blainville : mutation de l’économie locale et de l’offre de service · 2013. 9. 26. ·...
TRANSCRIPT
47
Blainville : Mutation de l’économie
locale et de l’offre de service
Une économie résidentielle dynamique
Une relation forte entre le commerçant et l’habitant
Les commerces et les services publics constituent des éléments importants de la vie
économique. En effet, la vie locale est rythmée par la fréquentation des commerces et des
services. À Blainville-sur-Orne, leur utilisation est importante car selon notre enquête, seuls
19 personnes sur 253, ne se rendent pas dans les commerces et services publics de Blainville
alors que 80 d’entre eux les utilisent quotidiennement.
Cette fréquentation est représentative d’une satisfaction générale. Selon les propos
recueillis, le rapport entre habitants et commerçants est cordial, voire convivial grâce à la
proximité et à l’amabilité de ces derniers. De plus, l’offre proposée permet d’avoir accès à
tous les produits de première nécessité. Le lieu privilégié pour effectuer le plus gros des
achats reste pourtant le centre commercial d’Hérouville. Cependant, ce sont les commerces et
services de Blainville qui sont les plus appréciés car ils sont représentatifs de l’idée de
commerce comme « lieu de rencontre ».
Figure n°1 : la Médiathèque et l’Express U du centre-ville
Source: photo MUD oct-nov 2012
48
Les services publics (administratifs, enseignement, santé) ont aussi un rôle important
dans la commune. Les administrés sont satisfaits des services de la mairie et du centre
communal d’action sociale (CCAS), notamment son implication pour les personnes âgées.
La police municipale, très visible, semble jouer un rôle dans les bonnes relations entre
les habitants. Par exemple, leur travail au moment de la sortie des écoles semble très apprécié.
Les enseignements dispensés en maternelle, primaire et collège sont réputés mais des
problèmes disciplinaires sont souvent évoqués, ce qui semble être néfaste. Par exemple, un
jeune homme de vingt trois ans nous a dit subir des réflexions lorsqu’il fait son jogging
devant le collège.
Figure n°2 : les commerces de la place de l’Eglise
Source: photo MUD oct-nov 2012
Figure n°3 : Mairie de Blainville-sur-Orne
Source : photo google image
49
Une offre de service à nouveau satisfaisante
Notre sondage a révélé que les habitants ont vu une amélioration de l’offre de
commerces et de services dans la commune à hauteur de 58,4 %. Il faut pourtant nuancer ce
constat car nos entretiens ont révélé des divergences de points de vue. La fermeture de petits
commerces comme les cafés, le changement du « Mutant » en « Express U » ont laissé un
goût d’amertume pour de nombreux habitants. En effet, les prix étaient moins élevés, il y
avait un meilleur rapport humain avec les commerçants puisque la taille des magasins était
plus petite. L’offre de commerce semble s’être diversifiée et sa qualité s’être améliorée
(ouverture d’une banque, d’un supermarché) mais elle ne semble pas faire l’unanimité car elle
n’est plus adaptée aux budgets les plus modestes.
De plus, l’accessibilité à ces lieux est différenciée selon le lieu d’habitation. Certaines
parties de la commune, spécialement les logements pavillonnaires au nord, sont désavantagées
car les transports publics y sont moins présents. Au contraire, pour les logements récents du
centre-ville (résidence Colbert, les Brandons…) le temps moyen pour accéder aux commerces
est d’environ cinq minutes à pied. Ceci a des effets sur les modes de consommation des
habitants du nord de la commune, qui utilisent plus fréquemment les commerces et les
services d’Hérouville.
50
Figure n°4 : Temps d’accès aux commerces
51
Via les entretiens, nous avons pris connaissance de souhaits individuels. Aux yeux des
habitants, ce qui manque le plus ce sont des magasins de vêtements, d’électroménager ainsi
qu’un laboratoire afin d’éviter d’aller systématiquement dans les communes voisines. De
même des lieux de rencontres comme une salle des fêtes, un café, un parc ont été demandés.
Même si divers souhaits ont été exprimés, il n’en demeure pas moins que l’offre existante est
satisfaisante pour la majeure partie de la population, comme l’illustre les 60 % de réponses
positives.
L’offre existante est de plus en plus tournée vers les services à la personne. C’est ce
qu’on appelle l’économie résidentielle. Ce type d’économie est satisfaisant pour les personnes
enquêtées. Un phénomène identique est-il visible pour l’offre associative ?
149
96
Oui Non
0
20
40
60
80
100
120
140
160
Trouvez-vous les commerces et services suffisants à
Blainville-sur-Orne
Figure n°5 : La qualité des commerces et services dans la commune. Panel 245personne
Source : enquête MUD oct-nov 2012
52
De nombreuses associations pour un succès
relatif
Un riche tissu associatif
La commune de Blainville compte 37 associations qui portent sur des thèmes aussi
variés que le sport, la culture, les loisirs ou la solidarité. Cette diversité est illustrée par
l'USMB (Union Sportive Municipale Blainvillaise) qui compte aujourd'hui 16 sections allant
du football, au judo en passant par l'escalade. Récemment, une section hockey sur gazon
vient de rejoindre l’union. Lorsque nous avons demandé aux personnes interrogées si elles
connaissaient des associations, plus de la moitié ont répondu positivement.
Si les associations sont connues des habitants, une faible proportion d’entre eux en
sont membres. Sur l'échantillon des personnes interrogées, seulement 4 personnes sur 10 ont
déclaré en faire partie.
154 98
Connaissez-vous une association à
Blainville?
Oui
Non
Figure n°6 : La connaissance du milieu associatif par les
Blainvillais. Panel de 245 personnes
Source : questionnaire MUD
53
Cette absence d'engagement suit une tendance nationale. Les chercheuses Edith
Archambault et Viviane Tchernonog du Centre d’économie de la Sorbonne CES-CNRS, ont
réalisé une publication rassemblant des chiffres issus de sources diverses D’après leur étude
près de 45 % des plus de 18 ans sont membres d’une association. La faible fréquentation ou le
faible engagement dans les associations ne caractérise pas spécifiquement le territoire
communal blainvillais. Cependant, nous avons essayé de comprendre les caractéristiques de
l’engagement associatif.
Un engagement relatif
D’après les entretiens, un clivage s'établit entre les attentes des personnes âgées
et celles des plus jeunes. Lors d’une rencontre avec plusieurs personnes à la retraite, celles-ci
nous ont avoué être relativement déçus par la faible implication des nouveaux arrivants. L'une
d'entre elles nous a même donné un exemple.
Encadré n°1
« Pour une manifestation nous avons envoyé 750 courriers d'invitation aux familles. Nous
n'avons reçu qu'une trentaine de réponses..., c'est décourageant… »
Source : entretien MUD oct-nov 2012
71
181
Êtes-vous membre de l'une
d'entre elle?
Oui
Non
Figure n°7 : L’engagement des blainvillais dans le
tissu associatif local. Panel de245personnes
Source : enquête MUD oct-nov 2012
54
Encadré n°2
« Si on ne fait partie de rien ici, on perd les gens de vue, mais on a besoin de se connaître, de
voir du monde, c'est plus sympa de voir du monde! Certains de mes anciens collègues ne font
plus rien et ne voient plus personne ».
Source : entretien MUD oct-nov 2012
Ils se félicitent d'ailleurs de l'engagement très fort pour certaines associations telle
l'ARPA, association des retraités et de personnes âgées. La commune de Blainville dénombre
selon eux plus de 750 personnes de plus de 60 ans. Il ne faudrait pas oublier cette tranche de
population qui a un réel besoin de s'investir. Ils regrettent cependant que les générations plus
jeunes adoptent un comportement de consommation.
Encadré n°3
« Ils profitent des associations mais ne les font pas vivre, ils viennent aux repas mais ne
participent pas aux activités. Beaucoup de gens sont inscrits dans plusieurs associations, et
nulle-part en même temps. Ils ne s'investissent pas vraiment ».
Source : entretien MUD oct-nov 2012
Encadré n°4
« Le grand nombre d'associations renforcent peut-être l'identité, mais les associations
tournent autour d'un centre d'intérêt, il n'y a pas d'associations autour des gens, des relations
humain .Il n'y a pas d'ouvertures ».
Source : entretien MUD oct-nov 2012
Pour les jeunes, il existe de nombreuses activités sportives liées aux différents
équipements d’accueil, le local jeune par exemple, qui est réservé au moins de 14 ans. Le fait
qu’il soit réservé à cette tranche d’âge pose un problème à certains habitants qui ont noté que
les plus de 14 ans ne possèdent pas de lieux de rencontres.
55
Un soutien communal fort
Dans le but de faciliter l’accès des plus jeunes aux associations, plusieurs partenariats
existent entre les écoles et les associations. C'est le cas par exemple avec la Médiathèque, qui
permet aux enfants de pouvoir emprunter des livres sur le temps scolaire. Les associations
sont soutenues par la Mairie qui leur met à disposition des locaux. Dans les rues de Blainville,
on remarque en outre plusieurs panneaux lumineux d’informations. Les associations qui le
souhaitent peuvent ainsi communiquer sur leurs activités.
Les infrastructures relativement récentes qui ont été créé à l’initiative de la Municipalité
contribuent aussi au bon fonctionnement et à la qualité du milieu associatif.
Encadré n°5
« La Mairie est à l'écoute et essaie d'agir. Ce n'est donc pas un hasard de retrouver beaucoup
d'associations ».
Source : entretiens MUD oct-nov 2012
Figure n°8: le panneau d’information de Blainville-sur-
Orne
Source photo MUD oct-nov 2012
56
Le tissu associatif local est riche en dépit d’un engagement relatif des Blainvillais. Ce
dernier est parfois expliqué par l’apport de nouvelles populations qui sont faiblement
impliqué dans la vie associative. Ces nouveaux habitants amènent aussi des changements dans
l’économie locale. Quels sont-ils ?
D’une économie locale industrielle à une
économie résidentielle
Cette citation illustre l'héritage industrialo-portuaire qui subsiste dans les mémoires
des Blainvillais. Celui-ci résulte de deux entreprises emblématiques que sont les Chantiers
navals Caennais et Renault Véhicules Industriels (RVI) devenu Renault Trucks. Néanmoins,
des changements économiques apparaissent : la tertiarisation qui s’accompagne d’une
expansion du marché local.
Encadré n°6
« Avant il y avait une réputation de ville ouvrière, aujourd’hui on le perd petit à petit. je suis fière
D’être Blainvillaise, je n’ai pas honte »
Source : entretien MUD oct-nov 2012
Figure n9: Gymnase de la commune
Source: photo MUD oct-nov 2012
57
RVI, chantiers navals : un héritage industrialo-portuaire
Après la seconde guerre mondiale, un grand nombre de navires de commerces
disparaissent. Dès 1917, le gouvernement français souhaite palier cette perte. C'est ainsi que
Blainville-sur-Orne accueille les Chantiers navals Caennais. L'activité de construction de
cargo cesse en 1954.
Peu de temps après, la Société Anonyme de Véhicules Industriels et d'Équipements
Mécaniques (SAVIEM) lance sa production sur l’ancien site des chantiers navals. La
SAVIEM devient Renault Véhicules Industriels (RVI) en 1980. En 2002, RVI prend la
dénomination Renault Trucks. Blainville-sur-Orne a été porté tout au long du vingtième siècle
par ces deux sociétés à tel point qu’il constitue une bonne part de l'image de la commune. Ces
deux entreprises, au delà de l'aspect historique, offrent une manne fiscale importante. Celle-ci
permet de subvenir aux besoins de la population via de nombreux équipements, des services
publics et de financements associatifs. Les Blainvillais sont conscients de ces avantages. Les
nuisances occasionnés par les activités provenant de la zone industrialo-portuaire leur
semblent donc marginales au regard des avantages procurés.
Cette citation met en lumière la particularité de Blainville-sur-Orne. La césure crée par
le canal, isole la zone industrialo-portuaire de la zone de logements et de commerces. Par
conséquent, la perception des pollutions semble minime.
Encadré n°8 :
« Le déchargement de céréales génère des poussières ; le recyclage des ferrailles est
bruyant... Mais je défends le fait que l'on peut trouver des points qui réconcilient l'activité
économique et les citoyens. »
Source : discours de Daniel Françoise, maire de Blainville-sur-Orne, Ouest France,
25/10/2012.
De fait, RVI et les chantiers navals nourrissent une conscience collective. Cependant, selon
les « anciens », celle-ci semble décliner au fur et à mesure que la population se renouvelle.
Encadré n°7
« Carpiquet est plus aisé encore, mais on n’est pas mal. »
« Grace à Renault Trucks, on paye moins d’impôts [...] On a les avantages sans les
inconvénients de la zone industrielle »
Source : entretien MUD 2012
58
Encadré n°9 :
« Les grosses entreprises font la fierté de Blainville. »
« Aujourd'hui, les gens sont trop étrangers à la commune, ils ne connaissent pas son
histoire. »
« Il y a de moins en moins d'ouvriers, de plus en plus de techniciens supérieurs, l'identité
ouvrière meurt. »
« Les entreprises sont de l'autre côté du canal, on a l'impression que c'est à Colombelles,
mais ça appartient bien à Blainville. La zone industrielle nous appartient même si elle est
délocalisée. »
Source : entretien oct-nov 2012
Depuis l'arrivée des nouvelles populations, les catégories socioprofessionnelles des
Blainvillais évoluent considérablement. Ainsi, les pratiques, les usages et les besoins de la
population changent. D’où une tertiarisation de l’économie.
Processus de tertiarisation et tissu économique hétérogène :
entreprise d'économie résidentielle et globale
Les demandes des nouveaux arrivants ont engendré une nouvelle offre économique.
Cette expansion démographique récente entraîne un regain de l'économie résidentielle après
une période de fermeture des commerces. À titre d'exemples, les services de santé se sont
développés, un nouveau supermarché Leclerc est également en cours. Le phénomène est
double. D'une part, il touche les entreprises, d'autre part il affecte l’emploi des Blainvillais,
qui appartiennent majoritairement à l'administration publique et au tertiaire privé.
59
Encadré n°10 :
« A une époque, RVI embauchait 7500 salarié. Aujourd'hui, RVI n'embauche plus » « Avant,
tout le monde travaillait là bas, dans la zone. » « Les jeunes aujourd'hui de la commune
travaillent plus à l'extérieur. »
« Encore beaucoup de gens travaillent à RVI »
Source : entretien MUD oct-nov 2012
Commentaire :
Le secteur industriel décroit mais conserve toujours une place dans la vie économique de
Blainville.
Malgré la tertiarisation, la commune reste industrielle avec la présence de Renault
Trucks. Ce phénomène est accompagné d’un développement des petites et des moyennes
entreprises telles que : Caen auto négoce, Caennaise des bois, Carrière de la roche Blain,
CEMEX béton, etc. Les secteurs d'activités sont variés, les principaux étant le bois,
l'exportation de céréales, le bâtiment et les travaux publics. Le port de Caen-Ouistreham dans
lequel est intégré le site de Blainville est ainsi le quatrième de France pour l’importation des
bois exotiques provenant notamment du Golfe de Guinée.
Encadré n°11 :
« Le port n'est pas mort, il se développe, mais l'usine RVI se casse la figure.»
« A terme, il y aura surtout des petites entreprises sur le port. »
« La plupart des employés sont des Blainvillais, les patrons sont souvent aussi des
Blainvillais. »
Source : entretien MUD oct-nov 2012
14 1
50
58
6
Dans quel secteur travaillez-vous ?
Industrie BTP
Agricole
Administration Pub
Tertiaire Privé
Autre
Figure n°10 : Le secteur d’activité dans lequel travaillent les Blainvillais. Panel de 129
personnes.
Source : enquête MUD oct-nov 2012
60
Blainville-sur-Orne est partagée entre le secteur tertiaire et le secteur industriel.
Résulte de cette bipolarisation un questionnement sur les choix économiques futurs.
Perspectives économiques Après avoir analysé les caractéristiques des entreprises blainvillaises, une question
subsiste. À quel modèle économique peut être rattaché Blainville-sur-Orne ? Différents
projets sont à l'étude ou prêt à être mis en place. Ceux-ci vont cependant dans des voies
différentes. Si la municipalité et son maire ont récemment accueilli le terminal des conteneurs
et prévoient une extension du port, un centre commercial est également prévu. Pour mieux
comprendre les perspectives qui s’ouvrent pour la commune. Nous allons la comparer avec
Colombelles. Ce choix nous sommes pertinent car celle-ci fut également une ville industrielle
avant sa reconversion.
Vers un développement accru du port
La zone industrialo-portuaire a un rôle important, que ce soit dans la mémoire des
Blainvillais, financièrement ou encore économiquement. D'abord prévu sur le bassin de Calix,
un projet de terminal de conteneurs d'un montant de trois millions d'euros sera lancé en mars
2013. Celui-ci consiste en l'accueil de deux ou trois navettes par semaine. Entre dix mille et
quinze-mille conteneurs par an seront ainsi transportés, soit autant de camions faisant escale à
Blainville-sur-Orne. À terme, les Ports Normands Associés (PNA) qui ont envisagé ce projet
avec la Région, espèrent jusqu'à soixante-dix-mille conteneurs par an. Une douzaine
d'emplois directs ainsi qu'une quarantaine d'emplois indirects seront créés. Cette nouvelle
activité ne devrait pas générer d’encombrement sur les quais selon le maire. Une extension
jusqu'à la limite communale de Bénouville est également à l'étude. Il semble donc que des
idées émergent, allant vers un futur marqué par un développement de cette zone industrialo-
portuaire.
Le port de Blainville est installé sur un bras de terre reliant Caen à la mer. Cette particularité
est à préserver selon le maire. Sur une rive, le développement de l'habitat est une priorité alors
que sur l'autre, le but est de maintenir l'activité économique.
Colombelles et sa reconversion économique : un élément de
comparaison
Au sein de l'agglomération caennaise, plusieurs communes ont les mêmes
caractéristiques économiques que Blainville-sur-Orne. C'est le cas de Colombelles. Son passé
est marqué par une entreprise. Si pour Blainville-sur-Orne il s'agit des constructions navals et
de la SAVIEM, en ce qui concerne Colombelles c'est la Société métallurgique de Normandie
(SMN).
La SMN, lancée en 1917, exploitait le minerais de fer. Elle ferme ses portes en 1993, qui fut
vécue comme un chaos économique et social par la population car le chômage de masse et des
friches industrielles se développèrent sur le territoire communal. La commune a donc du se
reconvertir. Le secteur industriel a laissé la place aux nouvelles technologies avec
l'implantation du campus Effiscience lancé en 2005 ainsi qu'à l'agro-alimentaire avec
61
Normandial. Ces nouveaux aménagements ont été réalisés au même endroit que les anciens
locaux de la SMN.
Lors des entretiens, une question quant à l'avenir de Blainville a permis d’exprimer des
souhaits mais aussi des inquiétudes. Un habitant de plus de soixante ans redoute de voir
Renault Trucks fermer ses portes. Si cela arrivait, il ne sait comment Blainville-sur-Orne s'en
relèverait. Pour une autre personne, le secteur industriel n’est plus le secteur créateur
d’emploi.
Encadré n°12 :
« Il faudrait surement chercher dans les technologies nouvelles »
Source : entretien MUD oct-nov 2012
Cependant, si l'histoire des deux communes a des points communs, le souvenir de la
SMN dans les mémoires paraît plus fort à Colombelles. Où il existe une identité construite
autour de la SMN. A l'inverse, parler d'identité à Blainville-sur-Orne est sans doute une
exagération. Il existe une conscience collective lié au passé ouvrier qui reste de mise chez les
plus anciens habitants. Une hypothèse pour comprendre cette différence tient au fait que
l’industrie est toujours présente à Blainville-sur-Orne. Une mémoire collective ne peut donc
se développer dans ces conditions. Il n’est en outre pas possible de développer un marketing
territorial autour de cette idée comme le fait la mairie de Colombelles.
Quoi qu'il en soit, la dynamique de la commune de Blainville est indéniable, le
terminal de conteneurs ainsi que le développement du port le prouvent. Elle est renforcée par
le développement du secteur tertiaire. Ainsi, un centre commercial doit s'implanter dans les
mois qui viennent.
Un projet controversé
Un projet de centre commercial a été mis à l'étude et a obtenu une autorisation à la fin
du mois de juin 2011. Cet établissement, à savoir un centre E.Leclerc, doit s'implanter le long
de la quatre-voies allant de Caen à Ouistreham, dans la zone d’activité « Terre d'avenir ». Le
bâtiment, d'une superficie de 4 380 mètres carrés, sera constitué d’un magasin E.Leclerc et
d'une galerie marchande de 580 mètres carrés. Le projet, implanté sur cinq hectares, prévoit
Figure n°11 : Image du futur centre E.Leclerc.
Source : Ouest France, 16/11/12
62
de créer une centaine d'emplois directs. Cependant, celui-ci connaît plusieurs freins juridiques
à son aboutissement. Du côté des habitants les avis divergent quand à l’opportunité d’une telle
réalisation.
Une procédure d'acceptation semée d'embuches
Plusieurs enseignes issues du même secteur d'activité ont posé un recours devant le
Conseil d'Etat au mois d'août 2012. Les requérants sont notamment le Simply Market de
Bénouville, le Super U d'Hérouville-Saint-Clair ou d'autres commerçants de Bénouville. Le
Conseil d'Etat dispose d'un délai de dix-huit mois pour rendre sa décision. Si, selon le maire
de la commune, aucun Blainvillais n'a porté de recours contre le Leclerc, le porteur du projet,
Frédéric Laisney, a reconnu qu'une dizaine de commerçants blainvillais l'avaient initialement
fait avant d’abandonner la procédure.
Auparavant, le projet a connu d'autres difficultés qui ont retardés les travaux. À
l'origine, la zone commerciale devait être complétée par un magasin de sport et par un autre
vendant des produits biologiques. Cependant, ce projet initial a été refusé par la commission
départementale d'aménagement commercial (CDAC) au mois de septembre 2010, Bénouville,
commune limitrophe avec Blainville-sur-Orne, possédant déjà une zone commerciale. Le
projet a donc dû être redéfini pour obtenir l’autorisation.
L'avis des habitants : entre espoir et craintes
De nombreuses personnes ont signalé le projet du E.Leclerc lors du passage des
questionnaires. Nous avons donc voulu connaître le ressenti de la population au travers
d’entretiens.
Encadré n°13 :
« On sait bien qu'il y a une guéguerre entre les communes » « Le Leclerc, c'est pas encore
fait ».
Source : entretiens MUD oct-nov 2012
Les Blainvillais semblent majoritairement enthousiastes quant à l'implantation d'une
telle enseigne. Nombreux sont ceux qui y voient un avantage de proximité qui permettra
d'éviter de prendre la voiture pour se rendre au Carrefour d'Hérouville-Saint-Clair ou au
Simply Market de Bénouville. Les termes « espoir » et « attente » ont souvent été repris par
les habitants interrogés. De plus, un avantage financier significatif apparaît, une grande
surface étant moins cher qu'un épicier.
Encadré n°14 :
« Le Leclerc va permettre d'éviter de prendre la voiture. Et pour les gens qui ont une petite
retraite qui n'ont pas les moyens de se payer deux steaks, c'est important de ne pas avoir
seulement un charcutier car ça coûte cher, chez le charcutier ». « Il faut penser aux petits
budgets »
Source : entretien MUD oct-nov 2012
63
Mais des inconvénients ont été évoqués. Les commerçants blainvillais du centre ainsi
que l’Express U pourraient être affectés par le futur Leclerc. Le porteur du nouveau projet
répond à ce problème en donnant la priorité à ces commerçants pour s'installer dans la galerie
marchande. Selon une personne avec laquelle nous nous sommes entretenus, la municipalité
aurait le projet de construire des logements à proximité du futur centre commercial. Cela suit
l'objectif des dix mille habitants avancé par le maire de la commune. Or, cet afflux de
population fait peur à certains Blainvillais car la proximité entre les gens ainsi que la
conscience collective risque de disparaître progressivement.
Encadré n°15 :
« Le Leclerc, ça va faire mal au Super U, et les petits commerces, ils vont mourir. »
« Le Leclerc, ça va faire venir des gens. » « Le maire, il veut dix mille habitants mais c'est pas
ce qu'on veut. On se connaît tous, on veut que ça reste comme ça. On va se perdre de vue. Il y
a déjà des nouveaux arrivants, on les connaît même pas, ils partent le matin et ils reviennent
le soir. »
Source : entretien MUD oct-nov 2012
Nous pourrions dire que, concernant les perspectives économiques, Blainville-sur-
Orne vise plusieurs axes de développement. D'une part, renforcer son rôle de lien entre Caen
et la Mer par le développement du port. D'autre part, développer l’économie résidentielle pour
capter le pouvoir d’achat des nouveaux habitants. Le projet du Leclerc et sa centaine
d'emplois illustre cette deuxième option.