chapitre 6 formule d’itoˆ et applications64 chapitre 6. formule d’itoˆ et applications 2....
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Chapitre 6
Formule d’Ito et applications
On demontre la formule d’Ito, et presente plusieurs applications profondes en ce qui
concerne : (a) semimartingales exponentielles ; (b) caracterisation de Levy du mouvement
brownien ; (c) theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz pour les martingales locales contin-
ues ; (d) inegalites de Burkholder–Davis–Gundy ; (e) representation des martingales d’une
filtration brownienne ; (f) theoreme de Girsanov pour le changement de probabilites.
Durant tout le chapitre, on se place dans un espace de probabilite filtre (⌦,F , (Ft),P)
dont la filtration est continue a droite et complete, sauf en Section 7 ou l’on prend la filtration
canonique d’un mouvement brownien.
1. Formule d’Ito
La formule d’Ito nous dit qu’une fonction de classe C2 d’un nombre quelconque de semi-
martingales continues est encore une semimartingale continue, et exprime explicitement la
decomposition de cette semimartingale.
Theoreme 1.1. (Formule d’Ito). (i) (Cas unidimensionnel). Soit X une semimartingale
continue, et soit f : R ! R une fonction de classe C2. Alors
f(Xt) = f(X0) +
Zt
0
f0(Xs) dXs +
1
2
Zt
0
f00(Xs) dhXis .
(ii) (Cas multidimensionnel). Soient X1, . . ., XN des semimartingales continues, et soit
F : RN! R une fonction de classe C
2. Alors
F (Xt) = F (X0) +NX
i=1
Zt
0
@F
@xi(Xs) dX
i
s+
1
2
NX
i,j=1
Zt
0
@2F
@xi@xj(Xs) dhX
i, X
jis ,
61
62 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
ou Xt := (X1
t, . . . , X
N
t), 8 t � 0.
Preuve. (i) Fixons t > 0. Soit 0 = tn
0< t
n
1< · · · < t
n
pn= t une suite de subdivisions de
[0, t] dont le pas tend vers 0. On a f(Xt) = f(X0) +P
pn�1
i=0[f(Xt
ni+1
) � f(Xtni)]. D’apres la
formule de Taylor,
f(Xtni+1
)� f(Xtni) = f
0(Xtni) (Xt
ni+1
�Xtni) +
1
2gn,i(!) (Xt
ni+1
�Xtni)2,
ou gn,i est tel que
infx2In,i
f00(x) gn,i sup
x2In,i
f00(x),
et In,i := [Xtni, Xt
ni+1
] ou [Xtni+1
, Xtni] selon que Xt
niest inferieur ou superieur a Xt
ni+1
. (Il est
a noter que gn,i est bien mesurable.)
La proposition 2.5 du chapitre 5 nous dit que
limn!1
pn�1X
i=0
f0(Xt
ni) (Xt
ni+1
�Xtni) =
Zt
0
f0(Xs) dXs, en probabilite.
D’autre part, rappelons (voir TD du chapitre 4) que si H est un processus continu adapte,
alorsP
pn�1
i=0Ht
ni(Xt
ni+1
� Xtni)2 !
Rt
0Hs dhXis en probabilite. Comme max0i<pn |gn,i �
f00(Xt
ni)| ! 0 p.s. (continuite uniforme des trajectoires sur un compact), et
Ppn�1
i=0(Xt
ni+1
�
Xtni)2 converge en probabilite (vers hXit), on a
limn!1
pn�1X
i=0
gn,i(Xtni+1
�Xtni)2 =
Zt
0
f00(Xs) dhXis, en probabilite.
Par consequent, pour tout t, f(Xt) = f(X0) +R
t
0f0(Xs) dXs +
1
2f00(Xs) dhXis, p.s. La
continuite des processus nous confirme la formule d’Ito dans le cas N = 1.
(ii) Dans le cas ou N est quelconque, la formule de Taylor donne
F (Xtni+1
)� F (Xtni) =
NX
k=1
@F
@xk(Xt
ni) (Xk
tni+1
�Xk
tni)
+1
2
NX
k,`=1
gk,`
n,i(Xk
tni+1
�Xk
tni)(X`
tni+1
�X`
tni),
avec
infx2In,i
@2F
@xk@x`(x) g
k,`
n,i sup
x2In,i
@2F
@xk@x`(x),
ou In,i := [X1
tni, X
1
tni+1
] ⇥ · · · ⇥ [XN
tni, X
N
tni+1
] (bien sur, il faut remplacer [Xk
tni, X
k
tni+1
] par
[Xk
tni+1
, Xk
tni] si Xk
tni> X
k
tni+1
). On utilise le meme argument pour conclure.
§1 Formule d’Ito 63
Remarque 1.2. (i) En prenant F (x, y) = xy dans la formule d’Ito, on retrouve la formule
d’integration par parties.
(ii) Il est clair que dans la preuve du theoreme precedent, on n’a pas besoin que F soit
C2 sur tout R
N . En e↵et, la formule d’Ito reste valable si (Xt) prend p.s. ses valeurs dans
un domaine ouvert convexe D ⇢ RN et si F : D ! R est de classe C
2.
(iii) Si X1, . . ., Xk sont des processus continus adaptes a variation finie et si Xk+1,
. . ., XN sont des semimartingales continues, alors la formule d’Ito reste valable pour F :
Rk⇥ R
N�k! R de classes C1,1,...,1,2,2,...,2.
(iv) On ecrira de temps en temps la formule d’Ito sous sa forme di↵erentielle
df(Xt) = f0(Xt) dXt +
1
2f00(Xt) dhXit. tu
Exemple 1.3. (Mouvement brownien multidimensionnel). Soit n � 1 un entier. Un
processus (Bt = (B(1)
t , . . . , B(n)
t ), t � 0) issu de 0 est un (Ft)-mouvement brownien a valeurs
dans Rd si B(1), . . ., B(n) sont des (Ft)-mouvements browniens independants. La plupart
des proprietes du mouvement brownien que l’on a etudiees jusqu’a maintenant peuvent etre
etendues en dimension quelconque. En particulier, la propriete de Markov forte reste vraie,
avec exactement la meme demonstration.
Lorsque n = 1, la formule d’Ito nous dit que pour f : R ! R de classe C2,
f(Bt) = f(0) +
Zt
0
f0(Bs) dBs +
1
2
Zt
0
f00(Bs) ds.
En prenant X1
t= t et X2
t= Bt, on a aussi pour toute fonction F : R
2! R de classe C
1,2,
F (t, Bt) = F (0, 0) +
Zt
0
@F
@x(s, Bs) dBs +
Zt
0
⇣@F
@t+
1
2
@2F
@x2
⌘(s, Bs) ds.
En particulier, si @F
@t+ 1
2
@2F
@x2 = 0, alors F (t, Bt) est une martingale locale. Ceci est le
cas par exemple pour F1(t, x) := x, F2(t, x) := x2� t ou F3(t, x) := x
3� 3tx. Plus
generalement, si Hm(x) := (�1)m ex2/2 d
dx(e�x
2/2) et Hm(x, t) := t
m/2Hm(
x
t1/2) (polynomes
d’Hermite “modifies”).
Pour n quelconque, comme hBi, B
ji = 0 (i 6= j ; rappelons que deux martingales locales
continues independantes sont necessairement orthogonales), la formule d’Ito confirme que
pour toute fonction F : Rn! R de classe C
2,
F (Bt) = F (B0) +nX
i=1
Zt
0
@F
@xi(Bs) dB
i
s+
1
2
Zt
0
�F (Bs) ds.
On a une formule analogue pour F (t, Bt).
64 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
2. Semimartingales exponentielles
Notre premiere application de la formule d’Ito porte sur l’etude des semimartingales
exponentielles.
Theoreme 2.1. Soit X une semimartingale continue. Il existe une unique semimartingale
continue Z telle que
(2.1) Zt = eX0 +
Zt
0
Zs dXs.
Cette unique solution est Z = E (X), ou
(2.2) E (X)t := exp⇣Xt �
1
2hXit
⌘.
Remarque 2.2. Comme pour la formule d’Ito, on ecrit souvent l’equation (2.1) sous sa
forme di↵erentielle (avec la condition initiale Z0 = eX0)
dZt = Zt dXt. tu
Preuve. Soit E (X) le processus defini dans (2.2). Par la formule d’Ito,
dE (X)t = E (X)t dXt �1
2E (X)t dhXit +
1
2E (X)t dhXit = E (X)t dXt.
Comme E (X)0 = eX0 , on voit que E (X) est une solution de (2.1).
Pour montrer l’unicite, on pose Yt := exp(�Xt+1
2hXit). Par la formule d’Ito, Y est une
semimartingale continue telle que
dYt = �Yt dXt +1
2Yt dhXit +
1
2Yt dhXit = �Yt dXt + Yt dhXit.
D’autre part, soit Z une semimartingale continue verifiant (2.1), alors par la formule d’inte-
gration par parties (qui est en fait un cas special de la formule d’Ito),
d(YtZt) = Yt dZt + Zt dYt + dhY, Zit
= YtZt dXt � ZtYt dXt + ZtYt dhXit � YtZt dhXit
= 0.
Donc YtZt = Y0Z0 = 1 ; autrement dit, Zt =1
Yt= E (X)t.
§2 Semimartingales exponentielles 65
Remarque 2.3. La preuve du theoreme precedent a ete ecrite sous forme di↵erentielle. On
remarque que ce qui justifie le passage du genre dYt = �Yt dXt + Yt dhXit ) Zt dYt =
�ZtYt dXt + ZtYt dhXit est l’associativite de l’integrale stochastique et de l’integrale de
Lebesgue.
On dit qu’un processus a valeurs dans C est une martingale locale continue si sa partie
reelle et sa partie imaginaire sont des martingales locales continues.
Proposition 2.4. Si M est une martingale locale continue, et si � 2 C, alors
E (�M)t := exp⇣�Mt �
�2
2hMit
⌘,
est une martingale locale continue.
Preuve. Voir TD.
Lorsque M est une martingale locale continue et � 2 C, E (�M) est appelee la martingale
locale exponentielle associee a M . Si M0 = 1 et � = 1, la martingale locale positive E (M)
est une surmartingale (proposition 2.3 du chapitre 4). Le lemme de Fatou permet de voir
que E[E (M)1] 1. En section 8, il sera tres important de savoir si E[E (M)1] = 1. [Si tel
est le cas, E (M) est une martingale uniformement integrable (voir TD du chapitre 3). ] Le
theoreme suivant, du a Novikov et Kazamaki, donne des conditions su�santes.
Theoreme 2.5. Soit L une martingale locale continue, nulle en 0. Alors (i) ) (ii) ) (iii) :
(i) (Novikov) E[e12 hLi1 ] < 1 ;
(ii) (Kazamaki) L est une martingale uniformement integrable, et E[e12 L1 ] < 1 ;
(iii) E[E (L)1] = 1 (donc E (L) est une martingale uniformement integrable).
Preuve. (i) ) (ii) Supposons E[e12 hLi1 ] < 1. Donc E(hLi1) < 1. Ceci implique que L est
une martingale continue satisfaisant E(supt�0
L2
t) < 1 ; en particulier, L est uniformement
integrable. On ecrit e12L1 =
pE (L)1
pe
12 hLi1 . Il resulte de l’inegalite de Cauchy–Schwarz
que
E[ e12L1 ]
pE[E (L)1]
qE[ e
12 hLi1 ].
Par le lemme de Fatou, E[E (L)1] 1. D’autre part, E[e12 hLi1 ] < 1. D’ou E[e
12L1 ] < 1.
66 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
(ii) ) (iii) On suppose maintenant que L est une martingale uniformement integrable
telle que E[e12L1 ] < 1. Dans ce cas, pour tout temps d’arret T , LT = E[L1 |FT ], et par
l’inegalite de Jensen (version conditionnelle),
e12 LT = e
12E[L1 |FT ]
E[ e12L1 |FT ].
Donc la famille de variables {e12LT , T temps d’arret} est uniformement integrable.
Soit maintenant a 2 ]0, 1[ , et soit Zt := ea
1+aLt . Alors
E (aL)t = eaLt�a2
2 hLit = ea2Lt�a2
2 hLit ea(1�a)Lt = [E (L)t]a2[Zt]
1�a2.
Soit T un temps d’arret, et soit A 2 F . Par l’inegalite de Holder, ceci implique que
E[1A E (aL)T ] {E[E (L)T ]}a2{E[1AZT ]}
1�a2.
L’inegalite de Jensen nous donne {E[1AZT ]}1�a2 {E[1AZ
(1+a)/(2a)
T]}2a(1�a) (car 1+a
2a> 1)
qui vaut {E[1Ae12 LT ]}2a(1�a). On arrive donc a
(2.3) E[1A E (aL)T ] {E[E (L)T ]}a2{E[1A e
12 LT ]}2a(1�a)
.
Puisque E (L)T est une surmartingale positive, E (L)T = limt!1 E (L)t^T existe, et par le
lemme de Fatou, E[E (L)T ] 1. Par consequent, E[1A E (aL)T ] {E[1A e12 LT ]}2a(1�a).
Comme {e12 LT , T temps d’arret} est uniformement integrable, c’est egalement le cas1 pour
{E (aL)T , T temps d’arret}.
Une martingale locale continue M est une martingale uniformement integrable si et seule-
ment si (MT 1{T<1}, T temps d’arret) est uniformement integrable (voir TD du chapitre 4).
Donc E (aL) est une martingale uniformement integrable. En particulier, E[E (aL)1] = 1.
Par (2.3) (avec T = 1 et A = ⌦), 1 = E[E (aL)1] {E[E (L)1]}a2{E[e
12 L1 ]}2a(1�a). Par
hypothese, E[e12 L1 ] est finie. En faisant a ! 1, on obtient alors E[E (L)1] � 1, et donc
necessairement E[E (L)1] = 1 (lemme de Fatou).
3. Caracterisation de Levy du mouvement brownien
On sait que si (X1, . . . , X
n) est un (Ft)-mouvement brownien a valeurs dans Rn, alors
hXi, X
jit = 1{i=j} t. Le theoreme suivant, du a Paul Levy, nous dit que la reciproque
est egalement vraie, ce qui fournit une caracterisation importante et simple du mouvement
brownien.
1Rappel (voir TD feuille #0) : Une famille de variables aleatoires reelles (⇠↵, ↵ 2 A) est uniformement
integrable si et seulement si sup↵2A E[ |⇠↵| ] < 1 et 8 " > 0, 9 � > 0, P(B) � ) sup↵2A E[ |⇠↵|1B ] ".
§3 Caracterisation de Levy du mouvement brownien 67
Theoreme 3.1. (Levy). Soient M1, . . ., Mn des martingales locales continues nulles en 0
telles que
hMi, M
jit = 1{i=j} t.
Alors (M1, . . . ,M
n) est un (Ft)-mouvement brownien a valeurs dans Rn.
En particulier, si M est une martingale locale continue nulle en 0 telle que hMit = t,
alors M est un (Ft)-mouvement brownien.
Preuve. Fixons ⇠ = (⇠1, . . . , ⇠n) 2 Rn, et soit Nt := ⇠ · Mt =
Pn
j=1⇠jM
j
t . Il s’agit d’une
martingale locale continue telle que
hNit =nX
j=1
nX
k=1
⇠j⇠khMj, M
kit =
nX
j=1
⇠2
jt = |⇠|
2t ,
ou |⇠| designe le module euclidien de ⇠. D’apres la proposition 2.4, E (iN)t = exp[i(⇠ ·Mt) +|⇠|22t] est une martingale locale (a valeurs dans C). Pour tout t > 0, sup
s2[0,t] |E (iN)t|
exp[ |⇠|2
2t] qui est integrable. Par la proposition 2.3 du chapitre 4, E (iN) est une (vraie)
martingale. En particulier, pour s < t, E[Nt |Fs] = Ns, et donc
E
hei(⇠·(Mt�Ms))
���Fs
i= exp
⇣�
|⇠|2
2(t� s)
⌘.
Soit A 2 Fs. Alors
E
h1A ei(⇠·(Mt�Ms))
i= P(A) exp
⇣�
|⇠|2
2(t� s)
⌘.
En prenant A = ⌦, on voit que Mt � Ms est un vecteur gaussien centre de covariance
(t� s)Id. De plus, fixons A 2 Fs tel que P(A) > 0, et notons PA(·) := P( · |A) la probabilite
conditionnelle sachant A. Soit EA l’esperance associee a PA. On voit que
EA
hei(⇠·(Mt�Ms))
i= exp
⇣�
|⇠|2
2(t� s)
⌘,
ce qui signifie que la loi conditionnelle deMt�Ms sachant A est aussi celle du vecteur gaussien
centre de covariance (t� s)Id. Donc pour toute fonction mesurable bornee f : Rn! R, on
a EA[f(Mt �Ms)] = E[f(Mt �Ms)] ; soit encore
E[1A f(Mt �Ms)] = P(A)E[f(Mt �Ms)].
Ceci etant vrai pour tout A 2 Fs, on deduit que Mt �Ms est independante de Fs.
68 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
Finalement, si 0 = t0 < t1 < · · · < tp, alors (Mk
ti�M
k
ti�1, 1 i p, 1 k n) est un
vecteur gaussien car obtenu en regroupant p vecteurs gaussiens independants. Les n vecteurs
aleatoires (Mk
ti�M
k
ti�1, 1 i p), pour 1 k n, sont independants, car orthogonaux (la
matrice de covariances etant diagonale). Ceci implique l’independance des processusM1, . . .,
Mn, qui sont des mouvements browniens et (Ft)-adaptes, et compte tenu de l’independance
entre Mt �Ms et Fs, on conclut que (M1, . . . ,M
n) est un (Ft)-mouvement brownien.
Exemple 3.2. Soit B un (Ft)-mouvement brownien, et soit �t :=R
t
0sgn(Bs) dBs, ou
sgn(x) := 1{x>0} � 1{x0} (donc sgn(0) = �1).
Comme sgn(Bs) est un processus progressif et localement borne, �t est bien defini, et est
une martingale locale continue. De plus, h�it =R
t
0(sgn(Bs))2 ds = t. D’apres le theoreme de
Levy, � est un (Ft)-mouvement brownien.
[Meme si cela depasse le cadre de notre cours, il est, en fait, possible de demontrer
que la filtration canonique F� du mouvement brownien � est identique a F
|B| (celle du
“mouvement brownien reflechi” |B|) ; elle est donc une sous-filtration stricte de FB (celle
de B).]
Exemple 3.3. Soit (X, Y ) un mouvement brownien a valeurs dans R2, issu de (0, 0), et soit
✓ 2 R. On pose
X✓
t:= Xt cos ✓ � Yt sin ✓, Y
✓
t:= Xt sin ✓ + Yt cos ✓, t � 0.
Alors (X✓, Y
✓) est de nouveau un mouvement brownien a valeurs dans R2. En e↵et, X✓ et
Y✓ sont des martingales telles que hX
✓it = t = hY
✓it et hX✓
, Y✓it = 0. Le resultat decoule
alors du theoreme de Levy.
Plus generalement, si B est un mouvement brownien a valeurs dans Rn, et A est une
matrice orthogonale n⇥ n, alors AB := (ABt, t � 0) est un mouvement brownien a valeurs
dans Rn.
4. Theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz
Le theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz nous dit que toute martingale locale continue
peut s’ecrire comme mouvement brownien “change de temps”.
Theoreme 4.1. (Dambis–Dubins–Schwarz). Soit M une martingale locale continue
telle que M0 = 0. Il existe alors un mouvement brownien B tel que
Mt = BhMit .
§4 Theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz 69
Preuve. On prouve le theoreme sous la condition supplementaire que hMi1 = 1 p.s.2 Pour
tout r � 0, on definit le temps d’arret
⌧r := inf{t � 0 : hMit > r}.
L’hypothese que hMi1 = 1 p.s. assure que p.s., ⌧r < 1 pour tout r. De plus, on voit
facilement que la fonction r 7! ⌧r est croissante et cadlag, avec
⌧r� := lims""r
⌧s = inf{t � 0 : hMit � r},
si r > 0 (il convient de faire un dessin ici). On pose
Br := M⌧r , r � 0.
Le processus B ainsi defini est adapte par rapport a la filtration Gr := F⌧r (rappelons que
HT 1{T<1} est FT -mesurable si H est progressif et T est un temps d’arret, voir le theoreme
2.5 du chapitre 3). On remarque aussi que la nouvelle filtration (Gr) est continue a droite et
complete, car si (Tn) est une suite de temps d’arret qui decroıt vers T et si (Ft) est continue
a droite, alors FT =T
nFTn (voir la proposition 2.3 (iii) du chapitre 3 ; rappelons que la
filtration (Ft) est continue a droite).
On montre maintenant que B est un processus continu. Il est clair qu’il est cadlag, car
M est continue et r 7! ⌧r est cadlag. Si l’on note Br� := lims""r Bs, alors Br� = M⌧r� . Donc
dire que Br 6= Br� equivaut a dire que ⌧r� < ⌧r et M⌧r� 6= M⌧r . Or, hMi⌧r� = r = hMi⌧r , on
a necessairement M⌧r� = M⌧r (car p.s. M et hMi ont les memes intervalles de constance ;
voir TD du chapitre 4). Par consequent, les trajectoires de B sont p.s. continues.
On verifie ensuite que (Bt, t � 0) et (B2
t� t, t � 0) sont des martingales par rapport a
la filtration (Gr). Soient t > s. Prenons n tel que n � t > s. Comme hM⌧ni1 = hMi⌧n = n,
M⌧n et (M ⌧n)2 � hM
⌧ni sont des martingales continues uniformement integrables. Par le
theoreme d’arret,
E[Bt |Gs ] = E[M ⌧n⌧t
|F⌧s ] = M⌧n⌧s
= Bs,
et
E[B2
t� t |Gs ] = E[ (M ⌧n
⌧t)2 � hM
⌧ni⌧t |F⌧s ] = (M ⌧n⌧s)2 � hM
⌧ni⌧s = B2
s� s.
2Strictement parlant, pour que l’enonce du theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz soit tout a fait
rigoureux, il faut “elargir l’espace de probabilite”. On ne decrit pas cette procedure de l’elargissement
d’espace ici, car cela n’aura aucune influence sur les proprietes des martingales locales continues qui nous
interessent. Pour plus de details, voir par exemple le chapitre V du livre de Revuz et Yor (1999).
70 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
En particulier, B est une (Gr)-martingale continue telle que hBit = t. D’apres le theoreme
de Levy, B est un (Gr)-mouvement brownien.
Par definition de B, on a p.s. pour tout t, BhMit = M⌧hMit. Comme hMi est constant sur
l’intervalle [t, ⌧hMit ] (et vaut hMit sur cet intervalle), de nouveau grace au fait que p.s. M
et hMi ont les memes intervalles de constance, on a Mt = M⌧hMit, et donc BhMit = Mt.
Remarque 4.2. Dans le theoreme 4.1, le mouvement brownien B n’est pas adapte par
rapport a la filtration (Ft), mais par rapport a la filtration “changee de temps” (F⌧t).
Theoreme 4.3. (Knight). Soient M1, . . ., Mn des martingales locales continues nulles en
0. Si hM i, M
ji = 0, 8 i 6= j, alors il existe un mouvement brownien B a valeurs dans R
n
tel que pour tout i,
Mi
t= B
i
hM iit .
Preuve. Voir le chapitre V du livre de Revuz et Yor (1999).
Remarque 4.4. Dans le theoreme de Knight, on sait a priori par Dambis–Dubins–Schwarz
que pour chaque i, il existe un mouvement brownien unidimensionnel Bi tel queM i
t= B
i
hM iit .
Le theoreme de Knight consiste donc a dire que ces mouvements browniens B1, . . ., Bn sont
independants.
Exemple 4.5. Soit M une martingale locale continue, nulle en 0. Alors
(i) P [ limt!1 |Mt| = 1] = 0.
(ii) {limt!1 Mt existe (finie)} = {suptMt < 1 ou inft Mt > �1} = {hMi1 < 1}.
(iii) {hMi1 = 1} = {lim supt!1 Mt = 1, lim inft!1 Mt = �1}.
Preuve. (iii) Soit B un mouvement brownien tel que Mt = BhMit .
Puisque lim supt!1 Bt = 1 p.s. et lim inft!1 Bt = �1 p.s., on a {hMi1 = 1} ⇢
{lim supt!1 Mt = 1, lim inft!1 Mt = �1} p.s.
Reciproquement, si ! 2 {lim supt!1 Mt = 1, lim inft!1 Mt = �1}, alors hMi1 ne
peut etre fini, car sinon d’apres l’identite Mt = BhMit , limt!1 Mt existerait (finie ; elle
vaudrait BhMi1).
(ii) La negation de (iii) donne immediatement la seconde egalite. On a aussi prouve dans
(iii) que {hMi1 < 1} ⇢ {limt!1 Mt existe (finie)}.
Enfin, si ! 2 {limt!1 Mt existe (finie)}, alors on a trivialement suptMt < 1, et
inft Mt > �1.
(i) Sur {hMi1 = 1}, on a d’apres (iii), lim inft!1 |Mt| = 0, car t 7! Mt est continue.
D’autre part, si ! 2 {hMi1 < 1}, alors d’apres (ii), Mt converge.
§5 Exemple : Mouvement brownien multidimensionnel 71
5. Exemple : Mouvement brownien multidimensionnel
Dans cette section, on etudie, a l’aide de la formule d’Ito, quelques proprietes du mouve-
ment brownien multidimensionnel.
Exemple 5.1. (Points polaires du mouvement brownien plan). Soit (�, �) un mou-
vement brownien a valeurs dans R2, issu de (0, 0). On considere
Mt := e�t cos(�t), Nt := e�t sin(�t).
Par la formule d’Ito (remarquons que h�, �i = 0),
dMt = e�t cos(�t) d�t � e�t sin(�t) d�t +1
2e�t cos(�t) dt�
1
2e�t cos(�t) dt
= e�t cos(�t) d�t � e�t sin(�t) d�t.
Donc M est une martingale locale. De meme, N en est une, car dNt = e�t sin(�t) d�t +
e�t cos(�t) d�t.
Remarquons que dhMit = e2�t cos2(�t) dt+ e2�t sin2(�t) dt = e2�t dt = dhNit. D’ou
hMit = hNit =
Zt
0
e2�s ds.
On montre maintenant que hMi1 = hNi1 = 1 p.s. En e↵et, si ! 2 {hMi1 < 1}, alors
d’apres l’exemple 4.5, limt!1 Mt et limt!1 Nt existent et sont finies, ainsi que limt!1(M2
t+
N2
t). Or, M2
t+ N
2
t= e2�t qui ne peut avoir une limite quand t ! 1, ce qui montre que
hMi1 = 1 p.s. [Alternativement, on peut demontrer cette identite a l’aide de la propriete
de Markov forte, voir TD du chapitre 2.]
On s’interesse ensuite a hM, Ni. Comme
dhM, Nit = (e�t cos(�t))(e�t sin(�t)) dt� (e�t sin(�t))(e
�t cos(�t)) dt = 0,
et donc hM, Ni = 0, le theoreme de Knight nous dit qu’il existe un mouvement brownien
B a valeurs dans R2, tel que (remarquons que M0 = 1 et N0 = 0)
(Mt � 1, Nt) = BhMit ,
ou alors (Mt, Nt) = BhMit + (1, 0). Comme le module euclidien |(Mt, Nt)| = e�t ne s’annule
jamais, on conclut que BhMit ne visite jamais le point (�1, 0). Vu que t 7! hMit est continue,
et hMi1 = 1, on a demontre que le mouvement brownien B ne visite jamais le point (�1, 0).
72 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
Par rotation et scaling, pour tout a 2 R2\{0} fixe, avec probabilite 1, B ne visite jamais
le point a. Pour le cas a = 0, on a, par la propriete de Markov,
P[ 9 t > 0, Bt = 0 ] = limn!1
P[ 9 t �1
n, Bt = 0 ] = 0.
En conclusion, pour tout a 2 R2, P(9 t > 0, Bt = a) = 0. On dit que les points sont
polaires pour le mouvement brownien B.
A fortiori, si B est un mouvement brownien a valeurs dans Rn (n � 2), alors pour tout
a 2 Rn, P(9 t > 0, Bt = a) = 0.
Exemple 5.2. (Mouvement brownien dans l’espace). Soit B un mouvement brownien
a valeurs dans Rn, avec n � 3. On a limt!1 |Bt| = 1 p.s., et on dit que B est transient.
Il su�t de demontrer la transience pour n = 3, et on suppose sans perte de generalite
que B0 = a 6= 0. Considerons la semimartingale continue Xt := |Bt|2. Par la formule d’Ito,
Xt = X0 + 2P
3
i=1
Rt
0B
i
sdBi
s+ 3t. Comme X est p.s. a valeurs dans R⇤
+, on peut appliquer
la formule d’Ito a la fonction f : R⇤+! R definie par f(x) := x
�1/2 :
1pXt
=1
pX0
�1
2
Zt
0
1
X3/2
s
dXs +3
8
Zt
0
1
X5/2
s
dhXis
= martingale locale continue�3
2
Zt
0
1
X3/2
s
ds+3
2
Zt
0
1
X3/2
s
ds
= martingale locale continue.
Autrement dit, 1
|B| est une martingale locale continue, positive, issue de 1
|a| . D’apres la
proposition 2.3 du chapitre 4, 1
|B| est une surmartingale. On sait (corollaire 5.2 du chapitre
3) qu’une surmartingale positive et continue a droite admet toujours une limite finie p.s. :1
|Bt| ! ⇠ (disons).
Or, en considerant une seule composante de Bt, on sait que lim supt!1 |Bt| = 1 p.s. ;
donc ⇠ = 0 p.s. Autrement dit, |Bt| ! 1 p.s.
Aux TD, on verra que 1
|B| est une martingale locale continue uniformement integrable,
qui n’est pas une martingale.
Exemple 5.3. Soit B = (B1, . . . , B
n) un mouvement brownien a valeurs dans Rn (n � 2),
issu de x 6= 0. Par la formule d’Ito, d(|Bt|2) = 2
Pn
i=1B
i
tdBi
t+ n dt. Soit F : R
⇤+! R de
classe C2. Comme p.s. |Bt|
22 R
⇤+pour tout t, on a
dF (|Bt|2) = F
0(|Bt|2) d(|Bt|
2) +1
2F
00(|Bt|2) dh|B|
2it
= d(martingale locale continue) + nF0(|Bt|
2) dt+ 2F 00(|Bt|2) |Bt|
2 dt.
§6 Inegalites de Burkholder–Davis–Gundy 73
Donc F (|Bt|2) est une martingale locale continue si F 0(x) + 2
nxF
00(x) = 0, ce qui est le cas
pour F (x) := log(x) (n = 2) et pour F (x) := x1�(n/2) (n � 3).
Soient 0 < r < |x| < R. Pour a = r ou R, on pose
Ta := inf{t � 0 : |Bt| = a}.
On etudie d’abord la dimension n = 2. Alors t 7! log |Bt^Tr^TR | est une martingale locale
continue bornee, donc une (vraie) martingale uniformement integrable. Par le theoreme
d’arret, E[ log |BTr^TR | ] = log |x|. (Remarquons que TR < 1 p.s., car lim supt!1 |Bt| �
lim supt!1 |B
1
t| = 1 p.s.) Donc
log |x| = (log r)P[Tr < TR] + (logR)P[Tr > TR]
= (log r � logR)P[Tr < TR] + logR,
et par consequent
P[Tr < TR] =logR� log |x|
logR� log r, P[TR < Tr] =
log |x|� log r
logR� log r.
En faisant R ! 1, et comme TR ! 1, on obtient P[Tr < 1] = 1 pour tout r > 0. Donc
pour tout a 2 R2 et tout voisinage Va, le mouvement brownien plan visite p.s. Va infiniment
souvent.
Si n � 3, alors |Bt^Tr^TR |2�n est une martingale continue bornee. Par le theoreme d’arret,
|x|2�n = E[ |BTr^TR |
2�n ]. Donc
P[Tr < TR] =|x|
2�n�R
2�n
r2�n �R2�n, P[TR < Tr] =
r2�n
� |x|2�n
r2�n �R2�n.
En particulier, en faisant R ! 1, on obtient
P[Tr < 1] =⇣
r
|x|
⌘n�2
,
ce qui est en accord avec la transience de B.
6. Inegalites de Burkholder–Davis–Gundy
Les inegalites suivantes relient une martingale locale continue avec sa variation quadra-
tique. Pour tout processus X, on note X⇤t:= sup
s2[0, t] |Xs|.
74 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
Theoreme 6.1. (Burkholder–Davis–Gundy). Soit p > 0 un reel. Il existe des con-
stantes 0 < cp Cp < 1 telles que pour toute martingale locale continue M nulle en
0,
cp E[ hMip/2
1 ] E[ (M⇤1)p ] Cp E[ hMi
p/2
1 ].
Par consequent, pour tout temps d’arret T et toute martingale locale continue M nulle en 0,
cp E[ hMip/2
T] E[ (M⇤
T)p ] Cp E[ hMi
p/2
T].
La preuve du theoreme 6.1 s’appuie sur deux lemmes.
Lemme 6.2. Soit B un (Ft)-mouvement brownien issu de 0, et soit T un temps d’arret. Si
� > 1 et � > 0, alors pour tout x > 0,
P
hB
⇤T> �x,
p
T �x
i
�2
(� � 1)2P[B⇤
T� x],(6.1)
P
hpT > �x, B
⇤T �x
i
�2
�2 � 1P[p
T � x].(6.2)
Preuve du lemme 6.2. On commence par prouver (6.1). Soient
⌧1 := inf{t � 0 : |Bt| = x}, ⌧2 := inf{t � 0 : |Bt| = �x}.
Si ! 2 {B⇤T> �x,
pT �x}, alors ⌧1 ⌧2 T , et on a |B⌧1^T^�2x2 | = x et |B⌧2^T^�2x2 | =
�x, et donc |B⌧2^T^�2x2 � B⌧1^T^�2x2 | � (� � 1)x. Par l’inegalite de Markov,
P
hB
⇤T> �x,
p
T �x
i P
h|B⌧2^T^�2x2 � B⌧1^T^�2x2 | � (� � 1)x
i
1
(� � 1)2x2E
h ⇣B⌧2^T^�2x2 � B⌧1^T^�2x2
⌘2 i.
Si S1 S2 sont deux temps d’arret bornes, alors E[(BS2 � BS1)2] = E[S2 � S1] (voir TD du
chapitre 3). Par consequent,
P
hB
⇤T> �x,
p
T �x
i
1
(� � 1)2x2E
h(⌧2 ^ T ^ �
2x2)� (⌧1 ^ T ^ �
2x2)i
1
(� � 1)2x2�2x2P[⌧1 < T ]
�2
(� � 1)2P[B⇤
T� x],
§6 Inegalites de Burkholder–Davis–Gundy 75
ce qui implique (6.1).
Pour demontrer (6.2), on pose, pour �1 > �,
⌧1 := x2, ⌧2 := �
2x2, U := inf{t � 0 : |Bt| = �1x}.
Si ! 2 {pT > �x, B
⇤T
�x}, alors ⌧1 < ⌧2 T U , et on a ⌧1 ^ T ^ U = x2 et
⌧2 ^ T ^ U = �2x2, et donc (⌧2 ^ T ^ U)� (⌧1 ^ T ^ U) � (�2
� 1)x2. Par consequent,
P
hpT > �x, B
⇤T �x
i P
h(⌧2 ^ T ^ U)� (⌧1 ^ T ^ U) � (�2
� 1)x2
i
1
(�2 � 1)x2E
h(⌧2 ^ T ^ U)� (⌧1 ^ T ^ U)
i.
On utilise de nouveau l’identite E[S2�S1] = E[B2
S2�B
2
S1] (pour tous temps d’arret S1 S2
bornes) pour voir que le termes de droite est
=1
(�2 � 1)x2E
hB
2
⌧2^T^U � B2
⌧1^T^U
i
1
(�2 � 1)x2�2
1x2P
h⌧1 < (T ^ U)
i
�2
1
�2 � 1P[⌧1 < T ],
ce qui donne (6.2) car �1 peut etre aussi proche de � que possible.
Lemme 6.3. Supposons que ⇠ � 0 et ⌘ � 0 sont deux variables aleatoires telles que
(6.3) P[⇠ > 2x, ⌘ �x] �2P[⇠ � x], 8 � > 0, 8 x > 0.
Alors pour tout p > 0, il existe une constante c(p) 2 ]0,1[ ne dependant que de p, telle que
E(⇠p) c(p)E(⌘p).
Preuve du lemme 6.3. Sans perte de generalite, on suppose que ⇠ est une variable aleatoire
bornee (sinon, on remplace ⇠ par ⇠ ^ n qui verifie3 encore (6.3) pour tout n, et applique
convergence monotone).
On a E(⇠p) =R10
pyp�1
P[⇠ > y] dy = 2pR10
pxp�1
P[⇠ > 2x] dx. Par hypothese,
P[⇠ > 2x] �2P[⇠ � x] + P[⌘ > �x].
3L’inegalite (6.3) pour ⇠ ^ n est evidente si x n (car dans ce cas, P[(⇠ ^ n) � x] = P[⇠ � n]). Dans le
cas ou x > n, on a P[⇠ ^ n > 2x, ⌘ �x] = 0 ; l’inegalite reste alors trivialement valable.
76 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
Donc
E(⇠p) 2p�2Z 1
0
pxp�1
P[⇠ � x] dx+ 2pZ 1
0
pxp�1
P[⌘ > �x] dx
= 2p�2 E(⇠p) + 2p��pE(⌘p).
Il su�t alors de choisir � de sorte que 2p�2 = 1
2pour conclure.
Il est temps de prouver le theoreme 6.1.
Preuve du theoreme 6.1. Soit p > 0 et soit M une martingale locale continue nulle en 0.
D’apres le theoreme de Dambis–Dubins–Schwarz (theoreme 4.1), il existe un mouvement
brownien B tel que Mt = BhMit . De plus, B est un (Gr)-mouvement brownien pour une
nouvelle filtration (Gr) qui est continue a droite et complete, et pour tout t, hMit est un
(Gr)-temps d’arret (car pour tout r � 0, {hMit r} = {⌧r � t} 2 F⌧r = Gr). D’apres
le lemme 6.2, l’inegalite (6.3) est satisfaite par les couples de variables aleatoires4 (⇠, ⌘) :=
(B⇤hMi1 ,
phMi1 ) et (⇠, ⌘) := (
phMi1 , B
⇤hMi1). Il resulte donc du lemme 6.3 que
E[(B⇤hMi1)p] c(p)E[hMi
p/2
1 ], E[hMip/2
1 ] c(p)E[(B⇤hMi1)p].
Il su�t alors de remarquer que B⇤hMi1 = M
⇤1.
Exemple 6.4. Soit M une martingale locale continue nulle en 0. Par les inegalites de
Burkholder–Davis–Gundy, E[hMi1] < 1 si et seulement si E[(M⇤1)2] < 1, donc si et
seulement si M est une martingale continue satisfaisant E(supt�0
M2
t) < 1.
Exemple 6.5. (Identites de Wald). Soit B un (Ft)-mouvement brownien issu de 0, et
soit T un temps d’arret.
On a vu dans l’exemple 6.1 du chapitre 3 que si E(T ) < 1, alors E(BT ) = 0 et E(B2
T) =
E(T ). On revoit maintenant ces resultats.
Supposons que E(pT ) < 1. L’inegalite de Burkholder–Davis–Gundy nous dit que
E(B⇤T) < 1. En particulier, BT est une martingale continue uniformement integrable. Le
theoreme d’arret confirme donc que E(BT ) = E(B0) = 0.
Si E(T ) < 1, alors de nouveau par l’inegalite de Burkholder–Davis–Gundy, E[(B⇤T)2] est
finie. Donc BT2 H
2 ; et (B2
t^T � (t ^ T ), t � 0) est une martingale continue uniformement
integrable. Le theoreme d’arret donne alors E(B2
T) = E(T ).
4En remarquant que hMi1 est un (Gr)-temps d’arret, etant supremum de (Gr)-temps d’arret.
§7 Martingales de la filtration brownienne 77
7.Martingales de la filtration brownienne
On montre dans cette section que dans le cas ou la filtration sur ⌦ est engendree par
un mouvement brownien, alors toutes les martingales peuvent etre representees comme
integrales stochastiques par rapport a ce mouvement brownien.
Durant toute cette section, B est un mouvement brownien issu de 0 defini sur un espace
complet (⌦,F ,P), et on prend la filtration
(7.1) (Ft) := (augmentation habituelle de la) filtration canonique de B.
En accord avec les notations du chapitre precedent, on note L2(B) := L2(R+⇥⌦,P, dP ds),
l’espace des processus progressifs H tels que E[R10
H2
sds] < 1, et L
2
loc(B) l’espace des
processus progressifs H tels que pour tout t � 0,R
t
0H
2
sds < 1 p.s.
Pour tout H 2 L2(B), (Mt :=
Rt
0Hs dBs, t � 0) est une martingale continue satisfaisant
E(supt�0
M2
t) < 1 (car E(hMi1) < 1). En particulier, ((
Rt
0Hs dBs)2�
Rt
0H
2
sds, t � 0) est
une martingale uniformement integrable.
Theoreme 7.1. Sous l’hypothese (7.1), pour toute martingale locale continue M , il existe
un unique processus H 2 L2
loc(B) et une constante c 2 R tels que
Mt = c+
Zt
0
Hs dBs.
Si en plus M est une martingale continue satisfaisant E(supt�0
M2
t) < 1, alors H 2 L
2(B).
La preuve du theoreme 7.1, qui s’appuie sur deux lemmes, ne fait pas partie du programme
de l’examen.
Lemme 7.2. Sous l’hypothese (7.1), l’espace vectoriel engendre par les variables aleatoires exp[Pn
j=1 aj(Btj �Btj�1 )], pour
0 = t0 < t1 < · · · < tn et (a1, . . . , an) 2 Rn, est dense dans L
2(⌦, F1, P).
Preuve du lemme 7.2. Soit Z 2 L2(⌦, F1, P) tel que
E
hZ exp
⇣ nX
j=1
aj(Btj �Btj�1 )
⌘i= 0,
pour tous 0 = t0 < t1 < · · · < tn et (a1, . . . , an) 2 Rn. Il s’agit de montrer que Z = 0.
Fixons (z2, . . . , zn) 2 Rn�1
, et considerons la fonction
'(z1) := E
hZ exp
⇣ nX
j=1
zj(Btj �Btj�1 )
⌘i, z1 2 C.
78 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
Par convergence dominee, il s’agit d’une fonction holomorphe ( = analytique = entiere) sur C, qui s’annule sur R. Elle est donc
nulle partout. On itere l’argument pour voir que E[Z exp(Pn
j=1 zj(Btj �Btj�1 ))] = 0, 8 (z1, . . . , zn) 2 Cn. En particulier,
(7.2) E
hZ exp
⇣i
nX
j=1
aj(Btj �Btj�1 )
⌘i= 0,
pour tous 0 = t0 < t1 < · · · < tn et (a1, . . . , an) 2 Rn.
Supposons que P(Z 6= 0) > 0. Comme E(Z) = 0, on a E(Z+) = E(Z
�) 2 ]0, 1[ . Soient µ
+et µ
�la mesure image sur R
n
de la mesureZ+
E(Z+)• P et de
Z�
E(Z�)• P, respectivement, par l’application mesurable � : (⌦, F1) ! (R
n, B(R
n)) definie par
�(!) := (Bt1 (!)�Bt0 (!), . . . , Btn (!)�Btn�1 (!)). Alors pour tout (a1, . . . , an) 2 Rn,
Z
Rnexp(i
nX
j=1
ajxj)µ+(dx)�
Z
Rnexp(i
nX
j=1
ajxj)µ�(dx)
= E
hZ
+
E(Z+)exp(i
nX
j=1
aj(Btj �Btj�1 ))
i� E
hZ
�
E(Z�)exp(i
nX
j=1
aj(Btj �Btj�1 ))
i
=1
E(Z+)E
hZ exp(i
nX
j=1
aj(Btj �Btj�1 ))
i= 0.
Donc µ+
= µ�
sur (Rn, B(R
n)), ayant la meme transformee de Fourier. Soit f : R
n ! R mesurable bornee. On a
0 =
Z
Rnf(x)µ
+(dx)�
Z
Rnf(x)µ
�(dx) =
1
E(Z+)E
hf(Bt1 �Bt0 , . . . , Btn �Btn�1 )Z
i.
Donc E(Z 1A) = 0 pour tout A 2 �(Bt1 �Bt0 , . . . , Btn �Btn�1 ) = �(Bt1 , . . . , Btn ). Par classe monotone, E(Z 1A) = 0 pour
tout A 2 F1. Soient A1 := {Z > 0} 2 F1, A2 := {Z < 0} 2 F1. On a 0 = E[Z 1A1 ]� E[Z 1A2 ] = E[ |Z| ]. D’ou Z = 0.
Lemme 7.3. Sous l’hypothese (7.1), si ⇠ 2 L2(⌦, F1, P), il existe un unique processus H 2 L
2(B) tel que
(7.3) ⇠ = E(⇠) +
Z 1
0Hs dBs.
Preuve du lemme 7.3. (Unicite) Si H et eH correspondent a la meme variable aleatoire ⇠, alors comme E[R10 H
2s ds] < 1 et
E[R10
eH2s ds] < 1, (
R t0 Hs dBs, t � 0) et (
R t0
eHs dBs, t � 0) sont des martingales continues bornees dans L2, et on a
E
h Z 1
0(Hs � eHs)
2ds
i= E
h ⇣ Z 1
0Hs dBs �
Z 1
0
eHs dBs
⌘2 i= 0,
c’est-a-dire H = eH (a indistinguabilite pres).
(Existence) Soit H l’espace vectoriel des variables aleatoires ⇠ 2 L2(⌦, F1, P) qui verifient (7.3). Pour tout ⇠ 2 H ,
on a E[⇠2] = (E⇠)
2+ E[
R10 H
2s ds]. Donc si (⇠n) est une suite dans H qui converge dans L
2(⌦, F1, P) vers ⇠, alors les
processus Hn
associes a ⇠n forment une suite de Cauchy dans L2(B), et donc convergent vers disons H 2 L
2(B). On aR1
0 Hns dBs !
R10 Hs dBs dans L
2(⌦, F1, P) car E[(
R10 (Hs�H
ns ) dBs)
2] = E[
R10 (Hs�H
ns )
2ds] ! 0 (en e↵et, il s’agit de la
propriete d’isometrie de l’integrale stochastique que l’on a decouverte dans le chapitre precedent !). Donc, ⇠ = E(⇠)+R10 Hs dBs.
Par consequent, H est ferme.
Soient 0 = t0 < t1 < · · · < tn et (a1, . . . , an) 2 Rn. Pour simplifier l’ecriture, on note f(s) :=
Pnj=1 aj 1 ]tj�1,tj ](s), et
Nt := E (R ·0 f(s) dBs)t, la martingale exponentielle de f ·B. Comme
R10 f(s) dBs =
Pnj=1 aj(Btj �Btj�1 ) et h
R ·0 f(s) dBsi1 =Pn
j=1 a2j (tj � tj�1), on a, d’apres le theoreme 2.1,
exp
h nX
j=1
aj(Btj �Btj�1 )�1
2
nX
j=1
a2j (tj � tj�1)
i= N1 = 1 +
Z 1
0Nsf(s) dBs.
Donc les variables de la forme exp[Pn
j=1 aj(Btj � Btj�1 )] sont dans H . D’apres le lemme 7.2, les variables de ce type sont
denses dans L2(⌦, F1, P). On conclut alors que H = L
2(⌦, F1, P).
§8 Theoreme de Girsanov 79
Il est maintenant temps de prouver le theoreme 7.1.
Preuve du theoreme 7.1. Supposons d’abord que M est une martingale continue satisfaisant E(supt�0 M2t ) < 1. Comme
M1 2 L2(⌦, F1, P), le lemme 7.3 nous dit qu’il existe H 2 L
2(B) tel que
M1 = E(M1) +
Z 1
0Hs dBs.
Il en decoule que
Mt = E[M1 |Ft] = E(M1) +
Z t
0Hs dBs.
L’unicite est une consequence de l’unicite dans le lemme 7.3.
Soit maintenant M une martingale locale continue. On a d’abord M0 := c 2 R, car la tribu F0 est triviale (loi 0–1 de
Blumenthal, voir le theoreme 2.3 du chapitre 2). Soit Tn := inf{t � 0 : |Mt| � n}. Comme MTn est une martingale continue
bornee (par n _ |c|), il existe Hn 2 L
2(B) tel que
(7.4) MTnt = c+
Z t
0H
ns dBs, 8t � 0.
Par unicite, si n < m, alors Hns = H
ms pour dP ds-presque tout (!, s) 2 ⌦ ⇥ [0, Tn]. On peut donc definir (de facon unique)
un processus H 2 L2loc(B) tel que pour tout n, Hs = H
ns pour dP ds-presque tout (!, s) 2 ⌦⇥ [0, Tn], et donc
MTnt = c+
Z t^Tn
0Hs dBs.
Par consequent, Mt = c+R t0 Hs dBs.
(Unicite) Si H et eH sont des elements de L2loc(B) satisfaisant les proprietes du theoreme, alors d’apres l’unicite dans (7.4),
Hns = eHn
s pour dP ds-presque tout (!, s) 2 ⌦⇥ [0, Tn]. En faisant n ! 1, on voit que H et eH sont indistinguables.
8. Theoreme de Girsanov
On se met dans un espace de probabilite filtre (⌦,F , (Ft),P) dont la filtration est con-
tinue a droite et complete.5 Notre objectif est d’etudier comment les notions de martin-
gales/semimartingales se transforment lorsque l’on remplace la probabilite P par une prob-
abilite Q qui est absolument continue par rapport a P.
Commencons par une remarque que l’on a vue aux TD du chapitre 3. Si D est une
surmartingale positive continue telle que E(D1) = E(D0), alors elle est une martingale
uniformement integrable. En particulier, si D est une surmartingale telle que E(Dt) = E(D0)
pour tout t � 0, alors elle est une martingale.
Theoreme 8.1. (Girsanov). Soit (Lt, t � 0) une martingale locale continue telle que
L0 = 0 et que E(E (L)1) = 1. Supposons que Q est une mesure de probabilite sur (⌦, F1)
telle que Q = E (L)1 • P. Alors pour toute P-martingale locale continue M , le processus
M � hM, Li est une Q-martingale locale continue.
5Strictement parlant, pour eviter des problemes lies a la continuite des trajectoires, et surtout pour
s’assurer l’existence de la mesure de probabilite Q dans le theoreme 8.2, il faut se placer dans l’espace
canonique du mouvement brownien. Voir la proposition VIII.1.3 dans le livre de Revuz et Yor.
80 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
Preuve. Posons Dt := E (L)t = exp(Lt �1
2hLit), t � 0.
Premiere etape. Montrons que pour tout temps d’arret T , on a
DT =dQ|FT
dP|FT
.
En e↵et, pour tout A 2 FT , on a,6
Q(A) = EQ[1A] = E[1AD1] = E[1A E(D1 |FT )].
qui vaut E[1A DT ] par le theoreme d’arret. Puisque DT est FT -mesurable, on voit que
DT =dQ|FTdP|FT
.
Deuxieme etape. Soit T un temps d’arret, et soit X un processus continu adapte. Mon-
trons que si (XD)T est une P-martingale, alors XT est une Q-martingale.
En e↵et, d’apres l’etape precedente, EQ[ |XT^t| ] = E[ |XT^tDT^t| ] < 1, donc XT
t2
L1(Q) pour tout t. Soient 0 s t et A 2 Fs. Puisque (XD)T est une P-martingale et
A \ {T > s} 2 Fs,
E[1A\{T>s}XT^tDT^t ] = E[1A\{T>s}XT^sDT^s ].
Comme DT^t =dQ|FT^tdP|FT^t
et DT^s =dQ|FT^sdP|FT^s
(par l’etape precedente), et7 A \ {T > s} 2
FT^s ⇢ FT^t, ceci signifie que
EQ[1A\{T>s}XT^t ] = EQ[1A\{T>s}XT^s ].
D’autre part, EQ[1A\{Ts}XT^t ] = EQ[1A\{Ts}XT ] = EQ[1A\{Ts}XT^s ] ; on obtient donc
que EQ[1AXT^t ] = EQ[1AXT^s ]. Par consequent, XT est une Q-martingale.
Troisieme et derniere etape. D’apres l’etape precedente, si XD est une P-martingale
locale continue avec X0 = 0 p.s., alors X est une Q-martingale locale continue.
Soit M une P-martingale locale continue. Sans perte de generalite, on suppose que
M0 = 0 p.s. Posons fM := M � hM, Li.
Par la formule d’Ito (ou plus precisement, integration par parties),
fMtDt = M0 +
Zt
0
fMs dDs +
Zt
0
Ds dfMs + hfM,Dit
= M0 +
Zt
0
fMs dDs +
Zt
0
Ds dMs �
Zt
0
Ds dhM,Lis + hM,Dit
= M0 +
Zt
0
fMs dDs +
Zt
0
Ds dMs,
6Notation : on ecrit EQ pour integration par rapport a Q.
7On voit facilement que A \ {T > s} 2 FT car, pour tout u, (A \ {T > s}) \ {T u} est un element de
Fu si u � s, et est vide si u < s.
§8 Theoreme de Girsanov 81
car Ds dhM,Lis = dhM,Dis d’apres la definition de D. Donc fMD est une P-martingale
locale continue. Par ce qui est prouve dans l’etape precedente et resumee au debut de la
presente etape, fM est une Q-martingale locale.
On utilise souvent la version suivante du theoreme de Girsanov.
Theoreme 8.2. (Girsanov). Soit (Lt, t � 0) une martingale locale continue telle que
L0 = 0 et que E(E (L)t) = 1 pour tout t � 0. Soit Q une mesure de probabilite sur (⌦, F1)
telle que Q|Ft= E (L)t • P|Ft
pour tout reel t � 0. Alors pour toute P-martingale locale
continue M , le processus M � hM, Li est une Q-martingale locale continue.
Remarque 8.3. (i) Dans le theoreme 8.1, Q ⌧ P sur F1, et Q ⇠ P sur Ft pour tout t � 0
reel. Dans le theoreme 8.2, Q ⇠ P sur Ft pour tout t � 0 reel.
(ii) Le theoreme de Girsanov nous confirme qu’une P-semimartingale continue reste une
Q-semimartingale continue, et on a la decomposition canonique : si X = X0+M+V est une
P-semimartingale continue, alorsX = X0+fM+eV , avec fM := M�hM,Li et eV := V +hM,Li,
est la decomposition canonique de X en tant que Q-semimartingale continue.
(iii) La variation quadratique de fM sous Q est egale a hMi, car un resultat etabli p.s. ou
en probabilite sur Ft sous P reste valable sous Q.
(iv) Si M = B est un (Ft,P)-mouvement brownien, alors eB := B � hB,Li est une
(Ft,Q)-martingale locale continue, telle que h eBit = hBit = t. Le theoreme de Levy nous dit
alors que eB est un (Ft)-mouvement brownien sous Q.
Si B est un mouvement brownien et si � 2 R est un reel, on appelle (Bt + �t, t � 0) le
mouvement brownien avec drift, de coe�cient de drift �. En pratique, on se sert du theoreme
de Girsanov pour eliminer le drift qui pose des di�cultes techniques.
Exemple 8.4. (Formule de Cameron–Martin). Soit h : R+ ! R une fonction mesurable
telle que 8 t,R
t
0h2(s) ds < 1. On pose Lt :=
Rt
0h(s) dBs. D’apres le theoreme 2.5, E (L) est
une (vraie) martingale continue.
Soit Q la probabilite sur F1 telle que pour tout t, Q|Ft= E (L)t • P|Ft
, 8t � 0. Le
theoreme de Girsanov nous dit que pour tout t � 0, (Bs �R
s
0h(u) du, s 2 [0, t]) est un
Q-mouvement brownien. Donc (Bs �R
s
0h(u) du, s � 0) est un Q-mouvement brownien.
En particulier, si h(t) = � 2 R, alors Q|Ft= e�Bt� �2
2 t•P|Ft
pour tout t � 0. Le processus
(Bt � �t, t � 0) est un Q-mouvement brownien, et B sous Q est un mouvement brownien
avec drift �.
82 Chapitre 6. Formule d’Ito et applications
On s’interesse a Ta := inf{t � 0 : Bt = a} quand h(t) = �. Pour tout t > 0,
Q[Ta t] = P
h1{Tat} e
�Bt� �2
2 t
i= P
h1{Tat} E
⇣e�Bt� �2
2 t
���FTa^t
⌘ i.
Comme (e�Bs� �2
2 s, s � 0) est une P-martingale, le theoreme d’arret (pour les temps d’arret
bornes) nous dit alors que
(8.1) Q[Ta t] = E
h1{Tat} e
�BTa^t� �2
2 (Ta^t)i= E
h1{Tat} e
�a� �2
2 Ta
i.
Or, on a vu dans l’exemple 2.16 du chapitre 2 que sous P, Ta a la meme loi que a2
B21, et que
la densite vaut fTa(s) =|a|p2⇡s3
exp(�a2
2s)1{s>0}. Donc
Q[Ta t] =
Zt
0
|a|p2⇡s3
exp⇣�a�
�2s
2�
a2
2s
⌘ds.
On ecrit maintenant tout pour le mouvement brownien avec drift Bt + �t : la variable
aleatoire T(�)
a := inf{t � 0 : Bt + �t = a} a pour densite
(8.2) P(T (�)
a2 dt) =
|a|p2⇡t3
exp⇣�
(a� �t)2
2t
⌘1{t>0} dt.
En faisant t ! 1 dans (8.1), on obtient
P(T (�)
a< 1) = E
h1{Ta<1} e
�a� �2
2 Ta
i= e�a�|�a|
,
ou la derniere identite provient de l’exemple 6.2 du chapitre 3. Par consequent, le mouvement
brownien avec drift Bt + �t (� 6= 0) atteint le niveau a (a 6= 0) avec probabilite 1 si et
seulement si a et � sont de meme signe. Dans le cas contraire, la probabilite en question
vaut e2�a, ce que l’on a vu aux TD du chapitre 3.
Si �a > 0, la loi de probabilite dans (8.2) porte dans la litterature le nom de la loi
gaussienne inverse.