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70 l’arbre à Palabres # 13 - Mai 2003 C Cu ul l t t u ur r e e - - A Ar r t t s s - - F Fo ol l k kl l o or r e e L L a musique moderne séné- galaise connu sous le vo- cable wolof : Mbalax, combine en un mélange chatoyant de percussions traditionnelles, le phrasé griotique rehaussé de touches afro-cu- baines agrémentées de la saveur des danses africaines, a trouvé en Youssou N’dour son mentor et son ardent inno- vateur. Né en 1959 à Dakar (Sénégal), N’dour a été adoubé comme le Franck Sinatra de l’Afrique de l’Ouest par le New York Newsday après l’un de ses concerts au Hammerstein Ballroom de Manhattan. Sans conteste, il demeure le meilleur ambassadeur du mbalax de ces vingt dernières années avec le sou- tien sans faille de sa ménagerie : les musiciens du Super Étoile. Et rappe- lons les hommages du Los Angeles Times et du Guardian de Londres qui qualifient cette musique de meilleur exemple jusqu’à présent, de rencontre entre les musiques africaines et Ouest africaines : sain, pressant, réfléchi. Youssou N’dour aura côtoyé un grand nombre de musiciens talentueux – Peter Gabriel, Sting, Wyclef Jean – ce qui a apporté une valeur ajoutée à sa propre musique en croisant diverses influences et ce que Robert Christgau rappelle en une formule qui en dit long sur les qualités professionnelles ac- quises : L’un des Africains se proje- tant inexorablement dans l’avenir LA NÉCESSAIRE PARTICIPATION AU MOUVEMENT DÉMANCIPATION DE LA MUSIQUE AFRICAINE N'dour N'dour YOUSSOU YOUSSOU ALLAN GEORDY

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70 l ’arbre à Palabres# 13 - Mai 2003

CCuullttuurree -- AArrttss -- FFoollkklloorree

LLa musique moderne séné-galaise connu sous le vo-c a b l e w o l o f : M b a l a x ,

combine en un mélange chatoyant depercussions traditionnelles, le phraségriotique rehaussé de touches afro-cu-baines agrémentées de la saveur desdanses africaines, a trouvé en YoussouN’dour son mentor et son ardent inno-vateur.

Né en 1959 à Dakar (Sénégal) ,N’dour a été adoubé comme le FranckSinatra de l’Afrique de l’Ouest par leNew York Newsday après l’un de sesconcerts au Hammerstein Ballroom deManhattan. Sans conteste, il demeurele meilleur ambassadeur du mbalax deces vingt dernières années avec le sou-

tien sans faille de sa ménagerie : lesmusiciens du Super Étoile. Et rappe-lons les hommages du Los AngelesTimes et du Guardian de Londres quiqualifient cette musique de meilleurexemple jusqu’à présent, de rencontreentre les musiques africaines et Ouestafricaines : sain, pressant, réfléchi.

Youssou N’dour aura côtoyé ungrand nombre de musiciens talentueux– Peter Gabriel, Sting, Wyclef Jean –ce qui a apporté une valeur ajoutée àsa propre musique en croisant diversesinfluences et ce que Robert Christgaurappelle en une formule qui en dit longsur les qualités professionnelles ac-quises : L’un des Africains se proje-tant inexorablement dans l’avenir

LA NÉCESSAIRE PARTICIPATION AU MOUVEMENTD’ÉMANCIPATION DE LA MUSIQUE AFRICAINE

N'dourN'dour YOUSSOUYOUSSOU ALLAN GEORDY

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pour la World-pop-fusion à propos del a q u e l l e c h a c u n t h é o r i s e . P e t e rGabriel y a été de son couplet en affir-mant par exemple que Youssou N’dourest une des belles voix du monde tan-dis qu’un autre pense que la musiquede Youssou vous encourage à penserglobalement pendant que vous dansezlocalement.

Pourtant, en dépit de l’esprit d’ou-verture du mbalax à l’égard de di-verses expressions musicales culturel-lement différentes, du génie certain deYoussou N’Dour et de l’accueil béniqui lui est réservé par-delà les fron-tières, il n’en demeure pas moins un

genre musical marginal, si idiosyncra-tique de l’identité nationale sénégalai-se, qu’il lui est devenu pratiquementconsubstantiel. Rien d’étonnant à ceque, au plan culturel, Youssou N’Doursoit considéré comme une véritableicône aussi bien dans son propre paysque dans la diaspora sénégalaise etouest-africaine, y compris aux États-Unis. À travers son succès internatio-nal extraordinaire , la musique deYoussou N’Dour, en tirant ses racinesde la chanson et la danse sénégalaises,marque cet art du sceau de son origi-nalité. q

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QQui ne sesouvientde la fa-

meuse scène dePulp Fiction, aveccette mallette ou-verte au beau mi-lieu du restau-rant ? Pourtant,ce n’était passon contenuqui interpel-

lait le spectateur, non.C’était d’abord et surtout la stu-

péfaction des témoins fascinés par

les reflets dorés de la lumièreéthérée qui jaillissait de l’inté-rieur. De même, il serait donc in-juste de voir une quelconque ana-logie entre le choc de cette imagesur les curieux et l’impact desprécédentes productions deN’Dour sur le marché occidental.Car on aurait beau avoir conscien-ce de ce qu’il s’y passe d’absolu-ment génial, quelque chose d’aus-si bouleversant qu’un tremble-ment de terre, c’est comme s’il nenous est pas permis d’y avoir ac-cès. Heureusement, Nothing’s InVain, œuvre dans laquelle il adop-te une démarche semblable à cel-

le de toutes ses chansons sénéga-laises, est là pour livrer enfin réel-lement à l’oreille avisée la clé deson secret.

Fruit de quelque dix-huit moisde travail avec son coproducteurHabib Faye, le bassiste des SuperÉtoile, dans le studio Xippi deDakar, dont il est propriétaire, cet-te réalisation atteste la maîtriseachevée avec laquelle N’dourconçoit l’art musical. Pendant queles autres stars de la musique afri-caine se trouvent de plus en plusdéconnectés, N’Dour, lui, a opté

pour une ap-proche singuliè-re. Il accordeune importancecentrale à l’ap-port des instru-ments tradition-

nels sénégalais, mais intégrés pardes arrangements contemporainsdans de véritables trouvailles degénie à la pointe de l’avant-garde.Et comme toujours, le renfortrythmique des musiciens des Su-per Étoiles est là, qui arrive àpoint nommé.

Ce qu’il y a de particulière-ment saisissant dans ce CD, cesont ces fantastiques construc-tions en forme de gouffres béants,infinis, qui séparent les enchaîne-ments sonores épars, atmosphé-riques, et les envolées fou-gueuses, envoûtantes. Tan Bi, lepremier titre, démarre aux sonori-

Nothing’s In VainLa clé de son secret ?

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ULTURE - ARTS - FOLKLOREULTURE - ARTS - FOLKLORECCCCtés douces et raffinées de la koraet du xalam, qui enflent au fur et àmesure que le balbutiement descordes répond en écho au riti(violon à une corde). Et une foisde plus, dans Li Ma Weesu, on estsurpris par la violence avec laquel-le une atmosphère légère, aérienne,est accaparée par une muraille desons surgis de nulle part. Mais lesmoments les plus magiques se pré-sentent par la suite aussi, lorsqu’ilse met à jouer Moor Djaye, cet airentraînant originaire de l’ouest dupays Mandingue, et que l’on danseau rythme trépidant du balafonnoyé sous une cascade de koras ;lorsque, dans Genne, le doux sonde flûte du riti réponden écho à la truculencedu verbe de Youssou ;lorsque – soit dit en pas-sant, c’est ma préférée –il nous donne une nou-velle version de Mbeg-geel Noonu La, fraîche-ment remaniée et untantinet provoc, ou bienle tube parisien-daka-rois Il n’y a pasd’amour, si triste àpleurer, tragique et trou-blant, avec son accom-pagnement à l’accor-déon style guinguette…

Pour autant, si dansl’ensemble on ne peutque se répandre enlouanges, il arrive àdeux ou trois reprisesqu’on ait l’impression

de verser carrément dans l’absur-de. Par exemple, So Many Men,son duo avec la pop-star françaisePascal Obispo, se révèle un exer-cice écœurant, mièvre et surfait. Ilest intéressant de noter que cettechanson est l’une des deux der-nières qui ne viennent qu’en ap-point dans l’album, l’autre étantAfrica, Dream Again, incontesta-blement un navet aussi. Toutefois,ce ne sont là que de petits instantsde flottement dans une œuvre quipermet sans nul doute de se repré-senter au plus juste la réelle va-leur musicale de cet homme. DixitMiss Sarah Coxson (Roots Maga-zine). (Trad. G. Monny).