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CLEARING Lili Reynaud-Dewar Artpress, 2018 (by Bernard Marcelis) Brooklyn / 396 Johnson Avenue, Brooklyn, NY 11206, USA Upper East Side / 43 East 78th Street, New York, NY 10075, USA Brussels / Avenue Van Volxemlaan 311, 1190 Brussels, BE www.c-l-e-a-r-i-n-g.com Pour sa première exposition person- nelle à Bruxelles, Lili Reynaud-Dewar a investi les superbes locaux de la ga- lerie Clearing, située presque en face du Wiels. Elle y a d’ailleurs exposé – sous forme d’une performance – la saison dernière à l’occasion de la ma- nifestation le Musée absent, pro- grammée dans le cadre du dixième anniversaire de l’institution. On verra que ce n’est pas sans rapport avec son actuelle exposition. Celle-ci tire son titre d’une nouvelle de David Gar- nett, Lady into Fox, une satire des valeurs bourgeoises ainsi qu’une cru- elle histoire d’amour. Une femme y est soudain transformée en renard et son mari fait des efforts désespérés pour sauver son mariage... Ces ques- tions d’émancipation et de genre sont récurrentes dans l’œuvre de l’ar- tiste française. Celle-ci se met elle- même en scène dans les trois projections vidéo qui composent son exposition, à la mesure des trois nefs qui structurent le lieu. On y voit aussi des lampadaires à son effigie, des sculptures-mannequins en résine et des amoncellements de plaque de frigolite qui semblent figurer une banquise froide et hostile, en réfé- rence à une œuvre de General Idea. À l’exception de la vidéo centrale, Lady to Fox, tournée dans une ferme en Vendée, les deux autres projec- tions Teeth Gums Machine Future Society constituent une véritable mise en abîme des lieux d’exposi- tion. L’une a été tournée l’été dernier dans les locaux mêmes de la galerie Clearing, au cours de la spectaculaire exposition inaugurale consacrée aux sculptures monumentales de Bruno Gironcoli. Recouverte de peinture, la silhouette de la danseuse semble parfois faire corps avec les «ma- chines » de Gironcoli, à l’instar d’un caméléon. Le corps, sculptural lui aussi, prend ses marques, défie les gigantesques constructions, tout en s’offrant des plages de repos, le temps d’une pause cigarette ou smartphone. Le second volet de la vidéo a été tourné en face, au Wiels. Ici, il s’agit moins de prendre ses marques par rapport aux œuvres de cette expo- sition collective que de se confronter à l’architecture du bâtiment. L’effet caméléon laisse place à un rapport physique avec la structure des lieux : cimaises, portes, baies, fenêtres, escaliers, etc., comme s’il s’agissait de les ausculter aux mensurations de l’artiste. Cette opération de mesurage n’est pas sans faire penser à ces œuvres historiques de la confrontation du corps de la femme, précisément dans une opération de «mesures», telles que les ont pratiquées ORLAN ou Valie Export, comme on a pu le re- découvrir tout récemment (1). Comme Lili Reynaud-Dewar le dit elle-même, « l’artiste parle de son œuvre en rapport avec la consomma- tion, avec la circulation d'images et d´images de corps, avec l'histoire de l'art ». La puissance de ses images, qu’elles soient fixes ou animées, n’en demeure pas moins énigma- tique, à l’image de cette double confrontation vidéographique entre l’univers agricole et les lieux cultu- rels, réunis le temps d’un décor d’une performance chorégraphique. Bernard Marcelis (1) ORLAN, MesurAGE de la Place Saint- Lambert à Liège (1980), avec des photos inédites montrées dans l’exposition le Jardin du Paradoxe. Regards sur le Cirque Divers (Liège, musée de la Vie wallonne, du 17 février au 16 août 2018). Valie Export, Body Configurations, 1972- 1976, Paris, Galerie Thaddaeus Ropac, Paris. ——— For her first solo show in Brussels, Lili Reynaud-Dewar has taken over the superb Clearing gallery, stan- ding just opposite the Wiels, where she featured in last spring’s Le Musée absent show, program- med as part of the art center’s tenth birthday events. The current exhibit takes the title of a short novel by David Garnett, “Lady into Fox,” a satire on bour- geois values and a cruel love story in which a woman is suddenly transformed into a fox while her husband tries desperately to save their marriage. These questions of emancipation and gender are a re- current feature of this French ar- tist’s work. Here, she also appears in three of her videos, projected on a scale with the venue’s high ceilings. We also find lampposts with her shape, resin mannequins and piles of styrofoam which seem to evoke cold, hostile ice in what is a reference to a work by General Idea. With the exception of the central video, Lady into Fox, shot on and around a farm in the Vendée region, in which the artist dances naked close to the animals, the two other projections, Teeth Gums Machine Future Society, constitute a real mirror image of the exhibi- tion. One was shot last summer in the Clearing Gallery itself, at its spectacular opening exhibition of monumental sculptures by Bruno Gironcoli. Covered in silver paint, the artist seems almost to be one with Gironcoli’s “machines,” like a kind of chameleon. Her sculptural body takes its bearings from and defies these gigantic construc- tions, in a performance punctua- ted by moments of rest when the performer puffs on a cigarette or checks her smartphone. The second part of the video was shot opposite, at the Wiels. Here it less a matter of positioning her- self in relation to other works than of facing off with the architecture. The chameleon effect is replaced by a physical relation to the struc- ture of the building’s picture walls, doors, windows, bays and stairs, as if to gauge the artist’s own measurements. This measuring operation also brings to mind historical works in which women have used their bo- dies as a form of measurement, notably ORLAN and Valie Export, as their recent exhibitions have shown.(1) As Reynaud-Dewar herself says, “the artist talks about her work in relation to consumption, to the cir- culation of images and images of the body, to the history of art.” The power of her images, both still and moving, is nevertheless enig- matic, as in that double video confrontation between the agricul- tural and cultural worlds, brought together in the space of a choreo- graphic performance. Translation, C. Penwarden (1) ORLAN, ‘MesurAGE de la Place Saint- Lambert à Liège’ (1980), with new photos shown in the exhibition Jardin du Para- doxe. Regards sur le Cirque Divers (Liège, Musée de la Vie Wallonne, February 17– August 16, 2018). Valie Export, Body Configurations, 1972- 1976, Paris, Galerie Thaddaeus Ropac, Ja- nuary 12–February 24, 2018. BRUXELLES Lili Reynaud-Dewar Galerie Clearing / 16 février - 31 mars 2018 « Lady to Fox ». 2018. Vidéo. (Court. de l’artiste)

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  • C L E A R I N G

    Lili Reynaud-DewarArtpress, 2018

    (by Bernard Marcelis)

    Brooklyn / 396 Johnson Avenue, Brooklyn, NY 11206, USA Upper East Side / 43 East 78th Street, New York, NY 10075, USA

    Brussels / Avenue Van Volxemlaan 311, 1190 Brussels, BE www.c-l-e-a-r-i-n-g.com

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    EXPOSITIONS REVIEWS

    Pour sa première exposition person-nelle à Bruxelles, Lili Reynaud-Dewara investi les superbes locaux de la ga-lerie Clearing, située presque en facedu Wiels. Elle y a d’ailleurs exposé –sous forme d’une performance – lasaison dernière à l’occasion de la ma-nifestation le Musée absent, pro-grammée dans le cadre du dixièmeanniversaire de l’institution. On verraque ce n’est pas sans rapport avecson actuelle exposition. Celle-ci tireson titre d’une nouvelle de David Gar-nett, Lady into Fox, une satire desvaleurs bourgeoises ainsi qu’une cru -e lle histoire d’amour. Une femme yest soudain transformée en renard etson mari fait des efforts désespéréspour sauver son mariage... Ces ques-tions d’émancipation et de genresont récurrentes dans l’œuvre de l’ar-tiste française. Celle-ci se met elle-même en scène dans les troisprojections vidéo qui composent sonexposition, à la mesure des trois nefsqui structurent le lieu. On y voit aussides lampadaires à son effigie, dessculptures-mannequins en résine etdes amoncellements de plaque defrigolite qui semblent figurer unebanquise froide et hostile, en réfé-rence à une œuvre de General Idea.À l’exception de la vidéo centrale,Lady to Fox, tournée dans une fermeen Vendée, les deux autres projec-tions Teeth Gums Machine FutureSociety constituent une véritablemise en abîme des lieux d’exposi-tion. L’une a été tournée l’été dernierdans les locaux mêmes de la galerieClearing, au cours de la spectaculaire

    exposition inaugurale consacrée auxsculptures monumentales de BrunoGironcoli. Recouverte de peinture, lasilhouette de la danseuse sembleparfois faire corps avec les «ma-chines» de Gironcoli, à l’instar d’uncaméléon. Le corps, sculptural luiaussi, prend ses marques, défie lesgigantesques constructions, tout ens’offrant des plages de repos, letemps d’une pause cigarette ousmartphone.Le second volet de la vidéo a ététourné en face, au Wiels. Ici, il s’agitmoins de prendre ses marques parrapport aux œuvres de cette expo-sition collective que de se confronterà l’architecture du bâtiment. L’effetcaméléon laisse place à un rapportphysique avec la structure des lieux :cimaises, portes, baies, fenêtres,escaliers, etc., comme s’il s’agissaitde les ausculter aux mensurationsde l’artiste.Cette opération de mesurage n’estpas sans faire penser à ces œuvreshistoriques de la confrontation ducorps de la femme, précisémentdans une opération de «mesures»,telles que les ont pratiquées ORLANou Valie Export, comme on a pu le re-découvrir tout récemment (1).Comme Lili Reynaud-Dewar le ditelle-même, « l’artiste parle de sonœuvre en rapport avec la consomma-tion, avec la circulation d'images etd´images de corps, avec l'histoire del'art ». La puissance de ses images,qu’elles soient fixes ou animées,n’en demeure pas moins énigma-tique, à l’image de cette double

    confrontation vidéographique entrel’univers agricole et les lieux cultu-rels, réunis le temps d’un décord’une performance chorégraphique.

    Bernard Marcelis

    (1) ORLAN, MesurAGE de la Place Saint-Lambert à Liège (1980), avec des photosinédites montrées dans l’exposition leJardin du Paradoxe. Regards sur le CirqueDivers (Liège, musée de la Vie wallonne,du 17 février au 16 août 2018).Valie Export, Body Configurations, 1972-1976, Paris, Galerie Thaddaeus Ropac, Paris.

    ———For her first solo show in Brussels,Lili Reynaud-Dewar has taken overthe superb Clearing gallery, stan-ding just opposite the Wiels,where she featured in last spring’sLe Musée absent show, program-med as part of the art center’stenth birthday events.The current exhibit takes the titleof a short novel by David Garnett,“Lady into Fox,” a satire on bour-geois values and a cruel love storyin which a woman is suddenlytransformed into a fox while herhusband tries desperately to savetheir marriage. These questions ofemancipation and gender are a re-current feature of this French ar-tist’s work. Here, she also appearsin three of her videos, projectedon a scale with the venue’s highceilings. We also find lampposts

    with her shape, resin mannequinsand piles of styrofoam whichseem to evoke cold, hostile ice inwhat is a reference to a work byGeneral Idea.With the exception of the centralvideo, Lady into Fox, shot on andaround a farm in the Vendée region, in which the artist dancesnaked close to the animals, thetwo other projections, Teeth GumsMachine Future Society, constitutea real mirror image of the exhibi-tion. One was shot last summerin the Clearing Gallery itself, at itsspectacular opening exhibition ofmonumental sculptures by BrunoGironcoli. Covered in silver paint,the artist seems almost to be onewith Gironcoli’s “machines,” like akind of chameleon. Her sculpturalbody takes its bearings from anddefies these gigantic construc-tions, in a performance punctua-ted by moments of rest when theperformer puffs on a cigarette orchecks her smartphone.The second part of the video wasshot opposite, at the Wiels. Hereit less a matter of positioning her-self in relation to other works thanof facing off with the architecture.The chameleon effect is replacedby a physical relation to the struc-ture of the building’s picture walls,doors, windows, bays and stairs,as if to gauge the artist’s own measurements.This measuring operation alsobrings to mind historical works inwhich women have used their bo-dies as a form of measurement,notably ORLAN and Valie Export,as their recent exhibitions haveshown.(1)As Reynaud-Dewar herself says,“the artist talks about her work inrelation to consumption, to the cir-culation of images and images ofthe body, to the history of art.” Thepower of her images, both stilland moving, is nevertheless enig-matic, as in that double videoconfrontation between the agricul-tural and cultural worlds, broughttogether in the space of a choreo-graphic performance.

    Translation, C. Penwarden

    (1) ORLAN, ‘MesurAGE de la Place Saint-Lambert à Liège’ (1980), with new photosshown in the exhibition Jardin du Para-doxe. Regards sur le Cirque Divers (Liège,Musée de la Vie Wallonne, February 17–August 16, 2018).Valie Export, Body Configurations, 1972-1976, Paris, Galerie Thaddaeus Ropac, Ja-nuary 12–February 24, 2018.

    BRUXELLES

    Lili Reynaud-DewarGalerie Clearing / 16 février - 31 mars 2018

    «Lady to Fox». 2018. Vidéo.(Court. de l’artiste)

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