choisir le financement
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Chapitre 37Choisir son financement
« Naviguer entre Charybde et Scylla ».
En guise de conclusion de cette partie consacrée au choix d’une source de finan-cement, nous souhaitions aborder les aspects pratiques. Confronté à cette ques-tion, l’équipe de direction d’une entreprise fera certes appel à ses souvenirs dethéorie financière, mais d’autres considérations viendront également à l’esprit(choix des concurrents, notation financière, opportunités de financement sur lemarché…).
Rappelons d’abord à notre lecteur cette évidence trop souvent oubliée : enmatière de création de valeur, le choix d’un investissement est infinimentplus important que le choix d’une structure de financement. Les marchésfinanciers étant liquides, les situations de déséquilibre ne durent pas à cause desarbitrages qui ne manquent pas de se produire. Dès lors, il est très difficile decréer de la valeur en émettant des titres à un prix supérieur à leur valeur. Enrevanche, les marchés industriels sont beaucoup plus « visqueux » en raison deprotections réglementaires, technologiques… qui rendent les arbitrages (cons-truction d’une nouvelle usine, lancement d’un produit concurrent…) beaucoupplus lents et difficiles à mettre en œuvre que sur un marché financier où un sim-ple appel téléphonique ou un ordre sur Internet suffisent.
Autrement dit, une entreprise qui a fait des investissements au moins aussirentables que l’exigent ses pourvoyeurs de fonds n’aura jamais de problèmesinsurmontables de financement. Si besoin est, elle pourra toujours restructurerson passif et trouver de nouveaux bailleurs de fonds. À l’inverse, une entreprisedont l’actif économique n’est pas assez rentable aura tôt ou tard des problèmesde financement même si elle a pu initialement bénéficier de conditions de finan-cement très favorables. La vitesse de dégradation de sa situation financièredépendra simplement de l’importance de son endettement.
Un bon financement ne rattrapera jamais un mauvais investissement.
Section 1Les grands concepts
1/ Le coût d’une source de financement
Plusieurs idées simples peuvent être énoncées :
• Face à l’investissement, toutes les sources de financement ont le mêmecoût : le taux de rentabilité exigé sur l’investissement compte tenu du risque
702 Structure financière de l’entreprise
propre de cet investissement. On exigera ainsi du 25 % sur une cimenterie enRussie, que l’on soit financé par capitaux propres ou par endettement, que l’onsoit un investisseur russe, suisse ou indonésien(1).
Le taux de rentabilité à exiger ne dépend pas du mode de financement ou de la nationalitéde l’investisseur. Il ne dépend que du risque de marché de l’investissement.
Il en résulte les conséquences suivantes :– il est impossible de lier le financement à l’investissement;– aucun « effet portefeuille d’investissement » ne peut réduire ce coût;– seul le risque de marché (ou systématique) de l’investissement doit être
rémunéré.
C’est donc être atteint de myopie que de choisir une source de financement enfonction de son coût : on oublie alors que toutes les sources de financement ontle même coût compte tenu de leur risque.
• Dans la gestion du passif de l’entreprise, une grande erreur est de retenircomme coût d’une source de financement son coût apparent.
Nous avons trop souvent entendu dire que le coût d’une augmentation decapital était faible parce que le rendement de l’action était faible; que l’autofi-nancement ne coûtait rien; que l’obligation convertible permettait d’abaisser lecoût de financement d’une entreprise etc. Tout ceci revient à confondre coûtcomptable et coût financier.
Une source de financement n’est bon marché que si, pour des raisonsdiverses, elle a été émise à une valeur supérieure à sa valeur de marché. Uneobligation convertible n’est pas bon marché si elle a un taux facial faible, maissi l’option implicite qu’elle contient est vendue plus chère que sa valeur de marché.
Revenons sur l’erreur que le lecteur commettrait en confondant coût apparentet coût financier :
– elle est faible pour l’endettement, la différence pouvant provenir de l’évolu-tion du taux du marché et, plus rarement, de la dégradation du risque dedéfaut. L’endettement présente donc un intérêt en matière d’organisationfinancière car son coût comptable est proche de son coût financier; de plus,son prix est visible dans les comptes (les frais financiers sont des chargescomptables);
– elle est déjà plus forte pour les capitaux propres dans la mesure où il fautajouter au rendement de l’action les perspectives de croissance;
– elle est considérable pour l’autofinancement dans la mesure où, commenous l’avons vu, son coût apparent est nul;
– elle est difficile à évaluer pour tous les produits hybrides. Ceci expliquesouvent leur succès. Mais nous mettons en garde le lecteur : ce n’est pasparce que de telles sources de financement ont un taux facial plus faible queleur coût financier est, lui, plus faible. Une analyse par la valeur commenous l’avons exposée jusqu’ici, qui utilise à la fois les techniques de lavaleur actuelle et de l’option, permet de saisir le véritable coût de cettesource de financement.
• En matière de politique financière de l’entreprise, il est impossible denégliger les conséquences directes et immédiates des sources de financement.
L’endettement, au travers des engagements de remboursement et des intérêts,a une conséquence directe sur la trésorerie de l’entreprise. L’endettement préci-
(1) Nous approfondissons ceciau chapitre 39.
Chapitre 37 Choisir son financement 703
pite l’entreprise dans le ravin en cas de difficultés ou, au contraire, peut se révélerêtre un « super réacteur » qui permet à l’entreprise de décoller en cas de réussite.
Les coûts des financements de l’entreprise
Finan-
cementModalités
Coût
théorique
à prendre
en compte
dans le
choix
d’investis-
sement
Coût
suivant
la théorie
financière
(incidence
sur
la valeur)
(A)
Coût apparent
ou explicite
(comptabilité,
trésorerie)
(B)
Différence
(A) – (B)
Explication
de la
différence
Endet-tement
Taux du marché auquel l’entreprise pourrait se réendetter
Taux facial Faible Évolution des taux du marché; exceptionnel-lement, évolu-tion du risque de défaut
Capitaux propres
Augmen-tation de capital
Taux de rentabilité exigé par le marché sur les capitaux propres
Nul dans le compte de résultat, coût apparent mesuré par le rendement
Importante Taux de croissance espéré des dividendes
Auto-financement
Le même pour tous les produits, il dépend du bêta de l’investis-sement
Nul dans le compte de résultat, coût apparent nul
Considérable Absence totale de coût apparent
Produits hybrides
Obligation convertible, obligation à bons de souscription d’actions (OBSA)
Taux de rentabilité actuariel combiné avec la valeur du bon / option
Taux d’intérêt actuariel plus faible
Moyenne Valeur du bon / option implicite ou explicite
Obligation rembour-sable en action (ORA)
Taux qui devrait être légèrement inférieur au taux exigé pour l’action
Plus élevé que le rendement de l’action normale et surtout fixe jusqu’au remboursement
Faible L’ORA est une action dont une partie du prix est garantie (valeur actuelle des frais financiers)
Titres super subordonnés, etc.
Taux supé-rieur au coût de la dette normale
Taux facial Difficile à évaluer
Variabilité servant à la clause de subordination
704 Structure financière de l’entreprise
En cas de succès, le coût d’une augmentation de capital paraîtra beaucoupplus élevé. En effet, d’un côté nous avons un coût fixe (celui de l’endettement), etde l’autre nous avons un coût variable qui peut être ex-post négatif. Une augmen-tation de capital faite à un cours très élevé, suivie d’un krach boursier, conduit àun taux de rentabilité négatif pour l’investisseur et donc à un coût négatif (cephénomène ne peut se produire pour l’endettement que dans le cas d’extrêmesdifficultés où le créancier abandonne une partie de sa créance).
2/ Existe-t-il une structure financière optimale ?
La réponse est claire : non dans l’absolu !
Tout au plus existe-t-il quelques grandes idées que notre lecteur doit avoirassimilées. Sinon comment expliquer que la notion de « bonne structure finan-cière » ou de « structure financière équilibrée » se soit tant et si souvent modifiéeau cours du temps :
• dans les années 1950 à 1960, une bonne structure financière est caractériséepar la faiblesse de l’endettement; on met alors l’accent sur l’autonomie indus-trielle et financière de l’entreprise, dans un contexte caractérisé par la stabilitéde l’économie;
• dans les années 1970, une bonne structure financière doit faire apparaître unniveau d’endettement jugé « normal », c’est-à-dire, en tout état de cause, nonexcessif par rapport aux capitaux propres; on met alors l’accent sur le levierfinancier de l’endettement dans le cadre d’une forte croissance économique et detaux d’intérêt réels (c’est-à-dire calculés après inflation) faibles, voire négatifs;
• dans les années 1980, une bonne structure financière doit traduire le rééqui-librage de la structure d’une entreprise, caractérisée par une diminution pro-gressive de l’endettement, une amélioration de la rentabilité et un autofinance-ment accru;
• au début des années 1990, l’environnement se caractérise par l’absence deforts investissements et des taux d’intérêt réels élevés. Le choix n’existe plus : ilne faut plus être endetté. Un nouveau pecking order (voir chapitre 35) apparaît :l’entreprise disposant de trésorerie, mais sans opportunité d’investissement suf-fisamment rentable, choisira :
– tout d’abord de se désendetter;
– puis de réaliser une réduction de capital;
– enfin d’augmenter son taux de distribution de dividendes. Cette opérationest la dernière dans le choix des dirigeants car elle hypothèque l’avenir. Lahausse du dividende, contrairement à la réduction de capital implique desengagements pour le futur, c’est l’effet de « cliquet » du dividende;
• mais la fin des années 1990 marque un retour en grâce de l’endettement uti-lisé soit pour financer des acquisitions, soit pour réduire le capital. La raisontient à des taux d’intérêt nominaux à leur plus bas historique depuis 30 ans;
• à un climat assez euphorique de croissance en volume et d’inflation très fai-ble succède, au début des années 2000, une crise économique couplée à unequasi-fermeture des marchés actions rendant difficile un rééquilibrage rapide dela structure financière des entreprises qui venaient de fortement s’endetter.
Chapitre 37 Choisir son financement 705
Malgré la meilleure conjonc-ture financière au milieu desannées 2000, les entrepriseséchaudées préfèrent encoreréduire leur niveau de detteque de repartir dans unevague d’acquisitions. Ellescherchent néanmoins à sécu-riser des conditions d’endet-tement qui apparaissentexceptionnellement bonnestant dans l’absolu (tauxd’intérêt bas) qu’en relatif(marges d’intérêt réduites).
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Endettement net / Capitaux propres comptables
0 %
20 %
40 %
60 %
80 %
100 %
120 %
1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Source : Datastream, Eurostoxx 50 et S&P 100.
USA
Europe
Endettement net / Valeur de marché des capitaux propres
0 %
5 %
10 %
15 %
20 %
25 %
30 %
35 %
40 %
1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Source : Datastream, Eurostoxx 50 et S&P 100.
USA
Europe
Endettement net / EBE
0,0 x
0,5 x
1,0 x
1,5 x
2,0 x
2,5 x
1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Source : Datastream, Eurostoxx 50 et S&P 100.
USA
Europe
706 Structure financière de l’entreprise
3/ Structure financière, inflation et croissance
L’inflation étant toujours un phénomène de déséquilibre, elle est très difficile àanalyser d’un point de vue financier. Constatons cependant, qu’en périoded’inflation et de taux d’intérêt réels négatifs, on assiste à un surinvestissementet à un surendettement, et donc à une dégradation des structures financières desentreprises. Ce faisant, les entreprises investissent tout en bénéficiant de profitsd’inflation : le coût du financement est faible après inflation. L’actionnairepourra bénéficier de ce phénomène : en effet, la faible rentabilité de l’investisse-ment sera compensée par le faible coût du financement. Ceci explique la stratégiedes entreprises françaises à la fin des trente Glorieuses ou celles des groupescoréens dans les années 1990, voire celle des groupes chinois de nos jours.
En fait, l’appétence des entre-prises pour l’endettementdépend beaucoup du tauxd’intérêt réel et du taux decroissance en volume del’économie.
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Lorsque l’inflation s’accompagne de taux d’intérêt réels faibles, les entreprises sont ten-tées de surinvestir en se finançant par endettement, déséquilibrant ainsi leur structurefinancière.
La désinflation conduit à un raisonnement strictement inverse : la lourdeur des tauxd’intérêt réels pousse les entreprises à se désendetter d’autant que des taux élevés indui-sent le plus souvent une activité économique anémique qui ne crée pas un climat deconfiance propice à l’endettement.
4/ À quoi servent les capitaux propres ?
Rappelons d’abord les différences fondamentales entre les capitaux propres etles capitaux d’emprunt qui sont au nombre de trois :
Taux d’inflation, taux d’intérêt réel et taux de croissance en France
– 2 %
0 %
2 %
4 %
6 %
8 %
10 %
12 %
14 %
1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006
Inflation Taux d’intérêt réel Croissance du PIB
Source : INSEE, Datastream.
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• il n’y a aucun engagement de rémunération pour les capitaux propres alorsqu’un tel engagement est pris pour les capitaux d’emprunt. La rémunération del’actionnaire dépend donc uniquement de la bonne marche de l’entreprise, con-trairement à celle du créancier;
• il n’y a aucun engagement de remboursement pour les capitaux propres alorsqu’un tel engagement est pris pour les capitaux d’emprunt(1);
• en cas de liquidation de l’entreprise, les créanciers seront désintéressés avantles actionnaires.
Le rôle des capitaux propres est double. Leur première fonction est bien sûrde financer une partie de l’investissement. Mais leur objet le plus important estde servir de garantie aux créanciers de l’entreprise qui financent l’autre partiede l’investissement; le coût des capitaux propres intègre donc une prime de risque.
D’où le côté assurance (voir la lecture des capitaux propres en tant qu’optiondu chapitre 36) des capitaux propres et leur coût élevé car tout comme une primed’assurance, ils coûtent toujours trop cher… jusqu’à l’accident (la crise) où l’onest bien content d’en avoir beaucoup. Comme nous le verrons plus loin, en cas decrise, avoir des capitaux propres importants donne du temps pour résister à labaisse des résultats, pour se restructurer, lancer de nouveaux produits, saisirdes opportunités de croissance externe…
L’entreprise endettée est lourdement pénalisée puisqu’elle a des charges fixes(frais financiers) et des échéances (remboursement du capital) à assurer qui latirent vers le bas.
Au total, l’importance du montant des capitaux propres témoigne aussi duniveau de risque qu’acceptent de courir les actionnaires. En période de crise, lesentreprises les plus endettées sont les premières à disparaître.
5/ Et si tout n’était qu’héritage ?
Une idée simple est que la structure financière d’aujourd’hui d’une entrepriserésulte, non d’un choix conscient d’un ratio dettes / capitaux propres cible, maisde l’accumulation de décisions prises dans le passé en fonction du contextefinancier du moment : émission d’actions quand les valorisations sont élevées etque le contexte boursier est bon, émission de dettes et rachat d’actions quand lesvaleurs sont basses et la Bourse déprimée.
Si les dirigeants avaient en tête un ratio dettes/capitaux propres, l’entreprisequi procède à une augmentation de capital devrait dans la foulée s’endetter pourfaire de nouveau converger sa structure financière vers ce ratio cible. Or ce n’estpas ce qui est observé. Les entreprises peu endettées sont celles qui ont procédéà des augmentations de capital quand leur valorisation relative (mesurée par lerapport valeur des capitaux propres/montant comptable des capitaux propres)était généreuse et vice versa. De la même façon, la structure financière actuelleest expliquée par des décisions prises il y a longtemps et donc par les niveaux devalorisations relatives de l’époque.
M. Baker et J. Wurgler font de cette théorie le principal déterminant de lastructure financière actuelle. Ils prennent en effet en compte l’attitude très prag-matique et opportuniste des directeurs financiers qui ne fait d’ailleurs que cor-respondre à l’appétence des investisseurs : émettre des actions quand les courssont hauts, s’endetter et racheter des actions quand les cours sont bas.
(1) À l’exception des dettesperpétuelles qui sont raris-simes.
708 Structure financière de l’entreprise
Section 2Les facteurs de choix d’une structure financière
J. Graham et C. Harvey ont mené une large enquête auprès des dirigeants et direc-teurs financiers de groupes américains. D. Brounen, A. de Jong, K. Koedijk d’unepart et F. Bancel et S. Mittoo d’autre part ont fait de même auprès de dirigeantset de directeurs financiers européens afin de déterminer les critères qu’ils retien-nent pour prendre une décision financière. Selon ces études, l’économie d’impôtliée à l’endettement n’est pas le critère essentiel de choix d’une structure finan-cière, tout comme la crainte de coûts de faillite importants. La conservation dela flexibilité et l’impact du choix de financement sur la notation financière arri-vent en première position. Il est donc rassurant de constater que les conclusionsdu second article de Modigliani et Miller (1963) ne poussent pas les entreprisesà se focaliser sur des considérations fiscales pour décider ou non de s’endetter.
Même si les groupes déclarent avoir un niveau cible d’endettement plus oumoins précis, les directeurs financiers fondent, pour plus de la moitié d’entre eux(que ce soit en Europe ou aux États-Unis), leurs choix de financement en favori-sant la flexibilité. Bien que les limites du critère de dilution du bénéfice paraction soient soulignées par tous les théoriciens et enseignants puisqu’il n’estpas automatiquement synonyme de destruction de valeur, il demeure néanmoinsun critère important mis en avant dans la décision de réaliser ou non une aug-mentation de capital.
Le lecteur aura compris que la structure financière est le résultat de compro-mis complexes déterminés par :
• le souci de garder une flexibilité financière, c’est-à-dire conserver unecapacité de financement si des événements positifs (opportunités d’investisse-ment) ou négatifs (crise) surviennent;
• les caractéristiques économiques du secteur de l’entreprise, son niveau dedéveloppement, le partage coûts fixes/coûts variables ou la nature de l’actif àfinancer;
• la position des actionnaires en termes d’aversion au risque et de volonté decontrôle;
• l’existence d’opportunités ou de contraintes sur les marchés du finance-ment à un moment donné;
• et enfin la structure financière des concurrents.
1/ La flexibilité financière
La recherche de flexibilité financière est une préoccupation forte des directeursfinanciers. Ils savent en effet qu’un problème de choix de financement nes’apprécie pas uniquement à un moment donné, mais dans le temps : un choixaujourd’hui peut réduire l’éventail des possibilités pour un autre choix de finan-cement à faire demain.
Ainsi s’endetter aujourd’hui contribue à réduire la capacité d’endettement dedemain où un investissement important prévisible ou non sera à réaliser. Si la
Chapitre 37 Choisir son financement 709
capacité d’endettement est saturée, l’entreprise n’aura pas alors d’autres choixque de se financer par capitaux propres. Or le marché des capitaux propres estparfois fermé pour cause de déprime boursière. Dans ce cas, l’entreprise peutêtre contrainte de renoncer à son investissement.
Le marché des capitaux propres peut se fermer en période de crise car les investisseurspréfèrent alors reporter leurs investissements sur des produits de dette, plus sûrs. Lesmarchés de la dette restent, quant à eux, presque tout le temps ouverts quelle que soit laconjoncture.
Seuls les marchés de la dette risquée (high yield) réagissent comme les mar-chés actions, et peuvent donc se fermer.
À l’inverse, se financer aujourd’hui par capitaux propres n’interdit pas de sefinancer de nouveau ultérieurement par capitaux propres. De surcroît, un finan-cement par capitaux propres aujourd’hui accroît la capacité d’endettement quipeut être mobilisée demain.
Un fort accroissement de l’endettement aujourd’hui réduit la flexibilité financière de l’entre-prise alors qu’une augmentation de capital accroît la capacité d’endettement de demain.
Cette recherche de flexibilité financière pousse l’entreprise à être moinsendettée que le niveau maximum qu’elle juge supportable, de sorte à pouvoir àtout moment être en mesure de saisir des opportunités d’investissement inatten-dues. On retrouve le concept d’option appliqué au financement de l’entreprise.
Les entreprises s’éloignent alors potentiellement sensiblement de leur levierfinancier cible. En effet, la hausse du cours de Bourse de l’entreprise déséquili-bre (sans que l’entreprise ne fasse aucun choix) la structure financière vers plusde capitaux propres. Ce déséquilibre devient d’autant plus important que lasociété émet de nouvelles actions.
Afin de garantir sa flexibilité financière, le directeur financier prend soin denégocier avec sa banque des lignes de financement non utilisées, d’avoir toutesles autorisations nécessaires de ses actionnaires pour émettre de nouveaux titres(actions, obligations…), d’avoir une communication financière efficace avec lesagences de notation, les analystes financiers, les investisseurs.
Au-delà de la dichotomie dette-capitaux propres, la recherche de flexibilitéfinancière nécessitera pour le directeur financier d’ouvrir à l’entreprise diffé-rents marchés. Ainsi, une entreprise ayant déjà émis sur le marché obligataire etentretenant un dialogue avec ce type d’investisseurs peut très rapidement faireappel à ce marché si une opportunité d’investissement apparaît.
La multiplication des sources de financement (dette bancaire bilatérale ousyndiquée, titrisation, émission obligataire, convertibles, capitaux propres…)permettra d’accroître la flexibilité financière de l’entreprise. La limite de cettestratégie est double :
– les émissions sur les différents marchés doivent être suffisamment impor-tantes pour garantir aux investisseurs une liquidité suffisante;
– la multiplication des sources de financement (éventuellement à différentsniveaux d’un groupe), accroît la complexité de la structure financière etdonc la gestion de celle-ci (en particulier en cas de crise de liquidité).
710 Structure financière de l’entreprise
2/ Les caractéristiques économiques du secteur
de l’entreprise, et le type d’actifs à financer
Une start-up aura beaucoup de mal à se financer par endettement. Elle n’a pasde passé et donc pas d’historique de crédits remboursés, ni probablementd’actifs corporels qui pourraient servir de garantie. L’environnement technologi-que dans lequel elle évolue est probablement très mouvant et ses flux de tréso-rerie disponibles sont négatifs pour quelque temps. Son niveau de risquespécifique pour un prêteur est donc très élevé. Elle n’a pas d’autre choix que dese financer par capitaux propres.
À l’opposé, l’entreprise établie sur son marché depuis plusieurs années et quiarrive à maturité n’aura pas de difficulté à « séduire » des prêteurs. Son histori-que de crédit est établi, ses actifs sont bien réels, elle génère des flux de trésore-rie disponibles (sur lesquels le risque de prévision est faible) d’autant plus élevésque les gros investissements ont déjà été réalisés. Bref, tout ce qu’aime uncréancier ! À l’inverse, l’investisseur en capitaux propres sera peu enthousiaste :peu de croissance, peu de risque, donc peu de rentabilité.
On retrouve là le cycle de vie des sources de financement : l’aventure industrielle estfinancée par les capitaux propres. Au fur et à mesure que l’entreprise s’institutionnaliseet que son risque diminue, l’endettement prend la relève, libérant ainsi des capitaux pro-pres qui vont financer de nouveaux secteurs émergents qui en ont besoin.
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De la même façon, dans un secteur à coûts fixes élevés, une entreprise cher-chera plutôt à se financer par capitaux propres de sorte à ne pas ajouter aux
Création Croissance Maturité
Endettementbancaire
Investisseursprivés
Introductionen Bourse
Émissions d’obligationsCrédits syndiquésAugmentations de capital
Réductions de capitalForte distribution de dividendesLBO
Proportionde dette
Risque financier (de la structure financière)
Risque industriel (de l’actif économique)
Structure financière et cycle de vie de l’entreprise
Chapitre 37 Choisir son financement 711
coûts fixes d’exploitation les coûts fixes de l’endettement (les intérêts) et àréduire sa sensibilité aux à-coups conjoncturels. Mais les secteurs à coûts fixesélevés (sidérurgie, cimenterie, papier, énergie, télécoms…) sont généralementtrès capitalistiques et requièrent des investissements importants qui impliquentun inévitable recours à l’endettement.
À l’inverse, un secteur à coûts variables forts (la distribution…) pourra fairele pari de l’endettement, les frais financiers alors générés s’ajoutant à des coûtsfixes faibles.
Enfin la nature de l’actif peut avoir une influence sur la disponibilité dufinancement. Un actif extrêmement spécifique, c’est-à-dire qui a peu de valeur endehors d’un processus de production donné, sera difficilement finançable parendettement. En effet, les prêteurs craindront que la valeur de marché de l’actif,en cas de défaillance de l’entreprise, ne soit pas suffisante pour rembourser leursencours.
3/ La position des actionnaires
Si l’actionnariat de l’entreprise est composé d’actionnaires influents (majoritai-res ou minoritaires), leur point de vue aura certainement un impact sur le choixde financement.
Certains refuseront des augmentations de capital qu’ils ne pourraient passuivre et qui dilueraient leur participation. L’entreprise est alors conduite às’endetter fortement (Rémy-Cointreau).
D’autres auront une aversion marquée pour l’endettement ne voulant pasaccroître leur niveau de risque (Général Electric).
Le choix d’une structure de financement est aussi le choix d’un niveau de risque que sou-haitent courir les actionnaires.
4/ Les opportunités
Les marchés n’étant pas systématiquement à l’équilibre, des opportunités peu-vent surgir à un moment donné. Une flambée des cours de Bourse permettra deréaliser à bon compte une augmentation de capital (vente d’actions à un prix trèsélevé). La folie d’une banque qui dit oui à tous les dossiers de crédit, un engoue-ment soudain des investisseurs pour un secteur ou un type de valeurs (les socié-tés Internet au début 2000) en sont d’autres exemples. Enfin, des vides en matièrede réglementation fiscale pourront créer des opportunités (TSDI dans les années1980), mais malheureusement, l’administration fiscale ne se laisse pas bernerlongtemps !
Que notre lecteur ne se laisse pas griser par les opportunités. Il est en effet difficile debaser une politique financière sur une succession d’opportunités, à l’occurrence par défi-nition imprévisible. Elles ne peuvent que venir à la marge.
712 Structure financière de l’entreprise
Par ailleurs, si l’entreprise bénéficie à un moment donné d’un coût de finan-cement exceptionnellement favorable, des investisseurs auront en contrepartiefait une mauvaise affaire. Furieux, ils risquent de ternir l’image de la société etil ne faudra pas compter sur eux avant longtemps pour apporter de nouvellessources de financement. La start-up qui s’est introduite en Bourse au pic de valo-risation des valeurs de la « nouvelle économie » aura sûrement levé des fonds àbon compte. Mais comment pourra-t-elle lever des capitaux complémentaires unan après si son cours de Bourse a alors baissé de 70 % ?
5/ La structure financière des concurrents
Avoir plus d’endettement net que ses concurrents, c’est prendre position, en parti-culier, sur les espérances de rentabilité de l’entreprise, c’est-à-dire sur la conjonc-ture, sur la stratégie, etc.
De même, avoir plus d’endettement net que ses concurrents c’est, toutes cho-ses égales par ailleurs, être plus vulnérable en cas de baisse de conjoncture, cequi risque de se traduire par un assainissement du secteur et par la disparitiondes plus faibles, etc.
L’expérience montre que les chefs d’entreprise rechignent à mettre en périlune stratégie industrielle par une politique financière substantiellement diffé-rente de celle de leurs concurrents. Ils considèrent que s’ils ont des risques àprendre, c’est au niveau industriel ou commercial, pas au niveau financier.
Le choix d’une structure financière n’est pas absolu mais relatif : la vraie question estcomment se financer par rapport à la moyenne de son industrie, c’est-à-dire comment sefinancer par rapport à ses concurrents ?
Les études faites, le décideur sera alors éclairé et pourra prendre sa décisionen toute connaissance. Il se rappellera cependant que, statistiquement (et doncpour son portefeuille bien diversifié), ses rêves de multiplier sa richesse par unendettement judicieux constitueront le cauchemar de l’entreprise en difficulté.
La réussite financière de quelques-uns fait oublier l’échec d’entreprisesn’ayant pas survécu à cause d’un trop fort endettement.
Section 3Le choix de financement
et les critères comptables et financiers
Après les grandes idées que notre lecteur doit avoir à l’esprit, voici venu le tempsde la mise en œuvre d’un choix de structure financière dans un plan de finance-ment. À cet effet, nous lui suggérons de disposer des documents suivants :
• les états financiers passés : comptes de résultat, bilans économiques, tableauxde flux de trésorerie;
Chapitre 37 Choisir son financement 713
• les états prévisionnels et le plan de financement qui sont construits dans lamême forme que celle des tableaux de trésorerie passés : soit des prévisionsmoyennes, soit des simulations en fonction de plusieurs hypothèses, ce qui noussemble être la meilleure solution. Un modèle de simulation sera très utile pourétablir l’évolution probable de la structure financière de l’entreprise, de sa ren-tabilité, de ses conditions d’exploitation, etc., en fonction de différentes hypothè-ses. Cette recherche est largement facilitée par l’utilisation de tableurs et lasimulation d’hypothèses qui dynamisent l’analyse.
Enfin, pour être complet, l’analyste pourra disposer des ratios moyens parsecteur qu’il pourra se procurer dans différentes études sectorielles.
Il convient donc d’étudier les conséquences d’un choix de financement sur lerésultat courant après impôt. Ce critère classique ne suffit cependant pas lors-que le plan de financement prévoit un appel aux actionnaires qui implique unecréation d’actions. De là le passage au bénéfice par action (BPA) et aux capitauxpropres par action.
1/ Incidence sur le résultat
Toutes choses égales par ailleurs, l’endettement élève le point mort de l’entreprise.
Ceci est une évidence, dans la mesure où les frais financiers constituent unecharge fixe qu’il est impossible de réduire, sauf à déposer le bilan ou à renégocierles conditions du prêt. Considérons par exemple une entreprise dont les coûtsfixes s’élèvent à 40 et qui supporte des coûts variables de 0,5 par produit. Si leprix de vente est de 1, le point mort est alors de 80 unités. Si l’entreprise financeun investissement de 50 avec de la dette à 6 %, le point mort s’élève à 86 unités, carles coûts fixes ont augmenté de 3 (montant des frais financiers liés à l’emprunt).En revanche, si l’investissement est financé par capitaux propres, le point mortreste à 80 unités.
Le problème est d’autant plus délicat que les taux d’intérêt constituent unecharge fixe par rapport à l’activité de l’entreprise, mais sont indexés sur les tauxdu marché. Or, les taux s’élèvent le plus souvent lorsque l’activité générale seréduit (début de crise). Aussi est-il important de tester la sensibilité du résultatde l’entreprise à l’évolution des taux d’intérêt. Reprenons l’exemple précédent ensupposant que la dette soit à taux variable. Si le taux de l’emprunt est de 10 %, lepoint mort passe à 90 unités; si le taux s’élève à 15 %, le point mort passe alors à95 unités.
En période de difficultés économiques et de hausse des taux, les chargesfinancières de l’entreprise augmentent, élevant ainsi son point mort etaccroissant ses problèmes.
2/ Incidence sur la rentabilité comptable des capitaux propres
Pour une entreprise non endettée, le taux de rentabilité comptable des capitauxpropres est égal au taux de rentabilité de l’actif économique. Pour l’entreprise
714 Structure financière de l’entreprise
endettée, il faut y ajouter un supplément (parfois négatif) de rentabilité dûà l’effet de levier (différence entre la rentabilité de l’actif économique et lecoût de l’endettement, multipliée par le rapport dettes/capitaux propres, voirchapitre 15).
L’analyse de la rentabilité des capitaux propres doit donc distinguer la partdue à la rentabilité de l’actif économique de celle due à l’effet de levier. Toutefois,cette étude statique est insuffisante. Il est en effet nécessaire de déterminer lasensibilité de la rentabilité des capitaux propres à toute variation du levierfinancier, du coût de l’endettement, et de la rentabilité de l’actif économique.
3/ Incidence sur le bénéfice par action
L’endettement n’accroît le bénéfice net de l’entreprise et donc le bénéfice paraction que si le résultat après impôt dégagé par les investissements est supérieurau coût de la dette après impôts. Si tel n’était pas au minimum le cas, il faudraitrenoncer aux investissements envisagés. Nous retrouvons l’effet de levier. Tou-tefois, si l’investissement est particulièrement lourd, il se peut que, pendant unecertaine période, sa rentabilité soit inférieure au coût de la dette, cette situationne devant être que provisoire.
Pour étudier ces phénomènes, les entreprises ont l’habitude d’étudier l’évolu-tion du bénéfice par action par rapport au résultat d’exploitation.
Considérons ainsi l’exemple de cette société qui réalise en période 0 un inves-tissement de 200, devenant pleinement opérationnel en période 2, et financé parappel aux actionnaires (cas A) ou par endettement (cas E). La simulation des prin-cipaux paramètres de rentabilité de l’entreprise permet d’obtenir les résultatssuivants dans chacun des cas de figure :
En période 2, le bénéfice par action sera plus important si l’investissement aété financé par endettement. Dans le cas E, les frais financiers supportés dimi-nuent certes le BPA, mais moins que la dilution consécutive à l’augmentation decapital du cas A (voir chapitre 43).
Toutefois, cette conclusion ne peut être généralisée, comme l’illustre le gra-phique suivant, qui simule divers niveaux de BPA en fonction du résultatd’exploitation en période 2.
Période 0 Période 1 Période 2
Cas A Cas E Cas A Cas E
Résultat d’exploitation 300 300 300 370 370– Frais financiers à 6 % 0 0 12 0 12= Résultat courant avant impôt 300 300 288 370 358– IS à 35 % 105 105 101 130 125= Résultat net 195 195 187 242 233Nombre d’actions 100 120 100 120 100Bénéfice par action 1,95 1,62 1,87 1,85 2,33
Chapitre 37 Choisir son financement 715
Le lecteur pourra vérifier quesi le résultat d’exploitationest inférieur à 72, l’assertionprécédente s’inverse. Celaimplique toutefois un recultrès important de ce résultat(– 76 % par rapport à lapériode 0).
@ téléchargement
Mais attention ! Cette croissance plus forte du BPA en cas de financementpar endettement est purement arithmétique, elle n’est pas synonyme de créationde valeur plus forte. Elle est simplement due à l’effet de levier et trouve sacontrepartie dans un niveau de risque plus élevé pour l’actionnaire.
Un investissement financé par endettement accroît le BPA de l’année N si son taux derentabilité économique marginale de l’année N est supérieur au coût de la dette aprèsimpôt.
Un investissement financé l’année N par capitaux propres accroît le BPA de l’année N+1 sison taux de rentabilité économique marginale de l’année N+1 est supérieur à l’inverse duPER de l’année N.
4/ Incidence sur la solvabilité
L’endettement accroît le risque d’insolvabilité de l‘entreprise. Nous renvoyonsnotre lecteur au chapitre 16 où ceci a été développé.
5/ Incidence sur la liquidité
La liquidité de l’entreprise est son aptitude à faire face à ses échéances financiè-res dans le cadre de son activité courante, à trouver de nouvelles sources definancement, et à assurer ainsi à tout moment l’équilibre entre ses recettes et sesdépenses.
En cas de grave crise financière, les entreprises ne peuvent plus alors, quelleque soit leur qualité, trouver des moyens de financement nécessaires. C’est lekrach financier entraîné par une panique; il est impossible de se protéger contrece risque, heureusement tout à fait exceptionnel. Le risque de liquidité le plusfréquent intervient lorsque l’entreprise est en difficulté et qu’elle ne peut plus
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Résultat d’exploitation en période 2
BPA
par capitaux propres
par endettement
Bénéfice par action et modes de financement
716 Structure financière de l’entreprise
émettre de titres acceptés par le marché financier ou les institutions bancaires;les investisseurs ne lui font plus confiance quels que soient les projets proposés.
La liquidité est donc liée à la durée des ressources; elle s’analyse tant auniveau de la structure à court terme (financement à court terme), qu’au niveau dela capacité de remboursement des dettes à moyen et long termes. De là l’utilisa-tion des concepts et ratios classiques que nous avons vus : fonds de roulement,capitaux propres, endettement, actif circulant/dettes à court terme, etc.
Pour analyser le problème de liquidité, la simulation porte sur les flux detrésorerie disponibles. L’analyste devra alors simuler différents niveaux d’endet-tement et leurs modalités de remboursement, tester si les flux de trésorerie dis-ponibles sont suffisants pour assurer un remboursement normal des créditssans avoir besoin de les rééchelonner (ou pour la société de céder des actifs).C’est ici l’analyse que feront les agences de rating pour attribuer leur note et lesbanquiers commerciaux pour déterminer leur décision de prêter ou non à uneentreprise.
En particulier, si l’entreprise est particulièrement endettée, l’analyste réali-sera des scénarios-catastrophe pour déterminer à quel moment la situation deliquidité deviendra critique. L’analyste sera non plus focalisé sur le scénariomédian mais sur la volatilité possible des flux de trésorerie par rapport au scé-nario médian.
Chapitre 37 Choisir son financement 717
Résumé
@ téléchargementSi au niveau des marchés industriels, les fréquents déséquilibres laissent espérer la pos-sibilité de créer de la valeur par des investissements judicieux, il n’en va pas de mêmepour le choix d’une source de financement. Les marchés financiers sont le plus souvent àl’équilibre et toutes les sources de financement ont le même coût pour l’entreprise comptetenu de leur risque.
Le coût d’une source de financement qui permet d’acheter un actif est égal au taux derentabilité à exiger de cet actif, que celui-ci soit financé par endettement ou par capitauxpropres, et ce quelle que soit la nationalité de l’investisseur.
Dès lors, le choix d’une source de financement ne s’effectue pas sur la base de son coût(puisqu’elles ont toutes le même coût compte tenu de leur risque !). Au demeurant, il s’agitde ne pas confondre coût apparent et coût financier (le coût véritable d’une source definancement). La différence entre coût apparent et coût financier est faible pour l’endette-ment (évolution du taux d’endettement et du risque de défaut), plus forte pour l’action(perspectives de croissance), considérable pour l’autofinancement (coût explicite nul), dif-ficile à évaluer dans tous les produits hybrides. Enfin une source de financement n’est bonmarché que si, pour des raisons diverses, elle a été émise à une valeur supérieure à savaleur de marché.
Comme il n’existe pas de structure financière optimale, le choix entre dette et capitauxpropres va dépendre de plusieurs paramètres :
– la conjoncture macroéconomique : des taux d’intérêt réels (c’est-à-dire après infla-tion) élevés et une faible croissance de l’activité poussent les entreprises à sedésendetter. À l’inverse, une croissance forte et/ou des taux d’intérêt faibles aprèsinflation favorisent l’endettement;
– le souhait de garder une marge de flexibilité financière afin de pouvoir saisir très vited’éventuelles opportunités d’investissement. À cette aune, les capitaux propressont favorisés car ils créent une capacité d’endettement supplémentaire et n’obè-rent pas les choix futurs. À l’inverse, une saturation de la capacité d’endettementactuelle ne laissera à l’avenir comme source de financement que les capitaux pro-pres dont la disponibilité est liée à la bonne tenue des cours de Bourse. D’où unrisque;
– le niveau de maturité d’un secteur et la structure financière des concurrents. La start-up ne trouvera à se financer que par capitaux propres compte tenu de son risquespécifique élevé alors que l’entreprise bien établie, aux flux de trésorerie disponi-bles importants mais sans forte perspective de croissance, pourra largement sefinancer par endettement. Les entreprises d’un même secteur d’activité adoptentsouvent un certain mimétisme car il s’agit de ne pas faire plus de bêtises que levoisin !
– la position des actionnaires. Certains favorisent l’endettement pour éviter de se fairediluer par une augmentation de capital qu’ils ne pourraient pas suivre. D’autres pri-vilégient les capitaux propres pour ne pas augmenter leurs risques. Tout est affaired’aversion au risque et de volonté de contrôle !
– les opportunités de financement. Elles sont par définition imprévisibles et il est dif-ficile de bâtir une politique financière rigoureuse sur elles. Elles permettent de lever
718 Structure financière de l’entreprise
des fonds à un coût inférieur à leur coût normal, mais au détriment d’investisseursqui se sont leurrés.
Notre lecteur, qui réalisera des simulations des principaux paramètres financiers selonque l’entreprise s’endette ou se finance par capitaux propres, devra bien avoir conscienceque celles-ci montrent surtout les conséquences de l’effet de levier :
– élévation du point mort;– croissance accélérée du BPA;– amélioration de la rentabilité comptable des capitaux propres;– dégradation de la solvabilité;– impact sur la liquidité en fonction de la durée de l’endettement.
Questions
@ quiz 1/ Un bon plan de financement peut-il rattraper un investissement médiocre ?
2/ De quelle maladie est atteint l’investisseur qui confond le taux facial de l’obligation convertible avec son coût financier ?
3/ On exige d’un actif économique un taux de rentabilité de 17 %. Celui-ci est financé intégralement par capitaux propres. Quel est alors le taux de rentabilité exigé par les actionnaires ? Si l’actif est maintenant intégralement financé par endettement, quel est le taux de rentabilité exigé par les prêteurs ?
4/ Quelle est la source de financement pour laquelle l’écart entre coût financier et coût apparent est le plus grand ?
5/ Conseilleriez-vous à une start-up de se financer par endettement ? Si oui, le pourrait-elle ?
6/ Existe-t-il une structure financière optimale ?
7/ Dans un plan de financement les capitaux propres ont deux rôles. Quels sont-ils ?
8/ Un bon de souscription gratuit est distribué à tous les actionnaires dans la proportion d’un pour une. La valeur de ce bon est b. Quelle est la valeur de l’action après détachement de ce bon, toutes choses égales par ailleurs ?
9/ Si l’actionnaire vend ce bon, que vend-il en définitive ?
10/ Quelle différence y a-t-il entre une forte distribution de dividendes et une réduction de capital d’un même montant pour l’entreprise ? pour les actionnaires ?
11/ Quel est l’article fondamental dans le domaine de la structure financière ?
12/ En définitive, la ressource la moins chère n’est-elle pas le court terme ?
13/ Comment concilier ces deux affirmations :
– « On ne peut faire fortune qu’en s’endettant »,
– « L’endettement ne crée pas de valeur » ?
14/ Une société avec beaucoup d’opportunités de croissance aura-t-elle tendance à émettre de la dette à court, moyen terme ou à long terme ? Pourquoi ?
15/ Donner deux exemples de profits d’inflation. Dans quelles conditions peuvent-ils s’observer ?
Chapitre 37 Choisir son financement 719
16/ Si l’on croit que la flexibilité financière est la préoccupation première du directeur financier, une entreprise sature-t-elle sa capacité d’endettement ?
17/ Une entreprise a-t-elle durablement vocation à être financée par capitaux propres ?
18/ Pourquoi les start-up font-elles plusieurs tours de financement avant d’atteindre la maturité ? Ne pourraient-elles pas en faire qu’un seul plus important ?
19/ Un entrepreneur opportuniste dans ses choix de financement peut-il avoir une stratégie indus-trielle sur la durée ?
20/Pourquoi dans les années 1980-1998 les entreprises européennes se sont-elles beaucoup désendettées ? Pourquoi ont-elles arrêté de le faire sur la période 1999-2002 ?
Exercice
Une société envisage l’investissement suivant :
qui peut être financé :
– par capitaux propres :
– ou par endettement :
Si le coût de capital est de 10 %, le taux de rentabilité exigé par l’actionnaire de 12 %, et le coût de l’endettement de 5 %, pensez-vous que cet investissement doit plutôt être financé par capitaux propres ou endettement ? N’y a-t-il pas une autre question à se poser préalablement ?
Éléments
de réponse
Questions
1. Non, car il est très difficile de créer de la valeur au niveau du plan de financement.2. La myopie ! car il oublie que le détenteur des obligations convertibles attend une progression du
cours de l’action pour pouvoir convertir.
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Flux – 100 – 10 0 0 10 150
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Dettes/Capitaux propres 30 % 22 % 22 % 22 % 22 % 22 %
BPA 10 8,25 9,1 10,3 11,8 13,6
Taux de croissance du BPA – 17,5 % + 10 % + 13 % + 15 % + 15 %
Rentabilité des capitaux propres 15 % 11 % 11 % 11,4 % 11,6 % 12 %
Année 0 1 2 3 4 5
Dettes/Capitaux propres 30 % 67 % 67 % 67 % 67 % 67 %
BPA 10 9,3 10,4 12 14,1 16,5
Taux de croissance du BPA – 7 % + 12 % + 15 % + 17 % + 17 % + 17 %
Rentabilité des capitaux propres 15 % 14 % 17 % 18 % 21 % 22 %
720 Structure financière de l’entreprise
3. 17 %, 17 %.4. L’autofinancement.5. Non, car cela est beaucoup trop risqué pour elle : certitudes de flux à rembourser avec des flux de
recettes très incertains. Non, vraisemblable.6. Non !7. Assurer une partie du financement et renforcer la garantie des prêteurs.8. Valeur de l’action diminuée de b. Il n’est donc pas gratuit.9. Un partage de la valeur au-delà du prix d’exercice, une valeur temps bien sûr.10. Pour l’entreprise, a priori, aucune. Pour l’actionnaire, la liberté individuelle de recevoir ou de ne
pas recevoir les fonds dans la réduction de capital, alors que tous les actionnaires reçoivent le dividende.
11. Celui de Modigliani-Miller (1958).12. Non, non et non !13. « On ne peut faire fortune qu’en s’endettant », cette phrase s’applique à un investisseur ayant un
portefeuille mal diversifié : c’est tout ou rien pour celui qui s’endette. « L’endettement ne crée pas de valeur » s’applique à un portefeuille parfaitement diversifié.
14. À court terme afin de pouvoir la refinancer à de meilleures conditions au fur et à mesure que les opportunités de croissance deviennent des investissements rentables.
15. Profit sur stocks et profit d’opportunité sur un investissement réalisé plus tôt que prévu. À condi-tion que le taux d’inflation soit supérieur au taux d’intérêt.
16. Non car le directeur financier voudra toujours garder une marge de manœuvre au cas où…17. Non, moins elle devient risquée, plus elle peut être financée par dettes.18. Pour profiter d’une valorisation qui s’accroît entre chaque tour de financement. Non car les inves-
tisseurs veulent être sûrs que le plan d’affaires est tenu entre chaque levée de fonds.19. Non car une stratégie industrielle ne peut pas attendre l’arrivée éventuelle d’opportunités.20. Forts taux d’intérêt réels, faibles investissements. Car il n’est plus possible de se désendetter
quand la quasi-totalité de la dette a déjà été remboursée ! Par ailleurs, de nouvelles opportunités d’investissement apparaissent.
Exercice
Le TRI de l’investissement est de 8 %, soit moins que le coût du capital. Il ne doit donc pas être réalisé. La question du financement n’a donc pas d’intérêt.
Bibliographie
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Chapitre 37 Choisir son financement 721
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ConclusionCinquante ans de recherches
en finance d’entreprise
En guise de conclusion à ce titre consacré à la structure financière, nous présen-tons en un seul tableau les différentes pensées en matière de finance d’entre-prise. Que le lecteur ne se trompe pas. Il y a la préhistoire avant 1958, puisl’histoire de la finance d’entreprise à partir du fameux article de Modigliani-Miller.
724 Structure financière de l’entreprise
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