec les droits fondamentaux des opĂ©rateurs Ă©conomiques, notamment en matiĂšre de proportionnalitĂ© de ces derniĂšres.
Bien que la plupart des enquĂȘtes qui donnent lieu depuis maintenant deux ans Ă des rĂšglements au travers de procĂ©dures nĂ©gociĂ©es aient Ă©tĂ© lancĂ©es parallĂšlement Ă lâenquĂȘte sectorielle, la Commission a, Ă plusieurs reprises, affirmĂ© lâabsence de lien direct entre les deux. Elle se dĂ©fend, de la mĂȘme façon, de pousser les entreprises faisant lâobjet dâenquĂȘtes sur la base dâune violation de lâarticle 102 Ă proposer des remĂšdes structurels quâelle nâa pu obtenir du Conseil et du Parlement europĂ©ens71. En outre, la Commission argue du fait que le compromis rĂ©alisĂ© au printemps 2009 nâinvalide en rien le fait que la sĂ©paration patrimoniale puisse sâavĂ©rer la meilleure rĂ©ponse Ă apporter dans le cadre de dĂ©cisions relatives aux pratiques mises en Ćuvre par une entreprise donnĂ©e. Quoi quâil en soit, la position sans cesse rĂ©affirmĂ©e par la Commission selon laquelle le conflit dâintĂ©rĂȘts est inhĂ©rent aux structures verticalement intĂ©grĂ©es, les rĂ©ticences rĂ©itĂ©rĂ©es Ă lâĂ©gard des mesures correctives de nature comportementale ainsi que les prĂ©cĂ©dents dĂ©sormais assez significatifs tant en nombre quâen importance indiquent indubitablement aux entreprises faisant lâobjet de poursuites que des propositions dâengagements seront dâautant plus favorablement accueillies quâelles reposeront sur de telles mesures structurelles.
Les mesures correctives qui peuvent ĂȘtre prononcĂ©es dans le cadre dâune procĂ©dure contentieuse doivent satisfaire
70 Notons que la Commission europĂ©enne, dans sa dĂ©cision, statue sur le fait que le transfert des actifs de transport du gaz Ă la Caisse des DĂ©pĂŽts italienne ne pose guĂšre de problĂšmes de concurrence dans la mesure oĂč celle-ci jouit dâune indĂ©pendance de gestion pour ses activitĂ©s du domaine âconcurrentielâ, quand bien mĂȘme celle-ci est, comme ENI, propriĂ©tĂ© de la RĂ©publique italienne (§ 103). De la mĂȘme façon, lâabsence dâexpĂ©rience de cette derniĂšre dans le domaine de la gestion des rĂ©seaux de transport de gaz ne pose pas de problĂšmes aux yeux de la Commission (§ 109). Il convient en tout Ă©tat de cause de considĂ©rer que la cession du gestionnaire de transport Ă un autre groupe intervenant dans la fourniture de gaz ne ferait que dĂ©placer le problĂšme et quâune Ă©ventuelle prise de contrĂŽle par une entitĂ© contrĂŽlant dâautres rĂ©seaux de transports dans lâespace europĂ©en risquerait de poser des problĂšmes concurrentiels dâune autre nature.
71 O. Koch, op. cit.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 103
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.Euro Power Technology introduisit un appel contre cette dĂ©cision. Ses diffĂ©rents moyens furent tous, in fine, rejetĂ©s par la Cour, faute, Ă nouveau, dâĂ©lĂ©ment probant. Parmi ces diffĂ©rents moyens, relevons quelques dimensions intĂ©ressantes, bien que sans rĂ©elles surprises.
Un premier point tient Ă la question des mesures conservatoires. La Cour souligne que lâAutoritĂ© a eu raison de statuer dans une seule et unique dĂ©cision sur la saisine elle-mĂȘme et sur la demande de mesures conservatoires. Elle confirme quâune demande de mesures conservatoires est nĂ©cessairement un accessoire dâune saisine au fond. Le rejet de cette derniĂšre a donc mĂ©caniquement pour effet dâentraĂźner celui de la premiĂšre citĂ©e, sans quâil ne soit nĂ©cessaire de lâexaminer au fond.
Un deuxiĂšme point tient dans la dĂ©finition des marchĂ©s pertinents. Euro Power Technology soutient que lâAutoritĂ© a commis une erreur dans la dĂ©finition du marchĂ© pertinent en nâĂ©tablissant pas de distinction Ă partir des technologies de valorisation Ă©lectrique du biogaz (micro-turbines et moteurs). Lâenjeu tenait au fait que, dans une dĂ©finition restrictive, Verdesis, la filiale dâEDF visĂ©e, aurait dĂ©tenu une forte position dominante. La Cour rappelle que la dĂ©finition des marchĂ©s pertinents en droit de la concurrence se fait en fonction de la substituabilitĂ© des produits pour les consommateurs et non en fonction des diffĂ©rentes technologies de production disponibles pour fournir ceux-ci.
Enfin, un troisiĂšme point est relatif aux conditions dans lesquelles les opĂ©rateurs historiques peuvent mener leurs stratĂ©gies de diversification. La Cour prĂ©cise Ă nouveau quâun opĂ©rateur historique ne doit pas interdire, par les rĂšgles de concurrence, des diversifications sur des marchĂ©s aval ou connexes, notamment par lâintermĂ©diaire de filiales, du moment que les services dont ces derniĂšres bĂ©nĂ©ficieraient de sa part font lâobjet dâune juste rĂ©munĂ©ration reflĂ©tant la rĂ©alitĂ© des coĂ»ts, conforme aux pratiques standard du marchĂ© et nâintroduisant pas de ce fait de distorsions de concurrence au travers de subventions croisĂ©es (voir lâavis 94-A-15 du 10 mai 1994 du Conseil de la concurrence sur les problĂšmes soulevĂ©s par la diversification des activitĂ©s dâEDF et de GDF au regard de la concurrence).
Au final, la Cour dâappel rejette lâensemble des moyens dâEuro Power Technology (Ă©galement les accusations de dĂ©nigrement, dâappui indu sur lâappartenance au groupe EDF, de pressions sur des fabricants de turbines pour quâils accordent des remises discriminatoires Ă la filiale dâEDF ou de manĆuvres envers certaines collectivitĂ©s territoriales pour quâelles privilĂ©gient des marchĂ©s de grĂ© Ă grĂ© au dĂ©triment supposĂ© du nouvel entrant, dĂ©jĂ Ă©voquĂ©s dans cette chronique).
F. M. n
contrĂŽle de proportionnalitĂ© est des plus spĂ©cifiques dans le domaine des procĂ©dures nĂ©gociĂ©es. Les engagements pris par lâentreprise peuvent donc aller bien au-delĂ de ce qui serait nĂ©cessaire pour rĂ©pondre aux prĂ©occupations de concurrence de la Commission, ce qui peut faire craindre un phĂ©nomĂšne dâoverfixing imputable, en lâoccurrence, Ă la firme elle-mĂȘme76.
Ce faisant, il est possible que dans une situation dâinformation incomplĂšte et imparfaite, une entreprise, craignant dâĂȘtre sanctionnĂ©e Ă tort,puisse ĂȘtre conduite, connaissant la position de la Commission en matiĂšre de mesures correctives de nature structurelle, Ă proposer de tels engagements mĂȘme si elle considĂšre quâelle nâa pas mis en Ćuvre de pratiques contraires Ă lâarticle 102, de façon Ă ne pas sâexposer Ă une sanction Ă©levĂ©e77. Se posent en filigrane des questions relatives au contrĂŽle juridictionnel des dĂ©cisions rendant des engagements volontaires obligatoires et de la proportionnalitĂ© de ces derniers.
F. M. n
2. France
Ă©viCtion antiConCurrentielle â disCrimination : La Cour dâappel de Paris rejette un recours formĂ© contre une dĂ©cision de lâAutoritĂ© de la concurrence ayant conduit Ă rejeter une saisine pour des stratĂ©gies dâĂ©viction allĂ©guĂ©es sur le marchĂ© de la valorisation Ă©lectrique du biogaz (CA Paris, ch. 5-7, 2 dĂ©cembre 2010, Euro Power
Technology ; contre Aut. conc., déc. n° 10-D-14 du 16
avril 2010 relative Ă des pratiques mises en Ćuvre dans
le secteur de la valorisation Ă©lectrique du biogaz)
La sociĂ©tĂ© Euro Power Technology exerce son activitĂ© dans la distribution de micro-turbines et de moteurs Ă gaz et dans le dĂ©veloppement de projets de petites unitĂ©s de production Ă©lectrique exploitant le biogaz. Ce dernier, extractible dans les dĂ©charges, est destinĂ© Ă ĂȘtre revendu sous forme dâĂ©lectricitĂ© Ă EDF, sur lequel pĂšse une obligation dâachat dont les termes sont particuliĂšrement favorables Ă ses fournisseurs. ParallĂšlement Ă des conflits de nature commerciale, Euro Power Technology avait saisi le Conseil de la concurrence le 17 juin 2008 pour des pratiques mises en Ćuvre par EDF et certaines de ses filiales. Celles-ci auraient pour objet de lâĂ©vincer du marchĂ© de la valorisation Ă©lectrique du biogaz. Elle avait, dans le mĂȘme temps, demandĂ© le prononcĂ© de mesures conservatoires. Le 16 avril 2010, lâAutoritĂ©, statuant sur le fond, rejeta sa saisine, faute dâĂ©lĂ©ment probant. Elle rejeta Ă©galement par la mĂȘme dĂ©cision sa demande de mesures conservatoires (Concurrences, n° 3-2010, cette chronique).
76 J. Farrell, âNegotiation and merger remedies: Some problemsâ, dans F. LĂ©vĂȘque et H. Shelanski (dir.), Merger Remedies in American and European Union Competition Law, Edward Elgar, Cheltenham (U.K.), 2003, p. 95-105.
77 O. Sautel, La pertinence dâune procĂ©dure dâengagement en matiĂšre de contentieux : Une analyse Ă©conomique et son application au cas de lâiPhone, JournĂ©es de droit Ă©conomique â CREDECO/ GREDEG, âLes procĂ©dures nĂ©gociĂ©es en droit de la concurrenceâ, Sophia-Antipolis, juin 2010. Ă paraĂźtre dans les Dossiers de la Revue internationale de droit Ă©conomique.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 104
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.par lâAutoritĂ© et Ă la responsabilitĂ© particuliĂšre de France TĂ©lĂ©com, lâopĂ©rateur dominant sur le marchĂ© considĂ©rĂ©...
Lâavis 10-A-29 prĂ©sente donc un double intĂ©rĂȘt. Le premier intĂ©rĂȘt porte sur lâanalyse du marchĂ© de la publicitĂ© en ligne et sur lâĂ©valuation du comportement de marchĂ© de Google. Le second est relatif Ă la feuille de route quâĂ©tablit lâAutoritĂ© au travers de cette analyse. Cet avis lui permet en effet de tracer une ligne de partage entre les domaines de la concurrence, les domaines de la rĂ©gulation sectorielle et les domaines lĂ©gislatifs, dâannoncer les modalitĂ©s de son suivi des pratiques de marchĂ© de Google, mais aussi, de façon bien plus surprenante, dâobtenir des engagements de la part de lâopĂ©rateur dominant.
I. Une analyse du marché de la publicité en ligne et une évaluation de la compatibilité des pratiques de Google avec les rÚgles de concurrence
La premiĂšre dĂ©cennie de ce siĂšcle a donnĂ© lieu Ă un nouveau passage de tĂ©moin en termes de dominance, dans le domaine de lâinformatique au sens large. Si les annĂ©es quatre-vingt et quatre-vingt-dix avaient marquĂ© le remplacement dâIBM par Microsoft en tĂȘte de lâagenda des autoritĂ©s en charge de lâapplication du droit de la concurrence, il apparaĂźt indubitablement que ces derniĂšres annĂ©es ont vu la montĂ©e en puissance des prĂ©occupations relatives Ă la puissance de marchĂ© de Google et Ă la stratĂ©gie menĂ©e par ce dernier. La turbulence technologique des marchĂ©s considĂ©rĂ©s Ă©tant ce quâelle est, lâattention semble dĂ©jĂ se porter sur les risques concurrentiels liĂ©s Ă la place des rĂ©seaux sociaux, au premier rang desquels figure Facebook.
Cependant, comme le relĂšve lâAutoritĂ© dans son avis, ce dernier ne constitue pas encore un concurrent significatif pour Google sur le marchĂ© de la publicitĂ© en ligne. Au contraire, il est craint que Google ne se livre Ă des pratiques commerciales ayant pour effet le verrouillage de son marchĂ© et la mise en Ćuvre de stratĂ©gies de levier pour Ă©tendre sa dominance Ă des marchĂ©s situĂ©s en aval ou Ă©tant connexes. Tirant profit de sa puissance de marchĂ© vis-Ă -vis de ses partenaires commerciaux, il mettrait en Ćuvre Ă leur encontre des agissements opaques et arbitraires.
LâAutoritĂ© dĂ©finit le marchĂ© de la publicitĂ© en ligne comme un marchĂ© autonome. Elle distingue Ă©galement, au sein de ce dernier, deux marchĂ©s spĂ©cifiques. Le premier est celui de la publicitĂ© reposant sur un affichage sur une page Internet donnĂ©e (display). Le second est celui de la publicitĂ© liĂ©e aux recherches (search). Ces deux marchĂ©s prĂ©sentent de fortes spĂ©cificitĂ©s. Lâobjectif dâune campagne fondĂ©e sur le display tient principalement Ă lâaccroissement de la notoriĂ©tĂ©. Celle dâune campagne de publicitĂ© liĂ©e aux recherches est plus orientĂ©e vers un objectif de performance, câest-Ă -dire dâachat. En dâautres termes, cette seconde forme de publicitĂ© est situĂ©e plus en aval dans le tunnel dĂ©cisionnel menant Ă lâacte dâachat (§ 156). Il sâensuit des modĂšles Ă©conomiques forts diffĂ©rents. Alors que les campagnes du premier type font lâobjet dâune facturation en fonction du nombre dâimpressions (sur Ă©cran), celles qui sont axĂ©es sur le search sont facturĂ©es au nombre de clics. Cependant, la publicitĂ© liĂ©e aux recherches est dâautant plus attractive pour les annonceurs du marchĂ© que le coĂ»t dâaccĂšs financier des campagnes est bien moins Ă©levĂ© que les
forClusion â disCriminations â Clauses dâexClusivitĂ© : LâAutoritĂ© de la concurrence publie un avis rĂ©vĂ©lant son analyse du fonctionnement du marchĂ© de la publicitĂ© en ligne et la Commission europĂ©enne ouvre des enquĂȘtes approfondies sur les pratiques de marchĂ© de Google (Aut. conc., avis n° 10-A-29 du 14 dĂ©cembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicitĂ© en ligne; Comm. eur., communiquĂ© IP/10/1624 du 30 novembre 2010)
Le 30 novembre 2011, la Commission europĂ©enne annonça lâouverture dâune sĂ©rie dâinvestigations relatives aux comportements de marchĂ© de Google (COMP C-3/39.740, COMP C-3/39.775 et COMP C-3/39.768). Ces procĂ©dures portent sur la possibilitĂ© de mise en Ćuvre, de la part de lâentreprise dominante sur le marchĂ© des moteurs de recherche, dâun ensemble de pratiques de marchĂ© abusives. Celles-ci peuvent par exemple conduire Ă un traitement inĂ©quitable des fournisseurs concurrents de services de recherche en ligne de nature verticale (câest-Ă -dire de comparateurs de prix) tant dans les rĂ©sultats naturels de recherches que dans les rĂ©sultats de recherches en matiĂšre de liens commerciaux. Google surĂ©lĂšverait, dans le mĂȘme temps, la position de ses propres services, dans ces mĂȘmes rĂ©sultats de recherches. Par ailleurs, la Commission se prĂ©occupe des effets concurrentiels des clauses dâexclusivitĂ© introduites par Google vis-Ă -vis de ses clients, sur le marchĂ© de la publicitĂ©. Elle sâinquiĂšte Ă©galement des Ă©ventuelles restrictions techniques en matiĂšre de portabilitĂ© des campagnes commerciales vers dâautres plateformes commerciales. Google empĂȘcherait que de mĂȘmes formats de publicitĂ© soient utilisĂ©s sur sa plateforme et sur les plateformes concurrentes, et aurait exercĂ© des pressions sur des constructeurs de PC et des dĂ©veloppeurs de logiciels pour entraver le dĂ©veloppement dâoutils permettant de tels transferts. En dâautres termes, Google aurait volontairement entravĂ© lâinteropĂ©rabilitĂ© en matiĂšre de transferts des campagnes publicitaires avec les opĂ©rateurs concurrents.
Ainsi, la Commission suspecte de la part de Google la mise en Ćuvre dâun ensemble de pratiques de marchĂ© potentiellement constitutives dâabus de position dominante, passant par des discriminations Ă lâencontre des concurrents, le recours Ă des clauses dâexclusivitĂ© de nature Ă verrouiller le marchĂ© de la publicitĂ© en ligne et enfin des pratiques visant Ă restreindre les possibilitĂ©s techniques de dĂ©veloppement des mĂȘmes campagnes publicitaires pour sa plateforme et les plateformes concurrentes.
Dans un tel contexte, lâavis rendu quinze jours plus tard par lâAutoritĂ© de la concurrence revĂȘt une dimension bien spĂ©cifique. MalgrĂ© son intitulĂ©, il peut ĂȘtre lu comme une analyse du pouvoir de marchĂ© de Google et comme une premiĂšre Ă©valuation de ses pratiques de marchĂ©. Ce faisant, lâavis peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme annonçant la position de lâAutoritĂ© pour dâĂ©ventuelles procĂ©dures contentieuses futures. Ă ce titre, une telle dĂ©marche nâest pas sans faire Ă©cho Ă lâavis 10-A-13 du 14 juin 2010, certes relatif Ă une question diffĂ©rente, celle de lâutilisation croisĂ©e des bases de clientĂšle, mais nĂ©anmoins fort instructif quant Ă lâĂ©valuation concurrentielle des offres de convergences numĂ©riques
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 105
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.en lâoccurrence le service de vente dâespaces publicitaires de Google permettant dâassocier les annonces Ă des mots clĂ©s. ConformĂ©ment aux prescriptions de la littĂ©rature Ă©conomique, la procĂ©dure dâenchĂšres dĂ©veloppĂ©e par Google repose sur un mĂ©canisme dâenchĂšres Ă la Vickrey, câest-Ă -dire au second prix80. Ce faisant, a priori, le fonctionnement mĂȘme des enchĂšres rend difficile lâexercice dâun pouvoir de marchĂ© (§ 235). Google ne peut en effet jouer sur le volume des requĂȘtes pour les diffĂ©rents mots clĂ©s. Il nâen demeure pas moins que la façon dont les enchĂšres sont mises en Ćuvre pose quelques questions en termes de concurrence. Celles-ci portent notamment sur lâopacitĂ© de la procĂ©dure suivie, mais aussi sur les doutes relatifs aux modalitĂ©s de classement des rĂ©sultats de recherche.
Il apparaĂźt en effet, au vu du questionnaire sur lequel lâAutoritĂ© a basĂ© son avis, que les prix pratiquĂ©s par Google sont trĂšs proches de la capacitĂ© maximale Ă payer des annonceurs (§ 238). Les pressions Ă la hausse des prix pourraient ĂȘtre accrues par la mise aux enchĂšres des mots clĂ©s, laquelle pourrait donner lieu Ă quelques risques de manipulations (§ 240). Celles-ci peuvent par exemple passer par la participation de Google lui-mĂȘme ou de ses filiales aux enchĂšres, contribuant Ă pousser les prix Ă la hausse de façon artificielle. De telles pressions sur les entreprises pourraient ĂȘtre encore accrues si Google mettait aux enchĂšres des mots clĂ©s correspondant Ă des noms de marques (§ 247).
Au-delĂ de la question du fonctionnement du processus dâenchĂšres, une seconde prĂ©occupation de concurrence est liĂ©e au classement des publicitĂ©s sur le moteur de recherche. En effet, la position des annonceurs sur la page Internet lorsque les mots clĂ©s saisis sont ceux qui ont Ă©tĂ© acquis lors du processus dâenchĂšres pose problĂšme. En effet, les annonceurs ne sont pas seulement classĂ©s Ă partir du prix acquittĂ© mais Ă©galement en fonction dâun score de qualitĂ© prenant en compte le nombre de âclicsâ attendus pour chaque âimpressionâ (affichage Ă lâĂ©cran). En dâautres termes, Google pourrait classer une annonce susceptible de gĂ©nĂ©rer de nombreux clics devant celle de lâentreprise ayant remportĂ© les enchĂšres sur les mots clĂ©s (§ 97). Ă nouveau, les critĂšres retenus pour Ă©tablir les classements apparaissent comme insuffisamment transparents et peuvent laisser craindre de possibles manipulations.
Face Ă ces risques, les entreprises partenaires de Google ne disposent que de peu dâalternatives. En effet, ne pas participer aux enchĂšres de Google revient Ă se priver de quelque 90 % des recherches rĂ©alisĂ©es sur Internet. La position de force de Google sur la face âconsommateurs/rechercheâ du marchĂ© fait que son pouvoir de nĂ©gociation sur la face âannonceurâ ne connaĂźt que peu de contrepoids (§ 255). Cette situation est dâautant plus marquĂ©e que Google renforce son attrait auprĂšs des internautes par des services exclusifs et est protĂ©gĂ©e contre de nouvelles entrĂ©es sur ce marchĂ©.
LâattractivitĂ© pour la demande est par exemple consolidĂ©e au travers de Google Books ou encore de YouTube. Dans le premier cas, les moteurs de recherche concurrents ne peuvent indexer les douze millions dâouvrages numĂ©risĂ©s Ă la fin de 2009 du fait de clauses dâexclusivitĂ©. De la mĂȘme façon, dans
80 W. Vickrey, âCounter speculation, auctions, and competitive sealed tendersâ, Journal of Finance, vol. 16, 1961, p. 8-37.
campagnes de type display. En effet, les coĂ»ts de rĂ©alisation des campagnes sont extrĂȘmement faibles et il nâexiste pas de montant minimal dâachat (§ 159).
La publicitĂ© liĂ©e aux recherches constitue donc Ă elle seule un marchĂ© pertinent (§ 188), et ce, dâautant plus que les solutions alternatives nâoccupent pas une place comparable sur le marchĂ©. Il en est par exemple ainsi de la publicitĂ© contextuelle (le retargeting). Il sâagit de publicitĂ©s liĂ©es aux pages prĂ©cĂ©demment consultĂ©es, qui sont susceptibles de sâafficher sur de nouvelles pages que viendrait consulter lâinternaute concernĂ©. Si ce type de publicitĂ© se fonde Ă©galement sur un centre dâintĂ©rĂȘt effectif, il nâen demeure pas moins quâil ne sâagit plus obligatoirement dâun besoin immĂ©diat matĂ©rialisĂ© par une recherche active (§ 163). Si ces publicitĂ©s peuvent Ă©ventuellement ârattraperâ un consommateur qui nâaurait pas immĂ©diatement rĂ©alisĂ© son achat, elles ne permettent pas pour autant dâidentifier de nouveaux besoins et de prĂ©senter le produit Ă de nouveaux clients (§ 172). Le marchĂ© de la publicitĂ© liĂ©e au search constitue donc un marchĂ© pertinent au sens du droit de la concurrence et un marchĂ© dĂ©terminant pour lâĂ©conomie du secteur.
LâAutoritĂ© souligne par ailleurs les difficultĂ©s rencontrĂ©es dans le cas dâespĂšce pour dĂ©finir les limites du marchĂ© pertinent considĂ©rĂ©. Il est par exemple impossible dâutiliser sur ce type de marchĂ© le test du monopoleur hypothĂ©tique (le test SSNIP, small but significant non transitory increase in price). LâAutoritĂ© est donc contrainte de procĂ©der par itĂ©rations, du produit concernĂ© vers ses substituts les plus proches. Cette dĂ©marche prĂ©sente lâavantage de ne pas se laisser contraindre par des notions de substituabilitĂ© stricte. Elle est cependant particuliĂšrement difficile Ă mettre en Ćuvre dĂšs lors que les prix sont flous. Cela est particuliĂšrement le cas dans le marchĂ© de la publicitĂ© en ligne fondĂ© sur la recherche. En effet, non seulement les prix sont dĂ©finis au travers de procĂ©dures dâenchĂšres qui sont caractĂ©risĂ©es, comme nous le verrons, par une certaine opacitĂ©, mais ce marchĂ© est de plus un marchĂ© biface78, avec la coexistence dâun versant gratuit pour les internautes utilisant le moteur de recherche et dâun versant payant pour les annonceurs, le degrĂ© de performance de lâun jouant sur lâautre (§ 179).
Ces difficultĂ©s relevĂ©es, lâAutoritĂ© conclut Ă lâexistence dâune position dominante sur le marchĂ© de la publicitĂ© liĂ©e aux recherches sur Internet (§ 228). Un ensemble de traits saillants de ce marchĂ© confortent cette Ă©valuation. Google jouit dâune part de marchĂ© particuliĂšrement Ă©levĂ©e (plus de 90 %), affiche une profitabilitĂ© apprĂ©ciable (son revenu dâexploitation avant impĂŽts dĂ©passe 35 % de son chiffres dâaffaires) et ses prix sont durablement et significativement supĂ©rieurs Ă ceux pratiquĂ©s par ses concurrents. En outre, le fonctionnement de ce marchĂ© facilite potentiellement lâexercice par Google de son pouvoir de marchĂ©.
En matiĂšre de liens commerciaux79, les mots clĂ©s font lâobjet dâune procĂ©dure dâenchĂšres (§ 61). AdWords est
78 P. Crocioni, âLeveraging of market power in emerging markets: A review of cases, literature, and a suggested frameworkâ, Journal of Competition Law and Economics, vol. 4, n° 2, 2008, p. 449-534.
79 Il sâagit des liens apparaissant au-dessus ou Ă droite des ârĂ©sultats naturelsâ de la recherche par mots clĂ©s, dĂšs lors quâil sâagit des mĂȘmes mots que ceux qui ont Ă©tĂ© acquis par lâentreprise.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 106
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.Par exemple, dans son avis, lâAutoritĂ© souligne que lâexclusivitĂ© nĂ©gociĂ©e avec la bibliothĂšque de Lyon, dâune durĂ©e de vingt-cinq ans, est manifestement disproportionnĂ©e par rapport aux investissements consentis (§ 305). De telles durĂ©es peuvent faire en sorte que les effets verrouillants des clauses excĂšdent largement les gains induits. LâexclusivitĂ© peut devenir un outil de forclusion du marchĂ©84. Lâaccroissement de lâattractivitĂ© du moteur de recherche pour les internautes se paiera par les annonceurs sur la seconde face du marchĂ©, par le renforcement ou la pĂ©rennisation de la dominance de Google.
Outre les barriĂšres tenant aux contenus, Google serait Ă©galement susceptible de protĂ©ger et de consolider sa position dominante sur le marchĂ© des moteurs de recherche au moyen de barriĂšres techniques artificielles. Il en est par exemple ainsi des difficultĂ©s faites aux moteurs de recherche concurrents pour lâindexage des contenus de YouTube, par le refus de transmettre les site maps, câest-Ă -dire les descriptifs exhaustifs nĂ©cessaires (§ 313).
Les barriĂšres techniques passent Ă©galement par une sĂ©rie de comportements susceptibles de rĂ©duire artificiellement lâinteropĂ©rabilitĂ© avec des sites concurrents en matiĂšre de contenus. Il en va ainsi en matiĂšre dâinterfaces avec les autres plateformes de recherche en ligne. Par exemple, les annonceurs ne peuvent techniquement transfĂ©rer leurs campagnes de publicitĂ© entre Google et ses concurrents. Elles doivent concevoir des contenus spĂ©cifiques. Une telle nĂ©cessitĂ© a mĂ©caniquement pour effet dâaccroĂźtre le coĂ»t relatif des campagnes crĂ©Ă©es pour des moteurs de recherche dotĂ©s dâune faible part de marchĂ© (§ 314). LâAutoritĂ© se fait Ă©galement lâĂ©cho de possibles pratiques de Google ayant pour effet dâempĂȘcher la commercialisation dâun logiciel permettant de transfĂ©rer les campagnes dâAdWords de Google vers AdCenter du moteur de recherche de Microsoft Bing (§ 315).
En matiĂšre de stratĂ©gie dâĂ©viction, lâAutoritĂ© Ă©voque Ă©galement dâĂ©ventuelles pratiques anticoncurrentielles reposant sur des mĂ©canismes de levier. Elle sâinterroge â tout comme la Commission europĂ©enne â sur lâopacitĂ© des modalitĂ©s de classement des sites Internet dans les rĂ©sultats des recherches et dans lâĂ©tablissement des scores de qualitĂ©, lesquels pourraient permettre de servir de support Ă de telles stratĂ©gies (§ 318). De telles questions se posent notamment en matiĂšre de moteurs de recherche verticaux. LâAutoritĂ© consacre Ă ce propos de longs dĂ©veloppements Ă la question des requĂȘtes gĂ©ographiques et Ă la position de marchĂ© du site des âPages jaunesâ. Google ne risque-t-il pas dâĂȘtre en mesure dâĂ©tendre la position dominante qui est la sienne sur le secteur des moteurs de recherche vers ce marchĂ©, en jouant sur les classements des sites concurrents de ceux de ses propres activitĂ©s actuelles ou potentielles dans le domaine ?
Un second grand ensemble de pratiques anticoncurrentielles que pourrait mettre en Ćuvre Google rĂ©side dans les abus dâexploitation. Ceux-ci pourraient ĂȘtre facilitĂ©s par lâopacitĂ© des mĂ©canismes dâenchĂšres, permettant de mettre en Ćuvre des stratĂ©gies de discrimination tarifaire (§ 334), mais aussi par les possibilitĂ©s que se rĂ©serve Google de clĂŽturer sans
84 J. Lubek, âComment apprĂ©cier les effets des exclusivitĂ©s en matiĂšre de distribution ?â, Concurrences, n° 4-2010.
le second cas, les caractĂ©ristiques de lâindexation des vidĂ©os sur YouTube, filiale de Google, font que les moteurs de recherche concurrents ne sont pas en mesure de les restituer dans leurs rĂ©sultats dans les mĂȘmes conditions que Google. Ces caractĂ©ristiques sont potentiellement inductrices de pratiques anticoncurrentiellesâŠ
En effet, la position de marchĂ© de Google peut la mettre en situation de commettre deux types dâabus. Le premier correspond aux abus dâĂ©viction, le second aux abus dâexploitation.
Les abus dâĂ©viction correspondent Ă toutes les pratiques que peut mettre en Ćuvre un opĂ©rateur dominant pour Ă©liminer des concurrents sur une autre base que celle des mĂ©rites. Il peut sâagir de stratĂ©gies dâĂ©rection de barriĂšres Ă lâentrĂ©e, de jumelages de produits, de prix prĂ©dateurs, de certains types de remises de fidĂ©litĂ© ou encore le recours Ă des exclusivitĂ©s âverrouillantesâ. Notons que pour la plupart des pratiques visĂ©es, une entreprise dominante peut engager une dĂ©fense sur la base de lâefficience. En effet, les pratiques en question ne sont pas interdites per se mais ne sont sanctionnĂ©es sur la base de lâarticle 102 que si les dommages Ă la concurrence excĂšdent les gains dâefficacitĂ© ou si ces derniers ne sont pas suffisamment rĂ©percutĂ©s sur les consommateurs.
La position de marchĂ© de Google la rend susceptible aux yeux de lâAutoritĂ© de mettre en Ćuvre de telles stratĂ©gies dâĂ©viction. Tout dâabord, deux types de barriĂšres artificielles Ă lâentrĂ©e peuvent rĂ©duire la contestabilitĂ© de sa position. Le premier correspond Ă des barriĂšres contractuelles relatives Ă des clauses dâexclusivitĂ© quant aux contenus ; le second, Ă des barriĂšres de nature technique.
Les exclusivitĂ©s dont peut jouir Google sur certains contenus indexĂ©s peuvent effectivement sâavĂ©rer anticoncurrentielles. Par exemple, lâexclusivitĂ© sur les ouvrages numĂ©risĂ©s constitue une telle barriĂšre. Cependant, il ne saurait ĂȘtre question de considĂ©rer ces derniĂšres comme anticoncurrentielles per se. Elles peuvent Ă©galement ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme favorables aux consommateurs, dans la mesure oĂč sans elles Google ne se serait pas engagĂ© dans cet effort de numĂ©risation. Elles ont rendu possibles des investissements en les protĂ©geant du parasitisme des autres acteurs du marchĂ©81. Il sâagit donc de rĂ©aliser un Ă©quilibre entre ces diffĂ©rents effets. En dâautres termes, il convient dâĂ©valuer si lâexclusivitĂ© consentie est proportionnĂ©e aux investissements rĂ©alisĂ©s (§ 302) et si les effets de verrouillage nâinduisent pas un dommage excessif Ă la concurrence. LâAutoritĂ© rĂ©affirme en lâespĂšce la dĂ©marche qui avait Ă©tĂ© inaugurĂ©e par le Conseil de la concurrence dans sa dĂ©cision n° 08-D-10 du 7 mai 2008 relative Ă la tĂ©lĂ©vision de rattrapage82. En lâespĂšce, lâautoritĂ© en charge de lâapplication du droit de la concurrence doit mener une Ă©valuation au cas par cas en sâattachant successivement au champ de lâexclusivitĂ©, Ă sa durĂ©e et Ă la possibilitĂ© pour des concurrents de trouver des alternatives. La question de la durĂ©e de lâexclusivitĂ© peut ĂȘtre dĂ©terminante, comme lâa montrĂ© lâaffaire de la double exclusivitĂ© relative Ă lâiPhone83.
81 A. Perrot, âRelations verticales et contrats dâexclusivitĂ©â, Concurrences, n° 4-2010.
82 J.-P. Gunther, âLes stratĂ©gies verticalesâ, Concurrences, n° 4-2010.
83 G. Duflos et E. Pfister, âAccords de fourniture exclusive et concurrence : Principes dâanalyse et application au cas iPhoneâ, Concurrences, n° 3-2010.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 107
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.Cela peut, par exemple, ĂȘtre le cas dans des domaines pour lesquels lâintensitĂ© concurrentielle est faible ou quand le jeu des exclusivitĂ©s ou des ventes couplĂ©es peut verrouiller un marchĂ© et rĂ©duire de façon indue la libertĂ© de choix des consommateurs. De tels risques sont ainsi sensibles dĂšs lors que le jeu des exclusivitĂ©s â par exemple, par le contrĂŽle des contenus audiovisuels â risque de structurer le marchĂ© dans un modĂšle de silos. Auquel cas, la question dâun encadrement des exclusivitĂ©s de distribution peut ĂȘtre posĂ©e comme lâavait Ă©voquĂ© le rapport Hagelsteen pour le marchĂ© de gros de la tĂ©lĂ©vision payante85.
NĂ©anmoins, lâAutoritĂ© souligne que la rĂ©gulation spĂ©cifique doit demeurer lâexception et ne point constituer la rĂšgle. Celle-ci nâest pleinement efficace que si trois conditions sont rĂ©unies, Ă savoir des obstacles avĂ©rĂ©s au fonctionnement concurrentiel des marchĂ©s, lâincapacitĂ© du droit de la concurrence Ă apporter des rĂ©ponses adaptĂ©es et suffisantes, et un caractĂšre proportionnĂ© des rĂ©ponses de la rĂ©gulation sectorielle aux problĂšmes de concurrence identifiĂ©s. Dans le cas dâespĂšce, les outils dont dispose lâAutoritĂ© lui semblent suffisants pour prĂ©venir de tels comportements, voire âmettre ainsi des bornes aux agissements de Google susceptibles dâendommager une compĂ©tition effective entre les acteursâ (§ 349).
LâAutoritĂ©, sâappuyant alors sur les procĂ©dures lancĂ©es par la Commission europĂ©enne, dĂ©veloppe une dĂ©monstration de la capacitĂ© des rĂšgles de concurrence Ă remĂ©dier aux risques dĂ©finis pour la concurrence. Pour celle-ci, lâensemble des comportements de marchĂ© susceptibles de se traduire par des abus dâĂ©viction ou des abus dâexploitation â Ă lâexception des questions spĂ©cifiquement liĂ©es Ă lâĂ©conomie de la presse sur lesquelles nous reviendrons â ne justifie pas une intervention ex ante Ă©manant dâune autoritĂ© de rĂ©gulation sectorielle, ou une rĂ©glementation. Les raisons sont principalement de trois ordres. Tout dâabord, une intervention prĂ©coce et par trop rigide pourrait ĂȘtre prĂ©judiciable Ă la dynamique de marchĂ© considĂ©rĂ©e (§ 354). Ensuite, la turbulence des marchĂ©s considĂ©rĂ©s peut expliquer et rendre tolĂ©rable lâapparition de positions dominantes qui ne seront que transitoires (§ 360). Enfin, il apparaĂźt que lâimposition dâune rĂ©gulation nâest pas aussi lĂ©gitime lorsque lâentreprise tire sa dominance de ses seuls mĂ©rites, Ă lâinstar de Google, que lorsque celle-ci tire ses racines dâun monopole lĂ©gal ou de droits exclusifs comme cela est le cas pour les industries de rĂ©seau.
Il sâensuit lâĂ©tablissement par lâAutoritĂ© dâune feuille de route en matiĂšre de contrĂŽle concurrentiel des pratiques de marchĂ© de Google. Celle-ci prĂ©sente lâoriginalitĂ© de mettre en exergue â pour certains points â lâimpact dâengagements pris par Google. LâoriginalitĂ© dâune situation au travers de laquelle une autoritĂ© de concurrence obtient dâune entreprise des engagements volontaires dans le cadre dâune procĂ©dure consultative doit ĂȘtre soulignĂ©e. Il en est ainsi, par exemple, en matiĂšre de durĂ©e des clauses dâexclusivitĂ© nĂ©gociĂ©es en contrepartie de la numĂ©risation des ouvrages86. Câest Ă©galement le cas pour certaines prĂ©occupations de concurrence relatives au domaine de la presse. En effet, lâAutoritĂ© craignait que
85 M.-D. Hagelsteen, Les exclusivités de distribution et de transport dans le secteur de la télévision payante, rapport remis au Premier Ministre, janv. 2009, 54 p.
86 âGoogle semble dâailleurs en avoir pris conscience en prĂ©cisant au cours de lâinstruction quâelle nâappliquerait pas cette clause du contrat.â (§ 305)
prĂ©avis les comptes AdWords de certains annonceurs. Un tel risque de discriminations occupait une large place dans lâaffaire Navx (AutoritĂ© de la concurrence, dĂ©cision n° 10-D-30 du 28 octobre 2010 relative Ă des pratiques mises en Ćuvre dans le secteur de la publicitĂ© sur Internet), concernant des pratiques discriminatoires entre des fabricants de GPS et les fournisseurs de bases de donnĂ©es pour la localisation de radars fixes et mobiles. Notons que Google a rĂ©pondu Ă ces prĂ©occupations de concurrence au travers dâune procĂ©dure dâengagements.
Cette derniĂšre affaire conduit dâailleurs lâAutoritĂ© Ă souligner la capacitĂ© du droit de la concurrence Ă apporter une rĂ©ponse efficace Ă de tels risques (§ 341). Ce faisant, lâavis ainsi prĂ©sentĂ© sâoriente vers une prĂ©conisation quant aux possibles interventions de lâautoritĂ© en charge du droit de la concurrence, dâautoritĂ©s de rĂ©gulation sectorielle, voire du lĂ©gislateur dans de tels domaines.
II. Des effets des avis sur la concurrence
LâĂ©valuation rĂ©alisĂ©e par lâAutoritĂ© de la concurrence dans le cadre dâune procĂ©dure consultative prĂ©sente quelques particularitĂ©s. Elle ne peut ĂȘtre assimilĂ©e Ă lâĂ©valuation classique rĂ©alisĂ©e dans les procĂ©dures contentieuses. Comme le souligne lâAutoritĂ© elle-mĂȘme, il ne sâagit pas, dans le cadre dâune telle procĂ©dure, de se prononcer sur le comportement ou sur les pratiques dâun opĂ©rateur donnĂ© au regard des articles 101 et 102 TFUE. Seule une saisine contentieuse permet en effet de se prononcer sur la licĂ©itĂ© dâune pratique donnĂ©e (§ 107).
Pour lâAutoritĂ©, non seulement lâĂ©valuation rĂ©alisĂ©e ne peut ĂȘtre interprĂ©tĂ©e de façon trop directe comme une apprĂ©ciation de la compatibilitĂ© de la stratĂ©gie de Google avec les rĂšgles de concurrence, mais il convient de noter que les fortes turbulences sur le marchĂ© considĂ©rĂ© peuvent conduire Ă des Ă©valuations quelque peu diffĂ©rentes si une procĂ©dure contentieuse venait Ă ĂȘtre rĂ©alisĂ©e dans quelques mois (§ 108). Selon les termes mĂȘmes de lâAutoritĂ©, lâavis a pour objet dâĂ©clairer le fonctionnement du secteur en fournissant un âguide de lecture des comportements qui pourraient, au regard des circonstances qui leur sont propres et de leur impact sur le marchĂ©, constituer ou non des abus de position dominanteâ (§ 297). Un tel guide de lecture a cependant quelques effets sur les anticipations des acteurs du marchĂ© et donc sur sa future dynamique concurrentielle.
Lâavis peut ĂȘtre lu Ă la fois comme un signal donnĂ© aux opĂ©rateurs du marchĂ©, au premier rang desquels figure Google, mais aussi comme les prĂ©conisations de lâAutoritĂ© concernant le partage des responsabilitĂ©s entre les interventions concurrentielles et la rĂ©gulation sectorielle. Nous avons vu que la dĂ©cision Navx est mise en exergue pour tĂ©moigner de la capacitĂ© du droit de la concurrence Ă gĂ©rer les risques de verrouillage anticoncurrentiel des marchĂ©s ou les risques de discrimination au travers de procĂ©dures dâengagements.
Pour lâAutoritĂ©, la situation de Google ne justifie pas la mise en place dâun cadre rĂ©glementaire spĂ©cifique. Des mesures de rĂ©gulation spĂ©cifiques visant Ă corriger certains risques peuvent se justifier dans certaines circonstances (§ 347).
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 108
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.certains articles repris de titres de presse Ă©crite ne puissent plus ĂȘtre rĂ©fĂ©rencĂ©s sur Google dĂšs lors que les entreprises de presse sâopposeraient Ă leur insertion dans les pages de Google ActualitĂ©s (§ 383). Elle indique quâelle veillera Ă lâapplication, en France, dâengagements pris par Google devant lâautoritĂ© de concurrence italienne de ne pas mettre en Ćuvre ce genre de pratiques (§ 384).
Il convient en effet de noter quâau-delĂ des problĂšmes de concurrence liĂ©s au marchĂ© de la publicitĂ© en ligne et des moteurs de recherche verticaux, lâAutoritĂ© sâattache Ă©galement aux effets de la stratĂ©gie de Google sur les entreprises de presse. Elle sâattache notamment au risque de parasitisme induit par Google ActualitĂ©s. En effet, ce service de Google regroupe par thĂšmes une sĂ©lection dâarticles de presse disponibles en ligne. Proposant le meilleur de la presse sur un portail unique, il risque de devenir le point dâentrĂ©e des internautes au dĂ©triment des sites des entreprises de presse (§ 379), avec les avantages qui peuvent en dĂ©couler en termes de ressources publicitaires. Google ne se contentant pas de rĂ©fĂ©rencer les articles mais offrant un contenu Ă©ditorial (ne serait-ce que par le regroupement thĂ©matique des articles), il peut bĂ©nĂ©ficier des meilleures compĂ©tences et des meilleurs contenus sans supporter les coĂ»ts de production de lâinformation (§ 382). Relevons que lâAutoritĂ© propose Ă©galement une Ă©volution de la lĂ©gislation (en lâoccurrence, la loi Sapin du 29 janvier 1993) pour offrir plus de garanties aux titres de presse en matiĂšre de transparence quant aux ressources publicitaires.
En annexe de son avis, lâAutoritĂ© rĂ©capitule les diffĂ©rentes prĂ©occupations de concurrence pour lesquelles elle est susceptible dâintervenir. La reproduction dâune forme abrĂ©gĂ©e de ces derniĂšres prĂ©sente en outre lâintĂ©rĂȘt de souligner Ă nouveau de quelle façon une procĂ©dure consultative peut implicitement revĂȘtir la forme de prĂ©occupations de concurrence appelant des engagements de la part de lâentreprise visĂ©e. Une telle situation peut avoir pour effet indirect de voir lâAutoritĂ© jouer sur la dynamique concurrentielle du marchĂ© considĂ©rĂ© en dehors dâune procĂ©dure contentieuse et dâune dĂ©cision sur le fond. La question du contrĂŽle juridictionnel, dĂ©jĂ posĂ©e pour lâensemble des procĂ©dures nĂ©gociĂ©es dans le cadre des compĂ©tences contentieuses, pourrait donc Ă©galement ĂȘtre posĂ©e dans le cadre des compĂ©tences consultatives dĂšs lors quâelles produisent des effets directs sur la concurrence.
F. M. n
Voir tableau page suivante
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 109
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.
PrĂ©occupations de concurrence mises en exergue par lâAutoritĂ©
Grille dâanalyse de lâAutoritĂ© de concurrence
Suites que lâAutoritĂ© se propose de donner
Accords dâexclusivitĂ© liĂ©s aux contenus
Vérification de la limitation du champ, de la durée des clauses, de leur proportionnalité avec les investissements consentis
Refus des clauses dâexclusivitĂ© sur les ouvrages numĂ©risĂ©s portant sur la numĂ©risation ultĂ©rieure par un concurrent
ProcĂ©dure Ă©ventuelle de lâAdlC
Obstacles Ă lâindexation des contenus de YouTube par les moteurs de recherche concurrents
VĂ©rification de lâabsence dâobstacles techniques Ă lâindexation (dĂ©fense possible sur la base de lâefficience)
ProcĂ©dure europĂ©enne en cours ; Ă dĂ©faut, procĂ©dure de lâAdlC
Obstacles Ă lâutilisation simultanĂ©e par plusieurs plateformes de publicitĂ©s liĂ©es Ă la recherche
VĂ©rification de lâabsence dâobstacles techniques Ă la portabilitĂ© (dĂ©fense possible sur la base de lâefficience)
Procédure européenne en cours
Possibilités de manipulations dans les enchÚres AdWords
Examen de lâalgorithme, Ă©valuation des possibilitĂ©s de manipulation
Procédure européenne en cours
Participation de Google Ă ses propres enchĂšres
VĂ©rification de la proportionnalitĂ© du montant des enchĂšres et du service, et vĂ©rification de lâabsence de prime dâĂ©viction
ProcĂ©dure europĂ©enne en cours ; Ă dĂ©faut, procĂ©dure de lâAdlC
Manque de transparence et caractĂšre discriminatoire de lâapplication des rĂšgles relatives Ă AdWords. Fermetures sans prĂ©avis de comptes de certains annonceurs
Engagements rendus obligatoires par la décision 10-D-30 du 28 octobre 2010
Mise en avant de Google Maps dans les recherches de type âgĂ©ographiqueâ
Examen des rĂšgles de classement, Ă©valuation des risques de sous-estimation du classement des pages jaunes
ProcĂ©dure europĂ©enne en cours ; Ă dĂ©faut, procĂ©dure de lâAdlC
Clauses dâexclusivitĂ© dans les contrats publicitaires AdSense1*
Ăvaluation de lâimpact sur la concurrence, justification sur la base de lâefficience
Procédure européenne en cours
Opacité concernant le taux de partage des revenus entre Google et AdSense
Demande de modification des contrats et de clarification des taux de répartition
Engagements pris devant lâautoritĂ© de concurrence italienne. LâAdlC surveillera leur application en France.
Inadéquation de la loi Sapin pour garantir la transparence du marché de la publicité en ligne pour les éditeurs
Obligations minimales de redditions de comptes, mĂ©canisme Ă©ventuel dâaudit par un tiers certificateur
Ăvolution lĂ©gislative
Parasitisme de Google Actualités
Possibilité de déréférencement sur Google Actualités, sans risque de déréférencement sur le moteur de recherche
Engagements pris devant lâautoritĂ© de concurrence italienne. LâAdlC surveillera leur application en France.
CrĂ©ation de kiosques numĂ©riques, encouragĂ©s sur le principe par lâAdlC, mais devant sâaccompagner de garanties concurrentielles
Projet Ă soumettre pour avis Ă lâAdlC, pour lâĂ©valuation de sa compatibilitĂ© avec les rĂšgles de concurrence
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 110
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.conservatoires visant Ă la suspension de telles clauses (Cons. conc., dĂ©c. 08-D-10, TĂ©lĂ©vision de rattrapage, 7 mai 2008) et Ă leur faire droit dans dâautres (Cons. conc., dĂ©c 08-MC-01, iPhone, 17 dĂ©cembre 2008).
La dĂ©cision de lâAutoritĂ© analysĂ©e porte sur les risques liĂ©s au contrĂŽle par un opĂ©rateur dominant Ă partir du contrĂŽle de contenus audiovisuels sur la pĂ©rennitĂ© et le dĂ©veloppement de la concurrence. Dans le cas dâespĂšce, diffĂ©rentes pratiques sont allĂ©guĂ©es Ă lâencontre du groupe Canal Plus, les unes relevant de lâarticle 101 TFUE, les autres de lâarticle 102. Pour ce dernier article, les pratiques incriminĂ©es relĂšvent dâabus dâexploitation et dâabus dâĂ©viction, passant pour ces derniers par des clauses dâexclusivitĂ©, des ventes couplĂ©es ou des dĂ©nigrements. Les griefs relatifs Ă lâarticle 101 concernent Ă©galement des questions dâexclusivitĂ©, au travers dâententes nouĂ©es avec des chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision Ă©ditrices de contenus. Nous nâabordons dans cette chronique que la question spĂ©cifique des abus dâĂ©viction susceptibles de dĂ©couler, dans le cas dâespĂšce, des clauses dâexclusivitĂ©. En effet, les diffĂ©rents griefs relatifs Ă lâarticle 102 portant sur les comportements discriminatoires, les stratĂ©gies de couplage ou encore les pratiques de dĂ©nigrement furent rejetĂ©s. Ils nâappellent pas de remarques particuliĂšres. Par contre, plus intĂ©ressante est la question de la possible forclusion du marchĂ© de la tĂ©lĂ©vision payante, et notamment le marchĂ© Ă©mergent de la fibre, Ă partir dâun bloc dâexclusivitĂ©s dĂ©tenu par un opĂ©rateur dominant sur les chaĂźnes thĂ©matiques les plus attractives. La question, comme nous le verrons, nâa pas Ă©tĂ© tranchĂ©e dans le cadre de cette dĂ©cision, lâAutoritĂ© dĂ©cidant in fine de renvoyer lâaffaire Ă lâinstruction (§ 379). AprĂšs avoir dĂ©crit Ă grands traits lâaffaire, en nous attachant Ă lâimportance de la question des contenus et des clauses dâexclusivitĂ© affĂ©rentes dans lâĂ©conomie du secteur (I), nous traiterons de la dĂ©cision de lâAutoritĂ© et de lâĂ©valuation des effets de telles clauses sur la concurrence et le bien-ĂȘtre (II).
I. De la question des contenus audiovisuels et de lâimportance des clauses dâexclusivitĂ©
Le 1er aoĂ»t 2007, le Conseil de la concurrence fut saisi par le groupe AB sur la base dâun ensemble de pratiques anticoncurrentielles quâaurait mis en Ćuvre Ă son encontre le groupe Canal Plus. Ces derniĂšres consistaient en divers abus dâĂ©viction et dâexploitation. MalgrĂ© le retrait de la saisine dâAB, le 13 mai 2008, le Conseil poursuivit lâinstruction et joignit lâaffaire Ă une saisine de France TĂ©lĂ©com en date du 5 novembre 2008. Celle-ci portait sur lâaccaparement de chaĂźnes thĂ©matiques au moyen de clauses dâexclusivitĂ©, de pratiques de couplages anticoncurrentielles et de diverses pratiques de dĂ©nigrement et de pression sur les Ă©diteurs de chaĂźnes Ă lâencontre de lâopĂ©rateur issu du secteur des tĂ©lĂ©communications. La saisine prenait place dans un contexte de dĂ©veloppement de la concurrence Ă partir des contenus, entre les acteurs traditionnels de la tĂ©lĂ©vision payante et les opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©communications qui sont de nouveaux entrants sur le marchĂ©. Il est dâailleurs Ă relever que la saisine de France TĂ©lĂ©com Ă©tait concomitante au lancement de ses propres chaĂźnes - sur le devenir desquelles il sera nĂ©cessaire de revenir -, mais Ă©galement des dĂ©bats autour du dĂ©veloppement des rĂ©seaux de fibre optique et de leurs consĂ©quences sur lâĂ©quilibre futur du secteur.
Ă©viCtion antiConCurrentielle â Clauses dâexClusivitĂ© : LâAutoritĂ© de la concurrence demande un supplĂ©ment dâinstruction pour Ă©valuer les risques de prĂ©emption du marchĂ© de la diffusion de contenus audiovisuels sur la fibre optique au moyen de clauses dâexclusivitĂ© (Aut. conc., dĂ©c. n° 10-D-32 du 16 novembre 2010 relative Ă des pratiques mises en Ćuvre dans le secteur de la tĂ©lĂ©vision payante)
Dans le contexte de la convergence numĂ©rique, la question des clauses dâexclusivitĂ© relatives aux contenus audiovisuels a suscitĂ© de nombreuses prĂ©occupations de concurrence et a Ă©tĂ© au centre de nombreux contentieux ces derniĂšres annĂ©es. Si, comme dans de nombreux autres domaines, les clauses dâexclusivitĂ© ne sauraient ĂȘtre interdites per se au regard des gains dâefficience qui peuvent leur ĂȘtre associĂ©s et de la sĂ©curisation induite de certains investissements spĂ©cifiques, il nâen demeure pas moins quâelles sont susceptibles de gĂ©nĂ©rer un verrouillage des marchĂ©s, particuliĂšrement lourd de consĂ©quences sur les marchĂ©s Ă©mergents87. Ce dernier peut advenir dâautant plus rapidement que les effets de rĂ©seaux peuvent conduire les dĂ©tenteurs des droits sur les contenus les plus attractifs Ă contracter avec les opĂ©rateurs ayant la base de clientĂšle la plus large. De plus, la gĂ©nĂ©ralisation de modĂšles de type âdouble exclusivitĂ©â, par lesquels certains fournisseurs dâaccĂšs Ă Internet se rĂ©serveraient les contenus les plus attractifs, peut conduire Ă un verrouillage des consommateurs dâautant plus significatif que les coĂ»ts de changement dâopĂ©rateur seront Ă©levĂ©s88.
Une intervention trop tardive des autoritĂ©s en charge de lâapplication du droit de la concurrence risquerait de sâavĂ©rer inefficace. Elle pourrait ne plus ĂȘtre en mesure de contrecarrer lâĂ©viction des concurrents dâun opĂ©rateur particuliĂšrement dominant ou du moins la structuration de lâindustrie au travers de diffĂ©rents contrats dâexclusivitĂ© selon un modĂšle de silos89. SymĂ©triquement, une intervention trop prĂ©coce risquerait dâaffecter nĂ©gativement la dynamique des marchĂ©s. Un faux positif â câest-Ă -dire une entreprise qui verrait une clause dâexclusivitĂ© dont elle est la bĂ©nĂ©ficiaire annulĂ©e ou suspendue Ă tort â engendrerait alors un coĂ»t Ă©conomique particuliĂšrement Ă©levĂ© tant pour lâentreprise concernĂ©e que pour le bien-ĂȘtre du consommateur90.
Les autoritĂ©s de concurrence sont donc conduites Ă une difficile Ă©valuation au cas par cas des effets concurrentiels de ces clauses et des Ă©ventuels gains dâefficience qui leur sont associĂ©s. La pratique dĂ©cisionnelle a progressivement dĂ©gagĂ© un ensemble de critĂšres dâapprĂ©ciation tenant au champ et Ă la durĂ©e des clauses incriminĂ©es, Ă leur proportionnalitĂ© avec les investissements des parties contractantes et Ă leur effet sur la concurrence. Lâapplication de ces critĂšres a conduit dans certains cas Ă refuser des demandes de mesures
87 A. Perrot, âRelations verticales et contrats dâexclusivitĂ©â, Concurrences, n° 4-2010.
88 Aut. conc., avis 09-A-42, relations dâexclusivitĂ© entre activitĂ©s dâopĂ©rateurs de communications Ă©lectroniques et activitĂ©s de distribution de contenus et de services, 7 juillet 2009.
89 J.-P. Gunther, âLes stratĂ©gies verticalesâ, Concurrences, n° 4-2010.
90 P. Bougette, F. Marty, J. Pillot et P. Reis, âApprĂ©ciation des clauses dâexclusivitĂ© par les autoritĂ©s de la concurrence : Le cas des marchĂ©s de haute technologieâ, Concurrences, n° 3-2010, p. 65-74.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 111
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.de diffuseur technique. En outre, lâabonnement venant en sus du forfait rĂ©glĂ© par lâabonnĂ©, se pose un problĂšme dâattractivitĂ© de lâoffre pour les consommateurs, dĂšs lors que les contenus proposĂ©s sont disponibles sur dâautres plateformes. La diffĂ©renciation et lâattractivitĂ© des offres doivent donc passer par des contenus spĂ©cifiques. Or, dans le mĂȘme temps, Canal Plus dispose de larges exclusivitĂ©s et en nĂ©gocie des extensions. Ce faisant, un second modĂšle de dĂ©veloppement, fondĂ© sur la diffĂ©renciation de lâoffre, a Ă©tĂ© envisagĂ©. LâopĂ©rateur de tĂ©lĂ©communications confectionne ses propres bouquets de chaĂźnes thĂ©matiques payantes pour proposer une offre propriĂ©taire.
Il sâagit donc de savoir si, au moyen dâune stratĂ©gie dâassĂšchement du marchĂ© de gros des contenus passant par la nĂ©gociation de clauses dâexclusivitĂ©, Canal Plus est effectivement en position de mettre en Ćuvre une stratĂ©gie dâĂ©viction anticoncurrentielle au dĂ©triment des opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©phonie mobile sur le marchĂ© de la tĂ©lĂ©vision.
Ăvaluer ce risque suppose de sâattacher Ă la puissance de marchĂ© des deux types dâacteurs. Dâune part, malgrĂ© un effritement de sa part de marchĂ©, il ne saurait ĂȘtre question de ne pas reconnaĂźtre Ă Canal Plus une position dominante. Tout dâabord, sa part de marchĂ© dĂ©passe toujours 50 % et demeure trois fois plus Ă©levĂ©e que celle de son premier concurrent (en lâoccurrence, Free). Ensuite, son niveau de prix demeurant plus Ă©levĂ© que celui de ses concurrents, sa part de marchĂ© en valeur sâĂ©lĂšve au-delĂ de la part quâil dĂ©tient en volume. Enfin, le fait quâil nâait pas Ă©tĂ© contraint de baisser ses prix malgrĂ© lâĂ©rosion de sa part de marchĂ© tĂ©moigne de sa dominance. Face Ă lui, la puissance de marchĂ© des opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©phonie mobile doit ĂȘtre relativisĂ©e. Free ne possĂšde pas dâoffre tĂ©lĂ©visuelle propre (§ 281) et les deux autres opĂ©rateurs affichent des taux de souscription Ă leurs bouquets payant extrĂȘmement faibles. Le taux nâest que de 16,2 % chez SFR et ne sâĂ©tablit quâĂ 7,3 % dans le cas dâOrange, pourtant engagĂ© dans lâintĂ©gration amont vers lâĂ©dition de chaĂźnes propriĂ©taires.
Il nâen demeure pas moins que la faiblesse de ces positions ne doit pas cacher que les opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©communications demeurent les principaux vecteurs de croissance du secteur de la tĂ©lĂ©vision avec les offres multicanaux et leur avantage potentiel en termes de modes de consommation non linĂ©aires des programmes (§ 285). Cependant, leur dĂ©veloppement potentiel peut ĂȘtre entravĂ© par une stratĂ©gie dâassĂšchement du marchĂ© de gros des contenus (§ 287).
En effet, alors que les engagements pris en 2006 dans le cadre de la fusion Canal Sat-TPS avaient Ă©largi le nombre de chaĂźnes disponibles, la nĂ©gociation des accords dâexclusivitĂ© tend Ă nouveau Ă le restreindre radicalement. Canal Plus dĂ©tient en effet lâexclusivitĂ© sur les chaĂźnes quâelle Ă©dite elle-mĂȘme, mais Ă©galement sur quelque trente chaĂźnes additionnelles, en lâoccurrence les plus attractives pour les tĂ©lĂ©spectateurs (§ 55). En effet, sur les 60 chaĂźnes thĂ©matiques payantes disponibles fin 2008, Canal Plus dĂ©tenait les exclusivitĂ©s satellites sur 35 dâentre elles, sur 33 en ADSL et sur 30 pour la fibre. Canal Plus est dâautant plus en position de force pour nĂ©gocier de tels droits exclusifs quâil dispose dâune large base dâabonnĂ©s sur laquelle il peut aisĂ©ment amortir les coĂ»ts dâacquisition de ces derniers. Il bĂ©nĂ©ficie en outre de son intĂ©gration verticale
La comprĂ©hension du contentieux suppose de dĂ©finir les activitĂ©s dâĂ©dition et de distribution de contenus audiovisuels. Le secteur de lâĂ©dition correspond Ă la crĂ©ation de chaĂźnes thĂ©matiques Ă partir de contenus audiovisuels achetĂ©s auprĂšs de producteurs. La distribution correspond Ă lâagrĂ©gation dans des bouquets de ces diffĂ©rentes chaĂźnes payantes et de leur commercialisation auprĂšs des abonnĂ©s. Il convient Ă©galement de distinguer, en aval, une activitĂ© de transport, consistant en lâacheminement et en la diffusion des bouquets sur diffĂ©rentes plateformes dâaccĂšs pouvant ĂȘtre le cĂąble, le satellite, lâADSL ou encore la tĂ©lĂ©phonie mobile.
Du fait de la convergence numĂ©rique, la structure du marchĂ© connaĂźt de fortes turbulences. Sont dĂ©sormais prĂ©sents sur le marchĂ©, aux cĂŽtĂ©s des opĂ©rateurs traditionnels, de nouveaux venus issus du monde des tĂ©lĂ©communications. Il en dĂ©coule des dynamiques de firmes diffĂ©rentes et des modĂšles de dĂ©veloppement diffĂ©rents dont lâun des paramĂštres essentiels tient au contrĂŽle de contenus audiovisuels spĂ©cifiques permettant de diversifier les offres. Aux cĂŽtĂ©s dâun modĂšle dâintĂ©gration verticale allant des droits sur les contenus jusquâĂ lâabonnĂ©, existe Ă©galement un modĂšle dans le cadre duquel des opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©communications acquiĂšrent des bouquets de chaĂźnes pour les proposer Ă leurs abonnĂ©s. LâentrĂ©e de ces derniers ne constitue pas la seule Ă©volution que connaĂźt la branche. Tout dâabord, certains dâentre eux tentent - ou ont tentĂ© -, avec une rĂ©ussite trĂšs relative, de sâintĂ©grer verticalement vers lâĂ©dition et la distribution, afin de proposer des offres propriĂ©taires. Ensuite, le dĂ©veloppement de la fibre optique contribue Ă©galement Ă rabattre les cartes du jeu concurrentiel et Ă favoriser le dĂ©veloppement des modes de consommation non linĂ©aires de la tĂ©lĂ©vision, en lâoccurrence la tĂ©lĂ©vision de rattrapage et la vidĂ©o Ă la demande, lesquels constituaient un avantage des opĂ©rateurs utilisant des technologies ADSL.
Ces Ă©volutions prennent place dans un marchĂ© marquĂ© depuis 2006 par la prĂ©sence dâun opĂ©rateur dominant intĂ©grĂ© verticalement, issu de la concentration de Canal Sat et TPS. Outre son poids sur le marchĂ© en termes de nombre dâabonnĂ©s, cet opĂ©rateur dominant dĂ©tient de substantiels droits exclusifs. Lâampleur des exclusivitĂ©s dĂ©tenues quâil dĂ©tient pose dâautant plus de problĂšmes de concurrence, selon ses compĂ©titeurs, que celles-ci sont peu Ă peu Ă©tendues Ă la fibre optique, laissant craindre la mise en Ćuvre dâune stratĂ©gie de prĂ©emption du marchĂ© et dâĂ©viction des opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©communications. Le risque que ces exclusivitĂ©s constituent le levier dâune stratĂ©gie dâĂ©viction anticoncurrentielle visant les opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©communications peut ĂȘtre dâautant plus mis en exergue que certaines clauses dâexclusivitĂ© visent spĂ©cifiquement ces opĂ©rateurs et ne portent pas sur les opĂ©rateurs nâexploitant que des rĂ©seaux cĂąblĂ©s (§ 72).
La question de lâaccĂšs aux contenus est en effet dĂ©terminante pour les opĂ©rateurs issus des tĂ©lĂ©communications. Ces derniers ont adoptĂ© deux modĂšles de dĂ©veloppement distincts. Dans le premier, ils se bornent Ă diffuser techniquement des offres tĂ©lĂ©visuelles existantes, confectionnĂ©es et commercialisĂ©es par des distributeurs tiers. Ces derniers â dont Canal Plus â disposent alors dâune relation commerciale directe avec lâabonnĂ© et reversent en contrepartie une somme forfaitaire annuelle Ă lâopĂ©rateur, calculĂ©e sur la base du montant de lâabonnement. LâopĂ©rateur est cantonnĂ© Ă une simple activitĂ©
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 112
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.rĂ©el des clauses en question. Suivant lâarrĂȘt Tomra91, un abus peut ĂȘtre constatĂ© dĂšs lors que les accords âtend[ent] Ă verrouiller une partie significative de la demandeâ. Une telle position constitue un net recul par rapport aux objectifs affichĂ©s de converger vers une approche plus Ă©conomique, non plus basĂ©e sur des catĂ©gories juridiques formelles mais sur lâĂ©valuation des effets concrets des pratiques en cause92âŠ
Dans le mĂȘme temps, la dĂ©fense de Canal Plus rĂ©side dans lâinsuffisance dâune exclusivitĂ© qui ne porterait que sur lâADSL et non sur la fibre qui apparaĂźt comme une technologie substituable (§ 347). En dâautres termes, lâextension de lâexclusivitĂ© est indispensable pour bĂ©nĂ©ficier des gains dâefficience quâelle permet.
Une dĂ©cision sur le fond permettra de sâattacher Ă la fois Ă la façon dont les dommages Ă la concurrence seront Ă©valuĂ©s et Ă la façon dont les justifications ou les gains dâefficience potentiels seront apprĂ©ciĂ©s. Dans le cadre de sa dĂ©cision, lâAutoritĂ© doit notamment se prononcer sur la lĂ©gitimitĂ© des clauses dâexclusivitĂ© portant sur les chaĂźnes directement Ă©ditĂ©es par Canal Plus (§ 361) et sur celles dâĂ©diteurs indĂ©pendants (§ 364). Dans lâensemble des cas, un supplĂ©ment dâinstruction lui est apparu comme nĂ©cessaire et justifie Ă son sens un renvoi Ă lâinstruction.
La position que prendra lâAutoritĂ© dans sa dĂ©cision sur le fond prĂ©sentera de nombreux intĂ©rĂȘts. Un premier tiendra Ă la nature de lâexamen rĂ©alisĂ©. Il est espĂ©rĂ©, au vu de lâattitude de lâAutoritĂ©, quâune Ă©valuation sur le fond des impacts Ă©conomiques des clauses dâexclusivitĂ© sera rĂ©alisĂ©e. La tension entre approche fondĂ©e sur des critĂšres formalistes et approche plus Ă©conomique fondĂ©e sur les effets est ici indĂ©niable. Un deuxiĂšme intĂ©rĂȘt tiendra au traitement des chaĂźnes directement Ă©ditĂ©es par Canal Plus. Une remise en cause des exclusivitĂ©s relatives Ă ces derniĂšres reviendrait Ă introduire un raisonnement de type âinfrastructures essentiellesâ. Enfin, le troisiĂšme intĂ©rĂȘt, et non des moindres, sera de prĂ©ciser encore la position des autoritĂ©s de concurrence sur la question de lâĂ©valuation des clauses dâexclusivitĂ© sur des marchĂ©s Ă©mergents. En effet, le cas pose la question des risques de prĂ©emption de lâexclusivitĂ© de la distribution en exclusivitĂ© sur les rĂ©seaux de fibre optique (§ 370), lesquels pourraient non seulement se traduire par lâabsence de concurrence sur ces derniers, mais aussi, en retour, avoir pour effet de figer les positions concurrentielles sur les marchĂ©s amont. Ce faisant, la stratĂ©gie de prĂ©emption dâun marchĂ© aval au travers dâune stratĂ©gie de levier pourrait Ă©galement prĂ©senter lâavantage de consolider, voire de renforcer la position dominante en amont. Le risque serait alors que loin de rabattre les cartes, lâapparition dâune nouvelle donne technologique conduise a contrario Ă ossifier les positions de marchĂ©, voire Ă aggraver la dominance. Cela met Ă nouveau en exergue la question dĂ©terminante du timing optimal de lâintervention des autoritĂ©s de concurrence dans le cadre des marchĂ©s Ă©mergents, question qui fait directement Ă©cho Ă lâavis n° 10-A-29 du 14 dĂ©cembre 2010 de lâAutoritĂ© quant au fonctionnement concurrentiel du marchĂ© de la publicitĂ© en ligne (voir cette chronique).
91 Trib. UE, 9 sept. 2010, Tomra/Commission, T-155/06, non encore publié au Recueil.
92 D. GĂ©radin et N. Petit, Judicial Review in European Union Competition Law: A Quantitative and Qualitative Assessment, 2010, document de travail disponible en ligne sur SSRN: http://ssrn.com/abstract=1698342.
qui fait de lui le dĂ©tenteur de droits particuliĂšrement attractifs aux yeux des tĂ©lĂ©spectateurs dans le domaine du cinĂ©ma et du football (§ 298). Or, le contrĂŽle de tels contenus constitue une variable clĂ© dans les nĂ©gociations avec les Ă©diteurs de chaĂźnes et pourrait peser dans des demandes de contreparties en termes dâexclusivitĂ© de diffusion.
II. De la position de lâAutoritĂ© de la concurrence vis-Ă -vis des pratiques allĂ©guĂ©es
Canal Plus aurait-il donc pu, en nĂ©gociant des exclusivitĂ©s Ă©tendues au domaine de la fibre optique, essayer dâĂ©vincer, au moyen dâune stratĂ©gie de levier, les opĂ©rateurs tĂ©lĂ©phoniques de ce marchĂ© en phase de dĂ©marrage, en les privant de contenus audiovisuels indispensables Ă lâattractivitĂ© de leur offre (§ 338) ? Une telle stratĂ©gie ne permettrait-elle pas Ă©galement de les affaiblir sur le marchĂ© ADSL mĂȘme, en les empĂȘchant de se doter dâune offre propriĂ©taire indispensable pour justifier aux yeux des consommateurs le paiement dâun abonnement additionnel mais aussi pour rendre attractif ce dernier par rapport aux offres de Canal Plus ?
Il sâagit donc de sâattacher aux conditions dans lesquelles les exclusivitĂ©s sont obtenues et dâĂ©valuer leur impact. Il conviendrait dans ce cadre de se livrer Ă une Ă©valuation de leur champ, de leur durĂ©e, de leur proportionnalitĂ© par rapport aux investissements consentis, de leur impact potentiel en termes dâĂ©viction de la concurrence mais aussi des gains dâefficience qui peuvent leur ĂȘtre associĂ©s. Il apparaĂźt, en tout Ă©tat de cause, que les modalitĂ©s au travers desquelles les contrats dâexclusivitĂ© sont conclus peuvent susciter quelques effets excluant les tiers. En effet, lâexclusivitĂ© serait notamment imposĂ©e aux Ă©diteurs au travers dâun mĂ©canisme de remises fidĂ©lisantes, calculĂ©es sur une base forfaitaire, accordĂ©e sans justification objective, quel que soit le mode technique de diffusion, faisant quâun opĂ©rateur de tĂ©lĂ©communications devrait compenser lâensemble de la prime pour bĂ©nĂ©ficier des droits de diffusion (§ 339). En outre, Canal Plus mettrait Ă profit sa position verticalement intĂ©grĂ©e sur le marchĂ© pour faire pression dans les nĂ©gociations avec les Ă©diteurs pour coupler lâobtention des droits tĂ©lĂ©visuels dĂ©tenus par le groupe Canal Plus avec la signature dâun contrat dâexclusivitĂ© de distribution de la chaĂźne concernĂ©e sur son offre (§ 341).
De tels accords dâexclusivitĂ© ne peuvent ĂȘtre prohibĂ©s per se dans la mesure oĂč ils peuvent gĂ©nĂ©rer des gains dâefficience au profit du consommateur. Cependant, ils sont susceptibles de constituer une restriction de concurrence dĂšs lors quâils ont pour effet concret ou potentiel de restreindre lâaccĂšs au marchĂ© des concurrents. Il convient donc de sâattacher aux effets concrets de lâaccord en cause sur le marchĂ© mais aussi âde prendre en compte lâexistence sur le marchĂ© dâautres contrats du mĂȘme type, afin de dĂ©terminer si cet accord contribue Ă un effet cumulatif de fermeture du marchĂ© rĂ©sultant de lâensemble des contrats similairesâ (§ 353). Par exemple, dans une Ă©valuation sur la base de lâarticle 101, lâautoritĂ© en charge de lâapplication des rĂšgles de concurrence doit vĂ©rifier si un concurrent serait bien en mesure de construire une offre crĂ©dible malgrĂ© lâensemble des accords dâexclusivitĂ© nouĂ©s sur le marchĂ©. Il nâest mĂȘme pas nĂ©cessaire, dans le cadre de la jurisprudence europĂ©enne, dans le cadre dâune procĂ©dure sur la base de lâarticle 102 de dĂ©montrer un effet concurrentiel
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 113
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.La qualification de ce retrait requĂ©rait au prĂ©alable que soit Ă©tablie une position dominante dâUCB. Câest sur cette question que se focalise la dĂ©cision de lâAutoritĂ©.
Une position dominante non établie grùce à une interprétation dynamique
Pour le ministre, cette problĂ©matique Ă©tait simple dans la mesure oĂč le marchĂ© en cause devait se limiter Ă celui de la molĂ©cule du Zyrtec : la cĂ©tirizine. En rĂ©alitĂ©, cette affaire soulevait trois questions principales sur la dĂ©finition du marchĂ© pertinent, concernant les distinctions entre :
â un marchĂ© des mĂ©dicaments incluant la seule molĂ©cule gĂ©nĂ©riquĂ©e ou dâautres molĂ©cules alternatives ;
â un marchĂ© âvilleâ et un marchĂ© hospitalier ;
â un marchĂ© des mĂ©dicaments remboursables ou non.
La premiĂšre Ă©tape de la dĂ©finition des marchĂ©s, lorsquâil sâagit dâanalyser la gĂ©nĂ©rification dâun mĂ©dicament princeps, se rĂ©sume souvent, sâagissant des autoritĂ©s de concurrence, comme on lâa dĂ©jĂ soulignĂ© Ă diverses reprises95, Ă celle prĂ©conisĂ©e par le ministre. En se limitant ainsi Ă la molĂ©cule concernĂ©e, la position dominante du titulaire du brevet venant Ă expiration est par principe Ă©tablie96.
En lâespĂšce, se rĂ©fĂ©rant classiquement Ă la classification ATC (Anatomical Therapeutic Chemical classification system), qui regroupe les mĂ©dicaments selon leurs indications thĂ©rapeutiques, lâAutoritĂ© indique que dâun point de vue pharmacologique, la cĂ©tirizine appartient Ă la classe des antihistaminiques H1 (âanti-H1â) de seconde gĂ©nĂ©ration, destinĂ©e Ă combattre diverses allergies (§ 12).
Or, lâAutoritĂ© ajoute que dâautres molĂ©cules anti-H1 existent (§ 13-20) : la loratadine (commercialisĂ©e sous la marque Clarytine par Schering-Plough, qui dispose Ă©galement dâAerius Ă base de desloratadine), la fĂ©xofĂ©nadine (commercialisĂ©e par Sanofi-Aventis sous la marque Telfast), lâĂ©bastine (commercialisĂ©e par Alimirall sous la marque Kestin), etc. En outre, comme indiquĂ© ci-dessus, UCB, tout en retirant le Zyrtec, venait de lancer le Xyzall avec une nouvelle molĂ©cule (la lĂ©vocĂ©tirizine).
LâAutoritĂ© rappelle que dans le secteur pharmaceutique, la pratique dĂ©cisionnelle des autoritĂ©s de concurrence française et europĂ©enne est âfondĂ©e Ă titre principal sur lâusage thĂ©rapeutiqueâ (§ 40).
LâAutoritĂ© relĂšve Ă ce propos que ces diffĂ©rents antiallergiques âau regard de leur indication thĂ©rapeutique, apparaissent donc, pour lâautoritĂ© de santĂ© [lâAFSSAPS], substituables Ă Zyrtecâ (§ 48). Le constat est le mĂȘme aprĂšs enquĂȘte de la DNECRF auprĂšs des mĂ©decins prescripteurs (§ 49). LâAutoritĂ© insiste dâailleurs sur le rĂŽle prĂ©pondĂ©rant des mĂ©decins pour dĂ©terminer sâil y a ou non substituabilitĂ© entre plusieurs mĂ©dicaments (§ 55). Indiquant enfin quâil existe une grande proximitĂ© des prix remboursables de ces spĂ©cialitĂ©s (§ 52) et
95 Cf. not. obs. A. Wachsmann, Concurrences, n° 4-2009, p. 117-119 et obs. A. Wachsmann, Concurrences, n° 4-2010, p. 120.
96 Cf. not. obs. F. Marty, Concurrences, n° 3-2010, p. 94.
Toujours en matiĂšre de temps relatifs entre la procĂ©dure concurrentielle et la dynamique des marchĂ©s Ă©mergents, il est Ă relever que si la saisine de France TĂ©lĂ©com Ă lâencontre des pratiques de Canal Plus Ă©tait contemporaine du lancement des chaĂźnes propriĂ©taires du premier citĂ©, deux mois aprĂšs le renvoi pour complĂ©ment dâinstruction, la donne concurrentielle est Ă nouveau bouleversĂ©e. En effet, Ă lâheure oĂč le devenir dâOrange Sports apparaĂźt incertain (au moment mĂȘme ou la LFP va lancer ses appels dâoffres pour les droits audiovisuels du football), une sociĂ©tĂ© commune rĂ©unissant Canal Plus et France TĂ©lĂ©com est envisagĂ©e pour conduire Ă la fusion dâOrange CinĂ©ma / SĂ©ries et TPS StarâŠ
F. M. n
dĂ©limitation de marChĂ©s de produits - position dominante â seCteur pharma- Ceutique : LâAutoritĂ© de la concurrence prononce un non-lieu dans lâaffaire de la cĂ©tirizine en comprimĂ©s faute de position dominante aprĂšs une analyse dĂ©taillĂ©e de la dĂ©finition du marchĂ© (Aut. conc., dĂ©c. n°10-D-37 du 17 dĂ©cembre 2010 relative Ă des pratiques mises en
Ćuvre sur le marchĂ© de la cĂ©tirizine en comprimĂ©s)
En droit français, le secteur de la pharmacie est sous la surveillance active des autoritĂ©s de concurrence et constitue aujourdâhui lâun des domaines privilĂ©giĂ©s dâapplication (ou de tentative dâapplication) des rĂšgles en matiĂšre dâabus de position dominante. La prĂ©sente dĂ©cision est la troisiĂšme rendue par lâAutoritĂ© de la concurrence (âlâAutoritĂ©â) dans ce secteur depuis sa crĂ©ation en 2009, les deux autres concernant Ă©galement des pratiques allĂ©guĂ©es dâabus de position dominante93. Au niveau europĂ©en, aprĂšs lâadoption par la Commission de son rapport final dâenquĂȘte sectorielle en 2009, certaines investigations semblent ĂȘtre en cours, la seule affaire notable, Astra Zeneca, Ă©tant dĂ©jĂ ancienne et ayant Ă©tĂ© confirmĂ©e rĂ©cemment par le Tribunal94.
Dans la prĂ©sente affaire, le ministre de lâĂconomie avait saisi le Conseil de la concurrence en janvier 2008 Ă propos de pratiques du laboratoire UCB Pharma (âUCBâ) auquel il reprochait dâavoir retirĂ© du marchĂ© son antihistaminique, le Zyrtec, trois mois avant lâexpiration du brevet qui le protĂ©geait, pour le remplacer par le Xyzall. .
Pour le ministre, la pratique avait un objet et un effet anticoncurrentiels. En termes dâobjet, le retrait du Zyrtec par UCB avait rendu impossible sa substitution par les gĂ©nĂ©riques, dans la mesure oĂč ceux-ci sont substituĂ©s en pharmacie Ă lâaide dâune ordonnance oĂč figure la marque du mĂ©dicament princeps (§ 3). Le ministre considĂ©rait Ă©galement que cette pratique avait eu un effet anticoncurrentiel dans la mesure oĂč le chiffre dâaffaires des gĂ©nĂ©riqueurs avait Ă©tĂ© rĂ©duit du fait dâun ârĂ©trĂ©cissement du marchĂ©â de la molĂ©cule du mĂ©dicament princeps, la cĂ©tirizine (§ 6).
93 DĂ©c. Aut. conc. n° 09-D-28, 31 juil. 2009, relative Ă des pratiques de Janssen-Cilag France dans le secteur pharmaceutique, voir obs. A. Wachsmann, Concurrences, n° 4-2009, p. 117 ; dĂ©c. Aut. conc. n° 10-D-16, 17 mai 2010, relative Ă des pratiques mises en Ćuvre par la sociĂ©tĂ© Sanofi-Aventis France, voir obs. F. Marty, Concurrences, n° 3-2010, p. 94.
94 Trib. UE, 1er juil. 2010, AstraZeneca, aff. T-321/05 ; voir obs. A. Wachsmann, Concurrences, n° 4-2010, p. 120.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 114
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.Une pratique qui aurait pu faire lâobjet dâun examen approfondi
La pratique dâUCB consistant Ă retirer le Zyrtec avant lâexpiration de son brevet avait, selon le ministre de lâĂconomie, pour objet dâentraver le dĂ©veloppement de ses gĂ©nĂ©riques.
Une telle pratique nâest pas sans rappeler celle mise en Ćuvre par AstraZeneca, qui avait cessĂ© de commercialiser son mĂ©dicament pour le remplacer par une version plus moderne, retardant de ce fait sĂ©rieusement lâentrĂ©e de gĂ©nĂ©riqueurs sur le marchĂ©. Cette pratique avait Ă©tĂ© sanctionnĂ©e par la Commission100.
Cette pratique Ă©voque Ă©galement lâengagement pris par le laboratoire Schering-Plough, au cours dâune procĂ©dure de mesures conservatoires, de ne pas cesser la commercialisation de son produit Subutex, quand bien mĂȘme une nouvelle version de ce celui-ci, le Suboxone, serait commercialisĂ©e101.
Ainsi, si UCB avait Ă©tĂ© en position dominante, il lui aurait Ă©tĂ© probablement difficile dâĂ©chapper Ă la qualification de pratique abusiveâŠ
A. W. n
Ă noterabus de position dominante â dĂ©Cisions nĂ©gatives : LâAvocat gĂ©nĂ©ral MazĂĄk conclut en ce sens que les autoritĂ©s nationales de concurrence nâont pas le pouvoir dâadopter des dĂ©cisions nĂ©gatives, constatant que les pratiques qui leur sont dĂ©fĂ©rĂ©es ne constituent pas des violations de lâarticle 102 TFUE. (Conclusions
AG MazĂ k, 7 dĂ©cembre 2010, Tele 2 Polska, aff. Câ375/09)
Lâavocat gĂ©nĂ©ral explore le sens Ă donner Ă lâarticle 5 du rĂšglement (CE) n° 1/2003 â qui Ă©numĂšre les pouvoirs des ANC et ne prĂ©voit pas celui dâadopter des dĂ©cisions constatant lâinapplicabilitĂ© des articles 101 et 102 TFUE. Il en donne successivement une interprĂ©tation littĂ©rale, une interprĂ©tation systĂ©mique et une interprĂ©tation tĂ©lĂ©ologique. Ces trois mĂ©thodes dâinterprĂ©tation aboutissent Ă un rĂ©sultat convergent : seule la Commission a le pouvoir dâadopter des dĂ©cisions nĂ©gatives (art. 10 du rĂšglement (CE) n° 1/2003).
A.-L. S n
100 Comm. CE, déc. COMP/A.37.507F3, 15 juin 2005, Astra-Zeneca, voir not. obs. A. Wachsmann, Concurrences, n° 3-2005, p. 77-78.
101 Cf. Déc. Cons. conc., n° 07-MC-06, 11 déc. 2007, relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Arrow Génériques, § 161, voir not. obs. A. Wachsmann, Concurrences, n° 1-2008, p. 117-119.
que le transferts des prescriptions de Zyrtec se sont dirigĂ©s vers Xyzall mais aussi vers ses concurrents (§ 50), lâAutoritĂ© arrive Ă la conclusion que ces diverses spĂ©cialitĂ©s contre les allergies appartiennent Ă un mĂȘme marchĂ©, beaucoup plus large donc que la seule cĂ©tirizine (§ 53 et 57).
Pour la seconde question posĂ©e par la segmentation des marchĂ©s en cause, marchĂ© âvilleâ et marchĂ© hospitalier, lâAutoritĂ© rappelle quâelle est rĂ©guliĂšrement envisagĂ©e (§ 43) et mise en lumiĂšre Ă plusieurs reprises dans sa pratique dĂ©cisionnelle passĂ©e97.
En effet, lâAutoritĂ© considĂšre en gĂ©nĂ©ral que, outre les conditions de vente des produits (en officine pour le marchĂ© de la ville, avec des prix rĂ©gulĂ©s, et au moyen dâappels dâoffres pour le marchĂ© de lâhĂŽpital, avec des prix libres), plusieurs critĂšres conduisent Ă segmenter de tels marchĂ©s. Câest notamment en raison : i) de la nature des demandeurs intermĂ©diaires, grossistes et pharmacies pour le marchĂ© de la ville, Ă©tablissements hospitaliers publics et privĂ©s (cliniques) pour le marchĂ© hospitalier ; ii) de la nature des demandeurs finaux, patients (et, in fine, lâassurance maladie) en ville par rapport aux hĂŽpitaux ; iii) dâune Ă©lasticitĂ© diffĂ©rente des prix des acheteurs, forte Ă lâhĂŽpital mais faible en ville car les prix sont rĂ©gulĂ©s pour limiter les dĂ©penses de lâassurance maladie98.
En droit européen, la Commission a déjà , de son cÎté, envisagé une telle délimitation en matiÚre de contrÎle des concentrations99.
Pour la troisiĂšme question de lâanalyse des marchĂ©s en cause, la segmentation envisagĂ©e par lâAutoritĂ© concerne la diffĂ©rence entre le caractĂšre remboursable et non remboursable des mĂ©dicaments (§ 44). De façon assez traditionnelle, lâAutoritĂ© en dĂ©duit en lâespĂšce que les produits en vente libre et aux prix libres et les produits nĂ©cessitant une ordonnance et ayant un prix fixĂ© par les pouvoirs publics nâappartiennent pas au mĂȘme marchĂ© (§ 45 et 46).
Pour conclure, lâAutoritĂ© dĂ©limite un marchĂ© national de la vente en ville des antihistaminiques de seconde gĂ©nĂ©ration remboursables, sur lequel UCB ne dĂ©tenait que 32,6 % des parts de marchĂ© contre 45,9 % pour son concurrent direct, Schering-Plough. Aucune position dominante ne peut donc ĂȘtre constatĂ©e par lâAutoritĂ© (§ 69).
LâAutoritĂ© dĂ©finit Ă©galement un marchĂ© de la vente en ville des antihistaminiques non remboursables, sur lequel, lĂ encore, aucune position dominante dâUCB nâest Ă©tablie en raison de la puissance de Pfizer et de lâentrĂ©e des gĂ©nĂ©riques sur ce marchĂ© (cf. § 62 et 73).
Cette approche pragmatique de la dĂ©finition des marchĂ©s (qui, en lâespĂšce, ne se contente pas dâisoler la molĂ©cule gĂ©nĂ©riquĂ©e) est suffisamment rare pour ĂȘtre soulignĂ©e.
97 Cf. par exemple, dĂ©c. Cons. conc. n° 07-MC-06, 11 dĂ©c. 2007, relative Ă une demande de mesures conservatoires prĂ©sentĂ©e par la sociĂ©tĂ© Arrow GĂ©nĂ©riques, § 80; dĂ©c. Aut. conc. n° 09-D-28, 31 juil. 2009, relative Ă des pratiques de Janssen-Cilag France dans le secteur pharmaceutique, § 91-94; dĂ©c. Aut. conc. n° 10-D-16, 17 mai 2010, relative Ă des pratiques mises en Ćuvre par la sociĂ©tĂ© Sanofi-Aventis France, § 58.
98 Cf. déc. Aut. conc. n° 10-D-02, 14 janv. 2010, relative à des pratiques dans le secteur des héparines à bas poids moléculaire, § 55.
99 Cf. par exemple, Comm. CE, déc. COMP/M.3354, 26 avril 2004, Sanofi-Synthelabo c/ Aventis, § 35.
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 115
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.parmi les considĂ©rations pertinentes que âles avantages structurels [dâune entreprise verticalement intĂ©grĂ©e comme France Telecom] sont intrinsĂšques Ă une structure dâentreprise intĂ©grĂ©e de sorte que leur exploitation ne constitue pas en soi-mĂȘme, et en [lâ]absence de donnĂ©es permettant de conclure autrement, un abus de position dominanteâ. La Commission relĂšve Ă©galement que âle choix prĂ©tendument erronĂ© du rĂ©gulateur ne constitue pas [une] infraction au sens de lâarticle 102 du TraitĂ©â, prĂ©cision certes Ă©vidente mais sans doute bienvenue aprĂšs lâarrĂȘt Deutsche Telekom.
Si cette dĂ©cision nâappelle pas de commentaire approfondi sur le fond, on ne peut sâempĂȘcher de relever que, sur la forme, elle ne fait pas honneur Ă la Commission. Le commissaire Ă la concurrence pourrait lĂ©gitimement en vouloir Ă ses services de lui avoir fait signer une dĂ©cision qui contient plusieurs fautes dâorthographe et de langue. Parmi ces derniĂšres, la plus choquante est certainement celle-ci : âVivendi considĂšre que ce qui prĂ©cĂšde infringerait lâarticle 102 du TraitĂ© par objetâ. Sans mĂȘme sâattarder ici sur le fait que lâarticle 102, contrairement Ă lâarticle 101 du TraitĂ©, ne fait pas de distinction entre les comportements ayant pour objet de fausser la concurrence et ceux qui ont cet effet, on ne peut que regretter que les expressions âconstituer une infraction Ă â, âconstituer une violation deâ nâaient pas retenu lâattention des relecteurs du projet de dĂ©cision.
A.-L. S n
prix prĂ©dateurs â Compression de marges â Ciseau tarifaire : LâAutoritĂ© de la concurrence dĂ©cide quâil nây a pas lieu de poursuivre la procĂ©dure dans une affaire concernant des marchĂ©s publics de services de capacitĂ© (Aut. conc,. dĂ©c. n° 10-D-31 du 12 novembre 2010 relative Ă des pratiques mises en Ćuvre sur le marchĂ© des services de capacitĂ©)
LâAutoritĂ© de la concurrence avait Ă©tĂ© saisie par le ministre de lâIndustrie, Ă la suite dâune enquĂȘte de la DGCCRF sur deux marchĂ©s publics portant sur des âservices de capacitĂ©â, câest-Ă -dire des services de tĂ©lĂ©communications permettant de relier plusieurs sites dâune mĂȘme entreprise ou collectivitĂ©, en lâespĂšce ceux, dâune part, de lâuniversitĂ© de Nice Sophia et, dâautre part, du CNRS (dĂ©lĂ©gation PACA). LâAutoritĂ© souligne que lâenquĂȘte rĂ©alisĂ©e par la brigade interrĂ©gionale dâenquĂȘtes PACA-Languedoc-Roussillon-Corse de la DGCCRF ne permet de conclure ni Ă des pratiques de prix prĂ©dateurs, ni Ă un abus consistant en un ciseau tarifaire. LâAutoritĂ© relĂšve, en ce qui concerne les prix prĂ©dateurs, quâune comparaison entre les prix et les coĂ»ts (qui nâavait pas Ă©tĂ© faite par les enquĂȘteurs) rĂ©vĂšle que France Telecom avait couvert tous ses coĂ»ts. En ce qui concerne la compression de marges, lâAutoritĂ© souligne que cette qualification nâest pas applicable en lâespĂšce, puisquâil Ă©tait possible de rĂ©pondre aux appels dâoffre en utilisant diffĂ©rents moyens techniques. Il nâĂ©tait pas indispensable, pour les concurrents de France TĂ©lĂ©com, de louer certains services intermĂ©diaires (LAN 1) auprĂšs de lâopĂ©rateur historique. DĂšs lors, il importait peu que France TĂ©lĂ©com ait proposĂ©, dans sa rĂ©ponse Ă lâappel dâoffres, des tarifs infĂ©rieurs aux tarifs de gros facturĂ©s aux autres opĂ©rateurs pour lâaccĂšs Ă ces services intermĂ©diaires.
A.-L. S n
abus automatique â obligation lĂ©gale dâaffiliation â rĂ©gime ComplĂ©mentaire de soins de santĂ© â entreprise ChargĂ©e dâun serviCe dâintĂ©rĂȘt Ă©Conomique gĂ©nĂ©ral : LâAvocat gĂ©nĂ©ral Mengozzi conclut Ă la compatibilitĂ© avec lâarticle 102 TFUE dâun dispositif français dâassurance complĂ©mentaire soins de santĂ© reposant sur lâaffiliation obligatoire des professionnels dâun secteur (boulangerie-pĂątisserie) (Conclusion AG Mengozzi,
11 novembre 2010, AG2R PrĂ©voyance, aff. Câ437/09)
La Cour est saisie dâune question prĂ©judicielle (posĂ©e par le TGI de PĂ©rigueux) concernant un Ă©ventuel abus automatique de position dominante qui serait crĂ©Ă© par lâobligation lĂ©gale dâaffiliation des entreprises du secteur de la boulangerie artisanale en France Ă un seul organisme dâassurance santĂ© complĂ©mentaire. Dans ses conclusions rendues dans cette affaire, lâavocat gĂ©nĂ©ral Mengozzi revient sur la jurisprudence Albany102, Ă propos de lâapplication Ă un organisme dâassurance obligatoire de la qualification dâentreprise103. Il considĂšre que le cadre rĂ©glementaire français en cause dans lâaffaire au principal se distingue de celui de lâaffaire Albany et que, bien que le dispositif comporte de forts Ă©lĂ©ments de solidaritĂ©, lâorganisme chargĂ© de la gestion de lâassurance complĂ©mentaire sectorielle est bien une entreprise. Il conclut Ă©galement en ce sens que lâarticle 106, paragraphe 2, concernant les entreprises chargĂ©es dâun service Ă©conomique dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral est de nature Ă exclure la qualification dâabus en lâespĂšce.
A.-L. S n
Compression de marges â Ciseau tarifaire : La Commission europĂ©enne dĂ©cide de ne pas donner suite Ă une plainte arguant dâeffets de ciseau tarifaire (Comm. eur., dĂ©c. C(2010) 4730 du 2 juillet
2010, Vivendi et Iliad/France Telecom, aff. COMP/39653)
La Commission confirme sa dĂ©cision de ne pas poursuivre lâenquĂȘte sur les pratiques de France TĂ©lĂ©com dont Vivendi et Illiad sâĂ©taient plaintes, allĂ©guant des effets de ciseau tarifaire (compression de marges) empĂȘchant lâaccĂšs rentable des opĂ©rateurs alternatifs au marchĂ© de la tĂ©lĂ©phonie fixe et du triple play. La Commission ne se prononce pas au fond. Elle fait usage de son pouvoir discrĂ©tionnaire de ne pas donner suite Ă toutes les plaintes, au motif quâil nâexiste pas un intĂ©rĂȘt de lâUnion suffisant pour poursuivre lâenquĂȘte.
En lâespĂšce, les considĂ©rations dĂ©cisives sont les suivantes : premiĂšrement, les effets des pratiques en cause sur le fonctionnement du marchĂ© intĂ©rieur paraissent limitĂ©s ; deuxiĂšmement, la probabilitĂ© dâĂ©tablir une infraction apparaĂźt limitĂ©e. Ă propos du premier motif, la Commission relĂšve que les effets des pratiques en cause sur le marchĂ© interne sont limitĂ©s en ce quâelles nâont pas empĂȘchĂ© le marchĂ© français de lâaccĂšs Ă Internet de devenir lâun des marchĂ©s les plus compĂ©titifs du monde. Ă propos du second motif, la Commission relĂšve
102 CJCE, 21 sept. 1999, Albany, C-67/96, Rec. p. I-5751.
103 Pt 51 et suiv. des conclusions.
C o n c u r re n c e s est une revue tri m e s t rielle couvrant lâensemble des questions de dro i t s
c o m mu n a u ta i re et inte rne de la concurre n c e. Les analyses de fond sont effectuées sous fo rm e
d â a r ticles doctrinaux, de notes de synthĂšse ou de ta bleaux juri s p ru d e n t i e l s. Lâ a c t u a l i tĂ©
jurisprudentielle et législative est couverte par dix chroniques thématiques.
EditorialElie Cohen, Laurent Cohen-Tanugi,Claus-Dieter Ehlermann, Ian Forrester,Thierry Fossier, Eleanor Fox, Laurence Idot,Frédéric Jenny, Jean-Pierre Jouyet, Hubert Legal, Claude Lucas de Leyssac, Mario Monti,Christine Varney, Bo Vesterdorf, Louis Vogel,Denis Waelbroeck...
InterviewSir Christopher Bellamy, Dr. Ulf Böge, Nadia Calvino, Thierry Dahan, John Fingleton,Frédéric Jenny, William Kovacic, Neelie Kroes,Christine Lagarde, Mario Monti, Viviane Reding,Robert Saint-Esteben, Sheridan Scott,Christine Varney...
TendancesJacques Barrot, Jean-François Bellis, MurielleChagny, Claire Chambolle, Luc Chatel,John Connor, Dominique de Gramont,Damien Géradin, Christophe Lemaire,Ioannis Lianos, Pierre Moscovici, Jorge Padilla,Emil Paulis, Joëlle Simon, Richard Whish...
DoctrinesGuy Canivet, Emmanuel Combe, Thierry Dahan,Luc Gyselen, Daniel Fasquelle, Barry Hawk,Laurence Idot, Frédéric Jenny, Bruno Lasserre,Anne Perrot, Nicolas Petit, Catherine Prieto,Patrick Rey, Didier Theophile, Joseph Vogel...
PratiquesTableaux jurisprudentiels : Bilan de la pratiquedes engagements, Droit pénal et concurrence,Legal privilege, Cartel Profiles in the EU...
HorizonsAllemagne, Belgique, Canada, Chine, Hong-Ko n g ,India, Japon, Luxe m b o u rg, Suisse, Sweden, USA...
Droit et Ă©conomieEmmanuel COMBE, Philippe CHONĂ,Laurent FLOCHEL, Penelope PAPANDROPOULOS,E t i e n n e PF I S T E R, F r a n c i s c o RO S AT I, D av i d SP E C TO R. . .
ChroniquesEN T E N T E SMichel DEBROUX
Laurence NICOLAS-VULLIERME
Cyril SARRAZIN
PR AT I QU E S U N I L AT à R A L E SFrédéric MARTY
Anne-Lise SIBONY
Anne WACHSMANN
PR AT I QU E S R E S T R I C T I V E SE T C O N C U R R E N C E D Ă L OYA L EMuriel CHAGNY
Mireille DANY
Marie-Claude MITCHELL
Jacqueline RIFFAULT-SILK
DI S T R I BU T I O NNicolas ERESEO
Dominique FERRĂ
Didier FERRIĂ
CO N C E N T R AT I O N SOlivier BILLIARD, Jacques GUNTHER, David HULL,Stanislas MARTIN, Igor SIMIC, David TAYAR,Didier THĂOPHILE
AI D E S Dâ ĂTATJean-Yves CHĂROT
Jacques DERENNE
Christophe GIOLITO
PRO C Ă D U R E SPascal CARDONNEL
Christophe LEMAIRE
AgnĂšs MAĂTREPIERRE
Chantal MOMĂGE
Rà G U L AT I O N SJoëlle ADDA
Emmanuel GUILLAUME
Jean-Paul TRAN THIET
SE C T E U R P U B L I CBertrand du MARAIS
Stéphane RODRIGUES
Jean-Philippe KOVAR
PO L I T I QU E I N T E R NAT I O NA L EFrédérique DAUDRET-JOHN
François SOUTY
Stéphanie YON
Revue des revuesChristelle ADJĂMIAN
Umberto BERKANI
Alain RONZANO
BibliographieCentre de Recherches sur lâUnion EuropĂ©enne( U n iversitĂ© Paris I â Pa n t h Ă© o n - S o r b o n n e )
Ta
rifs
20
11 Revue Concurrences l Review Concurrences
o Abonnement annuel - 4 n° (version papier) 445 ⏠454,35 ⏠1 year subscription (4 issues) (print version)
o Abonnement annuel - 4 n° (version électronique + accÚs libre aux e-archives) 405 ⏠484, 38 ⏠1 year subscription (4 issues) (electronic version + free access to e-archives)
o Abonnement annuel - 4 n° (versions papier & électronique accÚs libre aux e-archives) 645 ⏠771,42 ⏠1 year subscription (4 issues) (print & electronic versions + free access to e-archives)
o 1 numéro (version papier) 150 ⏠153,15 ⏠1 issue (print version)
Bulletin électronique e-Competitions l e-bulletin e-Competitions o Abonnement annuel + accÚs libre aux e-archives 585 ⏠699, 66 ⏠1 year subscription + free access to e-archives
Revue Concurrences + bulletin e-Competitions l Review Concurrences + e-bulletin e-Competitionso Abonnement annuel revue (version électronique) + e-bulletin 755 ⏠902,98 ⏠1 year subscription to the review (online version) and to the e-bulletin
o Abonnement annuel revue (versions papier & électronique) + e-bulletin 855 ⏠1 022,58 ⏠1 year subscription to the review (print & electronic versions) + e-bulletin
Renseignements l Subscriber details
Nom-Prénom l Name-First name . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
e-mail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Institution l Institution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rue l Street . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ville l City . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Code postal l Zip Code . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pays l Country . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
N° TVA intracommunautaire l VAT number (EU) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Formulaire Ă retouner Ă l Send your order toInstitut de droit de la concurrence21 rue de lâEssonne - 45 390 Orville - France l contact: webmaster@concurrences .comFax : + 33 (0)1 42 77 93 71
Conditions générales (extrait) l Subscription information
Les commandes sont fermes . Lâenvoi de la revue ou des articles de Concurrences et lâaccĂšs Ă©lectronique aux bulletins ou articles de e-Competitions ont lieu dĂšs rĂ©ception du paiement complet . Tarifs pour licences monopostes; nous consulter pour les tarifs multipostes . Consultez les conditions dâutilisation du site sur www .concurrences .com (âNotice lĂ©galeâ) .
Orders are firm and payments are not refundable. Reception of Concurrences and on-line access to e-Competitions and/or Concurrences require full prepayment. Tarifs for 1 user only. Consult us for multi-users licence. For âTerms of useâ, see www.concurrences.com.
Frais dâexpĂ©dition Concurrences hors France 30 ⏠l 30 ⏠extra charge for sending hard copies outside France
HT TTC Without tax Tax included (France only)
Concurrences N° 1-2011 I Chroniques I Pratiques unilatérales 116
Ce
docu
men
t es
t pr
otég
Ă© au
titr
e du
dro
it d'
aute
ur p
ar le
s co
nven
tions
inte
rnat
iona
les
en v
igue
ur e
t le
Cod
e de
la p
ropr
iété
inte
llect
uelle
du
1er
juill
et 1
992.
Tou
te u
tilis
atio
n no
n au
toris
Ă©e c
onst
itue
une
cont
refa
çon,
dél
it pé
nale
men
t sa
nctio
nné
jusq
u'Ă
3 an
s d'
empr
ison
nem
ent
et 3
00 0
00 âŹ
d'a
men
de
(art
. L. 3
35-2
CPI
). Lâ
utili
satio
n pe
rson
nelle
est
stri
ctem
ent a
utor
isée
dan
s le
s lim
ites
de lâ
artic
le L
. 122
5 C
PI e
t des
mes
ures
tech
niqu
es d
e pr
otec
tion
pouv
ant a
ccom
pagn
er c
e do
cum
ent.
This
doc
umen
t is
prot
ecte
d by
cop
yrig
ht la
ws
and
inte
rnat
iona
l cop
yrig
ht tr
eatie
s. N
on-a
utho
rised
use
of t
his
docu
men
t co
nstit
utes
a v
iola
tion
of th
e pu
blis
her's
righ
ts a
nd m
ay b
e pu
nish
ed b
y up
to 3
yea
rs im
pris
onm
ent a
nd u
p to
a âŹ
300
000
fine
(Art
. L. 3
35-2
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
). Pe
rson
al u
se o
f thi
s do
cum
ent i
s au
thor
ised
with
in th
e lim
its o
f Art
. L 1
22-5
Cod
e de
la P
ropr
iété
Inte
llect
uelle
and
DR
M p
rote
ctio
n.rupture dâun Contrat dâapprovisionnement exClusif : LâAutoritĂ© de la concurrence rejette, faute dâatteinte grave et immĂ©diate, une demande de mesures conservatoires dans le secteur des serviettes industrielles, mais dĂ©cide de poursuivre lâinstruction au fond sâagissant de la rupture anticipĂ©e dâun contrat de fourniture exclusive de serviettes (Aut. conc., dĂ©c. n° 10-D-33 du 30 novembre
2010 relative Ă une demande de mesures conservatoires
présentée par la société Roland Vlaemynck Tisseur)
A.W. n
disCrimination â droits audiovisuels : LâAutoritĂ© de la concurrence prononce un non-lieu au bĂ©nĂ©fice dâune sociĂ©tĂ© de gestion collective en relevant notamment que le mĂ©canisme de rĂ©partition des droits de diffusion dĂ©noncĂ© par une association de rĂ©alisateurs de tĂ©lĂ©vision nâa pas dâimpact anticoncurrentiel et que les rĂšgles de composition des instances de cette sociĂ©tĂ© de gestion collective, qui prĂ©voient un traitement diffĂ©renciĂ© entre les rĂ©alisateurs et les scĂ©naristes, ne sont pas discriminatoires (Aut. conc., dĂ©c. n° 10-D-34 du 9 dĂ©cembre 2010 relative
Ă des pratiques mises en Ćuvre dans le secteur de la
gestion des droits dâauteurs dâĆuvres audiovisuelles)
A.W n
* AdSense est une application fournie par Google Ă des Ă©diteurs de sites offrant une fonction de recherche. Les rĂ©sultats de cette derniĂšre comprennent Ă la fois des rĂ©sultats ânaturelsâ et des liens commerciaux. Les gains associĂ©s aux publicitĂ©s doivent ĂȘtre rĂ©partis entre les deux contractants (§ 100).