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CONSEIL D'ETATstatuant
au contentieux
CZ
N 322326
__________
SOCIETE GROUPE D'INFORMATION
ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES
FEDERATION DES ASSOCIATIONS
POUR LA PROMOTION ET
L'INSERTION PAR LE LOGEMENT
__________
Mme Bethnia Gaschet
Rapporteur
__________
Mme Galle Dumortier
Rapporteur public
__________
Sance du 23 mars 2012
Lecture du 11 avril 2012
__________
REPUBLIQUE FRANAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
Sur le rapport de la 4me
sous-section
de la Section du contentieux
Vu la requte, enregistre le 10 novembre 2008 au secrtariat du contentieux
du Conseil d'Etat, prsente par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES
IMMIGRES (GISTI), dont le sige est 3, villa Marcs Paris (75011), dsign mandataire
unique, et reprsent par son prsident en exercice, et la FEDERATION DES ASSOCIATIONS
POUR LA PROMOTION ET L'INSERTION PAR LE LOGEMENT (FAPIL), dont le sige est
221, boulevard Davout Paris (75020), reprsente par son prsident en exercice ; le GROUPE
D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et la FEDERATION DES
ASSOCIATIONS POUR LA PROMOTION ET L'INSERTION PAR LE LOGEMENTdemandent au Conseil d'Etat :
1) d'annuler pour excs de pouvoir le dcret n 2008-908 du 8 septembre 2008
relatif aux conditions de permanence de la rsidence des bnficiaires du droit un logement
dcent et indpendant et modifiant le code de la construction et de l'habitation (partie
rglementaire) en tant que larticle R. 300-2 quil insre dans le code de la construction et de
lhabitation fixe les conditions de la permanence de rsidence mentionnes larticle L. 300-1 du
mme code exiges des personnes de nationalit trangre autres que les dtentrices dune carte
de rsident ou dun titre confrant des droits quivalents et autres que les personnes relevant de
larticle R. 300-1 du mme code pour se voir ouvrir un droit au logement opposable ;
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Sur les interventions de lassociation la Cimade, de lassociation des familles
victimes de saturnisme et de lassociation Fdration droit au logement :
Considrant que lassociation la Cimade, lassociation des familles victimes de
saturnisme et lassociation Fdration droit au logement ont intrt lannulation du dcret
attaqu ; que, par suite, leurs interventions doivent tre admises ;
Sur la lgalit du dcret attaqu :
Considrant quaux termes de larticle L. 300-1 du code de la construction et
de lhabitation : Le droit un logement dcent et indpendant () est garanti par lEtat toute
personne qui, rsidant sur le territoire franais de faon rgulire et dans des conditions de
permanence dfinies par dcret en Conseil dEtat, nest pas en mesure dy accder par ses
propres moyens ou de sy maintenir. / Ce droit s'exerce par un recours amiable puis, le cas
chant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalits fixes par le
prsent article et les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1. ; que le dcret attaqu n 2008-908du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la rsidence des bnficiaires du
droit un logement dcent et indpendant dtermine, par larticle R. 300-2 ajout au code de la
construction et de lhabitation, pour les personnes qui ne sont ni de nationalit franaise ni
ressortissantes dun Etat membre de lUnion europenne et de lEspace conomique europen ou
de la Confdration suisse, les conditions de permanence du sjour en France qui leur ouvrent un
droit au logement opposable ; quen particulier, il tablit, pour les personnes autres que celles
dtenant une carte de rsident ou un titre de sjour prvu par les traits ou accords internationaux
et confrant des droits quivalents ceux de la carte de rsident, une liste de cinq catgories de
titres de sjour permettant leurs dtenteurs de demander le bnfice du droit au logement
opposable, sous la double condition dune dure de rsidence pralable de deux ans sur le
territoire national et dau moins deux renouvellements du titre de sjour dtenu ; que cette listene comprend pas la carte de sjour temporaire portant la mention tudiant ou salari en
mission , ni la carte de sjour comptences et talents ;
En ce qui concerne le moyen tir de la mconnaissance du 1 de larticle 6 de la
convention internationale du travail n 97 du 1er
juillet 1949 concernant les travailleurs
migrants :
Considrant que les stipulations dun trait ou dun accord rgulirement
introduit dans lordre juridique interne conformment larticle 55 de la Constitution peuvent
utilement tre invoques lappui dune demande tendant ce que soit annul un acteadministratif ou carte lapplication dune loi ou dun acte administratif incompatibles avec la
norme juridique quelles contiennent, ds lors quelles crent des droits dont les
particuliers peuvent directement se prvaloir ; que, sous rserve des cas o est en cause un trait
pour lequel la Cour de justice de lUnion europenne dispose dune comptence exclusive pour
dterminer sil est deffet direct, une stipulation doit tre reconnue deffet direct par le juge
administratif lorsque, eu gard lintention exprime des parties et lconomie gnrale du
trait invoqu, ainsi qu son contenu et ses termes, elle na pas pour objet exclusif de rgir les
relations entre Etats et ne requiert lintervention daucun acte complmentaire pour produire des
effets lgard des particuliers ; que labsence de tels effets ne saurait tre dduite de la seule
circonstance que la stipulation dsigne les Etats parties comme sujets de lobligation quelle
dfinit ;
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Considrant que larticle 6-1. de la convention internationale du travail n 97
du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants, rgulirement ratifie, et publie par le
dcret du 4 aot 1954, publi au Journal officiel de la Rpublique franaise du 7 aot 1954 ,
stipule que : Tout Membre pour lequel la prsente convention est en vigueur s'engage
appliquer, sans discrimination de nationalit, de race, de religion ni de sexe, aux immigrants quise trouvent lgalement dans les limites de son territoire, un traitement qui ne soit pas moins
favorable que celui qu'il applique ses propres ressortissants en ce qui concerne les matires
suivantes: / a) dans la mesure o ces questions sont rglementes par la lgislation ou dpendent
des autorits administratives : () / iii) le logement () / d) les actions en justice concernant les
questions mentionnes dans la convention ; que larticle 11 de la convention dfinit le
travailleur migrant comme la personne qui migre dun pays vers un autre en vue doccuper un
emploi autrement que pour son propre compte ; que lengagement dappliquer aux travailleurs
migrants un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui appliqu aux ressortissants
nationaux en matire de droit au logement et daccs aux procdures juridictionnelles permettant
de faire valoir ce droit ne saurait tre interprt comme se bornant rgir les relations entre
Etats et, ne requrant lintervention daucun acte complmentaire pour produire des effets, sesuffit lui-mme ; que, par suite, les stipulations prcites peuvent utilement tre invoques
lencontre du dcret attaqu ; que celui-ci nest pas compatible avec ces stipulations en tant,
dune part, quil subordonne le droit au logement opposable de certains travailleurs migrants au
sens de cette convention une condition de rsidence pralable de deux ans sur le territoire
national qui ne sapplique pas aux ressortissants nationaux, dautre part, quil exclut de son
champ dapplication des titres de sjour susceptibles dtre attribus des personnes pouvant
avoir la qualit de travailleur migrant au sens de cette convention, tels que les travailleurs
temporaires ou les salaris en mission ;
En ce qui concerne le moyen tir de la mconnaissance du principe dgalit :
Considrant que le principe dgalit ne soppose pas ce que lautorit
investie du pouvoir rglementaire rgle de faon diffrente des situations diffrentes ni ce
quelle droge lgalit pour des raisons dintrt gnral pourvu que, dans lun comme lautre
cas, la diffrence de traitement qui en rsulte soit en rapport direct avec lobjet de la norme qui
ltablit et ne soit pas manifestement disproportionne au regard des motifs susceptibles de la
justifier ;
Considrant que si le pouvoir rglementaire pouvait, dans les limites de
lhabilitation donne par le lgislateur et sous rserve du respect des principes valeurconstitutionnelle ainsi que des engagements internationaux de la France, fixer, sagissant des
ressortissants trangers, des conditions leur ouvrant un droit au logement opposable distinctes
selon les titres de sjour dtenus par eux, il ne pouvait lgalement le faire que pour autant que les
personnes rsidant en France sous couvert de ces titres se trouvent dans une situation diffrente
au regard de la condition de permanence du sjour sur le territoire national pose par larticle
L. 300-1 du code de la construction et de lhabitation prcit ou pour des motifs dintrt gnral
en rapport avec cette mme condition ; que la diffrence de traitement qui rsulte du dcret
attaqu ne se justifie ni par un motif dintrt gnral, ni par une diffrence de situation au regard
de la condition de permanence du sjour entre les personnes dtentrices dune carte de sjour
temporaire portant la mention tudiant ou salari en mission , ou dune carte de sjour
comptences et talents , dune part, et les personnes dtentrices dautres titres de sjourtemporaires inclus dans le champ du dcret attaqu, dautre part ; quil suit de l que le dcret
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attaqu a mconnu le principe d'galit en excluant du bnfice du droit au logement opposable
les dtenteurs de ces trois catgories de titres de sjour ;
Considrant que les dispositions ainsi entaches dillgalit sont indivisibles de
lensemble des autres dispositions attaques ; que, ds lors, le GROUPE D'INFORMATION ET
DE SOUTIEN DES IMMIGRES ET AUTRE sont fonds demander lannulation de cesdispositions ;
Sur les consquences de lillgalit du dcret attaqu :
Considrant que lannulation dun acte administratif implique en principe que
cet acte est rput ntre jamais intervenu ; que, toutefois, sil apparat que cet effet rtroactif de
lannulation est de nature emporter des consquences manifestement excessives en raison tant
des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsquil tait en
vigueur que de lintrt gnral pouvant sattacher un maintien temporaire de ses effets, il
appartient au juge administratif - aprs avoir recueilli sur ce point les observations des parties etexamin lensemble des moyens, dordre public ou invoqus devant lui, pouvant affecter la
lgalit de lacte en cause - de prendre en considration, d'une part, les consquences de la
rtroactivit de lannulation pour les divers intrts publics ou privs en prsence, dautre part,
les inconvnients que prsenterait, au regard du principe de lgalit et du droit des justiciables
un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de lannulation ; quil lui revient
d'apprcier, en rapprochant ces lments, sils peuvent justifier quil soit drog titre
exceptionnel au principe de leffet rtroactif des annulations contentieuses et, dans laffirmative,
de prvoir dans sa dcision dannulation que, sous rserve des actions contentieuses engages
la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de lacte en cause, tout ou partie des
effets de cet acte antrieurs son annulation devront tre regards comme dfinitifs ou mme, le
cas chant, que lannulation ne prendra effet qu une date ultrieure quil dtermine ;
Considrant qu'au regard, d'une part, des consquences de la rtroactivit de
l'annulation du dcret attaqu, qui produirait des effets manifestement excessifs tenant au vide
juridique ainsi cr, d'autre part, de la ncessit de permettre au Gouvernement de prendre les
dispositions assurant la continuit de la procdure du droit au logement opposable, et compte
tenu tant de la nature des moyens dannulation retenus que de celle des autres moyens soulevs
par les associations requrantes et susceptibles daffecter la lgalit des dispositions attaques, il
y a lieu de prvoir que l'annulation prononce par la prsente dcision ne prendra effet qu
compter du 1er
octobre 2012 et que, sous rserve des actions contentieuses engages la date de
la prsente dcision contre les actes pris sur son fondement, les effets produits par lesdispositions du dcret attaqu antrieurement son annulation seront regards comme dfinitifs ;
Sur les conclusions prsentes au titre des dispositions de l'article L.761-1 du
code de justice administrative :
Considrant quil y a lieu, dans les circonstances de lespce, de mettre la
charge de lEtat la somme de 1 500 euros verser respectivement au GROUPE
D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et la FEDERATION DES
ASSOCIATIONS POUR LA PROMOTION ET L'INSERTION PAR LE LOGEMENT au titre
des dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font
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en revanche obstacle ce que soit mise la charge de lEtat la somme que demande au mme
titre lassociation la Cimade, qui nest pas partie dans la prsente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er
: Les interventions de lassociation la Cimade, de lassociation des familles victimes
de saturnisme et de lassociation Fdration droit au logement sont admises.
Article 2 : Larticle 1er
du dcret du 8 septembre 2008 est annul compter du 1er
octobre 2012
en tant que larticle R. 300-2 quil insre dans le code de la construction et de lhabitation fixe
les conditions de la permanence de rsidence mentionnes larticle L. 300-1 du mme code
exiges des personnes de nationalit trangre autres que celles dtenant une carte de rsident ouun titre confrant des droits quivalents et autres que les personnes relevant de larticle R. 300-1
du mme code, pour se voir ouvrir un droit au logement opposable.
Article 3 : Sous rserve des actions contentieuses engages la date de la prsente dcision
contre les actes pris sur le fondement du dcret du 8 septembre 2008, les effets produits par ce
dernier antrieurement son annulation sont regards comme dfinitifs.
Article 4 : LEtat versera la somme de 1 500 euros respectivement au GROUPE
D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES et la FEDERATION DES
ASSOCIATIONS POUR LA PROMOTION ET L'INSERTION PAR LE LOGEMENT au titredes dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions prsentes par la Cimade au titre des dispositions de larticle L. 761-1
du code de justice administrative sont rejetes.
Article 6 : La prsente dcision sera notifie au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN
DES IMMIGRES, la FEDERATION DES ASSOCIATIONS POUR LA PROMOTION ET
L'INSERTION PAR LE LOGEMENT, lassociation la Cimade, lassociation des familles
victimes de saturnisme et lassociation Fdration droit au logement, au Premier ministre,
ministre de l'cologie, du dveloppement durable, des transports et du logement, et au ministrede lintrieur, de loutre-mer, des collectivit territoriales et de limmigration.
Copie en sera adresse pour information au ministre dEtat, ministre des affaires trangres et
europennes et au Dfenseur des droits.