chapitre 11 : le travail est-il une marchandise · de l’offre et la demande, avec le salaire...

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Cours de SES – Terminale – 2014-2015 E. Martin Chapitre 11 : le travail est-il une marchandise ? La question de ce chapitre peut paraître étonnante au premier abord. Occuper un emploi est une activité si importante en termes monétaires et symboliques pour un individu qu’il conviendrait de ne pas rabaisser l’emploi au rang de simple marchandise. Pour rappel, les taux de chômage sont particulièrement élevés ces derniers temps, tirés vers le haut par la crise qui dure depuis 6 ans. Ces chiffres sont particulièrement importants et révèlent les situations très difficiles que vit une partie de la population européenne. En volume, on compte donc aujourd’hui (avril 2013) presque 20 millions de chômeurs dans la zone euro. L’emploi se fait donc rare et les chômeurs sont prêts souvent à accepter des postes en- deçà de leurs diplômes, c'est-à-dire des postes aux salaires inférieurs à ce qu’il pourrait prétendre avec leur qualification. On observe donc qu’avec la rareté de la demande d’emplois et l’augmentation de l’offre d’emploi, les salaires ont tendance à diminuer. Ce phénomène ressemble étrangement à ce qui se passe sur les marchés de biens et services. Peut-on alors dire que le travail est une marchandise comme une autre, dont le volume évolue en fonction de l’offre et la demande, avec le salaire comme variable d’ajustement ? Nous aborderons dans un premier temps la possibilité d’analyser l’emploi comme une marchandise et donc le marché du travail comme un marché classique, avant d’aborder dans un second temps les régulations du travail (et des salaires) qui échappent au marché. Section 1 : l'analyse classique et néoclassique du marché du travail 1.1. La représentation graphique du marché du travail Les économistes classiques (Smith, Ricardo, J-B Say, etc.) sont les premiers à avoir considéré que le travail était une marchandise qui donnait lieu aux mêmes genres d'échanges que les biens de consommation : offre de travail et demande de travail se retrouvent sur un marché et s'accordent sur le prix du travail, c'est-à-dire le salaire. Cette analyse sera ensuite reprise par les néoclassiques (de la fin du XIXe à nos jours, il s'agit du courant « ortohodoxe », dominant, de la 1

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Cours de SES – Terminale – 2014-2015 E. Martin

Chapitre 11 : le travail est-il une marchandise ?

La question de ce chapitre peut paraître étonnante au premier abord. Occuper un emploiest une activité si importante en termes monétaires et symboliques pour un individu qu’ilconviendrait de ne pas rabaisser l’emploi au rang de simple marchandise.

Pour rappel, les taux de chômage sont particulièrement élevés ces derniers temps, tirésvers le haut par la crise qui dure depuis 6 ans.

Ces chiffres sont particulièrement importants et révèlent les situations très difficiles que vitune partie de la population européenne. En volume, on compte donc aujourd’hui (avril 2013)presque 20 millions de chômeurs dans la zone euro.

L’emploi se fait donc rare et les chômeurs sont prêts souvent à accepter des postes en-deçà de leurs diplômes, c'est-à-dire des postes aux salaires inférieurs à ce qu’il pourrait prétendreavec leur qualification. On observe donc qu’avec la rareté de la demande d’emplois etl’augmentation de l’offre d’emploi, les salaires ont tendance à diminuer. Ce phénomèneressemble étrangement à ce qui se passe sur les marchés de biens et services. Peut-on alorsdire que le travail est une marchandise comme une autre, dont le volume évolue en fonctionde l’offre et la demande, avec le salaire comme variable d’ajustement ?

Nous aborderons dans un premier temps la possibilité d’analyser l’emploi comme unemarchandise et donc le marché du travail comme un marché classique, avant d’aborder dans unsecond temps les régulations du travail (et des salaires) qui échappent au marché.

Section 1 : l'analyse classique et néoclassique du marché du travail

1.1. La représentation graphique du marché du travail

Les économistes classiques (Smith, Ricardo, J-B Say, etc.) sont les premiers à avoirconsidéré que le travail était une marchandise qui donnait lieu aux mêmes genres d'échanges queles biens de consommation : offre de travail et demande de travail se retrouvent sur un marché ets'accordent sur le prix du travail, c'est-à-dire le salaire. Cette analyse sera ensuite reprise par lesnéoclassiques (de la fin du XIXe à nos jours, il s'agit du courant « ortohodoxe », dominant, de la

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pensée économique). Précision importante de vocabulaire : ici les offreurs offrent du travail (leur force de

travail, leur compétence). Ce sont donc les travailleurs, ou les chômeurs qui cherchent du travail :tous ceux qu’on appelle les actifs (occupés / inoccupés).

À l’inverse, ceux qui cherchent du travail sont ceux qui en ont besoin, c’est-à-dire lesentreprises, ou encore les employeurs.

Offre de travail (= demande d’emploi)

Demande de travail (= offre d’emploi)

Actifs :Actifs occupés (salariés) + actifs inoccupés

(chômeurs qui cherchent du travail)

Entreprises

Reste à déterminer en fonction de quoi l'offre et la demande évoluent, ou plutôt, à quellequantité de travail offert, et de travail demandé, correspond tel ou tel niveau de salaire.Intuitivement, on comprend que les actifs cherchent à gagner le plus de salaire possible, et que lesentreprises cherchent à les payer le moins possible. Le modèle néoclassique est cependant plusprécis :

Document 1 : les déterminants de l'offre de travail

(Répondre aux questions en bas à droite du document)

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Comme vous pouviez vous en douter, l’offre et la demande de travail évoluent enfonction du salaire horaire réel en vigueur sur le marché du travail. Mais ce mécanisme n’estpas si simple qu’il en a l’air. En ce qui concerne l’offre de travail, il faut supposer que l’effetsubstitution l’emporte sur l’effet revenu, c'est-à-dire que les agents économiques répondent àl’incitation offerte par une variation de salaire, au lieu de s’attacher à conserver un mêmerevenu.

La demande de travail reflète le comportement des entreprises : quelles décisions(embaucher ou licencier) prennent les entrepreneurs lorsque le salaire diminue ou augmente.

On suppose ici que les entreprises cherchent à embaucher des individus qui leurrapportent quelque chose. Autrement dit, si l'on paye 10€ de plus pour « acheter du travail »(recruter quelqu'un pour une heure de travail), alors que l'heure de travail en question ne rapporteque 5€ de valeur, c'est un mauvais calcul. À l'inverse, si l'on paye 10€ une heure de travail quipermettra de créer 15€ de produits, l'entreprise est gagnante – concrètement, elle fait 5€ de profit.Dans le premier cas, on a acheté trop cher un travail trop peu productif ; dans le deuxième cas,c'est le contraire : la productivité marginale du travail (la valeur apportée par une heure detravail supplémentaire) est supérieure au salaire (à ce que coûte une heure de travail) :l'entreprise a donc intérêt à recruter.

La demande de travail est donc déterminée par un arbitrage entre salaire et productivitédu travail : lorsque le salaire est inférieur à la productivité marginale, les entreprises vontembaucher. De manière générale, donc, on retrouve l'intuition initiale : moins les salaires sontélevés, plus les entreprises recrutent.

Comme pour n’importe quel marché de biens et services, il est alors possible de dessinerun graphique représentant le marché du travail, avec des courbes d’offre et de demande de travailen fonction du salaire réel (la variable monétaire toujours en ordonnée) et des heures de travail (lavariable de volume toujours en abscisses).

(NB : On note ici W le salaire (pour « wage », en anglais). En toute rigueur, les choix desindividus actifs sont faits non pas en fonction du niveau nominal du salaire, W, mais en fonction dusalaire réel, c'est-à-dire de ce que le salaire apporte réellement comme pouvoir d'achat. Lesalaire réel est donc calculé en fonction du niveau général des prix des biens de consommation,P. D'où : salaire réel = W/P. Pour prendre un exemple caricatural, un salaire nominal de 1500 € /mois n'a pas le même pouvoir d'achat si les prix de l'ensemble des biens de consommation (i.e.l'inflation) augmentent de 10% par an...)

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Exercice n°1. La représentation graphique du marché du travail

Scénario 1 : une grande partie des étudiants français très diplômés décide de travailler aux États-Unis. Comme évolue le marché du travail en France ?

Scénario 2 : le gouvernement français décide d’augmenter les cotisations salariales ? Commentévolue le marché du travail en France ?

Scénario 3 : la crise touche gravement les entreprises françaises qui sont obligées de licencierune partie de leur personnel. Comment évolue le marché du travail ?

Le salaire, qui est le prix du travail, se fixe à la rencontre entre l'offre et la demande detravail. C'est un salaire qui équilibre l'offre et la demande de travail ou d'emplois. En effet,pour ce taux de salaire réel, la quantité de travail proposée par les salariés correspond à celledemandée par les employeurs. Le niveau d’emploi qui est déterminé par ce salaire réelcorrespond à un niveau de plein emploi car l’offre d’emplois est égale à la demanded’emplois.

Document 2 : pourquoi un marché du travail concurrentiel favorise une allocation optimaledes ressources

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L’exemple de Katrina est un excellent exemple pour comprendre le fonctionnement dumarché du travail. Le salaire sert de variable d’ajustement pour affecter ce facteur deproduction là où l’économie en a le plus besoin. On parle d’allocation optimale desressources. Il est bien sûr possible de représenter cette évolution par un graphique. Il est à noterque l’exemple de Katrina peut constituer une très bonne amorce en dissertation.

Evidemment, ce modèle repose sur un certain nombre d’hypothèses issues du modèle deconcurrence pure et parfaite des marchés de biens et services, que vous connaissez depuis lapremière :

L'atomicité suppose un très grand nombre d'offreurs et un très grand nombre dedemandeurs de telle façon qu'aucun d’entre eux ne puissent peser sur les prix.Concrètement cela suppose l’absence de syndicats ou de monopole à l’embauche.

L'homogénéité nécessite des travailleurs ayant le même profil, les mêmes compétences,pour un niveau d’emploi donné, afin que seul le salaire entre en ligne de compte dansl'embauche. L’homogénéité du travail suppose que tous les travailleurs ont le même capitalhumain (même qualification, mêmes diplômes, même expérience professionnelle…)

La transparence suppose que toutes les informations sur le marché du travail (emploisproposés, salaires) soient libres, totales et gratuites (le rôle de l’ANPE concurrencéepar des agences privées de placement, la mise de bourse pour l’emploi sur Internet…) ;

La fluidité ou libre entrée ou sortie du marché interdit tout obstacle règlementaire ouconventionnel à l'entrée ou à la sortie du marché du travail (absence de droit du travail, decontrat de travail à durée indéterminée, de salaire minimum, de durée légale du travail,d’âge légal pour la retraite, d’indemnités de licenciement...) ;

La mobilité suppose que les travailleurs sont capables de changer à tout moment delieu de travail (mobilité géographique) et de type de production ou de type d’emploi(mobilité professionnelle).

Il est évident que ces hypothèses sont particulièrement restrictives et ne correspondent quetrès peu à la réalité du marché du travail. Différents économistes vont donc remettre en cause ceshypothèses pour proposer de nouvelles analyses du marché du travail.

Mais avant de découvrir ces nouvelles analyses, étudions comment les économistesnéoclassiques (ou, en d'autres termes, libéraux) conçoivent le chômage dans ce cadre d’analyse.

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1.2. L'explication néoclassique du chômage

Document 3 : un marché du travail concurrentiel autorise l'existence d'un chômagevolontaire

Pour les néoclassiques, le chômage s’explique par les rigidités observées sur le marchédu travail, qui empêchent le marché du travail de fonctionner de manière parfaite. Ce n’est pas unproblème de modèle qui ne correspond pas à la réalité, mais bien un problème de réalité qui necorrespond pas au modèle !

Il n’y a donc de chômage que « structurel ». Le modèle néoclassique est incapabled’expliquer l’existence d’un chômage involontaire, c'est-à-dire une situation où les agentsdésireux de travailler ne parviennent pas à trouver un emploi. Pour les libéraux (i.e. leséconomistes, ou les politiciens, qui croient en la souveraineté du marché pour allouer lesressources de manière optimale), seule la rigidité du salaire explique l’émergence d’un sous-emploi. Cette rigidité du salaire est engendrée par :

Le SMIC : lorsque les entreprises sont obligées d'embaucher à un salaire minimum, alorsqu'elles préfèreraient payer moins, elles finissent par ne pas embaucher, en particulier lesindividus les moins qualifiés, c'est-à-dire les moins productifs.

Le pouvoir des syndicats, qui empêche des ajustements de salaire à la baisse et quioblige les patrons à augmenter les salaires.

Les conventions collectives qui encadrent les négociations salariales, en fixant dessalaires minimum supérieurs au SMIC, des durées légales du travail, des grilles declassification des postes, etc.

Le droit du travail qui engendre des coûts inutiles d’embauche et surtout de licenciement(pas de flexibilité sur le marché du travail).

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Les cotisations salariales et patronales, qui modifient le coût réel du travail enl’augmentant artificiellement.

Les allocations chômage, qui incitent les chômeurs à revoir leurs prétentions salariales àla hausse, c'est-à-dire à rechercher un salaire vraiment plus élevé que leurs allocationschômage pour occuper un emploi qui offre un confort de revenu réel.

Mais ce chômage peut aussi s’avérer volontaire et frictionnel. Le chômage frictionnelcorrespond au laps de temps nécessaire pour démissionner, chercher un autre emploi, s’inscrireà Pôle Emploi, éventuellement se former. Pendant ce laps de temps, l’individu est au chômage,mais ce n’est qu’un chômage temporaire, qui est le résultat des frictions sur le marché du travail.Dans cette analyse, on relâche l’hypothèse forte d’informations parfaites, et on admet que larecherche d’emplois nécessite du temps, de l’argent et des formations supplémentaires. On parlede la théorie du job search : chercher un emploi n'est pas gratuit, cela correspond à uncoût. Dans ce cas précis, le chômage est donc frictionnel et volontaire.

Les économistes commencent donc avec cette théorie à remettre en cause quelques unesde leurs hypothèses pour se rapprocher de la réalité du marché du travail. De nombreuxéconomistes vont creuser ce sillon de réflexion.

1.3. Les limites de ces hypothèses

Nous pourrions critiquer une à une toutes les hypothèses du modèle néoclassique. Mais leprogramme nous demande d’en critiquer surtout deux. Il faut donc bien préciser dans vos copiesdes « deux principales limites des hypothèses du modèle néoclassique » :

Hétérogénéité du facteur travail Imperfection de l’information

En admettant ces deux nouvelles hypothèses, il faut revoir presque entièrement les explications dumarché du travail.

On vient de voir que l’hypothèse de perfection de l’information ne correspondait pasnécessairement à la réalité. Il suffit de prendre quelques exemples pour s’en rendre compte :

Rechercher du travail suppose un coût pour récolter les offres d’emploi sur les différentssites internet et sur Pôle Emploi

Rappelez-vous de la théorie de la force des liens faibles de Granovetter. On trouve plussouvent des postes à travers des relations sociales qu’on fréquente peu. Si l’informationétait parfaite, cette théorie n’existerait pas car toute l’information serait immédiatementdisponible au chercheur.

Il est impossible de connaître tous les postes d’emploi disponibles avec les niveaux desalaire correspondants.

Il est très difficile d’évaluer si une nouvelle formation permettra d’obtenir un posterapidement.

Votre choix sur APB n’était pas évident. L’offre scolaire est impressionnante, et il estimpossible d’en connaître les conditions pour chaque filière.

Idem pour l'hypothèse d'homogénéité : tous les travailleurs ne se ressemblent pas ; ilsn'ont donc pas tous la même productivité, et ne seront donc pas tous recrutés au même salaire. Ilfaut tenir compte des différences de capital humain entre travailleurs – rappelez-vous le chapitre1 : on entend par capital humain l'investissement, consenti en premier lieu par les travailleurs eux-mêmes, dans les ressources qui leur permettent d'être plus productifs, en particulier la formation.

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Document 4 : la différence de capital humain entre les travailleurs

La réalité du marché du travail s’éloigne du modèle de concurrence pure et parfaite, enparticulier pour les deux hypothèses d’information parfaite et d’homogénéité du travail. La levée deces deux hypothèses a donné lieu à de nouvelles théories de l’explication du fonctionnement dumarché du travail.

Avant d'examiner ces théories, il faut se garder de jeter à la poubelle le modèlenéoclassique : ce n'est pas parce qu'il rend imparfaitement compte de la réalité qu'il est totalementdénué de pertinence. On peut comprendre les efforts de libéraux pour que la réalité du marché dutravail ressemble davantage au modèle « parfait »... dans la mesure où celui-ci permet uneallocation optimale des ressources.

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Section 2 : Comment expliquer le fonctionnement réel du marché du travail ?

2.1. Le salaire comme outil de gestion interne de l'entreprise

Le salaire ne se négocie pas seulement sur le marché du travail, entre des entreprises etses futurs employés, au moment de l’embauche. Le salaire peut également évoluer pour un salariéqui est déjà dans l’entreprise. Le salaire peut ainsi constituer un outil de motivation pour lesentreprises, c'est-à-dire devenir une incitation à être plus productif pour les employés déjàdans la boite. Ainsi le salaire n’a-t-il plus grand-chose à voir avec les variations de l’offre et de lademande sur le marché du travail…

De nombreux économistes se sont penchés que cette idée simple de salaire commeoutil de gestion interne de la motivation et de la productivité des employés . Toutes cesthéories sont rassemblés sous le nom du « salaire d’efficience ». Le salaire est une variable pouraméliorer l’efficience (l’efficacité) des travailleurs.

Document 5. Le salaire d’efficience

La théorie moderne de l’équilibre des marchés du travail cherche à expliquer le fait que cesmarchés ne s’équilibrent pas – en d’autres termes, l’existence d’un chômage involontaire – eninvoquant les problèmes de gestion du personnel auxquels sont confrontées les entreprises quiemploient de la main-d’œuvre. L’un de ces problèmes consiste à protéger « l’investissement »qu’elle fait dans ses employés. L’autre est celui d’obtenir d’eux des performances rentables.

Pour résoudre l’un ou l’autre de ces problèmes, voire les deux, l’entreprise a de bonnesraisons d’élever le taux de salaire qu’elle propose, le salaire se retrouvera alors au-dessus de sesconcurrents sur le marché du travail, cette surenchère constituant une incitation visant à dissuaderses employés de démissionner ou de resquiller. Mais cela a une conséquence : l’entreprise seraamenée, rationnellement, à réduire le nombre de ses emplois, afin d’économiser un peu plus surcette ressource devenue onéreuse. D’où l’apparition d’un chômage. A quel niveau le salaire etl’emploi s’établiront-ils ? L’équilibre est atteint lorsque le chômage a suffisamment augmenté pourque l’entreprise n’essaie plus d’augmenter davantage les salaires, parce que le volume duchômage dans le secteur suffit à dissuader les employés de démissionner ou de trop resquiller.

Source : d’après E. Phelps (2007), Économie politique. Paris : Fayard.

Q1/ Quel effet entraine la désincitation à démissionner ou resquiller des salariés sur la productivitéde leur travail ?

Q2/ Qu’en déduisez-vous sur le nouvel équilibre salaire/emploi ?

Q3/ Le chômage qui résulte du salaire d’efficience est-il volontaire ou involontaire ?

Les théories de l’efficience stipulent que la gestion des ressources humaines au sein desentreprises implique des niveaux de salaire plus élevés que ce que prescrit le marché. Cesthéories se fondent sur trois raisonnements principaux :

Les coûts de remplacement d’un salarié sont élevés. Ce sont les « coûts de

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rotation » : ils incluent les coûts de licenciement, les coûts d’embauche, les coûts deformation du nouveau salarié. L’entreprise est amené à proposer des salaires élevés pouréviter de trop nombreux départs, ce qui permet d’annuler en grande partie ces coûts derotation élevés.

Se sentir reconnu est un facteur important de productivité. Le salaire d’efficienceprend ici en compte le facteur psychologique du salaire, comme signal dereconnaissance du travail accompli par le salarié. Un meilleur salaire accroit le bien-être(psychologique et matériel) des salariés. Un salarié reconnu et remotivé sera ainsibeaucoup plus efficace sur son lieu de travail.

Les asymétries d’information au sein de l’entreprise obligent les entreprises àaugmenter leur salaire. Il est difficile de connaître la réelle productivité des candidats àl’embauche. L’entreprise augmente alors le salaire proposé au moment de l’embauchepour être sûr d’attirer les meilleurs candidats. En augmentant le salaire offert,l’entreprise accroit la qualité moyenne de sa main d’œuvre, et donc la productivité qu’ellepeut en attendre. Le salaire offert par la firme joue le rôle d’une procédure de sélection dequalité des travailleurs.

Dans les modèles de salaire d’efficience, ce sont principalement des considérations degestion interne de main-d’œuvre qui expliquent la formation du niveau de salaire. Lesrémunérations sont donc fixées sans rapport avec le salaire qui s’établirait sur un marché du travailconcurrentiel. Le salaire se retrouve plus élevé à celui sui assurerait un plein emploi. Lemarché du travail est alors en déséquilibre et fait apparaître un chômage de natureinvolontaire.

Dans le même ordre d’idée de gestion de la ressource travail par les entreprises, lesconditions d’embauche et de gestion des carrières des salariés ont des répercussionsimportantes sur le fonctionnement du marché du travail. Ce sont les théories de lasegmentation du marché du travail.

Document 6 : la segmentation du marché du travail

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Marché interne Marché externeType de contrat

Conditions detravail

Avancement

Q2/

Les entreprises ne procèdent pas à la même gestion des salaires, des carrières et desconditions de travail selon les salariés. Pour simplifier, on distingue deux secteurs :

Le secteur primaire : salaires importants, carrières longues, bonnes conditions de travail,stabilité de l’emploi au sein de grandes firmes. Ce secteur primaire concerneessentiellement des hommes, bien diplômés. On les appelle insiders (mot-à-mot, « ceuxqui sont à l'intérieur »), dans la mesure où ils sont bien protégés.

Le secteur secondaire : salaires faibles, rotation importante du personnel, peu deperspective de carrière, mauvaises conditions de travail, chômage plus fréquent. Cesecteur est fréquenté essentiellement par des femmes qui accumulent des emploisprécaires, peu diplômés. On les appelle outsiders (ils sont « à l'extérieur » du marché dutravail, ou plutôt à la périphérie du secteur le plus protégé).

NB : le vocabulaire de ce modèle ne doit pas être confondu avec les trois secteurs(primaire = agricole, secondaire = industrie, tertiaire = services) que l'on distingue habituellementen géographie, par exemple.

La frontière entre ces deux secteurs est particulièrement imperméable. Il est très difficile depasser d’un secteur à un autre.

Ces deux secteurs peuvent se retrouver au sein de la même entreprise, ils sont laconséquence des stratégies de gestion de la ressource travail. La firme agit dans un contexted’incertitude, et rencontre de bonnes et de mauvaises périodes. Dans ce contexte, la stratégieoptimale pour une entreprise est d’avoir un noyau dur de personnel bien formé, avec des bonssalaires et de bons diplômes qui assure le bon fonctionnement de l’entreprise quels que soient lesévénements : c’est le secteur interne ou primaire.

Et la firme garde sous la main un ensemble d’employés comme variabled’ajustement du volume de la ressource travail en fonction d’événements. En cas de crise,elle peut se permettre de jouer sur ce secteur secondaire pour réduire les effectifs et donc lescoûts salariaux. Et en cas de bonne période qui s’annonce temporaire, elle augmente le volume dece secteur secondaire ou externe pour assurer les besoins d’augmentation temporaire de laproduction.

Conséquence de cette segmentation du marché du travail : il y a un phénomène de « filed’attente » dans le secteur primaire et le secteur secondaire, c'est-à-dire de chômeurs en

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attente d’embauche en fonction des besoins des entreprises. Le chômage est ici involontaire,car il dépend des besoins de production des entreprises, et des salaires élevés octroyés ausecteur primaire stable dont a besoin une entreprise dans un environnement incertain.

2.2. Comment se passent les négociations salariales ?

Document 7 : La colère des caissières de Carrefour

Le salaire est un objet qui se négocie au sein des entreprises. Le salaire est donc lerésultat d’un rapport de force qui s’établit entre les deux parties prenantes des négociations :patronat et syndicats. On parle des « partenaires sociaux », c'est-à-dire du regroupement desprincipaux syndicats de salariés et d’employeurs lors de réunions de travail.

Il faut user de différentes stratégies pour faire pencher le rapport de force en sa faveur : La coopération permet d’établir un compromis qui arrange les parties présentes

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Le conflit permet d’entrer dans un rapport de force plus rugueux, et d’obliger l’adversaire àcéder. La grève et la manifestation (signifiant l’arrêt de la production et donc la baisse desprofits) sont les moyens d’action les plus classiques.

Les partenaires sociaux négocient des niveaux de salaire locaux et sectoriels, sans prendreen compte l’économie globale. La coordination des décisions des partenaires sociaux n’estpas nécessairement assurée, si les négociations se font au niveau des entreprises. Cettesituation peut engendrer une situation locale optimale avec de bons emplois, mais une situationnationale sous-optimale avec du chômage engendré par ces salaires trop élevés. L’exemple leplus classique de non-coordination des syndicats est celui d’Air France. Les pilotes jouissent d’unrapport de force très favorable, et donc de salaires très avantageux, avec des participations dansle capital d’Air France. Mais pour faire face à ces coûts salariaux élevés, Air France est obligé deréduire son personnel d’agents aéroportuaires et d’hôtesses de l’air.

Le chômage qui apparaît dans ce contexte est le produit d’une absence de coordinationdes partenaires sociaux entre le niveau local et le niveau national. Cette idée rejoint engrande partie la théorie insiders/outsiders. Ce sont les individus déjà employés (les insiders) quimènent les négociations salariales. Du fait de leur pouvoir de négociation, ils obtiennent dessalaires plus élevés que le salaire d’équilibre, au détriment des outsiders aux intérêts différents,cherchant avant tout à décrocher un emploi.

Par exemple, en cas de reprise économique, les insiders vont chercher à accaparer lesnouveaux gains de cette croissance par des augmentations de salaires au détriment du retour àl’emploi des outisders. Cette théorie rejoint en grande partie l’idée de segmentation du marché dutravail.

Les négociations salariales peuvent également expliquer la rigidité des salaires regrettéepar les économistes néoclassiques.

Document 8. Le salaire comme assurance contre les fluctuations de la conjonctureéconomique

En principe, dans la théorie néoclassique, le chômage devrait entrainer une baisse dessalaires et un retour à l’équilibre. Mais les faits ne se plient pas à la réalité. Face à l’incertitude quipèse sur le marché du travail, employeurs et salariés établissent au sein de l’entreprise un partagetacite des risques appelé « contrat implicite ». Les entreprises s’engagent à verser des salairesstables dans le temps, même en période de mauvaise conjoncture (ils deviennent alors supérieursà ceux du marché concurrentiel). En contrepartie, si la conjoncture devient à nouveau favorable,les salaires n’augmentent pas, ou moins vite que ceux du marché concurrentiel. Ainsi, en étantinsensible aux évolutions de l’emploi, le salaire diffère de la productivité marginale du travail. Toutse passe comme si le contrat de travail était un contrat d’assurance. La théorie des contratsimplicites constitue donc une théorie du partage optimal du risque entre employeurs et salariés.Elle fournit également une explication de la rigidité des salaires dans l’entreprise malgré lechômage. Ce renoncement au marché conduit à souligner que le salaire a changé de statut. Iln’est plus un prix de marché, mais le résultat monétaire d’une règle convenue entre acteursrationnels de l’entreprise.

D’après B. Reynaud (1994), les théories des salaires. Paris : La Découverte.

Q1/ Précisez, pour les salariés et pour les employeurs, les assurances respectives qui résultent ducontrat implicite.

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Q2/ Expliquez la phrase soulignée

Q3/ Que peut-on en conclure concernant le marché du travail ?

La prise en compte de la réalité du salaire comme objet de négociations par les partenairessociaux changent la perception du salaire : il est beaucoup plus rigide que ne le suppose lathéorie néoclassique, et il n’y a aucune instance de centralisation des négociations et desinformations, ce qui implique un manque de coordination qui peut s’avérer défavorable pourl’emploi.

2.3. Comment la relation salariale s'est-elle institutionnalisée ?

Le statut de salarié s’impose à partir du XIXème siècle dans la société française. C’estpourtant un statut peu enviable à cette époque, car les conditions de travail sont déplorables, etce statut marque dans le marbre le lien de dépendance et de subordination entre l’employé etl’employeur. Ce n'est qu'au fur et à mesure du XXe siècle que le salariat deviendra le mode« normal » d'emploi, le plus répandu, du moins.

Document 9 : les conditions de travail au 19ème siècle

« D'origine irlandaise et catholique, John Doherty, né en 1789, avait travaillé tout petit, dansles filatures de coton. Il avait connu l'existence de ces enfants qui entraient à l'usine à 5 ou 6heures du matin et ne la quittaient qu'entre 7 et 8 heures du soir, enfermés pendant quatorzeheures dans des ateliers, dans une atmosphère étouffante de 24 à 29°. Point de repos, sauf auxheures des repas : au plus une demi- heure pour le petit déjeuner du matin et une heure pour ledéjeuner. Encore, pour les enfants, les heures de repos ne sont pas régulières ; 3 ou 4 jours parsemaine, elles signifient seulement un changement de travail : au lieu de surveiller une machineen marche, l'enfant doit nettoyer une machine arrêtée, ou ramasser les duvets de coton, obligé,tout en travaillant, de manger un morceau au milieu de la poussière ; les duvets s'infiltrent dansses poumons, l'enfant n'a plus d'appétit. Aucun siège pour s'asseoir : s'asseoir est interdit par lerèglement. De 15 heures par jour, la durée du travail s'allonge encore pendant les périodesd'activité industrielle. Dans certaines fabriques, pendant l'été, les enfants travaillent régulièrementde 3 heures et demi du matin à 9 heures et demi du soir ; en outre, pendant toute la nuit 2 fois parsemaine. Les industriels les plus humains se contentent de les faire travailler 16 heures. On arriveà obtenir des enfants un effort aussi prolongé que par la terreur. »

Source : E.Dolléans, Histoire du mouvement ouvrier, T1. Paris : Armand Colin

Règlement intérieur d'une entreprise en 1830

« […] Art. 5 : il est strictement interdit de parler sur le lieu de travail.Art. 6 : notre firme met un poêle à la disposition des employés de bureau. Afin qu’ils puissent seréchauffer, il est recommandé à chaque membre du personnel d’apporter chaque jour 4 livres decharbon durant la saison froide.Art. 7 : la journée de travail se compose de 13 heures ; les excédents seront payés aux ouvriers

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dans la proportion de leur salaire et dans aucun cas ils ne pourront refuser un excédent de travailquand les circonstances l’exigeront, sous peine de 2 francs d’amende.Art. 8 : tout ouvrier en retard de 10 minutes sera mis à une amende de 22 centimes ; s’il manquecomplètement, il paiera une amende de la valeur du temps d’absence.Art. 16 : toute ouvrière qui laverait ses mains ou des effets quelconques avec le savon de lafabrique paiera 3 francs d’amende. »

Q1/ Quelles étaient les principales caractéristiques des conditions de travail au 19ème siècle ?

Q2/ Qui déterminait ces conditions ? Pourquoi ?

La condition ouvrière salariale est marquée au 19ème siècle par une forte précarité dutravail et par une grande insécurité sociale. L'État n’impose aucune loi restrictive aux entreprisespour améliorer les conditions de travail. Il interdit même depuis 1791 (loi le Chapelier) le droit degrève et de syndicat.

Documents 10. Les droits des travailleurs acquis au 20ème siècle

C'est le 23 avril 1919 que la loi adoptée par le Parlement, sous le gouvernement de G.Clemenceau, instaure la durée maximale de 8 heures de travail par jour et de 48 heures parsemaine. Un texte qui demeurera inchangé jusqu'en 1936 et la fameuse loi du 21 juin sur lasemaine de 40 heures, à son tour en vigueur jusqu'au 17 janvier 1982, qui généralisera les 39heures par semaine avec de nombreuses dérogations. A l'époque, immédiatement après la sortiede la guerre, il y avait urgence à prévenir toute agitation en arrêtant toute une série de dispositionssociales. Pour cette raison, déjà, le Parlement avait voté la loi du 25 mars 1919 reconnaissant lesconventions collectives. Désormais, le caractère impératif de la convention collective s'imposepour ceux qui y sont soumis, sa supériorité étant confirmée par rapport à un contrat individuel. Enoutre, la définition d'un intérêt collectif équivaut à la reconnaissance du syndicat, qui en est legarant naturel. Au début de 1919, et pour une période qui va s'étendre jusqu'à l'échec de lagrande grève de 1920, les tensions sont fortes. Un mécontentement croissant s'affirme dans lesmilieux ouvriers à cause de la vie chère, de la baisse des salaires, des soldats démobilisés qui neretrouvent pas de travail. Commencées en mars chez les mineurs de Lorraine, les grèvess'étendent et, le 1er mai, la grève est générale en France. La CGT qui comptait 400 000adhérents en 1914, en rassemble 1 200 000 en septembre 1919. Ce n'est pas un hasard si lacréation de l'Organisation Internationale du Travail a lieu cette année là.

Source : Alain Lebaube, Le Monde, 25 avril 1994

Quand y-a-t-il contrat de travail ? L’existence du contrat de travail ne se déduit pas de larédaction d’un écrit mais des conditions de fait dans lesquelles s’exécute le travail. Il n’y a pas dedéfinition légale mais les juges considèrent qu’il y a contrat de travail dès qu’une personnetravaille pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant une rémunération. Il en ressort

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trois éléments caractéristiques : la prestation de travail du salarié, la rémunération due enéchange par l’employeur et la situation de dépendance ou lien de subordination du salarié vis-à-vis de son employeur. [...]. La qualité de salarié est fondamentale, car le contrat de travail faitl’objet de règles particulières qui organisent la protection du salarié en raison de sa situation dedépendance vis-à-vis de l’employeur et lui reconnaissent un certain nombre de droits dansl’entreprise. Il suffit de citer : l’obligation de verser une rémunération au moins égale au SMIC, laréglementation protégeant la santé des travailleurs, le droit aux congés payés, les dispositionslimitant la durée du travail, les garanties en cas de sanction disciplinaire ou de licenciement, ledroit des salariés à être informés, s’exprimer et négocier dans l’entreprise...Également, la qualitéde salarié vous donne droit à une protection sociale en cas de chômage, de maladie, d’accidentdu travail...Vos droits sont définis par des règles d’origine différente :- Les lois votées par le parlement et les décrets pris par le gouvernement (Code du travail) ;- Les conventions et accords collectifs négociés entre les employeurs et les organisationssyndicales ;- Le règlement intérieur de votre entreprise élaboré par l’employeur ;- Les usages nés de la pratique, le droit local.

Source : CFDT (1999), Salariés : guide de vos droits. Paris : Syros.

Document 10 bis. Un exemple de contrat de travail

Société Durand, 12 rue Leblanc, 68000 Colmar

Entre la société Durand d’une part, et Monsieur Marcel Dupont, né le 20 janvier 1960 àParis 14ème et habitant 4 rue Violette à Wintzenheim, d’autre part, il a été convenu ce qui suitconformément aux dispositions de la convention collective nationale du commerce de détail et del’habillement.

Monsieur Marcel Dupont est engagé à partir du 1er juin 2009 dans les conditions suivantes: période d’essai : 1 mois ; nature de l’emploi : vendeur hautement qualifié ; capable de faire desétalages ; qualification : catégorie 7 ; horaire : mardi 10h-13h et 14h-18h et du mercredi au samedi9h30-13h et 14h-18h30 ; salaire mensuel brut : 1430 euros ; durée du contrat : indéterminée ;congés payés : 5 semaines uniquement aux dates de fermeture de la société ; journées de reposhebdomadaire : dimanche et lundi. Les parties contractantes s’engagent à se conformer auxdispositions du règlement intérieur dont l’intéressé déclare avoir pris connaissance. Fait en doubleexemplaire à Colmar le 1er juin 2009, signatures des 2 parties précédées de la mention « lu etapprouvé ».

Q1/ Qu’est-ce que le droit du travail ? Une convention collective ? La protection sociale ?

Q2/ Comment les salariés ont-ils réussi à acquérir des droits ?

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Q3/ Quel est le contenu d’un contrat de travail ?

Q4/ Quels sont les droits acquis par les travailleurs au 20ème siècle ?

Les salariés ont acquis un certain nombre de droits tout au long du 20ème siècle, etnotamment une triple protection : protection juridique à travers le droit du travail, protectionconventionnelle avec les accords collectifs, protection sociale par les assurances socialesdevenues obligatoires.

Les travailleurs salariés se sont organisés en syndicats pour obtenir de nouveaux droits,notamment grâce à la grève. Il ne faut pas oublier que différents gouvernements ont accordé denombreux droits aux salariés, pour mettre en place l’État-Providence.

Document 11 : quelques dates importantes à retenir

Âge d'entrée autravail

Durée du travail Protection sociale Droits syndicaux

1841 – 8 ans 1841 – 10h/j pour les8-12 ans

1898 – Accidents dutravail

1864 – droit de grève

1906 – reposdominical

1910 – retraiteouvrière et paysanne

1884 – droit de sesyndiquer

1919 – 8h/j 1930 – allocationsfamiliales

1919 – acceptationdes conventionscollectives

1936 – 14 ans 1936 – 40h/semaineet deux semaines decongés payés

1945 – Sécuritésociale

1950 – SMIG

1959 – 16 ans 1982 - 39h/semaineet 5 semaines decongés payés

1970 – SMIC

1997 – 35h/semaine

Document 12. Le contrat de travail typique

La législation, les conquêtes syndicales, les modes de gestion de la main-d’œuvre ontabouti à imposer une sorte d'emploi typique, que certains ont parfois appelé le “modèle de l'emploitotal”. H.Puel a essayé de préciser ces normes qui se sont progressivement imposées à tous :

- c’est un emploi salarié, les formes de travail indépendant (agriculteurs, commerçants...) tendentà devenir marginales ;- le lien entre l'employeur et le salarié est ferme : il s'agit d'un statut, d'un contrat sans limitation dedurée [contrat à durée indéterminée, ou CDI], s'intégrant le plus souvent dans des conventionscollectives ;

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- l'emploi typique est stable : il s'intègre le plus souvent dans un système de promotion ;c'est un emploi à temps plein : c'est le vecteur principal d'identification et d'insertion sociale del'individu ;- l'emploi typique relève d'un seul employeur, et s'exerce sur un lieu de travail spécifique.

H. Puel remarque enfin que l'emploi typique procure l'essentiel du revenu familial, même sile développement de la protection sociale tend à séparer revenu et emploi. Et l’on pourrait ajouterà cela que l'emploi typique générait un certain type de syndicalisme et donc de relationscollectives du travail.

Source : D.Gambier, M.Vernières (1998), L'emploi en France. Paris : La Découverte.

Q1/ Quelles sont les caractéristiques de l’emploi typique ?

Q2/ Quelles raisons ont poussé les entreprises à adopter ce type d’emploi ?

Des années 1950 jusqu’au début des années 1980, on a assisté à la montée en puissance,au sein du salariat d’une « norme d’emploi » que l’on peut résumer par l’emploi typique. C’estun modèle idéal qui ne correspond pas totalement à la réalité mais qui sert de référence etd’aspiration pour l’ensemble des salariés. Aujourd’hui, la grande majorité des salariés français (4salariés sur 5) sont un emploi stable (CDI ou fonctionnaires), et la plupart des autres actifs aspirentà l'être.

Document 13 : droit du travail et représentation des salariés dans l'entreprise

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La relation salariale s’est donc peu à peu institutionnalisée. Tout un ensembled’éléments, plus larges que la simple négociation des contrats et des salaires, est désormaisnégocié entre les partenaires sociaux. Ces négociations sont encouragées et parfoisencadrées par l’État qui a joué un rôle très important dans l’institutionnalisation de cesrelations. Cette institutionnalisation s’est accompagnée de conflits et de coopérations pour définirl’emploi typique, repenser le contrat de travail, négocier les conventions collectives. A côté de l’Étatet des syndicats, des instances de représentation des salariés sont apparues et ont encorerenforcé l’institutionnalisation de la relation salariale : comités d’entreprise, CHSCT, déléguésyndical, délégué du personnel… Ces instances régulent les conflits et les relationssalariales.

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