boutroux, Émile. de la contingence des lois de la nature
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5/27/2018 BOUTROUX, mile. De la contingence des lois de la nature.
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Boutroux, mile (1845-1921). De la contingence des lois de la nature. 1921.
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DES
LOIS DE LA NATURE
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AUTRES OUVRAGES DE M. E. BOUTROUX
tudes d'histoire de laphilosophie, 1vol.in-8de la Biblio-thquedephilosophiecontemporaine, 3me dition, 1 fr 80
(LibrairieFlixAlcan).Del'ide de loi naturelle dans lascienceet la philosophie
contemporaines, coursprofess la Sorbonnc en1892-1893.1YOI.in-8, 2 fr. 50(LibrairieFlixAlcan).
Laphilosophie des Grecs,parE. ZELLER,traduit de l'alle-
mand par E. BOUTROUXet ses collaborateurs, t.I et II;LaphilosophiedesGrecsavant Socrate, par M.BOUTROUX
(Hachette etC,e).
Questions de morale et d'ducation, confrences faites l'cole deFontenay-aux-Roses(Delagravo).
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DE;:'M CONTINGENCE
DB8
LOIS DE LA NATURE
PAR
EMILE BOUTROUX
Membrede l'Acadmiefranaiseetde l'AcadmiedesSciencesmoralesetpolitiques
Etvatxa\ ^vtauGx6eou(.
(ARISTOTE,De
pari, anim.,4, 5.)
>-EVVKME E1)1TION
PARIS
LIBRAIRIE FLIX ALCAN
108,BOULEVARDSAINT-OKRMAIN,1081921
Tousdroitsdetraduction,de reproductionetd'tdiptlltoarservspourtoutpays.
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DE. LA CONTINGENCE
DES
LQ3#BE LA NATURE
INTRODUCTION
L'homme,l'origine, tout entier ses sensationsdeplai-sirs oudesouffrance,nesonge pasau mondeextrieur; ilen ignore mme l'existence. Mais, avec le temps,il dis-
tingue, dans ses sensations mmes, deux lments, dontl'un, relativementsimple etuniforme, est le sentiment d
soi-mme, et dont
l'autre, plus complexe et
pluschan-
geant, est la reprsentation d'objets trangers. Ds lorss'veille en lui le besoin de sortir de soi et de considreren elles-mmes les chosesqui l'environnent, le besoin deconnatre. IIne se demandepasquel pointde vue il doitseplacerpourvoirleschoses,non tellesqu'elleslui appa-raissent,mais tellesqu'ellessont en ralit. Dupointmmeoil se
trouve, ses
yeux,en
s'ouvrant,ont dcouvert
uneperspectiveadmirable et des horizonsinduis. IIs'y tablitdonc comme en un lieu d'observation; il entreprend de
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2 DE LA CONTINGENCEDESLOISDE LA NATURE
connatre le monde tel qu'il l'aperoitde cepointde vueC'estlapremire phase de lascience, celle o l'esprit se
reposesur les sens du soin de constituer la connaissanceuniverselle. Et les sens lui fournissent en effetune pre-mireconception dumonde. Selonleursdonnes, le mondeest un ensemble de faits d'une infinie varit. L'hommepeutlesobserver,lesanalyser, les dcrire avec une exac-titude croissante. Lascience est cette description mme.Quant un ordre fixe entre lesfaits,iln'en est pas ques-
tion: les sens ne font rien voirde tel. C'est lehasard, ouledestin,ouunensemble de volontscapricieuses, qui prsi-dentl'univers.
Pendant un certain temps,l'homme se contente decetteconception.N'est-elle pas dj trs fconde? Cependant,tout en observant lesfaits,l'esprit remarqueentre eux desliaisonsconstantes. II voitquela nature se compose, non
de chosesisoles, mais de phnomnes qui s'appellentlesuns lesautres.II constate quela contigutdesphnomnes,aupointde vue dessens,n'est pas un sr indice de leurcorrlation effective.Ilvoudraitpouvoirranger les phno-mnes, nondans l'ordre o ils lui apparaissent,mais dansl'ordre o ilsdpendent effectivement les uns des autres.La sciencepurement descriptive luiparaitdsormais insuf-
fisante,inexactemme, en ce qu'elle fausse les relationsdes choses.Ilyvoudraitjoindrelaconnaissanceexplicative.Cetteconnaissance, les sens nepeuvent la procurer. Car,pour l'acquriril fautprendrenote des liaisons observes,et lescomparerentreelles,de manire &discerner les liai-sons constantes etgnrales. Puis, ces cadres une fois for*mes, il faut y fairerentrerles liaisonsparticulires quel'onse
propose d'expliquer.Or le3 sensn'atteignent que lesliaisonsimmdiatement donnespar les choseselles-mmes. Maisl'entendement intervient etoffre l'esprit unpointde vue
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INTRODUCTION d
pluslev,d'oles choses sontaperuesprcisment danscequ'elles ont de gnral. L'esprit chargedonc l'entende-
mentd'interprter, de
classer, d'expliquerles donnes des
sens.L'entendement, placainsi au-dessus des sens, prtend
d'abordsepasserd'euxetconstruire, luiseul, la sciencedu monde.Il luisuffira,semble-t-il, deprendre pour pointdedpartcelles de ses ides qui lui apparaissent commevidentesparelles-mmes, et de lesdvelopper d'aprs ses
propreslois. Jusqu' quel point russit-il oprer cetteconstruction sans rienemprunterau sens? Il est difficiledeledire.Quoiqu'il en soit, il aboutit une sciencedonttoutes les parties sont, il est vrai, rigoureusementliesentreelles,etqui, de la sorte, est parfaitement une;mais
qui,d'autre part, prsente avec les choses relles une di-
vergenceque les progrs mmes de la dduction rendent
deplusenplusmanifeste.Or l'ordre des ides n'a de va-leurquelorsqu'il expliquel'ordre desphnomnes.Devantl'impossibilitde constituer la science lui seul,
l'entendement consentfaireunepartauxsens.Ils travail-lerontde concert connatrele monde. Les uns observe-ront lesfaits, l'autre lesrigera en lois. En suivant celte
mthode, l'esprit tendvers une conception du mondeplus
large queles prcdentes. Le monde est une varit infi-nie defaits, etentreces faits existent des liens ncessaireset immuables. La varit et l'unit, la contingence et lancessit, le changement et l'immutabilit,sont les deux
plesdes choses.La loi rend raison des phnomnes; les
phnomnes ralisent la loi. Celte conception du mondeest la foissynthtiqueet harmonieuse, puisqu'elle admet
les contraires sans restriction, et nanmoins les concilieentreeux. Ellepermet d'ailleurs, ainsique l'exprience lemontre,d'expliqueret de prvoir de mieux en mieux les
i.
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phnomnes.Frappde cesavantages, l'esprit s'y complatdeplusenplusetjugede tout parl.
Etmaintenant,celleconception elle-mme est-elle dfi-nitive? La science que peut crer l'entendement oprantsur les donnes des sens est-elle susceptibledeconcidercompltement avecl'objet connatre?
D'abord cette rduction absolue du multiple l'un, duchangeant a l'immuable, que se propose l'entendement,n'est-elle pas, endfinitive,la fusiondes contradictoires?
Et, sil'absolu estl'intelligible, cette fusion est-ellelgitime?Ensuite,suffit-ilque l'entendement fasse unepartauxsenspour que l'espritsoit placaupoint de vuevraiment cen-tral?Enralit,cette concessionn'intresseque la recher-chedes lois de la nature. Elle n'implique pas unchange-mentdans la conception mme du mom'e. Dumomentquel'entendementimpose la science sa catgoriede liaison
ncessaire,iln'importe, thoriquement du moins, que lessenssoient ou non associs l'oeuvre de la connaissance.Il reste vrai qu'une intelligence parfaite tirerait toute lascienced'elle-mme, ou du moins de la connaissance d'unseul fait, considr dans la totalit de ses lments. Lemonde reste un toutparfaitementun, un systmedont les
partiess'appellentncessairement les unes les autres.
Or celtecatgoriede liaisonncessaire,inhrente l'en-tendement,se retrouve-t-elleen effetdansles choseselles-mmes? Les causes se confondent-elles avecles lois, commelesuppose,endfinitive, la doctrine qui dfinit la loi un
rapportimmuable?Celte questionintresse la foisla mtaphysiqueet les
sciencespositives. Car la doctrinequiplacedansl'entende-
ment lepoint devue suprme delaconnaissance apoureffetderelguer toute spontanit particulire dans te mondedes illusions:denevoir dans la finalitqu'une rcproduc-
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INTRODUCTION 5
(ion interne de l'ordre ncessairedes causes efficientes ;deramener le sentiment du libre arbitre l'ignorance des
causes de nos actions, et de ne laisser subsister qu'unecause vritable,produisantetgouvernanttout parun acte
uniqueet immuable. Deplus, cette doctrine ne rend pasuncomptesuffisant de la ncessit absolue de l'observa-tion et del'exprimentationdans les sciences positives; etelle introduitlefatalisme,plusou moinsdguis,non seu-lement dansl'tude de tous lesphnomnes physiquessans
distinction,mais encore dans la psychologie,l'histoire etles sciences sociales.Pour savoir s'il existe des causes relle- ^nt distinctes des
lois, il faut chercherjusqu' quel point les loisqui rgis-sent les phnomnesparticipentde la ncessit. Si la con-
tingencen'est, en dfinitive,qu'une illusion due l'igno-ranceplusou moinscompltedes conditions dterminantes,la cause n'est
quel'antcdent
noncdans la loi ou bien
encore la loi elle-mme, dans ce qu'ellea degnral ;etl'autonomiede l'entendement est lgitime. Mais,s'il arrivait
quelemonde donn manifesttuncertaindegrde contin-
gencevritablementirrductible, il yauraitlieu depenserqueles lois delanature ne se suffisentpaselles-mmeset ont leurraison dans des causes qui les dominent: en
sortequele
pointdevuede l'entendement ne serait
pasle
pointde vuedfinitifdela connaissance des choses.!I
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CHAPITRE PREMIER
DELANCESSIT
Aquel signe reconnat-on qu'une chose est ncessaire,quelest le critriumde la ncessit?
Si l'onessaye dedfinirleconcept d'une ncessit absolue,on est conduit en liminer tout rapport subordonnantl'existence d'une chosecelle d'une autre, comme uneeondilion. Ds lors,la ncessit absolue exclut toutemulti-
plicitsynthtique, toutepossibilitde choses ou de lois.Iln'y a donc pas lieu de rechercher si ellergnedans leinondedonn,lequel est essentiellement unemultiplicitdechoses dpendant plusou moins les unesdesautres.
Leproblmedont ils'agitest,enralit, celui-ci : quelsignereconnatt-on la ncessitrelative, c'est--dire l'exis-tence d'unrapportncessaire entre deuxchoses?
Letype leplusparfaitde l'enchanement ncessaire est lesyllogisme, dans lequel une proposition particulire estmontrecomme rsultant d'unepropositiongnrale, parcequ'elle yest contenue, et qu'ainsi elle tait implicitementaffirme aumoment o l'on affirmaitla proposition gn-raleelle-mme. Lesyllogisme n'est, en somme,que la d-monstration d'unrapportanalytiqueexistant entre le genre
etl'espce,le toutetlapartie. Ainsi l o il y a rapportanalytique, ilyaenchanement ncessaire. Maiscet encha-nement,ensoi,estpurement formel. Si laproposition gn-
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8 DE LA CONTINGENCEDESLOISDE LANATURE
raie estcontingente, lapropositionparticulire quis'en d-duitest,comme telledumoins,galemenietncessairement
contingente.On nepeut parvenir, par le syllogisme, ladmonstrationd'une ncessit relle, que si l'on rattachetoutes lesconclusions unemajeure ncessaireensoi. Cette
oprationest-ellecompatibleavec les condilions de l'ana-
lyse ?Aupointde vueanalytique,la seule proposition entire-
ment ncessaireen soi est cellequiapourformule A= A.
Toutepropositiondanslaquelle l'attribut diffre du sujet,commeil arrivealors mme que l'un des deuxtermesrsultede la dcompositionde l'autre, laissesubsister unrapportsynthtiquecommecontre-partie durapportanalytique. Le
syllogismepeut-il ramener les propositions symbolique-ment analytiques despropositions purementanalytiques?
Une diffrencese manifesteau premier abord entre les
poposilionssur lesquelles opre le syllogismeet celle laquelleils'agitd'arriver. Danscelle-ci,les termes sont rolis par le signe ; dans les autres, par la copule est.Celte diffrenceest-elleradicale?
Lacopuleest,quel'onemploie dans lespropositions ordi-naires,n'estpeut-tre passansrapportavec lesigne =. Ellesignifie,en se plaant au point devue del'extension des
termes(lequelest lepointdevue du raisonnement),que lesujetn'exprime qu'une partie de l'attribut, partie dont onn'indique pasla grandeur relative. La propositioni Tousleshommessont mortels > signifieque l'espcechommeest unepartie du genre , et laisse indterminlerapport du nombredes hommes aunombredesmortels.Sil'on connaissaitcerapport, onpourraitdire : Tousles
hommes = Imortels, i Leprogrs de la science, peut-onajouter,consiste dterminerplusexactement et pluscom-pltementlesespcescontenuesdans les genres, en sorte
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DE LA NCESSIT 9
que,dansunescienceacheve, le signe= aurait partoutremplaclacopuleest. La formule de cetle science serait
A = B-r-C-r-D-f-... ;B= a-f-6-f-c ..., etc. En rem-plaantB, C, D, etc., par leur valeur, onaurait, en dfini-tive:A = aH-b-f-c+... Or,est-ce luneformulepure-mentanalytique?
Sansdoute,lerapport entre A et ses parties estanaly-tique,maislerapport rciproqueentre lespartieset le toutest synthtique.Car la multiplicit ne contient pas la rai-
sonde l'unit. Et il ne sert de rien d'allguer qu'en rem-plaanta + b-f- c+.... parleur valeur on obtient A = A,parce que la science consiste prcisment considrer Acomme un toutdcomposable, et le diviser en ses par-ties. '
Mais, dira-t-on, on peut concevoir autrement la formeanalytiqueidale verslaquelletendla science. L'interposi-
tion d'unmoyen terme Mentre deux termes donns S et Papoureffet departageren deux l'intervalle qui rsulte deleur diffrenced'extension. Oninterposera de mme desmoyens termesentre S et M,entreMetP, etainsi de suite
jusqu' ce que lesvides soient entirement combls. Lepassagede S P sera alors insensible.Enpoursuivantcetravail,on irarejoindrel'essencesuprme A,ettouty sera
rattachparun lien de continuit.Cepointde vuecomporteen effetla rduction de touteslespropositions laformule A est A. Mais,celte fois, lacopule est no peut tre remplace par le signe =. Car l'interpositiond'un nombrequelconquede moyenstermesnepeut combler entirementl'intervallequi existe entre leparticulieret legnral.Les transitions,pourdevenirmoins
brusques,n'enrestentpasmoinsdiscontinues;et ainsi il yatoujours uuediffrence d'extension entre le sujet et leordicat.
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40 DE LA CONTINGENCEDES LOISDE LA NATURE
Il est doncimpossiblede ramener les rapports particu-liers la formuleA= A, c'est--dire de parvenir, par
l'analyse, la dmonstration d'une ncessit radicale.L'analyse,lesyllogisme,ne dmontrentquela ncessit d-rive,c'est--dire l'impossibilit quetelle chosesoit fausse,si telleautre chose est admise comme vraie.
Le vice del'analyse, en tantqu'elle prtend se suffire elle-mme, c'est de necomporter,commeexplicationder-nire,qu'une propositionidentique,et denepouvoirrame-
ner une telle formulelespropositionsqu'il s'agitd'expli-quer. Elle n'est fcondeque si une proposition identique,assemblaged'lments htrognes, lui est fournie commepointdedpart; elle ne dmontre la ncessit que si elledveloppeunesynthsencessaire. Exisle-t-il detellessyn-thses ?
L'exprience, quine fournit aucuneconnaissance univer-
selledansl'espaceet dansle temps, et qui fait seulementconnatre lesrapportsextrieurs deschoses,peutbien nousrvlerdes liaisonsconstantes, mais nondes liaisonsnces-saires. Ilfautdonc,avanttout, qu'une synthse soitconnue priori pour qu'elle soit susceptible d'tre ncessaire.Peut-tre,il estvrai,resterait-il savoir si une telle syn-thse estncessaireaupoint devue deschoses,comme elle
l'est pour notre esprit. Mais d'abord ilsuffitqu'ellelesoitpournotreesprit, pour qu'il n'yait pas lieu d'en discuterlaralit objective,cettediscussionnesepouvantfairequesuivantles loisdel'esprit.Siparhasard le cours des cho-sesne seconformait pas exactement aux principes possprioriparl'esprit, il en faudrait conclure,nonque l'espritsetrompe,mais quelamatire trahit saparticipation aunon-
tre parun reste de rbellion contre l'ordre.Aquel signe peut-on reconnatre qu'un jugement est
priori?
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DE LA NCESSIT 41
Pourqu'un jugement puissetre dit priori, il faut queseslments, termes et
rapport, ne
puissent tre drivs
del'exprience.Pourque les termes puissent tre consi-drs commene drivant pas de l'exprience, il ne suffit
pasqu'ilssoientabstraits. L'exprience, ensomme, ne nousfournit aucune donnequin'ait une face abstraite en mme
tempsqu'unefaceconcrte. Je n'embrassepas dans une seuleintuition la couleur et l'odeurd'un mmeobjet.Les abstrac-tions les
plushardies
peuventn'tre
quel'extension,opre
parl'entendement,delasubdivisionbauche parles sensD'ailleurs, l'exprienceelle-mme nous met sur la voie decetteextension, en nous fournissant,sur leschoses, selon l'-
loignement,ladureou l'intensit,des donnesplusou moinsabstraites. 11fautdonc,pour qu'untermepuissetreconsi-dr commepos priori,qu'ilneproviennedel'expriencenidirectement,
parintuition,niindirectement,parabstrac-
tion.Demme,pourqu'unrapport puisse tre considrcomme
pospriori, ilnesuffitpas qu'iltablisse,entre les intui-
tions, une systmatisation quelconque, comme,si l'exp-rience nefournissait rien qui ressemblt un systme.C'est sortir des conditions de la ralit que de supposerune intuitionabsolument
dpourvued'unit. Les
perceptionsles plus immdiates impliquentle groupement de partiessimilaires etla distinctiond'objetsdissemblables. Une mul-
tiplicit pureetsimpleest une chose absolument inconce-vable,qui,sielle n'offre aucuneprise lapense, nepeut
pas davantage tre donne dansl'exprience. Il y a donc,dj,dans lesobjetsperus eux-mmes, un certain degrde
systmatisation;etainsi,avant d'affirmer
qu'un rapportdedpendance tabli entre deux termes ne drivepasdel'exprience,il fauts'assurer si cerapport est radicalementdistinct deceuxqu'il nous est donn de constater. Il faut
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42 DELA CONTINGENCEDESLOIS DE LANAIIKF,
que ce rapportdiffreradicalement deceux quenousprsentel'exprienceouquenouspouvons lire dans ses donnes.
Lechamp del'e prience peut d'ailleurs tre nettementdfini: ce sont les aits etleurs rapports observables. Lesfaitssedistinguenten faits externeset en faits internes ou
propres l'tre mmequien estle.sujet. Par lessens,nous
pouvons connatre les premiers; par la conscienceempi-riqueou sensintime, nous pouvonsatteindre les secondsen nous-mmes. Les rapports observables consistent dans
desrapports de ressemblance et de contigut simultaneou successive.Unjugement synthtiqueest subjectivement ncessaire,
s'il estpos priori ; mais,pourqu'ilsoit, au pointde vuedeschoses,unsignede ncessit, il faut, en outre, qu'ilaffirmeunrapportncessaire entre les termes qu'ilrapproche.Une majeure qui noncerait un rapport contingent trans-
mettrait ce caractre toutes ses consquences. Or lesrapports objectifs qui peuventexister entre deux termes seramnentquatre: les rapportsde cause effet,demoyenfin,desubstanceattribut, et de tout partie. Lesrap-portsde substanceattribut et detout partie peuventseramener la causalit et la finalit rciproques. Il nerestedonc,endfinitive,quelesrapportsdecausalitet de
finalit.Or onnepeutdired'aucune finqu'elle doive ncessaire-
mentseraliser. Car nul vnementn'est, lui seul, toutlepossible.IIya, au contraire, une infinit de possiblesautres que l'vnement quel'on considre. Leschances deralisation de cet vnementsont donc l'garddeschan-ces de ralisationd'autre chose comme un est l'infini ; et
ainsilaralisation d'une findonne quelconque,ft-cel'uni-formit de succession des phnomnes, est, ensoi,infini-mentpeu probable, loin d'tre bien ncessaire. Deplus,
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DE LA NCESSIT 13
lors mmequ'unelin estposecommedevanttreralise,les moyens employerdans celte vue ne sont pasdter-
mins du mmecoup. Toule finpeuttre galement ra-lise par diffrentsmoyens, de mmeque tout but peuttregalementatteintpardiffrentes routes. Il est vraiquelesmoyens ne seront pastous galement simplesou bonseneux-mmes.Mais ces diffrences lafin,commetelle,n'estpasintresse; et, si l'on en tient compte, c'est quel'onrigelemoyenlui-mme en fin secondaire. La rali-
sation de la finpar les moyenssupposeun agent capabledeconnatre, de prfreret d'accomplir. Elle n'est donc
pasncessaireensoi.Il n'en estpasde mme de la productiond'un effet par
sacause,si le mot cause est pris dans le sens strict deforceproductrice.La causeproprementdite n'est tellequesi elleengendreuneffet.Deplus,elleagit uniquement en
vertu de sanature,et n'a aucungard la valeuresthtiqueou moraledu rsultat. Il n'y a donc aucune raison pouradmettre un degr quelconquedecontingencedans lerap-port puret simple de la cause l'effet. Cerapportest letypeparfait,maisunique,delancessit primordiale.
Ainsi c'est seulement aux synthses causales prioriqu'appartientla ncessit tantobjectiveque subjective :elles
seulespeuvent engendrerdesconsquences analytiquesenfirement ncessaires.
En rsum, le critrium de la ncessit d'un rapportestlapossibilit de le rameneranalyliquement une synthsesubjectivement etobjectivementncessaire. Leprincipe deh '.iaisonncessaire deschoses,lapierre magntiquedontlavertuse transmet tous lesanneaux, ne peut tre que
lasynthsecausale priori.Simaintenant il arrivait qu'il ft impossibled'tablir lalgitimitdepareillessynthsescommeprincipesconstitu-
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44 DELA CONTINGENCEDESLOISDE LANATURE
tifs ourgulateurs de la connaissance des chosesdonnes,toute ncessit endeviendrait-elle illusoire?
A coupsr, il nepourrait plus trequestion d'une nces-sitradicale,commergnantdans le monde donn, puis-que, lors mme que certaines synthses impliquesdans
l'exprienceseraientncessaires ensoi,l'esprit, dans le casdont il s'agit, serait hors d'tat de s'en assurer. Toutefoisla combinaisondel'exprienceetde l'analyse pourrait en-core manifester une certaine sortedencessit, laseule,
vraidire, que poursuiventd'ordinaire les sciencespositives.Onconoit,eneffet,quelessynthses particulires empiri-quementdonnespuissent tre ramenes des synthses
plus gnrales, celles-ci dessynthses plus gnrales en-core,et ainside suite jusqu' ce qu'onarrive un nombre
plusoumoins restreint desynthses pratiquement irrduc-tibles.L'idal serait detout ramener une seule synthse,
loisuprmeo seraientcontenues, comme casparticuliers,toutes lesloisde l'univers.Sans doute,ces formulesgn-rales, fondes en dfinitivesur l'exprience, en conserve-raient lecaractre, quiest de faire connatrecequiest, noncequine peut pas ne pas tre. Riennepourrait prouverqu'elles fussent ncessaires en soi. Mais elles tabliraiententre tous les faits particuliers, comme tels, une relation
ncessaire. Le moindre changementde dtail impliqueraitle bouleversementdel'univers. On peut donc admettre la
possibilitd'une ncessitdefait ct de h ncessit dedroit. Celle-ciexistelorsquelasynthse quedveloppe l'a-nalyseest pose priori par l'esprit et unitun effet unecause.Lorsquecette synthse,sans tre connue priori,estimplique dans unensemble de faits connus, et qu'elleestconstamment confirmeparl'exprience,ellemanifeste,snonla ncessit dutout, dumoins la ncessit dechaque
partie,supposerqueles autres soient ralises.
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CHAPITRE II
DE L'TRE
Le monde donn dans l'exprience porte-t-il, dans lesdiversesphasesdeson dveloppement, lesmarquesdistinc-tives de la ncessit?
Auplusbasdegr de l'chelle des choses donnes se trouveYtreou lefait puret simple,encore indtermin. Peut-ondirequ'ilexiste ncessairement ?
Puisqu'une ncessit absolue estinintelligible en ce quiconcerne les chosesdonnes, la ncessit de l'tre nepeutconsisterquedans le lien qui le rattache ce quiestposavantlui, c'est--dire aupossible.
Quelle est la nature de ce lien ? L'existence dupossiblea-t-elle pour consquencefatalelaralisation del'tre?
Et d'abord peut-on dduire l'tre dupossible,commela
conclusion d'unsyllogisme se dduit desprmisses?Lepos-siblecontient-il tout cequiestrequis pourla ralisation del'tre?L'analyse pure etsimplesuffit-ellepour expliquerle
passage de l'un l'autre ?Sansdoute,en unsens, iln'ya rien de plus dans l'tre
que dans le possible, puisquetoutcequiest taitpossibleavantd'tre. Lepossible est la matire dont l'tre est fait.
Maisl'tre ainsi ramen au possible reste purement idal,*et, pour obtenir l'tre rel, il faut admettre un lmentnouveau.En eux-mmes,en effet, tous les possiblespr-
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46 DE LA CONTINGENCEDES LOISDE LA NATURE
tendent galement l'tre, et il n'ya pasderaison,encesens,pourqu'unpossible se ralise deprfrenceauxautres.
Nul faitn'est possiblesansqueson con'rr!:o le soitgale-ment. Si donc lepossiblereste livr lui-mme,tout flotteraternellement entre l'tre et lenon-tre,rien nepasseradelapuissance l'acte. Ainsi,loinque le possible contiennel'tre, c'est l'trequicontientle possibleetquelquechosedeplus: la ralisation d'un contrairedeprfrencel'autre,l'acte proprement dit. L'tre est la synthsede ces deux
termes,et cellesynthseest irrductible.Maispeut-treest-ce unesynthsencessaireen soi :peut-trel'esprit affirme-t-ilapriori quelepossible doitpasserl'acte,que quelquechose doit seraliser.
Ilest importantderemarquer qu'ils'agitici,non de l'treensoi, mais de l'tre tel que le considrentlessciences
positives,c'est--dire des faits donns dansl'exprience.La
synthse dupossibleet de l'acte doit donctreprisedansl'acceptionselonlaquelleelle peut s'appliquer aux objetsdonns. Ce serait prouver autre chose que ce quiest en
question que d'tablirl'origineprioride ce principe,enlui attribuant unesignification quile feraitsortir du domainedela science.
Ainsi lepossible,dans lasynthsedont ils'agit,n'est pas
lapuissance quiest et demeureavant, pendant et aprsl'acte; carlapuissanceainsi conue n'est pasdu domainedessciencespositives.C'estsimplementune manire d'tresusceptibled'tre donne dansl'exprience,et non encoredonne. Demme, l'acten'estpas lechangementqui s'opredans lapuissancealorsqu'ellecre unobjet,la transforma-tion de lapuissanceen causegnratrice.C'est simplement
l'apparitiondu fait,dumultipleet du divers dans lechampdel'exprience.Toutefois,mmeen ce sens, lesconceptsdu possibleet
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DE L'TRE 47
de l'acte semblentnepouvoirtreconusqu' priori, parcequelepossible n'est pasdonn dans l'exprience, etque
l'acte engnral est tout le donn. Il n'est pas d'expriencerellequi atteignel'un oul'autre de ces deuxobjets.Maissuffit-il quelepossiblene soitpasdonn commetel,
pourqu'onnepuisse enconsidrerla notion comme expri-mentale? Envoyant l'infinie varit et l'infini changementdeschoses,enremarquantla contradictiondes donnes dessens chezles diffrents individus et mme chez unseul,
l'esprit est amen considrercequi lui apparat commerelatifaupoint devue oil estplac,comme diffrent decequiluiapparatraits'il seplaaitunautrepointde vue.A mesurequese multiplientlesobservations,l'idedupos-sibledevient deplusenplusabstraite,et finitparsedpouil-ler de tout contenu distinctement imagin.
Quantauconceptdl'acte,s'il signifiait effectivementtout
ledonn,onnepourrait admettrequ'il drivt del'exp-rience. Maisl'expressiontout le donn ,prise lalettre,estinintelligible, soitquel'on considre les chosesdonnes,passes, prsentes etvenircomme formant unequantitfinie,soitqu'onles considre comme formantunequantitindfinie.L'acte ou le fait engnral est doncsimplementun terme d'une extensionindtermine,l'existence abstraite
d'unmonde susceptibled'tre peru.Ainsidfini,leconceptdel'acte peut s'expliquer par l'existence mmedel'exp-rience etparle changement perptuelquenousremarquonsdans les choses. A mesurequenous voyonsune manired'tre succdera une autre manired'tre, mesure se fixeen nous l'ide del'acte, dontchaquedonneexprimentale {distincte nous offre unexemple;tandisquel'ide desparti-
cularitspropreschaquefait s'effaced'elle-mme, causedelamultiplicit et de la diversit infinies des donnesexp-rimentales.
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48 DE LA CONTINGENCEDESLOIS DE LANATURE
Cenesontdoncpas les termes dont se composel'tre,c'est--dire lepossibleetl'acte, qui doiventtre considrs
commeposs priori. Reste le rapport tabli entre cestermes.Maisce rapport, quiserait essentiellc.nenl mtaphy-sique s'il s'agissaitdupassage de la puissancecratrice l'acte par lequel elle cre, perd ce caractre ds quelesdeuxtermes sont ramens leur sens scientifique. Ce n'est
plusalors quele rapport abstrait de l'exprience actuelleauxexpriencespasses, l'gard desquelles l'exprience
actuelletait simplement possible. Dslors,il n'excde paslaportedel'exprience, levepardes abstractions succes-sives sonplushaut pointdegnralit.
Cen'est pastout. Les lments del'tre comportent uneindterminationqui empchede voir dans l'un (lepossible)lacausede l'autre (l'actuel). Il nerpugne pas la raisond'admettre que jamais le possiblene doivepasser l'acte,
ouquel'actuel existe de toute' ternit. Ainsi,non seule-ment la connaissance de l'tre en tant queralit peutdri-ver del'exprience;mais encore elle nepeut avoir d'autre
origineet nepeut trerapporte unjugement synthtiquepriori.
Quant l'exprience, elle nepeutnous induire attribuerdu moins cepassageune ncessit de fait, puisquenous
voyonsune multitude de choses qui ontexist, et quiparconsquent sonten elles-mmes possibles et susceptiblesdepasserl'acte, rester dsormais ''tat de possibles pursetsimples, sansque, peut-tre, rien nous autorise suppo-ser qu'ellesse raliseront de nouveau.
Faut-il admettrequetouslespossiblessont, au fond,ter-nellementactuels, que le prsent est composdupasset
grosde l'avenir; quele futur, loin d'tre contingent, existedjauxyeuxde l'entendement suprme; et quela distinc-tiondupossibleet de l'tre n'est qu'une illusion causepar
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DE L'TRE 19
l'interposition du temps entre notre point de vue et leschosesen soi?
Cettedoctrine n'est pas seulement gratuite et indmon-trable,elle est en outre inintelligible. Dire quechaquechoseest actuellement tout cequ'elle peuttre, c'est dire qu'ellerunit et concilie enelle des contraires qui,selonla connais-sancequenous enavons, nepeuventexister qu'en serem-
plaantles uns les autres. Mais comment concevoir cesessencesformes d'lments quis'excluent? Enoutre, com-
ment admettre quetoutes les formes participent galementdel'ternit, comme si elles avaient toutesla mme valeur,le mme droit l'existence? Enfin, considres dans le
temps, les choses ne se ralisent pastoutes au mmedegr.Telle devient peu peu tout ce qu'elle peut tre; telleautre est anantie au moment o ellecommenait sedve-
lopper. Cette diffrence doit prexister dans l'ternelle
actualitque l'onprte auxpossibles. Us ne sontdoncpastousactuels au mmedegr.End'autres termes,lesuns sontrelativement actuels, les autres, en comparaison, ne sont
que possibles.
L'tre actuellement donn n'est doncpas une suite nces-saire dupossible: il en est une formecontingente. Mais, si
sonexistence n'est pasncessaire, en peut-on dire autantde sanature? N'est-il pas soumis, dans le dveloppementquiluiestpropre, une loiinviolable? Neporte-t-il pasenlui-mmecette ncessit dont il estaffranchi dans sonrap-
portavec lepossible?La loide l'tre donn dans l'exprience peut tre expri-
meparplusieurs formulesquiont,aufond,lemme sens :
c Rienn'arrive sans cause >,ouToutcequiarrive est uneffet,et uneffetproportionn sa cause i, c'est--dire necontenantrien deplus qu'elle, ou Rien nese perd, rien
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20 DE LA CONTINGENCEDES LOISDE LA NATURE.
ne se cre , oubien enfinLa quantitd'tre demeureimmuable >.
On nepeutconsidrer cetteloi comme donne avecl'trelui-mme ; car l'ide d'uniformit et d'immutabilit est
trangre l'tre donn comme tel, lequelconsiste essen-tiellement dans une multiplicit de phnomnesvaris et
changeants. La loi de causalit est lasynthsede deuxl-mentsirrductibles entre eux, le changementet l'identit:ilne suffitpas quel'un des deuxtermes, le changement,
soit admis commeralis, pour que l'adjonction del'autres'ensuiveanalyliquement.Maispeut-trecetteloiest-elle ncessaire commeaffirma-
tion spontanede la raison. Peut-tre est-elleconue priori,et, ce titre, imposel'tre.
Otrouver,peut-ondire,dans les donnes del'exprience,un objet correspondant au termei cause 1, qui signifie
*pouvoircrateur , etun rapport correspondantau liendei gnration i que l'esprit tablit entre la cause etl'effet?
Sila question est ainsipose, le principede causalit estcertainement priori. Mais ce n'est pas en ce sensqu'il est
implique dans la connaissance du monde donn. L'ided'une causegnratrice ne saurait rendre aucun service
celui qui, commele savantproprement dit, recherche unique-ment la nature etl'ordre desphnomnes.Enralit, lemot,lorsqu'onl'emploieen matire scientifique,veutdiret condition immdiate . La cause d'unphnomne,encesens, c'est encore unphnomne, cene peuttre qu'unphnomne: autrement la recherche des causes ne serait
plusdu domaine dessciencespositives; seulement, c'est un
phnomne qui doitpralablement exister pour qu'un cer-tainautre se ralise.Mais,dira-t-on, c'est effectivementparerreur quela cause
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DR L'TRE 21
avaitt d'abord conue comme une entit mtaphysiquecontenue dans lesphnomnes: elle n'enestquela condition
dterminante. Elle ne serapporte pas l'tre ensoi,maislaconnaissance des phnomne, et elle implique unique-ment cequi estncessaire pou.' f .idre cette connaissance
possible. Il estjuste de dire que la causalit n'est qu'unrapport et un lien pos entre les phnomnes, maisil fautajouter quec'est un liendencessit pospriori.
Ainsientendu, leprincipede causalit est sans doute plus
voisin des conditions de la science que lorsqu'il impliquel'hypothse d'une chose en soi. Toutefois il contient encoreunlment quela science ne rclame pas: l'ide de nces-sit. Il suffitqu'ilexiste entre les phnomnes des liaisonsrelativement invariables, pourque larecherche des causessoit lgitime et fructueuse. Bien plus: il est contraire l'essence desphnomnes d'tre ncessairement enchans
entre eux. Leur mode de succession, qui dpenddu moded'action deschoses en soi, ne peut avoir qu'un caractrerelatif. C'est retomber dans l'erreur qu'on voulait viter,mais en rigeant cette fois les phnomnes eux-mmes enchoses ensoi,quedevoirdansla causalit un liend'absoluencessit entre lesphnomnes.
Le sens prcis du principe de causalit, dans son appli-
cation l'tude du mondedonn, est celui-ci : Tout change-ment survenant dans les choses est li invariablement unautre changement, comme unecondition, et non pasunchangement quelconque, mais un changement dtermin,telqu'il n'y aitjamais plus dans le conditionn que danslacondition. Or les lments de ce principe paraissent tousemprunts l'exprience. Apriori l'homme tait dispos
admettre des commencements absolus, des passages dunant l'tre et de l'tre aunant, dessuccessions deph-nomnesindtermines. C'estl'exprience quiadissipces
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22 DE LA CONTINGENCEDESLOISDELA NATURE
prjugs.C'est le progrsdel'observation, de lacomparai-son,dela rflexion et de l'abstraction, c'est--diredel'ex-
prience interprte, maisnonsupple, par l'entendement,quia fait voirqu'un changementn'estjamaisquelquechosed'entirement nouveau; quetout changementest le corr-latif d'un autre changement survenudans les conditions aumilieudesquelles il se produit, et quelerapport quiunittelchangement tel autre est invariable.
Onnepeutdoncdirequeleprincipede causalitquirgit
lascience soit une loi dictepar l'esprit aux choses. Dansles termeso l'esprit l'imposeraitauxchoses, l'tre donn,c'est--direlesphnomnes,ne saurait le raliser; et,d'autre
part, laformulequi s'appliqueauxphnomnesne contient
quedes lments drivs del'exprience.Il n'en restepasmoins que cette formule noncel'exis-
tence d'un rapport invariable entre tel changement et telautre.
Or,sil'invariabilit
n'quivaut pas,en
soi, la nces-
sitinterne, d'unepart elle ne l'exclut nullement, elle enest mme le symbole extrieur; d'autre partelle tablitentre lesmodes de l'tre ce qu'onpeut appelerunencessitdefait. Ne s'ensuit-ilpas queleprincipede laliaisonnces-saire des phnomnes mrite toute confiance aupointdevuepratique,et est, mme aupointde vue thorique,plusvraisemblable
queson contraire?
On nepeutnierquel'idede ceprincipe n'ait tle nerfde la connaissancescientifique.La science est ne lejourol'hommeaconu l'existence de causes et d'effetsnatu-rels, c'est--dire de rapports invariables entre leschosesdonnes; lejour o,aulieude se demanderquelle est la
puissancesupra-sensible qui produitles phnomnesconsi-drs isolment et
pourquoielle les
produit,il s'est demand
quelestlephnomnede la nature d'odpend celuiqu'ils'agitd'expliquer. Chaque progrsde la science est venu
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confirmer cette conception;et il estcontraire toute vrai-semblanced'imaginer des mondesrels o les phnomnesse
produiraient sans
cause, c'est--dire sans antcdentsinvariables.) Toutefois, il ne faut pas oublier que c'est l'exprience
elle-mme quia introduit dans l'esprit humainetprogressi-vementpur l'ide scientifique de cause naturelle. Cetteide n'estpascelle d'un principe priori qui rgitles modesdel'tre, c'est la forme abstraite durapport quiexisteentre
cesmodes. Nous ne
pouvons pas dire
que la nature deschoses drive de la loi de causalit. Celte loi n'est pournousque l'expression la plus gnrale des rapports quid-rivent de la nature observable des choses donnes. Suppo-sonsque leschoses, pouvant changer, nechangent cepen-dant pas: les rapports seront invariables, sansquela nces-sitrgneen ralit. Ainsi la science apour objetuneforme
purement abstraite et extrieure, qui neprjuge pasla na-tureintimede l'tre.Maisn'esl-ilpasvraisemblablequel'extrieur est la traduc-
tion fidle de l'intrieur? Est-il admissible que les actesd'un tresoientcontingents, s'il est tabliqueles manifes-tations de ces actes sont lies entre elles par des rapportsimmuables? Si les ombresqui passent dansla caverne dePlaton
se succdent de telle sorte
qu'aprsles avoir
bienobserves, on puisse exactement prvoirl'apparition desombres venir, c'est apparemment queles objets quilesprojettentsesuivent eux-mmesdans un ordre invariable.Il serait sans doute possiblequel'ensemble desmanifesta-tionset des actes neftpas donn; mais si,l'une de ceamanifestations tant donne, les autres sont donnes dumme
coup, l'hypothsela
plus simple,c'est
d'admettre quelesactes eux-mmes sont lis entre eux d'une manire ana-logue. Ainsi, pour avoir le droit de rvoquer en doute la
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ncessit Internedeschoses,il faudrait, semble-t-il,pouvoircontester l'absoluergularit du cours desphnomnesettablir l'existence d'un
dsaccord, si
petit qu'ilft,entre le
postulatde la scienceet la loi de la ralit. Peut-trel'exp-rience ne nous enfournit-ellepaslemoyen; mais peut-onaffirmerqu'elle prononceenfaveurde lathsecontraire ?
Toute constatation exprimentalese rduit, endfinitive, resserrer la valeurde l'lmentmesurable desphnomnesentre des limitesaussirapprochesque possible. Jamais onn'atteint le
point prciso le
phnomnecommence et finit
rellement. On nepeutd'ailleurs affirmerqu'ilexiste depa-reilspoints, sinonpeut-tredans des instants indivisibles,1
hypothse vraisemblablement contraire lanature mmedutemps.Ainsi nous ne voyonsen quelque sortequelescontenants des choses,non les choses elles-mmes. Nousnesavonspassi les chosesoccupent,dans leurscontenants,une
place assignable. A
supposer que les
phnomnesfussentindtermins, mais dans unecertaine mesureseule-ment, laquelle pourrait dpasserinvinciblement laportedenos grossiers moyensd'valuation, lesapparencesn'enseraientpasmoins exactement telles quenous les voyons.Onprtedonc aux choses une dterminationpurementhypo-thtique,sinoninintelligible,quandon prendaupiedde lalettre le
principe suivant
lequel tel
phnomneest li tel
autre phnomne. Le termetel phnomne , dans sonsens strict, n'exprime pas unconcept exprimental, et r-
pugne peut-tre aux conditions mmes del'exprience.Ensuite, est-il bien conforme l'exprience d'admettre
uneproportionnalit, unegalit, une quivalenceabsolueentre lacauseetl'effet?Nul nepensequecette proportion-nalit soitconstante, si l'on considre les chosesau
pointde vue del'utilit, de la valeuresthtique etmorale,en unmot delaqualit. A cepointdevue,aucontraire, on admet
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communment quedegrands effetspeuvent rsulter depe-titescauses, et rciproquement. Laloi del'quivalence ne
peutdonc tre considre comme absolueque s'il s'agit dequantits pures ou de relations entio desquantits d'uneseuleet mmequalit.
Mais otrouver unconsquent qui,aupointdevue de laqualit,soit exactementidentique son antcdent? Serait-ce encoreun consquent, un effet,un changement, s'il nediffrait del'antcdent, nipar la quantit, nipar laqua-
lit?Le progrs de l'observation rvle de plusenpluslarichesse deproprits,lavarit, l'individualit, la vie,lolesapparences ne montraient que des masses uniformes etindistinctes. Ds IOPSn'est-il pasvraisemblablequelarp-titionpure et simpled'une mme qualit, celte chosed-
pourvuede beaut et d'intrt, n'existe nulle part dans la
nature, etque la quantit homognen'est quela surfaceidale des tres? C'est ainsi que lesastres, vus deloin,n'apparaissent quecomme des figures gomtriques, tandis
qu'en ralit ilssont des mondescompossde mille subs-tancesdiverses. Quantauchangementde quantitintensive,c'est--direl'augmentation et la diminution d'une mmequalit,il seramne galement, endfinitive, un change-
mentqualitatif, puisque, poussjusqu' un certain point, ilaboutit la transformation d'unequalit ensoncontraire,etquela proprit qui semanifeste pourun changementintensif considrable doit ncessairement prexister dansleschangementsdedtail dont il estlasomme.
Reste,il estvrai,l'hypothsed'une quantit pure de toutequalit; mais quelleidepeut-onse faire d'un pareil objet?
Une quantitnepeut tre qu'une grandeurou undegrdequelquechose,etcequelquechose estprcismentlaqualit,lamanire d'tre physiqueoumorale. Tandisquelaqualit
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seconoit trs bien comme substance de laquantit, celle-ci,considre comme subtance de la qualit, est inintelli-
gible, car elle neprend un sens quecomme limite,comme
point d'intersection ; et toute limite suppose une choselimite.
Sidonc, jusque dans les formes les pluslmentaires del'tre,ily aainsiquelquelmentqualitatif, conditionindis-
pensable de l'existence elle-mme, reconnatre que l'effet
peuttredisproportionn l'gard de la cause aupointdevuedelaqualit, c'est admettre que nulle part, dans le
mondeconcret etrel, leprincipede causalit nes'appliquerigoureusement.
Et en effetcomment concevoirquelacause ou conditionimmdiatecontienne vraiment tout cequ'il fautpour expli-quer l'effet? Elle ne contiendra jamais ce enquoil'effetse
distingue d'elle, cette apparition d'un lment nouveauquiestla condition indispensable d'un rapport de causalit. Si
l'effetest detout point identique lacause, ilnefaitqu'un .avecelle etn'est pas un effet vritable. S'il s'en dislingue,c'est qu'il estjusqu' un certain pointd'une autre nature;et alors commenttablir, non pas une galit proprementdite, choseinintelligible, mais mme une proportionnalitentre l'effet et la cause, comment mesurer l'htrognitqualitative, etconstater que,dans des conditionsidentiques,elle seproduit toujours au mmedegr?
Enfin, s'il nous est donn de ramener leschangementsdedtail des rapports gnraux permanents, de tellesorteque l'htrognit rciproque des faits particuliers n'enexcluepaslancessit relative, le progrs des sciences nenous montre-t-il pas quecesrapports gnraux eux-mmes,rsum desrapports particuliers, ne sont pas exemptsde
changement? L'induction la plusvraisemblable n'esl-ellepasqu'il estimpossible d'atteindre une loi absolument fixe,
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si simples que soient les rapports considrs, et silargesquesoientles bases de l'observation ?Et,si l'ensemble varie,nefaut-il pas qu'il yail dans les dtails quelque rudimentdecontingence? Est-il trange d'ailleurs qu'on nepuissediscerner dans l'inf.niment petit les causes duchangementdel'infinimenlgrand, lorsque, dans cet infinimentgrand lui-
mme, lechangement est presque imperceptible?La ralit duchangement n'est pasmoins videnteque la
ralitde la permanence ;et, si l'onpeutconcevoirquedeux
changements oprs en sens inverse engendrent laperma-nence, il est inintelligible quelapermanenceabsolue suscitelechangement. C'est donc le changement quiest leprincipe;la permanence n'est qu'un rsultat: et ainsi les chosesdoivent admettre le changement jusque dans leurs relationslesplus immdiates.
Mais, s'iln'existepasdepointfixe surlequelonpuisse faire
reposer les variations des choses, la loi de causalit, quiaffirme la conservation absolue de l'tre, de la nature deschoses, ne s'applique pasexactement auxdonnes del'exp-rience. Elleexprime, sans doute, une manire d'tre extr-mement gnrale; mais, en prsentant cette manired'trecommeabsolument indpendante de son contraire, lequelpourtant n'est pas moins rel et primordial, en posant
la dtermination et lapermanence avant lechangementet lavie,elle trahit l'intervention originale de l'entendement,qui,au lieu de se borner observer la ralit, luiprte uneformeadapte ses propres tendances. La loidecausalit,sous sa forme abstraite et absolue, peut donc tre bondroit la maxime pratique de lascience, dont l'objet est desuivre un unles fils de la trame infinie; maisellen'appa-
ratplus que comme une vrit incomplte etrelative, lors-quel'on essayede sereprsenter l'entrelacement universel,lapntration rciproque duchangement et de ta perma-
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nence, qui constitue la vie et l'existence relle. Le monde,considr dans l'unit de sonexistence relle, prsente une
indtermination radicale trop faible sans doute pour treapparente, si l'on n'observe les choses que pendant une trspetite partie de leurs cours, mais parfois visible, lorsquel'on compare des faitsspars les uns des autres parunelongue srie d'intermdiaires. Il n'y apas quivalence, rap-
port de causalit pure etsimple, entre un homme et lesl-ments qui lui ont donnnaissance, entre l'tre dveloppet
l'tre en voie de formation*
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CHAPITRE III
DESGENRES
Toutes les choses donnes dans l'exprience reposent sur['cire, lequelest contingent dans son existence et dans saloi.Toutest donc radicalement contingent. Nanmoins, la
part de la ncessit serait encore trs grande, si la contin-gence inhrente l'tre en tant qu'tre tait la seule quiexisttdansle monde; si, l'tre unefois pos, tout en d-
coulaitanalytiquetnent, sansadditiond'aucun lment nou-veau.
Selon les apparences, l'tre no nous est pas seulementdonn en tant qu'tre, c'est--dire comme une srie decauses et d'effets. Les modes de l'tre prsentent, enoutre,des ressemblances et desdiffrencesqui permettent de lesordonner engroupes appelsgenresoulois; de formeravec
lespetits groupes des groupes plus considrables, et ainsidesuite. Tout mode contenu dans ungroupeinfrieur est,afortiori,contenu dans legroupesuprieur dont fait partiecegroupe infrieur lui-mme. Leparticulier ou le moinsgnrala, de lasorte, sonexplication,saraison,dans leg-nral ou lemoinsparticulier. Par l les modesde l'tre peu-venttresystmatiss, unifis,penss.
Cettepropritest-elle inhrente l'tre entant qu'tre,oubienest-elle, songard, quelque chose de nouveau?Sansdoute, l'organisation logiquen'accroit pas laquan*
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tit de l'tre. Demme unestatue de bronze ne contient pasplusdematire quele mtal dont elle est faite. Nanmoins,
il y a, daus l'tre ordonn logiquement, une qualit quin'existait pasdans l'tre pur et simple, et dont l'tre n'afourni quela conditionmatrielle :l'explicabilit. Cettequa-lit lient l'existence de types, ou unitsformelles,sousles-
quels serange lamultiplicit discrte des individus. Elle asa source dans l'existence denotions. Orlanotionest l'unitau sein de lamultiplicit, la ressemblance au sein des dif-
frences. Grce aux degrs qu'elle comporte, elle tablitune hirarchie parmi les liaisonscausales; donneauxunes,avec unegnralit relative, laprpondrance surles autres ;et fait, par l, du monde descauses et des effets, un sym-boleanticipde l'organisation et de la vie. La notion est la fois une comme genre, et multiple comme collection
dcspcces. Elle n'est donc pascontenue dans l'tre propre-
ment dit, dont l'essence, en tant qu'il s'agitdeI ciredonn,est la diversit, la multiplicit pureetsimple. Suprieure l'tre, elle en faitjaillir, parmi tous les modes dont il est
susceptible, ceux qui lui fourniront des lments appro-pris, c'est--dire des formes semblables dans une certainemesure, travers la diversit quifonde leur distinction; etelle se ralise elle-mme, en devenant le ccutre du systme
qu'elle a ainsiorganis. Uneparessence, elle ne se confondpasavec les formes multiples dont elle dtermine l'appari-tion, mais elle s'incorpore en elles, devient en elles visibleet concrte. C'estparce qu'elle est ainsiintimement unie auxchoses, qu'elle semble en faire partie intgrante. Mais ellepourrait disparatre sans que les choses cessassent d'tre.Leschoses perdraient sans doute celte physionomieharmo-
nieuse qui rsulte de la runion des semblables et de la s-paration des contraires, et qui est l'expression de l'ide;elles ne seraient plus qu'un chaos absolument strile :elles
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subsisteraient pourtant, commesubsiste, l'tat dedisper-sion, la matire dont la vie s'est retire.
Maisil n'est pasindispensable que la notion drive analy-liquemenl de l'tre, pour que l'existence des genres soitconsidre comme ncessaire. Il suffitque l'esprit dclare,en dehors de toute exprience, que l'tre doit prendre uneforme explicable, c'est--dire rationnelle, et se conformeraux lois de la pense, qui exige, entre les termes qu'elleconsidre, des rapports de contenance. IIsuffit, en unmot,
que la synthse : tre -f- notion soit pose prioricommesynthse causale. Or en est-il ainsi ?
La solution de cette question dpend dusens que l'on at-tribue au mol cnotion .Si l'on voitdans la notion un typeimmuable qui existe rellement cl distinctement eu dehorsdes choses donnes, un modle dont les choses donnes nesont que les copiesimparfaites, il est impossible d'admettre
que la notion soit un terme fourni par l'exprience. Demme, le lien de participation qui rattache lanotion ainsiconue les choses particulires ne peut lrc affirm qu'priori. Mais est-ce bien encesens que l'cxplicabilil deschoses est implique dans l'tude de la nature ?
Sans doute,ilserait utile desavoirqu'il existe des formesou ides suprasensiblcs, types desgenres donns, si l'on
pouvaitconnatre ces ides enelles-mmes. Ily aplus : unefois en possession de ces modles parfaits, l'esprit ddai-gnerait, non sans raison, laconnaissance descopiesdfec-tueuses, et laisserait de ct l'exprience, qui n'a d'autreobjet queces copieselles-mmes. Maison ne peut prouverquel'esprit soit capable, sans le secours del'exprience, dedonner un contenu la notion ou ide, considre comme
tvpe mtaphysique des choses sensibles. L'original, .ici,n'est connu que par la copie. Le rle del'esprit consiste transfigurer letypeabstrait des choses donnes en luiappli-
lOUTROL'X. 3
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quant la forme de la perfection et de l'ternit. Dansces conditions, la conception de types mtaphysiques est
sans usage dans l'tude des phnomnes. La synthse de'tre et de la notion, ainsi entendue, peuttre une connais-sance priori, mais ce n'est pas de cette synthse qu'il est
question.Dira-t-onquel'lment connu priori n'est sans doute,
aucun degr, le contenu del notion, la somme des carac-tres qu'elle comprend, mais qu'il consiste dans lelien de
ncessit tabli entre ces caractres, et qu'ainsi le conceptdel notion, s'il n'est pasprsuppos par leschoses elles-
mmes, l'est du moinsparlaconnaissance des choses?Cettemanire de concevoir la notion n'est pasencore exac-
tement celle qui prside aux sciences positives. Elle est sus-
ceptibled'inspirer au savant la prsomption ou le dcoura-
gement.Persuad que les choses se laissent enfermer dans
desdfinitions, le savant rige en vrit dfinitive, enprin-cipes absolus, les formules auxquelles ont abouti ces re-cherches. C'est l'origine des systmes, troncs superbes et
rigides, d'o la svese retire peupeu, et quisont vousla mort. Etsi, plus circonspect, le savant attend, pourri-
ger ses formules en principes, qu'elles soient adquates la ralit, il voit fuir devant lui
l'objet de ses recherches,
mesure qu'il s'en approche : la perfection mme des m-thodes et des instruments d'investigation nefait que le con-vaincre deplus enplusducaractre purement approximatifdes rsultats qu'il obtient. C'est l'origine de cescepticismescientifique, qui ne veut plus voir dans la nature que desindividuset des faits, parce qu'il est impossible d'ytrouverdes classes et des lois absolues. La science a
pour objetl'lude des phnomnes; elle se trahit elle-mme, si ellecommence par se faire des phnomnes une ide qui lestransforme en choses en soi.
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Dans son application l'tude do lanature, lanotion,
loind'tre une entit distincte, n'est quel'ensemble des ca-ractres communs uncertain nombre d'tres. Elle n'est pasimmuable,mais relativementidentiquedansunensemble dechoses donnes. Elle n'est pas parfaite, cequiserait un ca-ractrepositif, mais relativement dpouille d'lments ac-cidentels,cequiest uncaractre ngatif. Demme, le liende la notion et de l'tre n'est pasuneparticipation myst-
rieuse, une traduction de penses pures en imagesacces-siblesauxsens,uneanalogie symboliqueentre lephnomneelle noumne.Ce n'est pasmme une corrlation immuableentre des lments d'ailleurs sensibles, une systmatisationncessairedephnomnes.C'estsimplementlerapport de la
partieautout,du contenu au contenant. De lasorte, lasyn-thse de l'tre et de la nolion, dans sonacceptionscienti-
fique, peut tre connue par l'exprience et l'abstraction.Car l'exprience nous rvle les ressemblance des choseset leurs diffrences. L'abstraction liminepeu peu les ca-ractres variables etaccidentels, pourne retenir queles ca-ractres constants et essentiels. L'ide d'une classe, c'est--dircd'untout, tant ainsiforme,l'exprience nousapprendquetel ou tel tre prsenteles caractres quisont lessignes
dislinclifs de cette classe. Nousrapprochons donc cet lrcdeses semblables; nous le faisons rentrer dans le tout rela-tifqueceux-ciconstituent.
Ainsil'union de l'tre et de la notion, l'existence desgenres,n'estpasseulement une synthse, c'est encore unesynthse aposteriori.Elle n'est doncpasncessaireen droit.Maisilsembleimpossiblede contester qu'ellele soit en fait.
Carles progrs de la scienceont deplus enplusmontrquetoutasa raison comme sacause; quetoute formepar-ticulirerentre dans une formegnrale;quetout ce quiest fait partie d'un systme. L'impossibilit de rattacher
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logiquement un dtail l'ensemble n'atteste pasle dsordredeschoses, mais notre
ignorance.Onpeut toutefoisremarquer que legroupement ds chosessous les notions reste toujours plus ou moins approximalilet artificiel. D'unepart, la comprhension relle des notionsne peut jamais tre exactement dfinie. D'autre part, il serencontre toujours des tres quine rentrent pas exactementdans les cadres tablis. Il n'ya pas jusqu'aux notions ou
catgories les
plus gnrales, les
plus fondamentales, dont
Satable n'ait putre dfinitivement dresse, commesi l'tretait impatient d'une immobilit absolue, mme dans sescouches lesplus profondes. Certes les progrs de la sciencedfiniront d'une manire de plusenplus prcise lacompr-hension et l'extension desgenres. Maisqui oserait affirmer
que cette dfinitionpuisse jamais trecomplteetdfinitive?
qu'il existe dans la nature un nombre dtermin de
genresradicalement spars les uns des autres par la prsence oul'absence de caractres prcis? et que tous les tres sans
exception se rangent exactement sous ces types gnraux? Ilest impossible d'affirmer qu' ctde l'tre disciplin parlanotion, il ne reste pas une certaine quantit d'tre plusou moins rebelle son action ordonnatrice ;oubien encore
que l'tre soit
toujours intelligible au mme
degr, que la
distribution des tres en genres ne soit pastantt moins,tant "Hplus profonde, prciseet harmonieuse.
C'astdonc d'une manire contingente que se superposentl'tre la nolion ettoutes,les dterminations qu'elle com-
porte. Considrs, dudehors, au point devuedel'tre, lesmodes de la nolion ne se
produisent pas d'une manire
fatale. Mais le dveloppement de la notion elle-mme,c'est--dire la dcomposition du gnral en particulier,n'obit-il pastino loi ncessaire, et ainsi la contingence
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externe ne se ramne-t-elle pas une ncessit interne?La loide la notion est le principe d'identit, suivant le-
quella notion reste identique avec elle-mme, seconserve
tellequ'elle est, ne reoit ni augmentation ni diminution travers toutes les fonctions logiques qu'elle est appele
remplir. C'est, peut-on dire, lapermanence de la notion elle-mme. En vertu de celte loi, cequi est contenu dans unenolionpartielle est, a fortiori, ncessairement contenu dansla notiontotale.
Celte formule ne rsulte pas analyliqucmenl du conceptmmede la notion. Car onconoit qu'un tout puissi acqu-rir ou perdre des parties, sans pour cela cesser d'tre untout. Untypepeut changer, sans pour cela cesser d'tre un
type.La loi de la notion est donc une proposition synthtique.
Est-elle affirmeapriori?
Onpeut interprter deplusieurs manires les termes decelte loi.Suivant l'une deces interprtations, il existe dans la na-
ture un nombre dtermin de types gnraux rels, quiremplissent, l'gard des individus, ler.lc de la substancel'gard des accidents. L'identit del nolion travers sesfonctions diverses lient donc, enralit, ce que c'est un
seul et n:me tre qui supporte les individus d'une mmeespce, lesquelles n'ont del'existence distincte que la vaine
apparence.Suivant une autre interprtation, leprincipe d'identit ne
concerne pas les choses en soi, mais seulement laconnais-sance des choses. 11 n'est qu'une condition apriori de l'ex-
prience. Sa signification vritable est dtermine par les
besoinsde lapense. En cesens,quoiqu'il ensoitdestypestranscendants, ce sont toujours exactement les mmes no-tions immanentes qui figurent dans les diverses phases de
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l'explication des choses; et, parsuite, la notion totale con-tient exactement tout le contenu des notions partielles. En
outre, lapermanencede toutes les notions
particulires a sa
raison dans la permanence d'une notion suprme o sontcontenues toutes lesautres; les genres d'un ordreinfrieurrentrent tous enttement dans un nombre plus petit de
genres suprieurs, et ainsi de suite, jusqu' ceque tout seramne l'unit. Enfin, et parlmme, le lien qui unit le.
particulier augnral, le conditionnel lacondition, la chose
explique la raison
explicative, est absolument ncessaire.
Il est clair que,dans l'une ou l'autre de cesacceptions, le
principed'identit est posa priori, puisque la nature nenous prsente pas deux choses exactement identiques, et
qu' chaque pas nous nous trouvons en prsencede carac-tres irrductibles. Mais ce ne sont pasces maximes abso-lues qui sont requises par la science. Employes commecadres du
raisonnement, elles
n'engendreraient que des so-
phismes, parce que les termes concrets fournis par l'exp-rience ne satisferaient jamais aux conditions d'identit et decontenance exactes qu'elles requirent. Elles imposeraientauxrecherches scientifiques, en ce qui concerne la naturedsgenres et leurs rapports entre eux, un pointdevue qui
pourrait n'tre pas lgitime, etqui risquerait defausser l'ob-servation.
Comment,en
effet,dcouvrir dans le monde des
lments contingents, supposer qu'ilenexiste,si d'avance onaffirmeque tous les rapports deschoses doivent seramenerstrictement au rapport de la substance l'accident ou dutout lapartie, sil'onposeleproblmescientifiquedansdestermes qui, a priori, excluent lacontingence et en font unencessit dguise? Toute question pose au monde donnest sans doute
lgitime, mais condition
que l'on n'iigopas d'abord en vrit indiscutable le postulat qu'elle ren-ferme. Ondoit, au contraire, tre prt meltre enquestion
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cepostulatlui-mme,etreprendre leschoses deplushaut,dans le casol'exprience contredirait lesprvisions qu'on
aformes.Dans son application aux sciences positives,leprinciped'identit nesuppose pas l'existence d'archtypes substan-tiels. Comment pourrait-on relier logiquement les phno-mnes ces essences htrognes ?
Il nesuppose pasnonplus,d'une manireabsolue,l'iden-tit del'lment gnrique dans lesespces,larduction de
toutes lesnotions une seule, la liaison ncessaire dupar-ticulier augnral.Sansdoute, dans un syllogisme,c'est le mmetermeg-
nrique quiest appliqu l'espce et l'individu contenudans cetteespce. Mais l'identit n'est que dans les mots.Caril estimpossible de trouver un caractre quisoit exac-tement le mme dans deuxindividus; et ilestvraisemblable,
d'aprs la loi mme de l'analogie d'o rsulte l'existencedes espces, que, si deux individus taient identiques surun point, ils le seraient entirement. La nature nenousoffrejamais que des ressemblances, non des identits; etlesyllogismene peut queconclure,deressemblances obser-ves desressemblances non observes. Il ne saurait pr-tendre unerigueur incompatible avec les donnes exp-
rimentales qui, seules, peuvent lui fournirune matire.De mme, la science positive n'exige nullement lapossibilitde rduire toutes les notions l'unit. Elleexigesim-plementune hirarchie relativede notions deplus en plusgnrales. Qu'ilyait, au fond, un ouplusieurs systmesdenotions;queces systmes aient ounon, en dernire ana-lyse,une baseunique; que toutes lesespcesse distribuent
exactement dans les genres ouqu'il yait desespcesinter-mdiaires : le raisonnement concret n'en sera pasmoinspossible.
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Enfin, dansla forme dusyllogismecomme dans samatire,lecaractre absolu n'est qu'apparent. Onnepeut prtendre
tablir des rapports exacts dcontenance entre destouts cldes parties qui, en eux-mmes, ne sont pasexactement cir-conscrits. Lorsqu'on dit quePaul, faisant partie del'espce homme ,fait a fortiori partie du genre mortel , lequelcontient l'espce homme,cela veut diresimplement que,siPaul ressemble, parungrand nombre dects, d'autre,tres dj compars entre eux et runis sous la notion
i homme,il est extrmement probable, pratiquement cer-tain, qu'il leur ressemblera aussi en ce qui concerne lamortalit. Or, pour qu'une telle dduction soit possible, ilsuffit d'admettre qu'il y a dans la nature des faisceaux deressemblances tels que, certains groupes de ressemblancetant donns, il est trs probable que certains autres leseront galement : c'est proprement la loi,Ql'analogie.
S'il enest ainsi, le principe d'identit, dans son usagescientifique, ne prsente aucun caractre incompatible avecune origine a posteriori. L'exprience est en mesure denous fournir des notions degenres de mieux en mieux dfi-
nies, desressemblances deplusen plus gnrales, des liai-sons de ressemblances de plusen plus constantes.
Issu de l'exprience, le principe d'identit ne peut tre
considr comme ncessaire en droit, comme impos lacration ou la connaissance des choses.Mais if'est-ilpas impos l'esprit par la forme mmede
lascience, par l'idal qu'elle poursuit et dont, enfait, ellese rapproche constamment? N'est-il pas le principe del
logique, dont toutes lessciencesacceptent lajuridiction? Etainsi n'cst-il pas pratiquement reconnu comme ncessaire?
Il importe do remarquer que la logique, malgr sonrleindispensable danslaconnaissance, n'est qu'une scienceabstraite. Elle ne dterminepasledegr d'inte,Jigibilit que
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prsentent les choses relles. Elle considre la notion engnral sous la forme laplus prcise que puisse lui donnei
l'exprience modifiepar l'abstraction, et elle endduit lesproprits suivant une mthode approprie l'entendement,c'est--diresous l'ide de la permanence de cette notion elle-mme.Elledveloppe lesystme des lois qui s'appliquent desnotions quelconques mises en rapport les unes avec lesautres, supposer que ces notions demeurent identiques.Elleformedes cadres dans lesquels l'exprience estappele
mettre uncontenu, aurisque mme de leslargiret de lesbriser. Si elle prsente une haute certitude pratique, c'esi
qu'elle dveloppe un concept extrmement simple, qui eslcomme le type moyen d'une infinit d'expriences, etqu'ainsises dfinitions de mots sont presque des dfinitionsde choses. C'est ainsi qu'en statistique laprobabilit est deplusenplus voisine delacertitude, mesure que la base de
l'observation est plus tendue ;car alors les particularitss'annulent deplus enplus lesunes lesautres, pour laisserlefait gnral se dgager dam toute sa puret. Mais la lo-gique trahirait la science au lieu de la servir, si, aprsavoir,pour la commodit de l'esprit humain, achev artifi-ciellement la cristallisation bauche par l'exprience etdonn la forme gnrique unerigidit de contours que ne
luiimposait paslanature, elleprtendait ensuite riger celleabstraction eu vrit absolue et en principe crateur delaralit qui lui a donn naissance. Les lois sont le lit opasse le torrent des faits:ils l'ont creus, bien qu'ils le sui-vent. Ainsi le caractre impratif desformules de lalogique,
bienqu'il soit pratiquement justifi, n'est qu'une apparence.Enralit, les rapports logiques objectifs ne prcdent pasles choses : ils en drivent-,et ils pourraient varier, si leschoses elles-mmes venaient varier, en ce qui concerneleursressemblances et leurs diffrences fondamentales
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Maispeut-ondirequ'ilseproduisede tellesvariations? Latentalive d'expliquer lesphnomnes ne nous met-elle pas
ttou tard en prsence dece qu'on appelle la nature deschoses,c'est-dire deproprits et derapports immuables?Si le torrent se creuselui-mme son lit, est-cedo lui-mmeque, d'abord, ilcouledans tel ou tel sens? Sous lesloisquirsultent du changement, n'ya-t-ilpascelles qui le dter-minent? Celles-ci sont-elles encore variables? Et le demie*mol n'est-ilpas:
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constant ; si les proprits et les lois les plus essentiellesapparaissent comme indtermines dans une certaine me-
sure : n'esMIpasvraisemblable quele principe mme de ladistribution de?nhnomnes on cnres ei pspces (lequel,dans son usagescientifique, n'est, endliniu.c, quela formelaplus gnrale et la plus abstraite des lois de la nature,aprs le principe de la liaison causale) participe, lui aussi,de l'indtermination et de la contingence ?
Ainsi le raisonnement a posteriori aussi bien que lasp-culation priori laisse placel'ide d'une contingence radi-cale dans laproduction desressemblances et desdiffrencesd'o rsultent les genres et les espces de la nature, c'est--dire dans l'existence et la loi de la nolion. Rienne prouvequ'ilexiste des genres dont lacomprhension et l'extensionsoient exactement dtermines et immuables. Ilpeut arriverquela notion; dans les choses qui l'expriment, se dfinissede mieux en mieux; que les sujets se rangent de plusenplusexactement sous desprdicats dtermins, enabandon-nant les caractres qui participaient desnotions collatrales.Issue del'tre, comme d'une matire par voiedecration,laforme logique peut, son tour, rgir sur l'tre etle pn-trerplus profondment. Par contre, on peut concevoir quel'tre, rang par la notion sous des lois
trangres, fasse
effortpour retourner son tat primordial dedispersion etdechaos; et que, parsuite, la partde l'ordre logique, de ladistribution des choses en espces et en genres, diminuedans la nature.
Ceschangements, il est vrai, resteraient l'tat depossi-bilits idales ou d'apparences illusoires, si le principe decausalit tait admis dans.toute sa
rigueur. Car alors la na-
ture de l'antcdent dciderait entirement et ncessaire-mentde la nature du consquent, et il n'y aurait aucune
placepourune harmonie dont legerme neprexisterait pas
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dans lesconditions donnes. Or la cause, comme telle, estindiffrente l'harmonie ou au dsordre: lescauses, laisses
elles-mmes, nes'emploient qu' s'entre-combattre, et don-nent des rsultats identiques ceux du hasard. Ainsi ledsordre serait ternel, irrmdiable, si les forces dont se
compose le monde, produisant invitablement leurs effets,n'admettaient, dans toute la srie de leurs actions, aucuneintervention suprieure. Mais, si la cause est susceptible,dans une certaine mesure, de recevoir une direction, la
vertu de la notion ne demeure pas inutile. Elledtermine,dans le monde desforces, une convergence fconde. Elleles amne produire deschoses, au lieu des'agiter ternel-lement dans le vide sans russir lepeupler.
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CHAPITRE IV
DE LA MATIRE
C'estd'une manire contingente que l'tre reoitla forme
logique ; et la forme elle-mme, dans son dveloppementpropre,laissequelque place lacontingence. Sont-cc l lesseulsprincipes qu'on ait le droit d'arracher la ncessit ?L'treet la notionune foisposs, ne resle-t-il, pourexpli-
quertoutes
choses, qu' en dduire les
consquences in-
vitables ?L'ordrelogiquene nous est pas seulement donn soussa
formelmentaire ; il nous apparat dans des choses quipeuventsecompter et se mesurer, dans des essences ten-dues etmobiles, dans ce qu'on appelle la matire. Celtenouvelle l'ormede l'tre drive-t-elle analyliquemcnl de la
prcdente?Ilpeutsembler, aupremier abord, quela formematriellenesoitqu'un accident, l'gard duquel les dterminationslogiques jouent le rle de substance :l'tendue, la dure, lemouvement,ne sont-ils pasdes notions, des idesgnralessouslesquelles on range certaines choses donnes ?Mais ilyalune confusion :si les proprits mathmatiques sontdes
notions, il ne s'ensuit pasque cene soient que desno-
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et aumouvement. Car le mouvement impliquela duret et
engendre la diversitd'orsulte le nombre. Or,pour pou-voir ramener l'tendue et le mouvement des essencespu-rement logiques,ilfaut ne voir d'ansla premire qu'unecoexistence de notions, dans le secondqu'une successiond'tats consistant eux-mmes, aufond, dansles notions dif-frentes.Cetteconceptionpurement logiquede l'tendue etdu mouvementest-ellejustifie?
Lepropre d'unenotion,ce quiconstitue sonessence et saperfection,c'est d'tre exactement circonscriteet.par suite,d'tre spare, par un intervalle, des notions spcifiquesdu mme ordrequ'elle,et de rentrer entirement dans les no-tions relativement gnriques. L'lment gnrique estidentiquedans deuxnotionsdummegenre,et la diffrencespcifiqueconsiste dans laprsenceoul'absence d'un mme
caractre. Par suite, les notions ne peuvent tre qu'ext-rieures ou intrieures les unes par rapportaux autres. Deuxcontenus du mme ordre sont extrieurs entre eux;etilssont intrieurs par rapport leur contenant commun. Ainsile mondedes notions est essentiellement discontinu..
Or,applique l'tendue et aumouvement,la catgoriede discontinuil fait de lapremire une infinit de points
infinimentpetits,et du secondunesrie depositionscorres-pondant uneinfinit d'instants infinimentcourts.Mais despoints infinimentpetitsou biensetouchent, etalors ne fontqu'un,ou se distinguentles uns desautres, etalors sontspa-rs entre euxpardesintervalles, qui,si petitsqu'onlessup-pose, nepourronl jamaistreentirementremplis pard'autrespointsde mme nature. Demme, des instants infiniment
courts, ou bien se
confondent,ou laissent
entre eux des la-cunesimpossibles combler. II suitde lque, dans l'hypo-thse en question, un espace d'une grandeur mme finieA Bnepeut tre parcouru par unmobileM.Carentre
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DE LA MATIRE 45
Aet Bilya un nombre de points indfini. De mme, unmobile
quiest
suppos semouvoirde Aen B est enralit
immobile.Car enchaqueinstant indivisible ilesten unpointindivisible; et la loi desnotions veutqu'il n'yait pasdansletout, c'est--dire dans la dure totale, autre chose quedansles parties.
Ensomme,dans ce systme, l'tendue et le mouvementnesontquedesrapports. Les chosessedfinissent entire-ment et se
distinguent uniquement pardes
proprits in-
ternes qui prexistent ces apparences sensibles. Celledoctrinen'est passatisfaisante, carellea pour consquencel'identification et la confusion de certaines choses quisonten ralitdistinctes. Telles sont lesfigures symtriques non
superposables. La distinction de ces figuresn'est pas pure-ment abstraite : elle a son application dans les sciences
exprimentales, et
explique,notamment, les diffrences de
propritschimiques que prsentent certains cristaux.L'tendue n'est pas unemultiplicit coordonne parune
unit : c'est unemultiplicitet une unit fondues ensembleet enquelque sorte identifies. Ce ne sont pasdes partiesextrieures les unes aux autres en tant que parties demme ordre, et intrieures en tant quecontenues dans des
partiesd'un ordre
suprieur: ce sont des
parties similaires,dpourvuesd'ordre hirarchique, la fois intrieures et ext-rieures entre elles. En un mot, c'est une chose continue.De mme,le temps est une dure continue, le mouvementun passage continu d'un lieu un autre. Cette ide decontinuit,restitue au concept de l'tendue, dutempsetdumouvement,carte lessophismesauxquels on est induitquandon attribue ces
concepts un sens
purement lo-
gique.Ainsi lesproprits mathmatiques ne sont pas une syn-
thseanalytique des proprits logiques, une combinaison
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46 DELACONTINGENCEDES LOIS DE LA NATURE
dont les proprits logiques contiennent la fois les l-
ments, la loi et la raison d'tre. Elles renferment un l-
ment nouveau, htrogne, irrductible :la continuit.Toutefois,il ne s'ensuit pas immdiatement quel'existence
des proprits mathmatiques soit contigente. Ne peut-on,en effet, les considrer commeconues priori etimposes,deceehef, la nature des choses ? La connaissance de lacontinuit dans la coexistence et la succession, c'est--direla connaissance de l'espace et du temps, ne prsente-elle
pasles caractres d'une intuition rationnelle? Quantaumou-vement, l'idequenous en avons ne peut-elle tre due unelaboration de l'espace et dutemps opre par l'esprit lui-mme ?
Cette doctrine est sans doute lgitime s'il s'agit de l'es-paceet dutemps considrs comme des choses ensoi, unesetinfinies, capables de subsister lors mmeque les phno-
mnes seraient anantis, et s'il s'agit du mouvement consi-dr daus son commencement absolu, commeacte d'unespontanit primordiale. Carl'exprience et l'abstraction ne
peuvent rieu nous fournir de tel. Mais ce n'est pasen cesens queles sciences qui ont pour objet le monde donnconsidrent l'espace, ie temps et le mouvement. L'espacen'est pourelle qu'une tendue quiseprolonge indfiniment,
sans autre limite quedes tendues nouvelles; letempsn'estqu'une dure indfinie; le mouvement n'est que lechange-ment deposition d'une chosepar rapport uneautre.
S'il en est ainsi, l'exprience suffit rendre compte des
concepts scientifiques del'espace, du tempset du mouve-ment. Elle nous prsente, eneffet, une srie d'objets ten-dus etmobiles, dont nous ne voyons jamais la fin,quelque
porte quenous sachions donner nosregards.Dira-t-onque dans l'tendue, la dure cl le mouvementil
yadjdel'unit, et qu'un concept qui implique del'unit,
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DR LA MATIRE 47
quelque degr que ce soit, nepeut driver del'exprience ?Mais alors il faut nier l'existence mme delaconnaissance
posteriori. Car des choses donnes forment ncessairementun (ouidistinct, par rapport cequi n'est pas donn. D'ail-
leurs, si, pour circonscrire exactement la part de l'exp-rience, on retranche des concepts empiriques de l'tendue,de la dure et du mouvement le lien des parties entre elles,commeajout par l'esprit, que rcste-l-il ?Unje ne sais quoiqui n'offre aucune prise, non seulement l'esprit, mais
mmeauxsens et l'imagination. Enretranchant du domaineproprede l'exprience tout cequi, un degr quelconque,impliquede l'unit, on aboutit faire des lments donnsune inconnue ternellement inimaginable, indfinissable, in-concevable :cequi revient en nier l'existence. Tout alorsvientdel'esprit; l'exprience n'est plus un mode de con-naissance distinct, c'est une systmatisation moins rigou-reuse quecelle de lapense ;l'esprit n'a d'autres lois con-natreque les siennes propres. Mais le dualisme, dont oncroyaitavoir triomph, reparait bientt, ausein del'esprit lui-mme,dans la distinction ncessaire des intuitions prioride lasensibilit et des notions priori de l'entendement :etils'agit maintenant de savoir si les premires, qui envelop-pentlesproprits mathmatiques, doivent se ramener auxsecondes,ou sielles ont leurorigine dans lasensibilit elle-mme,comme dans une facult htrogne. Les termes du
problmeont chang : le problme, au fond, est rest lemme.
Ceserait encore restreindre outre mesure la porte del'exprience que de lui enlever les formes d'espace et detemps, parce qu'elles nous apparaissent comme indfinies.Certesl'exprience immdiate ne nous fournit rien de sem-blable. Mais une srie d'expriences peut trs bien nousdonnerl'ide, d'une succession sans fin, moins que l'on
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48 DE LACONTINGENCEDESLOISDELA NATURE
n'limine de l'exprience toute activit intellectuelle, touteparticipation de l'entendement : cequien ferait une opra-tion
inconcevable, non
plusseulement dans son
objet, mais
mmedans sa nature. Ilsuffit, pour qu'une connaissancesoitexprimentale, qu'elle ait un objet dont la matire etlaforme soient contenues dans les donnes des sens oudelaconscience empirique. Letravail par lequel l'entendementextra