bérets rouges en normandie. juin 1944 : paras...

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6e DIVISION PARACHUTISTE BRITANNIQUE

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LES BÉRETS ROUGES

EN NORMANDIE

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J e a n M a b i r e

L E S B É R E T S

R O U G E S E N

N O R M A N D I E

Document

Production Jeannine Balland

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La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de f auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1" de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

@ Presses de la Cité, 1994 ISBN 2-258-03814-6

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Pour Jean Bourdier

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Avertissement

Les grades

Chaque armée possède un système de grades différent et les correspondances d'un pays à l'autre varient selon les ouvrages de référence, même officiels. En conséquence, il a paru préfé- rable, en tenant compte des particularités de l'armée britan- nique, de garder les grades en langue anglaise, en indiquant par- fois en note à quoi ils correspondent approximativement. Par contre l'emploi de la majuscule a été supprimé. Il en sera ainsi du lieutenant-general au lance-corporal... Dans un souci d'uni- fication, le capitaine devient : captain, et le sergent : sergeant...

Le regimental sergeant-major est le sous-officier le plus important du bataillon. Il joue non seulement un rôle adminis- tratif et honorifique, mais participe aussi aux combats. C'est une fonction assez différente de celle de l'adjudant de bataillon dans l'armée française.

Le company sergeant-major ne correspond pas non plus tout à fait à l'adjudant de compagnie, d'escadron ou de batterie de l'armée française, dont le rôle est de faire régner l'ordre et la discipline dans l'unité au cantonnement, en restant souvent à la base arrière lors des combats. Le company sergeant-major, dans l'armée britannique, est aussi et surtout un combattant.

L'heure

L'heure officielle des opérations du Jour J est bien entendu l'heure des Alliés. Le premier planeur se pose ainsi près du

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pont de Bénouville à 0 h 16 le 6 juin 1944. Mais pour les Alle- mands, il est 23 h 16, tandis que les paysans normands emploient toujours l'heure « solaire » qui retarde encore d'une heure. Il est donc 22 h 16 à la « vuule » (la vieille heure) quand le planeur du major Howard atterrit - brutalement - en Nor- mandie... L'heure employée dans ce livre sera l'heure anglaise.

Il est à noter que cette différence d'heure continue à provo- quer de nombreuses confusions dans les témoignages, suivant qu'ils émanent des Britanniques, des Allemands ou des Normands.

Les « Diables Rouges »

Le surnom de « Diables Rouges » fut donné durant la cam- pagne de Tunisie par les soldats allemands aux parachutistes britanniques par allusion à la couleur de leur béret. De leur côté, les parachutistes allemands furent surnommés « les Diables Verts » en raison de la teinte de leur surtout de toile gris verdâtre.

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PREMIÈRE PARTIE

A L'ASSAUT DES PONTS

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1

Le planeur « Horsa » tangue et roule comme un bateau sur une mauvaise mer hachée. La plupart des passagers sont malades. Engoncés dans leurs équipements, entassés sur les étroits sièges de sangles, ballottés à chaque sursaut de l'appareil, ils se vomissent les uns sur les autres dans une puanteur épou- vantable.

Un des rares à ne pas avoir le cœur soulevé pendant cette tra- versée de la Manche est leur chef, le major John Howard, commandant la compagnie D du 2e bataillon de l'Oxfordshi're and Buckinghamshire Light lnfantry \ en abrégé Oxf. and Bucks, un des trois bataillons de la 6e brigade aéroportée Kindersley.

Est-ce l'extrême tension provoquée par la responsabilité qui lui épargne les affres du mal de l'air ? L'officier se sent, pour une fois, l'estomac bien accroché; il est même à son aise, mal- gré la ceinture qui le maintient étroitement arrimé au dossier de son siège. C'est plutôt la tête qui n'irait pas. Sans cesse, l'officier se remémore la petite phrase que lui a dite le lieute- nant-colonel Roberts, le commandant des Oxf. and Bucks, le 18 avril dernier, à l'issue de la critique d'une manoeuvre :

1. L'organisation de l'armée britannique, encore en usage lors de la Seconde Guerre mondiale, donnait à nombre d'unités une implantation territoriale, en géné- ral sur la base des anciens comtés historiques (Yorkshire ou Lancashire). Le régiment est une formation administrative, dont les unités de combat sont les bataillons. Ceux-ci sont regroupés, trois par trois, dans des brigades (assez analogues aux demi- brigades de l'armée française, notamment chez les chasseurs à pied, où elles corres- pondent aux anciens régiments à trois bataillons). En dehors d'une filiation géo- graphique, les formations de l'armée britannique peuvent également se prévaloir d'origines traditionnelles The King's oun Borderers) ou modernes (The Parachute Regiment ou The Glider Pilot Regiment).

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- H o w a r d , v o u s a u r e z u n e t â c h e t r è s i m p o r t a n t e à r e m p l i r

a u d é b u t d e l ' I n v a s i o n . V o u s d e v r e z c a p t u r e r d e u x p o n t s

i n t a c t s . C e s p o n t s s o n t à u n e d i s t a n c e d e q u a t r e c e n t s m è t r e s

l ' u n d e l ' a u t r e e t m e s u r e n t c h a c u n c i n q u a n t e m è t r e s d e l o n g . I l s p o r t e r o n t l e s n o m s d e c o d e d ' E u s t o n I e t E u s t o n I I .

C e l a f a i t m a i n t e n a n t p l u s d e s ix s e m a i n e s . . . E t il a f a l l u

a t t e n d r e e n c o r e l o n g t e m p s a v a n t d ' e n s a v o i r u n p e u p l u s .

L e 2 m a i , e n f i n , H o w a r d d e v a i t c o n n a î t r e l e n o m d e s o n o b j e c t i f :

- V o u s v o u s e m p a r e r e z d u p o n t d e l ' O r n e , à R a n v i l l e , e t d u

p o n t à b a s c u l e d e B é n o u v i l l e , s u r le c a n a l d e C a e n à la m e r .

V o t r e m i s s i o n es t d ' é v i t e r q u ' i l s n e s o i e n t d é t r u i t s p a r l ' e n n e m i .

V o u s d e v r e z e n s u i t e t e n i r c e s d e u x o u v r a g e s j u s q u ' à l ' a r r i v é e d e s r e n f o r t s .

L e m a j o r se s o u v i e n t a l o r s d ' a v o i r d e m a n d é :

- Q u e s a i t - o n d e s A l l e m a n d s ?

- L a g a r n i s o n c h a r g é e d e d é f e n d r e l e s d e u x p o n t s c o m p r e n d

u n e c i n q u a n t a i n e d ' h o m m e s . I l s s o n t a r m é s d ' u n e d e m i -

d o u z a i n e d e m i t r a i l l e u s e s l é g è r e s e t d ' u n e o u d e u x p i è c e s d e

p e t i t c a l i b r e , d u 20 m / m t r è s p r o b a b l e m e n t .

L a p r i s e d e s d e u x p o n t s es t q u a l i f i é e d e « C o u p d e M a i n »,

u n t e r m e f r a n ç a i s p a r f o i s a d o p t é p a r les p a r a c h u t i s t e s e t l e s

c o m m a n d o s d e Sa M a j e s t é b r i t a n n i q u e .

H o w a r d d e s s e r r e d ' u n c r a n l a j u g u l a i r e à l a r g e m e n t o n n i è r e

d e c u i r d e s o n c a s q u e q u i l u i b r o y a i t l e b a s d u v i s age . I l a

b e s o i n d e r e s p i r e r . I l se d e m a n d e u n p e u p o u r q u o i c ' e s t l u i e t

p a s u n a u t r e q u e l e h a u t c o m m a n d e m e n t a c h o i s i p o u r u n e

m i s s i o n a u s s i e x t r a o r d i n a i r e . S e d i r e q u ' o n s e r a le c h e f d e la

p r e m i è r e u n i t é a l l i é e j e t é e s u r le sol d e N o r m a n d i e a u x p r e -

m i è r e s m i n u t e s d u D - D a y e s t a ssez p a r a l y s a n t . P o u r t a n t , il

s ' a g i t d e r é u s s i r . U n p o i n t c ' e s t t o u t .

- P o u r q u o i m o i ? m u r m u r e H o w a r d à m i - v o i x .

- V o u s v o u l i e z m e d i r e q u e l q u e c h o s e , s ir ? l u i d e m a n d e l e

l i e u t e n a n t D e n B r o t h e r i d g e , ass i s à c ô t é d e l u i d a n s le p l a n e u r .

- N o n , r i e n d u t o u t . C o m m e n o s h o m m e s s o n t c a l m e s .

C e u x q u i n e v o m i s s e n t pa s , d a n s u n e c r i s p a t i o n d e t o u t le

h a u t d u c o r p s , s ' e f f o r c e n t d e s o m m e i l l e r , la t ê t e r o u l a n t d e

d r o i t e e t d e g a u c h e à c h a q u e f r i s s o n d u l o u r d « H o r s a ».

P o u r q u o i d o n c a v o i r c h o i s i H o w a r d p o u r c e t t e m i s s i o n ?

P e u t - ê t r e p a r c e q u e c e n ' e s t p a s c e q u ' o n n o m m e u n o f f i c i e r d e

t r a d i t i o n , p a s s é p a r u n c o l l è g e c h i c a v a n t d ' i n t é g r e r l ' a c a d é m i e

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m i l i t a i r e d e S a n d h u r s t . C ' e s t d ' a b o r d e t a v a n t t o u t u n o f f i c i e r

d e t r o u p e , u n h o m m e d e t e r r a i n .

J o h n H o w a r d a u r a t r e n t e - d e u x a n s à la f i n d e c e t t e a n n é e

1944 , si le d i e u d e s b a t a i l l e s l u i p r ê t e vie . C e n ' e s t p a s t o u t

j e u n e p o u r u n o f f i c i e r d e s t r o u p e s a é r o p o r t é e s , m a i s il l u i a

f a l l u l e t e m p s d e g a g n e r c e t t e c o u r o n n e d e m a j o r q u ' i l p o r t e

s u r l e s d e u x p a t t e s d ' é p a u l e d e sa ve s t e d e s a u t c a m o u f l é e . A î n é d ' u n e f a m i l l e o u v r i è r e d e n e u f e n f a n t s , d o n t l e p è r e

c o m b a t t i t d a n s la S o m m e p e n d a n t t o u t e la G r a n d e G u e r r e ,

c ' e s t u n g a m i n t y p i q u e d u p o p u l a i r e q u a r t i e r d u W e s t E n d d e

L o n d r e s . I l c o m m e n c e à t r a v a i l l e r t r è s j e u n e , e m p l o y é à f a b r i -

q u e r d e s t o n n e a u x d a n s u n e b r a s s e r i e , m a i s p a s s e t o u s ses m o m e n t s d e l o i s i r a v e c u n e t r o u p e d e b o y - s c o u t s ; à q u a t o r z e

ans , il es t g a r ç o n d e b u r e a u e t à d i x - h u i t a n s , c h ô m e u r . H o w a r d

s ' e n g a g e a l o r s d a n s l ' a r m é e . I l s ' a f f i r m e d ' e m b l é e s p o r t i f :

c o u r s e , n a t a t i o n , b o x e . I l d e v i e n t m o n i t e u r d ' é d u c a t i o n p h y -

s i q u e d e s o n b a t a i l l o n , a v e c le g r a d e m o d e s t e d e c o r p o r a l .

A p r è s s e p t a n s s o u s les d r a p e a u x , il e n t r e d a n s la p o l i c e , à

O x f o r d . M o b i l i s é a v a n t la f i n d e l ' a n n é e 1 9 3 9 d a n s le K i n g ' s

S h r o p s h i r e L i g h t I n f a n t r y , il g r a v i t à t o u t e a l l u r e l e s g r a d e s d e s o u s - o f f i c i e r : s e r g e a n t a u b o u t d e d e u x s e m a i n e s e t w a r r a n t -

o f f i c e r 1 a u b o u t d e q u a t r e .

I l s u i t u n s t a g e d ' o f f i c i e r e n j u i n 1940 , a l o r s q u e le f r o n t s ' é c r o u l e e n F r a n c e . S i t ô t so r t i d e l ' é c o l e , il r e j o i n t les Oxf. a n d

Bucks , d o n t l ' h i s t o r i q u e le s é d u i t . I l es t c a p t a i n q u a n d il a p p r e n d q u e s o n b a t a i l l o n va d e v e n i r a é r o p o r t é . C e r t a i n s o f f i - c i e r s d e m a n d e n t à ê t r e m u t é s . H o w a r d d é c i d e d e r e s t e r e t d e

c o i f f e r l e b é r e t a m a r a n t e . I l r e ç o i t , e n m a i 1942 , le c o m m a n d e -

m e n t d e la c o m p a g n i e D , a v e c le g r a d e d e m a j o r . L e v o i c i

d é s o r m a i s o f f i c i e r s u p é r i e u r , a v e c q u e l q u e c e n t c i n q u a n t e D i a b l e s R o u g e s s o u s ses o r d r e s .

L e C o u p d e M a i n s u r les p o n t s d e B é n o u v i l l e e t d e R a n v i l l e e s t a s s u r é p a r c e n t q u a t r e - v i n g t s g a i l l a r d s d e s Oxf. a n d Bucks .

I l s a p p a r t i e n n e n t a u x q u a t r e s e c t i o n s d e la c o m p a g n i e D , s o u s

l e c o m m a n d e m e n t d e s l i e u t e n a n t s B r o t h e r i d g e , W o o d , H o o p e r

e t S w e e n e y , e t à d e u x s e c t i o n s d e la c o m p a g n i e B a u x o r d r e s d e s l i e u t e n a n t s S m i t h e t F o x . S e s o n t j o i n t s a u x f a n t a s s i n s a é r o -

p o r t é s t r e n t e s a p e u r s d u g é n i e p a r a c h u t i s t e q u e c o m m a n d e le c a p t a i n J o c k N e i l s o n .

C e t t e f o r c e d ' a s s a u t , e m b a r q u é e à b o r d d e s ix p l a n e u r s , es t

1. Correspondance approximative du grade français d'adjudant.

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d o n c s o u s l e s o r d r e s d u m a j o r H o w a r d , a v e c l e c a p t a i n B r i a n

P r i d a y c o m m a n d a n t e n s e c o n d , l u i a u s s i d e la c o m p a g n i e D d e s Oxf . a n d Bucks .

C h a q u e p l a n e u r , e n p l u s d u p i l o t e e t d e s o n c o p i l o t e , n e p e u t

e m p o r t e r q u e v i n g t - h u i t p a s s a g e r s a u m a x i m u m . P o u r c h a r g e r

d a n s c h a q u e « H o r s a » u n e d e m i - d o u z a i n e d e s a p e u r s , il a f a l l u

l a i s s e r e n A n g l e t e r r e p l u s i e u r s d e s a n c i e n s d e l ' u n i t é a é r o -

p o r t é e . C e l a n ' a p a s é t é s a n s r é c r i m i n a t i o n s n i s a n s q u e l q u e s

l a r m e s d i s c r è t e s , a u m o m e n t d e l ' e n v o l d e s c a m a r a d e s v e r s la

g r a n d e a v e n t u r e à l a q u e l l e ils se p r é p a r a i e n t t o u s d e p u i s d e s m o i s e t d e s m o i s .

C h a q u e f u s i l i e r e t s u r t o u t c h a q u e s a p e u r e m p o r t e u n p a q u e -

t a g e i m p r e s s i o n n a n t , q u i d é p a s s e les c e n t k i los . O n a r é p a r t i la

d e m i - d o u z a i n e d e p o s t e s d e r a d i o é m e t t e u r s - r é c e p t e u r s .

L a v e i l l e d u d é p a r t , H o w a r d a r e n c o n t r é l e b r i g a d i e r K i n -

d e r s l e y q u i c o m m a n d e la 6e b r i g a d e a é r o p o r t é e , la g r a n d e u n i t é

d o n t f a i t p a r t i e l e 2e b a t a i l l o n d e s O x f o r d s h i r e a n d B u c k i n g -

h a m s h i r e L i g h t I n f a n t r y . L e c o m m a n d a n t d e la c o m p a g n i e D

n ' a p u c a c h e r s o n i n q u i é t u d e d e v a n t u n d é t a i l q u i n e c e s s e d e l e t r a c a s s e r .

- S i r , c e l a f a i t d e s j o u r s e t d e s j ou r s , q u e je r e ç o i s c h a q u e

m a t i n d e s p h o t o s d e s p o n t s d e B é n o u v i l l e e t d e R a n v i l l e , p r i s e s

l a v e i l l e p a r n o s a v i o n s d e r e c o n n a i s s a n c e .

- E h b i e n , v o u s d e v r i e z ê t r e c o n t e n t , H o w a r d . C e l a v o u s

m o n t r e c l a i r e m e n t l e s d é f e n s e s e n n e m i e s q u e v o u s d e v r e z

a f f r o n t e r e t l e u r s n o u v e a u x a m é n a g e m e n t s .

- J e c r a i n s s u r t o u t q u e c e s a v i o n s n ' a t t i r e n t l ' a t t e n t i o n d e s

A l l e m a n d s e t n e l e u r i n d i q u e n t c l a i r e m e n t o ù n o u s d e v o n s

a t t a q u e r .

K i n d e r s l e y é t a i t a l o r s p a r t i d ' u n g r a n d r i r e :

- V o u s ê t e s n a ï f ! N o s g e n s d e Y I n t e l l i g e n c e C o r p s n ' o n t p a s

l e u r s p a r e i l s p o u r t r o m p e r l ' e n n e m i . S a v e z - v o u s q u e c h a q u e

m a t i n t o u s l e s p o n t s à p r o x i m i t é d e s c ô t e s f r a n ç a i s e s s o n t sys té -

m a t i q u e m e n t p h o t o g r a p h i é s d e p u i s D u n k e r q u e j u s q u ' à H e n -

d a y e ? A l o r s , vos d e u x m i s é r a b l e s p e t i t e s p a s s e r e l l e s p a s s e n t f o r -

c é m e n t i n a p e r ç u e s d a n s l e lot . . .

D ' ê t r e u n i n f i m e r o u a g e d ' u n e i m m e n s e o r g a n i s a t i o n t o u r -

m e n t e u n p e u H o w a r d . D ' a u t a n t q u ' i l sa i t q u e c e r o u a g e e s t

d é c i s i f p o u r l e s u c c è s m ê m e d e l ' a i l e o r i e n t a l e d e s a r m é e s

a l l i é e s , si c e n ' e s t d u D é b a r q u e m e n t t o u t e n t i e r .

L ' i d é e d e sa r e s p o n s a b i l i t é le t e n a i l l e . P a r f o i s , e l l e l ' i n q u i è t e ;

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parfois, elle l'exalte. Alors, il n'y a qu'à serrer les dents et faire confiance à ses Oxf. and Bucks. Depuis deux mois, il les mène d'une poigne de fer. Dans l'unique idée de réussir une mission qui se précise peu à peu, au-delà de l'absolu secret primitif.

Certes, Howard a prévu son opération dans les moindres détails. Mais il reste tant d'impondérables. D'abord, l'endroit exact où vont se poser ses deux groupes de trois planeurs cha- cun. Cet atterrissage déterminera la réaction allemande. A la riposte de la garnison du pont risque de rapidement s'ajouter l'intervention d'une compagnie ennemie qui stationne dans le parc du château de Bénouville et à qui certains rapports de la Résistance prêtent une douzaine de blindés!

Un incident tourmente le commandant de la compagnie D des Oxf. and Bucks : juste avant le décollage de son planeur à 22 h 56, un de ses hommes a sauté hors de l'appareil et a dis- paru dans la nuit sur le terrain de Tarrent Rushton, dans le Dorset. C'était une désertion pure et simple. Et au moment d'affronter l'ennemi ! L'homme avait fait remarquer que l'entassement des caisses de munitions et de grenades trans- formait le planeur en une véritable bombe volante.

- C'est certain, sir, tout explosera à l'atterrissage! Le major ne peut penser à ce lâche sans un sentiment de

pitié. Puis, il estime que c'est se montrer un peu trop senti- mental et que, finalement, leur peau à tous ne vaut sans doute pas plus cher que celle du déserteur, sans doute vite rattrapé par les policiers paras de la prévôté divisionnaire.

Personne depuis l'envol n'a fait allusion à l'incident. Howard se tourne vers le lieutenant Brotheridge. Le jeune chef de sec- tion paraît s'être assoupi. Son calme impressionne son chef. Et pourtant, à la tête de sa section - les Britanniques disent « pla- toon » - c'est lui qui aura la part la plus dure de l'attaque : tra- verser à toute vitesse le pont d'est en ouest, en neutralisant toute réaction ennemie.

Curieux garçon, ce Brotheridge. Sorti du rang. Jeune marié, bientôt père, sportif enragé, dur dans le service mais capable, la veille du départ, de s'enivrer avec les gars de sa section et de tout casser dans un « pub » d'Exeter. La police s'en était mêlée. Heureusement, le major Howard avait servi autrefois dans ce corps et il en connaissait les usages. Et puis comment ne pas être indulgents pour des Diables Rouges quand tout le monde parlait de l'imminente invasion du continent ? Ils seraient sans

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nul doute dans le plus sale coin. Alors, qu'ils cassent quelques verres...

Howard frissonne. Mais c'est le froid qui commence à mordre malgré le « battle-dress » de drap et la « Denison smock », la veste de saut de grosse toile camouflée. Par moments, le bombardier « Halifax » et le planeur « Horsa » qu'il remorque traversent un épais nuage sombre. La visibilité devient nulle, puis l'attelage sort de la « purée de pois » qui évoque le « fog » londonien.

Sur la Manche, le temps, qui était plus que maussade au décollage, devient franchement mauvais. Le vent souffle en rafales qui atteignent quatre-vingt-dix kilomètres à l'heure. Au bout du câble en Y qui le relie au quadrimoteur « Halifax » tracteur, le planeur ne fait que monter et descendre, tombant parfois dans de brusques trous d'air. La pluie s'est mise à tom- ber, aussi dru que la veille quand a été prise en haut lieu la décision de retarder de vingt-quatre heures les opérations du Jour J. Puis elle cesse peu à peu, comme à regret. Le vent, lui, ne faiblit pas.

- Nasty weather! murmure Howard. Crispé sur ses commandes, le staff-sergeant 1 Jim Wallwork

qui pilote le planeur N° 1 du Coup de Main du major Howard pense qu'il va devoir atterrir sur un terrain détrempé, par un temps totalement bouché et un vent furieux. Reconnaître l'objectif sera un exploit et s'y poser un miracle. De temps à autre, il lance un coup d'œil vers son copilote, le staff-sergeant John Ainsworth, à qui incombe la difficile mission de larguer au dernier moment le parachute de freinage pour empêcher le « Horsa » de se fracasser contre un mur, une haie touffue ou un réseau de barbelés.

- Tout va bien, John? lui lance-t-il de temps à autre, comme pour s'encourager lui-même.

- Très bien, Jim! Je pense que nous atteindrons bientôt la côte.

Le pilote du « Horsa » et celui du « Halifax » peuvent communiquer par un téléphone, dont le fil suit le câble trac- teur.

De temps à autre, Jim Wallwork prend ainsi contact avec son camarade Bob Stodley, qui se trouve aux commandes du bom- bardier. Les deux hommes savent que le pire danger serait une

1. Correspondance approximative du grade français de sergent-chef.

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b r u s q u e r u p t u r e d u c â b l e q u i les r e l i e . L e p l a n e u r p i q u e r a i t a l o r s v e r s les f l o t s s o m b r e s d e la M a n c h e , o ù il s e r a i t i m m a n -

q u a b l e m e n t e n g l o u t i c o r p s e t b i e n s . L e h a u t c o m m a n d e m e n t a m ê m e c o m p t a b i l i s é d a n s ses p r é v i s i o n s u n c e r t a i n n o m b r e d e

d i s p a r i t i o n s d e c e g e n r e ! - R i e n à s i g n a l e r , J i m , d i t S t o d l e y .

- O K , B o b ! r é p o n d W a l l w o r k . O n c o n t i n u e .

Q u e f a i r e d ' a u t r e q u e d ' e s s a y e r d e d i m i n u e r a u m a x i m u m

l e s à - c o u p s d a n s l a t r a c t i o n ? L ' e n t r a î n e m e n t d e s h o m m e s d u

G l i d e r P i l o t R e g i m e n t a d u r é d e s m o i s e t d e s m o i s . T o u s s a v e n t

q u ' i l f a u t , s e l o n l a m é t é o , v o l e r a u - d e s s u s o u e n d e s s o u s d e l ' a v i o n t r a c t e u r . C e t t e n u i t , le m a u v a i s t e m p s n ' a r r a n g e r i e n .

L e p l u s d u r e s t d e n e p a s r e s t e r e x a c t e m e n t d a n s l ' a x e d u

« H a l i f a x » p o u r é v i t e r les t u r b u l e n c e s .

S i t ô t s u r v o l é e l ' a g g l o m é r a t i o n d e C a b o u r g a u - d e s s u s d e

l a q u e l l e d o i t ê t r e l a r g u é le c â b l e d e r e m o r q u a g e , il es t p r é v u d e

d e s c e n d r e p l e i n s u d s u r la m a s s e s o m b r e d u b o i s d e B a v e n t , d e

v i r e r a u - d e s s u s d e c e p o i n t d e r e p è r e , s i t u é a u n o r d - o u e s t d e la

g r o s s e b o u r g a d e d e T r o a r n , s u r la v o i e d e c h e m i n d e f e r d e

P a r i s à C a e n , p u i s d e r e m o n t e r v e r s la m e r , a f i n d ' a b o r d e r le

p o n t d u c a n a l p a r le s u d , e n e s s a y a n t d e se p o s e r a u p l u s p r è s d e

l ' o u v r a g e , d a n s c e « m o u c h o i r d e p o c h e » m a r é c a g e u x q u i

b o r d e la b e r g e e t p o r t e l e n o m d e c o d e d e L a n d i n g Z o n e ( z o n e

d e p o s e ) X .

V o i c i s o u d a i n la f r a n g e b l a n c h â t r e d e s v a g u e s q u i se b r i s e n t

s u r l e s p l a g e s . E n c o r e q u e l q u e s s e c o n d e s . S t o d l e y d o i t a b a n -

d o n n e r W a l l w o r k à la v e r t i c a l e d u v i l l a g e d ' A m f r é v i l l e , q u i

m a r q u e le d é b u t d e c e s h a u t e u r s q u i m o u t o n n e n t e n t r e le c o u r s d e l ' O r n e e t c e l u i d e la D i v e s .

- A t t e n t i o n , c ' e s t le m o m e n t , J i m .

- E n t e n d u , B o b . O n y va!

A p r è s u n e h e u r e e t q u a r t d e vo l , le c â b l e q u i r e l i a i t l ' a v i o n

a u p l a n e u r va ê t r e d é t a c h é d a n s q u e l q u e s s e c o n d e s . L e f i l d u t é l é p h o n e s e r a l u i a u s s i d é b r a n c h é .

- A d i e u , B o b . M e r c i .

- D e r i e n , J i m . C ' é t a i t le b o u l o t . B o n n e c h a n c e à t o u s .

A 1 6 0 0 m è t r e s d ' a l t i t u d e , le p l a n e u r es t d é s o r m a i s s e u l d a n s

le c i e l s o m b r e . M i n u i t es t p a s s é d e p u i s u n e d i z a i n e d e m i n u t e s .

D é s o r m a i s o n n ' e s t p l u s le 5 j u i n , m a i s le 6. C ' e s t le D - D a y , le J o u r J.

I l s d e v r a i e n t ê t r e s ix p l a n e u r s à d e s c e n d r e , s i l e n c i e u s e m e n t ,

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vers le sol de la Normandie endormie, se suivant, selon un horaire draconien, à une minute d'intervalle l'un de l'autre.

Dans chacun des appareils sont entassés le pilote et le copilote, un ou deux officiers, une vingtaine de fusiliers aéro- portés et cinq sapeurs du génie parachutiste.

Les trois premiers « Horsa » ont pour objectif le pont de Bénouville. Dans le premier, le major Howard et le lieutenant Brotheridge; dans le second, le lieutenant David Wood et le captain Jock Neilson du génie; dans le troisième, le lieutenant « Sandy » Smith qui appartient à la compagnie B et le surgeon- captain John Vaughan, puisqu'il faudra un médecin pour soi- gner les premiers blessés.

Les trois autres planeurs doivent attaquer et prendre le pont de Ranville. Dans le quatrième « Horsa » ont pris place le cap- tain Brian Priday, commandant en second de la compagnie D et le lieutenant Tony Hooper. Dans le cinquième se trouve un seul officier, le lieutenant Tod Sweeney. Son camarade, le lieu- tenant Dennis Fox, qui appartient à la compagnie B, a pris place avec sa section dans le dernier planeur du Coup de Main du major Howard.

La vie de tous ces aéroportés et le succès de leur mission sont entre les mains des douze pilotes et copilotes du Glider Pilot Regiment, des gars superentraînés par leur chef, le colonel George Chatterton 1.

Après avoir chacun largué leur planeur « Horsa », les six avions « Halifax » iront jeter leurs bombes sur une cartoucherie au nord de l'agglomération caennaise, afin de créer une diver- sion. Les Allemands n'imagineront sans doute pas la mission réelle de cette demi-douzaine d'appareils et penseront qu'ils effectuent quelques opérations de routine, au programme du Bomber Command.

Tandis que les bombes explosent sur leur objectif, les six pla- neurs descendent lentement, pour aller virer au-dessus du bois de Bavent et revenir cap au nord.

Le décrochage a brutalement réveillé ceux qui sommeil- laient. Terrible impression d'un ascenseur qui tombe dans le vide. Une dernière nausée. Et le silence brusquement succède au fracas des quatre moteurs du « Halifax » tracteur.

1. L'Histoire a retenu les noms de ces pilotes et copilotes, tous staff-sergeants, dans le Glider Pilot Regiment : Planeur N° 1 : Wallwork et Ainsworth. Planeur N° 2 : Boland et Hobbs. Planeur N° 3 : Barkway et Boyle. Planeur N° 4 : Lawrence et Shorter. Planeur N° 5 : Pearson et Guthrie. Planeur N° 6 : Howard et Baacke.

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S e u l le v e n t h u r l e c o n t r e l e b o i s e t la t o i l e d u p l a n e u r . L a

f r ê l e a r m a t u r e m é t a l l i q u e v i b r e c o m m e si e l l e a l l a i t se r o m p r e .

- R e l e v e z les g e n o u x ! o r d o n n e H o w a r d .

C ' e s t la p o s i t i o n q u e t o u s d o i v e n t p r e n d r e à l ' a t t e r r i s s a g e

s a u f le p i l o t e e t l e c o p i l o t e r i v é s à l e u r s c o m m a n d e s . L e

« m a n c h e à b a l a i » e t le p a l o n n i e r p o u r W a l l w o r k , l e d é c l e n -

c h e u r d u p a r a c h u t e f r e i n e u r p o u r A i n s w o r t h . P r è s d ' u n e c i n -

q u a n t a i n e d e fo i s , i ls o n t r é p é t é c e t t e m a n œ u v r e . D e j o u r c o m m e d e n u i t . M a i s il n ' y a v a i t p a s d e m a r é c a g e s , p a s

d ' a s p e r g e s d e R o m m e l p l a n t é e s d a n s le so l ' , p a s d e s o l d a t s a l l e -

m a n d s p r ê t s à b o n d i r s u r l e u r s a r m e s a u t o m a t i q u e s à la p r e - m i è r e a l e r t e .

- A t t e n t i o n , s i r , n o u s a p p r o c h o n s , p r é v i e n t W a l l w o r k à

l ' a d r e s s e d u m a j o r H o w a r d .

L e l i e u t e n a n t B r o t h e r i d g e es t t o t a l e m e n t r é v e i l l é e t p r ê t à b o n d i r .

L a v i t e s s e n e d i m i n u e g u è r e . P a s l o i n d e c e n t q u a t r e - v i n g t s

k i l o m è t r e s à l ' h e u r e ! D e q u o i se f r a c a s s e r c o n t r e le m o i n d r e

o b s t a c l e e n a r r i v a n t a u sol. E t c e s m u n i t i o n s q u i n e d e m a n d e n t

q u ' à e x p l o s e r s o u s les p i e d s d e s p a s s a g e r s d u « H o r s a » !

L e p i l o t e d é c i d e d e d e s c e n d r e e n f a i s a n t d e l a r g e s c e r c l e s a u -

d e s s u s d e s o n ob jec t i f . U n . D e u x . T r o i s . A c h a q u e fo is , il p e r d

d e l ' a l t i t u d e e t d e la v i t esse . S ' i l e n p e r d a i t t r o p c e s e r a i t l e

d é c r o c h a g e , la c h u t e l i b r e , c o m m e u n e p i e r r e . E t s ' i l n ' e n p e r d

p a s assez , a l o r s c ' e s t l ' é c r a s e m e n t à l ' a t t e r r i s s a g e . P e u t - ê t r e

l ' e x p l o s i o n .

L e v e n t s e m b l e f a i b l i r u n p e u . L a p l u i e a c o m p l è t e m e n t ces sé .

I l f a i t t o u j o u r s t r è s s o m b r e , m a i s à la c l a r t é d e la l u n e o n dis-

t i n g u e q u a n d m ê m e a u sol l e s d e u x l i g n e s p a r a l l è l e s d u c a n a l e t

d u f l e u v e q u i v o n t se p e r d r e l à -bas , a u n o r d , d a n s la m e r .

L e p l a n e u r d e t ê t e v i e n t d e t e r m i n e r s o n d e r n i e r v i r a g e e t se

p r é s e n t e e n p o s i t i o n d ' a t t e r r i s s a g e , f r ô l a n t la l i g n e d e p e u p l i e r s q u i b o r d e l e c a n a l .

L e s D i a b l e s R o u g e s d e s Oxf. a n d B u c k s r e l è v e n t e n c o r e

d a v a n t a g e les p i e d s . I ls se d o n n e n t le b r a s e t s e r r e n t les p o i n g s à

1. Les paysans normands appellent « asperges de Rommel » des poteaux de bois d'une vingtaine de mètres de haut, plantés verticalement dans les prairies pouvant servir de terrains d'atterrissage. Ils sont réunis entre eux par des fils de fer barbelés et certains portent des mines au sommet. Les soldats allemands comme les civils réquisitionnés pour les aider dans cette besogne ont montré peu d'ardeur à mettre en place ces étranges plantations. Le travail était loin d'être terminé quand la 6e Air- borne Division a sauté sur la Normandie.

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s ' e n f a i r e c r a q u e r l e s j o i n t u r e s . L a s u e u r r u i s s e l l e s o u s l e s

c a s q u e s r o n d s c o u v e r t s d u f i l e t d e c a m o u f l a g e .

- R e a d y ? d e m a n d e l e p i l o t e W a l l w o r k .

- P l a y ! r é p o n d s o n c o m p a g n o n A i n s w o r t h . - G o !

L a t r a p p e a r r i è r e s ' o u v r e , le p a r a c h u t e , l i b é r é , se g o n f l e b r u -

t a l e m e n t , a u m o m e n t m ê m e o ù l e s r o u e s t o u c h e n t l e sol m a r é -

c a g e u x .

- A i l r i g h t ! s ' e x c l a m e l e m a j o r H o w a r d .

L ' o f f i c i e r d e s O x f a n d B u c k s s ' e s t r é j o u i u n p e u v i t e . L a r o u e

a v a n t se p l a n t e d a n s l e s o l ; l e p l a n e u r r e b o n d i t e t l es d e u x

a u t r e s r o u e s s e b r i s e n t . D a n s u n g r a n d c r i s s e m e n t b r u t a l , l e

p l a n e u r a t t e r r i t s u r le v e n t r e . O n e n t e n d d e s b r u i t s d e b o i s f r a - c a s s é e t d e t o i l e d é c h i r é e .

W a l l w o r k e s t c r i s p é a u x c o m m a n d e s . I l d o i t a b s o l u m e n t m a î -

t r i s e r s o n « H o r s a » q u i f o n c e v e r s u n r é s e a u d e b a r b e l é s à

s o i x a n t e k i l o m è t r e s à l ' h e u r e a u m o i n s , r e b o n d i s s a n t s u r

c h a q u e b o s s e d u t e r r a i n s p o n g i e u x . P a r f o i s , d e s p i e r r e s r a y e n t

l e f u s e l a g e , a l l u m a n t d e s g e r b e s d ' é t i n c e l l e s .

L e p r e m i e r p l a n e u r d u C o u p d e M a i n s ' a r r ê t e e n f i n . É v e n t r é

e t d i s l o q u é , m a i s e n c o r e e n u n s e u l m o r c e a u . L e c h o c a é t é

p l u s r u d e q u e p r é v u . T o u s l e s p a s s a g e r s o n t p e r d u c o n n a i s -

s a n c e . L e p i l o t e e t l e c o p i l o t e , l e u r s c e i n t u r e s a r r a c h é e s , s o n t

p a s s é s a u t r a v e r s d u c o c k p i t d e p l e x i g l a s s . L ' a p p a r e i l s ' i m m o b i -

l i se e n f i n , r e p o s a n t s u r s o n a i l e d r o i t e .

L e m a j o r H o w a r d es t s a n s d o u t e l e p r e m i e r à r e p r e n d r e

c o n s c i e n c e a p r è s l e g r a n d c h o c . I l n e sa i t si c e m a l a i s e a d u r é

p l u s i e u r s m i n u t e s o u s e u l e m e n t q u e l q u e s s e c o n d e s . I l sa i t s e u -

l e m e n t q u e sa c e i n t u r e e s t a r r a c h é e , q u ' i l a r e ç u u n c o u p s u r la

t ê t e e t q u ' i l e s t d e v e n u a v e u g l e .

I l f i n i t p a r r é a l i s e r q u ' i l n ' e s t p a s a v e u g l e , m a i s q u e c ' e s t s o n

c a s q u e , à la j u g u l a i r e c a s s é e n e t , q u i s ' e s t e n f o n c é s u r s o n n e z e t

l u i v o i l e les y e u x . I l l e r e m e t e n p l a c e e t a p e r ç o i t ses h o m m e s

q u i p e u à p e u r e p r e n n e n t c o n s c i e n c e e t s ' é b r o u e n t . L e

c o m m a n d a n t d e la c o m p a g n i e D d e s Oxf . a n d B u c k s es t c e r t a i n

q u e l e s A l l e m a n d s o n t r e p é r é l a c h u t e d u p l a n e u r - p e u t - o n

p a r l e r d ' a t t e r r i s s a g e ? - e t q u ' i l s v o n t r é a g i r d ' u n e s e c o n d e à l ' a u t r e . H o w a r d a t t e n d l a r a f a l e d ' a r m e a u t o m a t i q u e q u i v a

d é c h i q u e t e r l ' é p a v e d u « H o r s a » e t l e s t u e r t o u s .

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L e s D i a b l e s R o u g e s d e l ' O x f o r d s h i r e a n d B u c k i n g h a m s h i r e

L i g h t I n f a n t r y e n t a s s é s d a n s le p r e m i e r p l a n e u r a v e c le m a j o r H o w a r d se s o n t p o s é s à 0 h 16 t r è s e x a c t e m e n t . T o u s o n t p e r d u

c o n n a i s s a n c e s o u s la v i o l e n c e d ' u n c h o c e f f r o y a b l e . L e

« H o r s a » n e s ' e s t p a s b r i s é , m a i s a p e r d u ses r o u e s e t s ' e s t l i t t é -

r a l e m e n t e n c a s t r é d a n s le r é s e a u d e b a r b e l é s . L e p l u s e x t r a -

o r d i n a i r e e s t q u e le s o l d a t a l l e m a n d d e g a r d e s u r le p o n t à ba s -

c u l e d e B é n o u v i l l e a e f f e c t i v e m e n t e n t e n d u d u b r u i t , m a i s a

p e n s é q u ' i l s ' a g i s s a i t d e s d é b r i s d ' u n a p p a r e i l a l l i é a b a t t u p a r la F l a k c ô t i è r e .

I l n e f a u d r a p a s p l u s d e d i x s e c o n d e s a u x f a n t a s s i n s e t a u x

s a p e u r s e n t a s s é s p ê l e - m ê l e d a n s le p l a n e u r d u s t a f f - s e r g e a n t

W a l l w o r k p o u r r e p r e n d r e c o n s c i e n c e . T o u s s o n t p l u s o u m o i n s

c o n t u s i o n n é s , m a i s a u c u n n ' a d e b l e s s u r e g r a v e . - T o u t l e m o n d e d e h o r s ! l a n c e H o w a r d à ses h o m m e s .

I l s s o r t e n t r a p i d e m e n t p a r les d e u x p o r t e s d e l ' é p a v e , s i t u é e s à b â b o r d e t à t r i b o r d .

L a p r e m i è r e c h o s e q u i f r a p p e l e c o m m a n d a n t d u C o u p d e

M a i n , c ' e s t l ' i n c r o y a b l e s i l e n c e q u i s u i t l e u r a r r i v é e a u sol , a l o r s

q u ' i l s ' a t t e n d a i t à c e q u e les m i t r a i l l e u s e s a l l e m a n d e s se d é c h a î n e n t d ' u n e s e c o n d e à l ' a u t r e .

E n t r a î n é e p a r le l i e u t e n a n t B r o t h e r i d g e , la p r e m i è r e s e c t i o n b o n d i t v e r s s o n ob jec t i f .

L e c o r p o r a l B a i l e y , a v e c d e u x d e ses c a m a r a d e s , d o i t n e u t r a -

l i s e r l ' a b r i e n b é t o n o ù se t r o u v e u n e a r m e a u t o m a t i q u e e n n e -

m i e , r e p é r é e s u r t o u t e s les p h o t o s a é r i e n n e s . L e s t r o i s B r i t a n -

n i q u e s p r o g r e s s e n t e n t ê t e , r a p i d e m e n t e t s i l e n c i e u s e m e n t ,

t a n d i s q u e l ' o f f i c i e r r a s s e m b l e le r e s t e d e sa s e c t i o n .

L e s Oxf. a n d B u c k s f r a n c h i s s e n t l e r é s e a u d e b a r b e l é s b o u l e -

v e r s é p a r le b r u t a l a t t e r r i s s a g e d e l e u r p l a n e u r e t se h i s s e n t s u r

la c h a u s s é e m e n a n t s u r l e u r g a u c h e v e r s le p o n t à b a s c u l e d e

B é n o u v i l l e , t o u t p r o c h e , e t s u r l e u r d r o i t e a u p o n t d e R a n v i l l e , à m o i n s d e q u a t r e c e n t s m è t r e s v e r s l ' es t .

L e s a é r o p o r t é s se s o n t p o s é s il y a e x a c t e m e n t u n e m i n u t e .

A c e m o m e n t s u r g i t le p l a n e u r n u m é r o 2 q u e p i l o t e le s t a f f -

s e r g e a n t B o l a n d , ass i s té d e s o n c o p i l o t e H o b b s . P a r m i l e u r s p a s s a g e r s se t r o u v e n t l e l i e u t e n a n t W o o d c o m m a n d a n t la

d e u x i è m e s e c t i o n d e la c o m p a g n i e D , e t le c a p t a i n N e i l s o n ,

l ' o f f i c i e r d u g é n i e p a r a c h u t i s t e .

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B o l a n d , d a n s l e s d e r n i è r e s d i z a i n e s d e m è t r e s d e s o n

a p p r o c h e , a p e r ç o i t d e v a n t l u i le p l a n e u r d e W a l l w o r k , t o u t à

f a i t e n b o u t d e p i s t e . I l c r a i n t d e l e p e r c u t e r a v e c t o u t e la v io -

l e n c e d ' u n a p p a r e i l p l a n a n t e n c o r e à p r è s d e c e n t k i l o m è t r e s à l ' h e u r e .

- L i b è r e le p a r a c h u t e d e f r e i n a g e ! o r d o n n e - t - i l à H o b b s .

M a i s c e t t e m a n œ u v r e n e s u f f i t p a s à r a l e n t i r s u f f i s a m m e n t le

« H o r s a ». L e p i l o t e e s t i m e q u ' i l n ' a p a s d ' a u t r e s o l u t i o n q u e

d ' e s s a y e r d e se g l i s s e r le l o n g d u p r e m i e r p l a n e u r . I l d o n n e u n

b r u s q u e c o u p d e g o u v e r n a i l m a i s a c c r o c h e si v i o l e m m e n t l e sol

a v e c u n e a i l e q u e s o n p l a n e u r se b r i s e e n d e u x , a v a n t d e s ' é c r a -

s e r p r è s d ' u n e p e t i t e m a r e . L e c h o c a é t é e n c o r e p l u s b r u t a l q u e

p o u r le p r e m i e r a p p a r e i l , i m m o b i l i s é e n c o n t r e b a s d e la r o u t e .

B o l a n d e s p è r e q u e ses p a s s a g e r s s ' e n t i r e n t à p e u p r è s . I l se

t o u r n e v e r s e u x e t c o m m e n t e é n e r g i q u e m e n t s o n a t t e r r i s s a g e :

- N o u s y v o i l à , l e s g a r s ! l a n c e - t - i l a v e c u n e s o r t e d e r a g e m a l

c o n t e n u e . F o u t e z le c a m p e t a l l e z f a i r e c e q u e v o u s ê t e s p a y é s

p o u r f a i r e !

L e s f u s i l i e r s e t l es s a p e u r s a y a n t r é s i s t é a u c h o c d é g r a f e n t l e u r c e i n t u r e e t se s e c o u e n t . I l s c h e r c h e n t l e u r s c h e f s .

L e l i e u t e n a n t D a v i d W o o d , c h e f d e la d e u x i è m e s e c t i o n d e s

O x f a n d B u c k s a é t é p r o j e t é h o r s d u « H o r s a » l o r s q u e le p l a -

n e u r s ' e s t b r i s é . I l se r e l è v e r a p i d e m e n t d e la p r a i r i e f a n g e u s e

o ù il e s t t o m b é e t c o n s t a t e a v e c s u r p r i s e q u ' i l n ' a r i e n d e cas sé .

S e s h o m m e s l e r e j o i g n e n t l e s u n s a p r è s l e s a u t r e s , s a n s p e r d r e

d e t e m p s .

- S u i v e z - m o i , l e u r d i t l ' o f f i c i e r . O n va r e t r o u v e r le m a j o r .

W o o d n e t a r d e p a s à r e n c o n t r e r s o n c h e f . L e c o m m a n d a n t

d e la c o m p a g n i e D e s t a l l o n g é s u r l e sol , j u s t e a u b o r d d e l a

r o u t e . S o n r a d i o , le c o r p o r a l T a p p e n d e n , q u i f a i t a u s s i f o n c t i o n

d e s e c r é t a i r e d e c o m p a g n i e , e s t j u s t e à c ô t é d e lu i .

- T o u t v a b i e n , s i r ? d e m a n d e W o o d .

- T r è s b i e n , s o u f f l e H o w a r d . D u m o i n s , p o u r l ' i n s t a n t .

C o m m e p o u r l ' a p p r o u v e r , u n c o u p d e f e u c l a q u e d e l ' a u t r e c ô t é d e la r o u t e . U n e d e s s e n t i n e l l e s a l l e m a n d e s a - t - e l l e e n f i n

e n t e n d u u n b r u i t s u s p e c t ? P e u t - ê t r e m ê m e l ' h o m m e a- t - i l v u

d e s o m b r e s s u r g i r d u fo s sé , v e n a n t d e la p e t i t e p r a i r i e m a r é c a -

g e u s e , l e l o n g d e la m a r e .

- A v o u s d e j o u e r , W o o d , d i t le m a j o r H o w a r d a u c h e f d e sa d e u x i è m e s e c t i o n .

L e l i e u t e n a n t c o n n a î t s o n t r a v a i l . I l d o i t é l i m i n e r les e n n e -

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m i s q u i o c c u p e n t les p o s i t i o n s d e l ' a u t r e c ô t é d e la r o u t e , s u r la b e r g e d u c a n a l , a u n o r d - e s t d u p o n t .

L e s D i a b l e s R o u g e s d u l i e u t e n a n t W o o d c o m m e n c e n t p a r

r a m p e r e n c o n t r e b a s d e la r o u t e m e n a n t a u p o n t , u t i l i s a n t le c a m o u f l a g e d e s h a u t e s h e r b e s p o u r n e p a s se f a i r e r e p é r e r p a r les s e n t i n e l l e s e n n e m i e s . P u i s ils g a g n e n t r a p i d e m e n t e t s i l e n -

c i e u s e m e n t la r o u t e , r é p a r t i s e n d e u x g r o u p e s d ' a s s a u t .

W o o d a e n f i n r e p é r é l ' e n t r é e d u b l o c k h a u s , c r e u s é s o u s u n e

s o r t e d e p l a t e - f o r m e . P a r là o n p e u t a c c é d e r a u s s i b i e n à la

p o s i t i o n d e b a t t e r i e d e la p i è c e d e 20 m m F l a k , à l ' e n t r é e s u d - est d u p o n t , q u ' a u x n i d s d e m i t r a i l l e u s e s e t a u x a b r i s q u i

s ' é t a g e n t s u r la b e r g e n o r d - e s t d u c a n a l . D e u x D i a b l e s R o u g e s p a r v i e n n e n t e n r a m p a n t d e v a n t

l ' e n t r é e . Q u e l q u e s m a r c h e s d e s c e n d e n t ve r s le s o u t e r r a i n . I ls d é c o u v r e n t u n e s e n t i n e l l e q u i s e m b l e s o m n o l e r , s o n fu s i l s u r

les g e n o u x , se c r o y a n t s a n s d o u t e c o u v e r t e p a r les d e u x c a m a -

r a d e s d e g a r d e s u r le p o n t , l ' u n e n p o s t e f i x e e t l ' a u t r e a l l a n t e t v e n a n t d ' u n e r ive à l ' a u t r e .

L e p r e m i e r d e s d e u x B r i t a n n i q u e s c o n t i n u e à r a m p e r v e r s la

s e n t i n e l l e . Il a a b a n d o n n é t o u t e a u t r e a r m e q u e sa d a g u e d e

c o m b a t , a v e c u n e r e d o u t a b l e l a m e e f f i l é e c o m m e u n r a s o i r d ' u n e v i n g t a i n e d e c e n t i m è t r e s . L e v e n t c o n t i n u e d e s o u f f l e r a v e c v i o l e n c e et é t o u f f e t o u s les b r u i t s . P o u r d é t o u r n e r l ' a t t e n -

t i o n d e la s e n t i n e l l e e n n e m i e a l l a n t e t v e n a n t s u r le p o n t à bas - c u l e , le s e c o n d a s s a i l l a n t l a n c e u n c a i l l o u d a n s l ' e a u d u c a n a l .

L ' A l l e m a n d e n d o r m i s e m b l e se r é v e i l l e r e t t o u r n e la t ê t e

p o u r e s s a y e r d e v o i r ce q u i se passe . T a p i p r è s d e lu i , le D i a b l e

R o u g e es t p r ê t à b o n d i r , s o n p o i g n a r d à la m a i n . Il f a i t s i g n e à

s o n c a m a r a d e d e l a n c e r u n e s e c o n d e p i e r r e .

C e t t e fois , l ' h o m m e se l ève p o u r a l l e r vo i r ce q u i se pa s se . G e s t e fa ta l . S o n a d v e r s a i r e b o n d i t s u r lu i p a r - d e r r i è r e , l u i

e n s e r r e le v i s a g e d e s o n a v a n t - b r a s g a u c h e et l u i t r a n c h e n e t la

c a r o t i d e d ' u n b r u s q u e m o u v e m e n t d e s o n p o i g n e t d r o i t .

L a m é t h o d e se r é v è l e d i a b o l i q u e m e n t e f f i c a c e et p e r m e t d e s u p p r i m e r u n a d v e r s a i r e s a n s le m o i n d r e b r u i t . Il n e r e s t e q u ' à

a c c o m p a g n e r s u r le sol la c h u t e d u c o r p s s a n s v ie e t à le t r a î n e r d a n s u n c o i n d ' o m b r e .

L a vo ie est l i b re .

L e l i e u t e n a n t W o o d s u r g i t a l o r s à la t ê t e d u g r o s d e s h o m m e s

d e sa s e c t i o n . Il a p o u r t â c h e d e n e u t r a l i s e r , le p l u s s i l e n c i e u s e -

m e n t pos s ib l e , la p e t i t e g a r n i s o n e n n e m i e a u r e p o s d a n s les s o u t e r r a i n s d e la r i ve d r o i t e d u c a n a l .

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- T o u t v a b i e n ? m u r m u r e - t - i l .

- T r è s b i e n , sir . L e s a u t r e s d o i v e n t c o n t i n u e r à d o r m i r .

- A l o r s , a l l o n s - y , d i t l ' o f f i c i e r . C h a c u n le s i en .

U n g r o u p e d e c o m b a t s u r v e i l l e l e s a b o r d s d e l ' e n t r é e d u

b l o c k h a u s . L e s a u t r e s p é n è t r e n t d a n s le c o u l o i r , l e p o i g n a r d à

l a m a i n . I l s d é c o u v r e n t r a p i d e m e n t u n p o s t e d e g a r d e o ù t o u s

l e u r s a d v e r s a i r e s s o m n o l e n t , e n a y a n t g a r d é c e p e n d a n t t e n u e e t

é q u i p e m e n t . L e u r s f u s i l s s o n t r a n g é s à q u e l q u e s m è t r e s , a l i -

g n é s s u r u n r â t e l i e r .

L e s B r i t a n n i q u e s se p r é c i p i t e n t e t , s i l e n c i e u s e m e n t , é g o r -

g e n t les d o r m e u r s , a v a n t m ê m e q u ' i l s a i e n t e u le t e m p s d e se

r é v e i l l e r . D è s q u ' i l s o n t f i n i l e u r m o r t e l l e b e s o g n e , l e u r c h e f

r é c u p è r e l e s c u l a s s e s d e s f u s i l s e t l es c h a r g e u r s d e s p i s t o l e t s - m i t r a i l l e u r s .

- O n c o n t i n u e , d i t s e u l e m e n t W o o d .

A c c o m p a g n é d ' u n d e ses h o m m e s il o u v r e , l ' u n e a p r è s

l ' a u t r e , l es p o r t e s d e s t r o i s d o r t o i r s . L a p r e m i è r e e s t s a n s d o u t e

c e l l e d e la c h a m b r e d e l ' o f f i c i e r c o m m a n d a n t l a g a r n i s o n d u

p o n t d e B é n o u v i l l e . M a i s e l l e es t v i d e . P a r c o n t r e , l e s d e u x

a u t r e s c h a m b r é e s s o n t o c c u p é e s p a r q u e l q u e s d o r m e u r s . P a s u n

n ' e n r é c h a p p e r a . . .

I l f a u t m a i n t e n a n t i n v e s t i r l ' e m p l a c e m e n t d e b a t t e r i e d e la

p i è c e d e 20 F l a k , a u s u d d e la r o u t e d e R a n v i l l e , e t l es t r o i s

p o s i t i o n s d e m i t r a i l l e u s e s , é t a g é s le l o n g d e la b e r g e d u c a n a l , s u r u n e s o i x a n t a i n e d e m è t r e s , a u n o r d d e l a r o u t e .

L e s O x f a n d B u c k s p r o g r e s s e n t d a n s u n c o u l o i r s o u t e r r a i n ,

b i e n é c l a i r é . I l s o n t r e m i s l e u r p o i g n a r d d a n s l e u r f o u r r e a u e t

s ' a v a n c e n t e n t e n a n t à la h a n c h e l e u r p i s t o l e t - m i t r a i l l e u r « S t e n ».

I l n ' e s t p a s q u e s t i o n d ' a l l u m e r la l u m i è r e , m a i s u n s e r g e a n t

g u i d e la p r o g r e s s i o n d e ses h o m m e s a v e c u n e t o r c h e é l e c t r i q u e .

S o u d a i n , le s o u s - o f f i c i e r a p e r ç o i t u n e b i f u r c a t i o n . A d r o i t e , c ' e s t s a n s d o u t e u n e s o r t i e v e r s le p o n t e t à g a u c h e v e r s la p i è c e d e F l a k . L e s a s s a i l l a n t s se t r o u v e n t d a n s u n c o i n s o m b r e a u

m o m e n t o ù s ' a l l u m e la l u m i è r e . D e u x A l l e m a n d s s u r g i s s e n t ,

l ' a r m e a u p o i n g , à q u e l q u e s d i z a i n e s d e m è t r e s d e l e u r s a d v e r -

s a i r e s . L e s B r i t a n n i q u e s l e s l a i s s e n t v e n i r , t a p i s d a n s l e u r c o i n

d ' o m b r e . B r u s q u e m e n t , le s e r g e a n t so r t d e s o n a b r i e t t i r e d e u x

b r è v e s r a f a l e s , b i e n a j u s t é e s . L e s d e u x s o l d a t s e n n e m i s s ' é c r o u l e n t . M a i s le b r u i t d u b r e f a c c r o c h a g e a p e u t - ê t r e é t é e n t e n d u à l ' e x t é r i e u r .

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L e l i e u t e n a n t W o o d a u r a i t p r é f é r é q u e t o u t se r è g l e à l ' a r m e

b l a n c h e . M a i s il es t t r o p t a r d . I l r e j o i n t le s o u s - o f f i c i e r .

- J e v o u s ava i s d i t d e n e p a s t i r e r ! l u i l a n c e - t - i l .

- M a i s , sir , i ls n o u s a r r i v a i e n t d e s s u s !

- A l o r s , r e s t e z là p o u r m e c o u v r i r . J e v a i s v o i r c e q u i se p a s s e

à l ' e n t r é e d u p o n t .

I l y a u n p o s t e d e g a r d e , a v e c u n e a r m e a u t o m a t i q u e , à la

so r t i e . M a i s il v i e n t d ' ê t r e r é d u i t a u s i l e n c e p a r u n e g r e n a d e

l a n c é e p a r le c o r p o r a l B a i l e y d e la s e c t i o n B r o t h e r i d g e .

A u p a s s a g e , l e s h o m m e s d e la s e c t i o n W o o d o n t c o u p é t o u s

les f i ls é l e c t r i q u e s q u i p o u r r a i e n t c o m m a n d e r d e s c h a r g e s

e x p l o s i v e s .

L e l i e u t e n a n t r e j o i n t la p o s i t i o n d e la p i è c e d e 2 0 F l a k , se

r é j o u i s s a n t d e n ' a v o i r p e r d u p e r s o n n e l o r s d e c e s a n g l a n t n e t -

t o y a g e d e s c a n t o n n e m e n t s d e la g a r n i s o n a l l e m a n d e d u p o n t d e

B é n o u v i l l e . I l s ' a p p r ê t e à a l l e r r e n d r e c o m p t e à s o n c h e f , q u i

d o i t t o u j o u r s se t r o u v e r e n c o n t r e b a s d e la r o u t e a v e c l e c a p t a i n

N e i l s o n . M a i s a u m o m e n t o ù il s o r t d u b l o c k h a u s , p a r l ' e n t r é e

p r è s d u c a n a l , il e n t e n d u n e r a f a l e d ' a r m e a u t o m a t i q u e e t

s ' é c r o u l e , t r è s g r i è v e m e n t b l e s s é d e t r o i s b a l l e s à u n e j a m b e .

P e n d a n t c e t e m p s , ses h o m m e s f i n i s s e n t d ' o c c u p e r les p o s i - t i o n s e n n e m i e s d e la r i v e d r o i t e .

L a r i v e g a u c h e , c ' e s t l ' a f f a i r e d e s o n c a m a r a d e le l i e u t e n a n t

B r o t h e r i d g e q u i m è n e l ' a s s a u t d e l a p r e m i è r e s e c t i o n d e l a

c o m p a g n i e D d e s O x f a n d Bucks .

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2

Le lieutenant Brotheridge et ses Diables Rouges des Oxf. and Bucks ont surgi les premiers hors du fossé de la route de Bénouville à Ranville, sur la rive droite du canal, et se sont pré- cipités vers la rive gauche courant à toute allure sur le pont à bascule, que les Allemands, à en croire les services alliés de renseignements, peuvent faire sauter d'une seconde à l'autre.

En face de cette vingtaine de gaillards, l'arme au poing et le visage noirci sous le casque recouvert d'un filet de camouflage, il n'y a encore qu'un seul soldat allemand!

L'Histoire a retenu son nom. Il se nomme Romer, Helmut Romer. C'est un jeune Berlinois. Il n'a que seize ans, dira la légende. En réalité il est né le 22 septembre 1925 et aura dix- neuf ans dans quelques mois...

Les aéroportés de la section Brotheridge avancent au petit trot, pointant devant eux leur fusil « Enfield » ou leur pistolet- mitrailleur « Sten ».

Romer, pris d'une panique intense, tourne sur ses talons et se précipite vers la rive gauche du canal en criant :

- Alarm! Fallschirmjager (Parachutistes)! Alarm! Il arrive à la hauteur de la seconde sentinelle qui se trouve

en poste fixe à la sortie ouest du pont. Celui-ci se montre plus résolu que son camarade. Mais il

n'est armé que d'un pistolet. Il tire pourtant une balle en direc- tion des assaillants.

Brotheridge, qui court en tête de sa section, riposte d'une courte rafale bien ajustée de sa « Sten » et son adversaire s'écroule, touché à mort.

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C'est sans doute le premier mort allemand du Jour J. Pendant ce temps, le corporal Bailey et quelques camarades

attaquent, à coups de grenades, l'abri bétonné où doit se trou- ver une mitrailleuse.

Plusieurs explosions ponctuent la mise à mort de tous les servants de l'arme automatique. Bailey bondit, constate qu'il n'y a pas de survivants et poursuit sa route dans l'obscurité. Il longe un bâtiment situé à la sortie du pont du côté gauche de la route, quand on vient de Ranville et de la rive droite du canal.

Une minute après le second « Horsa », le troisième planeur doit atterrir à son tour. Comme tous ses camarades, le staff- sergeant Barkway est un as du vol plané et il est bien secondé par son copilote Boyle qui manœuvre, à la seconde voulue, le parachute de freinage. L'engin s'immobilise, après un atterris- sage sur le ventre, les trois roues brisées dès le premier choc. Le contact de l'appareil avec le sol a été tout aussi brutal que pour les deux autres. Le lieutenant « Sandy » Smith, qui appar- tient à la compagnie B des Oxf and Bucks et dont la section a été affectée pour l'occasion à la compagnie Howard, est arra- ché de son siège, passe au-dessus du pilote et du copilote, fra- casse le cockpit, tête la première, et va culbuter devant le pla- neur immobilisé dans la prairie marécageuse. Au cours de son vol plané, l'officier perd son pistolet-mitrailleur « Sten » mais, miraculeusement, n'a rien de cassé. Tout éberlué il se remet debout et voit venir à lui le chef d'un de ses groupes de combat.

- Alors? On y va, sir? lui demande celui-ci. - Bien sûr, murmure machinalement Smith, qui souffre

d'un genou. Il parvient à retrouver son arme à moitié enfouie dans

l'herbe trempée et regroupe sa section. - Est-ce que tout le monde est là? demande l'officier. - Pas tout à fait, sir. Il manque encore une demi-douzaine

de gars. Ils sont coincés dans l'épave du planeur. - Blessés? interroge Smith, après avoir vérifié qu'il a tou-

jours un chargeur engagé dans sa « Sten ». - Sans doute, sir. - On y va tout de suite. Ils nous rejoindront. Ils rejoindront tous, sauf un, qui tombera dans la mare et,

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empêtré par son équipement, va se noyer. Ce sera le seul Diable Rouge des Oxf. and Bucks qui trouvera la mort lors de l'atterrissage des trois planeurs du pont de Bénouville.

Le surgeon-captain Vaughan a, lui aussi, comme le lieute- nant, été projeté hors de l'appareil lors du brutal atterrissage. Mais le médecin mettra bien plus longtemps à reprendre ses esprits que le chef de la troisième section. Smith pourtant, le genou démis, a beaucoup de mal à marcher.

Une cinquantaine de soldats ennemis se trouvent alors dans les tranchées et les abris aux abords du pont, aussi bien sur la rive droite que la rive gauche du canal.

Selon l'historien américain Stephen E. Ambrose, ce sont des conscrits étrangers, mobilisés de force dans la Wehrmacht, et ils commencent à décrocher. Mais les sous-officiers d'encadre- ment, tous Allemands du Reich, ouvrent le feu aussitôt, servant notamment des mitrailleuses MG 34.

Le lieutenant Brotheridge arrive à l'extrémité du pont à bas- cule et va atteindre l'autre rive. Il repère une position d'arme automatique sur sa droite. Il décide de la neutraliser, sort une grenade, la dégoupille et la lance vers cet objectif tout proche de lui. Mais il s'écroule, frappé d'une balle dans le cou. Le cor- poral Bailey court derrière l'officier, tenant à la hanche un fusil-mitrailleur « Bren » et tire de courtes rafales. Il passe près d'un corps étendu sans réaliser sur le moment que c'est celui de son chef, car toute son attention est retenue par une posi- tion ennemie qu'il veut faire taire définitivement.

Le corporal entend une explosion. C'est la grenade lancée par Brotheridge qui vient d'éclater, anéantissant la mitrailleuse et ses servants à la sortie droite du pont.

D'autres aéroportés de la première section continuent de tra- verser le canal et débouchent sur la rive gauche. Parmi eux les privates 1 Wally Parr et Charlie Gardner qui font équipe depuis qu'ils servent dans les Oxf. and Bucks.

Ils aperçoivent devant eux Billy Gray en train de changer le chargeur de son fusil-mitrailleur « Bren ». L'entraînement l'a accoutumé à faire ce geste en quelques secondes. Heureuse- ment pour lui. Son arme automatique est à nouveau prête à faire feu quand il aperçoit une ombre à une cinquantaine de mètres à peine, sur la route qui mène au village de Bénouville.

1. Soldats de 2" classe dans l'armée britannique.

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O n s a u r a p l u s t a r d q u e c ' e s t l ' O b e r j â g e r 1 H e i n r i c h H e i n z

H i c k m a n , u n s o u s - o f f i c i e r d ' u n e u n i t é p a r a c h u t i s t e a l l e m a n d e

q u i r e v i e n t d ' O u i s t r e h a m , à b o r d d ' u n e v o i t u r e d e l i a i s o n a v e c

q u a t r e j e u n e s c o n s c r i t s . E n b o n g r a d é p a r a , v é t é r a n d e S i c i l e e t

d ' I t a l i e , il « c o u r t a u c a n o n ». I l e s t d ' a i l l e u r s t o u t s eu l , a y a n t l a i s sé d e r r i è r e l u i ses q u a t r e

s u b o r d o n n é s , q u i p r o g r e s s e n t p r u d e m m e n t d e p a r t e t d ' a u t r e d e l a r o u t e m e n a n t d e B é n o u v i l l e a u c a n a l .

H i c k m a n e t G r a y s o n t f a c e à f a c e . L ' A l l e m a n d t i r e le p r e -

m i e r , m a i s m a n q u e s o n a d v e r s a i r e . L e B r i t a n n i q u e r i p o s t e a u s -

s i tô t , m a i s r a t e a u s s i l ' h o m m e q u i l u i f a i t f a c e . H i c k m a n a d ' a i l -

l e u r s v i d é s o n c h a r g e u r d e p i s t o l e t - m i t r a i l l e u r « S c h m e i s s e r » e t

d o i t e n c h a n g e r .

L e c o r p o r a l G r a y b o n d i t p o u r se m e t t r e à l ' a b r i d ' u n e

g r a n g e .

I l p r o f i t e d e c e b r e f r é p i t p o u r u r i n e r , c a r u n e e n v i e t e n a c e

d e se s o u l a g e r le l a n c i n e d e p u i s q u e s o n p l a n e u r a q u i t t é l ' A n g l e t e r r e .

L ' O b e r j â g e r H i c k m a n d é c i d e , lu i , d e r é c u p é r e r ses q u a t r e

c o n s c r i t s , sa v o i t u r e d e l i a i s o n e t d e se r e n d r e à C a e n p o u r p r é v e -

n i r ses c o m p a t r i o t e s q u e l e s A l l i é s a t t a q u e n t le p o n t d e B é n o u -

v i l l e e t q u ' i l s v i e n n e n t m ê m e s a n s d o u t e d e s ' e n e m p a r e r .

U n e a u t r e u n i t é d e s Oxf. a n d B u c k s s ' a v a n c e m a i n t e n a n t s u r

l e p o n t . C ' e s t la s e c t i o n d u l i e u t e n a n t S m i t h q u i v i e n t p r ê t e r m a i n - f o r t e à c e l l e d u l i e u t e n a n t B r o t h e r i d g e .

S m i t h b o i t e f o r t bas , d e p u i s q u ' i l s ' e s t b l e s s é a u g e n o u à la

f i n d e s o n vo l p l a n é h o r s d e l ' é p a v e d u t r o i s i è m e p l a n e u r . S u r

l e c o u p , l ' o f f i c i e r p e n s a i t n ' a v o i r r i e n d e cas sé , m a i s il se r e n d

c o m p t e m a i n t e n a n t q u ' i l es t p l u s h a n d i c a p é q u ' i l n e le c r o y a i t .

P o u r t a n t , il f a u t a b s o l u m e n t a i d e r les c a m a r a d e s a u x p r i s e s

a v e c les e n n e m i s e n p o s i t i o n s u r la r i v e g a u c h e . S m i t h , c l o p i - n a n t , se t r a î n e , c h e r c h a n t d u r e g a r d o ù p e u t se t r o u v e r s o n

c a m a r a d e B r o t h e r i d g e . I l a p e r ç o i t s o u d a i n u n h o m m e , e n f a c e d e l u i , s ' a p p r ê t a n t à l a n c e r u n e g r e n a d e à m a n c h e . A u c u n

d o u t e , c ' e s t u n s o l d a t e n n e m i , à m o i t i é d i s s i m u l é p a r u n p e t i t m u r q u i l o n g e u n e m a i s o n i so l ée . S m i t h le c u e i l l e d ' u n e r a f a l e

d e sa « S t e n ». M a i s l ' A l l e m a n d a e u le t e m p s , a v a n t d ' ê t r e m o r -

t e l l e m e n t b l e s sé , d e l a n c e r la g r e n a d e . E l l e e x p l o s e j u s t e à c ô t é

d e l ' o f f i c i e r , q u i r e s s e n t u n c h o c , m a i s n e r é a l i s e p a s d ' a b o r d o ù

1. Sergent des chasseurs de montagne et des chasseurs parachutistes de la Wehrmacht.

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il p e u t ê t r e t o u c h é . U n d e ses D i a b l e s R o u g e s se p r é c i p i t e v e r s l u i :

- Ç a va , s i r ? d e m a n d e - t - i l .

- O u i , à p e u p r è s , r é p o n d S m i t h . M a i s j ' a i u n g e n o u e n l ' a i r .

- V o u s a v e z a u s s i u n p o i g n e t a b î m é !

L e c h e f d e l a t r o i s i è m e s e c t i o n s ' a p e r ç o i t a l o r s q u ' u n é c l a t d e

la g r e n a d e l ' a a t t e i n t e t q u ' i l a la m a i n d é c h i q u e t é e . S o n p o i -

g n e t e s t h o r s d ' u s a g e e t l ' o s a p p a r a î t . S m i t h , a c c r o u p i p r è s d u

p o n t , d o i t r a p i d e m e n t se p o s e r u n p a n s e m e n t , m a i s il p e u t

e n c o r e , t a n t b i e n q u e m a l , se s e r v i r d ' u n e a r m e .

L ' o f f i c i e r a p e r ç o i t a l o r s u n e t ê t e à l a f e n ê t r e d u p r e m i e r

é t a g e d u c a f é e n f a c e d e l u i , s u r l e b o r d d u c a n a l . I l t i r e u n e

b r è v e r a f a l e . L a t ê t e d i s p a r a î t . C ' é t a i t l e p r o p r i é t a i r e d u c a f é

s i t u é à l a s o r t i e d u p o n t à b a s c u l e , s u r l a g a u c h e , q u a n d o n se

d i r i g e v e r s B é n o u v i l l e .

C e c a f é a p p a r t i e n t à u n c o u p l e a p p e l é à d e v e n i r c é l è b r e , l e s

G o n d r é e . T h é r è s e e t G e o r g e s . I l s o n t d e u x p e t i t e s f i l les , G e o r -

g e t t e e t A r l e t t e . P a r t i c u l a r i t é r e m a r q u a b l e , T h é r è s e e s t d ' o r i -

g i n e a l s a c i e n n e e t c o m p r e n d p a r f a i t e m e n t l ' a l l e m a n d . Q u a n t à

G e o r g e s , il a t r a v a i l l é p e n d a n t u n e d o u z a i n e d ' a n n é e s à la

b a n q u e L l o y d à P a r i s e t p a r l e b i e n l ' a n g l a i s . T o u t e s l e u r s s y m -

p a t h i e s v o n t à la R é s i s t a n c e e t i ls c o m m u n i q u e n t d e p u i s l o n g -

t e m p s , p a r l ' i n t e r m é d i a i r e d e M m e V i o n , la d i r e c t r i c e d e la

m a t e r n i t é i n s t a l l é e a u c h â t e a u d e B é n o u v i l l e , d e s r e n s e i g n e -

m e n t s à u n r é s e a u c a e n n a i s q u i les t r a n s m e t à L o n d r e s . C ' e s t

p a r e u x q u e l e s A l l i é s c o n n a i s s e n t l e s p o s i t i o n s d e la d é f e n s e

a l l e m a n d e d e s p o n t s d e B é n o u v i l l e e t d e R a n v i l l e , c o m m e d a n s les e n v i r o n s i m m é d i a t s .

G e o r g e s G o n d r é e , r é v e i l l é p a r t o u t c e b r u i t , t e n t a i t d e v o i r

c e q u i s e p a s s a i t d e v a n t c h e z l u i . S m i t h a t i r é t r o p h a u t e t l e c a f e t i e r e s t i n d e m n e . I l va a l o r s se r é f u g i e r a v e c sa f e m m e e t

ses d e u x p e t i t e s f i l l e s d a n s la c a v e , e n d r o i t l e m o i n s e x p o s é d e sa m a i s o n .

T o u s l e s c iv i l s n o r m a n d s h a b i t a n t à p r o x i m i t é d u c a n a l d e

C a e n à l a m e r n ' a u r o n t p a s la c h a n c e d e la f a m i l l e G o n d r é e . D e l ' a u t r e c ô t é d e la r o u t e m e n a n t à B é n o u v i l l e , s u r la r i v e

g a u c h e , j u s t e a p r è s l e p o n t à b a s c u l e , o n t r o u v e u n s e c o n d c a f é . I l se n o m m e L a C h a u m i n e e t e s t t e n u p a r la f a m i l l e P i c o t .

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- La 3e brigade parachutiste de Hill conduira l'attaque, décide le général Gale. Son premier objectif sera le village de Bures. Elle traversera ensuite la Dives et s'établira sur l'île entourée de marais entre la Dives et le canal. Puis elle devra atteindre ce canal à l'ouest de Dozulé.

- Que fera la se brigade, sir? demande Poett. - Vous serez en appui de Hill. Vous le suivrez dans la foulée

et vous établirez sur l'île en appui immédiat. Il reste à fixer le Jour J et l'Heure H. - Selon les ordres du corps d'armée, nous attaquerons le

17 août, à trois heures du matin, conclut Gale.

Les Diables Rouges gagnent leurs positions de départ dans la nuit et commencent, sans attendre le lever du jour, à progresser vers l'est. Avant l'aube, la division Gale s'est engagée dans un terrain étrange. Toute la vallée de la Dives envahie par l'eau et de multiples canaux, invisibles sous la surface de cet immense marais stagnant, coupent l'axe de progression des assaillants.

- On n'a jamais trouvé un nom d'opération aussi approprié que celui de « Paddle » (Pagaie), fait remarquer Hill au major Collingwood, son officier d'opérations.

Les Diables Rouges barbotent dans les prairies inondées et les marécages, avec parfois de l'eau jusqu'à la ceinture. Fran- chir chaque petit canal est une fort rude épreuve. Parfois, un des éclaireurs s'enfonce brusquement avec tout son équipe- ment et ses camarades doivent le récupérer au plus vite pour éviter de le voir se noyer sous leurs yeux.

Vers sept heures du matin, le 8e bataillon de Pearson et le 9e de Crookenden occupent Bures, sans rencontrer d'opposition. Pendant ce temps, le 1er bataillon canadien parachutiste de Bradbrooke progresse sous les couverts du bois de Bavent. Les Allemands, là aussi, se sont retirés. Mais ils ont laissé derrière eux d'innombrables mines et pièges. Parfois, une forte explo- sion retentit sous les couverts lorsqu'un para accroche un fil ou pose le pied sur un détonateur. Sans que soit tiré un seul coup de feu, les Canadiens perdent dix des leurs, alors que l'ennemi a totalement disparu!

- Rien de plus éprouvant pour les nerfs, constate Brad- brooke en recevant le rapport de ses commandants de compa- gnie lors d'une brève halte au cours de son avance vers l'est.

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- Qu'y faire, sir? - Rien d'autre que de progresser avec encore plus d'atten-

tion. Nous n'avons pas d'autre choix que de continuer. Le bois de Bavent mérite une dernière fois cette épouvan-

table réputation qui a été la sienne depuis plus de deux mois dans la 6e Airborne Division.

Le pont de Bures a été détruit depuis le 6 juin par un auda- cieux coup de main et les Allemands n'ont pas été capables de le réparer. Il faudra toute la journée aux sapeurs du 3e escadron du génie parachutiste pour construire une passerelle. La bri- gade Hill ne peut traverser la Dives qu'au crépuscule.

- Continuez votre progression jusqu'à neuf heures du soir, ordonne son chef à Pearson et à Crookenden. Puis vous vous établirez pour la nuit en défensive.

Pendant ce temps, le bataillon para canadien suit la voie de chemin de fer qui passe au nord-est de Bures et pour la pre- mière fois depuis le début de l'opération « Paddle », ses éclai- reurs se heurtent à des arrière-gardes ennemies du côté du hameau du Plain Lugan.

Le 8e bataillon parvient à s'emparer du village de Goustran- ville, où les Diables Rouges de Pearson ont rencontré une sérieuse résistance. Le commandant du « Huit » peut cepen- dant faire parvenir un message à son chef :

« Objectif entre nos mains. » Le brigadier Hill décide d'arrêter la progression pour la nuit

et garde sous la main le « Neuf » de Crookenden placé en réserve de brigade, prêt à intervenir en cas de contre-attaque allemande.

- La journée de demain promet d'être rude, confie Hill à son chef d'état-major.

Le 18 août, de durs combats s'engagent au-delà de Goustran- ville, sur le canal de la Dives et les ponts de chemin de fer. Les parachutistes de la 3e brigade vont aussi durement se battre pour enlever d'assaut la gare de Dozulé.

Les Diables Rouges, après plus de deux mois de combat sur un front statique entre l'Orne et la Dives, abordent maintenant le pays d'Auge.

- L'attaque aura lieu de nuit, décide Hill.