compte-rendu du colloque « accompagnement scolaire : quels

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Tél. : 09 54 76 34 02 [email protected] http://www.etudeplus.org 23, avenue Gabriel Péri 95100 Argenteuil Fédération Étude Plus Fédération Étude Plus Fédération d’associations d’accompagnement scolaire loi 1901 SÉNAT. 6 FÉVRIER 2013 Compte-rendu du colloque « Accompagnement scolaire : quels outils face aux nouveaux défis ? »

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Page 1: Compte-rendu du colloque « Accompagnement scolaire : quels

Tél. : 09 54 76 34 02

[email protected]

http://www.etudeplus.org

23, avenue Gabriel Péri

95100 Argenteuil

Fédération Étude Plus

Fédération Étude Plus Fédération d’associations d’accompagnement scolaire loi 1901

SÉNAT. 6 FÉVRIER 2013

Compte-rendu du colloque

« Accompagnement scolaire :

quels outils face aux nouveaux défis ? »

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Le colloque « Accompagnement scolaire : quels outils face aux nouveaux défis ? » s’est tenu le 6 février 2013 à Paris. Son organisation a été assurée par la Fédération Étude Plus, fédération d’associations d’accompagnement scolaire, avec le soutien de Claude DILAIN, sénateur de la Seine-Saint-Denis. L’objet du colloque était de questionner les approches, les paradigmes qui permettraient d’en-trevoir des cadres théoriques, des méthodologies permettant de développer le travail réalisé par les structures d’accompagnement à la scolarité. L’objectif était également de permettre aux acteurs éducatifs et politiques concernés par les questions liées à l’accompagnement à la scola-rité de se rencontrer. Le colloque a réuni 5 intervenants, 1 discutant et 117 participants.

1. ALLOCUTIONS D’OUVERTURE

Mickaël CETIN, secrétaire général de la Fédération Étude Plus Claude DILAIN, sénateur de la Seine-Saint-Denis Jean-François BOURDON, chef du bureau de l’Éducation prioritaire

2. INTERVENTIONS

Jean-Michel ZAKHARTCHOUK, enseignant et rédacteur aux Cahiers pédagogiques Séverine KAKPO, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Paris VIII Bruno SUCHAUT, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Bourgogne Henri VIEILLE-GROSJEAN, professeur à l’université de Strasbourg et anthropologue de l’éducation Adem KUMCU, docteur et chercheur en sciences sociales à l’université d’Amsterdam

3. OUVERTURE DU DÉBAT

Ibrahim OVA, discutant, directeur d’Étude Plus Mulhouse

4. DÉBAT

Jean PECQUEUR-PAUTARD, fondateur et directeur de l’association Socrate Ange ANDONGUI, coordinateur de trois centres sociaux (mairie de Bondy) Aurélia TOUPIOLLE, coordinatrice du secteur famille/éducation centre social Sohane (mairie de Bondy) Patricia SCHILLINGER, sénatrice du Haut-Rhin et maire de Hegenheim Élodie FLESSEL, volontaire en Service Civique, animatrice à l’association Afrique Conseil Aurore BRACHET, responsable du service des politiques éducatives à la mairie d’Argenteuil Responsable jeunesse d’un centre social du 20ème arrondissement de Paris Saaida BOUJNAN, professeur de lettres et d’histoire en lycée et intervenante à Étude Plus Strasbourg Une personne s’interrogeant sur la réforme scolaire actuelle

5. CLÔTURE DU COLLOQUE

Ibrahim OVA, discutant, directeur d’Étude Plus Mulhouse

CADRE D’INTERVENTION

PROGRAMME

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ALLOCUTIONS D’OUVERTURE

Mickaël CETIN, secrétaire général de la Fédération Étude Plus

Le colloque s’est ouvert sur un mot d’accueil de Mickaël CETIN qui a remercié les différents intervenants : Claude DILAIN pour son soutien dans l’organisation de l’événement, Jean-François BOUR-DON pour sa présence en tant que représentant du Ministère délé-gué à la réussite éducative, et Olivier KLEIN, maire de Clichy-sous-Bois, qui n’a pu être présent au colloque, mais dont le soutien dans l’organisation du déjeuner organisé après le colloque a été précieux. Il a également remercié les conférenciers pour leur participation et leur travail préparatoire, et le public pour sa présence et son intérêt. Il a souligné l’importance de la réflexion proposée dans le cadre du colloque, et le projet, pour la Fédération Étude Plus, de promouvoir la mutualisation des pratiques professionnelles dans une perspective de développement du champ de l’accompagnement à la scolarité.

Claude DILAIN, sénateur de la Seine-Saint-Denis

Claude DILAIN a ensuite prononcé un mot de bienvenue au Sénat, en son nom et au nom du président du Sénat, Jean-Pierre BEL, en souli-gnant l’attention que celui-ci porte à la question de l’éducation et aux territoires urbains qui présentent des difficultés dans ce domaine. Il a ensuite renouvelé sa sympathie pour les actions menées par la Fé-dération Étude Plus, dont une des associations membres œuvre à Cli-chy-sous-Bois où il a été maire durant une quinzaine d’années. Il a souligné la nécessité du travail réalisé par les associations Étude Plus et les associations d’accompagnement scolaire en général, en rap-pelant toutefois que leurs actions ne doivent pas dédouaner l’Éducation nationale de ses responsabilités, et notamment sur les territoires urbains et ruraux les plus fragiles, l’éducation étant au cœur d’un grand nombre de difficultés rencontrées par la société.

Jean-François BOURDON, Chef du bureau de l’Éducation prioritaire

Jean-François BOURDON représente George PAU-LANGEVIN, mi-nistre déléguée à la Réussite éducative, qui n’a pas pu se déplacer pour le colloque. Il commence par rappeler que la création d’un Ministère délégué à la réussite éducative marque la volonté de l’Éducation nationale de déve-lopper le soutien à la réussite scolaire, la condition de cette réussite étant la réussite éducative en général. Il rappelle que l’éducation étant au cœur du développement de la société, partout aujourd’hui celle-ci doit s’ap-puyer sur des dispositifs d’accompagnement à la scolarité, car les enfants ont besoin de soutien pour réussir, même lorsqu’ils sont issus de milieux favorisés. L’enjeu est davantage de créer une cohérence entre ce qui est proposé par l’Éducation nationale et ce que proposent les structures lo-cales d’accompagnement à la scolarité : il ne faut pas multiplier ces ac-tions, mais rendre plus efficace la collaboration entre tous les acteurs

éducatifs. Il a enfin renouvelé le soutien et le regard bienveillant de l’Éducation nationale à l’égard de l’en-semble des acteurs de l’accompagnement à la scolarité.

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INTERVENTIONS

Jean-Michel ZAKHARTCHOUK, enseignant et rédacteur aux Cahiers pédagogiques Jean-Michel Zakhartchouk appuie sa contribution sur son ex-périence au sein d’une association d’aide aux devoirs qu’il a créée à Creil il y a 25 ans. Il pose la question de l’utilité de l’accompagnement à la scola-rité en s’appuyant sur trois cas pratiques : celui d’un élève qui, malgré une fréquentation très régu-

lière de l’association, ne fait aucun progrès à l’école ; son cas met en évidence le fait que les structures d’accompa-gnement ne garantissent pas la réussite ;

celui d’une élève en SEGPA qui considère sa participa-tion régulière à un atelier de philosophie comme super-flue en comparaison au français ou aux mathématiques ; son cas pose la question de la représentation que se font les élèves de ce qui est utile et de ce qui ne l’est pas ;

celui d’un couple de parents d’élève satisfaits de noter que les élèves sont plus disciplinés à l’association qu’au collège ; ce contraste correspond en réalité à celui entre élèves volontaires et non-volontaires, contraints et non-contraints. La question est ici de savoir s’il faut aider tous les élèves ou seulement ceux qui le veulent.

Jean-Michel Zakhartchouk présente ensuite un certain nombre de conditions auxquelles l’accompagnement en dehors de l’école présente un intérêt : que cet accompagnement n’exempte pas l’école de ses responsabilités ; que l’on ne sous-évalue pas la complexité de la tâche que représente l’accompagnement ; il faut réfléchir

aux contenus méthodologiques, culturels, et poser la question de la formation des intervenants ; que l’on repense la notion de « devoirs », expression qui pourrait être remplacée par celle de « travail per-

sonnel », dont la connotation est moins morale ; que l’accompagnement ne soit ni trop isolé de l’école, ni trop lié à elle, qu’une forme de déontologie de

l’intervenant et du professeur interdise à chacun de porter un regard dépréciateur sur le travail réalisé par l’un ou par l’autre, par exemple.

Jean-Michel Zakhartchouk énumère enfin quelques axes souhaitables pour un accompagnement à la scolarité efficace : une complémentarité avec l’école le développement de l’idée que les activités culturelles sont aussi formatrices que les disciplines

« majeures » enseignées à l’école (français, mathématiques…) la transmission à l’élève de stratégies d’apprentissage leur permettant d’être moins tributaires de l’aide

qui leur est apportée une meilleure implication des collectivités territoriales, dont les actions pourtant nombreuses manquent

de cohérence relier les savoirs scolaires et les savoirs informels développer l’idée que l’éducation est une action citoyenne qui n’est pas uniquement réservée à l’école. Des associations comme les Étude Plus ou d’autres contribuent à ce travail, mais beaucoup de questions res-tent posées et appellent à la réflexion et à la complexité. Pour conclure, Jean-Michel Zakhartchouk renvoie à l’ouvrage édité par les Cahiers pédagogiques et intitulé « L’Accompagnement à la scolarité ».

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Séverine KAKPO, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Paris VIII L’intervention de Séverine Kakpo s’ancre dans les recherches qu’elle a menées au sein du laboratoire ESCOL de Paris VIII, portant notam-ment sur le travail personnel des élèves issus de milieux populaires. Les observations et les enquêtes réalisées au cours de ses recherches per-mettent d’éclairer une réflexion menée sur les pratiques d’accompagne-ment du travail scolaire dans les familles populaires, celles-ci étant en-tendues comme appartenant à des catégories sociales stables et non exposées à la pauvreté et à la précarité. L’exposé de Séverine Kakpo vise à souligner la nécessité d’accompa-gner la scolarité des enfants des quartiers populaires, ainsi qu’à interpe-ler l’institution sur son fonctionnement pédagogique et sur son fonc-tionnement général, ce fonctionnement pouvant mettre en difficulté les élèves, les parents et les intervenants des dispositifs d’accompagne-ment à la scolarité.

L’exposé s’articule en trois points : l’investissement conséquent des familles populaires dans la scolarité de leurs enfants et l’attachement

qu’elles manifestent à l’égard des devoirs ; l’idée reçue selon laquelle il existerait une démission des fa-milles populaires est démentie par les études et les statistiques qui démontrent, au contraire, une préoc-cupation scolaire forte, et égale à celle présente dans les familles de classes moyennes ;

le suivi des devoirs comme une tâche soumise à de grandes tensions ; il existe des attentes implicites de l’école auxquelles les familles populaires ne peuvent répondre, les devoirs ne pouvant être toujours en-tendus comme de simples exercices à corriger ; cet écart, et l’écart culturel en général qui sépare ces fa-milles du travail scolaire, les expose à un sentiment de disqualification dans leur rôle d’éducateurs ;

le décalage entre les pratiques familiales d’accompagnement du travail scolaire et les normes de l’école ; dans l’attachement qu’elles portent à des codes pédagogiques qu’elles ont connus, beaucoup de familles rejettent les codes pédagogiques actuels qu’elles ne maîtrisent pas et en raison desquels elles se sentent déstabilisées.

En conclusion, les recherches de Séverine Kakpo contribuent à déconstruire deux idées-reçues : celle des parents démissionnaires dès lors qu’ils seraient issus de milieux populaires ; celle de l’efficacité de la mobilisation parentale qui serait nécessairement bénéfique pour l’élève, alors

même qu’il existe un décalage entre les normes de l’école et les représentations des familles. L’accompagnement à la scolarité peut ici intervenir comme médiateur, à condition qu’il n’exempte pas l’école de ses responsabilités. Bruno SUCHAUT, professeur en sciences de l’éduca-tion à l’université de Bourgogne Bruno Suchaut propose quant à lui une approche écono-mique et sociologique. Il s’intéresse à l’évaluation des poli-tiques éducatives et des dispositifs d’accompagnement à la scolarité. Il introduit son propos en faisant deux observations : en France, les décisions politiques en matière d’édu-

cation prennent très peu en compte les résultats des travaux réalisés sur les politiques éducatives ;

bien souvent, les dispositifs sont mis en place sans phase d’expérimentation et sans processus d’évalua-tion.

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Dans son étude, Bruno Suchaut s’intéresse davantage à l’école primaire qu’au collège et au lycée. Il situe son approche dans le contexte actuel de réformes de l’école et évoque deux aspects : le temps occupé par les dispositifs d’accompagnement à la scolarité et l’articulation de ces temps avec les

autres temps de l’élève : temps scolaires, périscolaires, extrascolaires et familiaux ; les conditions favorisant les apprentissages de l’élève, permettant de réduire le pourcentage d’élèves en

difficulté et les inégalités sociales de réussite scolaire. Dans un certain nombre d’enquêtes, on observe une influence de plus en plus manifeste de l’origine sociale sur la réussite scolaire. Partant de ce constat, deux réponses sont possibles : une réponse quantitative, économique : augmenter les moyens et les effectifs de l’institution scolaire ; une réponse qualitative, pédagogique : faire évoluer les pratiques éducatives. C’est le premier choix qui est privilégié par la politique éducative actuelle. Or un certain nombre d’éléments doivent être questionnés dans la mise en place de dispositifs supplémentaires : le temps occupé par ces disposi-tifs (scolaire, périscolaire ou extrascolaire), le type d’intervenants (enseignants, professionnels de l’accompa-gnement à la scolarité, étudiants, retraités…), les modalités de groupement des élèves, et les objectifs (culturels, sociaux, artistiques…). La politique actuelle tend à séparer les temps scolaire et périscolaire, or certains aménagements doivent laisser imaginer des dispositifs qui coordonnent l’action de l’ensemble des partenaires de l’école (associations, collecti-vités territoriales...). Pour de plus grandes chances de succès, la refondation de l’école et la réforme des rythmes scolaires doivent nécessairement intégrer le travail réalisé par les différents intervenants de l’accompa-gnement à la scolarité. En ce qui concerne les évaluations réalisées sur les dispositifs d’accompagnement à la scolarité : elles doivent être plus nombreuses afin de réguler les actions mises en place ; elles doivent se faire de manière externe pour une plus grande fiabilité des résultats. Afin de rendre les pratiques enseignantes plus efficaces, des études indiquent que : l’attention de l’élève est une condition indispensable de son progrès et le temps doit donc être apprécié

en fonction de ce critère et non pas en fonction de sa quantité ; la planification des activités, l’organisation des enseignements les rendent plus efficaces ; avoir des attentes positives envers les élèves augmente leurs chances de réussite. Bruno Suchaut rappelle en conclusion la triple nécessité de : développer les dispositifs d’accompagnement à la scolarité, car l’école ne suffit plus pour remplir sa mis-

sion ; articuler les temps de l’enfant dans un projet commun entre l’école et l’ensemble de ses partenaires, avec

un pilotage local fort ; évaluer les actions d’accompagnement à la scolarité.

Henri VIEILLE-GROSJEAN, professeur à l’université de Stras-bourg et anthropologue de l’éducation

Henri Vieille-Grosjean ouvre son intervention sur le constat que l’école ne prend pas suffisamment en compte la diversité sociocultu-relle et socioéconomique actuelle. Il rappelle que l’ouvrage qu’il a écrit, Le soutien scolaire - Enjeux et inéga-lités , fait suite à 3 ans d’évaluation de l’accompagnement à la scolarité en Alsace. Il poursuit son intervention en apportant une définition à certains termes très utilisés : il oppose la notion de soutien scolaire à celle d’accompagne-ment scolaire qu’il préfère, en ce qu’elle ne dénote pas d’une attitude compassionnelle, mais d’un rapport d’échange non condescendant avec l’élève ;

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il questionne la pertinence de la notion d’échec scolaire, paralysante, où l’adjectif « scolaire » devrait davantage indiquer que l’expression souligne un échec de l’école et, de fait, la nécessité d’un travail réalisé en dehors de l’école. Il regrette la distance qui sépare l’école et les familles qui, le plus souvent, ne sont invitées à entrer dans cet espace que dans les cas d’échec, précisément ;

l’élève doit être compris dans sa globalité d’être humain inscrit dans une famille ; son accompagnement exige une attitude particulière de la part du pédagogue afin qu’il ne prenne pas la forme d’un soutien, d’une simple aide aux devoirs :

la notion de parent d’élève est problématique, car elle indique une coresponsabilité des parents dans l’éducation de leurs enfants ;

le système de notation de l’école est à repenser, car il met l’accent sur les difficultés de l’élève et, en cela, favorise une dynamique de l’échec ; à cet égard, la notion de faute, qui a une connotation morale, de-vrait être définitivement bannie pour être remplacée par celle d’erreur.

En résumé, l’emploi de certains termes-clés détermine pour beaucoup la représentation commune de l’élève et de sa famille. Ces termes et les usages auxquels ils réfèrent doivent être repensés afin de contribuer à la mise en place d’une dynamique de réussite chez l’élève. Adem KUMCU, docteur et chercheur en sciences sociales à l’université d’Amsterdam Adem Kumcu est président de l’UNITEE, confédération d’en-trepreneurs à Bruxelles. Il représente 12000 entrepreneurs et 3500 professionnels sur 25 pays. Son intervention consiste à établir le lien qui peut exister entre le monde de l’entreprise et celui de l’accompagnement à la scolarité. Adem Kumcu situe son approche dans un contexte de crise multiple traversée par l’Europe. La crise économique est en effet aggravée par : une crise démographique : la moyenne d’âge sera de 49

ans en 2050 ; une crise sociétale : les collectivités sont de moins en

moins solidaires ; une crise politique : on fait de moins en moins confiance

aux politiciens ; une crise identitaire : les sociétés ne sont plus en mesure de définir les modes et les degrés d’apparte-

nance de leurs citoyens. De ce point de vue, il est de l’intérêt du monde de l’entreprise de voir en l’économie un instrument de service de la société et, par conséquent, à participer à la formation des générations futures. Adem Kumcu relève à ce titre le paradoxe selon lequel, en France, le monde du privé en relation avec l’institution scolaire, ou la notion d’élitarisme en général sont très mal perçus, alors que le système scolaire français peut paraître élitariste sans être privé puisqu’une proportion infime d’élèves issus des couches sociales les moins favorisées parviennent à entrer à l’ENA. Adem Kumcu s’intéresse à l’orientation scolaire et ses déterminants sociaux, et notamment aux difficultés qui se posent dans la mobilité sociale des enfants issus de l’immigration. Selon lui, un grand nombre d’expressions dépréciatives (telles que « échec scolaire ») affectent la perception que les élèves ont d’eux-mêmes. Cette per-ception handicapante doit être écartée au bénéfice d’un modèle d’accompagnement à la scolarité tel que celui développé par le réseau des associations Étude Plus, caractérisé notamment par : le rôle « miroir » de l’accompagnant, dont la fonction est essentiellement de donner et faire confiance à

l’enfant ; une solidarité intergénérationnelle qui inscrit l’enfant dans un réseau de fraternité propre à nourrir cette

confiance ; un accompagnement de la famille et des enfants pour les amener à comprendre la finalité de l’école.

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Adem Kumcu relève également un problème d’approche monoculturelle de l’éducation en France : on déve-loppe des politiques pour les enfants issus de l’immigration, mais peu de politiques sont développées par des enfants issus de l’immigration.

Ibrahim OVA, discutant, directeur d’Étude Plus Mulhouse Avant d’inviter les participants au débat, Ibrahim Ova, qui fait par-tie des initiateurs de la Fédération Étude Plus, présente brièvement le réseau des associations membres de la fédération. Les associations Étude Plus sont motivées par les valeurs de ci-toyenneté et de laïcité. Les responsables des associations sont en grande partie issus de la diversité et jouent ainsi le rôle de modèles positifs de réussite sociale pour les enfants et leurs familles. En complément de l’accompagnement qui est proposé aux enfants, une attention particulière est apportée aux familles, auxquelles un mentorat est proposé dans une perspective globale de cohésion du travail éducatif réalisé avec les différents partenaires de l’éducation. Les associations Étude Plus travaillent ainsi en accord avec les col-lectivités, les élus et les établissements scolaires. Après un retour bref sur les points essentiels qui ont jalonné les contributions des intervenants, Ibrahim Ova invite les participants du colloque à prendre part au débat.

DÉBAT 1. Jean PECQUEUR-PAUTARD, fondateur de l’association Socrate (http://www.associationsocrate.org)

relève « une belle complémentarité » des interventions. Il retiendra surtout le travail qui est à réaliser sur le manque de confiance des élèves, dont 34% d’entre eux arrivent à l’école tendus, « la boule au ventre ». Il invite à une réflexion et une action visant à dédramatiser les situations.

2. Ange ANDONGUI, coordinateur de trois centres sociaux pour la ville de Bondy, retiendra pour sa part la nécessité d’identifier tous les acteurs éducatifs d’un territoire donné afin d’optimiser l’action menée auprès des élèves. Il présente brièvement son parcours et note que, en tant que contributeur de la poli-tique éducative, il se sent aujourd’hui plus démuni qu’à l’époque où il était animateur. Il remercie les ini-tiateurs du colloque pour le temps d’échange qu’il a représenté.

3. Aurélia TOUPIOLLE, coordinatrice du secteur famille/éducation au centre social Sohane de Bondy, pose la question de l’interdiction des devoirs à la maison : comme les familles aisées investissent dans tous les cas dans le travail extrascolaire, est-ce que les inégalités sociales seront résolues si des devoirs ne sont pas prescrits à tous les élèves, alors même que les devoirs sont parfois le seul lien qui unit la famille et l’école ? Séverine KAKPO répond en rappelant que cette interdiction des devoirs ne concernent que l’école primaire et uniquement les devoirs écrits. Elle ajoute que pour éclairer cette question, il faudrait :

- s’intéresser à la pertinence de l’opposition tâche écrite/tâche orale ; - tenir compte du facteur de compétitivité scolaire qui occupe une place importante et qui développe une forte inquiétude chez les parents ; - considérer d’autres modèles d’organisation du temps scolaire, le travail pouvant, par exemple, être réalisé au sein de la classe ; - inventer un autre moyen de communiquer avec les familles que les devoirs. 4. Patricia SCHILLINGER, sénatrice du Haut-Rhin et maire d’une commune de 3400 habitants réunissant

49 nationalités, s’intéresse au travail réalisé par Étude Plus et pose la question de l’applicabilité du mo-dèle pédagogique de ces associations au milieu rural. En tant que maire, elle est confrontée à une situa-tion complexe où malgré une conjoncture économique favorable, la ville fait face à des difficultés sco-laires importantes en raison d’un nombre important d’inscriptions en cours d’année scolaire. Par ailleurs, selon Patricia Schillinger, les liens existant ou ayant existé entre les familles et l’école devraient être main-

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(tels que les devoirs ou la classe le samedi matin qui permettait aux pères de rencontrer les professeurs). Ibrahim OVA présente brièvement l’approche adoptée par Étude Plus où le travail est réalisé en petits groupes plus ou moins homogènes pour favoriser l’émulation et la synergie entre les enfants. Jean-Michel ZAKHARTCHOUK revient sur la question du manque de confiance et sur la façon dont elle est donnée. Selon lui, on ne doit pas apprendre à supprimer les difficultés, mais à les affronter. Le sentiment de confiance peut être apporté en apprenant aux élèves à accepter l’erreur. Il doit également être nourri par l’enseignant dont le pessimisme doit être écarté afin de ne pas affecter le parcours de l’élève. Adem KUMCU souligne également cette nécessité de développer le sentiment de confiance chez les élèves sans supprimer les difficultés, en cultivant leur attrait pour les défis et les apprentissages. Il sug-gère également de participer à une valorisation du métier d’enseignant dont le bien-être peut aider à l’établissement d’une relation de confiance entre l’élève et le professeur.

5. Élodie FLESSEL, volontaire en Service Civique, animatrice à l’association Afrique Conseil (http://

www.afriqueconseil.org), s’interroge sur son activité d’accompagnatrice scolaire, et notamment sur la qualité de l’encadrement qu’elle propose aux enfants. Elle découvre l’activité depuis peu et questionne la pertinence de son approche qui s’inspire davantage des compétences qu’elle a acquises dans le cadre du BAFA. Bruno SUCHAUT évoque la question de la formation des accompagnateurs scolaires et invite à s’inté-resser à la notion de travail en groupes et aux interactions entre élèves qui peuvent être très grandes.

6. Aurore BRACHET, en charge du service des politiques éducatives à la mairie d’Argenteuil, apporte son témoignage sur la question du pilotage des dispositifs d’accompagnement à la scolarité. Elle note qu’il a beaucoup été question de l’accompagnement des élèves, mais qu’il est nécessaire également d’aborder la question de l’accompagnement des professionnels. Face à cet accompagnement, les collectivités qui ont un rôle de pilotage des dispositifs sont confrontées à plusieurs difficultés :

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- les professionnels de l’accompagnement sont dans une relation de concurrence qui rend difficile le travail de mise en cohérence de leurs actions ;

- les collectivités devraient bénéficier de relais au sein de chaque corps de métier afin d’accompagner au mieux les professionnels ; - accorder l’ensemble des acteurs éducatifs demande du temps, car le travail réalisé par les collectivités s’inscrit sur le long terme. La réalité du terrain est celle de générations différentes et de modes d’ap proches qui divergent, posant la question de la réduction du temps nécessaire à la conduite du change ment ; 7. En réponse à la précédente question posée par une volontaire en Service Civique, la responsable jeu-

nesse d’un centre social du 20ème arrondissement de Paris indique un certain nombre de pistes à suivre dans le cadre d’une formation aux actions d’accompagnement à la scolarité : catalogues de formations disponibles auprès des responsables de structures d’accompagnement à la scolarité, textes officiels, etc.

8. Saaida BOUJNAN, professeur de lettres et d’histoire en lycée et intervenante à Étude Plus Strasbourg, interroge Henri VIEILLE-GROSJEAN sur l’impact des nouveaux médias sur les élèves. Elle demande également son avis sur un projet du lycée dans lequel elle exerce : l’établissement devenu « learning cen-ter » s’ouvrira à différentes associations qui pourront y développer des ateliers divers (théâtre, par exemple) et permettra un usage particulièrement développé des outils numériques. Selon Henri VIEILLE-GROSJEAN, la perspective offerte par cet établissement est attrayante, car non seulement il est indispensable que l’école soit un lieu ouvert, mais il est essentiel qu’elle intègre les nou-velles technologies. L’école doit réellement changer, mais c’est aussi à ceux qui l’animent – enseignants, responsables, encadrants… – de changer.

9. Une personne interroge les intervenants sur la réforme qui est en cours : permettra-t-elle aux enfants, aux parents et aux accompagnateurs scolaires de dépasser leur réticence à entrer dans l’école ? Selon Bruno SUCHAUT, il est essentiel de prendre en considération cette question qui se pose dès l’école maternelle. La réforme en cours peut être l’occasion de repenser et de redéfinir ces liens entre acteurs de l’éducation. Selon Adem KUMCU, il serait utile de s’intéresser aux modèles pédagogiques développés par nos voi-sins européens, comme par exemple celui développé par les Pays-Bas où l’enfant est invité à exprimer sa personnalité.

CLÔTURE DU COLLOQUE __________________________________________________________________________