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Université Lumière Lyon 2
Faculté de Géographie, Histoire, Histoire de l’Art et Tourisme
Département d’Histoire
École Doctorale Sciences Humaines et Sociales
Thèse pour le Doctorat d’Histoire
UNE MUNICIPALITÉ SOUS
LE PREMIER EMPIRE :
LYON, 1805-1815
Thèse présentée et soutenue par
Jean-Philippe REY
le 17 juin 2010
Sous la direction de
Bruno Benoit
Jury :
Bruno BENOIT, professeur d’histoire contemporaine, Université Lumière Lyon 2
Serge CHASSAGNE, professeur émérite d’histoire moderne, Université Lumière
Lyon 2 (président)
Laurent COSTE, professeur d’histoire moderne, Université Montaigne Bordeaux 3
Thierry LENTZ, directeur de la Fondation Napoléon
Natalie PETITEAU, professeur d’histoire contemporaine, Université d’Avignon
2
L’histoire de Lyon à l’époque contemporaine commence bruyamment avec la
Révolution dont la marque sur la cité apparaît profonde et durable. À la suite de cette
décennie sans pareille, les quelques quinze années de la période napoléonienne
peuvent apparaître assez ternes, souffrant d’un contraste que l’inégale richesse de
l’historiographie lyonnaise des deux périodes accentue. Or, pour leur plus grand
malheur, les années du Consulat et de l’Empire à Lyon souffrent aussi d’un certain
déficit historiographique affectant le XIXe siècle pourtant capital pour le
développement économique de la ville 1 et l’affirmation de son identité socio-
politique2.
L’histoire de Lyon sous Napoléon est donc victime de cette situation que l’on
peut qualifier d’intercalaire. En amont comme en aval des années napoléoniennes,
deux moments particulièrement intenses de l’histoire lyonnaise. La Révolution, toute
politique, et le dix-neuvième siècle, tout économique et social, s’ils sont diversement
traités par l’historiographie, attirent à eux toutes les attentions, focalisent les regards
et nourrissent incomparablement la mémoire lyonnaise. Les événements du siège,
l’insurrection des canuts, l’affirmation d’un patronat entreprenant 3 , l’essor de
l’industrie et du commerce écrasent de leur retentissement le « long dix-neuvième »
et laissent peu de place aux années napoléoniennes.
Coincée ainsi entre ces deux périodes majeures pour l’histoire de Lyon, la
période du Consulat et de l’Empire reçoit d’elles, paradoxalement, à la fois ombre et
lumière. En effet, la connaissance des périodes voisines apporte un éclairage utile à
celle de l’intervalle napoléonien. Il est possible de situer l’importance des années
1799-1815 par rapport à ce qui précède ou ce qui suit et donc assez naturel de ne
pas les considérer comme un isolat au sein de la chronologie mais bien comme
partie d’une évolution globale, peut-être un moment charnière. En outre, aborder les
périodes antécédente et suivante par un certain nombre de thèmes et de
1 On peut citer quelques-uns des travaux les plus remarquables : LEQUIN, Yves, Les ouvriers de la région
lyonnaise, 1848-1914, Lyon, P.U.L., 1977, 573 et 500 p. ; CAYEZ, Pierre, Métiers Jacquard et hauts fourneaux
aux origines de l’industrie lyonnaise, Lyon, P.U.L., 1978, 472 p. ; PINOL, Jean-Luc, Mobilités et immobilisme
d’une grande ville. Lyon de la fin du XIXe siècle à la Seconde guerre mondiale, thèse soutenue à l’Université
Lumière-Lyon 2 en 1989 ; SAUNIER, Pierre-Yves, Lyon au XIXe siècle. Les espaces d’une cité, thèse de
doctorat d’histoire soutenue à l’Université Lumière Lyon II en 1992 (directeur Yves Lequin), 1 209 p.
Récemment, un vaste programme d’expositions organisées par les institutions patrimoniales de la ville a donné
lieu à un bel ouvrage regroupant une trentaine de contributions : L’Esprit d’un siècle. Lyon 1800-1914, Lyon,
Fage Éditions, 2007, 327 p. 2 BENOIT, Bruno, L’identité politique de Lyon. Entre violences collectives et mémoire des élites (1786-1905),
Paris, L’Harmattan, 1999, 239 p. 3 CAYEZ, Pierre, CHASSAGNE, Serge, Les patrons du Second Empire. Lyon et le Lyonnais, Picard-Éditions
Cénomane, 2007, 287 p.
3
problématiques qui leur sont spécifiques est en mesure de susciter des pistes de
recherche originales et ainsi de stimuler les travaux consacrés à la période
napoléonienne proprement dite. Le voisinage que subit l’histoire napoléonienne de
Lyon peut donc s’avérer « éclairant » c'est-à-dire stimulant et enrichissant. Mais bien
sûr, un tel voisinage peut également s’avérer – s’est le plus souvent jusqu’alors
avéré – ombrageux. La comparaison semble s’imposer aux dépens des années
consulaires et impériales. La vie politique locale semble bien pauvre si on la rapporte
au tumulte qui la précède4 ; l’œuvre économique et sociale, quelque mérite qu’on lui
reconnaisse par ailleurs, semble fragile tant elle dépend des succès d’un régime
somme toute éphémère sur la scène militaire et diplomatique européenne.
L’historiographie de Lyon a toujours réservé une place de premier plan à la
période de la Révolution et la « prégnance des événements révolutionnaires dans
l’histoire contemporaine de Lyon »5 est tout à fait incontestable. La Révolution à Lyon
a fait l’objet d’études précoces qui, si elles n’étaient pas toujours dénuées
d’intentions « politiques » loin s’en faut 6 , furent toujours des productions
particulièrement érudites7 et ont concouru à ce que l’on dispose aujourd’hui d’une
connaissance fine des événements locaux. De fait, un certain nombre d’ouvrages
proposent désormais un panorama tout à fait complet des événements et les deux
plus importantes synthèses, parues dans la période du bicentenaire, en proposent
une analyse relativement dédramatisée8. Les principales histoires de Lyon, si elles
ne sont pas uniquement ni même principalement consacrées à la période
révolutionnaire, lui réservent tout de même, à la suite de celle de Kleinclausz, un
traitement de choix9.
4 CHARLÉTY, Sébastien, « La vie politique à Lyon sous Napoléon 1
er », dans Revue d’Histoire de Lyon, t.IV,
1905, p.425-435. 5 BENOIT, Bruno, L’identité politique de Lyon…, op. cit., p.13.
6 On pense en particulier aux ouvrages publiés par les historiens-idéologues du XIX
e siècle : GUILLON de
MONTLÉON, Aimé, Histoire du siège de Lyon, Paris et Lyon, Le Clère et Veuve Rusand, 1797, 2 volumes, 255
et 29 p. ; BALLEYDIER, Alphonse, Histoire politique et militaire du peuple de Lyon pendant la Révolution
française (1789-1795), Paris, L.Curmer, 1845-1846, 3 tomes, 400, 411 et 188 p. ; MONTFALCON, Jean-
Baptiste, Histoire de la ville de Lyon, Lyon et Paris, Guilbert et Dorier, Dumoulin, 1847, 1451 p. 7 Citons pour la première moitié du vingtième siècle : BITTARD DES PORTES, René, L’insurrection de Lyon
en 1793, Paris, Émile-Paul Éditeur, 1906, 586 p. HERRIOT, Édouard, Lyon n’est plus, Paris, Flammarion, 1936-
1940, 4 tomes, 407, 514, 507 et 456 p. 8 BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon (1789-1799), Lyon, Éd. de
Trévoux, 1988, 192 p. ; TRÉNARD, Louis, La Révolution française dans la région Rhône-Alpes, Paris, Perrin,
1992, 819 p. 9 BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon, t.2 : Du XVI
e siècle à nos jours, Le Coteau,
Horvath, 1990, 479 p. ; GUTTON, Histoire de Lyon et du Lyonnais, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1998, 127 p.
4
En fait, dans l’essentiel des ouvrages qui traitent de la Révolution et de l’Empire
à Lyon, qu’ils soient ou non dédiés principalement à ces périodes, on en trouve une
vision assez constante ainsi qu’on repère une conception assez partagée de leur
importance relative.
Pour tous les auteurs évoqués ici l’idée est acceptée selon laquelle Lyon a été
amenée à jouer un rôle spécifique et à connaître un déroulement particulier de la
Révolution. Ici comme ailleurs « dès que les grandes lignes directrices de la politique
nationale entrent en contact avec les différentes réalités locales, elles rencontrent
maintes occasions de s’infléchir ou même de s’adultérer en créant des situations et
des combinaisons spécifiques » 10 . La question centrale qui, dès lors, réunit les
historiens en même temps qu’elle les oppose est celle de l’attitude de Lyon par
rapport à la Révolution. Lyon fut-elle en fin de compte favorable à la Révolution ou
fut-elle au contraire anti- voire contre-révolutionnaire11 ? La spécificité lyonnaise est
toujours reconnue. On cherche à l’expliquer, à l’excuser ou encore on la condamne ;
jamais néanmoins on la nie. Au cœur de la problématique se trouve invariablement
l’épisode central du siège articulant les deux notions insurrection et répression12.
À Lyon, cet épisode traumatique et, par là, la Révolution elle-même revêtent une
dimension mémorielle. Pas davantage à Lyon qu’ailleurs en France, la Révolution
française n’est tout à fait terminée et les événements locaux ont, comme l’ensemble
des événements nationaux, fait l’objet d’interprétations divergentes et suscité des
polémiques dont on a pu assez récemment constater qu’elles n’avaient pas
disparues. Les débats dont les commémorations du bicentenaire à Lyon furent à
l’origine sont là pour l’attester13, ce que rappelle Bruno Benoit :
[rééd. 2008] ; KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : De 1595 à 1814, Lyon, Pierre Masson, 1925, 440
p. ; t.3 : De 1814 à 1940, Lyon, Pierre Masson, 1948-1952, 343 p. ; LATREILLE, André [dir.], Histoire de Lyon
et du Lyonnais, Toulouse, Privat, 1975, 511 p. ; PELLETIER, André [dir.], Histoire de Lyon des origines à nos
jours, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 2007, 955 p. [nouvelle édition augmentée] 10
BURSTIN, Haim, Une Révolution à l’œuvre. Le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Seyssel, Champ Vallon,
2005, p.14. 11
Sur ces notions : Les résistances à la Révolution : actes du colloque de Rennes, 17-21 septembre 1985 [Textes
recueillis et présentés par François Lebrun et Roger Dupuy], Paris, Imago, 1987, 478 p. 12
Dans son important travail d’histoire religieuse, Paul Chopelin fait aussi de cet épisode un moment-clé
montrant en particulier combien la répression consécutive au siège avait une dimension religieuse : CHOPELIN,
Paul, Ville patriote et ville martyr. Une histoire religieuse de Lyon pendant la Révolution (1788-1805), thèse
soutenue le 14 octobre 2006, Université Jean Moulin Lyon III, 2 vol., 663 p. 13
Voir les précieux ouvrages collectifs : DAVALLON (Jean), DUJARDIN (Philippe), SABATIER (Gérard)
[dir.], Commémorer la Révolution. Politique de la mémoire, Lyon, P.U.L., 1993, 245 p.; DAVALLON (Jean),
DUJARDIN (Philippe), SABATIER (Gérard) [dir.], Le geste commémoratif, Lyon, Centre d’Études et de
Recherche de l’Institut d’Études Politiques de Lyon, 1994, 509 p. Sur la question de la mémoire de la Révolution
5
Le déroulement de la Révolution à Lyon soulève, depuis deux cents ans, des interrogations
qui ont fait couler, plus dans le sens de la polémique que de la vérité historique, beaucoup
d’encre. En effet, la Révolution à Lyon présente des ambiguïtés : l’année 89, Lyon-ville
royaliste, l’antirépublicanisme de Lyon lors du soulèvement. Ces ambiguïtés sont autant
d’obstacles à une commémoration unanime14
.
Or, événement matriciel diversement apprécié, la Révolution est toujours
présentée comme un traumatisme pour la ville et, même si les auteurs ne sont pas
hostiles à la Révolution en soi, ce traumatisme est toujours vu comme la source d’un
certain déclin pour la ville de Lyon elle-même. Ainsi, au-delà de la diversité de
l’historiographie, on repère un relatif consensus s’articulant autour de la
reconnaissance de la spécificité lyonnaise dans le cours général des événements et
des conséquences globalement négatives d’iceux pour la ville.
Sur le plan de l’historiographie nationale, on a longtemps pu parler à propos de la
période napoléonienne d’ « histoire impossible »15 compte tenu à la fois du dédain
prolongé de l’histoire universitaire pour la période et de la « passion
napoléonienne »16 qui a souvent conduit les spécialistes de ces années à manquer
de l’indispensable retenue pour verser dans le registre apologétique ou au contraire
systématiquement dépréciatif. Ainsi empêtrée dans le registre légendaire17, l’histoire
napoléonienne a été, plus qu’aucune autre sans doute, instrumentalisée à des fins
politiques et idéologiques et, par conséquent, a souffert d’une dimension polémique
tout à fait désastreuse au point de paraître impropre à cette « suspension de
à Lyon, deux auteures ont attiré notre attention sur le rôle des objets, de la conservation du patrimoine et de ses
enjeux : BARCELLINI, Caroline, « Le combat idéologique de la patrimonialisation de la révolution française »,
Socio-Anthropologie, N°12, Traces, 2002 ; WAHNICH, Sophie, Lyon en révolution, Éditions E.M.C.C.,
coll. « Des objets qui racontent l’histoire », Lyon, 2003, 137 p. 14
BENOIT, Bruno, « Peut-on commémorer la Révolution à Lyon ? », dans DAVALLON (Jean), DUJARDIN
(Philippe), SABATIER (Gérard) [dir.], Commémorer la Révolution, op.cit., p.96. Bruno Benoit montre en
particulier que dès le XIXe « on découvrit (…) non pas une, mais des mémoires lyonnaises. Et le tabou de la non-
commémoration apparut non comme le résultat d’un interdit, mais comme le produit de deux forces qui se
neutralisent : où et comment commémorer lorsque les mêmes lieux peuvent être investis par deux mémoires
antagonistes ? » (p.93) 15
PETITEAU, Natalie [dir.], Voies nouvelles pour l’histoire du Premier Empire. Territoires, pouvoirs, identité,
Paris, La Boutique de l’Histoire, 2003, p.10. 16
LENTZ, Thierry, Nouvelle histoire du Premier Empire, t.I : Napoléon et la conquête de l’Europe, 1804-1810,
Paris, Fayard, 2002, p.15. 17
PETITEAU, Natalie, Napoléon, de la mythologie à l’histoire, Paris, Le Seuil, coll. « L’Univers Historique »,
1999, 444 p. ; TULARD, Jean, L’Anti-Napoléon. La légende noire de l’empereur, Paris, Gallimard, 1965, 260 p.
6
jugement »18 si indispensable aux sciences sociales. C’est finalement depuis peu
que l’histoire napoléonienne s’affirme comme « une histoire qui n’a rien à envier à
celle des autres périodes »19.
Or, on s’aperçoit qu’en ce qu’il s’agit de l’historiographie de la période
napoléonienne à Lyon, émerge au contraire très tôt un certain consensus. Ce
consensus historiographique repose sur quatre axiomes principaux. D’abord, la
période qui s’ouvre avec Brumaire est celle du retour à l’ordre. Les nombreuses
dissensions qui ont marqué la population lyonnaise au cours de la décennie
révolutionnaire prennent fin dès lors que le Consulat puis l’Empire s’avèrent capables
à la fois de la fermeté et de l’œuvre de réconciliation nécessaires au retour de la paix
politique et sociale. Ensuite, les années napoléoniennes sont unanimement
considérées comme celles du retour de la prospérité économique pour Lyon,
annonciatrice de la croissance du XIXe siècle20. Bien sûr, les spécialistes s’accordent
pour reconnaître qu’à compter des années 1811 – la crise économique21 – et 1812 –
l’échec de la campagne de Russie, la Russie étant devenue l’un des principaux
horizons des soyeux lyonnais – la légitimité toute matérielle acquise par Napoléon
s’effrite. Pourtant, domine le constat que Lyon profite à plein de la politique
européenne de l’Empereur des Français, de ses commandes et s’enthousiasme des
perspectives offertes par le blocus continental alors que les bouleversements
révolutionnaires ont au contraire causé l’appauvrissement de la ville, épuisé ses
ressources et découragé ses talents. Ainsi l’image du nouveau chef de l’État
s’impose-t-elle durablement comme celle de Bonaparte réédificateur, posant la
première pierre de la reconstruction des façades de la place Bellecour, attaché à ce
que Lyon recouvre son lustre d’antan au moyen de l’essor de son industrie et de son
commerce. Le dynamisme économique de la ville s’accompagne paradoxalement,
d’après l’ensemble des auteurs, de l’atonie de la vie politique, sociale et culturelle.
C’est le troisième axiome de la vulgate. Cette période est en définitive une période
sans relief, l’autorité centralisatrice du régime agissant avec trop de vigueur pour que
18
DESCOLA, Philippe, Leçon inaugurale faite le jeudi 29 mars 2001, Paris, Collège de France, 2001, p.20. 19
PETITEAU, Natalie, Napoléon, de la mythologie à l’histoire, op.cit., p.25. 20
Significativement, Pierre Cayez intitule « la reconstruction impériale » la section qui ouvre le premier chapitre
consacré à la période 1800-1870 de son histoire de Lyon et il affirme nettement qu’« en 1815, les Lyonnais
avaient (…) reconstruit un appareil productif et commercial (…). La prospérité lyonnaise put se développer
pleinement lorsque l’hypothèque politique fut levée » : BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de
Lyon, t.2 : Du XVIe siècle à nos jours, op. cit., p.245 et p.247.
21 LABASSE, Jean, Le commerce des soies à Lyon sous Napoléon et la crise de 1811, Grenoble, Impr. Allier,
1957, 136 p.
7
le génie lyonnais puisse s’exprimer ailleurs que dans les affaires. Enfin, Lyon
apparaît à la grande majorité des auteurs comme une ville bonapartiste. Choyés par
le régime, les Lyonnais sont davantage que de dociles sujets. Leur comportement
politique témoigne d’une véritable adhésion à l’Empire et à la personne de
l’empereur. À cet égard, l’événement exemplaire est bien entendu le séjour de
Napoléon, de retour d’Elbe, à Lyon, en mars 181522.
Les historiens font donc globalement de la période napoléonienne une période
faste pour Lyon, à juste titre appréciée des Lyonnais. Or, si l’historiographie
napoléonienne à Lyon ressort largement de ce consensus, des pans entiers de
l’histoire de Lyon sous le Consulat et sous l’Empire ont été jusque là négligés et les
travaux approfondis portant sur le sujet sont pour la plupart anciens. Il ne faut pour
autant pas sous-estimer l’intérêt des études existantes et au contraire le travail ici
introduit doit être situé au sein d’un ample mouvement, qui s’accélère, de
connaissance historique de la période napoléonienne à Lyon. Deux événements
récents ont contribué à manifester l’intérêt accru dont bénéficie la période
napoléonienne, longtemps négligée par rapport aux dix années antécédentes. Au
printemps et au début de l’été 2005, une exposition « Lyon et Napoléon » a été
organisée, donnant lieu à la publication d’un ouvrage proposant à travers une dizaine
d’articles de faire le point sur des aspects jusque là souvent négligés des historiens.
Dans le même temps, un colloque a donné l’occasion à un certain nombre de
spécialistes d’aborder des questions inédites23.
D’une manière générale, il s’agit au moyen de cette thèse de participer à
l’écriture de l’histoire de la ville et de s’insérer modestement au sein du vaste
mouvement qui tend à saisir, aux différentes époques de son riche passé, la réalité
de cette « ville unique et exemplaire » qu’est Lyon24. Élevée au rang de capitale au
22
ZINS, Ronald, « Quand Lyon acclamait Napoléon », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon et Napoléon, Dijon,
Éditions Faton, 2005, p.14-53. 23
En rapport avec l’exposition qui s’est tenue au musée des Tissus et Arts décoratifs de Lyon est paru : ZINS,
Ronald [dir.], Lyon et Napoléon, op.cit., 287 p. Le colloque « Lyon sous le Consulat et l’Empire » a eu lieu les
15 et 16 avril 2005. Les actes en ont été publiés : ZINS, Ronald, [dir.], Lyon sous le Consulat et l’Empire,
Reyrieux, Éditions Horace Cardon, 2007. Les principales contributions font l’objet de notes dans les pages qui
viennent. 24
Cette si juste expression est bien entendu empruntée à Maurice Garden : GARDEN, Maurice, Lyon et les
Lyonnais au XVIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1970, 772 p. Outre cet ouvrage central et les travaux déjà
cités, il faut signaler particulièrement et comme autant de phares indiquant l’avancée de l’historiographie
lyonnaise : TRÉNARD, Louis, Histoire sociale des idées. Lyon, de l’Encyclopédie au pré-romantisme, Paris,
P.U.F., 1958, 2 volumes, 821 p. ; GASCON, Richard, Lyon et ses marchands : environs de 1520 - environs de
8
sein du monde gallo-romain, elle émerge aux temps modernes comme une ville
peuplée et active, la deuxième de France. Mais déjà sa structure socio-économique
la signale parmi les agglomérations comparables. Privée de parlement, elle ne
permet pas l’essor d’une importante noblesse. Profitant de sa vocation commerçante
et de la précocité de son développement proto-industriel, elle se spécialise dans le
travail de la soie ce qui s’accompagne de l’accroissement des milieux d’affaires. Le
XVIIIe siècle et la Révolution ont un impact sur la ville qui peut être notamment
analysé à l’aune de cette double originalité qui influence profondément aussi bien le
rapport au pouvoir central que la composition des élites locales, ce qu’il sera assez
largement loisible de constater.
Une des manières pour l’histoire napoléonienne de se distinguer de l’histoire
révolutionnaire et de ne plus apparaître comme l’un de ses appendices est de
souligner l’intérêt que revêt la période pour la compréhension du siècle qui s’ouvre
avec elle :
Il y a bien là sujet d’histoire essentiel puisque ces années sont à la charnière des temps
modernes et du monde contemporain : le régime alors en place en France a d’importantes
conséquences sur la vie des Français et, même, de l’ensemble des Européens, pour plus d’un
siècle. Observer les rapports que les hommes et les femmes du XIXe siècle, contemporains
ou non de Napoléon, ont eu à l’Empire permet de rendre compte directement de cette
emprise, qu’elle ait été fondatrice ou stérilisante selon les domaines. C’est ainsi s’engager sur
les voies de renouvellement de cette histoire25
.
C’est ainsi que les études parmi les plus stimulantes parues au cours de ces
vingt dernières années et touchant à l’histoire de Lyon au XIXe siècle consacrent les
années consulaires et impériales comme fondatrices et ce, dans des domaines
assez divers touchant au politique et au culturel comme à l’économie et à la
1580, Paris - La Haye, Mouton, 1971, 2 vol., 1001 p. ; PELLISSIER, Catherine, Les sociabilités patriciennes à
Lyon du milieu du XIXe siècle à 1914, thèse de doctorat d’histoire dirigée par Yves Lequin et soutenue devant
l’Université Lumière Lyon II en 1993, 1223 p. en 2 volumes ; BAYARD, Françoise, Vivre à Lyon sous l’Ancien
régime, Paris, Perrin, 1997, 352 p. ; LIGNEREUX, Yann, Lyon et le roi. De la « bonne ville » à l’absolutisme
municipal (1594-1654), Seyssel, Champ Vallon, 2003, 847 p. 25
PETITEAU, Natalie, Voies nouvelles…, op. cit., p.9. On peut renvoyer, à propos du dernier sujet évoqué, à
l’ouvrage récemment paru de cette auteure : PETITEAU, Natalie, Les Français et l’Empire, 1799-1815, Paris,
La Boutique de l’Histoire, 2008, 278 p.
9
finance 26 . De la même manière, si les études consacrées aux élites, et plus
particulièrement aux notables lyonnais et rhodaniens, insistent sur la continuité qui
unit fondamentalement l’Ancien régime, la Révolution et l’Empire, elles n’en mettent
pas moins en évidence le rôle d’icelui en ce qui concerne l’émergence des élites du
siècle à venir27.
La question de la périodisation survient dès lors qu’il convient d’expliquer le choix
du sujet et de le situer au sein de l’histoire de la ville. Elle se pose avec une
particulière acuité lorsqu’il s’agit de la période napoléonienne, tant on a longtemps
refusé à cette quinzaine d’années le statut d’objet historique pour les différentes
raisons déjà évoquées. Le problème est en outre aggravé par l’apparition récurrente
d’une question sous-jacente consistant à savoir si l’ « épisode »28 napoléonien a été
bénéfique ou non. Il s’agit alors essentiellement d’interroger la période en termes de
bilan. L’exercice du pouvoir suprême par Napoléon Bonaparte a-t-il été bénéfique ou
non pour la France et l’Europe ? Du coup, l’étude est souvent teintée d’idéologie et
se fourvoie parfois dans l’anachronisme et le jugement d’ordre moral.
L’étude de la période napoléonienne dans son ensemble ou de l’Empire en
particulier est de toute façon, comme tout travail historique, justifiée par le
questionnement qui la motive. Ce temps est avant tout, ici, celui du politique et des
institutions avant d’être celui de la société et de l’économie puis du culturel ou des
mentalités. Encore faut-il insérer parfois les périodes consulaire et impériale dans
une séquence plus longue, des dernières décennies de l’Ancien régime au premier
26
BENOIT, Bruno, L’identité politique de Lyon…, op.cit. BOUSSUGUES, Christian, « L’implantation des
comptoirs de la Banque de France. L’exemple de la région Rhône-Alpes (1808-1848) », dans Cahier monnaie et
financement, n° 19, 1990, Lyon, Université Lumière Lyon II, p.129-178. CHASSAGNE, Serge, « Pour faire du
fer, il faut de l’argent : le financement de la sidérurgie rhodanienne dans la première moitié du XIXe siècle »,
dans Autour de l’industrie. Histoire et patrimoine. Mélanges Woronoff, Paris, Comité d’histoire économique et
financière de la France, 2004, p.75-96. GERSIN, Malincha, La vie théâtrale lyonnaise d’un empire à l’autre :
Grand Théâtre et Célestins, le temps du privilège. 1811-1864, Thèse de doctorat d’Histoire (direction d’O.
Zeller), soutenue à l’université Lyon 2 en 2007. 27
CHASSAGNE, Serge, « Les grands notables du Rhône sous le Premier Empire », dans ZINS, Ronald [dir.],
Lyon sous le Consulat et l’Empire, op. cit. ; PEREZ, François, L’administration du département du Rhône sous
le Consulat et l’Empire, Mémoire de DEA (dir. Serge Chassagne), Université Lyon 2, 2002 ; REY, Jean-
Philippe, « Les notables du Rhône : une nouvelle élite ? », dans Napoleonica. La Revue, n°2, Octobre-novembre
2008 et « Le Rhône », dans BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy [dir.], Grands notables du
Premier Empire, Paris, Guénégaud (à paraître). 28
Le seul choix de ce vocable pose problème. Il peut parfois aider à minimiser l’importance historique du
moment puisqu’il est dans la nature d’un épisode d’être bref et transitoire et que son statut ne saurait être celui de
la période. Le terme est pourtant utilisé par des auteurs qui ne peuvent être soupçonnés de méconnaître l’intérêt
de ces quinze années : BERGERON, Louis, L’épisode napoléonien. Aspects intérieurs, Paris, Le Seuil, Coll.
« Points Histoire », 1972, 251 p.
10
XIXe siècle au moins, afin d’en mesurer la fonction « charnière ». La période
napoléonienne est en effet largement héritière de la fin de l’Ancien régime et de la
Révolution en même temps qu’elle accouche de solutions, de synthèses qui
inaugurent une ère nouvelle. La périodisation retenue est pertinente du point de vue
adopté pour ce travail, qui est primitivement institutionnel et politique. La réalité
sociale de la municipalité n’est étudiée en lien avec la nature et la portée de son
action dans les différents domaines de l’action publique qu’en ce qu’elles éclairent la
validité de la création de l’institution municipale comme l’un des rouages de
l’organisation administrative et politique donnant vie au système napoléonien.
L’histoire napoléonienne, ça lui fut souvent reproché, a généralement accordé
une grande place au politique et parfois à l’événementiel politique ainsi qu’au fait
militaire. Lyon n’échappe pas à la règle. Le récit a tôt été fait d’un certain nombre de
moments retenus comme marquants29 et si Lyon ne fut qu’épisodiquement au centre
d’opérations militaires d’envergure, des travaux, dont les premiers sont
contemporains des événements, les étudient minutieusement 30 . Cependant les
institutions politiques et administratives locales ont été peu abordées. La municipalité
n’est pas vue comme un acteur digne d’intérêt et tout juste la figure de quelques
édiles, le maire Fay de Sathonay surtout et quelques rares autres, adjoints ou
conseillers, émerge-t-elle ça et là d’études qui ne s’organisent jamais autour d’elles.
Rareté donc, et classicisme de l’approche. Lorsqu’on trouve s’agissant de Lyon des
travaux qui participent des « réflexions nouvelles sur le fonctionnement des
pouvoirs »31, ils ont trait à la période révolutionnaire32. Ayant le grand mérite de mêler
l’intérêt pour les questions institutionnelles à celui pour le politique et les
problématiques sociales, ils permettent néanmoins de repérer une lacune
29
CHARLÉTY, Sébastien, « La vie politique à Lyon sous Napoléon 1er
», op.cit. ; GONNET, Pierre, « Les Cent-
jours à Lyon », dans Revue d’Histoire de Lyon, T.VII, 1908, p.50-67, p.111-123, p.186-210, p.286-303. 30 TOURNON, Comte de, Notes sur l’invasion du Lyonnais en 1814, Lyon, Cote, 1887, 466 p. ; GUERRE, Jean,
Campagnes de Lyon en 1814 et 1815, Lyon, J.-B. Kindelem, 1816, 324 p. Des études récentes ont été publiées,
qui ne renouvellent cependant pas ce type d’approche : ZINS, Ronald, 1814. L’Armée de Lyon, ultime espoir de
Napoléon, Reyrieux, Horace Cardon, 1998, 351 p. ; ZINS, Ronald, 1815. L’Armée des Alpes et les Cent-Jours à
Lyon, Reyrieux, Horace Cardon, 2003, 447 p. Enfin, signalons le très important article de F. Rude, paru il y a
plus de 35 ans : RUDE, F., « Le réveil du patriotisme révolutionnaire dans la région Rhône-Alpes en 1814 »,
Cahiers d’Histoire, t.16, n°3-4, 1971, p.433-456. 31
PETITEAU, Natalie, Voies nouvelles…, op. cit., p.16-17. 32
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse. Faiblesse et disparition de
l’autonomie de la municipalité révolutionnaire lyonnaise (12 avril 1790 – 7 ventôse an IV), Thèse pour le
doctorat en Droit soutenue à l’Université Lyon 3, 2003, 865-CLXXXII p. ; BENOIT, Bruno, SAUSSAC,
Roland, Guide historique …, op. cit.
11
fondamentale de l’historiographie napoléonienne locale et de souligner en même
temps les perspectives offertes par l’étude de la Révolution. Le choix d’étudier la
municipalité correspond donc d’abord à la volonté de mettre en lumière une
institution méconnue qui a pourtant été un repère essentiel dans la vie quotidienne
des Lyonnais sous l’Empire comme auparavant. Il est en outre renforcé par le
constat d’une assez faible exploitation des sources conservées aux archives
municipales de Lyon, pourtant riches d’enseignements quant aux modalités de
gestion de la ville et à l’action conduite par la municipalité sous le Premier Empire33.
S’intéresser à la municipalité de Lyon sous le Premier Empire, c’est donc
notamment saisir l’opportunité de faire le point sur un objet méconnu à partir de
sources négligées.
Ce choix s’accompagne de la volonté d’aider à définir la nature d’une ambition et
d’un système, d’évaluer leur validité et leur degré de réalisation à partir d’un point de
vue décentré, local, extrêmement concret, modeste pour tout dire.
Le retard de l’historiographie lyonnaise semble en partie imputable au fait que
l’histoire napoléonienne est souvent une histoire nationale, voire européenne, qui
néglige l’échelle locale. Or, justement la dimension européenne de l’histoire
napoléonienne tend à s’affirmer et fait l’objet de travaux tout à fait stimulants34. On
peut voir là, peut-être, une chance pour l’historiographie lyonnaise car l’histoire
nationale est, en réalité, souvent une histoire parisienne, a fortiori lorsque l’on traite
d’un pays à ce point centralisé que le fut la France impériale. On se donne une
chance d’échapper au prisme parisien en voyant l’Empire comme un système
d’envergure européenne.
En outre, il a souvent été regretté que l’histoire napoléonienne soit ramenée à
celle de Napoléon. L’historiographie lyonnaise ne fait pas exception en la matière.
Longtemps, rien n’a davantage intéressé les amateurs d’histoire locale que les
moments où Napoléon a effectivement séjourné à Lyon : de retour d’Égypte en
33
Consacrant sa thèse à la gestion municipale de Bordeaux sous l’Empire, Laurent Coste regrette certaines
lacunes dues à l’incendie de l’Hôtel de ville de 1862 : COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur. Bordeaux sous
le Premier Empire, Société Archéologique et Historique de Lignan et du canton de Créon, 1993, p.9. Rien de tel
à Lyon où l’on dispose de la série complète des procès-verbaux des séances du conseil (versement 1217 WP) et
d’assez nombreuses traces de la gestion des principaux dossiers. 34
WOOLF, Stuart, Napoléon et la conquête de l’Europe, Paris, Flammarion, 1990. MARTIN, Jean-Clément
[dir.], Napoléon et l’Europe. Colloque de la Roche-sur-Yon, 8-9 juin 2001, Presses Universitaire de Rennes,
2002, 169 p. ; LENTZ, Thierry [dir.], Napoléon et l'Europe : regards sur une politique : actes du colloque, 18 et
19 novembre 2004, Paris, Fayard, 2005, 445 p.
12
octobre 1799, lançant symboliquement la reconstruction de Bellecour (1800),
présidant la Consulta (1802), gratifiant la ville d’un des premiers « passages » du
couple impérial (1805), au commencement des Cent-jours (mars 1815) enfin.
L’intérêt domine largement alors pour la geste napoléonienne et les auteurs scrutent
la relation que l’on suppose aisément directe et privilégiée entre le premier consul ou
l’empereur et Lyon35. Le « Lyonnais je vous aime » placardé sur les murs de la ville,
alors même que Napoléon court retrouver sa capitale, comble d’aise nombre
d’auteurs et les détourne souvent d’une analyse plus objective de la situation de
l’Empire à Lyon ou de Lyon dans l’Empire. Napoléon, le premier, avait bien compris
sur quelle corde il convenait de jouer pour s’assurer les grâces de la population et de
la postérité. La figure de Napoléon est omniprésente et forme une sorte d’ « image-
écran » qui empêche de discerner toujours avec netteté les contours du système
napoléonien – par ailleurs réellement complexe – et son organisation comme leur
application concrète, à Lyon.
Adopter une approche décentrée signifie donc d’abord choisir un point de vue qui
ne soit ni parisien ni focalisé sur la personne de Napoléon. La présente étude se
borne aux limites de la ville. Elle n’envisage généralement le pouvoir central que
dans la mesure où les édiles lyonnais ont eu à le prendre en compte. Le parti-pris est
celui d’envisager l’histoire de l’organisation napoléonienne « par le bas ». Les
sources locales sont donc nettement privilégiées, comme étant les plus à même de
permettre de voir les édiles à l’œuvre, pris dans les nécessités de la réalité
lyonnaise.
Portant sur cette institution particulière qu’est la municipalité, l’approche est
encore plus décentrée puisqu’elle ne s’intéresse pas au relais local le plus immédiat
et le plus influent du pouvoir central, la préfecture, mais à une administration que l’on
peut être tenté de qualifier de secondaire. Or, justement, l’étude de la municipalité
sera d’autant plus instructive qu’il s’agit d’étudier un organisme administratif
particulièrement contrôlé par l’État, intégré qu’il est dans une chaîne d’exécution
étroitement surveillée, au sein de laquelle il n’est pas constamment en lien direct
avec le gouvernement mais subit la médiation de la préfecture. Il s’agit en outre
35
GARNICHON, Louis, Napoléon et les Lyonnais : 1779-1815, Lyon, Éditions Bellier, 2001, 343 p.
13
d’étudier un groupe d’hommes nommés par le chef de l’État mais à travers la
médiation du préfet qui propose des listes36.
L’ambition de traiter la municipalité en tant qu’entité administrative
s’accompagne, en effet, de celle de la définir comme une réalité sociale.
Le sujet de cette thèse est bien un sujet « mixte », à la croisée de l’histoire
politique et de l’histoire sociale. Au choix de l’objet d’étude – la municipalité lyonnaise
sous le Premier Empire – correspond une réalité institutionnelle et politique dont
dépendent tant les bornes chronologiques et les limites spatiales de ce travail que la
dimension de la population étudiée. Napoléon dote Lyon d’une mairie unique qui est
installée le 1er vendémiaire an XIV (23 septembre 1805). Quatre-vingt-dix édiles
exercent leurs fonctions de cette date au 6 juillet 1815, jour de la dernière réunion
des édiles des Cent-jours37. On prendra soin de distinguer parmi eux les soixante et
onze individus ayant effectivement participé à la gestion de la mairie unique de Lyon
comme conseillers, adjoints ou maires sous le Premier Empire et les dix-neuf autres,
nommés par le roi entre la première abdication et le retour de l’île d’Elbe dans un
cadre institutionnel conservé intact, mais n’ayant pas exercé durant les Cent-jours.
Se dégage ainsi une population-objet d’étude à laquelle il paraît intéressant
d’appliquer un type de regard inspiré de l’approche prosopographique. Une telle
approche se signale par un intérêt spécifique pour le facteur humain dans l’étude de
tous les phénomènes qui font l’objet de la recherche historique. Elle se rapporte à
l’histoire sociale38. Conformément à son fondement quantitatif39, la prosopographie
privilégie la mise au jour de caractéristiques d’ensemble permettant de qualifier un
groupe, de juger de son homogénéité et des dynamiques qui l’animent sans jamais
renoncer à – et même dans le but de – interroger l’individu à la lumière de la
36
David Higgs invite à considérer avec intérêt « les plus importantes capitales provinciales, qui fournissaient un
univers de rôles et d’aspirations suffisamment complexe pour que les tensions entre les composantes rivales de
l’élite se manifestassent » : HIGGS, David, Nobles, titrés, aristocrates de France après la Révolution (1800-
1870), Liana Levi, 1990, p.237. 37
La liste de ces 90 individus figure en annexe V. Chacun d’entre eux fait l’objet d’une notice individuelle en
annexe VII. 38
Parmi les travaux qui ont montré l’intérêt des biographies sociales : WORONNOF, Denis, L’industrie
sidérurgique en France pendant la Révolution et l’Empire, Paris, Éditions de l’E.H.E.S.S., 1984, 592 p. ;
CHASSAGNE, Serge, Le coton et ses patrons : France, 1760-1840, Paris, Éditions de l’E.H.E.S.S., 1991, 733
p. ; BOUDON, Jacques-Olivier, L’épiscopat français à l’époque concordataire : 1802-1905 : origines,
formation, nomination, Paris, Les Éditions du Cerf, 1996, III-589 p. 39
L’occasion est donnée ici de souligner le rôle majeur d’Ernest Labrousse : LABROUSSE, Ernest, « Voies
nouvelles vers une histoire de la bourgeoisie occidentale aux XVIIIe
et XIXe siècles, 1700-1850 », X
e Congrès
international des sciences historiques, Rome, 1955, t.IV, Florence, Sansoni, 1956, p.365-396.
14
« norme » ainsi définie 40 . Insister sur le groupe, établir sa prégnance sur les
situations et itinéraires individuels tout en restituant et reconnaissant ces derniers,
c'est-à-dire tout en ménageant sa place à une approche qualitative41 de manière à
dépasser les limites inévitables de la sociologie globale, telle est donc la gageure de
toute approche de type prosopographique.
La connaissance intime du groupe formé par les individus ayant exercé, sous
l’autorité de Napoleon 1er ou durant son exil à l’île d’Elbe, une fonction politique au
sein de la mairie unique de Lyon participe fortement de l’intelligibilité du projet
napoléonien et de sa mise en œuvre locale. Le jeu des différents acteurs urbains, la
vitalité des solidarités, des réseaux qui les unissent ou au contraire les distinguent,
sans omettre les perspectives d’ascension sociale entrevues au gré de la
conjoncture économique et politique42 sont autant d’éléments à prendre en compte
dans le cadre d’une biographie sociale qui aurait pour but de révéler les ressorts de
l’émergence d’une élite politique locale au service du système napoléonien. Car les
individus étudiés, à la fois remarquables et représentatifs de sociétés limitées,
proposent des itinéraires qui sont l’expression de dynamiques sociales et politiques
amples. Ils sont envisagés bien sûr dans la perspective d’une étude de groupe mais
aussi pour leurs comportements propres vis-à-vis d’une réalité politique et sociale
nouvelle.
Jean-Philippe Genet propose le terme de « sociographie » pour définir « à la fois
la description systématique des groupes sociaux » liés à un ensemble institutionnel
et politique et « une histoire sociale des institutions »43 . Alors, au moyen d’une
approche inspirée de la prosopographie, on peut imaginer esquisser la sociographie
des institutions municipales lyonnaises sous le Premier Empire. C’est le problème de
l’articulation de l’ordre social au pouvoir qui est posé. L’analyse proposée par Neitard
Bulst incite à adopter ce parti :
40
KAWA, Catherine, Les ronds-de-cuir en Révolution. Les employés du ministère de l’Intérieur sous la
Première République (1792-1800), Paris, Éd. du C.T.H.S., 1996, p.31. « Les écarts à la norme, les déviances
sont souvent plus significatifs et intéressants à étudier que la norme elle-même. Néanmoins, pour repérer une
déviance, il faut d’abord construire un modèle de référence : telle est la contradiction inhérente à la méthode
prosopographique » explique cette auteure. 41
Claude-Isabelle Brelot estime qu’un projet prosopographique implique une « préoccupation culturelle » en
plus de l’approche quantitative, sérielle : BRELOT, Claude-Isabelle, La noblesse réinventée. Nobles de Franche-
Comté de 1814 à 1870, Paris, Les Belles-Lettres, Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1992, p.9-11 42
Il faut être attentif aux phénomènes d’ascension et de déclassement comme le signale Natalie Petiteau :
PETITEAU, Natalie, Élites et mobilités. La noblesse d’Empire au XIXe
siècle (1808-1914), Paris, Boutique de
l’histoire, 1997, p.22. 43
GENET, Jean-Philippe, « Introduction », dans L’État moderne et les élites, XIIIe-XVIII
e siècles. Apports et
limites de la méthode prosopographique, Publications de la Sorbonne, 1996, p.9-16.
15
De manière générale, on peut dire que les structures politiques et sociales de certains
groupes, les phénomènes tels que la continuité ou la discontinuité, la montée et le déclin des
systèmes politiques, des institutions spirituelles ou séculières, l’action politique, la mobilité
sociale et tant d’autres ne se laissent guère analyser avec précision sans la connaissance des
personnes44
.
Cette étude s’inscrit clairement dans la volonté d’appréhender mieux
l’organisation interne du système napoléonien. Ce dernier obéit à une conception
très pragmatique des relations et des procédures qui doivent mettre en rapport les
différents acteurs de la scène internationale. « Principe qui sert à imposer l’Empire »,
le système est une « notion largement circonstancielle et évolutive »45 . Or c’est
justement la nécessité de rendre le système adaptable aux circonstances, de rendre
le système réactif aux modifications de l’environnement et aux évolutions de la
conjoncture qui exige la mise en place d’une organisation extrêmement efficace et
rationnelle et, partant, centralisée et uniforme.
Étudier la municipalité de Lyon c’est mieux comprendre la nature de cette
organisation napoléonienne. Organisation qui est d’abord politico-administrative : il
s’agit de contrôler, de maîtriser, d’administrer des territoires et des populations tout
en s’assurant le concours d’icelles. Organisation qui est ensuite sociale. Il s’agit de
déterminer un ordre social nouveau – pas totalement inédit mais nouveau par les
équilibres qu’il établit – et de définir la ou les catégorie(s) sur la(les)quelle(s) on
entend le fonder. Il s’agit de garantir la stabilité et l’acceptation d’un ordre social
hiérarchisé ne remettant, en principe, pas en cause le principe d’égalité. Il s’agit de
savoir quels mécanismes mettre en place pour faire émerger l’élite. C’est la question,
fondamentale, du lien politique qui est posée. L’exercice de l’autorité rend
indispensable, en même temps, le remaniement du système institutionnel
et l’intégration des individus et des communautés à des rouages et des réseaux.
Sur ces deux plans, politico-administratif et social, le pouvoir central doit disposer
de relais de son autorité. La municipalité de Lyon, comme institution autant que
comme groupe d’individus désignés par le régime pour assumer une responsabilité
44
BULST, Neithard, « Objet et méthode de la prosopographie », dans ibid., p.479. 45
Pour la notion de système napoléonien, en partie héritée des conceptions diplomatiques traditionnelles :
LENTZ, Thierry, Nouvelle Histoire du Premier Empire, t.I, op. cit., p.14.
16
publique, est un de ces relais. Étudier la municipalité de Lyon sous l’Empire revient
par conséquent à étudier une créature du système, un élément généré par lui. Cela
ne signifie pas que cet élément soit totalement neuf. Le système napoléonien comme
son organisation héritent en partie d’une situation créée par la monarchie et la
Révolution. Des hommes et des institutions sont en place, des équilibres sociaux
plus ou moins fragiles et plus ou moins anciens existent. Il est donc indispensable de
prendre en compte ces héritages. L’Empire ne plaque pas une organisation abstraite
sur le réel, méconnaissant icelui. Au contraire, il prend consciencieusement en
compte l’existant, développant une politique tout à la fois très volontariste et très
pragmatique.
L’étude de la municipalité sous le Premier Empire sera révélatrice de la nature de
l’ambition et de l’action napoléoniennes en matière d’organisation politico-
administrative et en matière d’organisation sociale46. Il est en particulier question de
chercher à savoir dans quelle mesure le régime impérial est une formule inédite de
re-légitimation du pouvoir et de l’action politiques, de refondation du lien entre la
population et son gouvernement, de consolidation de l’État conçu comme émanant
de la souveraineté nationale. Dans cette perspective, l’étude du cas lyonnais
ambitionne d’éclairer la nature et l’organisation du système napoléonien à une
échelle délibérément locale, en adoptant un point de vue délibérément décentré.
Puisque le système napoléonien n’est pas figé, puisque, en permanent
mouvement, il demeure finalement en construction durant toute la période, la
question qui sous-tend l’étude est celle de chercher à connaître, à évaluer la
pertinence, l’efficience du type d’organisation que l’on découvre par rapport aux
besoins de fonctionnement du système. Ainsi organisée, la municipalité de Lyon
sous le Premier Empire fut-elle un instrument, un élément de l’organisation en
mesure de profiter au système ? Et puisque la force d’un système dépend de la force
des éléments qui le composent et interagissent entre eux, il sera intéressant de se
demander si l’Empire et son système, furent profitables à Lyon ; il est en effet
nécessaire de renforcer son organisation interne pour consolider le système.
46
Et ce, d’autant qu’elle sera mise en relation avec d’autres études concernant des villes importantes de
l’Empire : Bordeaux et Marseille en premier lieu. COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur, op. cit. ; BONNET,
Christian, Les Bouches-du-Rhône sous le consulat et l’Empire : évolution économique et vie socio-politique,
Thèse d’État sous la direction de Michel Vovelle, Paris I, 1986.
17
S’intéresser à la municipalité de Lyon c’est donc aussi chercher à savoir dans
quelle mesure ce modeste élément du système napoléonien rend compte de son
organisation interne et tenter d’évaluer son niveau d’efficience au service dudit
système et de ladite organisation ; c’est escompter que l’étude de cette situation
concrète sera significative à ces égards. Si on en vient à s’intéresser au bilan pour
Lyon de la politique municipale, c’est dans la mesure où on cherche à savoir si cet
élément a été mis en capacité de servir le système. Cela suppose que l’on évalue la
réussite ou non de l’action municipale non pour elle-même mais en fonction de
l’objectif poursuivi par l’Empire-système. Il ne s’agirait pas, le cas échéant, de
dresser un bilan positif ou négatif en soi mais positif ou négatif par rapport aux
besoins et aux objectifs affichés du système napoléonien.
Visant à mieux appréhender l’organisation du système napoléonien en évaluant
la place et le rôle de la municipalité de Lyon en son sein, l’étude introduite ici
s’organisera en trois étapes.
La municipalité est un acteur de l’organisation politique et administrative
impériale qui s’insère à la fois dans un cadre institutionnel et politique nouveau,
étroitement défini, et dans une évolution qui la lie profondément aux expériences de
réformes initiées sous l’Ancien régime et la Révolution (1ère partie). Mais la
municipalité est aussi un ensemble d’individus dont le régime napoléonien attend
qu’ils agissent efficacement au service de l’organisation politique de l’Empire et ainsi
participent à la promotion du système tout entier. La connaissance des individus
oblige à prendre en compte un temps qui excède là aussi les dix années que dure le
Premier Empire et participe de l’intelligibilité de l’organisation socio-politique. Du
choix des individus dépend en partie la réussite du projet napoléonien (2ème partie).
Pour autant, la municipalité que Napoléon espère au service de son système ne peut
l’être que dans la mesure où elle réussit à s’imposer comme un relais performant de
l’autorité de l’État et un administrateur efficace de la deuxième ville de France. Il est
donc absolument indispensable de déterminer précisément ce que fut la politique
municipale à Lyon dans le cadre de la mairie unique sous le Premier Empire (3ème
partie).
18
PREMIÈRE PARTIE :
LE CADRE INSTITUTIONNEL ET
RÉGLEMENTAIRE ET
LE FONCTIONNEMENT
DE LA MUNICIPALITÉ
19
La municipalité de Lyon est un acteur, modeste, de l’organisation politique,
administrative et sociale impériale. Animée par les individus qui la composent selon
la volonté du pouvoir central, elle voit sa capacité d’action et d’influence dépendre
essentiellement du dispositif réglementaire et institutionnel dans lequel elle s’insère
et qui borne très rigoureusement ses prérogatives. Par ailleurs, la mise en place d’un
tel dispositif est en quelque sorte la réalisation de principes politiques fondamentaux
qui, eux aussi, contribuent fortement à déterminer l’essence et l’étendue des
compétences attribuées à la municipalité. C’est pourquoi la connaissance du cadre
institutionnel et réglementaire dans lequel naît puis se meut la municipalité comme
l’observation de sa genèse sont tout à fait indispensables si l’on veut prendre la
mesure de ce que furent réellement la nature et l’importance de la mairie unique de
Lyon au sein de l’organisation napoléonienne tout en espérant participer à
l’intelligibilité de cette dernière.
La question qui, principalement, sous-tend cette première partie est double. Il
s’agit d’abord de savoir si le régime impérial se dote à Lyon de l’instrument
institutionnel idoine lorsqu’il fonde la mairie unique. Il s’agit ensuite d’évaluer à quel
point ce choix est révélateur de la nature de l’organisation et du système
napoléoniens.
L’analyse des différentes réformes et mesures abordées est, autant que faire se
peut, fondée sur le recours direct aux textes législatifs et réglementaires47 avant
d’éventuellement prendre en compte leur riche exégèse. Mais le souci a été
permanent de maintenir la présente étude en prise étroite avec la réalité lyonnaise.
Si certaines considérations peuvent conduire parfois à une certaine abstraction, il
faut toujours s’efforcer de raisonner en fonction du cas particulier qui constitue l’objet
d’étude et de garder les deux pieds fermement ancrés au confluent de la Saône et
du Rhône. L’historiographie lyonnaise ainsi que les fonds archivistiques municipal et
47
L’essentiel des textes auxquels il est fait référence sont répertoriés dans deux séries de volumes auxquels on
renvoie : DUVERGIER, Jean-Baptiste, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements et avis du
Conseil d’État de 1788 à 1830, Paris, A. Guyot éditeur, 1824-1834, 24 volumes. ISAMBERT, F.-A., Recueil
général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, Paris, Plon, 1830, 28
volumes, sans compter les deux séries d’Archives parlementaires, partiellement disponibles sur le site internet de
la Bibliothèque nationale.
20
départemental sont mis à profit dans le but de prendre en compte les éléments
contingents qu’une approche trop conceptuelle amènerait à négliger.
Lorsque le Consulat et le Premier Empire mettent en place l’organisation
administrative et territoriale appelée à structurer la vie politique locale et à régir les
relations entre les différentes institutions, locales et nationales, jusqu’à la fin du XXe
siècle48, il apparaît clairement que table rase n’est pas faite du passé, qu’il soit
monarchique ou républicain (section 1). Au contraire on peut repérer une forte
continuité entre le mouvement de centralisation initié après l’épisode douloureux de
la Ligue et le régime napoléonien qui, en quelque sorte, en constitue l’acmé. Dans ce
mouvement, la Révolution n’apparaît finalement pas comme une rupture, malgré les
velléités initiales de la Constituante, et l’étude de la décennie révolutionnaire
confirme notamment que la dynamique centralisatrice et uniformisante
s’accompagne aussi bien d’un éloignement des élites politiques vis-à-vis de la
population lyonnaise que d’une atteinte durable portée à leur légitimité.
Le régime napoléonien élabore une organisation politico-administrative et sociale
(section 2) qui est à la fois caractérisée par ce qu’elle hérite des périodes
précédentes et par ce qu’elle recèle de profondément original. Les institutions de la
mairie unique mettent en œuvre de manière particulièrement rationnelle et
volontariste les principes du gouvernement centralisé et uniformisé issus des
multiples débats antérieurs et façonnés en particulier par les penseurs du courant
physiocratique. Mais si la mise en place de la mairie unique à Lyon, en septembre
1805, se situe dans la continuité d’un mouvement de long terme, elle n’en est pas
moins vécue comme une rupture par les contemporains qui la rapportent
spontanément aux conditions politiques immédiatement antérieures, cruel
témoignage de l’abaissement de leur cité. Avec la mairie unique, c’en est fini de la
division de la ville en trois sections comme s’éloigne apparemment le spectre de la
marginalisation. En fait, c’est en partie parce qu’elle est reçue favorablement que la
réforme napoléonienne est rapidement un succès. Mais c’est aussi et surtout parce
qu’au-delà de l’efficace mécanique institutionnelle est proposée une formule originale
et globale qui modèle l’administration municipale en fonction des nécessités locales
48
La grande rupture en la matière est souvent considérée comme celle que constituent les grandes lois de
décentralisation de 1982 : OHNET, Jean-Marc, Histoire de la décentralisation française, Paris, Librairie
générale française, coll. « Livre de Poche », 1996, 351 p. ; BLANC, Jacques, RÉMOND, Bruno, Les collectivités
locales, Paris, Presses de la F.N.S.P., Dalloz, 1995, 699 p. [3e édition]
21
comme des besoins du système napoléonien et qui en confie la gestion à un corps
édilitaire choisi au sein de ce monde des notables que l’Empire contribue si fortement
à faire émerger.
22
Section 1. Un mouvement ancien de centralisation
L’étude de la municipalité lyonnaise sous le Premier Empire ne peut pas ignorer
que le temps d’une institution n’est pas seulement celui de son existence effective. Il
est impossible de prétendre méconnaître les évolutions et les débats qui, en amont
du relativement court moment dont on s’occupe, ont progressivement accouché du
contexte intellectuel, politique et social qui a présidé à la mise en place de la mairie
unique, en septembre 1805. La prise en compte de ce temps long – long au regard
des dix ans auxquels on s’intéresse – permet de mieux comprendre combien la
période napoléonienne propose à la fois une rupture et un prolongement vis-à-vis
des précédentes, de l’Ancien régime en particulier. Ainsi, alors que sera discutée,
plus tard, la question de savoir dans quelle mesure le Premier Empire a fait appel
aux hommes de l’Ancien régime et de la Révolution, il est question, ici et maintenant,
de déterminer jusqu’à quel point le Premier Empire hérite de l’Ancien régime et de la
Révolution en matière d’organisation administrative et territoriale. Or, la question se
complique dès lors que l’on veut bien admettre que l’héritage laissé par l’une et
l’autre de ces périodes n’est pas homogène et que l’on peut trouver sous les règnes
de Louis XV et de Louis XVI aussi bien des mesures centralisatrices que des essais
inverses. À cet égard, seule la période de la Première République offre un profil
globalement uniforme.
1. La perte d’autonomie de la municipalité lyonnaise sous l’Ancien régime
s’accompagne de la déliquescence du lien politique
L’histoire des autorités municipales lyonnaises sous l’Ancien régime peut être
vue comme celle de l’érosion inexorable de leur autonomie. En effet, du règne
d’Henri IV à celui de Louis XVI, la centralisation effectue des progrès considérables.
Or, ce mouvement de centralisation accrue s’accompagne de l’augmentation
continue de la distance séparant les administrateurs des administrés. Parallèlement,
on assiste à une progression de l’uniformisation des régimes et des institutions
administratives françaises, particulièrement pour ce qui touche aux municipalités.
23
1.1. L’Édit de Chauny inaugure une période de centralisation et
d’isolement des administrateurs
Même si la volonté monarchique de centralisation administrative n’a pas toujours
été suivie d’effets aussi nets qu’escompté, il semble aujourd’hui admis que l’effort de
mise sous tutelle d’État des communes est bien antérieur aux menées
révolutionnaires et impériales49.
Le 13 décembre 1595, Henri IV prend à Chauny un édit qui, s’il officialise une
évolution déjà largement amorcée50, institue des « nouveautés (qui) aboutissent à
faire du Consulat un ensemble plus stable, quasi-indépendant des Lyonnais et plus
facile à manœuvrer »51.
L’édit de Chauny réforme profondément le Consulat lyonnais. Il place à la tête de
la municipalité un prévôt des marchands. Noble, élu pour deux ans, le prévôt préside
l’échevinat – les séances consulaires – dont il fixe l’ordre du jour et tranche en
dernier ressort. Les douze consuls étant remplacés par quatre échevins assistés d’un
procureur et d’un secrétaire, l’institution municipale est à la fois réduite et
hiérarchisée ce qui permet un contrôle accru de la part du pouvoir central.
Kleinclausz souligne fortement cet aspect de la réforme :
La réforme s’inspirait avant tout du désir de réduire l’autonomie de la ville, de faciliter
l’intervention du gouvernement dans l’administration consulaire : la réduction du nombre des
échevins était le moyen de permettre le renforcement de la centralisation52
.
Dès 1595, le prévôt des marchands est nommé par le roi au moyen d’une lettre
de cachet. On sait que la nomination des responsables politiques et administratifs
49
À la suite de Tocqueville : TOCQUEVILLE, Alexis de, L’Ancien Régime et la Révolution, Paris, Gallimard,
1967, p.979-985. [1ère
édition : 1856] 50
La réforme s’inspire de l’exemple de la municipalité parisienne et d’un édit d’Henri II, pris en 1547, qui
réduisait le nombre d’échevins mais ne fut jamais appliqué : BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à
une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.14 ; KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.4-5. 51
BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon. t.2 : op.cit., p.90. 52
KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.5. Voir aussi : COURBIS, E., La municipalité
lyonnaise sous l’Ancien régime, Lyon, Mougin-Rusand, Walterer et Cie, 1900, p.89 et GUYAZ, Marc, Histoire
des institutions municipales de Lyon avant 1789, Lyon, Henri Georg, 1884, p.246. Yann Lignereux insiste sur les
conséquences financières de l’édit : « En réduisant le nombre des échevins, il met matériellement fin au système
de la prise en charge particulière, par les nouveaux élus, des dettes de leurs prédécesseurs : les cinq membres du
nouveau consulat ne peuvent en effet assumer les dettes de leurs douze prédécesseurs » : LIGNEREUX, Yann,
Lyon et le roi…, op. cit,, p.81.
24
locaux est une des marques du processus de centralisation53. On peut y voir le signe
de ce que le prévôt tend à devenir un agent de l’État. Il y a indéniablement sur ce
point une très forte continuité entre l’Ancien régime et l’Empire, la période des débuts
de la Révolution systématisant au contraire l’élection des fonctionnaires publics
locaux et apparaissant comme une parenthèse 54 . La pratique est instituée
progressivement selon laquelle le roi fait connaître par l’intermédiaire du gouverneur
son choix pour l’élection du prévôt et des deux échevins à élire. Le vote de
l’assemblée des terriers et des maîtres des métiers n’est dans de telles conditions
que la simple ratification de la volonté du roi55, ce dernier se réservant le cas échéant
le droit de casser un vote contraire de l’assemblée56. En outre, si l’ancien Consulat
continuait d’associer au moins formellement trois assemblées à l’administration de la
ville, la nouvelle institution néglige de plus en plus le rôle de ces assemblées. En
effet, l’assemblée des terriers et des maîtres des métiers élit toujours les échevins
alors qu’elle désignait les consuls mais le prévôt des marchands participe à la
séance électorale et vote publiquement le premier, exerçant ainsi une influence
décisive. Par contre, l’assemblée des notables formée de vingt à vingt-cinq anciens
conseillers, ou consuls, et l’assemblée générale formée de plus de deux cents
notables, auxquels sont associés soixante-dix à quatre-vingt terriers et maîtres des
métiers, sont de moins en moins consultées jusqu’à pratiquement disparaître au
cours du XVIIe siècle57.
En 1597, la ville de Lyon reçoit son premier intendant. Il est chargé d’exercer sur
l’institution consulaire un contrôle financier en concurrence avec le bureau des
finances de Lyon58 – les trésoriers de France contrôlent théoriquement les recettes et
dépenses consulaires – et le gouverneur de la province. Le gouverneur préside
53
CHABROT, Christophe, La centralisation territoriale : fondement et continuité en droit public français, thèse
de doctorat de droit public, Université de Montpellier 1, 1997, 548 p. [1 vol.]. Des réflexions et des éléments
d’informations très intéressants dans : VON THADDEN, Rudolf, La centralisation contestée : l’administration
napoléonienne, enjeu politique de la Restauration (1814-1830) : essai, Arles, Actes Sud, 1989, p.99-107. [1ère
édition, en allemand : 1972] 54
Dans le même temps, la Constituante opte pour des mandats de brève durée : GUENIFFEY, Patrice, Le
nombre et la raison. La Révolution française et les élections, Paris, Éditions de l’E.H.E.S.S., 1993, p.133-138. 55
Voir notamment LIGNEREUX, Yann, Lyon et le roi…, op. cit., p.196-213. Il est intéressant de noter que selon
cet auteur, Henri IV rejette la solution de « l’ostracisme consulaire » après l’épisode de la Ligue et au contraire
favorise la reconstitution de l’élite. 56
BAYARD, Françoise, Vivre à Lyon sous l’Ancien Régime, Paris, Perrin, 1997, p.70-71 ; COURBIS, E, La
municipalité lyonnaise…, op. cit., p.92-94. 57
BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon, t.2 : op. cit., p.88 ; LIGNEREUX, Yann, Lyon
et le roi…, op. cit., p.598. 58
DEHARBE, Karine, Le bureau des finances de la généralité de Lyon du XVIe au XVII
e siècle. Aspects
institutionnels et juridiques, Thèse de droit soutenue à l’Université Lyon III en décembre 2000.
25
l’assemblée générale de la commune lorsqu’elle est convoquée pour accorder une
aide financière au royaume et surveille l’utilisation des revenus de la ville. Cette
mission de « tenir le lieu du roi » est confiée, à Lyon, du début du XVIIe siècle jusqu’à
la Révolution, à la puissante famille des Villeroy59. Or, l’influence de ces grands
nobles de cour est telle que l’intendant est souvent empêché de jouer
convenablement son rôle de tutelle. Par ailleurs, le roi utilise les principales villes du
royaume et leur capacité d’endettement pour prélever de nombreux revenus au cours
du Grand siècle et ce, jusqu’au moins les deux premiers tiers du dix-huitième siècle,
en forçant en particulier les municipalités au rachat d’offices60. Il bénéficie pour ce
faire du ferme soutien du gouverneur, exceptionnellement influent à Lyon.
Il résulte de l’examen de cette période que la ville de Lyon se voit dépossédée de
son autonomie et assujettie à une tutelle du pouvoir central de plus en plus manifeste
sans que, pour autant, sa gestion, notamment financière, soit améliorée ni assainie.
En outre, Lyon apparaît comme un enjeu de pouvoir mettant aux prises Consulat,
gouverneur, intendant et roi, enjeu d’autant plus important que la capacité financière
de la ville est grande. Qui la capte accroît son pouvoir61.
Françoise Bayard peut affirmer à propos du XVIIIe siècle :
Si l’apparence du pouvoir est aux mains du Consulat, sa réalité est ailleurs : le roi a, dans la
place, de nombreux serviteurs. La juxtaposition de ces autorités tourne souvent à la
confrontation : conflits de préséance et de compétence se succèdent dans un étroit
microcosme que les réorganisations de 1764 et 1787 parviennent fort peu à ouvrir62
.
La période inaugurée par l’édit de Chauny est centralisatrice. Or, la centralisation
s’accompagne de l’éloignement croissant entre administrateurs et administrés. En
effet, la désignation par le roi du prévôt et des échevins ainsi que la marginalisation
des assemblées contribue fortement à promouvoir localement des personnalités qui
59
CUER, G., « Les Villeroy et la province du Lyonnais, Forez et Beaujolais, XVIIe-XVIII
e siècles », Chronique
du pays beaujolais de l’académie de Villefranche en Beaujolais, 1992, Villefranche, Bulletin n°16, p.33-39. 60
BAYARD, Françoise, Vivre à Lyon…, op. cit., p.63-64 ; BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à
une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.19-21 ; CHARLÉTY, Sébastien, « La ruine de Lyon sous Louis
XIV », dans Revue de Paris, mai-juin 1902, p.620-650. 61
« La bataille pour le contrôle des municipalités qui avait commencé, au XVIIe siècle, par celui des finances,
continua tout au long du XVIIIe siècle et constitua un des enjeux majeurs des luttes entre le souverain et les
États. Elle était favorisée par l’existence de pouvoir locaux hétérogènes, éparpillés, concurrents voire opposés » :
NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux à l’uniformisation en France au XVIIIe siècle », dans DUPUY,
Roger [dir.], Pouvoir local et Révolution, Rennes, P.U.R., 1995, p.87. 62
BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.77.
26
ne doivent plus l’essentiel de leur légitimité à représenter les habitants, ou du moins
les corps et catégories reconnues, mais bien à leur capacité à servir efficacement le
pouvoir central. Lorsque l’on ôte en réalité sa capacité de désignation des édiles à
l’assemblée des terriers et maîtres des métiers, on dissocie la fonction de
représentation de la capacité électorale. Lorsque l’on cesse de convoquer
régulièrement l’assemblée des notables ou l’assemblée générale, on distend le lien
qui existe entre le corps social et son administration. Les décisions sont de moins en
moins éclairées par l’opinion publique locale en même temps qu’elles perdent
l’opportunité de se réclamer de son consentement. C’est la nature du lien politique
local qui change, prélude à sa disparition progressive.
1.2. La réforme Laverdy : un pas vers l’uniformisation
Incontestablement les tentatives monarchiques d’uniformisation administrative
relèvent d’une volonté trop tardive et, pour dire le vrai, pâtissent d’une excessive
pusillanimité63. On note cependant que, depuis Louis XIV, le pouvoir royal renforce
son autorité sur l’organisation urbaine et qu’il s’ensuit un alignement progressif des
statuts, notamment après la réforme Laverdy. Cette dernière préconise en effet de
fixer des principes généraux. Le préambule de l’édit du 11 août 1764 en précise
l’objectif :
Afin que nos sujets puissent recueillir les fruits que nous attendons des mesures que nous ne
cesserons de prendre pour le rétablissement du bon ordre, partout où il aurait pu souffrir
quelque interruption.
La réforme Laverdy ne peut être interprétée dans la lignée de l’ambition
centralisatrice manifestée par l’édit de Chauny. En effet, lorsque François de
Laverdy, conseiller au Parlement de Paris, accède au Contrôle général en décembre
1763, il apparaît plutôt comme un représentant du courant libéral issu de
63
NICOUD, Marie-Odile, La première naissance de l’administration moderne (1750-1837), thèse de droit
public soutenue à l’Université Lyon 2, 1993, p.52-88.
27
Montesquieu64 visant notamment à réduire la tutelle des intendants. En fait, avec
Laverdy triomphe l’« idée que les intérêts locaux doivent être gérés par les
représentants des habitants »65.
Le contrôleur général a une incontestable ambition de réforme dont le cœur est à
chercher du côté de la volonté d’harmoniser le régime municipal. Si l’on a souvent
retenu des édits de 1764 et 1765 le projet de détruire les aristocraties consulaires, il
ne faut pas oublier que le but en était l’assainissement des finances des villes et le
moyen l’uniformisation de leur mode d’administration. Comme l’affirme Maurice
Bordes, les préambules des édits d’août 1764 et de mai 1765 sont révélateurs d’une
riche ambition :
Briser les oligarchies municipales, supprimer les offices vénaux, rétablir les élections, assurer
une meilleure gestion des finances locales, donner une certaine uniformité à l’administration
des villes du royaume66
.
La réforme Laverdy cherche effectivement à imposer une règle uniforme pour
l’administration de toutes les villes du royaume qui établit seulement une distinction
entre elles en fonction de la population et de l’importance des communautés. C’est
dans cette volonté d’uniformisation que se trouve la véritable nouveauté de la
réforme Laverdy. En effet, « que le roi cherchât à imposer ses volontés à tous n’était
pas chose nouvelle, le développement d’une administration monarchique couvrant
toutes les autres l’était davantage »67. Ainsi :
L’action de l’État était trop gênée par la diversité des situations, par l’enchevêtrement des
circonscriptions, par leur déséquilibre, pour ne pas chercher à les dépasser en imposant des
règles générales68
.
Les compétences dévolues à l’administration municipale sont clarifiées,
notamment en matière de contrôle financier, et reconnaissent implicitement la notion
d’affaires locales qui seraient du ressort des administrateurs locaux, anticipant en
64
Il s’agit même d’un représentant « naïf » de ce courant aux dires de Maurice Bordes : BORDES, Maurice,
L’administration provinciale et municipale en France au XVIIIe siècle, Paris, Société d’Édition d’Enseignement
Supérieur, 1972, p.254-255. 65
NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.61. 66
BORDES, Maurice, L’administration provinciale…, op. cit., p.254. 67
NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux… », op. cit., p.76. 68
Ibid., p.81.
28
cela sur les principes définis lors de la création des assemblées provinciales en
1787.
Le but du pouvoir administratif municipal est de régir les biens et de veiller à
l’ordre public à l’intérieur de la ville69. Ce pouvoir est détenu conjointement par les
deux nouvelles formations municipales qu’instituent, à Lyon, les lettres patentes du
31 août 1764 à savoir l’assemblée des notables et le corps de ville. L’assemblée des
notables se réunit au moins deux fois par an. Elle représente la commune, doit régir
ses biens et défendre ses intérêts. Elle examine les comptes du corps de ville et du
receveur. Elle peut, au nom de la ville, emprunter, faire des acquisitions ou des
aliénations, adjuger des baux, soutenir ou intenter des procès, envoyer des députés.
Le corps de ville, lui, régit et administre la commune, exécutant les décisions de
l’assemblée des notables et gérant les affaires courantes, c’est à dire celles que les
notables ont déterminées comme pouvant être gérées sans leur concours. Il peut
adjuger certains biens et revenus patrimoniaux de faible valeur. Il exerce la juridiction
des arts et métiers. Il veille au maintien de l’ordre sur le territoire de la commune.
Tout ce qui concerne la régie et l’administration ordinaire de la ville est donc réglé
par le corps de ville qui se réunit deux fois par mois. L’exécution incombe au corps
de ville et à lui seulement alors que l’assemblée des notables délibère « sur ce qu’il y
a à faire » et pour examiner « la chose faite »70.
Si le contrôleur Laverdy a réellement l’ambition d’uniformiser le régime
d’administration municipale du royaume, force est de constater que les édits de 1764
et 1765 sont en réalité souvent adaptés aux traditions municipales locales. Ainsi,
alors que l’édit du 11 août 1764 s’applique à toutes les villes et bourgs à l’exception
de Paris, des lettres patentes du 31 août présentent la « constitution particulière » de
la ville de Lyon71. La municipalité lyonnaise n’est donc pas organisée selon l’édit de
mai 1765 qui prévoit les modalités d’exécution de l’édit du 11 août 1764 mais bien
par les lettres patentes du 31 août 1764.
69
NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.70-72. 70
LEBER, M.-C., Histoire critique du pouvoir municipal, Paris, Audot éditeur, 1828, p.492. 71
Sur la réforme Laverdy à Lyon voir notamment : BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une
centralisation vigoureuse…, op. cit., p 21-24 ; KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.141-
150 ; NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p. 64-69.
29
Les lettres patentes, nous l’avons dit, instituent à Lyon deux nouvelles formations
municipales72. Le corps de ville est toujours constitué d’un prévôt des marchands et
de quatre échevins auxquels viennent s’ajouter douze conseillers de ville, un
procureur du roi, un secrétaire et un receveur (les trois derniers n’ayant pas voie
délibérative). Les conseillers de ville n’étant convoqués que de manière
extraordinaire, la gestion des affaires courantes revient donc au Consulat proprement
dit73 ce qui constitue un élément de forte continuité.
L’assemblée des notables adjoint dix-neuf notables lyonnais au corps de ville74.
On renoue là avec la tradition des anciennes assemblées générales d’habitants.
Pour s’en convaincre, il n’est qu’à observer sa composition ainsi que son mode de
désignation. L’assemblée des notables, en effet, compte deux officiers de la cour des
monnaies, un membre du chapitre de Lyon, un ecclésiastique, un noble, un trésorier
de France, un élu (représentant du siège de l’élection), un avocat, un notaire, un
procureur, cinq commerçants et quatre membres des communautés d’arts et métiers.
Les notables sont élus chaque année, dans les premiers jours du mois de décembre,
par une assemblée de députés à la composition proche75. Les députés sont désignés
par les différents corps et communautés et, assistés du prévôt, des échevins, des
conseillers de ville, du lieutenant général et du procureur du roi, procèdent en l’hôtel
de ville à l’élection des notables à la pluralité des voix76. Comme l’indique Marie-
Odile Nicoud, l’idée directrice de la réforme est « sinon de rétablir les vieilles
assemblées générales, du moins de donner un droit de regard aux représentants des
communautés qui composent la ville »77.
Ainsi, il apparaît que la réforme Laverdy, si elle a pour but l’uniformisation de
l’administration des villes – objectif loin d’être atteint compte tenu de la prégnance
des spécificités locales comme en atteste le cas lyonnais –, a également pour effet
de permettre la participation des habitants tout en la limitant par le biais d’un système
72
Maurice Bordes tend à relativiser la spécificité lyonnaise. Il affirme que la situation de Lyon est en fait peu
différente de celle des communes de plus de 4 500 habitants selon l’édit de 1764 : BORDES, Maurice,
L’administration provinciale…, op. cit., p.254-257. 73
Article 23 des lettres patentes du 31 août 1764. 74
Articles 14 et 15. 75
Articles 16 et 18. 76
En outre, on s’assure de la représentativité des notables puisque ne sont éligibles à la notabilité que des
personnes âgées d’au moins 35 ans, domiciliées dans la ville depuis au moins dix ans, n’ayant aucune fonction
exigeant leur résidence dans un autre lieu et ayant assumé déjà les charges de la communauté d’origine (article
16). 77
NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.62.
30
électoral complexe à plusieurs degrés. C’est que le contrôleur général estime que la
destruction des oligarchies municipales est nécessaire en vue d’imposer les mesures
nécessaires à l’assainissement des finances municipales78.
Il est vrai que le recrutement des consuls puis des échevins et prévôts des
marchands se fait traditionnellement dans l’étroite limite de l’aristocratie consulaire.
À Lyon, cette oligarchie municipale est essentiellement constituée de riches
marchands aspirant à cette noblesse héréditaire que confère aux anciens consuls un
édit de Charles VIII pris en 149579. Or, l’édit de Chauny ne fait que supprimer la
responsabilité en nom propre qui pesait sur le patrimoine personnel des consuls lors
de leur entrée en fonction mais ne change rien au fond. Au XVIIe siècle et dans la
première moitié du XVIIIe, seul un patriciat toujours plus restreint peut prétendre au
cursus honorum consulaire qui emprunte le rectorat des institutions charitables et la
Conservation80.
La réforme Laverdy supprime l’ancienne procédure électorale en même temps
que l’assemblée des terriers et maîtres des métiers qui, de toute façon, avait déjà
largement été dessaisie de son influence. Le nouveau système de désignation des
édiles rétablit théoriquement un lien plus substantiel entre administrateurs et
administrés. Le prévôt – dont le mandat est initialement de deux ans renouvelable
deux fois – est certes toujours choisi par le roi mais parmi trois personnalités élues
par l’assemblée des notables qui élit également les échevins, d’abord pour deux ans
renouvelables par moitié chaque année, mais aussi les conseillers de ville, pour six
ans, renouvelables par tiers tous les deux ans. L’assemblée des notables est donc
placée au centre du nouveau dispositif81. On peut estimer alors que d’un point de vue
général « cette réforme tend à faire participer la moyenne et la petite bourgeoisie à la
gestion des affaires municipales »82.
78
On retrouve là une problématique récurrente durant les dernières décennies de l’Ancien régime. Comment
imposer des réformes financières douloureuses aux catégories dirigeantes ? 79
À noter que l’édit de mars 1667 supprime la noblesse de cloche sauf pour Lyon et Toulouse : BLUCHE, F. et
DURYE, P., « L’anoblissement par charge avant 1789 », dans Les cahiers nobles, n°23 et 24, 1962, p.26. 80
C’est une ordonnance de 1774 qui limite ainsi l’accès à l’échevinat et au conseil de ville : BAYARD,
Françoise, Vivre à Lyon…, op. cit., p.165-167. 81
« Tout en imposant un système électoral compliqué, ils confient (les édits) le pouvoir à des assemblées de
notables élus à deux degrés par les principaux corps de la ville » : NICOUD, Marie-Odile, La première
naissance…, op. cit., p.61. 82
Ibid., p.65.
31
Pourtant, à Lyon, ce n’est pas l’assemblée des notables mais bien le corps de
ville qui élit le secrétaire, le receveur et le procureur du roi pour six ans. En outre, les
échevins ne peuvent être choisis que parmi les anciens conseillers de ville83, ces
derniers étant, pour un tiers d’entre eux au moins, obligatoirement d’anciens
échevins alors que tous ont été soit trésorier des hôpitaux soit membre du tribunal de
la Conservation84. L’ambition de détruire les oligarchies municipales paraît dès lors
bien compromise. L’aristocratie consulaire lyonnaise n’est en fait pas profondément
remise en cause par la réforme Laverdy. Tout au plus, la transmission héréditaire de
l’échevinat ayant disparue, ne se limite-t-elle plus à quelques familles mais plutôt à
une base sociale étroite – le commerce – au sein de laquelle quelques personnalités
nouvelles peuvent émerger85.
Finalement, les principaux auteurs s’accordent à reconnaître qu’en fait « le
pouvoir municipal appartient à quelques familles qui s’en partagent les diverses
attributions à l’amiable, et ce sous l’autorité du roi qui en désigne le chef »86.
La magistrature municipale, combinée avec le corps des notables, se recrutait par son unique
action et les seuls moyens qu’elle tirait de son sein ; (…) hors d’elle, il n’existait plus ni
capacité électorale, ni voie ouverte pour arriver à elle ; (…) en un mot, le droit d’élection
concentré dans le cercle étroit des notabilités émérites ou actives, n’était au fond qu’une
faculté reconnue à un très petit nombre de citoyens, qui s’exerçait et réagissait constamment
sur eux-mêmes, et toujours en présence et sous le contrôle des officiers du prince, dont elle
recevait ordinairement l’impulsion, et quelquefois la loi87
.
Alors que la réforme Laverdy reposait sur le double postulat qu’il fallait rompre
avec la mainmise des oligarchies municipales sur les affaires de la ville et rapprocher
les administrateurs des administrés, on s’aperçoit qu’une moindre volonté
centralisatrice peut s’accompagner en réalité d’un éloignement accéléré des autorités
municipales vis à vis de la population urbaine. Selon Marie-Odile Nicoud, finalement,
à Lyon, malgré l’ambition initiale du contrôleur général, « la participation directe des
83
Article 4 des lettres patentes du 31 août 1764. 84
Article 7. 85
GARDEN, Maurice, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, op. cit., p.287-290. Kleinclausz, quant à lui,
constate que « le recrutement se fit dans un petit nombre de familles » et que « les représentants du commerce et
de l’industrie étaient une minorité face à ceux du clergé, de la noblesse et des officiers » : KLEINCLAUSZ,
Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit.,, p.145. 86
NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.69. 87
LEBER, M.-C., Histoire critique…, op. cit., p.484.
32
habitants à la gestion des affaires de la ville est donc moins importante
qu’auparavant ».
L’assemblée des corps et communautés est uniquement une assemblée électorale : les
notables désignés, elle n’est plus convoquée. Les habitants n’ont plus la possibilité de donner
leur avis sur la gestion des hôpitaux, l’organisation des marchés ou la fabrication du pain. Ils
ne sont plus consultés par les magistrats municipaux lorsque ceux-ci veulent prendre une
décision concernant leur vie quotidienne88
.
C’est ce qui permet à Claude Nières d’affirmer qu’à la veille de la Révolution,
« quelle que fut la nature juridique du pouvoir municipal, il était entre les mains des
élites bourgeoises, souvent confisqué par quelques familles »89.
Si la réforme Laverdy fut une forte tentative d’uniformisation de l’administration
municipale, elle ne fut pas pour autant centralisatrice. Elle aurait dû contribuer à
rapprocher les administrés des administrateurs en affaiblissant les oligarchies locales
promues par le roi ou du moins confirmées par lui. Or, il apparaît que le mouvement
global de centralisation n’est pas atteint par la réforme90 en même temps que le
nouveau système électoral ne permet pas la participation accrue des habitants aux
affaires locales. Enfin, la volonté de réforme du contrôleur général s’est avérée trop
respectueuse des traditions locales pour espérer parvenir à uniformiser le régime
d’administration des villes du royaume.
Une des raisons de l’échec de la réforme Laverdy est sans doute que son parti
pris, en faveur de la participation accrue des propriétaires à la vie publique, a effrayé
à la fois l’aristocratie par son libéralisme mais aussi la bourgeoisie urbaine qui avait,
notamment à Lyon, intégré le fonctionnement oligarchique et adapté sa stratégie à la
connaissance du cursus honorum. Le régime napoléonien bénéficia en la matière
sans aucun doute de succéder aux bouleversements radicaux provoqués par la
88
NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.67. Tout de même, la rupture soulignée par cette
auteure est peut-être moins marquée qu’elle ne paraît le croire, l’assemblée des terriers et des maîtres des métiers
et l’assemblée générale ayant déjà perdu beaucoup de leur réalité au moment des édits de 1764 et 1765. 89
NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux… », op. cit., p.88. 90
La réforme Laverdy comprenait clairement la volonté de limiter l’influence de l’intendant. Ce n’est pas le
moindre de ses paradoxes que de correspondre, à Lyon, au moment ou, au contraire, l’intendant s’impose enfin
face au gouverneur de la province et accroît considérablement son autorité. À cet égard : BELDA, Pierre, D’une
décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.24-25.
33
Révolution. Il rassura en donnant l’impression de rétablir parfois des pratiques et des
équilibres anciens tout en stabilisant les principes et positions nouvellement acquis.
Quoiqu’il en soit, la réforme Laverdy a vécu lorsque l’abbé Terray, qui milite
depuis l’origine pour son abrogation, est nommé en 1769 contrôleur général des
finances. L’édit du 11 novembre 1771 abroge en effet l’ensemble des textes de 1764
et 1765, c'est-à-dire non seulement les édits mais aussi les arrêts et lettres patentes
parus à ce sujet. On le sait, l’expédient financier que sont les offices municipaux est
rétabli alors que la tutelle des intendants est raffermie. Les deux ambitions de la
réforme Laverdy – assainir les finances en s’attaquant aux oligarchies municipales et
diminuer la tutelle d’État sur les affaires locales – sont mortes. Or, à Lyon, la situation
est plus grave qu’ailleurs puisqu’en effet, alors que l’influence de l’intendant dont on
a vu qu’il prenait enfin le pas sur le gouverneur s’accroît considérablement – on
restitue notamment à l’intendant le contrôle des finances locales –, la ville se voit
comme Paris interdire le recours à la vénalité des offices 91 . C’est la fin de
l’autonomie du Consulat lyonnais.
Si la réforme Laverdy échoua largement, elle contribua néanmoins profondément
à initier un courant réformateur qui nourrit de ses réflexions et projets le débat sur
l’administration du royaume jusqu’à la veille de la Révolution. Ce courant,
extrêmement imprégné des théories physiocratiques comme on le verra, est même à
l’origine de la dernière grande tentative de réforme de l’administration territoriale de
l’ancien régime, la création des assemblées provinciales92.
1.3. À la veille de la Révolution : le lien politique est défait
La création des assemblées provinciales est sans effet réel sur Lyon. On peut
estimer qu’alors, l’ultime opportunité de refonder le lien politique local unissant les
administrateurs à leurs administrés et légitimant leur action est manquée.
91
Article 2 de l’édit du 11 novembre 1771. De toute façon, cet expédient financier n’avait qu’une portée très
limitée : BORDES, Maurice, L’administration provinciale…, op. cit., p.326-327. 92
Ibid., p.160-172.
34
Le renvoi de Calonne en avril 1787 sonne le glas de son ambitieux projet de
réforme mais n’en élimine pas la nécessité. Comme le note Maurice Bordes :
Les intendants représentaient, sans conteste, une forme d’administration plus moderne et plus
efficace que celle des compagnies judiciaires et des bureaux des finances. L’affaiblissement
du pouvoir royal et le développement de l’opinion publique rendaient toutefois indispensable la
création d’assemblées représentatives qui auraient pu coexister avec les intendants93
.
Ainsi, le successeur de Calonne, Loménie de Brienne, a-t-il à concevoir un projet
auquel l’édit du 22 juin 1787 donne vie sous la forme des assemblées provinciales et
municipales dans les pays d’élections.
Fort de l’expérience conduite en Berry avec succès depuis que l’arrêt du conseil
du 12 juillet 1778 y a établi une assemblée provinciale à l’initiative de Necker94,
Loménie de Brienne ne rejette pas totalement l’expérience de Calonne et instaure un
système à trois degrés d’assemblées au niveau de la paroisse, de l’élection et de la
généralité. Les villes, quant à elles, conservent leur organisation antérieure. Les
assemblées provinciales s’installent au niveau de chaque généralité dans les mois
qui suivent l’édit : le règlement du 30 juillet 1787 organise les trois niveaux
d’assemblées pour la généralité de Lyon95. Dotée de quarante-quatre membres,
l’assemblée provinciale siégeant à Lyon tient sa session préliminaire du 17 au 21
septembre à l’archevêché sous l’autorité de Montazet96. Système de compromis, les
assemblées provinciales sont respectueuses des distinctions d’ordre, la parité entre
les ordres privilégiés et le tiers étant la règle au sein de la commission intermédiaire
et de la désignation des procureurs-syndics en particulier 97 . Le système reste
centralisé : c’est l’intendant qui ouvre et clôture les sessions, donne son avis sur
chaque délibération et préside dans certains cas les travaux de la commission
93
Ibid., p.172. 94
L’intendant joue un rôle de surveillance vis-à-vis de cette assemblée respectueuse des distinctions d’ordres
mais instituant le vote par tête lié au doublement du tiers. Il est très important de souligner que les membres de
cette assemblée ne sont pas élus. Une autre assemblée provinciale est créée en Haute-Guyenne par l’arrêt du 11
juillet 1779. 95
Le règlement réglant les détails relatifs à l’organisation de l’assemblée du Dauphiné est signé le 4 septembre
1787. 96
TRÉNARD, Louis, La Révolution française…, op.cit., p. 111-112. 97
RENOUVIN, Pierre, Les assemblées provinciales de 1787, Paris, Gabalda et Picard, 1921, 450 p. ;
LÉVÊQUE, L., « L’assemblée provinciale de la généralité de Lyon et sa commission intermédiaire (septembre
1787-juillet 1790) », Revue d’Histoire de Lyon, 1909, p.325-346. L’assemblée provinciale de la généralité de
Lyon est présidée par l’archevêque et compte quarante-quatre membres désignés pour moitié par le roi pour
moitié par cooptation. Les habitants des villes et des campagnes doivent être également représentés.
35
intermédiaire. Le roi nomme le président de l’assemblée provinciale. Le système se
veut uniformisateur et pourtant une de ses conséquences est d’être potentiellement
générateur de conflits de compétences en ce qu’il crée à la base, au niveau des
municipalités, une nouvelle institution qui entre directement en concurrence avec le
régime municipal traditionnel. En effet, les assemblées municipales élues sont
dotées de prérogatives touchant la répartition de l’impôt98 ce qui les distingue de
facto des institutions municipales existantes. Le risque est clairement d’aboutir à une
dualité conflictuelle au niveau de l’administration municipale 99 . Pour pallier cet
inconvénient, la commission intermédiaire songe à une incorporation des nouveaux
élus au sein des anciens officiers municipaux. La situation à Lyon reste confuse
jusqu’à ce qu’éclate la Révolution puisque jamais aucun parti n’est pris. Si la
création, en 1778 et 1787 et dans les pays d’élections, des assemblées provinciales
est « l’aveu formel de l’insuffisance du régime administratif de ces pays »100, au final
la réforme apparaît insuffisamment audacieuse. Alors que les vœux émis par les
assemblées se révèlent eux aussi bien timides, l’opinion publique se montre vite
indifférente puis hostile « à l’égard d’une institution inefficace et sans relief »101.
À Lyon, le Consulat n’est en rien affecté par la réforme, ni dans son organisation
ni pour ce qui touche à ses attributions. C’est assez dire toutes les limites de la
mesure. Cette dernière est pourtant d’une grande importance pour la question de
l’administration locale et notamment municipale. Comme le souligne avec justesse
Pierre Belda, « l’édit d’août 1787 distingue des fonctions relatives à l’intérêt général
(article 2), qui appartiennent à l’administration d’État et d’autres qui relèvent de
l’intérêt local (articles 8 et 11) »102.
Les constituants feront de cette distinction déjà esquissée par le contrôleur
Laverdy un des principes de base du régime municipal et un des fondements de
leurs velléités décentralisatrices.
98
Article 2, section 1, du règlement du 5 août 1787. 99
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.26-28 ;
NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.86-88. 100
OLIVIER-MARTIN, François, L’administration provinciale à la fin de l’Ancien Régime, Paris, Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence, 1997, p.389. [1ère
édition : 1988] 101
BORDES, Maurice, L’administration provinciale…, op. cit., p.171. 102
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.28.
36
À la veille de la Révolution, le Consulat lyonnais apparaît largement comme une
institution vide des prérogatives essentielles, ayant perdu toute autonomie et,
surtout, de plus en plus coupée de l’opinion publique, d’une part parce qu’il ne
recrute que dans un petit nombre de familles et d’autre part parce qu’il ne tire plus sa
légitimité de sa capacité à garantir la paix sociale et la prospérité de la ville mais bien
de son aptitude à servir le roi et notamment ses exigences financières103. Il devient
évident que les édiles sont coupés à la fois d’une large partie des élites économiques
de la ville et de la majeure partie du peuple urbain. Ignorant chaque jour davantage
leurs revendications, ils risquent de provoquer leur hostilité :
Les échevins subissaient donc la pression des exclus de la gestion municipale, d’une partie
des notables locaux, souvent des milieux commerçants, du négoce mais aussi des milieux
populaires dont ils craignaient les explosions104
.
Or, on constate que cette fracture entre les édiles et la grande masse de la
population constitue une rupture du « pacte local » qui jusqu’alors assurait la stabilité
politique de la ville. En effet, la population lyonnaise a, sous l’Ancien régime, pris
l’habitude de se manifester lors de crises graves touchant en particulier à ses
conditions de vie. La réaction des autorités municipales face à ces « humeurs » est
alors toujours un mélange d’autorité et de paternalisme mais jamais un déni de la
revendication ainsi portée devant elles. Les arbitrages rendus ont pour fonction bien
sûr de calmer la révolte ou la foule mais aussi de rééquilibrer en faveur des
catégories sociales touchées par la crise, et dans les limites des règles sociales
communément admises, le rapport de force local. In fine, les administrateurs voient
dans cette manière de faire un moyen efficace de conserver le pouvoir et de
maintenir le peuple dans un rapport de subordination. Or, les dernières crises qui
affectent la société lyonnaise à la fin de l’Ancien régime témoignent de la rupture de
ces équilibres et de l’inédit isolement des édiles. Ainsi, une grave crise affecte,
quelques années avant la Révolution, l’économie lyonnaise et tout particulièrement la
103
Françoise Bayard ajoute que « la multiplication des autorités et leur juxtaposition les unes aux autres au cours
des siècles a entraîné des suspicions et des conflits tenaces entre les différents organismes avant tout attentifs
maintenir leurs propres pouvoirs et à limiter ceux des autres ». BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.],
Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.105. On trouve semblable idée chez André Latreille : LATREILLE, André [dir.],
Histoire de Lyon et du Lyonnais, Privat, 1975, p.261. 104
NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux… », op. cit., p.88.
37
Fabrique105. En proie à une grande vulnérabilité, les artisans et les ouvriers de la soie
réclament d’une part la séparation des maîtres marchands et des maîtres ouvriers et
d’autre part l’instauration d’un tarif. Conformément au « pacte local » implicitement
en vigueur à Lyon, le prévôt des marchands, l’intendant de commerce ainsi que les
maîtres gardes envisagent durant l’hiver 1786 l’établissement d’un tarif106. Or, face à
l’agitation qui touche les chantiers de Perrache ou encore les guinguettes des
Charpennes au printemps, face au développement de violences dans les quartiers
des Terreaux et jusqu’à Bellecour en août, le Consulat, après avoir esquissé
quelques concessions salariales, choisit de réprimer durement le mouvement
revendicatif. Trois condamnations à mort sont prononcées par le Présidial. Pour
Antonino de Francesco :
La révolte de 1786 nous propose les règles de la vie politique de l’Ancien Régime (…) ce qui
étonne (…) c’est le choix de la solution répressive de la part des autorités : par une telle
action, en effet, l’échevin paraît briser le cadre politique traditionnel, car il se serait résolu à
l’emploi de la force bien avant que les possibilités de médiations aient abouti. En bref, à la
veille de la révolution, il semble que ce soit surtout les administrateurs qui soient disposés à
dépasser les limites imposées par la tradition et à poursuivre la recherche d’une plus grande
autonomie vis-à-vis d’un peuple qui apparaissait désormais comme une menace pour les
piliers de la société lyonnaise. Par contre, il est certain que le peuple ne pouvait comprendre
un choix qui brisait la sacralité du pacte entre administrateurs et administrés et c’est aussi à
cause de telles démarches que l’échevinage finit bientôt par perdre le soutien d’un grand
nombre de ses partisans traditionnels107
.
L’administration municipale lyonnaise, lorsque survient la Révolution, n’est plus
génératrice de lien politique. Profondément transformée au fur et à mesure de
l’affirmation de la volonté centralisatrice de la monarchie, elle apparaît de plus en
plus comme un rouage d’exécution de la politique royale plutôt que comme un
promoteur actif des intérêts de la ville et des différentes catégories de sa population.
Elle ne semble plus à même d’arbitrer entre les revendications divergentes que
portent devant elles les composantes les plus dynamiques du corps social. Enfin,
105
L’ensemble des secteurs « exportateurs » sont en butte à de sérieuses difficultés dues essentiellement à
l’accroissement de la concurrence dans un contexte d’évolution rapide de la mode et de resserrement du crédit.
Voir notamment : TRÉNARD, Louis, La Révolution française…, op. cit., p.106-109. 106
Sur le déroulement de ce conflit de la Fabrique : BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit, p.24-26. 107
DE FRANCESCO, Antonino, « Les rapports entre administrateurs et administrés à Lyon dans les premières
années révolutionnaires (1789-1793) », dans BENOIT, Bruno [dir.], Ville et Révolution française (actes du
colloque de Lyon, mars 1993), Lyon, P.U.L., 1994, p.217-228.
38
largement déconsidérée, elle ne constitue plus un représentant efficace du pouvoir
du roi et, partant, n’est plus un rempart solide pour son autorité.
2. À la faveur de la Révolution, la centralisation, l’uniformisation et la
distance séparant les administrés des administrateurs s’accroissent
Après avoir évoqué les tentatives de réforme de l’organisation administrative
sous l’Ancien régime et les débats inhérents, on admettra avec Jacques Godechot
qu’en la matière « ce n’est donc pas une doctrine philosophique et politique qui dirige
les Français dans leurs aspirations révolutionnaires mais tout un bouillonnement
d’idées parmi lesquelles il leur faudra choisir et que la monarchie, du reste, avait déjà
partiellement essayé d’appliquer »108.
En effet, les révolutionnaires conçoivent, entre 1789 et l’an III, une série de
mesures qui méritent d’être vues parce qu’elles témoignent, par leur complexité et
leur diversité, de la richesse des solutions envisageables et, par ce que l’on peut
repérer de leur homogénéité à compter de 1790, de la force de la dynamique
centralisatrice enclenchée depuis le Grand siècle.
2.1. 1789 : naissance d’un cadre durablement uniforme
La Révolution a eu pour première conséquence majeure dans l’ordre de
l’organisation administrative de faire prévaloir définitivement le principe de
l’uniformisation. En effet, dès 1789, les constituants établissent un modèle qui est
généralisé infailliblement à l’ensemble du pays. Si ce modèle initial est en place
jusqu’à l’an III, il est remplacé alors par un nouveau cadre qui, bien que très différent,
est tout aussi uniformisateur comme l’est bien évidemment plus tard le schéma
retenu en l’an VIII. À compter de 1789, les communes de France sont donc à
quelques exceptions près – la partition de Bordeaux, Lyon, Marseille et Paris en l’an
III en est une – organisées et administrées selon des modalités identiques.
108
GODECHOT, Jacques, Les Institutions de la Révolution française et de l’Empire, Paris, P.U.F., 1968, p.15.
[1ère
édition : 1951]
39
En 1789, les travaux des constituants ont pour effet d’établir les bases durables
de l’administration locale et de parvenir à la rendre uniforme. La loi du 14 décembre
1789 régit les municipalités :
La nouvelle organisation administrative repose sur les principes essentiels qui demeurent à la
base de la révolution française. (…) Aux yeux des constituants, la volonté d’unification
nationale ne saurait se concevoir sans l’appui d’une machine administrative uniforme reposant
sur quelques cadres simples109
.
Les institutions municipales mises en place en 1789 à Lyon s’organisent donc
selon un modèle étendu à l’ensemble des municipalités françaises. Leur étude rapide
permet de mettre en lumière la nature du projet des constituants.
La municipalité s’organise autour d’un maire, d’un procureur de la commune et
de son substitut qui, avec les vingt officiers municipaux, composent le corps
municipal. Lorsque se joignent à eux les quarante-deux notables que compte la
commune, on est en présence du conseil général de la commune.
La municipalité est donc dotée d’un maire. Élu pour deux ans, renouvelable une
fois110, il ne possède aucun pouvoir propre. La loi reconnaît en effet des attributions à
l’administration municipale qui sont de la compétence du corps municipal dans son
entier, le maire n’en étant qu’un simple membre exécutif. Malgré tout, le maire est au
centre de l’administration municipale. On voit à la lecture des procès verbaux qu’il
influence beaucoup les délibérations111. Il préside les assemblées du conseil général,
du corps municipal et du bureau selon le paragraphe 2 de l’instruction du 14
décembre 1789. L’article 4 de la loi du 14 décembre 1789 fait de lui le « chef » de la
municipalité. Mais, dénué de réelles prérogatives, il doit absolument avoir la
confiance de ses collègues pour jouer son rôle. Dans le cas contraire, il n’a pas de
109
CLÈRE, Jean-Jacques, « Administrations locales », dans SOBOUL, Albert [dir.], Dictionnaire historique de
la Révolution française, Paris, P.U.F., 1989, p.6. 110
Il ne peut briguer un troisième mandat qu’après un délai de carence de deux ans. 111
AML, 1217 WP 001-004, Corps municipal, registre des actes et délibérations, 1790-1793. Les procès-
verbaux des séances du conseil municipal de Lyon des périodes révolutionnaire et impériale sont aisément
consultables aux Archives municipales de Lyon sous la forme de microfilms (série 2 MI 14). Ils sont en outre
désormais numérisés.
40
moyens légaux pour s’imposer. À cet égard, la démission de Nivière-Chol en février
1793, girondin modéré se heurtant à une municipalité jacobine, est très éclairante112.
Le procureur de la commune et son substitut sont élus dans les mêmes
conditions que le maire et pour la même durée. À Lyon, on trouve, comme dans
toutes les communes de plus de 10 000 habitants, un substitut113. Ce dernier est
tous les jours en fonction car le procureur seul ne suffit pas114. Le procureur est
censé être l’agent du roi ; il est surtout l’avocat d’office des citoyens de la commune.
Il représente la commune dans les affaires contentieuses. Élu, il est davantage un
membre à part entière de la collectivité locale – il a voix consultative dans toutes les
délibérations – qu’un agent de l’exécutif central. Le procureur se révèle de peu
d’influence à Lyon malgré des compétences réelles en matière de police115 : il fait
notamment fonction d’accusateur public devant le tribunal de police municipale.
Les officiers municipaux sont à Lyon au nombre de vingt, en sus du maire : c’est
le nombre réservé aux villes de plus de 100 000 habitants selon l’article 25 de la loi
du 14 décembre 1789. Élus pour deux ans au scrutin de liste double 116 et
renouvelables par moitié chaque année, ils forment l’élément actif et permanent du
conseil général de la commune.
Les quarante-deux notables sont élus à la pluralité relative des suffrages lors
d’un unique scrutin de liste selon l’article 30 de la loi du 14 décembre 1789. Élus
pour deux ans, ils sont eux aussi renouvelables par moitié chaque année. Il est très
important de noter que les notables ne forment pas un corps distinct. Ils ne peuvent
s’assembler que dans le cadre du conseil général de la commune qu’ils forment avec
les officiers municipaux117.
Alors que les affaires quotidiennes, c'est-à-dire la gestion des biens, la voirie et
la répartition des impôts, sont du ressort du corps municipal et que les affaires
importantes (acquisition ou aliénation d’immeubles, impôts extraordinaires, procès,
emprunts…) sont du domaine du conseil général au complet, on peut estimer que
112
Nivière-Chol est l’auteur de deux lettres de démission datées des 7 et 9 février 1793 : AML, 1217 WP 004.
Sur ces événements : BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon…, op. cit.,
p.21-25. 113
Articles 27, 28, 29 et 44 de la loi du 14 décembre 1789. 114
Ce constat est établi par le conseil général de la commune le 12 octobre 1792 : AML, 1217 WP 004. 115
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.83. 116
Ils sont élus à la majorité absolue lors des deux premiers tours puis à la majorité relative pour les postes restés
vacants. 117
Ce que rappelle l’instruction des 12-20 août 1790. À propos des Instructions de l’Assemblée constituante :
VERPEAUX, Michel, La naissance du pouvoir réglementaire (1789-1799), Paris, P.U.F., 1991, p.108-111.
41
d’une manière générale « les municipalités ont un pouvoir réglementaire assez
étendu »118. Expressément dotées de la personnalité morale, à la différence notable
des départements par exemple, elles héritent d’une grande partie des pouvoirs
seigneuriaux de police, dirigent la garde nationale, peuvent requérir la force armée et
proclamer la loi martiale alors que certains de leurs membres forment un tribunal de
police municipale, ce qui d’ailleurs constitue une entorse au principe de la séparation
des pouvoirs119. Néanmoins, il faut souligner que l’État conserve un pouvoir de tutelle
sur les municipalités en plusieurs occurrences (vérification des comptes de la régie
des bureaux municipaux, autorisation et approbation des délibérations prises sur des
sujets d’importance majeure, acquisition ou aliénation d’immeubles, impositions
extraordinaires, emprunts, travaux publics d’intérêt local, autorisation de plaider)
alors même qu’il s’agit de matières reconnues comme d’intérêt local. Car c’est bien
un des apports essentiels de la loi municipale de 1789 que de distinguer, dans la
continuité de ce que proposa la réforme de 1787, deux catégories de fonctions : les
fonctions propres à la commune (gestion des biens communaux, police, dépenses
locales) et les fonctions déléguées par l’État (répartition et perception des impôts,
travaux publics d’intérêt général). Il va sans dire que s’agissant des dernières, l’État
exerce pleinement un pouvoir de type hiérarchique.
On peut sans doute établir un lien entre l’organisation de la municipalité ainsi
décrite et celle retenue par la réforme Laverdy, indéniable corollaire de leurs
communes velléités décentralisatrices. Corps de ville là et corps municipal ici sont
assistés de notables dont l’existence est justifiée par leur aptitude à représenter plus
exactement la population. Mais dans chacun des deux projets les prérogatives
essentielles demeurent concentrées entre les mains d’un « noyau exécutif », les
notables n’ayant de prérogatives qu’une fois réunis au consulat et aux conseillers
dans un cas, aux officiers municipaux dans l’autre.
118
CLÈRE, Jean-Jacques, « Administrations locales », op. cit., p.8. 119
Ibid., p.9.
42
2.2. 1789 : un premier élan décentralisateur timide
1789 n’est pas une « date fatidique » et « la Révolution n’a pas créé un fossé
infranchissable entre l’ère moderne et l’ancien droit »120. Ainsi les constituants, si les
réformes administratives de 1789 sont incontestablement novatrices et radicales,
mettent en place une nouvelle organisation municipale qui prend en compte les
réformes tentées sous l’Ancien régime par une monarchie qui s’efforça suffisamment
longtemps, souvent et inefficacement à la réforme pour essayer des solutions qui
s’inspirent de courants d’idées et servent des forces sociales divers.
Le projet Thouret, dont l’assemblée prend connaissance le 29 septembre 1789,
apparaît très décentralisateur, dotant d’importantes prérogatives des circonscriptions
administratives agencées « géométriquement et symétriquement » 121 . Or, les
constituants vont largement atténuer l’ambition novatrice et décentralisatrice du
rapport et mettre par là en évidence la prégnance de l’héritage de l’Ancien régime.
Le décret relatif à la constitution des municipalités du 14 décembre 1789, celui relatif
aux assemblées de département, district et canton, adopté le 22 décembre 1789,
complétés par le décret du 26 février 1790 qui précise le découpage et fixe les chefs-
lieux des quatre-vingt-trois départements n’organisent pas cette « anarchie légale »
dont parle Taine122 et où les municipalités seraient réduites à l’état d’administrations
privées indépendantes. Tout juste la Constituante tente-t-elle de passer « de la
diversité centralisée à l’unité décentralisée »123.
Selon la loi du 14 décembre 1789, les municipalités sont bel et bien placées sous
le contrôle de corps administratifs. Si, globalement, on peut considérer que la
municipalité révolutionnaire hérite à Lyon des compétences qui étaient celles du
Consulat, elle se voit, dans le domaine de la police notamment, confier des
compétences déléguées par l’État central ce qui plaide pour son appartenance à
l’administration publique et qui permet de comprendre que la décentralisation de
120
OLIVIER-MARTIN, F, L’administration provinciale…, op. cit., p.389. 121
CLÈRE, Jean-Jacques, « Administrations locales », op. cit., p.6. 122
« En vertu de la constitution, l’anarchie spontanée devient l’anarchie légale » : TAINE, Hippolyte, Les
origines de la France contemporaine, Paris, Robert Lafont, 1986, t.1, p.451. [1ère
édition : 1875-78] 123
TIMBAL, Pierre-Clément et CASTALDO, André, Histoire des institutions et des faits sociaux, Paris, Dalloz,
1979, p.571.
43
1789 n’est qu’une « décentralisation timorée »124. L’élection des officiers municipaux,
au suffrage direct qui plus est (les administrateurs du département et du district sont
élus au suffrage indirect à deux degrés), est un fort indice de décentralisation.
Néanmoins, les édiles ne bénéficient pas d’une très large autonomie décisionnelle
puisque le directoire de département exerce un contrôle étroit sur les délibérations
municipales. D’autre part, la faiblesse chronique des ressources financières dont
dispose la municipalité la prive de fait de tout pouvoir. On le voit, le mouvement
centralisateur qui caractérise au fond l’Ancien régime n’est pas fondamentalement
interrompu. Le mouvement amorcé suffit néanmoins pour faire qu’à Lyon le « souci
d’autonomie à l’égard du pouvoir central » soit désormais un fait dominant de la
période125.
C’est plutôt en matière de démocratie locale que se situe la rupture avec l’Ancien
régime. La Révolution fait reposer la désignation des fonctionnaires locaux sur un
corps électoral plus large que précédemment, lorsque les élections consulaires
étaient l’apanage des corps et autres corporations. La Révolution, on le sait, institue
la distinction entre citoyen actif et citoyen passif126. Or, à Lyon, le cens, ou plutôt la
valeur de la journée de travail, est fixé relativement bas, à dix sous le 17 février 1790,
par les officiers municipaux réunis au comité de la garde nationale127 puis à quinze
sous, le 29 avril 1791, par le département128. L’orientation démocratique insufflée par
les constituants est indéniablement plus poussée à Lyon que dans la plupart des
villes comparables même si l’on peut nuancer ce constat en observant que lorsque le
seuil d’éligibilité est fixé à dix journées, la journée de référence est, elle, fixée à vingt
sous129. Ainsi, seuls 12,8 % des actifs peuvent prétendre à l’éligibilité (un peu plus de
32 000 actifs130). Il s’agit bien entendu d’une élite socialement très privilégiée. Pierre
Belda estime qu’elle est constituée pour un premier tiers de marchands et de
124
L’expression est de Pierre Belda qui en fait le titre du premier chapitre de la première partie de sa thèse,
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.55. 125
GUTTON, Jean-Pierre, Histoire de Lyon et du Lyonnais, op. cit., p.82. 126
GUENIFFEY, Patrice, Le nombre et la raison, op. cit., p.42-51. 127
AML, 1217 WP 001. 128
ADR, 1 L 105, Délibérations et arrêtés du Directoire du département. Arrêté du directoire du département de
Rhône-et-Loire, le 29 avril 1791. 129
AML, 1217 WP 001. 130
Maurice Garden avance le chiffre de 32 105 citoyens actifs soit environ 84 % des hommes adultes selon
l’analyse de la contribution mobilière de 1791: GARDEN, Maurice, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, thèse
dactylographiée, 1975, t.2, p.5-10.
44
négociants, pour un deuxième tiers de ci-devant nobles, ecclésiastiques, professions
libérales et titulaires d’offices roturiers et pour le tiers restant d’artisans131.
Ce progrès de la démocratie locale n’est pas sans soulever quelques
controverses touchant aux questions de principe. Or, les événements lyonnais des
premiers mois d’application de la réforme vont avoir pour conséquence d’amener les
différents acteurs à trancher et vont faire jaillir les principales solutions à des
problèmes largement inédits.
À la base du nouveau système électoral se trouve la section. À Lyon, trente-deux
sections sont créées correspondant grossièrement aux vingt-huit pennonages
d’Ancien régime dans le cadre desquels la vieille milice bourgeoise était organisée.
Ces sections forment autant d’assemblées primaires au moment de l’élection. Or, il
se trouve que la section n’a pas seulement une fonction électorale. Aux termes de
l’article 62 de la loi du 14 décembre 1789, elle peut présenter des observations aux
différentes administrations (commune, district, département) ainsi qu’à la
représentation nationale (corps législatif) et au roi. En outre, la convocation des
assemblées de section doit être ordonnée par le conseil général de département qui
ne peut s’y opposer si cent cinquante citoyens actifs le demandent (article 24) : le
nouveau droit révolutionnaire consacre de la sorte l’apparition de la souveraineté
nationale mais le risque est grand de voir apparaître un conflit entre deux
conceptions de la démocratie, l’une directe, l’autre représentative.
D’autre part, un autre risque important réside dans la possible ingérence des
institutions ou populations locales dans le domaine de la loi, par nature national.
Lorsqu’éclate à Lyon, en juillet 1790, une émeute des octrois132, les sections se
mobilisent pour exiger par la voix de commissaires élus le 9 juillet l’abolition des
octrois. La pression est telle qu’en effet, le conseil général de la commune abolit les
octrois le 10 juillet 1790. Or, au regard de la loi, cette décision est en tous points
illégale. Logiquement, le 17 juillet, l’Assemblée nationale annule par décret « les
procès-verbaux et délibérations des prétendus commissaires des trente-deux
sections de la ville de Lyon des 9 et 10 de ce mois »133 et rétablit les octrois. Une
131
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.60-63. 132
Sur ces événements : BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon…, op.
cit., p.61-63 ; KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op. cit., p.268-270 ; TRÉNARD, Louis, La
Révolution française…, op. cit., p168-169 et p.220-222. 133
Assemblée Nationale, séance du 17 juillet 1790, Archives Parlementaires, t.17, p.165.
45
adresse du conseil général de la commune en informe la population, le 21 juillet, ce
qui provoque la poursuite des émeutes et, en retour, la proclamation de la loi
martiale134. On voit bien que ce qui est en jeu alors est tout bonnement le respect
des prérogatives du législateur et du domaine de la loi par des populations et des
administrateurs locaux qui se trouvent encouragés par les avancées démocratiques
et la reconnaissance du principe de souveraineté nationale.
Patrice Gueniffey montre magistralement que la question posée est bien celle
des modalités de la mise en pratique du principe essentiel de souveraineté
nationale :
La nation élit mais c’est toujours, dans l’incapacité de se réunir autrement, divisée en sections.
Or, le droit d’élire constituait une fonction de la souveraineté appartenant à la nation
envisagée comme un seul tout, donc un droit national indivisible. La représentation issue du
suffrage populaire résultait dans son principe des volontés individuelles dont l’universalité
composait la nation et non de la volonté des sections concourant réellement à l’élection, ces
dernières ne pouvant se prévaloir d’aucun des droits appartenant au tout. La doctrine
représentative « pure », reconnaissant seulement d’un côté des volontés individuelles, de
l’autre leur représentation collective, conduisait à une situation paradoxale : chaque citoyen
exerçait sa part individuelle de la souveraineté nationale dans le cadre d’une circonscription,
d’une réunion partielle de citoyens elle-même dépourvue de tout droit à l’exercice de la
souveraineté135
.
Très vite, le législateur va encadrer cette sorte de « référendum
municipal » instauré par les sections lyonnaises : la loi des 18-22 mai 1791 limite les
possibilités de réunion des assemblées de sections comme leurs possibilités de
délibérations, principalement aux affaires locales 136 . La municipalité et les
assemblées de section sont cantonnées aux affaires lyonnaises. Il s’agit de ne point
concurrencer le corps législatif. Triomphe alors dans les faits la notion de démocratie
représentative, y compris au niveau local. Par contre, ces événements et la solution
qui fut trouvée montrent qu’il existe un pouvoir municipal s’exerçant sur des « affaires
propres aux communes, leur appartenant par nature »137.
134
La loi martiale est en vigueur à Lyon du 27 juillet au 17 août. 135
GUENIFFEY, Patrice, Le nombre et la raison…, op.cit., p.149. 136
Pierre Belda remarque que dix fois avant le siège, entre le 22 mai 1790 et le 21 octobre 1792, les assemblées
de section sont convoquées à leur demande par le conseil général de la commune. Or, cinq fois la convocation
est nulle aux termes de la loi des 18-22 mai 1791 : BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une
centralisation vigoureuse…, op. cit., p.68-69. 137
Ibid., p.69.
46
2.3. La Révolution centralisatrice
On peut repérer, dans le fracas des événements qui bouleversent Lyon au cours
de la décennie révolutionnaire, la progression du mouvement centralisateur.
L’installation de la première municipalité conforme aux bouleversements de 1789
se fait à Lyon le 12 avril 1790138. Les élections se déroulent par section139 et toute
idée de candidature officielle ou de campagne électorale est bannie. La volonté
initiale est toute démocratique et recoupe la volonté d’annihiler l’influence des
anciens corps intermédiaires que les différentes réformes d’Ancien régime – y
compris la réforme Laverdy – préservaient. Or, ce processus électoral inédit aboutit à
la désignation comme maire du très consensuel Fleuri Zacharie Palerne de Savy
(1733-1835), ancien avocat général aux cours de Lyon (1774) et membre d’une
famille consulaire lyonnaise. Derrière la victoire des grands bourgeois
constitutionnels apparaît clairement celle des notables d’Ancien régime : on compte
trois anciens échevins dans le corps municipal140 et seulement un artisan parmi les
officiers municipaux. Ainsi, la volonté des constituants d’instaurer la démocratie
locale et, par ce moyen, de rompre avec les oligarchies traditionnelles aboutit au
résultat paradoxal de voir se maintenir au pouvoir les élites d’Ancien régime et se
prolonger des réflexes politiques anciens. L’apparition à l’occasion des élections
suivantes, en décembre 1790, de listes officieuses de candidats141 et, surtout, le
retrait sous le coup des événements de la grande bourgeoisie lyonnaise et de
l’ancienne noblesse échevinale conduit, dans un contexte de baisse de la
participation électorale, à l’élection du patriote Louis Vitet (1736-1809)142 et à la
profonde modification de la composition socio-culturelle de la municipalité marquée
en particulier par la forte progression des artisans143. Ce qui est frappant est de voir
le lien entre les citoyens actifs et a fortiori passifs et les édiles se distendre alors
138
BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon…, op. cit., p.16-17. 139
L’article 7 de la loi du 14 décembre 1789 stipule que les assemblées électorales se tiendront bien selon un
critère géographique et non par « métiers, professions et corporations ». 140
Nolhac, Vaubret-Jacquier et Félissent. 141
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.107-109. 142
BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Vingt quatre maires de Lyon pour deux siècles d’histoire, Lyon,
Éditions Lugd, 1994, p.22-24. Son frère, Jean-François (1750-1824), est un grand notable départemental du
Premier empire : REY, Jean-Philippe, « Les notables du Rhône : une nouvelle élite ? », op. cit. 143
Ils forment 22,72 % du corps municipal et 52,63 % des notables : BELDA, Pierre, D’une décentralisation
hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.112.
Vitet est réélu le 24 décembre 1791 alors qu’il vient de démissionner. La municipalité conserve un an encore une
composition comparable et peut être considérée comme républicaine.
47
même que la désignation du personnel politique et administratif local se fait plus
démocratique. Ce phénomène s’accroît encore alors même que le suffrage universel
masculin instauré par le décret des 11-12 août 1792 est appliqué pour la première
fois à Lyon les 1er et 5 novembre 1792. En effet, les élections sont alors organisées à
Lyon de manière anticipée, suite à la défection de nombreux membres de la
municipalité qui amène les officiers municipaux à écrire au ministre de l’Intérieur,
Roland, le 24 octobre :
La commune de Lyon doit être composée de 65 membres…Dans le moment elle se trouve
privée de plus de la moitié de ses officiers ; elle est surtout privée des chefs, tels que le maire,
le procureur de la commune, et son substitut. (…) (Or), la ressource des remplacements est
épuisée parmi les notables, parce que les uns remplissent des devoirs incompatibles avec les
fonctions municipales ; d’autres ont donné leur démission ; (…) la mort [en] a enlevé
quelques-uns….144
.
La Convention décrète que la municipalité de Lyon doit être renouvelée de
manière urgente, avant tous les autres corps administratifs 145 . Si les artisans
deviennent alors majoritaires dans le corps municipal (55,55 %) comme parmi les
notables (67,74 %)146, le nouveau maire, Antoine Nivière-Chol, est un représentant
de la bourgeoisie libérale et cultivée147. Les « Chalier » qui viennent à la fois de
connaître un essor rapide et l’échec de leur candidat s’appuient désormais sur la
nouvelle Société des jacobins lyonnaise, se coupent de la base et mènent la
politique d’une faction. Les enjeux de type idéologique prennent le pas sur les
questions locales et contribuent à méconnaître les équilibres sociaux ainsi que les
pratiques politiques traditionnels. À propos des « Chalier », Bruno Benoit montre que
leur méconnaissance du contexte socio-économique lyonnais explique en grande
partie leur échec :
La Fabrique a, au-delà des hiérarchies et des stratégies individuelles, une identité de groupe.
(…) Il existe une réelle solidarité professionnelle reposant sur une complémentarité
économique et sur une communauté d’intérêt…En ignorant cette alchimie sociale, (…) et en
144
AML, 1401 WP 036, Actes de l’administration municipale (7 février – 16 novembre 1792). Lettre de la
municipalité lyonnaise au ministre de l’Intérieur, le 24 octobre 1792. Le maire Vitet et le substitut Pressavin ont
démissionné le 12 septembre et le procureur Champagneux, le 15. 145
Convention, Décret du 28 octobre 1792, Archives Parlementaires, t.53, p.25. 146
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.130. 147
BENOIT, Bruno, SAUSSAC, Roland, Vingt quatre maires de Lyon, op. cit., p.25-27. Son fils, Laurent-
Antoine (1780-1840), est du corpus des édiles étudié (Annexe VII, notice n°65).
48
cherchant à détruire ce syncrétisme, les « Chalier » déclenchent dans la majorité de la
population lyonnaise liée au travail de la soie, (…) un réflexe de rejet …148
.
Alors que les jacobins orientent désormais la politique municipale, la question
essentielle du lien entre les élus et la population locale se pose brutalement. Ce lien
se distend au moment même où sa nature devient incertaine. Selon Antonino de
Francesco :
Dans la lutte municipale on peut entrevoir aussi bien les tensions et les dérapages qui
accompagnent l’effort d’affirmer une nouvelle culture politique que les nombreuses
résistances à une forme de gouvernement qui paraissait renverser toutes les traditions et
toutes les habitudes collectives149
.
Ainsi, l’insurrection sectionnaire lyonnaise peut être au moins partiellement
interprétée à l’origine comme un mouvement révolutionnaire d’intérêt local ayant pour
motivation le maintien du lien, de la dépendance des administrateurs vis-à-vis des
administrés. Ce n’est que sa concomitance avec la chute des girondins à la
Convention et l’amorce des menées fédéralistes qui donne une dimension de guerre
civile d’envergure nationale au mouvement insurrectionnel et qui le précipite du côté
de la contre-révolution. Or l’insurrection du 29 mai 1793 peut être située dans
l’histoire de la progression à Lyon de la nouvelle culture politique démocratique
articulée avec la progression de la centralisation en même temps qu’avec la mise en
place d’un régime administratif uniforme. Le développement de cette nouvelle culture
politique est contesté car il heurte les habitudes collectives héritées de l’Ancien
régime. Il apparaît clairement que les pratiques traditionnelles avaient favorisé les
rolandins de la même manière que la création d’un espace politique inédit participait
du triomphe du jacobinisme d’inspiration parisienne. Ainsi, le mouvement
insurrectionnel lyonnais est bien davantage d’essence antijacobine et antiparisienne
que strictement fédéraliste150. Néanmoins, on le sait, la radicalisation de l’opposition
à la Convention fait rapidement sortir l’insurrection lyonnaise du cadre d’une
148
BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit., p.34-35. En ce sens on peut rejoindre François Furet lorsqu’il
montre qu’à compter du Neuf thermidor la société réelle prend sa revanche sur l’illusion de la politique :
FURET, François, Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978, p.80-87. 149
DE FRANCESCO, Antonino, « Les rapports entre administrateurs et administrés à Lyon dans les premières
années révolutionnaires (1789-1793) », op. cit., p.218. 150
RIFFATERRE, Ch., Le mouvement Antijacobin et Antiparisien à Lyon et dans le Rhône-et-Loire en 1793 (29
mai-15 août), Genève, Mégariotis, 1979, 2 t. [1ère
édition : 1912]
49
revendication de démocratie locale et de décentralisation car « les officiers
municipaux provisoires interrogent les sections en qualité de membre du souverain
en leur demandant de se prononcer sur des décrets de la Convention nationale »151.
On retrouve ici la revendication de reconnaissance de la souveraineté nationale
déjà repérée en 1790 en même temps, sans doute, que l’aspiration des Lyonnais à
ne pas subir une politique vécue comme parisienne.
On sait le sort que connut l’insurrection lyonnaise et il est intéressant de noter
que l’écrasement de la révolte comme la victoire sur le mouvement fédéraliste sont
immédiatement suivis d’un durcissement des principes révolutionnaires et, pour ce
qui touche au domaine dont il est question ici, centralisateurs. Ainsi, par son décret
du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), la Convention limite-t-elle les pouvoirs des
organes collégiaux. Les administrations de département n’ont plus autorité sur les
districts et les municipalités152. Ces deux dernières administrations deviennent les
deux supports essentiels de l’action révolutionnaire, les districts surveillant
l’exécution des lois révolutionnaires qu’appliquent les municipalités. À l’échelon
municipal, les procureurs des communes sont remplacés par des agents nationaux,
également élus mais qui envoient des rapports décadaires aux comités de salut
public et de sûreté générale. On le voit, l’État central accroît considérablement son
influence. Il peut d’ailleurs désormais, par l’intermédiaire des représentants en
mission, révoquer les fonctionnaires des administrations locales153. C’est la fin de
tout espoir d’autonomie administrative pour les autorités municipales.
Si, durant les premières années de la Révolution, il existe à Lyon une démocratie
locale représentative incluant la possibilité d’interventions citoyennes consultatives,
la municipalité lyonnaise n’est jamais très autonome vis-à-vis des administrations
supérieures. Mais en augmentant ainsi considérablement le contrôle du pouvoir
central sur les autorités locales, le gouvernement révolutionnaire intègre les
151
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.143. La
municipalité provisoire exerce son autorité à Lyon du 30 mai au 9 octobre 1793. 152
Ibid., p.517 : « La centralisation impose la transmission de la volonté du centre vers la périphérie. Afin de
réaliser un tel objectif, la surveillance exercée par le pouvoir central sur les « collectivités » locales doit être
particulièrement rigoureuse. Jusqu’à la révolte fédéraliste, le contrôle des actes municipaux appartenait au
département. Les Conventionnels ne sauraient lui maintenir leur confiance et l’utiliser comme un instrument de
la centralisation ». 153
Sur l’évolution des pouvoirs des représentants en mission : BIARD, Michel, Missionnaires de la République,
Paris, Éd. du C.T.H.S., 2002, p.185-229.
50
municipalités à une véritable chaîne d’exécution. La centralisation ne peut se limiter
durablement à un contrôle a posteriori et les administrations locales sont privées de
l’initiative de leurs actes. Pour reprendre l’expression de Claude Nières, la
centralisation se fait de plus en plus « exécutive »154.
Le 19 vendémiaire an II (10 octobre 1793), un arrêté des représentants réintègre
le maire Bertrand, le procureur Émery et onze officiers municipaux155. Ce sont les
conseils des 2 brumaire, 27 brumaire, 8 frimaire et 14 nivôse an II qui proposent de
s’adjoindre plusieurs officiers supplémentaires, sous le contrôle des représentants.
Le 24 pluviôse an II (12 février 1794) : un arrêté des représentants156 nomme une
municipalité conforme à la loi du 14 décembre 1789 : un maire, vingt officiers
(l’essentiel d’entre eux sont reconduits), quarante-deux notables. Pour satisfaire au
décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), sont également nommés un agent
national de la commune et son substitut 157 . Cette série de nominations, toutes
éminemment politiques, parachève l’œuvre de centralisation158.
La période qui s’ouvre après Thermidor ne modifie pas la nature des équilibres
nouveaux et ne remet pas en cause la culture politique qui s’est progressivement
instaurée à partir de 1789.
Bien sûr, le décret du 28 germinal an III (17 avril 1795) met fin au gouvernement
révolutionnaire et réorganise les administrations sur leurs anciennes bases jusqu’à
ce que la constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) vienne à nouveau changer
les cadres et les règles de fonctionnement des administrations locales. Mais pour ce
qui est de la vigueur de la centralisation réduisant la municipalité au rôle d’agent de
la politique de l’État central, pour ce qui est de l’éloignement désormais consacré des
administrateurs vis-à-vis des administrés et pour ce qui est de l’uniformisation de
l’organisation administrative et territoriale, l’œuvre révolutionnaire se poursuit
infailliblement. Que l’épuration des diverses administrations locales et, partant, de la
154
Pour lui, la centralisation a un double caractère. De haut en bas, elle est exécutive. De bas en haut, elle est
informative : NIÈRES, Claude, « Les obstacles provinciaux à l’uniformisation en France au XVIIIe siècle », op.
cit., p.81-82. 155
BML, Fonds Coste 354.349, Recueil des arrêtés des représentants du peuple depuis le 9 octobre 1793. Arrêté
du 19 vendémiaire an II (10 octobre 1793). 156
Il s’agit alors de Fouché, Laporte et Méaulle. 157
BML, Fonds Coste 354.349, op.cit. Arrêté du 24 pluviôse an II (12 février 1794). 158
La municipalité jacobine réintégrée après le siège de Lyon exerce son autorité du 19 vendémiaire au 23
thermidor an II (10 octobre 1793 - 10 août 1794).
51
municipalité chasse les vainqueurs d’hier pour placer ceux du jour159 ne fait que
souligner la permanence d’une pratique particulièrement révélatrice de l’état de
subordination de l’administration municipale vis-à-vis de l’État. Bien entendu, la
révocation de Bertrand par l’arrêté du 11 fructidor an II (28 août 1794) et son
remplacement par Alphonse Salamon160 a une profonde signification politique : sont
nommés avant tout des bourgeois antijacobins acteurs de la terreur blanche161 et la
municipalité devient thermidorienne162. Elle est surtout la marque de la profonde
soumission de la municipalité lyonnaise à l’État central, même si l’influence des
notables dans le processus d’épuration des diverses administrations locales est
réelle163.
Les municipalités qui se succèdent ensuite sont nommées durant une période de
transition étonnement longue, de messidor an III (juin 1795) à ventôse an IV (mars
1796). Le cas de la première d’entre elles est particulièrement révélateur des
hésitations du temps. Accusée d’excessive complaisance à l’égard des contre-
révolutionnaires, la municipalité de Salamon est suspendue par un décret du 6
messidor an III (24 juin 1795). La police est alors transférée à l’état major de la place
pendant que l’administration de l’état civil et le comité des subsistances deviennent
autonomes (arrêté des représentants du 10 messidor an III – 28 juin 1795). Des
administrateurs provisoires sont d’abord nommés avant que quinze officiers
municipaux provisoires soient installés le 3 vendémiaire an IV (25 septembre 1795) :
une municipalité provisoire est installée pour treize jours.
C’est qu’à Lyon, la situation tarde plus qu’ailleurs à être mise en conformité avec
l’organisation administrative instituée par la constitution de l’an III. La municipalité en
159
La destitution des membres de la municipalité terroriste est progressive : elle a lieu les 24 thermidor et 11
fructidor an II, le 7 brumaire an III et 23 ventôse III. 160
SAUSSAC, Roland, « Le plus énigmatique des maires de Lyon : Salamon (1794-1796) », Cahiers Rhône 89,
1990, n°4, p.71-73. 161
Bruno Benoit note que «les violences collectives thermidoriennes sont réactionnaires car derrière la foule,
dont l’importance a été gonflée par les autorités pour justifier leur impuissance, il faut voir l’action des royalistes
présents à Lyon, avec Imbert-Colomès comme chef de file, qui cherchent à rétablir l’ordre ancien, celui d’avant
1789 » : BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit., p.44. 162
La municipalité thermidorienne exerce son autorité du 24 thermidor an II (11 août 1794) au 11 messidor an
III (29 juin 1795). 163
Pierre Belda montre que ces nominations sont faites après que les représentants - eux-mêmes modérés - ont
demandé l’avis aux notabilités (par l’intermédiaire du district sous forme de listes de candidats par exemple) et
ont suivi une opinion publique en voie de radicalisation auprès de laquelle le Journal de Lyon joue un rôle
important. « L’opinion publique est ainsi devenue le corps électoral d’une municipalité sans élection » : BELDA,
Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.545.
52
place164 d’ailleurs s’en plaint165 et les trois municipalités du Directoire sont finalement
installées le 7 ventôse an IV (26 février 1796). C’est l’acte de décès de la
municipalité unique et la fin de l’organisation municipale issue de la loi du 14
décembre 1789.
Au moyen de la constitution de l’an III, la centralisation continue de progresser.
Si les municipalités sont remaniées, les districts sont quant à eux supprimés166 et les
départements voient leur administration profondément modifiée (article 174 et
suivants). La nouvelle circonscription territoriale de base est le canton. Lyon divisée
en trois municipalités, le bureau central nommé par le département et approuvé par
le Directoire apparaît pour les tâches indivisibles. L’autorité centrale est
considérablement renforcée. D’autant que le Directoire est représenté par un
commissaire du Directoire nommé auprès de chaque administration municipale
comme auprès de l’administration de département167.
Il est désormais clair que « pour l’essentiel les grandes villes sont administrées
par le gouvernement central. La hantise des mouvements populaires, le poids
politique d’un maire élu ont décidé les constituants de l’an III à enlever toute
autonomie aux grands centres urbains »168.
D’une manière générale, on assiste à un accroissement des compétences
municipales dans les domaines relatifs à l’administration générale de l’État et à
l’intégration des municipalités dans l’appareil d’État. La centralisation s’accroît et se
fait de plus en plus politique. Elle n’est plus seulement un mode d’administration et
de gouvernement mais bien un moyen de contrôler étroitement le loyalisme des
administrations publiques locales.
164
Il s’agit de la municipalité nommée par arrêté des comités de gouvernement du 5 vendémiaire an IV (27
septembre 1795) en application des décrets du 14 ventôse et du 21 prairial an III (4 mars et 9 juin 1795). Le
maire, le marchand de soie Ricard, et le procureur, l’ancien avoué Perret, ne seront jamais installés : AML, 518
WP 003, Administration de la commune. Correspondance relative à l’installation des municipalités. 165
AML, 1401 WP 040, Actes de l’administration municipale (4 floréal an III-16 nivôse an IV). Lettre de la
municipalité au directoire du département du Rhône datée du 5 nivôse an IV (26 décembre 1795) : « Il est bien
cruel pour les citoyens de la commune de Lyon de se voir privés d’un des plus grands bienfaits de la
Constitution, celui de nommer (…) ses magistrats (…), tandis que la France entière a joui de cet avantage.
Sommes-nous donc destinés à vivre éternellement sous un gouvernement révolutionnaire (…) ? ». 166
Ils ont été les supports les plus actifs du gouvernement révolutionnaire. 167
C’est la première fois dans l’histoire de la Révolution qu’un commissaire du pouvoir exécutif central n’est
pas élu. 168
CLÈRE, Jean-Jacques, « Administrations locales », op. cit., p.10.
53
Section 2. L’organisation napoléonienne
La Révolution, une fois qu’elle a renoncé à ses timides promesses
décentralisatrices initiales, apparaît largement comme la matrice de l’organisation
administrative centralisée que le Consulat puis le Premier Empire mettent en place.
Certaines des tentatives conduites sous l’Ancien régime ne sont pas pour autant
dénuées d’influence, comme il est possible de le voir notamment en ce qui concerne
le projet porté par Calonne en 1787. En outre, la mise en place de la mairie unique à
Lyon est très largement anticipée par les mesures de réorganisation de
l’administration des territoires prises dès après Brumaire.
Pourtant, c’est le paradoxe de cette réforme que d’être profondément annoncée
par les principales évolutions administratives, politiques et institutionnelles en cours
et d’apparaître en même temps comme une rupture avec ce qui précède. Le Lyon de
Napoléon n’est plus divisé et ne semble plus aussi manifestement abaissé que par le
passé.
De fait, clairement liée à certaines réformes amorcées avec plus ou moins de
réussite depuis les années 1760, offrant la perspective d’une rupture avec le
mouvement d’affaiblissement de Lyon aggravé en 1793, la solution impériale en
matière d’organisation administrative municipale s’avère profondément originale.
1. L’installation de la mairie unique : dans l’esprit de la réorganisation
consulaire
Par un courrier en date du 27 fructidor an XIII (14 septembre 1805), le conseiller
de préfecture Defarge – il remplit alors par intérim les fonctions de préfet – convoque
extraordinairement le conseil municipal de la ville de Lyon afin de procéder le 1er jour
de l’an XIV (23 septembre 1805) à l’installation du nouveau maire et de ses six
adjoints169. Il exécute ainsi la volonté impériale exprimée par deux décrets donnés,
l’un du palais impérial de Milan le 4 prairial an XIII (24 mai 1805) prescrivant les
modalités à suivre pour l’installation des municipalités uniques restaurées à Lyon,
169
AML, 1217 WP 030, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (30 floréal an XIII – 15 mai
1807). Séance du 1er
vendémiaire an XIV.
54
Bordeaux et Marseille par la loi du 15 ventôse an XIII (6 mars 1805)170, l’autre du
camp de Boulogne le 16 thermidor an XIII (4 août 1805) nommant l’exécutif
municipal.
1.1. Parachever l’œuvre du Consulat
La mise en place d’une mairie unique à Lyon, comme dans les deux autres villes
qui en avaient été privées en l’an III, est un événement qui parachève en réalité
l’œuvre de restauration de l’autorité municipale dans un cadre administratif et
politique rénové par la constitution de l’an VIII (décembre 1799) et par la loi du 28
pluviôse an VIII (17 février 1800) 171 . Alors que les communes retrouvent
l’administration propre dont elles ont été privées sous le Directoire, la loi du 28
pluviôse an VIII met en place un système centralisé.
Un système d’administration dans lequel l’exécution comprise en termes absolus relève
exclusivement du gouvernement. (…) L’exécution est impartageable, toute partition la
subvertit car elle est alors exposée à l’incertitude et à l’approximation. Aussi bien, répugne-t-
elle à s’ancrer dans un organisme collégial sous peine de se déliter172
.
Rejetant la tradition du pouvoir collégial comme celle de dispersion du pouvoir
sous prétexte de l’équilibre des institutions, les concepteurs de la loi du 28 pluviôse
ne peuvent en réalité tenir que comme une anomalie la division de la ville en trois
sections multipliant ainsi les interlocuteurs du gouvernement et notamment de son
représentant départemental, le préfet. Au nom de l’efficacité, la réunion des trois
divisions est, dès l’an VIII, inéluctable.
La mesure correspond en fait à un vœu vigoureusement exprimé par les élites
politiques lyonnaises jusqu’à ce qu’il soit satisfait par l’empereur. En germinal an IX
(mars 1801), prairial an X (juin 1802) puis en pluviôse an XIII (janvier 1805), le
conseil général du département présente au ministre de l’Intérieur trois rapports
170
Annexe I. 171
Des extraits de la très importante loi du 28 pluviôse an VIII figurent en annexe I. 172
La loi du 28 pluviôse an VIII deux cents ans après : survivance ou pérennité ?, Paris, Presses universitaires de
France, 2000, p.27.
55
circonstanciés sur le sujet. Au nom de la rationalité économique et de l’efficacité
politique, on y réclame la création d’une mairie unique173. Au sein de la municipalité,
c’est Sain-Rousset, le maire du Midi, qui se montre le plus actif. Il adresse aux
consuls, en thermidor an X (juillet 1802), une « proposition de faire supprimer la
pluralité des municipalités et les commissariats généraux de police dans les villes de
Lyon, Bordeaux et Marseille »174. Les Lyonnais sont soutenus dans leur action par le
préfet. Lui aussi milite ardemment en faveur de la réunion des trois mairies, avec une
liberté de ton qui ne sera bientôt plus de mise :
Cette division détruit tout moyen de centraliser les opérations ; elle nuit à la prompte
expédition des affaires, apporte fréquemment obstacle à la rentrée des contributions,
s’oppose à l’uniformité des mesures et donne lieu à des réclamations tardives et isolées qui
multiplient, en pure perte, les décisions. Ces trois municipalités entrainent d’ailleurs des
dépenses infiniment plus fortes que si l’administration municipale était centralisée. (…) Il
importe donc que la ville de Lyon n’ait qu’une seule municipalité. La chose publique y gagnera
sous tous les rapports, et je ne crains pas d’avancer que le vœu général se réunit ici au vœu
particulier que j’en forme et que je n’hésite point à manifester. (…) Jamais il n’y aura à Lyon
une bonne administration tant qu’elle sera divisée comme elle l’est et jamais cette harmonie
nécessaire entre l’autorité supérieure et celle qui lui est subordonnée n’existera tant que cette
dernière sera partagée entre trois maires qui souvent sont divisés entre eux mais qui se
rallient toujours quand il s’agit de se mettre en opposition avec l’autorité supérieure175
.
C’est sur la base de l’ensemble de ces argumentaires que Napoléon demande
au ministre de l’Intérieur de réfléchir à un projet de décret sur les attributions à
accorder aux maires ainsi qu’aux commissaires généraux des trois villes176.
Le déroulement de la séance inaugurale du 1er vendémiaire an XIV (23
septembre 1805) montre très clairement que l’Empire souhaite mettre en lumière
l’étroite continuité unissant le régime de la mairie unique conçu sous l’Empire et celui
des trois mairies, tel qu’il a été organisé sous le Consulat. En tant que telle, la mairie
unique est un aboutissement. Ainsi le conseil se réunit-il sous la présidence de Jean-
173
AN, F1b
I 242, Projet de mairie unique. Les conseillers généraux imaginent un maire associé à quatre adjoints
qui subordonneraient un délégué à la police. 174
AN, F1c
III Rhône 9, Correspondance et divers. Rapport du 14 prairial an X (3 juin 1802). 175
AN, F1c
III Rhône 5, Comptes-rendus administratifs, Courrier du préfet Najac au ministre de l’Intérieur (29
pluviôse an X – 18 février 1802). 176
Ibid. Note du 22 ventôse an XIII (13 mars 1805).
56
Marie Parent, maire de la division du Nord177, en l’hôtel de ville. Il est significatif de
constater que parmi les quatorze membres du conseil municipal présents, douze ont
été nommés sous le Consulat178. C’est évidemment à eux que s’adresse le conseiller
de préfecture lorsqu’il rend hommage, après avoir déclaré maires et adjoints installés
dans leurs fonctions, aux « fonctionnaires exercés » qui se voient honorés par une
nouvelle nomination étant les « candidats les plus dignes » pour les « nouvelles
places »179. S’exprimant après Defarge, Jean-Marie Parent, s’il se félicite du choix de
Nicolas-Marie Fay de Sathonay pour succéder aux trois maires, précise que la
désignation de ceux-ci comme ses adjoints est un moyen de « rendre sensible pour
nos concitoyens le passage de l’ancienne à la nouvelle administration »180. Même si
les trois adjoints sortants ne sont pas, eux, renouvelés181, Parent offre au nouveau
maire la collaboration et l’expérience de ses deux anciens collègues, André-Paul
Saint-Rousset et André Bernard-Charpieux182 en même temps que les siennes. Il
s’agit bien là de lier sans ambiguïté l’action de la nouvelle administration à celle de
l’ancienne.
Si importante qu’elle soit, la mise en place de la mairie unique n’est donc pas
tant présentée comme une rupture que comme un prolongement attendu de la
réforme administrative entreprise après Brumaire. Or, cette nouvelle et ultime étape
conçue comme une « nécessité » n’est permise que par la « stabilité générale »,
acquis du nouveau régime183, qui permet au commissaire général de police Dubois
de déposer entre les mains du nouveau maire les attributions à lui dévolues par la loi
ou plus exactement par le décret impérial du 28 fructidor an XIII (15 septembre
1805).
Dernier orateur, Fay de Sathonay ne manque pas de faire le double éloge du
nouveau régime et des réalisations des trois mairies remaniées sous le Consulat.
C’est en effet au maire qu’il revient désormais d’incarner à Lyon la profonde unité
des deux régimes napoléoniens en même temps que celle – retrouvée – de la ville.
177
Il a alors 51 ans et s’exprime en tant que plus âgé des trois anciens maires. 178
Il s’agit de Arlès, Champanhet, Charrasson. Chirat, Devillas, Hervier, Leclerc de la Verpillière, Loyer, Petit,
Ravier, Riverieulx et Rivoire. Aynard et Grailhe de Montaima sont nouvellement nommés. Le nombre total de
conseillers est alors, anormalement, de 24. Les notices individuelles de chacun de ces individus se trouvent en
annexe VII, comme celles de tous les édiles du corpus dont les noms figurent dans les pages qui suivent. 179
AML, 1217 WP 030. Séance du 1er
vendémiaire an XIV, discours de Defarge. 180
Ibid. Discours de Parent. 181
Les trois adjoints nouvellement nommés sont Pernon, Regny fils aîné et Charrier de Senneville. 182
Sous le Consulat, Sain-Rousset est maire de la division du Midi, Bernard-Charpieux de celle de l’Ouest. 183
AML, 1217 WP 030. Séance du 1er
vendémiaire an XIV, discours de Dubois. L’analogie avec le passage du
Consulat à l’Empire quoique implicite semble évidente.
57
1.1.1. Le maire est avant tout un agent du pouvoir central
Le maire détient seul le pouvoir exécutif dans la commune. L’essentiel de la loi
du 28 pluviôse « concernant la division du territoire français et l’administration »
réside dans l’établissement, pour chaque circonscription territoriale, d’un agent
unique, véritable agent du gouvernement, assisté de conseils délibérants aux
compétences limitées. En ce qui concerne la commune, l’article 7 de l’arrêté du 2
pluviôse an IX (22 janvier 1801), précise explicitement que le maire est « seul chargé
de l’administration », que seul il peut assembler ses adjoints, les consulter lorsqu’il le
juge nécessaire et leur déléguer une partie de ses fonctions. Le commissaire général
du gouvernement auprès du bureau central de la commune est supprimé, par arrêté
des consuls, le 21 nivôse an VIII (11 janvier 1800)184.
On le sait, le régime napoléonien 185 abandonne dès l’origine le principe de
l’élection des responsables locaux. L’article 41 de la constitution de l’an VIII prévoit
explicitement que le premier consul nomme et révoque à volonté les membres des
diverses administrations locales. Dans l’esprit de la loi, le maire apparaît donc bien
d’abord comme un élément exécutif obéissant au gouvernement et au préfet puisque
l’administration locale est remise au préfet, « administrateur au pouvoir indéfini,
plénipotentiaire du gouvernement »186 qui dispose de relais aux degrés administratifs
infra-départementaux que sont l’arrondissement et la commune. La loi du 28
pluviôse, en confiant, au titre de son article 18, la nomination du maire soit au
premier consul soit au préfet, dans les communes de moins de 5 000 habitants, fait
de lui un fonctionnaire de l’État.
Or, rompant avec le principe de l’élection, la loi tend à fixer clairement les
compétences municipales que, globalement, elle étend. C’est en vertu du même
principe, celui de l’efficacité, que sont prises ces deux orientations totalement
complémentaires.
184
AN, F1b
I 106. À Lyon, Jantet Bruysset, nommé le 27 floréal an VII (16 mai 1799) en remplacement d’Allard,
quitte donc ses fonctions. 185
L’expression pour être commode n’en est pas moins inexacte puisque de régime napoléonien il n’y eut point
en réalité. Mais il semble possible de l’utiliser tant sur le thème qui nous occupe comme sur bien d’autres la
continuité entre le Consulat et le Premier Empire est patente. 186
La loi du 28 pluviôse an VIII…, op. cit, p.28.
58
L’exécutif municipal est un « relais indispensable de la centralisation
administrative »187 dont les pouvoirs attribués par délégation de l’État sont précisés.
Mais le maire doit également être à même d’agir, bien que toujours sous l’étroite
tutelle de l’État, dans le cadre précisé de compétences propres limitées. Il apparaît
en effet comme disposant également d’une autorité propre sur la commune et sur
l’étendue de son territoire. Cet aspect de sa fonction contribue à identifier fortement
le maire à la commune, à la localité dont il a la charge. Unique détenteur du pouvoir
exécutif, le maire n’est pas seulement à la tête de l’administration municipale mais il
est bien en mesure d’apparaître à tous ses administrés comme le représentant de la
commune, de la ville voire – Fay de Sathonay le pensera – de l’agglomération.
1.1.2. Un champ de compétences relativement élargi
Les compétences du maire et, partant, de ses adjoints lorsqu’il y a délégation,
correspondent pour l’essentiel aux fonctions administratives exercées auparavant par
« les administrations municipales de canton, les agents municipaux et adjoints » aux
termes de l’article 13 de la loi du 28 pluviôse qui traite explicitement des domaines de
la police et de l’état civil. Par conséquent, en matière de police, le texte étend dans
un premier temps les fonctions des maires de section puis du maire de Lyon puisque,
sous le régime de l’an III, la police municipale appartenant aux municipalités de
canton, à Lyon le président et les administrateurs de chaque municipalité de section
n’étaient chargés que de veiller sur les contraventions et d’en dresser les procès-
verbaux. À propos de la constitution de l’an VIII, Roederer note :
En imposant la réunion de plusieurs cantons en un arrondissement communal, en éloignant
par là l’autorité centrale d’une grande partie des administrés, (elle) a ajouté à la nécessité de
rendre aux communautés une autorité locale capable de faire observer sur leur territoire la
police municipale188
.
Néanmoins, à Lyon, la nomination à compter de l’an IX d’un commissaire général
de police limite très directement les compétences du maire en cette matière et ce, 187
MONNIER, François, « Maire », dans TULARD, Jean [dir.], Dictionnaire Napoléon, Paris, Fayard, 1999,
vol. 2, p.247-248. [1ère
édition : 1997] 188
ROEDERER, Corps législatif, exposé des motifs, 18 pluviôse an VIII, Archives Parlementaires, 2ème
série,
t.1, p.171.
59
malgré la grande vigueur que met durant tout son mandat le premier maire de Lyon
sous l’Empire, Nicolas-Marie Fay de Sathonay, à affermir son pouvoir dans ce
domaine tout à fait stratégique 189 . Un échange de lettres entre le commissaire
général de police Abrial, le préfet de police Bondy et le maire à propos de la pratique
de l’audience de police190 l’atteste tout particulièrement, cela sera vu plus avant.
Le maire est responsable de l’administration communale. Il est d’ailleurs le
représentant légal de la commune devant la justice. Il doit conserver et administrer le
domaine de la commune, gérer ses revenus. C’est à lui qu’il revient, au nom de la
commune, de souscrire les marchés, passer les baux, conclure les actes de vente,
d’échange et de partage, d’acquérir des biens. Il est l’unique ordonnateur des
dépenses. Sur le territoire de la commune, la politique des routes est de son ressort
de même qu’il a à décider des mesures touchant à l’urbanisme telles que la
délivrance des alignements ou les permissions de voirie. Agent du pouvoir central, il
tient l’état civil et a en charge l’exécution de certains aspects de la politique générale.
Il assure la publication et l’exécution des lois et règlements ainsi que des mesures de
sécurité générales.
1.1.3. La question de la reconnaissance de la fonction du maire
Sous l’Ancien régime, les charges municipales sont prestigieuses et
rémunératrices, état de fait transformant le cursus honorum en une véritable « course
au pouvoir »191.
Sous l’Empire, l’existence d’un maire unique confère à celui-ci un prestige et une
autorité auxquels ses trois prédécesseurs du Consulat et encore moins ceux du
Directoire ne pouvaient aucunement prétendre. On peut largement expliquer la
réticence des autorités, directoriales puis consulaires à franchir le pas de l’unification
de la municipalité dans trois grandes villes de province par le désir de ne pas laisser
se développer des contre-pouvoirs locaux. C’est bien lorsque le régime napoléonien
est suffisamment confiant en sa capacité de se faire exactement obéir des
municipalités bordelaise, marseillaise et lyonnaise qu’il crée pour elles le maire
189
PAILLARD, Philippe, « L’organisation de la police lyonnaise. Divergences entre le préfet du Rhône et le
maire de Lyon (1800-1852) », dans Annales de l’Université Jean Moulin, droit et gestion, t.2, février 1979. 190
ADR, 4 M 1, Organisation de la police (1793-1822). Correspondance du commissaire général de police. 191
BAYARD, Françoise, CAYEZ, Pierre [dir.], Histoire de Lyon, t.2 : op. cit., p.83-84.
60
unique. À cette condition, l’existence d’un maire unique potentiellement influent, au
lieu de la menacer, renforce paradoxalement l’efficacité de la tutelle de l’État sur la
ville. L’institution d’un maire unique responsable d’une seule administration,
efficacement réorganisée, présente en effet l’avantage de simplifier les relations
entre les différents rouages de l’administration en même temps que d’accroître la
capacité de contrôle du gouvernement. La relation nouvelle qui s’instaure entre le
régime et son principal agent administratif et politique à Lyon est donc tout à fait
déséquilibrée192.
Néanmoins, le maire est un acteur à part entière de cette relation qui le
subordonne au gouvernement parce qu’il est indispensable au bon fonctionnement
de la pyramide administrative autant que parce qu’il devient justement ce à quoi il se
trouve souvent réduit : un des représentants de l’État et, qui plus est, un des plus
visibles localement. André Chandernagor saisit bien la complexité de cette sorte de
dialectique qui se crée dans le contexte de la centralisation impériale :
Le maire nommé est, dans une large mesure, un notable contraint. Agent de l’État, serviteur
du gouvernement, il est surveillé de près. Mais comme l’État a tout intérêt à ce que l’autorité
qu’il lui confie ne soit ni discutée ni contestée, il le soutient, l’aide et le protège193
.
L’État se trouve donc dans la situation de devoir assurer le prestige de ce
fonctionnaire public de premier plan. Le législateur avait d’abord écarté aux premiers
temps de la Révolution le principe d’une rémunération194, considérant que le mandat
du maire correspondait à une attribution de service public, confiée temporairement et
exceptionnellement par les citoyens-électeurs et qu’il convenait de bannir toute
notion de professionnalisation de la politique. Cependant, le principe d’une
rémunération dépassant le cadre des simples dédommagements consacrant des
remboursements de frais fut progressivement admis, de l’automne 1792 au
printemps 1793, d’abord pour le maire puis pour le procureur de la commune et son
substitut et enfin pour l’ensemble des officiers municipaux. À Lyon, l’action de la
municipalité jacobine fut décisive en la matière. Il s’agissait de permettre l’accès de
192
« Quel que soit donc le point de vue auquel on se place, que ce soit celui de leur nomination ou de leurs
pouvoirs et de l’exercice de ceux-ci, les maires apparaissent avant tout comme un rouage essentiel mais
étroitement subordonné de la centralisation napoléonienne » : MONNIER, François, « Maire », op. cit., p.248. 193
CHANDERNAGOR, André, Les maires en France, XIXe-XX
e siècle. Histoire et sociologie d’une fonction,
Paris, Fayard, 1993, p.141. 194
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.86-90.
61
tous aux fonctions et de ne pas « ramener dans la république une autre sorte
d’aristocratie qui seroit l’aristocratie des riches »195.
Pourtant, alors même que le maire cesse d’être un élu pour devenir un agent de
l’État, sa fonction sous l’Empire n’est pas rémunérée. C’est pourquoi le maire de
Lyon se voit reconnaître un certain nombre d’avantages qui contribuent à ce qu’il
représente dignement le nouveau régime. Ainsi le projet de budget présenté au
conseil municipal lors de la séance du 27 janvier 1806 comporte-t-il un poste de
dépenses fixé à 18 000 francs « relatif aux fêtes publiques et aux frais de la
représentation communale », ce qui donne l’occasion au conseiller François Boulard
de Gatellier de signaler que « M. le Maire actuel se trouvera donc bien
imparfaitement indemnisé des dépenses inévitables à sa représentation » 196 . Il
apparaît également nécessaire aux conseillers municipaux d’aménager un logement
pour le maire en l’hôtel de ville. Et Boulard de Gatellier d’argumenter en faveur de
cette mesure devant ses collègues :
S’il n’eût (le maire) consulté que son agrément, il n’eut pas quitté son domicile, mais il
convient à la dignité de sa place que son logement soit à l’Hôtel de ville ; il ne peut d’ailleurs
être séparé de ses bureaux. Une administration aussi importante exige une surveillance de
tous les moments, et la police, actuellement réunie à la Mairie, rend encore cette mesure plus
nécessaire197
.
En 1809, la situation du maire évolue considérablement. À compter de cette
année-là, sans que cela fasse l’objet d’aucun débat en conseil municipal ni d’une
mesure légale, une allocation annuelle d’un montant de vingt mille francs lui est
attribuée pour le dédommager des frais inhérents à l’exercice de sa fonction.
Nourrissant visiblement un fort ressentiment à l’égard de Fay de Sathonay, le préfet
Bondy suggère l’année suivante au ministre Montalivet de solliciter de l’empereur
qu’à l’avenir le maire soit obligé de rendre compte de l’utilisation de cette allocation
autrement qu’en alléguant de vagues « frais de représentation ». Le préfet va jusqu’à
proposer que les adjoints aient droit à percevoir une partie de cette somme,
puisqu’ils exercent des pouvoirs du maire par délégation. Le ministre se montre
défavorable à une telle mesure et Napoléon, après avis du conseil d’État, le suit.
195
AML, 1217 WP 004. Conseil Général de la commune, le 8 décembre 1792. 196
AML, 1217 WP 030. Séance du 27 janvier 1806. Il s’exprime au nom de la commission chargée de l’examen
de la reddition des comptes des trois mairies. 197
Ibid. En réalité, Fay demeure l’essentiel du temps en son hôtel, rue du Plat.
62
L’allocation est maintenue et le maire, qui seul la perçoit, n’a pas à en justifier
l’emploi198.
Malgré cette amélioration notable de la situation faite au premier magistrat de la
cité, bien modestes demeurent les défraiements et les avantages prévus tout au long
de la période, qu’ils concernent le maire, ses adjoints ou quelques-uns des
conseillers 199 . D’ailleurs André-Suzanne d’Albon, alors même qu’il prétend à la
succession de Fay et qu’il est à la tête d’un patrimoine considérable dépassant le
demi-million de francs200, redoute, en 1813, de ne pouvoir assumer matériellement
les obligations inhérentes aux obligations de représentation liées à la fonction de
maire201. Sans doute, il est vrai, commence-t-il ainsi à solliciter…
1.1.4. Le conseil municipal limité à une fonction délibérative
Si le maire agit au nom de la commune et la représente, il exerce aussi quantité
de prérogatives par délégation de l’État. C’est pourquoi, il est considéré comme un
fonctionnaire :
À peu près unanimement comme un agent du pouvoir central qui, en tant que tel, devait être
nommé par celui-ci, au besoin en dehors du Conseil municipal. Et cette conception de la
fonction a eu pour corollaire que le pouvoir central en a constamment assuré la prééminence
sur celle du conseil, en délimitant de façon stricte les attributions de ce dernier202
.
Participant de droit aux délibérations du conseil municipal dont il assure la
présidence, le maire ne compte pas parmi ses trente membres203. En cas d’absence
du maire, un adjoint le représente et préside la séance204.
198
AN, AFIV
1305 (109). Emploi des fonds destinés au maire de Lyon. 199
Lors de sa séance du 21 juillet 1806, le conseil municipal demande qu’une « lanterne aux armes de la ville, et
à ses frais, soit placée et entretenue devant les maisons d’habitation de Messieurs les Maire et Adjoints » : ibid.
Séance du 21 juillet 1806. 200
ADR, 352 Q 16. 201
ADR, 8 J 2, Papiers Bondy. Lettre du 25 mars 1813. 202
CHANDERNAGOR, André, Les maires en France…, op. cit., p.34. Des trois maires de Lyon nommés sous
l’Empire (Fay, d’Albon et Jars), aucun n’a préalablement assumé la moindre fonction édilitaire. 203
Ce principe est réaffirmé avec force par le décret impérial du 4 juin 1806 : « le maire de chaque commune
entre seul de droit au conseil municipal, et le préside, sans pour cela compter dans le nombre des membres dont
le conseil doit être composé ». 204
Arrêté du 9 messidor an VIII (28 juin 1800).
63
Le maire et ses adjoints sont donc assistés d’un conseil municipal de trente
membres nommés par le pouvoir central qui a uniquement une fonction délibérative.
Se réunissant théoriquement chaque année, au mois de mai généralement, pour une
session de quinze jours au plus, le conseil municipal a avant tout pour fonction
d’aider le maire à veiller à la répartition des impôts directs, de se prononcer sur
l’équilibre et les orientations du budget ainsi que de vérifier les comptes du maire.
Bien sûr, le conseil municipal a à connaître de toutes les questions que le préfet
et subsidiairement le maire jugent utile de lui soumettre. Selon l’article 15 de la loi du
28 pluviôse, le conseil municipal peut être consulté et convoqué extraordinairement
toutes les fois que le besoin ou l’intérêt de la commune l’exigent et que le préfet le
juge nécessaire. Le conseil municipal ne dispose d’aucune autonomie en aucun
domaine. Le conseil municipal débat aux dates qui lui sont indiquées par le préfet,
dans le cadre d’un ordre du jour extrêmement contrôlé par lui et adopte à l’issue de
la discussion des délibérations que ce même préfet a tout pouvoir d’approuver ou de
rejeter de la même manière qu’il arrête, ou non, le budget de la commune.
Le conseil municipal est également conçu comme une institution susceptible
d’exprimer les vœux de la population en même temps que de faire connaître l’état et
les besoins de la ville. S’adressant solennellement aux conseillers au début de la
première séance ordinaire, le maire Fay de Sathonay le souligne avec emphase :
Vous exercez aujourd’hui le plus beau privilège du Conseil Municipal de la commune, celui de
s’assembler de droit et sans avoir besoin d’aucun ordre ou autorisation. Après avoir, dans
l’intervalle d’une session à l’autre médité sur les intérêts de la commune que vous
représentez, vos Lumières, Messieurs, viennent ici se réunir en faisceau ; elles viennent
éclairer les magistrats constamment chargés de l’Administration municipale et sur les succès
de ce qu’ils ont fait et sur l’utilité et l’importance de ce qui leur reste à faire pour assurer la
prospérité de notre ville. Que j’aime, Messieurs, à m’environner de ces lumières, et trouver
dans vos conseils et vos délibérations le germe de tout le bien qu’il est dans mon cœur
d’opérer205
!
Les conseillers municipaux, et cela est également valable pour le maire et les
adjoints, ne peuvent donc pas uniquement être considérés comme des agents du
205
AML, 1217 WP 030. Séance du 4 février 1806.
64
pouvoir central. Ils exercent indéniablement une fonction de représentants de la
population résidant dans le territoire où ils exercent leur fonction. Roederer le
souligne bien :
Il importe à un gouvernement ami de la liberté et de la justice de connaître le vœu public, et
surtout de le puiser à sa véritable source ; car l’ignorance est, à cet égard, moins funeste que
les méprises. Où peut-être cette source, si ce n’est dans les réunions de propriétaires choisis
sur toute la surface du territoire (…) ? C’est là sans doute qu’est l’opinion publique, et non
dans les pétitions dont on ne connaît ni les auteurs, ni les véritables motifs206
.
C’est assez dire la fonction de représentation dévolue au conseil municipal
conçu, en la matière au même titre que le conseil général, comme une assemblée de
propriétaires recensés pour être les notables du régime.
1.2. L’influence des physiocrates
L’organisation territoriale et administrative progressivement mise en place à
compter de l’an VIII est héritière de la pensée physiocratique qui rejette « tout autant
le gouvernement de l’aristocratie privilégiée que celui de la démocratie » et
« envisage une société fondée sur la seule richesse, pourvue d’une morale utilitaire
qui sera le contrepied des enseignements du christianisme »207. Ainsi, l’organisation
politique dépend de l’organisation sociale, elle-même en quelque sorte commandée
par certaines lois physico-économiques, la loi devant être déduite des principes du
droit naturel. Découle parfois de cette conviction un certain « indifférentisme
théorique à l’égard des diverses formes de gouvernement »208.
Néanmoins, la thèse essentielle de l’école physiocratique en ce qui concerne le
sujet est bien qu’un pouvoir fort doit être défendu puisqu’il défend les propriétaires et
qu’il n’y a de vraiment conservateurs que les propriétaires fonciers 209 . Lorsque
206
ROEDERER, exposé des motifs, Corps législatif, 18 pluviôse an VIII, Archives Parlementaires, 2ème
série,
t.1, p.170. 207
GODECHOT, Jacques, Les institutions…, op. cit., p.13. Pour Jacques Godechot, « cette doctrine (…) est à la
base des principales institutions françaises de la Révolution et de l’Empire ; elle est à la base du capitalisme
moderne ». 208
WEULERSSE, Georges, La Physiocratie à l’aube de la Révolution, 1781-1792, Paris, Éd. de l’E.H.E.S.S.,
1984, p.189. 209
OLIVIER-MARTIN, François, L’administration provinciale…, op. cit., p.390-396.
65
Lemercier de La Rivière dépasse l’analyse économique pour se projeter dans le
domaine de la morale, il écrit significativement :
Sans autre loi que celle de la propriété, sans autres connaissances que celle de la raison
essentielle et primitive de toutes les lois, sans autre philosophie que celle qui est enseignée
par la nature à tous les hommes, nous voyons qu’il vient de se former une société qui jouit au-
dehors de la plus grande consistance politique et au-dedans de la plus grande prospérité ;
nous voyons qu’il vient de s’établir parmi nous une réciprocité de devoirs et de droits, une
fraternité qui nous intéresse tous à la conservation les uns des autres (…) Il est socialement
impossible que des hommes qui vivent sous des lois si simples (…), se sont soumis à un
ordre dont la justice, par essence, est la base (…) ne soient pas humainement parlant les plus
vertueux210
.
Ainsi, dans le projet des assemblées de propriétaires que proposent notamment
les Éphémérides du citoyen de l’abbé Baudeau, la distinction d’ordre disparaît et la
qualité qui devient fondamentale est bien celle de propriétaire. Même si la pensée
napoléonienne s’en affranchit quelque peu211, il reste sous le Consulat et l’Empire
quelque chose de la méfiance physiocratique pour la propriété urbaine212. On le voit
dans les critères qui fondent la notabilité sous le Premier Empire213 comme dans
ceux qui déterminent la désignation aux plus hautes fonctions publiques locales ou
encore dans les mesures par lesquelles Napoléon distingue sa noblesse214.
S’agissant de la pyramide administrative dessinée par le premier consul et
l’empereur, on peut établir une réelle continuité entre le projet auquel parvient
Calonne lorsqu’il reprend le chantier de la réforme administrative au milieu de l’année
1786215 et l’organisation consulaire et impériale. Or Calonne se rallie au plan des
physiocrates et sur lui l’influence de Mirabeau et de Dupont de Nemours, notamment,
est nette216.
210
LEMERCIER DE LA RIVIERE, Pierre-Paul, L’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, Paris, 1910,
p.355. [1ère
édition : 1767] 211
CASANOVA, Antoine, Napoléon et la pensée de son temps. Une histoire intellectuelle singulière, La
Boutique de l’Histoire, 2000, p.112-115. 212
On pourra consulter, sur la conception de l’ordre social fondé sur la propriété foncière, les pages éclairantes
que consacre à la question Georges Weulersse : WEULERSSE, Georges, La Physiocratie à l’aube de la
Révolution…, op. cit., p.79, p.182-185, p.331-337 et p.407-416. 213
BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy, Les « Masses de granit ». Cent mille notables du
Premier empire, Paris, Éd. de l’E.H.E.S.S./Jean Touzot, 1979, 128 p. 214
TULARD, Jean, Napoléon et la noblesse d’Empire, Paris, Tallandier, coll. « Approches », 2001, p.111-132. 215
BORDES, Maurice, L’administration provinciale…, op. cit., p.160-172. 216
Mirabeau est en particulier l’auteur d’un Mémoires sur les États provinciaux, publié en 1750, dans lequel il se
prononce en faveur d’administrations locales élues mais aux prérogatives somme toute assez limitées.
66
Le courant qui porte le projet de Calonne n’est pas exactement centralisateur en
ce sens qu’il vise à diminuer les devoirs et les charges du pouvoir central en en
transférant une partie à des institutions régionales que l’on imagine presque toujours
sous la forme d’assemblées. Pour autant il ne saurait être question de diminuer les
droits essentiels de l’État. À la suite en particulier des Considérations sur le
gouvernement ancien et présent de la France du marquis d’Argenson, rédigées en
1737 mais opportunément publiées en 1764, en lien avec la réforme Laverdy, puis
en 1784, c’est la vision favorable à un pouvoir monarchique fort qui s’impose. Le roi,
par l’intermédiaire de l’intendant et en consultant les habitants, exercerait son pouvoir
de désignation des officiers municipaux, notamment pour diriger des municipalités
aux pouvoirs étendus. La monarchie absolue s’impose à la noblesse féodale. Dans
le Mémoire sur les municipalités à établir en France que Dupont de Nemours rédige
à la demande de Turgot 217 , on trouve un projet d’assemblées consultatives
organisées en trois degrés, chaque assemblée – assemblée de paroisse,
municipalité d’élection, municipalité de province – se recrutant parmi les membres de
l’assemblée inférieure. Or toute l’ambition et, au demeurant, la difficulté de ce projet
résident dans l’abandon des distinctions d’ordre à chacun de ces degrés.
Calonne propose effectivement le 23 février 1787 aux notables un système de
trois degrés d’assemblées. À la base se trouveraient les assemblées paroissiales
dont le recrutement très nettement censitaire – le nombre de voix dont disposerait
chaque électeur serait proportionné à l’importance du patrimoine – permettrait de
faire émerger une élite de propriétaires. Ces propriétaires dont Calonne affirme que
leur « intérêt ne peut jamais être séparé de celui du lieu où sont situées leurs
propriétés, et qui sont les seuls instruits de leurs facultés réciproques et des besoins
de leur communauté »218. Correspondant chacune à la réunion d’une trentaine de
paroisses, les assemblées de district formeraient l’échelon intermédiaire nécessaire
à la désignation des assemblées provinciales. Celles-ci se réuniraient sans
distinction d’ordre. Elles désigneraient chacune une commission intermédiaire qui
siégerait dans l’intervalle des sessions annuelles. Le projet Calonne est bien
d’inspiration physiocratique puisqu’il prévoit que le représentant local du roi,
l’intendant, aurait connaissance de toutes les délibérations comme il aurait celui
217
Le Mémoire sur les municipalités est rédigé en 1775, publié en 1787. 218
« Mémoire de Calonne sur l’établissement des assemblées provinciales », cité dans, WEULERSSE, Georges,
La Physiocratie à l’aube de la Révolution…, op. cit., p.202.
67
d’assister à toutes les séances des assemblées comme des commissions.
L’intendant surtout, serait seul ordonnateur des dépenses.
Thierry Lentz explique que, d’une manière générale :
Le système des conseils mis en place par l’Empire ressemblait un peu au programme de
Calonne (…) : des assemblées locales (chez Calonne, les états provinciaux ou assemblées
provinciales), entre les mains des propriétaires, répartissaient l’impôt sans le consentir, sous
l’œil des préfets (chez Calonne, les intendants)219
.
Renouant avec les projets inspirés de la pensée physiocratique, l’institution de la
mairie unique, si elle est vécue comme une double rupture avec le passé récent de la
ville de Lyon, se situe dans l’exact prolongement de l’œuvre consulaire mais trouve
clairement partie de ses origines dans les menées centralisatrices de l’Ancien régime
et de la deuxième phase de la Révolution.
2. L’institution de la mairie unique est vécue comme une double rupture
La mise en place de la mairie unique sous l’Empire, comme avant elle la loi du
28 pluviôse an VIII, se situe incontestablement dans la continuité du profond
mouvement centralisateur et uniformisateur qui affecte l’administration locale depuis
l’Ancien régime. C’est là sans doute une des raisons principales de son succès que
de réaliser efficacement un projet ancien, déjà familier à la majeure partie de la
population et aux différents corps et catégories qui la composent. Mais, l’institution
de la mairie unique doit aussi pour partie son succès au fait qu’elle est vécue par les
Lyonnais, les élites mais aussi l’essentiel de la population, comme une rupture. En
effet, la réforme impériale rompt ostensiblement avec deux aspects du passé récent
de la ville particulièrement douloureux aux Lyonnais.
La loi du 15 ventôse an XIII (6 mars 1805) prévoit que « l’administration
municipale des villes de Lyon, Marseille et Bordeaux sera organisée comme celle
des autres villes de l’Empire. Chacune d’elle aura un maire et six adjoints ». Elle met
ainsi un terme à la division territoriale subie par la ville de Lyon depuis que la
constitution de l’an III a supprimé la municipalité unique dans les villes de plus de
219
LENTZ, Thierry, Nouvelle histoire du Premier empire. t.III : La France et l’Europe de Napoléon (1804-
1814), Paris, Fayard, 2007, p.185.
68
cent mille habitants. On peut considérer qu’elle met aussi un terme à une période
singulièrement difficile pour la vie municipale lyonnaise, période initiée par les
premiers bouleversements révolutionnaires, particulièrement symbolisée par les
événements qui courent du 29 mai 1793 à l’été 1794 (nomination de Salamon le 23
août) et caractérisée par un affaiblissement durable du rayonnement de la ville et de
sa représentation politique.
2.1. Première rupture : avec la division en trois arrondissements
L’organisation administrative instituée par la Constitution de l’an III repose sur
une distinction entre les communes fondée sur l’importance de leur population. Les
communes de moins de 5 000 habitants sont regroupées au niveau cantonal,
chacune d’entre elles étant représentée par un agent municipal et un adjoint dont la
réunion forme la municipalité de canton. C’est la grande originalité de la période du
Directoire que d’avoir institué les municipalités de canton, participant nettement de la
volonté de réduire le nombre des rouages administratifs – le district est supprimé, la
commune devient une simple agence de la municipalité de canton – et par là même
de renforcer l’unité d’administration de la République. Placées sous le signe de la
recherche de l’efficacité administrative, il est à noter pourtant que ni la constitution du
5 fructidor (22 août 1795) ni la loi du 21 fructidor an III (7 septembre 1795) relative
aux fonctions des corps administratifs et municipaux ne distinguent clairement les
compétences relevant de la municipalité de commune ou de celle du canton. Si les
communes de plus de 5 000 habitants disposent d’une seule administration
municipale (article 178 de la constitution), celles qui abritent plus de 100 000
habitants en comptent au moins trois ; la population de chaque division justifiant la
mise en place d’une administration municipale doit alors être comprise entre 30 000
et 50 000 individus (article 183). Douze municipalités sont ainsi créées à Paris, trois
à Lyon, Marseille et Bordeaux.
Il y a dans ces communes, on l’a vu, un bureau central « pour les objets jugés
indivisibles par le Corps législatif » (article 184) et la loi du 12 vendémiaire an IV (4
octobre 1795) déclare « objets indivisibles dans les cantons de Bordeaux, Paris,
Lyon et Marseille, la police et les subsistances ». À Lyon, le bureau central est
composé de trois membres désignés par le département et confirmés par le
69
Directoire. Les deux administrateurs, Blanc et Chapuy, ainsi que le secrétaire, Gros,
sont installés le 18 germinal an IV (7 avril 1796) en application d’un arrêté du
Directoire exécutif du 5 germinal an IV (25 mars 1796). Ce n’est pas auprès de ce
bureau central qu’on trouve un commissaire du pouvoir exécutif représentant le
gouvernement mais bien auprès de chaque municipalité et, bien sûr, au niveau
départemental. Acteurs essentiels de la centralisation, les commissaires du pouvoir
exécutif sont nommés directement par le Directoire bien que choisis dans la
région220. Les trois administrations municipales, de six ou sept membres chacune
(tableau n°1), devaient être désignées par les assemblées primaires réunies aux
chefs-lieux de cantons ce qui aurait atténué la vigueur du mouvement de
centralisation. Ce ne fut pas le cas. Le Directoire les nomma lui-même, méfiant à
l’égard d’une ville qui était, depuis l’an II, largement assimilée à la contre-
révolution221.
Sous le Consulat, les institutions municipales de Lyon sont mises en chantier
mais elles apparaissent largement comme un chantier inachevé. La loi du 28
pluviôse an VIII est, on l’a vu, le texte majeur qui envisage l’organisation territoriale et
administrative de la France. Aux termes de l’article 14, Lyon reste divisée en trois
arrondissements, chacun se voyant doté d’un maire et d’un adjoint qui se substituent
aux anciennes administrations du Directoire (tableau n°2). L’exécutif municipal est
nommé par le premier consul, ce que confirme le sénatus-consulte du 16 thermidor
an X (4 août 1802)222 qui fixe en outre la durée du mandat des maires à cinq ans.
220
Les commissaires du pouvoir exécutif nommés à Lyon par le Directoire sont Chirat pour la division Nord,
Froment pour la division du Midi et Costerisan, pour la division Ouest. Paul Cayre est nommé près le
département. 221
Dans son édition du 1er
pluviôse an IV (21 janvier 1796), le Journal de Lyon reprend le « Message du
Directoire aux Cinq-cents » qui s’exprime en ce sens. 222
Annexe I.
70
Tableau n°1
Administration des trois municipalités de Lyon sous le Directoire223
Tableau n°2
Maires et adjoints des trois mairies de Lyon sous le Consulat226
Or, si le terme de leur mandat est fixé à l’an XV par un arrêté du 14 nivôse an XI
(4 janvier 1803), un décret du 15 avril 1806 le repousse au 1er janvier 1808. La loi du
28 pluviôse crée un conseil municipal de trente membres désignés initialement par
l’autorité préfectorale selon son article 20 et l’article 1er de l’arrêté du 9 messidor an
VIII (28 juin 1800). Leur nomination devient bientôt prérogative du chef de l’État. 223
Présidents et administrateurs de chaque division sont assistés de secrétaires en chef : Richard pour la division
du Nord, Ponthus-Cinier et Jolyclerc respectivement pour celles du Midi et de l’Ouest. 224
Il s’agit du libraire Jean-Marie Bruyset (1749-1817), futur notable de l’Empire inscrit sur la liste des soixante
en l’an XIII : REY, Jean-Philippe, « Le Rhône », dans BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy,
[dir.], Grands notables du Premier Empire, Paris, Guénégaud (à paraître). 225
Il s’agit du propriétaire Thomas-Jacques de Cotton (1766-1841), futur notable de l’Empire inscrit sur la liste
des soixante en l’an XIII : Ibid. 226
Comme sous le Directoire, dans chaque mairie, on trouve un secrétaire. Il s’agit de Richard au Nord,
d’Hodieu, qui conservera sa fonction au sein de la mairie unique, au Midi et de Rétié à l’Ouest.
Division du Nord
Division du Midi
Division de l’Ouest
Président
BOSSU
MAUTEVILLE
BERTHELET
Administrateurs
ALLEMAND BRUYSET224
DRIVET MEYNIS, père REVERONY
BAGNION CADIER
DE COTTON225 LA FAGE
MARGARON PINE, aîné
BERTRAND
CHEVRILLON GUI
LAURENCET MANIN MOREL
Division du Nord
Division du Midi
Division de l’Ouest
Maire
PARENT
SAIN-ROUSSET
BERNARD-
CHARPIEUX
Adjoint
ROUSSET
RAMBAUD-
BROSSE
GLEYZE, Aîné
71
En outre, à partir de l’an X, la procédure de désignation des édiles est précisée
dans le sens de la promotion des notables. En effet, selon le sénatus-consulte du 16
thermidor an X (4 août 1802), le canton devient une circonscription électorale et
chaque assemblée de canton est désormais en mesure de présenter deux candidats
pour chaque place au conseil municipal, les candidats devant être retenus parmi la
liste des cent plus imposés du canton. Les conseillers municipaux sont nommés pour
une période de vingt ans par le chef de l’État. Le conseil étant renouvelable par
moitié tous les dix ans, ses membres bénéficient donc a priori d’une garantie de
durée favorable à la sérénité de leurs délibérations.
Chacune des trois sections de Lyon sous le Consulat correspond
géographiquement aux arrondissements retenus sous le Directoire. La municipalité
de Lyon-Nord a ainsi en charge la partie septentrionale de la ville située entre le
Rhône et la Saône, approximativement depuis Saint-Nizier jusqu’au bas des pentes
de la Croix-Rousse. Elle s’assemble à l’hôtel de ville et exerce une sorte de
prééminence sur les deux autres puisque c’est son maire qui, désormais, préside au
bénéfice de l’âge le conseil municipal. La municipalité de Lyon-Midi administre la
partie méridionale de la ville comprise entre Rhône et Saône, approximativement
depuis la rue Thomassin jusqu’à l’île Perrache. Le maire, son adjoint et le secrétaire
se réunissent parfois en l’ancienne maison des jacobins. Enfin, la municipalité de
Lyon-Ouest a autorité sur les quartiers situés sur la rive droite de la Saône. Son lieu
de réunion, la manécanterie Saint Jean, est lui aussi conservé depuis le Directoire.
Sur le plan démographique, la division du Midi est la plus peuplée, comptant plus de
40 000 habitants selon les statistiques départementales de l’an IX à l’an XIII,
devançant celle du Nord qui comprend plus de 31 000 habitants sur la période alors
que la division de l’Ouest apparaît nettement moins peuplée avec un peu plus de
17 000 habitants227.
227
Selon les statistiques départementales reprises dans les almanachs, on peut avoir à l’esprit un ordre de
grandeur. Lyon compterait, en l’an X, 88 919 habitants et 94 041 en 1806. Il n’y a pas de recensement nouveau
entre l’an X et l’an XIII, d’où le fait que nous ne retenions que des évaluations.: ADR, 1 M 110, Rapports
généraux, éléments de rapports. Compte-rendu du préfet sur son administration.
72
Ce sont bien un maire et un adjoint qui sont nommés par le premier consul et le
fait que l’article 12 de la loi du 28 pluviôse prévoie deux adjoints pour les villes de
plus de 5 000 habitants n’entraîne à Lyon aucune confusion228.
Par contre, à l’occasion de la nomination du conseil municipal, on s’aperçoit que
le statut des maires et des adjoints n’est pas très clair, ni pour le préfet ni pour les
nommés eux-mêmes. En effet, en vertu de l’article 8 de la loi du 28 pluviôse an VIII
et de l’arrêté des consuls du 9 messidor suivant (28 juin 1800), le préfet nomme
seulement vingt-quatre conseillers municipaux, indiquant par là même très clairement
que, selon lui, les six membres des exécutifs municipaux doivent être comptés parmi
les membres du conseil municipal. Or, l’arrêté des consuls du 2 pluviôse an IX (22
janvier 1801) précise que l’adjoint n’a pas de pouvoir propre, qu’il ne préside le
conseil qu’en cas d’absence du maire et que « hors ce cas, les adjoints n’ont point
entrée au conseil municipal » (article 3) 229. On note donc, dans le courant de l’an X
et au gré des renouvellements individuels et exceptionnels, une augmentation du
nombre des conseillers. Progressivement, le préfet adapte sa politique de nomination
à la législation en réalité en vigueur depuis l’an VIII et, lorsque survient le
renouvellement massif de prairial an XII (mai 1804), qui concerne la moitié des
conseillers de la ville230, ce sont bien quinze individus qui sont nommés231 ce qui
signifie à l’évidence que, désormais, le conseil municipal de Lyon compte trente
membres hors le maire qui le préside, en l’occurrence Jean-Marie Parent, et à
l’exclusion des autres maires et adjoints dont la fonction est toute d’exécution et ne
saurait être délibérative. Le décret du 4 juin 1806 clarifie définitivement la situation en
ce sens232.
Sous le Consulat, le conseil municipal de la ville de Lyon se réunit 259 fois, du 11
frimaire an IX (2 décembre 1800) au 20 thermidor an XIII (8 août 1805)233 :
228
Alors que Laurent Coste note que c’est le cas à Bordeaux : COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur, op. cit.,
p.22-23. 229
Annexe I. 230
Les nouveaux conseillers municipaux de Lyon sont nommés par le décret impérial du 11 prairial an XII (31
mai 1804). La prérogative échappe donc au préfet et l’empereur concentre dès lors entre ses mains le pouvoir de
nomination de tous les édiles lyonnais. 231
La séance d’installation du conseil renouvelé a lieu le 15 thermidor an XII (3 août 1804). Or, seuls quatre des
quinze nouvellement nommés sont présents : d’Assier de la Chassagne (en réalité déjà nommé en l’an X),
Hervier, Morel et Rivoire. 232
Annexe I. 233
AML, 1217 WP 027-030, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations. Séances du 11 frimaire
an IX (2 décembre 1800) – 15 mai 1807.
73
Tableau n°3
Nombre de séances du conseil municipal sous le régime des trois mairies
Durant la période des trois mairies, de l’an III à l’an XIV, la division de Lyon en
trois arrondissements a incontestablement concouru au dessaisissement des
autorités municipales d’un certain nombre de prérogatives au profit des agents de
l’État. Et le passage du régime du Directoire à celui du Consulat n’y a rien changé. À
cet égard, l’exemple de l’institution, par la loi du 28 pluviôse an VIII complétée par un
arrêté du 5 brumaire an IX (27 octobre 1800), des commissaires généraux de police
dans un certain nombre de grandes villes dont Lyon est très significatif. Les
attributions de ces commissaires généraux sont en grande partie héritées de l’ancien
bureau central et, partant, sont susceptibles de générer nombre de conflits de
compétence avec les maires en particulier en matière d’organisation de la police
municipale234.
Le commissaire général de police est nommé comme l’ensemble des
commissaires par le premier consul (arrêté du 19 nivôse an VIII – 9 janvier 1800)
alors même que ces derniers l’étaient par les maires eux-mêmes depuis la loi du 3
brumaire an IV (25 octobre 1795), en conformité avec la constitution de l’an III. Il est
évident que la dispersion de l’autorité municipale, à Lyon, joua en faveur de l’autorité
croissante du commissaire général François-Louis Dubois (1758-1828), nommé le 24
nivôse an IX (14 janvier 1801)235, placé sous l’autorité du préfet mais recevant ses
234
PAILLARD, Philippe, « L’organisation de la police lyonnaise… », op.cit. 235
Il succède à François Noël et reste en poste jusqu’à l’avènement de la mairie unique. Il est secondé par un
secrétaire général, Casimir Fournier, éphémère conseiller municipal des Cent-jours.
Année Nombre de séances
An IX 57
An X 54
An XI 61
An XII 41
An XIII 46
Total (du 11 frimaire an IX au 20 thermidor an XIII)
259
74
consignes le plus souvent directement du ministre de la police236. Le commissaire
général de police de Lyon, dont les attributions sont encore accrues comme celles de
tous les commissaires généraux par un décret du 23 fructidor an XIII (9 septembre
1805), a sous sa responsabilité directe les neuf commissaires (trois par
arrondissement) et l’ensemble des agents de police (neuf agents de police
seulement en 1807237) que compte la ville.
Puisqu’« en administration, il faut abandonner les théories et en venir à ce qui
est, à ce que l’expérience consacre ou repousse »238, la loi du 28 pluviôse poursuit
un ample mouvement d’uniformisation du système d’administration français. Or, cette
uniformisation n’est pas complète dès lors que la partition de Bordeaux, Lyon et
Marseille est maintenue ; la situation de Paris étant encore différente du fait de son
statut de capitale en même temps que de l’importance de sa population. L’action
entreprise sous le Consulat est donc inachevée. C’est en ce sens qu’il faut interpréter
la loi du 15 ventôse an XIII (6 mars 1805) qui ne fait que mettre un terme à la
situation spécifique des trois plus importantes villes de France après Paris. Près de
dix ans après la Constitution de l’an III, elles recouvrent leur intégrité territoriale et
administrative. À Lyon est rendue sa municipalité unique. Mais cette restauration
n’est rendue possible que par l’abaissement considérable de sa puissance que Lyon
a subi depuis des décennies et qui s’est accéléré sous la Première république. Ainsi,
depuis plusieurs années :
Les conseillers municipaux n’évoquent pas sans nostalgie les anciens temps où le Consulat
incarnait l’autorité municipale ; mais au fond ils acceptent un pouvoir central fort (…). Leur
soumission trouvera très vite sa récompense : quand l’Empire se fonde, il sait n’avoir plus de
raison de surveiller une métropole docile et il lui accorde la réunification de la mairie239
.
236
OLCINA, José, « Commissaires généraux de police », dans TULARD, Jean, [dir.], Dictionnaire Napoléon,
op. cit, t.1, p.467. 237
AML, 1217 WP 031, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (29 mai 1807 – 9 mars 1809).
Séance du 29 juillet 1807. 238
DELPIERRE, Corps législatif, 28 pluviôse an VIII, Archives Parlementaires, 2ème série, t.1, p.226. 239
LATREILLE, André, Histoire de Lyon…, op. cit., p.307-308.
75
Tableau n°4
Les conseillers municipaux de Lyon sous le régime des trois mairies
Individus nommés Individus démissionnaires
An VIII ARLÈS BALTHAZARD BERTHOLON
BOUSQUET, père CHEVRILLON
COZON DARNAL, aîné
DESPREZ DIAN, aîné
DURAND-PAVY FLORENTIN-PETIT
JOYARD LAFAUVELIÈRE
LA ROUE LOYER
MAYEUVRE DE CHAMPVIEUX MAZARD-CLAVEL
MICOL MORAND DE JOUFFREY
PETIT RAVIER
ROSIER DE MAGNEUX ROSSET, père
TERRET
An IX CHAMPANHET DEVILLAS
LAFAUVELIÈRE MORAND DE JOUFFREY
An X ASSIER DE LA CHASSAGNE BRUYSET CAMINET CHIRAT
GUILLAUD LANDOZ
REGNY, fils TOURNILHON
DARNAL, aîné FLORENTIN-PETIT
JOYARD MAZARD-CLAVEL
MICOL
An XI -- --
An XII ARTHAUD DE LA FERRIÈRE ASSIER DE LA CHASSAGNE
BOULARD DE GATELLIER CHARRASSON
DERVIEU DUJAT D’AMBÉRIEUX
FRÈREJEAN HERVIER LACOUR
LECLERC DE LA VERPILLIÈRE MOREL
MYÈVRE RIVERIEULX DE VARAX
RIVOIRE SAVARON
BALTHAZARD BERTHOLON
BOUSQUET, père BRUYSET CAMINET COZON
DIAN, aîné DURAND-PAVY
GUILLAUD LANDOZ
ROSSET, père TERRET
TOURNILHON
An XIII -- --
76
2.2. Seconde rupture : avec le mouvement d’érosion de la puissance et
de perte d’identité de la ville
Davantage que de sa division en trois arrondissements, Lyon a en effet souffert
d’un affaiblissement considérable de son poids politique et d’une atteinte durable
portée à son identité que, finalement, la division décidée en l’an III ne fait que
manifester une fois de plus, tout en l’aggravant. C’est aussi cela qui est en jeu lors de
la création de la mairie unique par la loi du 15 ventôse an XIII (6 mars 1805) car de
fait, c’est « là où une municipalité se révélait trop puissante et susceptible de faire
échec au gouvernement, (qu’) une division (avait été) instituée »240.
Lors des premiers temps de la Révolution, Lyon ne connaît pas un sort
fondamentalement différent de celui des autres grandes villes du royaume. Bien sûr,
la situation économique ou la tranquillité publique ont alors à souffrir des
bouleversements. Pour autant, les événements qui s’y déroulent, s’ils ne sont pas
que le faible écho des événements parisiens, ne constituent pas néanmoins une
spécificité locale, opposable à ce que l’on observe sur le plan national. Les difficultés
rencontrées, par exemple, par le conseil général de la commune en juillet 1790, forcé
de se démettre à l’occasion d’une nouvelle émeute des octrois puis finalement rétabli
par l’Assemblée nationale, le 15 juillet, ne distinguent pas Lyon de la majeure partie
des agglomérations d’importance. Elles contribuent pourtant à affaiblir le
rayonnement lyonnais.
Bien plus important pour ce qui est de la question des pouvoirs, le phénomène
d’apparent antagonisme qui se développe entre la ville de Lyon et le cœur parisien
de la Révolution à compter des premiers mois de l’année 1793. Lorsqu’en mai 1793,
les sections lyonnaises élisent des modérés à la tête des comités de surveillance
instaurés par la loi du 21 mars 1793, débute un mouvement de dissociation des
dynamiques révolutionnaires lyonnaise et parisienne qui va progressivement
identifier Lyon à la droite puis à la contre-révolution. Le soulèvement sectionnaire des
28 et 29 mai, l’arrestation de Chalier puis la cristallisation de l’opposition sur un enjeu
apparenté, souvent abusivement, au défi lancé par le mouvement fédéraliste à la
240
NICOUD, Marie-Odile, La première naissance…, op. cit., p.230.
77
Convention – fédéralisme lui-même rapproché hâtivement du royalisme241 – le siège
et ses combats, du 7 août au 9 octobre 1793, sont autant d’événements qui font
durablement concevoir Lyon comme une entité globalement menaçante pour la
Révolution et la République, compte tenu de l’influence que semblent y disposer les
adversaires d’icelles. En fait, on peut sans doute faire remonter la « mauvaise
réputation »242 de la ville à la conspiration royaliste de la fin de l’année 1790 dont
l’âme fut Imbert-Colomès243. Quoiqu’il en soit, la Convention puis le Directoire vont
dès lors n’avoir de cesse de s’assurer du légalisme et de la loyauté des autorités
locales jusqu’à exiger d’elles une totale soumission 244 . Si les troupes de la
Convention entrent dans Lyon ravagée par les bombardements le 9 octobre, l’armée
aura désormais plusieurs fois à rappeler l’impérative nécessité de fidélité à la
République. Du décret du 21 vendémiaire an II (12 octobre 1793) à l’instauration de
l’état de siège par celui du 14 pluviôse an VI (2 février 1798) en passant par la
suspension de la municipalité le 6 messidor an III (24 juin 1795) ou l’installation d’un
camp militaire dans la plaine des Brotteaux à l’été 1796, le gouvernement va ainsi
rendre particulièrement visible, presqu’éclatante, cette soumission, au risque bien
évidemment de nourrir un ressentiment durable et rendant par là même difficile tout
normalisation de la relation entre l’État et la première ville du territoire de la
République après Paris245. En même temps que les révolutionnaires s’aliènent les
Lyonnais et s’interdisent toute tentative de réconciliation246, ils créent les conditions
de la popularité du régime qui rendra, ou paraîtra rendre, aux Lyonnais leur identité
241
VOVELLE, Michel, La découverte de la politique. Géopolitique de la Révolution française, Paris, La
Découverte, 1992, p.284-288. 242
BENOIT, Bruno et SAUSSAC, Roland, Guide historique de la Révolution à Lyon…,op. cit., p.15. 243
KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : de 1595 à 1814, op. cit., p.270-274. AUDIN, A., La
conspiration lyonnaise de 1790 et le drame de Poleymieux, Lyon, 1984, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire,
142 p. 244
BENOIT, Bruno, « Lyon et la République directoriale », dans La République directoriale, t.1, Actes du
colloque de Clermont-Ferrand, mai 1997, Clermont-Ferrand, Bibliothèque d’histoire révolutionnaire, 1998,
p.261-276. 245
Viennent à l’esprit les déclarations de différents ministres de l’Intérieur. Plutôt que François de Neufchâteau
(ADR, 1 L 435, Fêtes nationales), citons Nicolas-Marie Quinette qui dénonce en juin 1799 « l’oubli total où se
trouvent les institutions républicaines » et évoque le « devoir pressant de déployer en même temps et les moyens
de la force et ceux de la persuasion » : ADR, 1 L 364, Correspondance de l’administration centrale. Lettre à
l’administration centrale du département, 9 messidor an VII (27 juin 1799). 246
Si, selon l’expression de Jean-Pierre Gutton, Lyon demeure profondément « suspecte au pouvoir », Bruno
Benoit montre bien que « la mémoire collective de Lyon, celle construite par ses élites et que partage la majorité
de sa population, met en avant l’image d’une ville qui a souffert des violences de la Convention républicaine et,
plus généralement, de la Révolution ». GUTTON, Jean-Pierre, Histoire de Lyon et du Lyonnais, op. cit., p.103 ;
BENOIT, Bruno, L’Identité politique…, op. cit., p.14.
78
politique et à Lyon son prestige. C’est ainsi que l’on peut en partie interpréter
l’enthousiasme soulevé par le passage de Bonaparte à Lyon le 13 octobre 1799247.
C’est bien la Révolution qui apparaît comme le moment traumatique. Certes, il
apparaît que dès avant la Révolution, Lyon avait perdu progressivement de son
autonomie. Mais, comme l’affirme Jean-Pierre Gutton, si « la ville de Lyon, sous
l’Ancien régime, avait été solidement tenue en mains par la monarchie. Du moins
avait-elle conservé les apparences du prestige et de l’indépendance »248.
Lyon avait, en effet, peu à peu vu la tutelle de l’État s’affermir mais le Consulat
gardait une grande partie du lustre acquis depuis son institution au quatorzième
siècle. Au moment où survint la Révolution, le désir d’autonomie municipale
s’appuyait donc sur l’existence à Lyon d’une institution prestigieuse autant que sur la
conviction que Lyon exerçait les fonctions d’une métropole. Or, à bien des égards, le
début de la Révolution et la loi du 14 décembre 1789 peuvent apparaître comme
offrant la possibilité de rompre avec le lent mouvement d’affaiblissement du
rayonnement lyonnais, continu sous l’Ancien régime. C’est ainsi que « les
événements, les nouveaux cadres administratifs aussi, allaient lui permettre de
revendiquer l’autonomie » 249 . Renaît l’espoir de s’affirmer en tant que ville
responsable de l’essentiel de son destin, exerçant dans le royaume et en Europe
l’influence que lui confère son dynamisme économique et commercial. Or, c’est bien
à un paradoxe que l’on assiste in fine puisque les bouleversements, que la
Révolution et ses timides menées décentralisatrices initiales occasionnent, s’avèrent
rapidement tout à fait contraires aux velléités locales d’émancipation vis-à-vis de la
tutelle d’État en même temps qu’elles nuisent considérablement à la prospérité de la
ville. L’espoir à peine renaissant fut presque aussitôt déçu.
Si la mise en place de la mairie unique aux premiers temps de l’instauration du
régime impérial peut laisser espérer la poursuite et l’amplification du redressement
lyonnais entrevu depuis Brumaire, il est opportun de signaler que ce n’est justement
qu’après que Lyon a été largement mutilée et appauvrie par les événements
révolutionnaires mais aussi par la désastreuse politique financière de l’Ancien
régime, abaissée par les régimes successifs, de la monarchie au Consulat
247
Sur cet événement, se reporter au vivant témoignage du général Marbot : MARBOT, Jean-Baptiste-Antoine-
Marcellin, Mémoires, Éd. J. Garnier, Paris, Mercure de France, 2001, 2 vol., t.1, p.67-72. 248
GUTTON, Jean-Pierre, Histoire de Lyon et du Lyonnais, op. cit., p.87. 249
Ibid.
79
qu’apparaît cette perspective. Quand Lyon n’inspire plus aucune crainte, quand Lyon
est devenue incapable de s’instaurer en un contre-pouvoir, on la dote d’une
municipalité que l’on revêt d’un certain prestige 250 . Mais ceci dans un cadre
extrêmement contrôlé car, contrairement à ce que laisse entendre André Latreille, le
gouvernement ne renonce absolument pas à surveiller Lyon. Tout au plus lui
accorde-t-il un peu le droit de paraître exister par elle-même.
3. La solution impériale
Lors de son avènement, le régime napoléonien hérite à Lyon d’une situation dont
il n’est pas à l’origine et qui peut être présentée succinctement en deux points.
D’abord, il est évident que le lien entre administrateurs et administrés est rompu.
Les édiles, l’administration locale ne doivent plus leur autorité au choix ou au
consentement des citoyens ou de la partie éminente d’entre eux ni même à leur
capacité supposée de mener une action qui leur soit favorable. Ainsi, le « pacte
local » 251 patiemment édifié sous l’Ancien régime 252 qui permettait aux
administrateurs de prétendre gouverner sous le contrôle des administrés est rompu.
C’était pourtant en vertu de ce contrat implicite, profondément ancré dans les
mentalités lyonnaises que les administrateurs adoptaient une attitude de type
paternaliste, moyen de conserver le pouvoir au sein de l’oligarchie et de garder le
peuple dans un rapport de subordination. Lors des conflits de la Fabrique en 1786
comme au moment de la révolte des octrois en 1790, la solution répressive choisie
par l’autorité municipale soutenue par le gouvernement central est en contradiction
250
Thibaudeau explique après avoir détaillé la situation de Paris et à propos de Bordeaux, Lyon et
Marseille : « Si un maire unique à Paris pouvait porter ombrage à l’Empereur, sa puissance n’avait rien à
redouter de cette magistrature dans les trois autres villes. Elles étaient humiliées de cette exception de droit
commun et demandaient avec instances qu’on leur rendît le maniement de leurs affaires ». THIBAUDEAU,
Antoine-Clair, Mémoires, 1799-1815, Paris, Plon, 1913, 561 p. 251
La notion et l’expression sont donc empruntées à Antonino de Francesco : DE FRANCESCO, Antonino,
« Les rapports entre administrateurs et administrés à Lyon… », op. cit. Son analyse est proche de celle de Jean-
Pierre Jessenne qui, lui, fait des trente dernières années de l’Ancien régime une période de désintégration du lien
politique, contemporaine de l’incapacité de l’État à réformer le système des pouvoirs locaux : JESSENNE, Jean-
Pierre, “Communautés, communes rurales et pouvoirs dans l’État napoléonien », dans PETITEAU, Natalie,
Voies nouvelles…, op. cit., p.161-180. 252
Yann LIGNEREUX évoque la volonté partagée par le roi et le consulat, à la fin du XVIe siècle, de « rappeler,
voire de refonder, la réalité de la ville, moins sur l’évidence des liens économiques qui seraient indépendants
d’un « vouloir-être » ensemble, que sur la force démontrée d’une communauté nécessaire, quasi-organique,
préexistant à ces liens sociaux, et dont la substance est première et indissoluble, malgré la pluralité concurrente
d’entités multiples qui s’en dégagent" : LIGNEREUX, Yann, Lyon et le roi..., op. cit., p.153.
80
totale avec ce « pacte local » traditionnel. Si l’action de certains responsables,
comme Vitet, ou certains événements, comme l’insurrection sectionnaire du
printemps 1793, ont semblé retarder la prise d’autonomie des administrateurs, celle-
ci est bien réelle depuis les dernières années de l’Ancien régime jusqu’au Directoire.
Ensuite, il est tout aussi évident que la ville de Lyon est « mal vue » par le
pouvoir central et que, depuis la journée du 29 mai en particulier, elle souffre d’un
abaissement constant de son influence et de son prestige.
Or, face à cet héritage le Consulat puis l’Empire proposent une solution mixte en
ce sens qu’elle prolonge et même accomplit l’œuvre révolutionnaire de centralisation
qui s’accompagne de l’autonomie croissante des administrateurs vis-à-vis de la
population tout en renouant en partie avec les pratiques politiques anciennes
articulées autour du « pacte local » traditionnel en redonnant une sorte d’action
protectrice à la municipalité et en articulant l’action d’icelle autour des trois piliers
traditionnels de l’action politique locale : l’ordre public, les subsistances et la
bienfaisance.
L’État napoléonien travaille au rétablissement du lien politique en conciliant
autorité du pouvoir central, primauté de l’individu au sein de l’ordre social et respect
d’équilibres sociaux locaux.
Dans la mise en œuvre de cette solution impériale, le choix des hommes revêt
une importance primordiale. Il suppose la connaissance et l’exploitation de réseaux
et d’un type de sociabilité adaptés à la promotion d’individus qui puissent être
acceptés comme représentatifs de l’intérêt général.
La politique de l’Empire permet de restaurer un sentiment de fierté locale qui est
compatible avec la soumission au pouvoir central justement parce qu’il en dépend.
Ainsi, Lyon recouvre la sensation sinon de l’autonomie du moins de l’influence et du
prestige, alors même que s’instaurent entre elle et le pouvoir central des liens
d’autant plus étroits qu’ils sont ceux de la plus parfaite subordination.
L’originalité et la cohérence de la solution impériale en matière d’administration
municipale à Lyon expliquent son succès. Ce succès est visible à travers le
mouvement de ralliement des élites comme à travers l’adhésion populaire ou du
moins l’absence de contestation dont les nouvelles institutions sont l’objet. Il va sans
dire que le succès de la solution impériale dépend très largement des contextes
81
politique et socio-économique, en particulier de la vigueur du contrôle de l’opinion et
du retour de la prospérité.
3.1. La mairie unique sous le Premier Empire ou l’accomplissement de la
centralisation
3.1.1. Une administration étroitement subordonnée
On l’a vu, la centralisation est un mouvement qui s’amorce assez largement dès
avant la Révolution, devient un temps discuté par les Constituants puis se réalise
progressivement à compter de la Terreur pour devenir le système de gouvernement
sous Napoléon. Alors que « l’emprise de l’État sur le territoire français en 1799
demeure très incertaine »253, on peut en effet considérer que le centralisme français
atteint son « apogée » avec Napoléon254.
Or, il apparaît que le choix de la centralisation est un choix tout à fait politique au
sens où il s’agit pour le régime napoléonien de s’assurer de la docilité
d’administrations locales dans une période susceptible de présenter des opportunités
d’entrer en opposition avec le gouvernement. Bien sûr, une administration centralisée
est considérée assez unanimement dans les cercles du pouvoir comme le gage de
l’efficacité du gouvernement. Pourtant, l’on sait que le développement de la
bureaucratie ainsi que la crainte diffusée par l’autorité impériale à chaque niveau de
l’administration ont eu aussi pour effet de ralentir, d’alourdir les processus
d’exécution. On remarque que c’est au moment où l’État ressent le plus la nécessité
de disposer de l’administration comme d’un instrument de pouvoir parce que
l’autorité centrale est susceptible d’être contestée voire menacée que la
centralisation et son corollaire, la bureaucratisation, s’accroissent. Ainsi la période de
la fin de l’Empire et de la Restauration est-elle révélatrice, tout à fait emblématique
du caractère éminemment politique de la centralisation. En effet les années 1814-
1815 correspondent à un approfondissement des pratiques centralisatrices alors
253
JESSENNE, Jean-Pierre, “Communautés, communes rurales et pouvoirs… », op. cit., p.163. 254
VON THADDEN, Rudolf, La centralisation contestée…, op. cit., p.12.
82
mêmes que les deux souverains qui exercent alternativement le pouvoir font assaut
d’intentions libérales.
Sous la Première Restauration, malgré le caractère libéral de la Charte on
assiste à une « aggravation du régime bureaucratique » :
Le nouveau pouvoir pensait avoir besoin, plus encore que l’empereur déchu, de garder la
haute main sur l’appareil administratif comme instrument de pouvoir. Il était soucieux de
compenser l’autorité perdue au sommet de l’État par un renforcement de la bureaucratie
ministérielle255
.
Les promesses de décentralisation entrevues dans l’Acte additionnel ne sont pas
suives d’effets durant les Cent-jours. La situation de guerre renforçant au contraire la
nécessité de la centralisation. Lorsque Napoléon cherche à éviter de recourir à une
purge massive risquant de s’avérer aussi difficile à effectuer qu’impopulaire, il
organise par le décret impérial du 30 avril 1815 des élections municipales dans les
communes de moins de 5 000 habitants selon les termes de la loi de décembre
1789. L’échec politique est patent, les maires et conseillers ralliés aux Bourbons
étant massivement reconduits256.
La mairie unique de Lyon, sa création, son existence, ses relations avec le
pouvoir central sont à comprendre également dans cette perspective. Il s’agit bien
sûr d’une institution par laquelle le gouvernement central espère disposer d’un relais
efficace de son autorité, capable de prendre en charge l’exécution d’une partie de la
politique impériale et d’assurer localement son succès. Mais il s’agit aussi de mettre
en place les hommes et les réseaux à même de favoriser d’abord l’obéissance,
ensuite l’adhésion au régime. Cet objectif concerne l’ensemble de la population mais
d’abord les élites, c'est-à-dire le monde des notables sur lesquels le régime
napoléonien espère fonder sa légitimité ainsi que le lien politique.
Comme l’explique Jean-Pierre Jessenne, la solution napoléonienne appréhende
conjointement l’organisation administrative et les hiérarchies sociales afin de garantir
la pérennité du contrôle d’État :
255
Ibid., p.99. 256
BOUDON, Jacques-Olivier, Histoire du Consulat et de l’Empire, Paris, Perrin, 2000, p.431.
83
Remodeler l’organisation territoriale en puisant dans les expériences précédentes des bribes
de solutions qui, amalgamées, deviennent une formule originale, caractérisée, notamment,
par le retour à l’échelle communale comme maillon élémentaire, la hiérarchie rigoureuse
d’agents nommés, chapeautés par un personnage désormais essentiel, le préfet, la
consécration de la notabilité comme marque de l’intégration au régime, lequel tient en fait la
clé de l’obtention des fonctions257
.
Ainsi à Lyon, l’Empire met un terme à la partition de la municipalité ce qui lui
permet de désigner un maire unique, seul véritable agent de l’État central dans la
commune. Certes, il est assisté par six adjoints mais ceux-ci sont dotés seulement
de pouvoirs délégués. L’exécutif municipal comme l’organe consultatif qu’est le
conseil municipal sont placés sous l’autorité tatillonne du préfet et du gouvernement.
La désignation du maire, des adjoints et celle des conseillers participe de la
formation d’une population distinguée comme digne d’exprimer ses talents au service
de la collectivité et considérée comme médiatrice entre la masse des habitants et le
gouvernement, garante de l’ordre social et politique car attachée à la préservation de
ses intérêts comme à celle des équilibres sociaux fondamentaux.
3.1.2. L’organisation du travail des édiles
Dans les premières années de la Révolution, la municipalité fonctionne autour de
trois formations dont l’importance est directement liée à la nature des affaires
traitées. Ainsi, le bureau municipal composé d’un tiers des officiers municipaux et du
maire traite des affaires courantes et constitue l’élément permanent de la
municipalité. Le conseil municipal ne se réunit que pour arrêter les comptes du
bureau (soit environ une fois par mois) alors que le conseil général de la commune
au complet n’est appelé à connaître que des affaires les plus importantes. Ce mode
de fonctionnement se heurte rapidement au problème posé par l’absentéisme
croissant des édiles et principalement des officiers municipaux. Le 10 avril 1793, le
procureur de la commune s’exprime devant le conseil général et dénonce :
L’insouciance des membres du Conseil général absents ; (…) il a été arrêté que tout officier
municipal qui, sans motif valablement justifié, ne se rendroit pas aux Conseils soit généraux,
257
JESSENNE, Jean-Pierre, “Communautés, communes rurales et pouvoirs… », op. cit., p.164.
84
soit municipaux, seroit amendé de cinq livres par fois, dont la retenue seroit faite sur son
traitement258
.
Sous le régime des trois municipalités instauré par le Directoire, l’organisation du
travail des édiles les oblige à une présence plus constante, quasi-permanente. Les
six ou sept membres de chacune des administrations ont à connaître de l’ensemble
des questions du ressort de l’administration locale. Davantage sans doute que durant
les années précédentes, l’appui des bureaux spécialisés 259 s’avère précieux et
l’activité de l’administration municipale devient tout d’exécution.
La mise en place d’un conseil municipal de trente membres sous le Consulat
permet aux édiles d’organiser leur travail selon des modalités que l’on voit perdurer
sous l’Empire et au-delà.
3.1.2.1. Le maire et ses indispensables adjoints
La gestion quotidienne des affaires municipales est assurée par le maire aidé de
ses adjoints. Le maire n’est évidemment pas en mesure de garder la haute main sur
toutes les affaires municipales d’une ville de l’importance de Lyon compte tenu de
l’étendue de ses missions. La tâche, même d’exécution, est immense260. Le premier
maire nommé par Napoléon, Fay de Sathonay, exerce sa fonction de septembre
1805 à août 1812, son deuxième mandat étant interrompu par la maladie et son
décès brutal. Sur la période, se tiennent un peu moins de deux cents séances du
conseil municipal : il en préside cent dix-sept après avoir été installé le 1er
vendémiaire an XIV (23 septembre 1805). Dans le même temps, près de six cent
quarante arrêtés ou avis sont pris ou formulés en son nom sur les sujets les plus
variés 261 . On devine aisément la somme des obligations afférentes. Contraint
258
AML, 1217 WP 004. La mesure ne concerne pas les notables qui ne sont pas, eux, rémunérés. Notons qu’un
peu après Thermidor, les officiers municipaux eux-mêmes cessent d’être rémunérés. Seuls restent indemnisés le
maire et le procureur de la commune ainsi que son substitut. 259
Voir p.105-109. 260
Gérard Thermeau estime que le maire de Saint-Étienne de 1813 à 1815 consacre quotidiennement dix à douze
heures à sa fonction : THERMEAU, Gérard, À l’aube de la Révolution industrielle, Saint-Étienne et son
agglomération (1800-1815), Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2002, p. 185. 261
AML, 686 WP 015-017, Actes de l’administration municipale, arrêtés du Maire (1er
vendémiaire an XIV –
1820).
85
d’entretenir une correspondance officielle régulière et fournie262, de représenter la
municipalité lors de nombreux déplacements à Paris et en d’autres occurrences plus
locales, amené à rencontrer régulièrement ses concitoyens et ses collaborateurs à la
mairie, le maire de Lyon ne peut mener à bien sa mission sans l’appui de ses
adjoints.
Pas plus sous l’Empire que précédemment les adjoints n’ont de pouvoir propre.
Ils n’exercent des pouvoirs que par délégation du maire. Ce sont eux qui, le cas
échéant, remplacent le maire en diverses occasions. Un ou plusieurs adjoints
peuvent être envoyés en députation auprès de certaines institutions voire de
l’empereur lui-même. Un des adjoints préside le conseil municipal en son absence. À
Lyon, sous le Premier Empire, l’assiduité du maire aux séances du conseil municipal
est irrégulière mais il est tout de même assez présent durant ses cinq premières
années d’exercice bien qu’il a effectué moins de la moitié des présidences en 1808.
Cependant, les années 1810 à 1812 sont marquées par un absentéisme
sensiblement accru : le maire de la ville semble accaparé par davantage
d’obligations extérieures et perdre un peu de son influence, diminué qu’il est
notamment par d’importants problèmes de santé. La plupart du temps, alors, le
premier adjoint préside à sa place le conseil. Rares sont les cas où un autre adjoint
joue ce rôle ; plus rares encore sont les séances présidées par un simple conseiller
municipal c’est-à-dire celles pour lesquelles aucun des six adjoints n’a pu se rendre
disponible (tableau n°5).
En fait, dès la mise en place de la mairie unique, les adjoints apparaissent tout à
fait indispensables à son bon fonctionnement. Or, plus le temps passe et plus la
bureaucratie municipale se développe, plus les tâches qui leur sont confiées
augmentent et plus leur influence grandit.
La pratique de la délégation de pouvoir du maire vers ses adjoints
s’institutionnalise sous le deuxième mandat de Fay de Sathonay, c'est-à-dire à partir
de 1808 (tableau n°6). Cela s’explique en particulier par l’accroissement des
262
Lors de la première année d’exercice de la mairie unique, du 23 septembre 1805 au 23 septembre 1806, on a
trace de 1 449 courriers reçus et traités par les services municipaux : AML, 1401 WP 015, Actes de
l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux (1er
vendémiaire an XIV –
19 novembre 1806). La masse de lettres va ensuite croissant. Près de 2 000 sont reçues et traitées au cours de
l’année 1807 : AML, 1401 WP 016 (19 novembre 1806 – 31 décembre 1807).
86
obligations dévolues aux communes. Par exemple, quatre décrets impériaux ont pour
effet d’augmenter considérablement la charge de la municipalité en matière
d’administration des infrastructures militaires d’avril 1810 à septembre 1811263.
Tableau n°5
Nombre et présidence des séances du conseil municipal de Lyon
du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815
Année
Nombre de
séances
Présidents de séance264
Maire
Adjoints
Conseillers
1805 3 2
1806 33 25 8
1807 26 25 1
1808 17 16 1
1809 19 17 1 1
1810 31 11 20
1811 40 10 26 4
1812 32 11 18 3
1813 24 15 8 1
1814 30 23 4 3
1815 11 9 265 1 1
263
Il s’agit des décrets du 23 avril et du 30 juillet 1810 et de ceux du 16 et du 18 septembre 1811. Le premier
donne la propriété des bâtiments militaires aux villes, à charge pour elles de les entretenir… 264
Sur la période, les individus qui assurent les suppléances sont : en 1806, Sain-Rousset (7), Charrier de
Senneville (1) ; en 1807, Regny (1) ; en 1808, Charrier de Senneville (1) ; en 1809, Charrier de Senneville (1) et
Arlès, conseiller municipal le plus âgé présent en séance (1) ; en 1810, Sain-Rousset (10), Charrier de Senneville
(9) et Champanhet (1) ; en 1811, Sain-Rousset (25) et Charrier de Senneville (1) mais aussi le conseiller d’Assier
de la Chassagne (4) ; en 1812, Sain-Rousset (16) et Charrier (2) et les deux conseillers Vouty de la Tour (2) et
Laurencin (1) ; en 1813, 1814 et 1815, Sain-Rousset (8, 4 et 1) et le conseiller Dujast d’Ambérieux (1, 3 et 1). 265
De Fargues préside 5 séances sous les Cent-jours, Jars, 4.
87
Tableau n°6
Les délégations de pouvoir du maire aux adjoints de 1808 à 1812
d’après les arrêtés du maire266
Septembre 1808 – avril 1810 1808 Arrêté du 5 septembre 1808
Sain-Rousset
Bernard-Charpieux
Charrier de Senneville
Pernon (décédé en décembre 1808),
Charrasson
Champanhet
réception, prononcé, signature, et expédition des actes de l’état civil + délivrance des certificats de vie, de résidence, d’origine des marchandises françaises de notoriété et tous autres + travail relatif à la conscription, la réception des enrôlements volontaires, répartition des contributions directes, le prononcé sur les réclamations et généralement tout le travail relatif aux impositions qui doit être fait avec ou sans l’assistance des commissaires répartiteurs (délégation tournante)
Dervieux
1809 Arrêté du 24 février 1809
Sain-Rousset
Bernard-Charpieux
Charrier de Senneville
Charrasson réception, prononcé, signature, et expédition des actes de l’état civil + délivrance des certificats de vie, de résidence, d’origine des marchandises françaises de notoriété et tous autres + travail relatif à la conscription, la réception des enrôlements volontaires, répartition des contributions directes, le prononcé sur les réclamations et généralement tout le travail relatif aux impositions qui doit être fait avec ou sans l’assistance des commissaires répartiteurs
Champanhet
Dervieux
266
AML 686 WP 015-017. La recension ainsi effectuée reste partielle comme on s’en aperçoit lorsqu’on entre
dans le détail de la politique conduite par la municipalité sur la période.
88
Avril 1810 – mars 1813
1811 Arrêté du 29 mai 1811
Sain-Rousset direction et surveillance de la bibliothèque
Bernard-Charpieux
direction et surveillance des petites écoles
Charrier de Senneville
direction et surveillance du conservatoire des arts, de l’école spéciale de dessin, des cours de physique et de chimie
police des deux théâtres (délégation tournante du 1
er juin 11 au 30 juin 12)
Champanhet direction et surveillance du jardin des plantes et du cours de botanique
Cazenove direction et surveillance de la régie municipale de l’octroi
Mémo (13 juillet 1810-11 mars 1811), De
Laurencin
direction et surveillance de l’administration des prisons
Février 1812 Arrêté du 14 février 1812 Arrêté du 20 février 1812
Sain-Rousset
Bernard-Charpieux
Charrier de Senneville
différentes opérations touchant à entretien, travaux de conservation, maintenance des bâtiments militaires ainsi que des mesures concernant le logement des troupes stationnées faisant partie de la garnison ou des employés militaires ayant droit au logement.
état civil + délivrance des certificats d’origine pour les marchandises, délivrance des mandats de paiement pour militaires en retraite ou en réforme, visa des actes judiciaires, déclarations de transfert de domicile, actes de moralité, de notoriété, réception à l’hospice de la Charité des enfants abandonnés + présidence de la commission des répartiteurs pour la formation des matrices des rôles des contributions, visa des registres des 3 receveurs des contributions directes de la ville + formation des listes relatives à la conscription, délivrance des certificats de toute nature s’y rapportant, « généralement toutes les opérations auxquelles le maire en matière de conscription est appelé à concourir soit antérieurement soit postérieurement à la levée de chaque classe » (délégation tournante)
Champanhet surveillance et à la vérification de la caisse et de la comptabilité du receveur de la ville (délégation tournante)
Cazenove
De Laurencin
89
Mai – juin 1812
Arrêté du 15 mai 1812
Sain-Rousset état civil, certificats de vie ou de résidence, d’origine des marchandises, délivrance des mandats de paiement pour militaires en retraite ou en réforme, visa des actes judiciaires, déclarations de transfert de domicile, actes de moralité, de notoriété (délégation tournante)
membre du conseil de la Fabrique des églises d’Ainay, Saint-Georges et Saint-Just
Bernard-Charpieux
Charrier de Senneville
inspection, surveillance caserne et bâtiments militaires, assiette du logement des troupes, reconnaissance des lits militaires (15 mai-31 octobre)
Champanhet présidence du Conseil d’administration du Jardin des Plantes, surveillance du cours de botanique, membre du conseill de la Fabrique des églises de Saint-Polycarpe, Saint-Louis et Saint-Paul.
Cazenove contrôle de l’octroi (15 mai-31 déc)
De Laurencin tenue de l’audience de police + exécution des lois, règlements et ordonnances de police + présidence du comité des soupes économiques + administration de la police des prisons (celle-là :15 mai-31 oct)
Parfois, la compétence de l’adjoint est à ce point admise qu’il peut développer
ses propres réflexions. En 1811, André-Paul Sain-Rousset fait part dans une lettre
adressée au préfet de sa vision de la police municipale en ces termes :
La police est à mes yeux une magistrature paternelle et protectrice ; et ce n’est qu’entre les
mains du magistrat de la cité qu’elle peut avoir ce caractère267
.
Bien entendu, Sain-Rousset se fait certainement ici l’écho de convictions qu’il
partage avec le maire Fay de Sathonay dont il s’attache à défendre les prérogatives
mais qu’il puisse exprimer sa position d’une manière si personnelle est significatif de
l’importance qu’on lui reconnaît.
Il arrive encore que le préfet s’adresse dans le cadre de leur délégation de
pouvoir directement aux adjoints pour leur confier certaines tâches sans que le
premier magistrat de la ville soit consulté. En dépouillant les courriers échangés
entre la mairie et la préfecture sur la question de la légion d’honneur et de ses
membres, on s’aperçoit par exemple que l’adjoint, en l’occurrence Henri-Quirin
267
ADR, 4 M 1, Organisation de la police du département. Lettre en date du 13 juin 1811. Nous soulignons.
90
Cazenove, répond aux demandes de renseignements du préfet sans avoir à en
informer le maire268.
La réalité d’une délégation de pouvoir du maire vers ses adjoints est très variable
comme le montre le tableau n°6. En outre, on s’aperçoit que les fonctions déléguées
à un adjoint peuvent être d’une extrême diversité. L’adjoint du maire n’a pas toujours
une mission limitée à un champ de compétences très homogène comme cela est le
cas pour l’adjoint chargé des questions de police sous d’Albon269.
Une dernière pratique est à signaler : la délégation exceptionnelle. Il s’agit pour
le maire de désigner un de ses adjoints en vue d’effectuer une mission ponctuelle,
normalement dévolue au maire. Ainsi, par exemple, Fay de Sathonay décide-t-il par
un arrêté du 12 décembre 1811 de faire appel à Charrier de Senneville « pour
assister, conformément aux dispositions prescrites par le gouvernement, au Procès-
verbal qui sera dressé pour constater les objets renfermée dans une dépêche volée
dans la malle du courrier le 24 novembre dernier »270.
On constate que la charge dévolue aux adjoints est souvent lourde et exige de
ces bénévoles une vraie compétence technique en même temps qu’une disponibilité
considérable.
Recevant du maire de larges délégations de pouvoir, notamment dans les
domaines de la police et des finances, les adjoints constituent avec lui une sorte de
noyau exécutif. D’ailleurs, en cas d’absence ou d’indisponibilité du maire, les adjoints
sont amenés à le suppléer lors de ses audiences publiques271. Cet état de fait
caractérise déjà la période des trois mairies. C’est peut-être ce qui explique que si
les trois anciens maires sont conservés auprès de Fay de Sathonay en 1805, aucun
de leurs adjoints ne les suit. L’autorité centrale a sans doute évité ainsi que le poids
des anciennes équipes exécutives ne soit trop ressenti par le nouveau maire unique.
En tous cas, la même observation peut être faite pour Bordeaux et Marseille272.
268
ADR, 1 M 147, Légions d’honneur, notices individuelles, titulaires. 269
AML, 686 WP 018, Arrêtés de police, 1813-1818. Il s’agit de Charrier de Senneville. 270
AML, 686 WP 016. Arrêté du 12 décembre 1811. 271
AML, 686 WP 015. Arrêté du 15 mai 1812. 272
COSTE, Laurent, Le Maire et l’Empereur…, op.cit., p.42.
91
En 1811, l’année durant laquelle le maire de Lyon est le plus absent, c’est le
premier adjoint lui-même, Sain-Rousset, nouveau baron de Vauxonne, qui signe un
arrêté en date du 29 mai augmentant le domaine des compétences déléguées à
chacun des six adjoints, dont lui-même, « considérant que dans une ville aussi
considérable que Lyon, les opérations de l’administration municipale sont
excessivement multipliées et que, quel que soit le zèle de l’administrateur, il est
difficile qu’il puisse subvenir à l’inspection quotidienne de tous les détails »273.
Néanmoins, chaque délégation, si étendue soit-elle, n’est jamais qu’une
délégation. Le maire se réserve toujours la possibilité de se substituer à son adjoint.
Le maire est bien le maître de l’administration municipale : dans le cas des
délégations de pouvoir de Charrasson, par exemple, Fay de Sathonay prévoit
d’exercer lui-même ces pouvoirs « toutes les fois que nous le trouverons
convenable »274.
Quelles que soient les circonstances, le maire reste donc l’agent exécutif de la
municipalité, celui dont toute décision procède. En aucun cas un adjoint ne peut se
substituer entièrement au maire. En aucun cas le maire ne peut s’effacer derrière un
adjoint. Alors que Fay de Sathonay est gravement malade, au début de l’été 1812, il
ne se sent plus en mesure d’assumer sa responsabilité de maire de Lyon. Il décide
donc de confier l’ensemble de ses fonctions qui ne font pas encore l’objet d’une
délégation à un adjoint, de Laurencin275. Or, le préfet refuse d’avaliser le principe
d’une délégation si étendue qu’elle devient totale. Trois jours seulement après son
premier arrêté, le maire est contraint de réduire sa délégation à de Laurencin. Il
conserve les prérogatives qui s’avèrent ainsi être au cœur du pouvoir du maire :
l’ouverture de la correspondance, l’ordonnancement des dépenses municipales, la
direction et la surveillance des établissements communaux276.
3.1.2.2. Les délégations de pouvoir : un enjeu important
Il faut se garder d’avoir de l’exécutif municipal une vision trop harmonieuse. En
effet, il arrive que les délégations de pouvoir posent problème. Parfois les adjoints
273
AML, 686 WP 016. Arrêté du 29 mai 1811. 274
AML, 686 WP 015. Arrêté du 24 février 1809. 275
AML, 686 WP 016. Arrêté du 27 juin 1812. La délégation est prévue pour prendre effet le 5 juillet. 276
Ibid. Arrêté du 30 juin 1812.
92
négligent leur fonction. Il faut alors toute l’énergie du maire pour rendre effective la
vaste délégation de pouvoirs dont il les dote. Lors de la séance inaugurale du conseil
municipal du 2 mai 1808, le maire, à propos de ses adjoints, regrette :
La démission du premier, les absences habituelles du second, les affaires personnelles du
troisième et son éloignement prolongé de cette ville, enfin l’état de maladie et de souffrance
du quatrième m’ont privé presque totalement de leur concours277
.
En effet, l’ancien maire du Nord, Parent, a rapidement quitté des fonctions qu’il a
semble-t-il vécues comme un déclassement278. Ses anciens collègues, Sain-Rousset
et Bernard-Charpieux, s’ils ne démissionnent pas, sont peu impliqués, boudant le
nouveau maire et préférant à celle de la municipalité la gestion de leurs affaires,
celles du second périclitant. Camille Pernon, lui, décède au mois de décembre
suivant.
Les rapports du préfet ne se font jamais l’écho de tels manquements, notamment
concernant des personnalités aussi éminentes que Sain-Rousset ou Bernard-
Charpieux. Sans doute est-il difficile de renvoyer au pouvoir central une image aussi
crue de la vie politique municipale lyonnaise. Intervenant dans ce contexte
unanimiste, la déclaration du maire revêt une saveur toute particulière et traduit sans
aucun doute un dysfonctionnement très important. Seul l’adjoint Charrier de
Senneville reçoit-il alors les félicitations du maire pour le travail effectué,
essentiellement alors dans le domaine de l’instruction publique.
Le caractère récurrent de telles défections amène le maire à chercher à s’en
prémunir en anticipant de semblables situations. Ainsi, en décembre 1811, alors que
des troubles se produisent au Grand théâtre et que l’adjoint en charge de la
délégation de la police des spectacles Champanhet doit normalement accompagner
le commissaire de police Janin pour en faire le constat, le maire évoque par avance
sa possible absence et prend un arrêté déléguant un autre adjoint, de Laurencin,
pour le cas échéant279.
277
AML, 1217 WP 031. Séance du 2 mai 1808. Ces nombreuses défections amènent le maire à nommer
temporairement un conseiller, Arlès, pour faire fonction d’adjoint. Pour autant, Arlès ne cesse pas de participer
aux séances du conseil (séance du 5 mai). 278
Dès le mois de brumaire an XIV, Parent informe le maire qu’il sera parfois dans l’impossibilité de signer les
actes qui se passent à la mairie. AML, 1401 WP 015 (239). 279
AML, 686 WP 016. Arrêtés des 3 et 12 décembre 1811.
93
Par ailleurs, le maire redoute parfois de voir certains de ses adjoints acquérir un
poids excessif au point de menacer son prestige et son autorité tant auprès de la
population et des institutions locales que de l’autorité centrale. C’est ce qui conduit,
dès 1807, le ministre de l’Intérieur Crétet à préciser que « les délégations doivent
être spéciales, temporaires, limitées et révocables à volonté » et qu’en
conséquence :
Il ne peut y avoir dans une ville, comme le maire de Lyon semble le craindre, autant de maires
que d’adjoints chargés de diverses parties de l’administration municipale et qu’il n’y a au
contraire qu’un maire d’après les instructions et l’autorisation duquel ces mêmes adjoints
agissent280
.
Dans le contexte particulier de la succession de Fay de Sathonay, le comte
d’Albon se voit en la matière rassuré par le ministre Montalivet. Alors qu’il se plaint
du « mauvais esprit » au sein du conseil municipal et dit redouter de ne pouvoir
travailler avec ses éventuels futurs adjoints, le ministre lui rappelle qu’il sera en
mesure de déléguer seulement les compétences qu’il désirera et gardera ainsi bien
la main sur eux281.
À l’inverse les adjoints ayant à faire face à des obligations de plus en plus
lourdes réclament sinon une plus grande reconnaissance du moins une plus grande
autonomie dans l’exécution de leur tâche. A partir du printemps 1811, le rythme des
délégations de pouvoir du maire vers ses six adjoints s’accélère considérablement.
Certains rechignent alors à voir s’alourdir leur charge. Ainsi, comme on l’a vu, de
Champanhet en matière de police des théâtres en décembre 1811, amenant le maire
à faire appel à un autre adjoint, de Laurencin. Au début de l’année 1812, trois
adjoints refusent de remplir les tâches leur incombant au titre de nouvelles
délégations282. Il faut dire que l’accumulation des missions a de quoi effrayer les plus
volontaires d’entre les édiles. Cazenove, Champanhet et Charrier de Senneville ont
en effet à assurer la tenue de l’état civil, tâche particulièrement contraignante du fait
de la disponibilité qu’elle exige. Mais à cette délégation s’ajoute, comme le montre le
280
Ibid. Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet du Rhône en date du 22 octobre 1807, citée dans l’arrêté
municipal du 15 mai 1812. 281
ADR, 8 J 2. Courrier de Montalivet à Bondy en date du 30 mars. 282
On l’apprend à la lecture des arrêtés municipaux sur la période, en particulier : AML, 686 WP 016. Arrêté du
20 février 1812
94
tableau n°6, toute une série de missions aussi ingrates : la délivrance des certificats
d’origine pour les marchandises, celle des mandats de paiement pour les militaires
en retraite ou en réforme, le visa des actes judiciaires, les déclarations de transfert
de domicile, les actes de moralité et de notoriété mais aussi la présidence de la
commission des répartiteurs pour la formation des matrices des rôles des
contributions et le contrôle des registres des trois receveurs des contributions
directes de la ville, la formation des listes relatives à la conscription et
« généralement toutes les opérations auxquelles le maire en matière de conscription
est appelé à concourir soit antérieurement soit postérieurement à la levée de chaque
classe » sans oublier la réception à l’hospice de la Charité des enfants
abandonnés…
Si les trois adjoints sont libres d’organiser entre eux le travail comme ils
l’entendent, on comprend aisément qu’ils trouvent ingrate et difficile la tâche. Or, en
l’espèce, leur grief porte, plutôt que sur l’étendue de leurs fonctions, sur l’intervention
continue du maire et le manque d’autonomie dont ils disposent dans l’exécution de
leur mission. Ils considèrent que l’intervention du maire dans leur action nuit à
l’efficacité d’icelle. Face à une situation dont se plaint le maire et qui risque de
conduire au blocage de l’administration municipale toute entière, le ministre de
l’Intérieur Montalivet est amené à intervenir. Or, le ministre ne tranche pas
franchement entre le maire et les adjoints. Il rappelle le principe-clé de l’unité du
pouvoir exécutif qui garantit la prépondérance du maire sur ses adjoints tout en
soulignant la nécessité de ne pas saper l’autorité de l’adjoint à qui incombe la
responsabilité d’une action conduite par délégation :
M. le Maire et MM les adjoints ont sur cette question des idées qui ne sont ni tout à fait
conformes ni tout à fait contraires aux principes (…) une délégation doit être entière quant à
l’autorité qui porte exécution. Mais comme il n’y a qu’un administrateur de la commune qui est
le Maire, tout doit être adressé au Maire, sauf à lui à renvoyer à chaque adjoint l’objet qui le
concerne comme délégué. D’un autre côté, il est certain que si le maire s’immisçait dans
l’expédition des affaires déléguées, il y jetterait de la confusion et atténuerait la responsabilité
du délégué283
.
283
Ibid. Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet du Rhône en date du 30 avril 1812, citée dans l’arrêté
municipal du 15 mai 1812 qui reprend également les termes d’un courrier semblable de Crétet du 22 octobre
1807.
95
En outre, le ministre met en garde le maire contre la tentation qu’il pourrait avoir
de morceler à l’extrême les délégations afin de partager un domaine de compétences
entre plusieurs adjoints et de réduire ainsi l’influence de chacun. Il n’est « pas permis
de déléguer une même nature d’affaires à plusieurs adjoints concurremment.
Chaque délégation doit être individuelle et spéciale »284. L’autorité centrale a donc
dû à plusieurs reprises intervenir dans les relations internes à l’équipe exécutive
municipale afin de les équilibrer et de permettre à l’institution de la mairie unique de
fonctionner.
Signalons que, malgré l’intervention du ministre et son souci de promouvoir une
solution stable, les difficultés continuent. Alors que Charrier de Senneville prévient le
maire qu’il ne pourra assurer la tenue de l’état civil et que Fay de Sathonay nomme
Champanhet pour pallier cette défaillance, ce dernier refuse purement et simplement
la délégation prévue pour durer huit jours, forçant le maire à désigner un troisième
adjoint, Cazenove285.
Pour alléger le travail de chacun de ses six adjoints, et sans doute là encore pour
limiter leur influence, le maire use souvent de délégations tournantes : ces
délégations de pouvoir sont prises en charge à tour de rôle pour un trimestre en
général (un mois pour la tenue de l’état civil) par chaque adjoint. La délégation des
pouvoirs de police des théâtres est ainsi exercée à tour de rôle par Cazenove,
Champanhet et de Laurencin à partir du mois de juin 1811 aux termes de l’arrêté du
29 mai de cette année286.
Lorsqu’on étudie les nombreux documents qui précisent l’étendue des
délégations de pouvoir dont bénéficient les adjoints du maire, on s’aperçoit que des
changements assez notables sont visibles en ce domaine entre les différents maires.
En effet, alors que la pratique de la délégation de pouvoir du maire vers ses
adjoints s’institutionnalise sous le deuxième mandat de Fay de Sathonay, c'est-à-dire
à partir de 1808 et jusqu’à l’été 1812, on constate que d’Albon cherche ensuite, sans
rompre avec une pratique indispensable à la bonne exécution de l’autorité
municipale, à « reprendre la main » en bornant très précisément les compétences
284
Ibid. 285
Ibid. Arrêtés des 19 et 21 juin 1811. 286
Ibid. Arrêté du 29 mai 1811.
96
déléguées et en réinvestissant certains des domaines négligés par son
prédécesseur, du fait notamment de ses problèmes de santé.
L’arrêté du comte d’Albon en date du 19 mai 1813 287 est à cet égard très
significatif. Le texte commence par énumérer les charges déléguées. Sans surprise,
une délégation tournante est organisée en ce qui concerne les tâches très
contraignantes liées à la tenue de l’état civil et à la délivrance ou à la vérification des
différents certificats afférents aux personnes comme aux marchandises. Cependant,
le maire prévoit d’effectuer comme ses adjoints cette tâche durant un mois – celui de
décembre en l’espèce – d’ici la fin de l’année 1813. Il y voit sans doute le moyen de
se familiariser avec les rouages bureaucratiques et, partant, de ne pas laisser
échapper cet instrument du pouvoir. Par ailleurs, il choisit de partager certaines
délégations entre quelques adjoints mais le fait, habilement, sur la base d’un
découpage géographique. De cette manière, l’autorité est partagée sans l’être. Les
adjoints voient leur influence limitée sans que le maire soit cette fois obligé de faire
preuve d’ingérence. Ainsi, l’exercice de la voirie, les mesures d’urbanisme (y compris
la passation des marchés) et l’entretien des bâtiments communaux sont-ils confiés à
Sain-Rousset et de Laurencin pour la division du Midi, à Champanhet et Riverieulx
de Varax pour la division Nord et à Cazenove pour celle de l’Ouest. Le seul adjoint
qui dispose d’une délégation importante en mesure de lui attribuer une influence
gênante pour le maire est Charrier de Senneville qui a la haute main sur la police
municipale. Or, cela sera expliqué plus tard, il s’agit du principal allié de d’Albon au
sein de la municipalité. Les délégations confiées par ailleurs à de Laurencin, la
présidence de l’administration des prisons, et à Cazenove, la présidence de la
commission de formation des matrices de rôles en contributions, sont de nature bien
moins politique et bien moins stratégique. La volonté du nouveau maire de contrôler
étroitement ses adjoints et de conserver sur eux la prépondérance que lui confère la
loi est évidente. Elle l’est encore davantage lorsque d’Albon prend la précaution de
rappeler les charges qui restent entièrement de son ressort. Elles sont nombreuses
et garantissent au maire l’essentiel de l’influence politique locale. Il s’agit de la
correspondance générale, de l’administration de l’octroi, de la mise en ferme des
revenus communaux, de la délivrance des mandats de paiement, mais aussi des
affaires relatives au commerce, aux fabriques et aux manufactures, à l’instruction
287
Ibid. Arrêté du 19 mai 1813.
97
publique, au conservatoire des arts, au musée et à l’école de dessin, et enfin de la
présidence des hôpitaux et des bureaux de bienfaisance comme de celle du jury des
écoles primaires, du mont de piété et des autres établissements communaux.
L’obligation dans laquelle Fay de Sathonay s’était trouvé de devoir conserver ces
dernières prérogatives malgré sa maladie onze mois plus tôt révélait déjà que là,
notamment, se trouvait le fondement de l’autorité du maire sur l’ensemble de la
municipalité.
3.1.2.3. Le travail des conseillers municipaux
La première obligation qui incombe au conseiller municipal est d’assister aux
séances du conseil afin de participer aux discussions et de se prononcer sur les
délibérations qui sont de son ressort. Ces séances sont nombreuses. En tous cas,
leur nombre excède largement celui prévu selon les sessions annuelles ordinaires :
du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815, le conseil municipal de Lyon s’est assemblé
à 266 reprises. L’ordre du jour est étroitement contrôlé par le préfet lors des séances
de la session ordinaire. Celui des séances extraordinaires est strictement limité à
l’objet nécessitant sa convocation. Ces règles sont la matière d’une très ferme mise
au point du ministre de l’Intérieur dès l’an IX288. Néanmoins, la plupart des dossiers
qui font l’objet de délibérations de la part du conseil municipal sont préparés et
présentés à l’assemblée par un ensemble de conseillers regroupés en commissions.
Sur la période, le recours aux commissions est systématique. Les commissions sont
créées, sous l’Empire, au rythme de 0,63 commission par séance en moyenne mais
ce chiffre recouvre une réalité très fluctuante (tableau n°7) dont on ne peut pas
toujours aisément expliquer les variations. Seule l’inflation visible en 1812 s’explique
sans doute essentiellement par la défaillance du maire Fay de Sathonay à laquelle le
conseil remédie en nommant de nombreuses commissions dans l’urgence, pour
traiter de dossiers extrêmement variés. Ainsi, lors de la seule séance du 1er mai 1812
qui marque le début de la session annuelle ordinaire, ce sont quatorze commissions
spéciales qui sont instituées289. Aux yeux des édiles le recours aux commissions
288
AN, F 1c
III Rhône 5, Comptes-rendus administratifs. Correspondance entre le ministre de l’Intérieur et le
préfet du Rhône (thermidor an IX – août 1801). 289
AML, 1217 WP 034 (1er
juillet 1811 – 19 juin 1812).
98
constitue probablement le moyen le plus efficace de mener un travail de fond d’aide
à la prise de décision. Quelques commissions ont tendance à s’institutionnaliser
compte tenu de la récurrence des questions et de leur technicité. Chaque année une
commission du budget est formée en début de session ordinaire. Au-delà de la
préparation du budget proprement dit, elle est destinée à prendre en charge tout au
long de l’année la plupart des dossiers ayant trait aux recettes et, surtout, aux
dépenses de la ville. Elle est, de très loin, la commission la plus sollicitée. De la
même manière, sous l’Empire, l’examen des comptes du receveur et la
réglementation de l’octroi sont suivis par des commissions durablement constituées.
On voit enfin apparaître une commission dite des travaux publics à partir de 1811
dont l’importance croît considérablement au cours des dernières années du régime.
Les autres commissions ne sont pas permanentes et leur constitution peut
parfois apparaître empirique, fonction de l’assistance aux séances, du degré
d’implication de chacun des conseillers présents et de l’ordre du jour. Régulièrement,
des remplacements sont effectués ou des renforts attribués en cours de session au
sein de commissions amoindries par la défection d’un des membres ou chargées de
dossiers trop nombreux. Parfois, des suppléants sont prévus au moment même où la
composition de la commission est décidée. Les conseillers sont généralement
désignés par scrutin mais peuvent l’être par simple décision du maire. Aucun cas de
refus n’est apparu à la lecture des sources. Au total, ce sont quarante-six des
soixante et onze conseillers municipaux nommés par l’empereur qui ont fait partie
d’au moins une des cent quarante-trois commissions recensées, le très actif d’Assier
de la Chassagne ayant contribué au travail de cinquante-deux d’entre elles.
99
Tableau n°7
Les commissions désignées en séance du conseil municipal
sous le Premier Empire, du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815
Objet principal des
commissions
1805
1806
1807
1808
1809
1810
1811
1812
1813
1815
Total
Affaires financières (budget, examen des comptes…)
2
3
3
4
3
5
1
3
2
26
Octroi, droits et contributions
3
3
1
5
4
1
2
1
20
Urbanisme, voirie et travaux publics
3
4
1
1
6
3
3
1
22
Réclamations et pétitions
1
4
1
2
4
3
6
2
2
25
Assistance (dont hospices)
2
1
1
3
1
8
Subsistances
1
1
1
3
Autres
5
1
2
3
7
18
2
1
39
TOTAL
3
20
12
8
13
25
17
31
9
5
143
MOYENNE par séance
1
0.60
0.46
0.47
0.68
0.80
0.42
0.96
0.37
1.25
0.63
100
Tableau n°8
La participation des conseillers municipaux aux commissions
sous le Premier Empire, du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815
Conseillers municipaux
Nombre de
commissions
Période
ARLÈS 13 1805-1815
ARTHAUD 10 1805-1814
ASSIER 52 1805-1814
AYNARD 11 1805-1815
BERNAT 21 1812-1815
BODIN 9 1811-1813
BOULARD 40 1805-1815
CHAMPANHET 6 1805-1808
CHARRASSON 32 1805-1815
CHARRIER 2 1805-1814
CHATILLON 5 1808-1815
CHIRAT 21 1805-1811
COCHARD 1 1815
DERVIEUX 6 1805-1808
DESPREZ 25 1805-1813
DEVILLAS 36 1805-1812
DUJAST 5 1805-1814
ÉVESQUE 2 1815
FALSAN 7 1811-1815
FRÈREJEAN 11 1808-1815
GIRAUD 7 1813-1815
GRAILHE 43 1805-1815
GUERRE 24 1811-1814
HERVIER 4 1805-1812
LA ROUE 10 1805-1813
LEBOEUF 1 1815
LECLERC 10 1805-1810
LORIN 2 1815
MASSON-MONGÈS 21 1811-1814
MAYEUVRE 29 1805-1812
MIDEY 1 1815
MORAND 30 1808-1813
MOREL 5 1805-1815
MOTTET 1 1815
NIVIÈRE 1 1815
PETIT 6 1805-1810
RAMBAUD 6 1811-1813
RÉGNY père 3 1815
REYNE-FITTLER 1 1815
RIVERIEULX 5 1805-1813
ROSIER 20 1805-1812
RUOLZ 13 1811-1815
SAULNIER 1 1815
SÉRIZIAT 11 1808-1815
SERVAN 3 1815
VOUTY 11 1811-1815
101
Il est difficile d’appréhender avec exactitude ce que fut la réalité de l’organisation
du travail interne à ces commissions. Il semble que les commissaires se réunissent
parfois sous la présidence du maire, voire d’un adjoint mais que, la plupart du temps,
ils travaillent isolément, à partir de documents officiels, d’archives mais aussi de
rencontres avec les parties aux affaires traitées. Chaque commission bénéficie d’un
temps variable avant de devoir rapporter en séance. Si certaines sont créées pour
rendre compte le jour même, toutes les commissions ne se voient pas fixer un délai
impératif ni même indicatif pour encadrer leur travail. Le délai moyen de remise de
leur rapport par les commissions créées lors des séances du conseil municipal, du
23 septembre 1805 au 6 juillet 1815, est d’un peu plus de deux séances. Mais cette
moyenne recouvre des situations très variables. Certaines, elles sont rares, échouent
complètement à traiter un dossier et le conseil procède à leur suppression puis à leur
remplacement. Ainsi d’une commission créée à la fin de l’année 1807 pour étudier la
question de la démolition du grand jubé de l’église Saint Just. Relancée en janvier
1808, elle avoue finalement son incapacité à se réunir efficacement pour être
dissoute puis remplacée en mai 1808290. Il est des circonstances, peu nombreuses
au demeurant, où les commissions sont dotées de pouvoirs exécutifs. À la demande
de Charrier de Senneville, la commission chargée d’envisager la question de
l’acquisition par la commune des bâtiments de l’Antiquaille est autorisée à négocier
avec le responsable de l’institution, à charge pour deux experts, désignés l’un par le
préfet l’autre par le conseil municipal lui-même, de vérifier la régularité de l’accord
conclu291.
L’activité des conseillers nécessite l’emploi de compétences tout à fait
importantes. On constate que certains conseillers municipaux se spécialisent dans
certains domaines et s’investissent beaucoup dans des tâches somme toute assez
obscures. Cela accrédite l’idée selon laquelle nombre de conseillers ou d’adjoints se
signalent par leur dévouement à l’administration de la ville. Les délibérations du
conseil peuvent être considérées comme celles d’experts. Les exemples abondent
de conseillers que les compétences rendent indispensables au traitement d’un
certain nombre de questions techniques. Ainsi de Grailhe de Montaima, fils du ci-
devant conseiller du roi receveur des consignations du pays et comté de Forez, ou
290
AML, 1217 WP 031. Séances des 5 janvier et 6 mai 1808. 291
AML, 1217 WP 030. Séance du 15 mars 1806.
102
encore du négociant Chirat qui sont de la plupart des commissions ayant trait aux
questions financières lorsqu’ils assistent aux séances qui les désignent. Chirat
présente à ses collègues le projet de budget en 1806 et 1808292 ; Grailhe en 1809293.
Ce dernier s’associe régulièrement à d’Assier de la Chassagne et Boulard de
Gatellier pour envisager les questions d’urbanisme : les trois hommes composent
deux commissions sur le sujet lors d’une même séance, en mars 1810294. On voit en
outre un certain nombre de conseillers prendre tout à fait à cœur leur rôle en
fournissant des rapports très conséquents sur les sujets auxquels ils s’intéressent en
priorité. Lors de la séance du 5 mai 1809, l’académicien Marc-Antoine Petit fait un
rapport vibrant sur la forme que pourrait prendre la restauration de la fête municipale
dite de Saint-Thomas ayant pour fonction de célébrer la ville et sa municipalité au
travers en particulier d’un concours d’éloquence295. Le recours à des conseillers
compétents dans le cadre d’un travail de commissions « techniques » explique que
les rapports soient la plupart du temps acceptés en l’état et adoptés sous la forme de
délibérations.
Par contre, on ne peut évoquer le rôle des conseillers municipaux et dire son
importance sans aborder la question de l’absentéisme. Sous le Premier Empire, on
peut dire que l’absentéisme des conseillers municipaux est chronique. L’examen des
états de présence aux 222 séances du conseil municipal qui se tiennent sur la
période 1806-1813, correspondant aux années de fonctionnement le plus normal et
le plus routinier des institutions, fait apparaître que c’est la moitié des membres du
conseil qui manque presque systématiquement la séance (tableau n°9).
Parfois, la situation est critique. La séance du 20 janvier 1812 est ajournée en
raison du faible nombre de participants296. Ce jour-là pourtant, ils sont en plus du
maire, quatorze conseillers à s’être rendus à l’hôtel de ville. Mais il s’agit alors de
prendre une nouvelle délibération sur la question de la taxe des inhumations ;
nouvelle délibération exigée par le ministre de l’Intérieur qui avait renoncé à
présenter la première à l’empereur compte tenu, déjà, du petit nombre des
292
AML, 1217 WP 030 et 031. Séances du 2 juillet 1806 et du 14 juillet 1808. 293
AML, 1217 WP 032 (13 mars 1809 – 9 mai 1810). Séance du 30 septembre 1809. 294
Ibid. Séance du 17 mars 1810. 295
Ibid. Séance du 5 mai 1809. 296
AML, 1217 WP 034 (1er
juillet 1811 – 19 juin 1812). Séance du 20 janvier 1812.
103
délibérants297. En octobre 1813, alors que la situation des armées en Allemagne est
délicate, le ministre de l’Intérieur exige du préfet qu’il convoque le conseil municipal
en séance extraordinaire. Faute d’édiles effectivement présents à Lyon, le préfet doit
attendre plusieurs jours pour « les réunir en nombre suffisant » et faire voter une
adresse consignant « l’expression de l’inviolable dévouement pour leur auguste
souverain »298.
La situation n’a rien d’exceptionnel et n’est pas liée à la mise en place de la
mairie unique. Lors de la séance du 3 ventôse an XIII (22 février 1805), à l’époque
des trois mairies, le débat portant sur un point de règlement est ajourné au motif que
« le Conseil est trop peu nombreux et qu’il serait au moins inconvenant de soumettre
la révision des règlements de l’assemblée à une faible minorité »299.
Tableau n°9
Assistance des séances du conseil municipal (1806-1813)300
Année 1806 1807 1808 1809 1810 1811 1812 1813
Nombre de séances
33
26 17 19 31 40 32 24
Assistance maximale/minimale
19/8 19/7 21/8 20/11 22/7 22/8 25/12 25/10
Assistance moyenne
14,12 13,9 13,7 14,84 13,74 14,7 17,4 14,5
Dès son arrivée à la tête de la municipalité, Fay de Sathonay regrette un tel
absentéisme qui, la plupart du temps, reste injustifié et croit bon de rappeler la règle,
définie par le conseil municipal lui-même en cette séance du 3 ventôse, selon
297
Selon l’article 30 des Constitutions de l’Empire, on ne peut tenir compte des délibérations d’une assemblée
que si les deux tiers de ses membres sont présents lors des débats. Autant dire qu’un strict respect de la loi aurait
invalidé la quasi-totalité des délibérations du conseil municipal de Lyon. 298
AN, F1c
III Rhône 9, Correspondance et divers. Courrier du préfet du Rhône au ministre de l’Intérieur (23
octobre 1813). 299
AML, 1217 WP 029. 300
En retenant la période 1806-1813, il s’agit de travailler sur l’habituel plus que sur l’exceptionnel, les
années1814 et1815 étant particulièrement troublées par les bouleversements politiques multiples qui modifient à
la fois le rythme et la nature d’une grande partie des séances.
104
laquelle « il est de l’ordre du service public que les fonctions pour lesquelles on est
désigné soient remplies ou résignées »301.
Si l’absentéisme des membres du conseil est indéniable, on doit avancer
quelques éléments d’explication qui ne sont pas tous à charge pour les conseillers.
Premièrement, certains conseillers sont normalement assidus et remplissent
avec constance leur fonction. Arlès assiste à 192 séances sur les 222 auxquelles il
lui est donné d’assister de 1806 à 1813 ; d’Assier de la Chassagne à 189. En fait, on
s‘aperçoit que l’activité du conseil repose sur le dévouement de quelques-uns de ses
membres. En 1809, ils ne sont que onze (le maire compris) à assister à au moins
treize des dix-neuf séances de l’année. Ils sont six à ne pas assister au tiers de ces
mêmes dix-neuf séances302.
Deuxièmement, si beaucoup des conseillers font preuve de désinvolture, que
dire du comportement de l’autorité centrale vis-à-vis de l’institution délibérative de la
deuxième commune de France ? En effet, hors les périodes légalement prévues, le
renouvellement du personnel politique municipal est très irrégulièrement effectué.
Lors de la séance du 9 décembre 1807, le maire fait remarquer que si l’on ne compte
que dix-sept présents, ce nombre ne doit pas être rapporté aux trente et un membres
théoriques mais aux vingt et un auxquels « le Conseil se trouve réduit par décès ou
démission de ses membres non encore remplacés »303.
Troisièmement, et cette observation est liée à ce qui précède, les conseillers
effectuent une tâche qui peut s’avérer contraignante et qui reste totalement gratuite.
Ne rejaillit même pas sur eux le prestige qui s’attache aux fonctions, elles aussi
gratuites, de maire ou d’adjoint. Mal considérés par le régime et choisis parmi les
plus imposés des cantons de la commune, ils sont attirés ou obligés par d’autres
activités qui sont souvent plus rémunératrices et plus valorisantes dont certaines sont
attribuées par le gouvernement lui-même. Ainsi, même si le régime impérial a ses
chantres qui considèrent que « le service rendu appelle le service à rendre » et que
301
AML, 1217 WP 029(11 thermidor an XI – 2 floréal an XIII). Article 14. 302
Le nombre de participations aux séances du conseil municipal pour chacun de ses membres est repris dans les
notices individuelles (annexe VII). 303
AML, 1217 WP 031. Séance du 9 décembre 1807.
105
« de l’honneur d’avoir servi résulte celui d’être appelé à servir encore »304, il n’en
demeure pas moins que les vocations font parfois défaut.
3.1.3. Le développement corollaire de la bureaucratie
Le développement d’une administration uniformisée et centralisée sous la
Révolution et sous l’Empire s’est accompagné de l’accroissement de la
bureaucratie 305 . On le sait, cet essor de la bureaucratie a été jugé, par les
contemporains eux-mêmes, responsable d’une lenteur tout à fait préjudiciable à la
bonne marche de l’administration. Ainsi, Montesquiou affirme-t-il clairement aux
débuts de la Première Restauration :
Ce mode d’action qui, adopté avec mesure et resserré dans de justes limites, aurait eu
l’avantage d’introduire dans l’action municipale plus de régularité et d’exactitude, a entraîné
dans cette administration des lenteurs interminables, en a souvent paralysé tous les
ressorts306
.
À Lyon, l’administration municipale s’organise à compter des premiers mois de la
Révolution en bureaux spécialisés. Une bureaucratie municipale se met en place. Le
personnel qu’elle emploie devient de plus en plus nombreux au cours de la décennie
qui précède Brumaire : on dénombre près de quatre-vingt commis employés en
1793307. Tout à fait remarquable est la permanence tant des structures que des
hommes sur la période. Les secrétaires et les commis ne subissent pas les
contrecoups des changements politiques, parfois notables pourtant, enregistrés au
gré des élections et des reprises en main gouvernementales. Il n’y a que sous la
domination jacobine et durant la période de réaction thermidorienne que
304
AML, 1217 WP 035 (19 juin 1812 – 15 juin 1813). Discours de Sain-Rousset, premier adjoint, prononcé le 3
mai 1813 lors de la séance d’installation du maire d’Albon. 305
On peut utilement se référer à l’introduction de l’important travail de Catherine Kawa : KAWA, Catherine,
Les ronds-de-cuir en Révolution…op. cit., p.9-25. Voir aussi les premiers développements dans : THUILLIER,
Guy, TULARD, Jean, La Bureaucratie en France aux XIXe et XX
e siècles, Paris, Economica, 2001, 737 p. Sur le
lien entre l’avènement de la bureaucratie et celui des principes démocratiques révolutionnaires : DREYFUS,
Françoise, L’invention de la bureaucratie. Servir l’État en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis
(XVIIIe-XX
e siècle), Paris, La Découverte et Syros, collection « textes à l’appui / série histoire contemporaine »,
2000, p.73-95. 306
MONTESQUIOU, « Exposé de la situation du Royaume », 12 juillet 1814, Archives Parlementaires, t.12,
p.130. 307
BELDA, Pierre, D’une décentralisation hésitante à une centralisation vigoureuse…, op. cit., p.151.
106
l’administration se politise nettement. Les officiers sont nommés et perdent de fait la
légitimité populaire que leur conférait l’élection. Ils deviennent des exécutants de la
volonté du gouvernement central, transmise par les représentants. Mais les hommes
qui ont en charge l’administration dite « de gestion », s’ils passent clairement au
second plan, ne changent pas massivement pour autant. Or, c’est bien l’obligation de
cette administration de gestion, qui a en charge les questions de sécurité, de
salubrité, les principaux services publics, qui lie aussi les municipalités d’Ancien
régime à celles de la Révolution puis de l’Empire.
Pour ce qui est de l’organisation des bureaux, elle reste inchangée de 1789 à la
période insurrectionnelle et n’est que légèrement modifiée après Thermidor et sous
le Directoire. Globalement, le travail administratif est réparti entre six comités qui
comptent chacun une quinzaine de membres au total. À la tête de chaque comité, on
trouve un président, systématiquement désigné parmi les membres du bureau
municipal. Le président est assisté d’un secrétaire mais aussi de quelques officiers
municipaux. Enfin, on trouve des commis qui ont en charge les tâches subalternes et
qui sont à l’origine les seuls à être rémunérés pour cette fonction au sein de la
bureaucratie. Il arrive, à partir de 1792, que des notables que l’on juge utiles parce
qu’ils disposent de compétences spécifiques, soient associés au travail de ces
bureaux 308 . On peut globalement repérer, malgré quelques changements
d’appellation mais aussi quelques modifications d’attributions, les départements
suivants :
- un comité de police auquel sont rattachées les questions de voirie mais aussi
la plupart du temps celles des subsistances,
- un comité des finances,
- un comité des travaux publics,
- un comité du commerce, des arts et des métiers,
- un comité des établissements publics et patentes,
- un comité des impositions.
On remarque que les trois derniers fusionnent progressivement pour ne faire
qu’un très important comité chargé en somme des affaires économiques.
308
Ibid., p.561-562.
107
À noter enfin qu’à cette série de comités initiaux se sont progressivement ajoutés
trois autres : un comité militaire, un comité de l’état civil (installé sous la mairie Vitet
le 23 octobre 1792 en application de la loi des 20-25 septembre 1792) et un comité
ou plutôt un bureau de la garde nationale, composé des secrétaires et commis mis à
disposition de l’état-major de la garde nationale par la municipalité et à ses frais.
Sous l’Empire – à compter du 1er janvier 1806 plus exactement – la bureaucratie
municipale se structure en cinq divisions 309 . Chaque division est placée sous
l’autorité d’un chef de division qui peut, le cas échéant, traiter avec le maire ou
l’adjoint en charge de la délégation. Le plus fréquemment cependant, l’interlocuteur
du chef de division est le secrétaire en chef de la mairie. En effet, l’ensemble de
l’administration municipale est placé sous l’autorité d’un secrétaire en chef qui réside
en l’hôtel de ville. Claude Hodieu (1773-1831) occupe cette fonction durant toute la
période qui nous occupe et la conserve sous la monarchie restaurée.
Au total, les cinq divisions de la mairie unique de Lyon comptent une quinzaine
d’employés sans compter les commis. Ils rendent la mairie très disponible vis-à-vis
de la population lyonnaise grâce à une ouverture quotidienne, de neuf heures du
matin à quatre heures de l’après-midi, à l’exception des dimanches et des jours
fériés310. Le tableau n°10 présente l’organisation de cette administration municipale.
Nous disposons de peu de renseignements concernant le traitement des
employés de l’administration municipale sous l’Empire. Néanmoins, on peut établir
avec certitude la situation pour l’année 1807 (tableau n°11) et on sait qu’elle n’évolue
pratiquement pas sur la décennie.
309
Une organisation proche quoique moins précise existe sous le Consulat. Néanmoins la police municipale
n’étant pas prérogative des maires des trois arrondissements, elle n’est pas du ressort de l’administration
municipale. De vendémiaire à nivôse an XIV, l’administration municipale est organisée en quatre bureaux et
compte 13 expéditionnaires en sus des 7 chefs ou sous-chefs de bureaux : AML, 686 WP 015. Arrêtés du 1er
vendémiaire an XIV. 310
AML, 0686 WP 015. Arrêté du 1er
vendémiaire an XIV.
108
Tableau n°10
Organisation de l’administration municipale sous l’Empire
Division
Personnel
1ère division : secrétariat (surveillance générale sur le matériel des diverses branches de l’administration ; enregistrement des affaires et leur distribution dans les différents bureaux ; délivrance des certificats de toutes natures ; législation ; enrôlements ; conscription militaire ; tenue des registres et archives ; tout ce qui concerne l’intérêt de l’administration ; et en général toutes les affaires qui ne ressortent pas d’une autre division)
un chef de division (Hodieu) et un archiviste (Sudan) à l’hôtel de ville
2ème division : état civil (tout ce qui est relatif aux naissances, mariages, divorces, reconnaissances, adoptions et décès, ainsi qu’à la perception des taxes légalement établies et relatives à cette division)
un chef de division (Richard) et un sous-chef (Ponthus-Cinier) à l’hôtel de ville
3ème division : Comptabilité et travaux publics (recettes et dépenses de la ville ; expédition des mandats de paiement ; octroi et autres revenus communaux ; assiette et répartition des contributions directes ; constructions en tous genres ; pavé ; pompes et fontaines ; généralement tous les travaux dont la dépense doit être payée par la ville)
un chef de division (Rétié) et un sous-chef, pour les contributions (Billoud) trois architectes de la ville : - en chef : Hotelard - adjoint : Gay, à l’hôtel de ville - contrôleur des travaux : Flacheron À compter de 1813, en application des ordres du ministre de l’Intérieur pour la levée du plan géométral de la ville et de la délibération du conseil municipal du 30 juin 1808, un ingénieur géomètre dispose d’un bureau ouvert au public à l’hôtel de ville : Louis-Benoît Collier
109
Division
Personnel
4ème division : Police municipale (à la forme du décret impérial du 13 fructidor an XIII, le maire exerce toutes les fonctions de police qui sont attribuées aux maires et officiers municipaux par les lois et règlements de l’Empire (notamment arrêté des consuls du 5 brumaire an IX) à l’exception des attributions exclusivement et textuellement attribuées au commissaire général par la section 2 du décret impérial du 23 fructidor an XIII ; chaque jour le maire ou un adjoint tient dans une des salles de la mairie une audience de police municipale ; les fonctions du maire correspondent à tout ce qui tient à l’ordre et la sûreté publique ; police des ouvriers ; de la bourse ; des salles de spectacle ; des foires et marchés ; des halles ; des prisons ; des hôtels garnis ; en général de toute maison publique ; éclairage ; propreté et salubrité de la ville ; petite voirie ; permissions pour étalages mobiles sur les quais, ports et places ; délivrance des cartes civique et de séjour ; logement des gens de guerre)
un chef de division (Charcot), assisté d’un sous-chef (Larue), d’un sous-chef pour les passeports (Changeux puis Vernay en 1813) et d’un sous-chef pour les logements militaires (Barudel) un puis deux inspecteur(s) des ports et quais (Dupoux puis Genest-Bronze et Perrier en 1813) En 1812 est créé un bureau pour la conscription et le logement militaire doté d’un chef (Billoud) et d’un sous-chef (Barudel) En 1813, le bureau de la petite voirie composé des architectes de la ville est remplacé par l’institution de deux inspecteurs de la voirie (Palhion et Biard)
5ème division : Intérieur (agriculture, commerce, manufactures, arts, sciences, belles-lettres, instruction publique, culte, hôpitaux, secours, secours à dom, bibliothèque, prisons, conservatoires des arts, musée, école de chimie, de dessin, de mise en carte, de fabrication des étoffes de soie, et généralement tous les établissements publics communaux que renferme la ville de Lyon)
un chef de division (Richard)
110
Tableau n°11
Le traitement des employés de l’administration municipale de Lyon, en 1807311
Fonction Traitement annuel
secrétaire en chef 3 600 francs
chef de division 2 400 francs
sous-chef 1 800 francs
archiviste 1 500 francs
expéditionnaire 1 200 francs
autres (surnuméraires, mandeurs, sergents de ville, garçons de bureau)
600 ou 800 francs
311
AML, 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807.
111
3.2. La mairie unique sous le Premier Empire ou la revivification du pacte
local
Le régime impérial parvient à revivifier le pacte local, à rétablir le lien politique,
parce qu’il assure les conditions indispensables à cette reconstruction. À la suite du
Consulat, le Premier Empire a su créer des institutions efficaces tant sur le plan
national que sur le plan local et a ainsi conforté l’autorité de l’État et accru sa
capacité à faire respecter les lois. Reste ensuite à ce que l’administration municipale
soit digne de la légitimité nouvelle qu’elle tire de celle du régime. Cela passe
notamment par la qualité et la visibilité de son action concrète et quotidienne au
service des Lyonnais. Cela tient enfin aux caractéristiques du personnel politique
recruté.
3.2.1. Une autorité publique restaurée
S’agissant du gouvernement centralisé, on peut affirmer avec Jean Tulard que
« la force du système est dans la certitude de l’exécution des actes et de la loi du
gouvernement »312. C’est toute la valeur de la loi du 28 pluviôse que d’organiser
territoire et administration de manière à permettre l’exécution la plus exacte possible
de la volonté gouvernementale. Le département, l’arrondissement et la commune
constituent les trois principaux niveaux d’exécution de la politique de l’État à l’échelle
infra-nationale. Le rôle du préfet et, à un degré moindre, celui du sous-préfet et du
maire sont essentiels. Les conseils délibérants, général ou municipal, éclairent la
décision qui n’est le fait que d’un agent unique. L’administration est organisée sur un
mode pyramidal et les principaux de ses agents sont nommés directement par le
chef de l’État. L’action politique devient d’autant plus lisible qu’elle s’incarne en un
nombre limité d’acteurs et qu’elle ne connaît que de très faibles variations lors de son
application au plan local. La centralisation napoléonienne a incontestablement pour
conséquence d’améliorer l’efficacité de l’action de l’État sur le territoire et de rendre
ce progrès évident à la majeure partie des sujets de l’Empire.
312
TULARD, Jean, La province au temps de Napoléon, Paris, Éditions SPM, La Bibliothèque des introuvables,
Paris, 2003, p.38.
112
À Lyon, la progression de la centralisation est vécue très douloureusement par
l’essentiel de la population, durant la Révolution notamment. À cet égard, on peut
considérer que l’insurrection de 1793 est l’ultime tentative visant à redonner une
certaine autonomie à la ville en rompant la chaîne administrative. Jusqu’à Napoléon,
la centralisation est vécue comme une dépossession. En Brumaire, on l’a vu, la perte
d’autonomie de la ville et de sa municipalité est en quelque sorte déjà acquise. Dès
lors, le Consulat et le Premier Empire apparaissent davantage comme restaurant
l’autorité publique par le biais de la centralisation que comme les fossoyeurs de
l’autonomie municipale. Bien qu’elle confirme la dépossession de leurs pouvoirs des
autorités locales, l’action napoléonienne est donc paradoxalement ressentie comme
un événement bénéfique. Pour les Lyonnais, la manifestation concrète de la
restauration de l’autorité publique se fait au travers de deux institutions qu’ils voient
quotidiennement agir : la préfecture et la municipalité. Les décisions du préfet et du
maire sont exécutoires, très généralement concordantes et bénéficient les unes
comme les autres de la légitimité que leur confère l’appui de l’État central. Des
signes extérieurs manifestent à tous l’exercice de l’autorité publique. Le préfet
comme le maire portent l’uniforme, bénéficient d’une exposition toute particulière lors
des principales manifestations publiques et ce sont eux qui s’adressent aux habitants
de la ville lorsqu’il y a lieu, le plus souvent sous une forme et sur un ton très
solennels313.
Le Premier Empire est aussi, on le sait, une période de contrôle de l’opinion
publique. L’action de propagande et de restriction de la liberté d’expression empêche
toute contestation et même toute mise en débat de l’action politique. L’État devient
d’autant plus incontestablement efficace que l’opinion publique est corsetée314. Or,
alors que la fin de l’Ancien régime et la Révolution ont été marquées à Lyon par des
poussées de violence urbaine extrêmement dommageables pour les principaux
équilibres socio-économiques de la ville, on peut penser que l’effort de maîtrise de
l’opinion sous le Premier Empire rejoint « la nécessité d’endiguer, de contrôler,
d’atténuer la violence urbaine » qui apparaît aux autorités locales dès avant le
313
Voir notamment les cérémonies organisées en l’honneur du roi de Rome : AML, 1217 WP 033 (14 mai 1810
– 28 juin 1811). Séance du 1er
mai 1811. 314
LENTZ, Thierry, Nouvelle histoire du Premier empire. t.III : op. cit., p.263-369 ; JOURDAN, Annie,
L’Empire de Napoléon, Paris, Flammarion, Coll. « Champs Université », 2000, p.214-217 ; BIARD, Michel,
BOURDIN, Philippe, MARZAGALLI, Silvia, Révolution Consulat Empire, 1789-1815, Paris, Belin, 2009,
p.235-239.
113
Consulat et dont Maurice Garden montre qu’elle passe par le « rétablissement d’un
pacte de confiance qui, s’il n’existe pas, empêche toute continuité de l’action »315.
3.2.2. Des édiles visibles et une administration accessible au service d’une
municipalité protectrice
L’administration municipale est très accessible aux habitants de Lyon. En effet,
les bureaux du maire sont ouverts au public tous les jours de l’année mis à part les
dimanches et jours fériés de 9 heures à 16 heures, sans interruption. Pour ce qui
concerne l’état civil, une permanence est assurée lors des dimanches et jours fériés,
de 10 heures à 12 heures mais les agents restent disponibles, si besoin est, en
dehors de ces horaires. Les bureaux des passeports et du logement des gens de
guerre sont ouverts sans distinction d’heure. On l’a vu, les services de police sont
établis à l’hôtel de ville. Ils sont ouverts tous les jours, un commissaire s’y trouvant
lors des jours de fermetures des autres services.
Le maire sous l’Empire bénéficie d’un logement en l’hôtel de ville au prétexte,
justement, de la nécessité de sa présence continue et de sa disponibilité à l’égard
des Lyonnais. Lui-même reçoit quotidiennement, de 12 heures à 14 heures ceux de
ses administrés qui en font la demande. Il organise également l’audience de police
municipale, sur laquelle on reviendra.
Régulièrement, les adjoints pourvus des plus importantes délégations mais aussi
les conseillers impliqués dans les commissions se rendent à l’hôtel de ville pour y
rencontrer le maire ou les membres de l’administration afin de recevoir ou de donner
des consignes, de rendre ou de se faire rendre des comptes. Il est sans doute assez
aisé pour les habitants de la ville et notamment pour ceux des catégories les plus
influentes de rencontrer ces édiles, de tenter de s’informer auprès d’eux, de leur
soumettre idées et doléances. Lorsque le 5 mai 1806, en séance du conseil
municipal, Champanhet demande la parole et réclame la poursuite de secours
accordés en floréal XIII par la municipalité à deux habitantes de la ville316, il apparaît
315
GARDEN, Maurice, « Municipalité et personnel politique », dans BENOIT, Bruno [dir.], Ville et Révolution
française, op. cit., p.167. 316
AML, 1217 WP 030. Séance du 5 mai 1806. Le conseil municipal approuve l’initiative de Champanhet et
renouvelle son secours de 500 francs.
114
que – comme d’autres membres de la municipalité – il les connaît personnellement et
a eu l’occasion de les entendre elles-mêmes solliciter une telle mesure.
Le maire est à l’exacte interface du pouvoir central et de la population locale. Son
rôle est essentiel dans la vigueur du lien politique. C’est lui qui traduit la volonté
gouvernementale en actes et paroles adaptés au contexte local, prenant en compte
les équilibres sociaux et les sensibilités individuelles et collectives. De la même
manière, il interprète les revendications qu’il a à connaître, les sollicitations dont il fait
l’objet, de manière à en rendre un écho fidèle au pouvoir central. Dans sa séance du
25 janvier 1810, le conseil municipal examine un mémoire des marchands de vin
relatif aux droits réunis pesant au détail sur les liquides et décide de sa transmission
au préfet, considérant « qu’il est dans les intérêts du Gouvernement de connaître les
plaintes qu’excite ce mode de perception, et dès lors dans les devoirs du Conseil de
lui communiquer celles qu’on lui adresse à cet égard »317.
On voit le maire soucieux d’être tenu au fait des événements les plus minimes,
capable d’intervenir à propos de questions d’apparence tout à fait secondaires. Il est
ainsi interpellé personnellement par les Lyonnais, traitant souvent directement les
requêtes individuelles qu’il n’hésite pas à proposer à l’attention du conseil municipal.
L’examen de la correspondance reçue et traitée par l’administration municipale fait
apparaître pour la première année d’exercice de Fay de Sathonay une cinquantaine
de courriers à lui adressés correspondant à des doléances particulières (demandes
d’emploi, de faveur)318 . Par ailleurs, lorsque l’on se penche sur la situation des
individus, souvent d’extraction assez modeste, qui postulent à un emploi auprès de
l’administration de l’octroi, on relève que trois sur cinq sont recommandés et que
parmi ceux-ci, un cinquième le sont par des édiles319.
Si l’action de la municipalité a favorisé la reconstruction du lien politique et a
contribué à rapprocher administrateurs et administrés, c’est en particulier par
l’étendue de son champ d’intervention et sa capacité, au-delà de l’engagement
individuel du maire ou des édiles, à tenir compte des préoccupations exprimées,
317
AML, 1217 WP 032. 318
AML, 1401 WP 015. La période prise en compte court du 23 septembre 1805 au 23 septembre 1806. Au total,
on recense 1 449 lettres enregistrées. La plupart sont envoyées par des acteurs institutionnels, le préfet en
premier lieu, d’autres par des personnes ou des groupes en affaire avec la mairie (souvent des créanciers). 116
lettres émanent de particuliers mais la moitié environ correspond à des demandes purement administratives
(demande d’acte de décès notamment). 319
AML, 1411 WP 039, Octroi de Lyon. Postulants.
115
c’est la donnée nouvelle depuis la Révolution, souvent par l’intermédiaire de
doléances particulières. En effet, alors que sous l’Ancien régime le pacte local
unissant administrateurs et administrés reposait sur la capacité des groupes sociaux
à exiger, parfois par l’humeur, le rééquilibrage à leur profit des rapports inter-
catégoriels par la politique des édiles, la donne change après la Révolution. Le
fondement est devenu l’individu. Bien sûr les groupes, les catégories doivent se
sentir pris en compte et justement considérés mais, surtout, le pouvoir politique et
l’administration doivent accorder un certain nombre de garanties aux individus. C’est
ainsi que la municipalité mène une action dont la dimension protectrice est nettement
affirmée et qui s’articule autour du triptyque : sécurité et justice, subsistance,
assistance. On voit ainsi la municipalité renouer avec les traits qui caractérisaient
traditionnellement son intervention sous l’Ancien régime mais selon une approche
davantage dédiée à l’individu qu’à la catégorie320.
3.2.3. Des édiles désignés sur la base de la notabilité
La solution napoléonienne en matière de restauration du lien politique comme en
matière de réforme du système administratif nécessite l’acceptation par la majeure
partie des citoyens des règles de dévolution des pouvoirs. En effet, depuis la
Révolution, la Nation se définit essentiellement par la reconnaissance de sa
souveraineté. Cela implique que les détenteurs de l’autorité publique tiennent d’elle
leur légitimité. Le système de la notabilité mis en place par Napoléon cherche à
répondre à cette exigence tout en permettant au gouvernement de contrôler
étroitement le système de désignation des administrateurs. Le contrôle réside en ce
que le gouvernement intervient dans les choix, nomme, encadre… mais aussi en ce
que les fondements mêmes du système électoral et/ou de nomination sont sensés
garantir l’homogénéité des élites. Cela renvoie aux thèses physiocratiques qui font
de l’émergence d’une élite de propriétaires la condition essentielle de la stabilité
politique.
320
Lorsqu’il évoque le nouvel ordre urbain en gestation à Saint-Étienne sous l’Empire, Gérard Thermeau
explique que ce que les citoyens attendent de la municipalité « c’est qu’elle assure l’éclairage public, la
distribution de l’eau, la sécurité des citoyens et qu’elle soutienne l’instruction publique » : THERMEAU,
Gérard, À l’aube de la Révolution industrielle…, op. cit., p.178.
116
Le terme de « notable » est imposé par les sources ; en cela il appartient au
vocabulaire historique. En fait, l’idée de notabilité n’est absolument pas nouvelle
lorsque l’Empire l’érige en masse de granit. Comme le rappelle André-Jacques
Tudesq qui se réfère au Dictionnaire de l’Académie de 1694, le terme de notable
désigne déjà au XVIIe siècle les personnalités les plus « considérables » d’un
territoire321. La conception du cursus honorum que développe l’Ancien régime a bien
pour objectif de contrôler le recrutement des édiles et de réserver les fonctions
municipales à un groupe restreint, défini par son origine sociale autant que par ses
compétences ainsi avérées. Le terme prend un aspect de plus en plus institutionnel
au fur et à mesure que l’on avance dans le XVIIe siècle. Il est symptomatique que
même les réformes tendant à démocratiser le recrutement du personnel politique et
administratif, telle la réforme Laverdy, font référence à l’idée de notabilité dont elles
contribuent à élargir le sens tout en ayant une portée réelle très limitée. C’est la mise
en place des assemblées provinciales de 1787 qui consacre l’acception élargie du
terme comme désignant la population réunissant aristocratie et riche bourgeoisie. La
société reconnaît désormais comme notable l’individu qui dispose d’une certaine
considération du fait de sa fortune, de son milieu familial ainsi que de l’exercice de
fonctions dirigeantes ou de responsabilités publiques. On s’aperçoit que le réflexe
politique qui consiste à accepter d’avoir recours aux notables pour administrer la cité
s’est progressivement ancré dans les mentalités. Les effets limités, déjà évoqués, de
la réforme électorale de 1789 sur la composition du groupe des édiles sont là pour
l’attester. La question de la place des notables ainsi que des mécanismes conduisant
à leur émergence et à leur notoriété est très présente dans l’esprit des
contemporains. On ne peut interpréter autrement que comme la volonté de se
prémunir de leur influence la décision prise par les constituants d’interdire les
campagnes électorales. On sait que cet interdit s’avéra tout à fait contre-productif
puisqu’il réserva de fait la notoriété politique à ceux – les notables justement ! – qui
en disposaient déjà. On peut également voir dans certaines délibérations du corps
municipal un indice de la sensibilité des édiles et de la population à l’existence d’un
notabilat. Ainsi de la délibération du 14 avril 1790 par laquelle le corps de ville
considère en effet que les fonctions de recteur de l’Hôtel-Dieu occupées par Jean-
321
TUDESQ, André-Jean, Les grands notables en France (1840-1849). Étude historique d’une psychologie
sociale, Paris, P.U.F., 1964, vol.1, p.8.
117
Marie Bruyset et Jean-François Vitet ne sont pas incompatibles avec celles d’officiers
municipaux322.
Ce qui est nouveau sous le régime napoléonien, c’est la systématisation d’un
procédé tendant à dégager un groupe, une catégorie d’individus qui soient à la fois la
base d’un système représentatif, électoral, et susceptibles d’être appelés aux
fonctions publiques.
En effet, désireux de disposer d’un large vivier d’administrateurs potentiels au
service du nouveau régime, Bonaparte a, dès l’an X, élaboré une complexe structure
à base fiscale reposant sur les assemblées électorales de canton désignant elles-
mêmes les collèges électoraux d’arrondissement et de département parmi les 550
plus imposés du département auxquels venaient s’ajouter cinquante personnalités
nommées par le préfet323. Ainsi apparut la catégorie des notables, personnages
présentant toutes les garanties sociales appelés à jouer le rôle d’intermédiaires entre
le pouvoir central et la population locale et à relayer l’autorité du gouvernement. Les
quelques 66 700 notables composant les collèges électoraux d’arrondissement et de
département forment la « masse de granit » autour de laquelle l’empereur entend
structurer et hiérarchiser la société toute entière. Confirmant son projet, Napoléon
exige de ses préfets et ce, dès le début de l’Empire qu’ils établissent un certain
nombre de listes signalant les individus les plus recommandables de leur
département. Ainsi l’instruction du ministre des Finances Gaudin du 30 ventôse an
XIII (21 mars 1805) est-elle à l’origine de la constitution par chaque préfet d’une
« liste des soixante contribuables distingués et par leur fortune et par leur vertus
publiques et privées » suivie rapidement, en 1806, d’une liste des trente plus
imposés. De la même manière le ministre de l’Intérieur Montalivet demande-t-il en
1810 aux préfets d’établir une « statistique personnelle et morale » afin de préciser
les contours de l’élite naissante et de favoriser la fusion entre les élites issues de
l’Ancien régime et celles liées à la Révolution et à l’Empire324. Napoléon élabore
progressivement un système tout à fait inédit de médiation politique, système appelé
322
AML, 1217 WP 001, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1790). Bruyset et Vitet font partie
des notables départementaux du Premier Empire. 323
Sur le système électoral : LENTZ, Thierry, Nouvelle histoire du premier Empire. t.III : op. cit., p.98-106. 324
Les trois listes, pour le département du Rhône, figurent en annexe IV.
118
à caractériser largement les sociétés européennes du XIXe siècle, le siècle de
l’avènement des notables325.
Or les notables de l’Empire ont ceci de particulier qu’ils doivent leur condition à la
fois à leur situation objective : catégorie socio-professionnelle, fortune et milieu
familial notamment – le seul critère fiscal est insuffisant à établir la notabilité – et à la
situation que leur procure le régime : titres et décorations, fonctions nationales ou
locales par exemple. L’apparition des notables est bien la conséquence d’une
volonté et d’une action politiques de contrôle de la société par l’intermédiaire d’une
« classe » de propriétaires distingués d’une part et de surveillance des propriétaires
eux-mêmes auxquels il ne s’agissait aucunement de confier le pouvoir d’autre part.
C’est ainsi que la nomination à Lyon aux fonctions de conseiller municipal, d’adjoint
ou de maire peut être située dans cette sorte de dialectique propre à la constitution
du notabilat. Concernant le recrutement des édiles, si les candidats aux fonctions de
maire et d’adjoint sont présentés par le préfet, les conseillers sont recrutés parmi les
cent plus imposés de chaque canton, chaque assemblée de canton désignant deux
candidats pour chaque place à pourvoir326. Dans la pratique, la base de recrutement
s’avère plus étroite encore puisqu’en réalité, si les six assemblées de canton
lyonnaises désignent bien deux candidats pour chaque poste de conseiller, c’est le
plus souvent parmi les cent plus imposés de la commune et non parmi les cent plus
imposés de chaque canton327. Le choix des électeurs et du chef de l’État est donc
particulièrement circonscrit.
325
Louis Bergeron met en évidence « le mépris pour le peuple, non propriétaire ou si peu, mineur partout exclu,
piétaille que le régime repousse, rejette en deçà de la définition du "peuple de France" » et estime que l’Empire,
fondateur de la société des notables, davantage que la révolution industrielle est à l’origine de cette
marginalisation des éléments populaires de la société : BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET,
Guy, Les masses de granit…, op. cit, p.64. Daniel Halévy situe la fin des notables autour de 1880. Le temps des
notables serait donc la deuxième moitié du XVIIIe et l’essentiel du XIX
e siècle, époque où la division sociale en
classes semble dépasser les divisions juridiques en ordres sous l’influence de diverses causes économiques et
politiques et ce, jusqu’à ce que les classes dirigeantes soient contestées par les couches sociales inférieures,
revendicatives et émergentes : HALÉVY, Daniel, La fin des notables, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1995,
222 p. [1ère
édition : 1930].
Sur les notables durant la période napoléonienne, rappelons l’important travail de recensement dans le cadre
départemental inauguré en 1978 : BERGERON (Louis) et CHAUSSINAND-NOGARET (Guy) [dir.], Grands
notables du premier Empire, Éd. C.N.R.S., 28 volumes parus à ce jour. 326
Sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802), articles 10 et 11 notamment. 327
L’article 77 de l’arrêté du 19 fructidor an X (6 septembre 1802) contenant règlement pour l’exécution du
sénatus-consulte du 16 thermidor porte que le préfet fera dresser la liste des 100 plus imposés de chaque
commune de plus de 5000 habitants, d’où la confusion et l’interprétation restrictive de la loi. Certains conseillers
dénoncent cette confusion : AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809.
119
L’empereur nomme des individus parce qu’ils offrent, indépendamment de leur
nomination, certaines caractéristiques qui garantissent leur aptitude à la notabilité et
au service du régime. Mais il associe à l’État, donc au régime impérial, ces individus
qui y gagnent une élévation sociale et en retour deviennent solidaires de son
évolution. Ainsi, on peut estimer que la légitimité des édiles repose sur trois
fondements. Le premier leur est en quelque sorte extérieur : la légitimité politique du
pouvoir central dont ils profitent. Les deux autres leurs sont propres : la notoriété
dont ils bénéficient localement et qui leur confère parfois ce que l’on pourrait
assimiler à de la représentativité, sorte de légitimité sociale ; la compétence dont ils
font preuve et qui leur procure une sorte de légitimité matérielle328.
Lorsque l’on observe la composition de la première municipalité unique de Lyon
sous l’Empire (tableau n°12), on s’aperçoit d’abord qu’elle ne compte au total que
trente et un membres, soit six conseillers de moins que les trente prévus initialement.
Cette situation s’explique uniquement par l’existence de défections, certains des
individus nommés ayant refusé d’entrer au sein de la municipalité et le gouvernement
n’ayant pas pourvu à tous les remplacements. On s’aperçoit ensuite que la moyenne
d’âge des vingt-sept individus pour lesquels la date de naissance est certaine est
d’environ 48 ans et demi. L’architecte octogénaire Loyer est une surprenante
exception au sein d’une population qui se caractérise par une certaine jeunesse,
seize individus n’étant pas cinquantenaires, quatre d’entre eux n’ayant pas quarante
ans. On s’aperçoit enfin que deux catégories sociales regroupent un nombre
équivalent d’édiles. Les propriétaires forment 41,9 % de la municipalité et les
négociants-entrepreneurs, quant à eux, 35,5 %. Loin derrière, on trouve la
bourgeoisie de talents (9,6 %) puis le monde des hommes de loi parmi lesquels il est
utile de distinguer les avocats (6,5 %) des magistrats (6,5 %) même si, on le verra,
les deux sphères sont loin d’être hermétiques.
Le Premier Empire fait largement appel à des hommes connus, dont beaucoup
ont été mis en selle sous le Consulat, plus rarement sous la Révolution (Bernard-
Charpieux, Mayeuvre de Champvieux). La politique de fusion des élites prônées par
328
C’est ainsi que l’on voit que le Premier Empire « institutionnalise le passage d’une société encadrée par des
nobles à une société encadrée par des notables » : PETITEAU, Natalie, Élites et mobilités…, op. cit., p.16.
Christian Bonnet montre bien combien, dans les Bouches-du-Rhône, Napoléon cherche à « asseoir son régime et
à le stabiliser » en faisant appel, en différentes étapes, aux notables : BONNET, Christian, Les Bouches-du-
Rhône sous le consulat et l’Empire, op. cit., p. 487.
120
l’empereur reçoit néanmoins un début d’application puisque le jeu des nominations
place l’exécutif municipal entre les mains d’une personnalité tout droit issue de
l’Ancien régime : Nicolas-Marie Fay de Sathonay. La rupture que constitue la mise en
place de la mairie unique, et dont on a pu voir combien elle était relative, s’incarne
ainsi dans la désignation d’un homme nouveau. De noblesse consulaire, robin issu
du négoce et initialement favorable aux idées nouvelles, Fay de Sathonay est vite
effrayé par les bouleversements révolutionnaires329. Engagé du côté des insurgés au
moment du siège, il vit dans la plus totale discrétion ensuite et se rallie
progressivement au Consulat puis à l’Empire qui, en retour, en font un notable de
premier plan. Au moment de sa nomination il est conseiller général et président de
chambre à la cour d’appel. Fay de Sathonay n’est cependant pas lié jusque là à
l’administration municipale voulue par Bonaparte. Et pourtant dans le long éloge que
le conseiller Defarge fait de celui qui devient peu ou prou la première personnalité
politique de la ville, on trouve mise en avant l’idée d’une continuité. Mais il s’agit cette
fois d’une continuité avec un passé plus lointain, pré-révolutionnaire en réalité,
puisqu’en désignant Fay de Sathonay « l’Empereur et Roi a deviné tous les cœurs »
et appelé à servir un homme dont les « aïeux ont ceint comme lui l’écharpe
municipale »330 . C’est fort en quelque sorte de cette légitimité historique que le
nouveau maire peut annoncer qu’il consacrera toute son énergie à la bonne marche
des établissements publics ainsi qu’à la prospérité de la manufacture.
Lors de la séance inaugurale du 1er vendémiaire an XIV (23 septembre 1805),
est ainsi solennellement manifestée la volonté que la mairie unique apparaisse
comme une institution qui prolonge et accomplit la réorganisation administrative
entamée en pluviôse an VIII en même temps qu’elle restitue aux Lyonnais par le
biais des plus éminents d’entre eux la responsabilité du devenir d’une ville que la
République avait réduite au rang d’enjeu idéologique national. C’est tout le sens de
329
Son profil est assez proche du premier maire unique de Marseille, Anthoine, mais différent de celui de
Lafaurie de Monbadon, d’ancienne noblesse, nommé à Bordeaux. BONNET, Christian, Les Bouches-du-
Rhône…, op. cit., p.451-452, et COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op. cit., p.34-35. 330
AML, 1217 WP 030. Séance du 1er
vendémiaire an XIV, discours de Defarge. Le 27 août 1812, jour du décès
du maire de Lyon, à 6 heures du soir (Fay est mort à 4 heures du matin en son hôtel, rue du Plat), le baron de
Vauxonne prononce un discours devant le conseil municipal convoqué par le préfet. Il explique que Fay fut
proposé à Napoléon par le préfet Bureaux de Pusy : « on se rappelait la sagesse de son aïeul, les vues nobles et
libérales de son père ; on compta sur un mérite héréditaire en capacité et en dévouement et l’opinion ne se
méprit pas » : AML, 500 576, Obsèques du Comte Sathonay, 28-29 août 1812. Procès verbal de la cérémonie
funèbre.
121
cette séance d’installation qui se clôt significativement après que Fay a annoncé
avoir envoyé par écrit son serment au ministre de l’Intérieur le 3ème jour
complémentaire de l’an XIII (20 septembre 1805) et qu’il a reçu lui-même de ses six
adjoints le serment prescrit par l’article 2 du décret du 4 prairial an XIII (24 mai 1805).
122
Tableau n° 12
La composition de la municipalité lors de la mise en place de la mairie unique,
vendémiaire an XIV
NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-
PROFESSION-NELLE
EXPÉRIENCE POLITIQUE RÉCENTE
FAY DE SATHONAY
maire 42 Rue du Plat Propriétaire Conseiller général
PARENT 1er adjoint 51 Quai de Retz Négociant Maire du Nord sous le
Consulat
SAIN-ROUSSET
2e adjoint 48 Rue du Pérat Propriétaire Maire du Midi sous le
Consulat
BERNARD-CHARPIEUX
3e adjoint 47 Montée du Pont de pierre
Avocat Maire de l’Ouest sous le consulat
PERNON 4e adjoint 51 Quai de Retz Négociant Conseiller général
Tribun sous le Consulat
REGNY fils 5e adjoint 42 Rue Neuve Négociant Conseiller municipal sous le
Consulat
CHARRIER DE
SENNEVILLE
6e adjoint 37 Rue Sala Propriétaire
123
NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-
PROFESSION-NELLE
EXPÉRIENCE POLITIQUE
ARLÈS conseiller 52 Quai Saint Antoine
Négociant Conseiller municipal sous le
Consulat
ARTHAUD DE LA FERRIÈRE
conseiller 36 Rue du Pérat Propriétaire Conseiller municipal sous le
Consulat
ASSIER DE LA CHASSAGNE
conseiller 57 Place Bonaparte
Propriétaire Conseiller municipal sous le
Consulat
AYNARD conseiller 42 Rue Buisson Négociant
BOULARD DE GATELLIER
conseiller 46 Rue du Pérat Magistrat Conseiller municipal sous le
Consulat
CHAMPANHET conseiller 52 Rue des Capucins
Négociant Conseiller municipal sous le
Consulat
CHARRASSON conseiller Quai de la Feuillée
Négociant Conseiller municipal sous le
Consulat
CHIRAT conseiller 44 Quai Saint Clair
Négociant Conseiller municipal sous le
Consulat
DERVIEUX conseiller Quai Saint Antoine
Entrepreneur de coches
Conseiller municipal sous le
Consulat
DESPREZ conseiller 47 Rue du Chemin neuf
Avocat Conseiller municipal sous le
Consulat
DEVILLAS-BOISSIÈRE
conseiller 46 Quai Saint Clair
Négociant Conseiller municipal sous le
Consulat
DUJAST D’AMBÉRIEUX
conseiller 65 Place Bonaparte
Propriétaire Conseiller municipal sous le
Consulat
GRAILHE DE MONTAIMA
conseiller 54 Rue Saint Joseph
Propriétaire
124
NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-
PROFESSION-NELLE
EXPÉRIENCE POLITIQUE
HERVIER conseiller Propriétaire Conseiller municipal sous le
Consulat
LA ROUE conseiller 50 Rue Sala Propriétaire Conseiller municipal sous le
Consulat
LECLERC DE LA
VERPILLIÈRE
conseiller 35 Rue Saint Dominique
Propriétaire Conseiller municipal sous le
Consulat
LOYER conseiller 81 Quai Saint Clair
Architecte Conseiller municipal sous le
Consulat
MAYEUVRE DE
CHAMPVIEUX
conseiller 62 Rue Puits Gaillot
Propriétaire Membre des 500 sous le Directoire Conseiller
municipal et général sous le Consulat
MOREL-RAMBION
conseiller 46 Rue Sala Magistrat Conseiller municipal sous le
Consulat
PETIT conseiller 48 Quai de Retz Chirurgien Conseiller municipal sous le
Consulat
RAVIER conseiller Quai Saint Antoine
Notaire Conseiller municipal sous le
Consulat
RIVERIEULX DE VARAX
conseiller 38 Rue Sala Propriétaire Conseiller municipal sous le
Consulat
RIVOIRE conseiller Quai Saint Clair
Entrepreneur Conseiller municipal sous le
Consulat
ROSIER DE MAGNEUX
conseiller 45 Place Sainte Claire
Propriétaire Conseiller municipal sous le
Consulat
125
Conclusion de la première partie :
La consolidation du pouvoir et la réorganisation administrative entamées en
Brumaire sont finalement moins dirigistes, moins centralisatrices et sans doute moins
lointaines qu’on ne pourrait le supposer de prime abord et qu’on ne l’affirme
souvent331. La politique napoléonienne s’apprête à associer très pragmatiquement
selon les domaines, les nécessités et la conjoncture l’intervention forte du pouvoir
central (fiscalité, ordre public, conscription) et une certaine marge de manœuvre du
local.
Le pouvoir municipal semble en effet destiné à disposer d’une certaine influence
à Lyon dans le cadre de la mairie unique telle qu’elle est mise en place en septembre
1805.
La possibilité de son influence se trouve d’abord dans le contexte qui préside à la
mise en place de la mairie unique. La Révolution a mis au premier plan l’idée de
souveraineté nationale avec laquelle le Premier Empire ne rompt pas en principe. On
a vu à quel point, très tôt sous la Révolution, cette idée a impliqué l’ambition d’un rôle
nouveau de la part des citoyens de la ville et de leurs représentants, d’autant que
dès les dernières années de l’Ancien régime s’est imposée la conception de sujets
d’intérêt local revenant en propre aux autorités municipales.
Ce sont ensuite les institutions elles-mêmes qui recèlent la possibilité de l’action
municipale. Leur fonctionnement associe la prédominance du maire à l’importance
des adjoints par le recours aux délégations mais aussi articule le travail de l’exécutif
à celui du conseil et surtout des commissions qui en émanent, dont certaines sont
tout à fait essentielles (budget). Si la municipalité dispose d’un exécutif fort, elle n’est
pas pour autant totalement dépourvue de la capacité de délibérer et la multiplicité
des acteurs laisse entrevoir la possibilité qu’elle prenne en compte le point de vue
des différentes catégories qui composent la ville. Cette capacité d’action est bien
entendu limitée à la définition des champs de compétences dévolues à la mairie
unique.
Si la municipalité semble en mesure d’agir, c’est enfin dans la population des
édiles qu’il faut en chercher la raison. Les individus recrutés disposent tous des
331
Une analyse proche dans : JESSENNE, Jean-Pierre, « Entre local et national : pratiques et liens politiques du
Directoire au Consulat », dans La Révolution française. Idéaux, singularités, Influences. Actes des journées
d’études en hommage à Albert Soboul, Jacques Godechot et Jean-René Suratteau, Saint-Martin d’Hères, Presses
Universitaires de Grenoble, 2002, p.345-358.
126
réelles compétences exigées par l’administration au quotidien de la deuxième ville de
France. Généralement promus par le régime, ils ont intérêt à la réussite de leur
action au service de Lyon et de l’Empire. Impliqués dans les affaires locales, ils
apparaissent souvent sincèrement soucieux d’en améliorer le sort.
La conjonction de ces facteurs explique sans doute le succès initial de la formule
impériale d’autant qu’elle survient après une période difficile de centralisation et
d’éloignement des administrateurs, qui s’accompagne d’un phénomène de
dissolution du lien social et politique particulièrement marquée à Lyon. Il revient
prioritairement, à compter de brumaire an VIII mais surtout de vendémiaire an XIV,
aux édiles de renouer ce lien, de donner vie à un pacte local inédit.
128
À la municipalité de Lyon sous le Premier Empire correspond d’abord une
institution, la mairie unique mise sur pied en septembre 1805. Celle-ci est en réalité
profondément liée à la vaste réforme territoriale et administrative entreprise après
brumaire an VIII. Cette réforme s’inscrit dans une évolution de longue durée, celle
d’un mouvement, précocement amorcé par la monarchie, de centralisation et de mise
à distance des administrés, particulièrement visible à Lyon. Tout en appartenant à
cette histoire, la mairie unique napoléonienne en constitue néanmoins un moment
original, de forte poussée centralisatrice combinée à une réelle tentative de retisser
du lien politique à partir de la réorganisation de l’administration locale.
En cette matière, la solution impériale conjugue étroitement approches
institutionnelle et sociale puisque son succès dépend de l’efficacité de l’action
politique, au local comme au national, en même temps que de l’acceptation par
l’essentiel de la population lyonnaise de la légitimité de ses édiles. Or, pour partie,
cette légitimité repose sur des faits exogènes au groupe d’individus nommés qui
tiennent à la légitimité du régime lui-même. Mais il est également des faits
endogènes, propres à la population des édiles, dont dépend la réception d’icelle par
les habitants de la ville et notamment par l’ensemble des élites. En fait, le personnel
politique municipal est choisi comme offrant des caractéristiques sensées lui
permettre d’œuvrer d’une part en faveur des intérêts de la ville et d’autre part en
faveur des catégories et des individus qui la composent. L’aisance financière ou la
compétence apparaissent comme des critères liés davantage au premier de ces
objectifs, l’opinion ou la notoriété s’appliquant plus particulièrement au second.
À ces différents égards, il est intéressant de rappeler que le régime napoléonien
s’efforce depuis les premières années du Consulat de favoriser l’émergence de ce
corps social intermédiaire que sont les notables332. Interroger la population étudiée
en rapprochant ses éléments distinctifs de ceux qui caractérisent les notables tant
sur le plan national que sur le plan départemental peut permettre de mieux
appréhender le projet d’organisation sociale de l’Empire et de comprendre quelle
332
« Héritier d’un des courants majeurs du XVIIIe siècle, celui du despotisme qui se veut éclairé, mais aussi de
l’idéologie concurrente qui avait triomphée en 1789, libérale et constitutionnelle, Napoléon a voulu fonder la
légitimité de son régime sur un faux-semblant : la représentation nationale par un corps intermédiaire, dépourvu
de pouvoirs réels, mais illusoirement crédité de toutes les vertus d’une authentique représentativité » :
BERGERON, Louis, « Notables », dans TULARD, Jean [dir.], Dictionnaire Napoléon, op. cit., vol.2, p.411.
129
place y tient la municipalité à Lyon. En effet, les personnalités sélectionnées doivent
être en mesure, individuellement et collectivement, de symboliser les vertus du
nouveau mode de gouvernement. In fine, c’est bien l’émergence d’un personnel
politique local apte à promouvoir le régime impérial qui est recherchée.
L’objectif fixé est de vérifier la réalité et d’évaluer le résultat de cette tentative. En
d’autres termes, il s’agit dans cette deuxième partie de déterminer si le régime est
parvenu à promouvoir le personnel politique idoine et dans quelle mesure celui-ci a
rempli les vœux du chef de l’État.
C’est à cette fin que l’option porte sur une approche de type prosopographique.
Si la pertinence d’une telle approche ne paraît pas faire de doute, il n’en demeure
pas moins qu’à la prosopographie ne correspond pas une méthodologie précise mais
une variété de démarches qui sont chacune étroitement liées à la question
initialement posée par le chercheur. La problématique, impliquant le choix de la
méthode, rend les règles de la collecte des informations dépendantes de
l’exploitation envisagée333 et impose de renoncer au désir d’exhaustivité dans l’abord
des individus334 lors de l’exploration du corpus étudié, en l’occurrence la population
formée des quatre-vingt-dix édiles lyonnais en exercice du 1er vendémiaire an XIV
(23 septembre 1805) au 6 juillet 1815.
La dimension du groupe-objet d’étude est imposée en quelque sorte par le choix
retenu qui est de le définir en fonction de critères institutionnels et politiques. Sont
d’abord membres du groupe-objet d’étude les soixante et onze individus ayant
effectivement participé à la gestion de la mairie unique de Lyon comme conseillers,
adjoints ou maires sous le Premier Empire. En outre, est intégré au corpus le
personnel politique municipal nommé par le roi entre la première abdication et les
Cent-jours car la continuité institutionnelle est totale et ses caractéristiques
sociologiques sont, pour la plupart des nouveaux édiles, fondamentalement très
proches de celles de l’ensemble. Si tel n’est pas le cas, les exceptions permettent de
333
BULST, Neithard, « Objet et méthode de la prosopographie », op.cit., p.472. 334
C’est ce qui distingue le prosopographe du biographe : KAWA, Catherine, Les ronds-de-cuir en
Révolution…, op. cit., p.31. Néanmoins, on peut remarquer que ne pas excessivement «spécialiser » son étude et
par conséquent le questionnaire qui guide sa collecte constitue un moyen pour le chercheur de se préserver
contre le risque de négliger des informations susceptibles d’enrichir et d’affiner son analyse du groupe. Entre
l’impérieuse nécessité de disposer d’une entrée problématisée dans le corpus des sources et la volonté d’éviter
l’écueil qui consiste à ne pas en percevoir toute la richesse, l’équilibre peut s’avérer fragile.
130
travailler sur l’écart à la norme ce qui s’avère en fin de compte très enrichissant335.
De ce fait, le raisonnement porte tantôt sur les soixante et onze individus nommés
par Napoléon seulement, tantôt sur l’ensemble des quatre-vingt-dix de manière à
mettre en évidence plutôt la spécificité du recrutement impérial ou l’émergence d’une
élite politique durable, émanation de la société des notables.
La dimension du corpus doit permettre un travail de recherche assez minutieux à
propos de chacun des quatre-vingt-dix individus – ce que traduisent les notices
regroupées en annexe – et doit offrir la possibilité d’un portrait de groupe, voire une
quantification significative. En effet, cette deuxième partie se fixe pour double
objectif de saisir les individualités prises dans la trame de lignées familiales et de
réseaux locaux et de distinguer les caractéristiques d’ensemble de la population
étudiée, soit la recherche de son degré d’homogénéité, et de déterminer à quel point
le groupe des édiles peut être individualisé au sein de la population de la ville. Le
personnel politique lyonnais sous Napoléon forme-t-il à l’échelle locale un « corps
social » au sens d’un « groupe que l’on pourrait caractériser (…) par un ensemble de
comportements idéologiques, économiques et sociaux »336 ? Cette étude s’attache
donc à la mise à jour des différentes solidarités existant entre les édiles, soit autant
d’éléments dynamiques par lesquels peuvent être caractérisés ces notables et leur
niveau d’insertion au sein de la société lyonnaise.
L’approche s’intéresse en premier à la sphère privée qui insère les individus
dans des solidarités horizontales (section 1). Elle porte ensuite sur les informations
ayant trait à l’activité des édiles et à leur engagement au sein de la sphère publique,
engagement à la source de solidarités qualifiées de verticales (section 2). Enfin, cette
étude cherche à intégrer la relative profondeur offerte par la chronologie afin de saisir
une éventuelle inflexion de la politique de recrutement des édiles en même temps
qu’une modification de leur comportement (section 3).
335
Ce sont tout de même 19 individus soit plus de 20 % de la population totale qui assument des responsabilités
municipales sous le règne de Louis XVIII seulement. Il sera parfois, notamment dans la troisième section,
intéressant d’isoler ce cinquième du corpus de manière à identifier similitudes et dissemblances avec les quatre
autres cinquièmes. 336
KAWA, Catherine, Les ronds-de-cuir en Révolution…, op. cit., p.345.
131
Section 1. La sphère privée comme fondement de l’insertion sociale
Il est indispensable de chercher à saisir les individus et les itinéraires individuels
dans leur globalité afin de se donner une chance d’appréhender finement la réalité
sociale. En effet, l’origine familiale ou géographique d’un homme, son mariage, sa
descendance, le montant, l’évolution ou la nature de ses revenus sont autant
d’indicateurs des pratiques et des normes du groupe et de la société dans lesquels il
vit. En outre, la situation privée voire intime d’un individu est comme le point fixe à
partir duquel il déploie une stratégie plus ou moins élaborée d’insertion au sein de ce
groupe et de cette société. C’est pourquoi dans les pages qui suivent chacun des
quatre-vingt-dix individus du groupe-objet est étudié dans ses différentes
composantes : sa géographie, sa famille, son activité et sa fortune.
1. La géographie des édiles
Il existe une géographie composite des édiles lyonnais sous l’Empire qui est
susceptible de générer des solidarités liant plus ou moins activement certains d’entre
eux. Cette géographie est d’abord celle des régions d’origine. Les édiles lyonnais ou
leur famille sont-ils depuis longtemps implantés à Lyon ? Sinon, d’où viennent-ils et
conservent-ils avec l’espace d’émigration un lien quelconque ? Cette géographie est
ensuite celle des espaces de vie et d’activité. Le domicile politique des édiles est-il
leur lieu de résidence principale ? Les édiles partagent-ils leur existence et/ou leur
activité entre plusieurs lieux au sein de l’espace lyonnais et de ses alentours ? Leurs
activités, leurs fonctions les amènent-ils à voyager, séjourner en des espaces plus
lointains ? Il est crucial de s’intéresser à cette géographie des édiles tant l’on sait que
Lyon est, comme toute ville d’importance, à la fois un espace d’acculturation de la
population d’origine rurale et d’émergence d’une sociabilité patricienne bouleversée
par la Révolution, autant dire le creuset privilégié de la fusion des élites.
132
1.1. L’origine géographique des édiles
1.1.1. Les lieux de naissance
Le lieu de naissance des individus qui composent le groupe-objet donne bien sûr
une indication de leur origine géographique puisqu’il révèle, sauf exception dont
aucune trace n’a été conservée, le lieu qui est celui de l’implantation de la famille ou
du moins des parents de l’individu au moment de sa naissance. En outre, ce lieu de
naissance est un des renseignements disponibles pour un assez grand nombre
d’individus et à partir duquel quelques raisonnements chiffrés peuvent être avancés.
C’est néanmoins une information assez limitée ne livrant que de faibles
enseignements, à moins de l’associer à d’autres, portant en particulier sur l’origine
des aïeux et des ancêtres, glanées dans des sources au caractère malheureusement
moins systématique que celles liées à l’état civil337.
La ville ou la paroisse de naissance de soixante-neuf des individus étudiés est
connue avec certitude. Quarante-trois sont nés à Lyon et six autres sont nés dans
des paroisses du Lyonnais très proche. Douze sont natifs de régions voisines,
traditionnellement liées à Lyon et que l’on peut grossièrement situer dans l’aire
d’influence lyonnaise comme le Forez, le Dauphiné ou le Beaujolais. On trouve
ensuite quelques représentants de régions dont on sait qu’elles ont toujours alimenté
l’immigration lyonnaise338 : un Languedocien et deux Auvergnats. La présence de
trois individus nés à l’étranger – dans des villes de commerce : Amsterdam, Gênes,
Leipzig – et de deux originaires de régions lointaines atteste de l’importante influence
que Lyon tient de son activité commerçante et du relatif cosmopolitisme de ces
centres européens du négoce. Les cas de Henri-Quirin Cazenove et de Charles
Reyne-Fittler illustrent assez bien l’histoire de ces réformés français émigrés qui
profitent des mesures prises sous le Consulat pour reprendre place au sein de la
société lyonnaise339.
337
L’enquête prosopographique ne constituant qu’un pan de l’étude globale, les registres paroissiaux et de l’état
civil ainsi que les archives notariées n’ont pas été étudiés. 338
GARDEN, Maurice, Lyon et les Lyonnais…, op.cit., p.85-111. 339
LÉONARD, Émile G., Histoire générale du protestantisme, t.3 : Déclin et renouveau, Quadrige/P.U.F., 1988,
p.147-148. [1ère
édition : 1964] ; ADR, 7 V 2. Culte réformé. Organisation, recensement de la population
protestante (an XI-1885) : à Lyon, une enquête menée par la préfecture à la demande de Portalis en floréal an XI
dénombre environ 6 200 protestants. Ce chiffre permet opportunément la création d’un Consistoire.
134
1.1.2. Des individus très intégrés à Lyon
Parmi nos édiles, vingt-quatre individus ont une implantation très récente à Lyon
puisqu’ils s’y sont eux-mêmes installés. La plupart d’entre eux arrivent à Lyon avant
la Révolution et leur nombre atteste de l’attractivité de la ville. Il s’agit avant tout de
commerçants (9), d’hommes de loi (5) et de talents (3) même si l’on remarque que la
noblesse du Forez continue à alimenter la ville et ce, également sous l’impact des
événements révolutionnaires qui au contraire tarissent les migrations économiques.
Ainsi voit-on par exemple Denis du Rosier de Magneux quitter ses terres de la région
de Feurs pour trouver refuge à Lyon alors que la Terreur se profile. Ce ci-devant
officier des Gardes françaises aux convictions royalistes affichées se trouve
particulièrement exposé à demeurer en sa seigneurie de Magneux-le-Gabion alors
même qu’il n’a pas hésité à profiter de la vente de biens nationaux pour accroître son
domaine340. Il gagne, en optant pour une résidence lyonnaise, un certain anonymat
mais se rapproche aussi d’un centre urbain susceptible d’offrir des opportunités
politiques. Ainsi il prend garde de ne pas se compromettre au moment du siège et
récolte les fruits de sa stratégie sous le régime napoléonien en devenant finalement
député du Rhône au Corps législatif le 10 août 1810.
En fait, en prenant appui tant sur les rapports de préfecture que sur les dossiers
de police 341 ou sur les écrits de contemporains, en particulier les notices
nécrologiques, on parvient à identifier douze familles dont l’origine est, sous l’Empire,
située ailleurs qu’à Lyon ou que dans les régions immédiatement voisines. Vingt-six
sont issues justement de ces régions limitrophes que sont le Dauphiné, le Forez, le
Pilat et le Jarez, le Beaujolais et les confins bourguignons, la Dombes et la Bresse,
sans compter trois lignées auvergnates. Cela ne signifie pas que seules ces familles
ont une origine extérieure au Lyonnais, mais plutôt qu’elles sont vues et qu’elles-
mêmes se représentent comme telles. Or, le rappel de leurs origines extérieures
340
KILBOURNE Lawrence. J., VITTE, Marcel, « n°16 : Loire, Saône-et-Loire », dans BERGERON, Louis,
CHAUSSINAND-NOGARET, Guy, [dir.] Grands notables…, op. cit., p.26-27. 341
ADR, 1 M 110 ; 2 M 12, État des fonctionnaires (an VIII-1818) ; 2 M 13, Registre des fonctionnaires du
département (an VIII-1830) ; 2 M 25, Rétablissement de l’autorité royale (1815) ; 2 M 42, Nominations,
tableaux (an VII-1833) ; 2 M 43, Personnel municipal. Circulaires, correspondance, instructions, listes (an IX-
1815) ; 2 M 44, Listes des maires et adjoints (1815) ; 2 M 63, Maires, adjoints, conseillers municipaux :
nominations, procès-verbaux d’installation, prestation de serment, correspondance, démissions : Lyon 1801-
1819 ; 3 M1, Formation des collèges électoraux et listes électorales ; 4 M 388, Registre nominatif des habitants
notables et des principaux fonctionnaires de la ville de Lyon sous le 1er
empire ; 4 M 827, Associations, enquêtes
(recensement des associations de plus de vingt personnes existant à Lyon en 1811).
135
s’explique très différemment selon les cas. En effet, dans le cas des familles
aristocratiques, il est question de souligner l’ancienneté ou au moins la véracité de la
noblesse et on n’hésite pas alors à faire mention d’un passé lointain même si
l’implantation à Lyon est ancienne (d’Albon, Riverieulx de Varax). Dans d’autres cas,
ceux des négociants en particulier, il s’agit au contraire souvent de mettre en valeur
l’ascension sociale récente (Arlès, Évesque, Gancel).
Au total, il est possible de distinguer trois catégories d’individus, s’agissant de
leur degré reconnu et revendiqué d’implantation à Lyon (tableau n°13).
On s’aperçoit que la catégorie socialement la plus homogène est la moins
nombreuse. Les « Lyonnais venus d’ailleurs » sont des ci-devant qui se réclament
d’une aristocratie ancienne et non-urbaine342. D’où leur insistance à rappeler des
racines dont ils ont l’espoir qu’elles les distinguent de la noblesse de cloche ou du
monde des robins, pour la plus grande partie d’entre eux issus du commerce. C’est
d’ailleurs le peu de poids de la vieille noblesse, que l’on peut notamment rapporter à
l’absence de parlement à Lyon, qui explique qu’au sein des deux autres catégories,
celle des « Lyonnais » comme celle des « étrangers » se mêlent presque
indifféremment anciens nobles et roturiers.
Le système napoléonien fait majoritairement appel à des hommes solidement
implantés localement, dont le destin est susceptible d’être assimilé à celui de la ville
en ce sens qu’ils incarnent dans leur diversité même la variété de la population et
qu’ils ont un intérêt direct à la prospérité des affaires locales. Il n’est sans doute pas
anodin de remarquer que les maires de Lyon nommés par Napoléon et Louis XVIII
de 1805 à 1815 appartiennent tous à des familles reconnues comme lyonnaises, les
trois maires de l’Empire étant nés à Lyon. L’impression qui domine est celle d’une
profonde intégration des édiles au sein de la société et de l’espace lyonnais et d’une
déliquescence du rapport entretenu avec l’espace d’origine lorsqu’il est extérieur.
Cela accrédite l’idée selon laquelle Lyon, bien qu’elle accueille de nombreuses
migrations, est une ville assez peu cosmopolite.
342
La ville étant le lieu d’anoblissement par acquisition, généralement de charges anoblissantes : offices de
conseiller secrétaire du roi, de trésorier général des finances et par exercice de l’échevinage. Joëlle Chevé parle
en ce sens de « la ville principe de noblesse » : CHEVÉ, Joëlle, « Nobles et bourgeois de Périgueux à la fin de
l’Ancien Régime : alliance féodale ou fusion identitaire ? », dans BRELOT (Claude-Isabelle) [dir.], Noblesses et
villes (1789-1950). Actes du colloque de Tours (17-19 mars 1994), Université de Tours, Maison des Sciences de
la ville, Collection Sciences de la ville, n°10, 1995, p.43.
136
Tableau n°13
Les édiles et leur implantation à Lyon343
Les « Lyonnais » : ce sont les individus nés à Lyon ou dans le Lyonnais, dont la famille est réputée lyonnaise et pour lesquels on ne trouve pas de rappel récurrent des origines extérieures au Lyonnais. Arthaud de la Ferrière, Aynard, Boulard de Gatellier, Charrasson, Chatillon de Chaponay, Chirat du Vernay, Desprez, Falsan, Fargues, Fay de Sathonay, Gérando, Germain, Jars, Jordan, Lacroix-Laval, La Roue, Laurencin, Leclerc de la Verpillière, Lecourt, Mayeuvre de Champvieux, Morand de Jouffrey, Morel-Rambion, Munet, Nivière, Parent, Pernon, Petit, Rambaud, Ruolz, Sain-Rousset, Sériziat, Servan, Vincent Saint-Bonnet, Vincent de Vaugelas, Vouty de la Tour. Soit 35 cas
Les « Lyonnais venus d’ailleurs » : ce sont les individus nés à Lyon ou dans le Lyonnais, dont la famille est dite lyonnaise mais pour lesquels on trouve un rappel récurrent des origines extérieures au Lyonnais. Albon, Assier de la Chassagne, Bona de Pérex, Bottu de Lima, Dujast d’Ambérieux, Giraud de Saint-Try, Nolhac, Riverieulx de Varax, Rosier de Magneux, Thoy. Soit 10 cas
Les « étrangers » : l’implantation de ces individus ou de leur famille est trop récente pour qu’ils soient dits Lyonnais. Le rappel de leurs origines et d’attaches extérieures est récurrent et constitue un élément essentiel de leur définition, quel que soit leur lieu de naissance et quel que soit par ailleurs leur degré d’intégration, souvent élevé, dans la ville. Arlès, Bernard-Charpieux, Bernat, Bontoux, Cazenove, Charrier de Senneville, Cochard, Courbon de Montviol, Devillas, Évesque, Frèrejean, Gancel, Grailhe de Montaima, Guerre, Hervier, Lécuyer, Lorin, Loyer, Midey, Monicault, Montmartin, Mottet, Passerat de la Chapelle, Regny, Regny fils, Reyne-Fittler. Soit 26 cas
343
Nous préférons ne pas classer 19 de nos personnages faute d’un niveau d’information suffisant. Ne figurent
donc pas dans ce recensement : Bodin, Champanhet, Dervieux, Fournel, Fournier, Godinot, Guérin, Guillon,
Leboeuf, Leroi, Mallié, Masson-Mongès, Mémo, Péclet, Perret, Ravier, Rivoire, Roche des Escures, Saulnier.
137
Non certes que son histoire ne soit pas faite de constants apports d’hommes, d’idées et de
richesses qui ont en retour nourri son rayonnement. Mais ces apports ont fécondé, et non pas
submergé, une tradition citadine faite de références culturelles partagées, de réseaux sociaux
souvent très actifs, et d’une certaine idée de la ville344
.
Par ailleurs il ne semble pas que les édiles qui partagent une origine
géographique semblable soient particulièrement liés. Bien plus importantes sont sans
doute les solidarités découlant de la proximité des lieux de résidence ou d’activité.
1.2. La géographie des lieux de vie
1.2.1. La répartition des domiciles
Contrairement à ce que l’on pourrait supposer immédiatement, il n’est pas
toujours aisé de connaître avec précision le lieu de domicile des édiles lyonnais. Il a
fallu mobiliser les sources les plus diverses pour parvenir à repérer la majeure partie
des domiciles politiques, c'est-à-dire ceux-là mêmes qui attestent de la résidence
lyonnaise en vertu de laquelle un individu peut être nommé au sein de la
municipalité 345 . Aussi surprenant que cela puisse paraître, les documents
préfectoraux, y compris les notes individuelles de renseignement, les procès-verbaux
d’installation346 et les almanachs347 ne font pas toujours mention du domicile. Ce sont
ici la mutation après décès d’un tiers, là un courrier archivé par les bureaux de la
mairie qui compensent parfois de telles lacunes.
En l’absence de source directe irréfutable, sauf à croiser un nombre suffisant de
sources de deuxième main, l’indication du domicile ne figure pas. Ainsi, pour six
personnages, le domicile n’a pu être précisé.
344
GRAFMEYER, Yves, Quand le tout Lyon se compte, Lyon, P.U.L., 1992, p.10. 345
Jars, le maire des Cent-jours, et Sériziat font exception à la règle. 346
ADR, 2 M 12 ; 2 M 13 ; 2 M 63. 347
Almanachs historiques et politiques de la ville de Lyon et du département du Rhône, Imp. Ballanche et Barret,
Lyon, an IX-1813 et Almanach historique et politique de la ville de Lyon et des Provinces pour l’année 1815. Ils
sont aisément consultables aux Archives municipales de Lyon sous forme de microfiches.
139
L’espace urbain est un identifiant social. Ainsi, la géographie des quartiers de
Lyon permet de repérer un certain nombre de lieux au sein desquels les édiles se
répartissent d’une façon qui n’est rien moins qu’aléatoire.
Le plan n°1 situe dans l’espace urbain les édiles précisément domiciliés dans
trois quartiers principaux.
Sous l’Empire, au moins sept édiles résident sur la place Bellecour ou Bonaparte
– ci-devant place Royale elle le redevient sous la Restauration – et pas moins d’un
tiers de l’effectif réside dans ses environs immédiats, principalement dans le quartier
d’Ainay, entre la place Bonaparte au Nord et la rue des remparts d’Ainay au Sud.
Des rues y sont particulièrement appréciées : la rue et la place de la Charité (quatre
occurrences), la rue du Plat (cinq occurrences) notamment. Plus au Nord, en dehors
du quartier d’Ainay proprement dit mais partant de Bellecour et le prolongeant, la rue
Saint Dominique348 est une artère particulièrement prestigieuse le long de laquelle au
moins quatre personnes ont vécu. Or les espaces ainsi définis, occupant un gros
tiers centre-Sud de la presqu’île349 sont principalement ceux de l’ancienne noblesse,
de ces propriétaires ci-devant que le régime napoléonien, et parfois le Directoire
avant lui, a remis en selle. Fay de Sathonay, Giraud de Saint-Try pour la rue du Plat,
Boulard de Gatellier, Nolhac et de Ruolz pour la rue du Pérat, d’Assier de la
Chassagne, Bona de Pérex ou Bottu de Lima350 pour la place Bonaparte, Charrier de
Senneville ou Riverieulx de Varax pour la rue Sala, de Laurencin pour la place
Grôlier, d’Albon pour la rue de la Charité : les exemples abondent qui font du quartier
d’Ainay le lieu de vie privilégié des représentants des anciennes familles. Et la rue
Saint Dominique en est une sorte d’excroissance que Leclerc de la Verpillière ou
Rambaud choisissent comme lieu de résidence.
L’autre espace de la ville particulièrement peuplé par les édiles est le quartier
grossièrement compris entre la place des Cordeliers au Sud (au-delà de l’Hôtel-Dieu)
et la rue Sainte Catherine ou encore la rue des Feuillants, au Nord de la place des
Terreaux. C’est une proportion d’édiles comparable à celle d’Ainay qui a élu domicile
dans ce quartier, désigné par commodité comme le quartier des Terreaux bien qu’il
348
Il s’agit de l’actuelle rue Émile Zola. 349
On y inclut la place Sainte Claire avec Rosier du Magneux. C’est l’actuel square Janmot. 350
Si Bona de Pérex et Bottu de Lima ne sont pas nommés par Napoléon mais par Louis XVIII, ils font partie
des personnalités approchées par le régime impérial : ADR, 1 M 110. Deuxième tableau.
140
excède assez largement icelui vers le Sud. Or, cet espace peut être considéré par
opposition au précédent comme celui des négociants et des bourgeois d’affaires.
Dès avant la Révolution, « le quartier proche de l’hôtel de ville, du théâtre, des cafés
est recherché par les soyeux » 351 . Qui trouve-t-on rue du Bât d’argent ? Les
négociants Reyne-Fittler, Leboeuf et Lécuyer. Dans la renommée rue Sainte
Catherine ? Vincent. Sur le quai Saint Clair 352 ? Bodin, Chirat, Devillas, Guérin,
Mottet de Gerando et Rivoire. Place de la Comédie ? Encore des négociants :
Regny, le père, et Vincent Saint-Bonnet. Cependant, cet espace est sans doute plus
mixte socialement que le précédent. Dans le réseau particulièrement dense des rues,
on trouve des noms d’édiles qui ne dépareraient pas au Sud de la place Bonaparte.
Ainsi de la rue Puits-Gaillot, voisine de l’Hôtel de ville. Mayeuvre de Champvieux et
Vouty de la Tour, importants propriétaire et magistrat, y résident, tout comme le
négociant Godinot353.
Quant au dernier tiers, il est d’abord formé des édiles que l’on trouve au sein
d’espaces intermédiaires qui peuvent être qualifiés de « périphéries intégrées » aux
espaces centraux évoqués. Il en va ainsi de l’avocat Jean Guerre qui réside rue des
Célestins ou encore du notaire Ravier et de l’entrepreneur Dervieux que l’on trouve
quai Saint Antoine. Au Nord de l’Hôtel-Dieu, l’élégant quai de Retz 354 accueille
d’incontournables hommes d’affaires (Bontoux, Pernon) ainsi que le chirurgien Petit.
On repère le maître des forges Frèrejean rue de la Vieille355, à proximité du quai
Saint Vincent. Mais, surtout, une partie d’entre eux est domiciliée dans l’autre cœur
de Lyon : outre-Saône. Or, il est remarquable de dénombrer parmi ceux-ci surtout
des roturiers. On y rencontre des hommes de loi à proximité du palais de justice dit
de Roanne : Bernard de Charpieux, Desprez ; un libraire-imprimeur : Leroi ; et, au
demeurant, un seul propriétaire par ailleurs ancien négociant : Montmartin.
En fait, le découpage de l’espace urbain en trois quartiers principaux auquel on
aboutit en classant les édiles en fonction de leur domicile et en prenant en compte
leur situation socio-professionnelle correspond à une réalité largement familière aux
351
TRÉNARD, Louis, La Révolution…, op. cit., p.15. 352
Actuel ensemble formé du cours d’Herbouville et du quai Lassagne. 353
Vouty de la Tour possède, il est vrai, le domaine dit de la Tour de la Belle Allemande, proche et autrement
prestigieux. 354
Actuel quai Jean Moulin. 355
Dite aussi rue de la Vieille monnaie. Actuelle rue Saint Benoît.
141
Lyonnais contemporains des faits étudiés. En effet, on a vu qu’à compter de l’an III la
ville fut divisée en trois sections et que les municipalités de Lyon-Nord, Lyon-Midi et
Lyon-Ouest exerçaient leur autorité sur des territoires correspondant grossièrement à
ceux qui viennent d’être distingués. Lorsque, le 20 germinal an XIII (10 avril 1805), le
couple impérial arrive en visite officielle à Lyon, l’hommage des clés de la ville lui est
rendu par le maire du Nord en présence notamment de ses deux collègues et de
l’ensemble du conseil municipal356. Or les clés – dessinées par Chinard et ciselées
en argent par l’orfèvre Saunier – sont, en ces premiers temps de l’Empire, encore
celles des trois mairies. Leur motif, créé pour l’occasion est extrêmement intéressant
à connaître. La division Lyon-Nord correspondant à l’actif quartier négociant des
Terreaux est représentée par un caducée, l’attribut de Mercure ici symbole du
commerce, surmonté de l’aigle impérial qui en fait le panneton. La division Ouest
recouvre le quartier Saint Jean qui s’articule autour des tribunaux et de l’archevêché.
La tige de sa clé réunit deux crosses au glaive de la justice. Le panneton est un
Code civil. L’aristocratique quartier d’Ainay compose l’essentiel de la division du Midi
qui se termine au confluent. Sa clé est la seule qui ne fasse référence à aucune
activité : Rhône et Saône unissent leurs flots le long de la tige alors qu’un dauphin
fait anneau et un aviron, panneton.
L’espace de la ville s’organise autour de quelques lieux importants en ce qu’ils
représentent ou accueillent très concrètement le pouvoir en différents domaines, en
ce qu’ils sont en mesure de constituer des lieux privilégiés de la sociabilité édilitaire.
En superposant le plan de ces lieux et celui des domiciles urbains des édiles, on
s’aperçoit qu’il n’y a pas de lien évident entre la localisation des lieux de
commandement institutionnel que sont la préfecture, l’hôtel de ville et l’archevêché et
la répartition de nos édiles selon leur catégorie sociale même si les individus étudiés
sont nombreux aux environs immédiats. Par contre, ces lieux de pouvoir se trouvent
dans les quartiers les plus actifs de Lyon et contribuent sans doute à leur dynamisme
comme à leur attractivité. On peut repérer de fait l’existence d’une sorte de
356
Le bibliothécaire Delandine a été chargé par le conseil municipal de rédiger une relation de la visite
impériale: DELANDINE, Passage à Lyon de leurs majestés Napoléon 1er
Empereur des Français et Roi d’Italie
et l’Impératrice Joséphine en 1805, Lyon, 1806, 68 p.
142
périmètre de la vie officielle357 borné par la place Bellecour au Sud, l’Hôtel-Dieu à
l’Est, les Terreaux au Nord et l’archevêché à l’Ouest. La situation de la préfecture
pose un problème particulier. Sous l’Empire, les préfets sont en effet logés dans le
bel hôtel de Varissan à l’angle de la rue Sala et de la rue Boissac, au cœur de
l’élégant quartier qui borde au Sud la place Bellecour. En fait, les bureaux de la
préfecture sont dispersés et seul le préfet officie en ce lieu. L’arrangement est
temporaire puisqu’il est prévu que la préfecture soit aménagée place Confort, aux
Jacobins, ancien couvent devenu bien national puis propriété du département par
décret impérial du 31 octobre 1810358. L’emplacement prévu de la préfecture se
trouve donc bien au cœur du périmètre de la vie officielle359.
C’est dans ce périmètre que s’exercent les fonctions centrales et notamment que
se déroulent les célébrations officielles. Ainsi la visite officielle du couple impérial qui
se déroule au printemps 1805 commence-t-elle par une entrée dans la ville qui suit
un parcours particulièrement signifiant, manifestant en quelque sorte l’espace du
politique. Napoléon et Joséphine, qui arrivent de Bourg, pénètrent dans l’enceinte de
la ville par la porte Saint Clair, au Nord, où est dressé un impressionnant arc de
triomphe paré de bronze et de marbre. Après avoir accepté les clés de la ville de ses
autorités, le couple impérial emprunte les quais du Rhône vers le Sud puis la rue de
la Barre pour déboucher sur la place Bellecour avant de longer la Saône jusqu’au
Pont de Pierre, de descendre le quai de la Baleine conduisant jusqu’au palais de
l’archevêché. Le cortège officiel s’est donné à voir aux Lyonnais le long d’un
itinéraire bornant purement et simplement l’espace politique lyonnais360. L’empereur
séjourne à l’archevêché où il reçoit à tour de rôle les principales institutions siégeant
à Lyon. Des trois quartiers de Lyon, on peut faire l’hypothèse qu’il privilégie celui qui
lui offre avec le palais de l’archevêché une demeure prestigieuse mais aussi qu’il
évite les industrieux Terreaux comme l’aristocratique quartier d’Ainay dont les beaux
hôtels sont en dehors du « périmètre de la vie officielle ». Lorsqu’il se déplace dans
le reste de l’espace urbain, principalement les troisième et quatrième jours de son
séjour, il se rend en des lieux précis qu’on lui désigne comme nécessitant ou
357
S’il n’utilise pas l’expression, Gérard Thermeau signale, à Saint-Étienne, l’existence d’un tel espace au sein
duquel s’exercent les « fonctions du centre » : THERMEAU, Gérard, À l’aube de la Révolution industrielle…,
op. cit., p.140. 358
ADR, 2 M 3. Le bail signé pour l’hôtel de Varissan par le préfet d’Herbouville le 5 juillet 1806 fait apparaître
que l’un des deux propriétaires n’est autre que Giraud de Saint-Try, futur conseiller municipal. 359
Les travaux commenceront en réalité seulement en 1816, sur des plans adoptés en 1813, et après le rejet de
l’hypothèse d’une installation du préfet place Bellecour. 360
Le plan de l’entrée impériale délimitant le périmètre de la vie officielle figure en annexe VI.
143
recevant déjà des aménagements mais jamais n’y accorde d’audience ni y prend
d’acte officiel361.
Il peut être intéressant de chercher à connaître quel était le lieu de résidence des
édiles avant l’Empire, sous la Révolution ou l’Ancien régime ou bien si des
changements de domicile ont lieu au cours de notre période. Puisque l’existence
d’une certaine ségrégation socio-spatiale est établie et qu’elle ne doit rien au hasard,
sans doute que repérer de tels changements résidentiels renseigne sur les parcours
sociaux et sur la représentation de l’espace qu’ont les contemporains de l’Empire. En
cette matière, le caractère lacunaire des informations ne permet absolument pas une
approche globale. Tout au plus est-il possible d’espérer reconstituer quelques cas
individuels intéressants voire significatifs.
Drapier d’origine héraultaise, Pierre Arlès (1742-1825) est un négociant qui
engrange sous le Consulat et l’Empire les bénéfices de son attitude prudente durant
la Révolution. Domicilié rue de la Convention 362 avant Brumaire, il se rallie au
nouveau régime et tire profit du nouveau contexte socio-économique pour atteindre à
une certaine reconnaissance. Il devient notamment membre de la Société des amis
du commerce et des arts en l’an XIII363. On le voit occuper successivement trois
domiciles principaux sous le régime napoléonien. Il quitte la sombre rue de la
Convention pour loger sur l’actif et renommé quai Saint Antoine à la fin du Consulat.
Il emménage finalement sur la place neuve des Carmes en 1815. Sans quitter jamais
l’espace urbain où se déploie l’essentiel de l’activité négociante, les déplacements
d’Arlès au sein de la ville révèlent qu’incontestablement sa position au sein de l’élite
économique lyonnaise se conforte progressivement comme le signalent les rapports
préfectoraux364.
Assez semblable, quoique concernant une personnalité à la fortune plus
importante, est l’itinéraire de Jean Bontoux (1754-1830). Protestant dauphinois, il
développe à Lyon, dans la dernière décennie de l’Ancien régime, une affaire de
banque. Son ascension sociale sous la Révolution et l’Empire est remarquable. Or,
d’abord petitement installé rue Puits-Gaillot, il migre de quelques dizaines de mètres
361
Napoléon se rend en particulier sur le site de plusieurs ponts sur la Saône et le Rhône, de quelques quais
(Saint Clair, Saint Vincent…), sur les terrains de Perrache et de la Tête d’Or : DELANDINE, Passage à Lyon de
leurs majestés…, op. cit. 362
Actuelle rue Royale. 363
ADR, 2 M 12. 364
ADR, 1 M 110 et 2 M 12.
144
pour vivre rue Sainte Catherine et s’il se montre lui aussi excessivement discret
durant la décennie révolutionnaire, il profite tout de même de la vente des biens du
clergé pour acquérir, en 1792, sur la communauté Saint Joseph et pour 300 000
livres, une vaste maison sise quai de Retz365, au Nord du port de l’hôpital366. Arlès et
Bontoux flirtent avec la limite méridionale du secteur des Terreaux mais ils ne
changent pas réellement le quartier – le second s’en est tout de même davantage
éloigné – et, s’il traduit leur ascension sociale, leur domicile témoigne en quelque
sorte de leur état d’un bout à l’autre de la période. Par contre, l’inspecteur des postes
Joseph Monicault (1767-?) change progressivement de quartier, passant des
Terreaux aux abords de la place Bellecour, au fur et à mesure que sa situation
s’améliore. Habitant rue Puits-Gaillot au début du Consulat, on le retrouve domicilié
sur le lumineux quai Saint Clair en l’an XII et il s’installe rue Saint Dominique lorsqu’il
devient directeur des postes impériales à Lyon en 1810. Plus significatif encore est
l’exemple d’André-Paul Sain-Rousset (1757-1837). D’extraction négociante, il réside
d’abord rue Puits-Gaillot comme son père puis, petit robin tirant profit des
événements, il élit domicile place Bellecour sous le Directoire et rue des Deux-
maisons367 sous le Consulat avant de s’installer définitivement rue du Pérat. Sous
Napoléon, ce baron d’Empire affecte un mode de vie de propriétaire ci-devant,
partageant son temps entre le quartier d’Ainay et son domaine de Vaux-en-
Beaujolais368.
1.2.2. Les édiles entre ville et campagne
Un certain nombre des personnages étudiés partagent en effet leur existence
entre plusieurs domiciles. En ce cas, ils mènent alternativement la vie de château, en
proche périphérie de la ville, et une existence urbaine, dans une maison ou un hôtel
de leur propriété. Il s’agit généralement de propriétaires ci-devant qui renouent avec
une pratique déjà répandue parmi cette catégorie de la population sous l’Ancien
régime. L’exemple d’André-Suzanne d’Albon est tout à fait révélateur de cet état de
fait. Propriétaire du domaine d’Avauges situé sur la commune de Saint Romain de
365
Actuel quai Jean Moulin. 366
ADR, 1 Q 329. 367
Actuelle rue Lintier. 368
Le plan de ce dernier itinéraire figure en annexe VI.
145
Popey, en pays Beaujolais, il y réside en compagnie de son père et de son frère aîné
avant 1789. Comme l’explique Louis Trénard :
La seigneurie reste un cadre fondamental du monde rural. (…) L’intervention de la seigneurie
dans la vie collective et individuelle des habitants se traduit d’abord par la présence des
seigneurs369
.
C’est comme un châtelain que l’on sait hostile aux bouleversements que d’Albon
est arrêté et brièvement emprisonné en 1789370. Il est ensuite dépossédé de son
domaine consécutivement à sa première émigration et ne recouvre la majeure partie
de ses biens qu’à la faveur du Consulat dont il obtient d’ailleurs sa radiation de la
liste des émigrés. Dès lors, sous le régime napoléonien, il partage son existence
entre la commune de Saint Romain de Popey, dont il devient maire en 1801 et où il
mène à nouveau la vie de château, et son domicile lyonnais de la place de la
Charité. Au moment où il devient maire de Lyon, en 1813, nous savons de sa
correspondance et de celle de sa femme que sa résidence principale effective est en
son domaine d’Avauges371. Incarne-t-il cette noblesse « suspendue dans le vide,
entre hôtel citadin et château seigneurial » qui caractérise le début du XIXe siècle
selon Claude-Isabelle Brelot372 ?
Quoiqu’il en soit, la pratique du double domicile est assez répandue et nombreux
sont ceux des édiles qui possèdent, en plus de leur domicile lyonnais, une propriété
située en dehors de la ville, généralement dans une campagne assez proche. Ils
exercent alors souvent une influence réelle au sein d’espaces ruraux où ils
apparaissent parfois comme des esprits éclairés et novateurs tel Nicolas Cochard à
Sainte Colombe, alors que d’autres se satisfont de paraître comme les propriétaires
aisés et puissants qu’ils sont : Claude Desprez à Grézieu-la-Varenne ou Jean-
Baptiste Giraud de Saint-Try à Anse. D’autres encore calquent leur mode de vie sur
un modèle qui devient commun à l’ensemble des notables : Paul Bontoux détient une
maison de campagne à Vaise. Lorsqu’il constate la multiplication des « maisons de
plaisance » aux environs de Lyon, Louis Trénard remarque :
369
TRÉNARD, Louis, La Révolution…, op.cit., p.42. 370
Ibid., p.246. 371
ADR, 8 J 2, Papiers Bondy, lettre du 22 janvier 1813. D’Albon évoque dans cette lettre, adressée au préfet
Bondy, la possibilité de rentrer à Lyon, ou plutôt « chez lui » c'est-à-dire en son château d’Avauges. 372
BRELOT, Claude-Isabelle, Noblesses et villes (1780-1950)…, op.cit., p.III.
146
Ce type de propriété assure aux Lyonnais une présence dans les zones rurales qui s’est
accrue au dix-huitième siècle. Les biens les plus modestes appartiennent aux bourgeois,
artisans, boutiquiers qui y récoltent leurs fruits, y font leur vin. (…) Au-delà d’une ville
tentaculaire, c’est une région qui s’esquisse373
.
Il se trouve que l’habitat multiple apparaît bien comme une caractéristique
distinguant les élites, celles issues de l’ancienne aristocratie d’abord mais pas
exclusivement. La propriété de plusieurs résidences révèle probablement une
volonté de maîtriser le temps et l’espace et elle a, paradoxalement, vu son intérêt
renouvelé par la Révolution. En effet, alors qu’à Lyon où la noblesse de robe est
forte, un modèle patricien semble s’affirmer à la fin de l’Ancien régime, où « l’hôtel
urbain tient lieu, plus que le château, de maison de famille »374, la Révolution et les
convulsions urbaines ont pour effet de rejeter les élites nobiliaires vers la campagne
et ses domaines éloignés de l’agitation politique la plus immédiatement menaçante. Il
y a là sans doute une spécificité lyonnaise qui modifie le rapport habituellement établi
entre château et Révolution375.
1.3. Lieux d’activité et horizons géographiques
Parmi les individus du corpus édilitaire, cinquante-neuf (65,5 %) ne sont pas
qualifiés de propriétaires. Cette proportion s’élève à 69,02 % pour les seuls édiles
nommés par Napoléon. Ils exercent donc une activité professionnelle dont ils tirent à
la fois souvent la part essentielle de leurs revenus mais aussi une part importante de
la notoriété qui leur vaut d’être distingués par le pouvoir central. Pour un certain
nombre d’entre eux, le lieu principal d’exercice de cette activité a pu être repéré avec
certitude. Il est possible ainsi d’esquisser une géographie des espaces d’activité des
édiles lyonnais qui, sur bien des points, vient confirmer sans surprise ce qui a été
constaté s’agissant des lieux de résidence pour ce qui concerne la spécialisation des
373
TRÉNARD, Louis, La Révolution…, op.cit., p.16. 374
BRELOT, Claude-Isabelle, Noblesses et villes (1780-1950)…, op.cit., p.V. 375
Et ce, malgré les cas de d’Albon et d’Assier. Ce dernier est bien identifié sous la Révolution comme l’ancien
baron de Theizé : TRÉNARD, Louis, La Révolution…, op.cit., p.674. Sur le rapport entre château et Révolution,
voir par exemple : GRANDCOING, Philippe, Les demeures de la distinction. Châteaux et châtelains au XIXe
siècle en Haute-Vienne, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 1999, p. 109-118.
147
Terreaux, « élément le plus actif et le plus pittoresque de la ville »376 comme quartier
négociant et manufacturier. On observe également l’importance de la localisation des
institutions et organismes publics, pour ce qui est notamment des hommes de loi et
des magistrats autour du palais de Roanne377, en ce qu’elle recèle de possibilités de
rencontres inter-personnelles fréquentes.
Liés par des proximités géographiques qui corroborent des accointances
professionnelles et sociales, les individus étudiés sont également pour certains
d’entre eux en relation avec les mêmes espaces extérieurs à la ville de Lyon. Selon
le type d’activité professionnelle qu’ils exercent, les édiles sont en effet en relation
avec des espaces plus ou moins lointains. Ainsi, les édiles lyonnais ont le regard
régulièrement tourné vers des horizons dont la situation économique et politique,
ainsi que le devenir, conditionnent partiellement ceux de Lyon. On peut globalement
repérer trois horizons principaux que l’on peut classer selon leur degré d’éloignement
vis-à-vis de Lyon.
Horizon proche, il s’agit d’abord des espaces immédiatement voisins. Les
communes proches du Viennois, des Monts du Lyonnais, du Forez ou de l’Ain offrent
à la fois main d’œuvre et matières premières. C’est l’exploitation des mines de Saint
Bel qui fonde la réussite des Jars. Ces espaces sont aussi l’aire dans laquelle se
déploie le phénomène déjà évoqué de la double résidence et, partant, dans laquelle
les édiles étendent leur activité politique. Il en va ainsi de ceux qui sont maires des
communes rurales où ils ont une propriété et parfois leurs attaches familiales.
Néanmoins si l’exercice de fonctions édilitaires à la campagne caractérise parfois la
notabilité sous l’Empire, le cas est peu fréquent parmi les individus du groupe-objet
ce qui tend à montrer que la population des édiles lyonnais n’est pas purement et
simplement assimilable à celle des notables. 12,5 % des cent quatre grands notables
recensés par l’Empire de 1805 à 1810 sont maires de communes rurales378. Parmi
les quatre-vingt-dix individus étudiés, seuls cinq exercent de telles responsabilités
(soit 5,5 %).
376
TRÉNARD, Louis, De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit., t.2, p.770. 377
Le palais de Roanne est situé sur le plan qui situe les principaux aménagements dans la ville : annexe VI. 378
REY, Jean-Philippe, « Les notables du Rhône : une nouvelle élite ? », op. cit.
148
En dehors de la région, il s’agit ensuite de l’horizon parisien. C’est une des
conséquences de la centralisation que de réduire à peu de choses les relations entre
villes de province et de tout ramener au face à face avec Paris. Là encore sont
concernés les édiles dont l’activité économique dépend de ce lieu de
commandement et de cet espace de consommation qu’est la capitale de l’Empire
mais aussi ceux dont l’activité politique dépasse le cadre de la ville ou du
département soit parce que leur fonction municipale est éminente, soit parce qu’ils
sont investis d’un mandat national. On s’aperçoit que, par leur intermédiaire, un
« canal » Paris / Lyon fonctionne. Les notables les plus éminents et parmi eux
quelques édiles, en particulier les maires Fay de Sathonay et d’Albon, les adjoints
Charrier de Senneville, Pernon et Sain-Rousset, les conseillers Arthaud de la
Ferrière, Chirat, Frèrejean, Rambaud, Rosier de Magneux et Vouty de la Tour sont
de véritables courroies de transmission qui, bien sûr, répercutent les demandes d’en
bas et les attentes d’en haut mais aussi renseignent le gouvernement sur l’état de
l’opinion publique et lui signalent les offres de service émanant de l’élite locale. Les
édiles les plus en vue, ceux qui entretiennent les relations les plus étroites avec la
capitale entretiennent ainsi l’illusion ou l’espoir d’une mobilité sociale. Partant, ils
agissent en faveur de la stabilité politique et sociale et de l’acceptation du régime en
véhiculant l’idée d’une vraie mobilité interne et l’espoir de l’ascension. Leur propre
situation atteste aux yeux de tous que le système n’est pas verrouillé en même
temps qu’elle leur assure auprès de leurs collègues une sorte de prééminence. Ils
sont ceux qui peuvent signaler les vocations ou les manquements, aider ou bloquer
les carrières379.
Dans une organisation aussi centralisée que celle du Premier Empire, on ne peut
espérer de fonction à Lyon sans avoir de relations avec la capitale. Lorsque la
succession du maire défunt Fay de Sathonay est envisagée, les principaux
prétendants (d’Albon, Sain-Rousset) séjournent à Paris de même que le préfet
(Taillepied de Bondy)380. Or, ce n’est pas uniquement leur sort qui se décide mais
aussi celui des futurs adjoints. Ainsi un personnage comme Charrier de Senneville
379
Une analyse comparable à propos du rôle de Boissy d’Anglas au sein des réseaux de notables ardéchois : LE
BOZEC, Christine, « Les relations Paris-Province-Paris à travers un réseau de notables », dans DUPUY, Roger
[dir.], Pouvoir local et Révolution…, op. cit., p.363-376. 380
ADR, 8 J 2. Correspondance Bondy-d’Albon.
149
bénéficie-t-il, en progressant dans la hiérarchie des adjoints381, de la nomination de
d’Albon qu’il a soutenu382.
Horizon lointain enfin, celui que forment certaines régions européennes. Il est
indispensable d’envisager le système de l’Empire dans sa dimension européenne.
Lyon existe d’autant plus et mieux que la ville, ses manufactures et son négoce
s’expriment dans ce système d’envergure continentale. Il est évident notamment que
« la suppression des frontières permet à Lyon et Turin de s’imposer comme les
vraies portes des Alpes au détriment de Chambéry et de Grenoble, et même de
Genève »383. L’Empire est donc pour Lyon un moyen de sortir du rapport exclusif
avec Paris. C’est pour les manufacturiers et négociants lyonnais un moyen de ne pas
dépendre exclusivement des commandes officielles ou induites par la volonté de
l’État et de profiter de ce que le dynamisme économique soit continental, privilégiant
les villes de l’intérieur. Lorsqu’il étudie le secteur de la soie, essentiel à Lyon, Jean
Labasse montre clairement que les relations que Lyon et le Lyonnais entretiennent
sous l’Empire avec Turin et le Piémont l’emportent sur celles qui unissent Lyon et
Paris. D’ailleurs, « les gens de Lyon sont chez eux en Italie où ils jouissent d’une
situation prépondérante : on se bat à leur passage pour obtenir leurs ordres, leurs
capitaux et leurs conseils »384.
L’exemple de Georges Frèrejean (1760-1831) apparaît particulièrement éclairant
sur l’insertion de Lyon dans un système politico-économique animé à ces différentes
échelles ainsi que sur la profonde imbrication de ces différents horizons entre eux.
Fils d’un ancien chaudronnier lyonnais devenu un important manufacturier et un riche
marchand de cuivre à la veille de la Révolution, Georges Frèrejean continue, de
concert avec son frère cadet, Louis (1762-1832), l’affaire familiale. Celle-ci s’est
particulièrement développée aux environs de Vienne, dans la vallée de la Gère, à
Pont-Évêque plus particulièrement. À la tête d’une fabrique de canons installée sur
les quais de Saône, les Frèrejean fournissent la Garde nationale dans les premières
années de la Révolution puis la ville en 1792. Ils adoptent une attitude
381
AML, 686 WP 018. 382
ADR, 8 J 2. Brouillon de Bondy, préparatoire à sa réponse aux courriers des 25 et 28 mars. 383
PALLUEL-GUILLARD, André, L’Aigle et la croix, op.cit., p.303. 384
LABASSE, Jean, Le commerce des soies à Lyon sous Napoléon…, op. cit., p.27. « Entre Piémont et pays
rhodaniens, les esprits, les préoccupations et les intérêts sont, sous l’Empire, étonnamment proches (…) Lyon a
moins d’affinités et de contacts avec Paris qu’avec Turin. » : Ibid., p.34.
150
particulièrement opportuniste durant les épisodes de la Terreur et de l’insurrection
qui leur permet de survivre malgré leur implication au sein des événements les plus
tragiques. Ils poursuivent dès lors leur activité et ce que l’on peut en saisir montre
combien l’horizon de ces manufacturiers lyonnais excède largement l’agglomération.
Avec l’appui du gouvernement, Georges et son frère créent à Pont-de-Vaux, d’où
leur aïeul est originaire, une fonderie de canons qui correspond en fait au transfert
pur et simple de l’outil de production développé à Lyon. Le ministère de la Guerre
garantit un apport financier ainsi que l’acheminement de métal provenant des
cloches fondues dans le département de l’Ain 385 . Machines lyonnaises et métal
bressan vont être utilisés par des ouvriers attirés de Lyon alors que le charbon est
acheminé par bateau depuis Rive-de-Gier via le Gier, le Rhône et la Saône. Le
pouvoir central parisien garde un œil attentif sur l’entreprise et la soutient en même
temps qu’il la contrôle386.
Après que ce site particulièrement productif a été fermé dans le contexte de
surproduction de l’année 1796, les Frèrejean investissent dans leurs forges de Lyon
et de Pont-Évêque, rétablies après les avanies subies lors des troubles liés à
l’insurrection et les séquestres consécutifs. Dès 1794, en fait, le site de la vallée de la
Gère, principalement consacré au travail du cuivre, est agrandi et les extensions se
poursuivent sous le Consulat jusqu’à ce que l’ensemble d’usines le plus vaste du
département de l’Isère soit édifié387. Toujours Lyonnais, les deux frères résident
souvent à Pont-Évêque, deviennent propriétaires en 1812 des mines de fer de la
Voulte388, font venir le charbon du Forez, et les métaux non ferreux de Hongrie ou de
Russie. Ainsi la dimension de l’entreprise devient proprement européenne alors
même que Georges Frèrejean entre au conseil municipal de Lyon à la faveur du
renouvellement de 1808. S’il ne fait pas partie des grands notables départementaux,
il partage néanmoins la sociabilité des élites économiques lyonnaises et intègre, en
1813, le conseil d’administration des hospices. La notoriété acquise depuis plus de
vingt ans dans le monde industriel par Georges Frèrejean l’amène à être appelé par
385
FRÈREJEAN, Alain, HAYMANN, Emmanuel, Les maîtres des forges. La saga d’une dynastie lyonnaise
1736-1886, Paris, Albin Michel, 1996, p.182-185. 386
30 prisonniers de guerre sont affectés à la fonderie de Pont-de-Vaux comme manutentionnaires : Ibid., p.184.
Le commissaire Noël Pointe visite l’entreprise au nom du comité de Salut public. 387
BODIN, Pascale, Vienne et Pont-Évêque, deux établissements métallurgiques sur la vallée de la Gère en
activité de 1700 à 1900, mémoire de DEA d’Histoire de l’art, Université Lyon 2. 388
CHASSAGNE, Serge, « Pour faire du fer, il faut de l’argent : le financement de la sidérurgie rhodanienne
dans la première moitié du XIXe siècle », dans Autour de l’industrie. Histoire et patrimoine. Mélanges Woronoff,
Paris, Comité d’histoire économique et financière de la France, 2004, p.75.
151
Napoléon à siéger au sein du très important Conseil des arts et manufactures. Il
partage donc à la fin de l’Empire son existence entre Lyon, le pays viennois et Paris
tout en entretenant d’étroites relations avec des milieux économiques européens
rapprochés par la mise en place du système impérial.
On voit à travers cet exemple389 à quel point Lyon et ses élites économiques et
politiques sont insérées dans un système qui est à la fois centralisé depuis Paris
sans être limité aux frontières de la France et sans que les relations
traditionnellement privilégiées entre la métropole rhodanienne et son environnement
régional disparaissent.
2. Les édiles dans leurs familles
Avant tout, il faut énoncer une évidence : le personnel politique municipal
lyonnais sous l’Empire est exclusivement masculin.
L’étude du milieu familial dont sont issus, puis dans lequel évoluent les édiles
peut s’avérer pertinente pour caractériser les principaux types de milieux auxquels on
a affaire. Les phénomènes de génération, d’alliances ou de parenté offrent sans
doute un des terrains les plus féconds et les plus assurés pour l’intelligence du
monde social. Malheureusement la reconstitution des familles auxquelles
appartiennent initialement les édiles est malaisée. Les sources sont la plupart du
temps peu loquaces voire muettes pour ce qui concerne les individus qui n’ont pas
d’ascendance aristocratique. Il faut croiser de nombreuses sources indirectes comme
les mutations après décès ou quelques actes notariés pour tenter de reconstruire
quelques uns des univers familiaux dont sont issus les personnages étudiés390. Pour
ce qui concerne le recours à l’état civil qui vise en particulier à la reconstitution des
fratries, les registres paroissiaux n’ont pas été exploités et les tables décennales
n’existent qu’à compter de 1792, ce qui est généralement trop tardif391. Les membres
de l’aristocratie d’Ancien régime sont mieux servis par l’ensemble des sources
389
Celui de Camille Pernon, par exemple, est tout aussi éclairant bien que peut-être davantage lié aux
commandes d’État. 390
L’entrée principale est celle de la sous-série de l’enregistrement (3 Q), aux Archives départementales du
Rhône. À noter que la cotation en est en cours de refonte. 391
L’ensemble de ces sources est en cours de numérisation. Elles sont progressivement accessibles sous cette
forme en salle de lecture des Archives départementales, rue Servient. Leur mise en ligne est prévue pour les
prochaines années.
152
d’autant qu’existent de précieux auxiliaires que sont les armoriaux ainsi que certains
dictionnaires ou recueils biographiques et généalogiques consacrés par des érudits
locaux aux principales familles lyonnaises. Pour les premiers, les travaux de
Révérend, Steyert ou Tricou dominent une masse de qualité très inégale392. Pour les
seconds, la somme des informations collectées par Frécon ou de Jouvencel est tout
à fait indispensable quoiqu’il faille opérer une vérification systématique393.
2.1. Ascendances
La part des individus à l’ascendance peu prestigieuse voire obscure est
importante. Cela vient confirmer le caractère récent de l’ascension sociale de la
majorité du corpus édilitaire, même lorsqu’une partie appartient à la noblesse
d’Ancien régime. D’autre part, il apparaît que le régime napoléonien ne fait pas de
l’ascendance noble ou réputée un critère majeur de distinction des édiles ni même
des notables. C’est ce que corrobore la lecture des écrits de Napoléon lui-même.
Lorsque l’empereur fait part à Gaudin, son ministre des Finances, de ses vues en
matière de notabilité, il exprime très clairement son souhait de ne pas massivement
faire appel aux vieilles familles. Évoquant les individus les plus imposés et les
« familles les plus considérables », il précise :
Quand on dit les familles les plus considérables, on n’entend pas celles qui jouissaient de plus
de considération dans l’ancien ordre des choses, à raison de leur extraction, quoique l’on
entende pas non plus que ces circonstances antérieures doivent les exclure ; mais on entend
spécialement les bonnes familles qui appartenaient à ce que l’on appelait autrefois le tiers
état, partie la plus saine de la population, et que les liens les plus étroits et les plus nombreux
attachent au Gouvernement. (…) On éloignera, en général, (…) les propriétaires qui ne sont
392
RÉVÉREND, Vte A., Armorial du Premier Empire, Paris, 1894-1897, 4 vol. ; Titres, anoblissements et
paieries de la Restauration, Paris, 1901-1906, 6 vol. ; Titres et confirmations de titres (1830-1908), Paris, 1909,
réédition Librairie H. Champion, 1974 ; STEYERT, A., Armorial général du Lyonnais, Forez et Beaujolais,
Lyon, Imp. Brun, 1860 (rééd. : Paris, éditions du Palais royal, 1974 ; Lyon, éditions René Georges, 1998) ;
TRICOU, Jean, Armorial de la généralité de Lyon, Lyon, Société des bibliophiles lyonnais, 1958, 2 vol., XLVI
et 530 p. 393
ADR, 106 J Fonds Frécon. Dépouillements généalogiques. Alliance et origines des familles notables de Lyon
(Ancien régime-XIXe siècle) ; JOUVENCEL, H. de, L’assemblée de la noblesse du Forez en 1789. Étude
historique et généalogique, Lyon, Imp. Brun, 1991 ; L’assemblée de la noblesse du baillage de la Sénéchaussée
de Lyon en 1789. Étude historique et généalogique, Lyon, Imp. Brun, 1911.
153
rentrés en jouissance de leur fortune que depuis l’an VIII, parce que, auparavant, ils étaient
émigrés394
.
Nonobstant ces considérations, il est possible de mettre en avant quelques
observations susceptibles d’aider à saisir la réalité sociale de Lyon et de la
population édilitaire sur la période.
Les individus issus de la noblesse d’épée sont peu nombreux. On en repère huit,
soit 8,88 % du total du groupe-objet395. Cependant, on sait la faiblesse structurelle de
l’ancienne noblesse à Lyon et, compte tenu de ce qui vient d’être dit, la proportion
n’est pas négligeable. Trente édiles au moins396 (33,3 %) sont quant à eux issus de
la robe, extraite généralement du commerce, près de la moitié ayant parmi leurs
ascendants directs des personnalités ayant exercé des charges consulaires (tableau
n°14).
Tableau n°14
Les édiles d’ascendance noble
Noblesse d’épée
Albon ; Assier ; Chatillon de Chaponay ; Laurencin ; Leclerc de la Verpillière ; Mallet de Fargues ; Rosier de Magneux ; Thoy
Noblesse de robe
Famille consulaire
Arthaud de la Ferrière ; Bona de Pérex ; Boulard de Gatellier ; Chirat ; Fay de Sathonay ; Giraud ; Grailhe de Montaima ; Jordan ; La Roue ; Mayeuvre de Champvieux ; Nolhac ; Rambaud ; Riverieulx de Varax ; Servan
Famille non consulaire
Bottu de Lima ; Cazenove ; Courbon de Montviol ; Dujast d’Ambérieu ; Gérando ; Lacroix-Laval ; Monicault ; Morand ; Morel ; Passerat de la Chapelle-Catalan ; Pernon ; Ruolz ; Sain-Rousset ; Vincent Saint-Bonnet ; Vincent de Vaugelas ; Vouty de la Tour
394
Napoléon Bonaparte, Correspondance générale, Tome cinquième : 1805, Fayard, 2008, n° 9653 (lettre du 18
ventôse an XIII, 9 mars 1805). 395
Six sur huit sont nommés par Napoléon. 396
Les éléments manquent pour classer avec certitude dans cette catégorie Masson-Mongès et Roche des
Escures.
154
Un peu plus des trois cinquièmes des édiles sont donc d’origine roturière. Parmi
eux, on en repère quelques-uns dont l’ascendance est réputée soit pour ses mérites
soit pour sa fortune, les deux allant parfois de pair. Les Frèrerejean ou les Regny
appartiennent à des lignées d’entrepreneurs comme Claude Desprez vient d’une
famille de notaires de Grézieu-la-Varenne qui a acquis une telle réputation que notre
personnage est élu du tiers en 1789. C’est un homme fait lorsque débute la
Révolution. Laurent Nivière est le fils d’Antoine dit Nivière-Chol, actif négociant
devenu maire de Lyon de décembre 1792 à février 1793 avant de démissionner et
d’émigrer, comme de nombreux rolandins. Au contraire, l’ascendance d’un Sériziat
apparaît des plus humbles, ce que signalent parfois les rapports de police397. C’est
l’Empire qui parvient à réunir au sein de mêmes institutions et à hisser à un niveau
comparable de notabilité des individus aux ascendances si disparates.
2.2. Mariage, célibat, divorce et taille des familles
Dans l’écrasante majorité des cas, les individus sont mariés ou l’ont été au
moment où ils font leur entrée au conseil municipal. On ne dénombre avec certitude
que sept célibataires ce qui représente tout de même 7.7 % de la population398. Les
célibataires font donc exception à une norme qui, en outre, fait du mariage et de sa
qualité un indicateur et même parfois un facteur de notabilité. Malgré le silence dans
lequel les tiennent les documents officiels comme l’ensemble des sources, on
constate ça et là que les femmes comptent. Ainsi de l’épouse de Jean-Baptiste
Giraud de Saint-Try, Marie-Augustine, dont on loue les qualités de maîtresse de
maison399 ou de celle d’André-Suzanne d’Albon dont on aperçoit l’aptitude à aider
l’évolution de la carrière de son mari en jouant de son influence au sein de différents
réseaux de sociabilité400.
Certaines unions sont clairement l’occasion pour quelques-uns de nos individus
d’accroître considérablement leur influence en ajoutant au leur propre le
rayonnement de leur belle famille. Le négociant protestant Henri-Quirin de Cazenove
n’a pas 25 ans quand il pérennise sa récente installation à Lyon en épousant, le 24
397
ADR, 4 M 388. Sériziat. 398
Il s’agit de d’Assier de la Chassagne, Fay de Sathonay, Guillon, Lecourt, Lorin, Morel et Pernon. 399
ADR, 1 M 110. Deuxième tableau. 400
ADR, 8 J 2. Lettre du 7 avril 1813.
155
novembre 1792, Élisabeth-Pierrette la fille du très influent Paul-Étienne Devillas401.
De ce moment, il devient rapidement un des personnages les plus en vue de la
communauté réformée ainsi que de l’élite économique lyonnaises ; position qui lui
vaut d’être nommé, le 24 avril 1810, au poste d’adjoint au maire. Sébastien-Claude-
Salicon de Senneville n’est que l’obscur descendant d’un notaire grenoblois
rapidement enrichi à la faveur d’engagements opportuns dans la fourniture de vivres
aux armées révolutionnaires avant que d’épouser l’héritière d’une des plus
importantes familles du département, Guillemette-Hippolyte Charrier de Grigny.
Le mariage des édiles est célébré en général un peu avant leur trentième année
et l’union tardive, en 1803 à l’âge de 43 ans, d’André-Suzanne d’Albon avec « le
dernier rejeton d’une des plus illustres familles du Dauphiné »402 en la personne de
Marie de Viennois fait exception.
Trois cas de re-mariages consécutifs à un deuil sont relevés403. Un cas unique
de divorce est attesté : Étienne Évesque, négociant protestant d’origine gardoise
installé à Lyon à la veille de la Révolution, divorce le 26 vendémiaire an VII (17
octobre 1793) à Lyon-Nord de Sophie Weguelin épousée au même lieu le 8 mars
1791. Il prend pour épouse en secondes noces, toujours à Lyon-Nord, le 22 fructidor
an VIII (9 septembre 1800), Françoise-Julie d’Arnal404, fille de négociants lyonnais
eux-mêmes originaires du Gard mais de petite noblesse. On sait que les marchands
et négociants forment à Lyon un des groupes les plus vulnérables vis-à-vis du
divorce avec 16 % des ménages touchés sur la période de 1792 à 1816405.
Seuls quelques rares couples mariés n’ont pas de descendance. Cela est avéré
avec certitude pour trois d’entre eux seulement406. Pour les autres, les naissances
401
ADR, 3 E 6630. 402
ADR, 1 M 110. Deuxième tableau. 403
Il s’agit d’Arlès, Mayeuvre et Nivière. 404
ADR, 3 E 9744.
405 DESSERTINE, Dominique, Divorcer à Lyon sous la Révolution et l’Empire, Lyon, Presses Universitaires de
Lyon, 1981, p.139. L’auteur dénombre 1 049 divorces de 1792 à l’an XII à Lyon, La Croix-Rousse, La
Guilliotière et Vaise et seulement 84 de l’an XIII à 1816 : Ibid., p.94-96. 406
Il s’agit des couples Bottu de Lima, Évesque et Giraud de Saint-Try. Cela représente une proportion à peine
supérieure à 3 % de la population totale et à 4 % de la population sur laquelle des renseignements sont acquis
avec certitude, ce qui est faible.
156
sont en moyenne au nombre de 3,4 enfants par foyer407. 9 % des édiles sur lesquels
des renseignements sont disponibles ont un enfant unique alors que les très grandes
familles sont presque inexistantes : seul Sériziat a neuf enfants. Par contre 40 % des
familles peuvent être considérées comme nombreuses (de 4 à 7 enfants) ce qui
constitue une proportion importante témoignant du maintien de comportements
démographiques traditionnels même si la tendance est celle de l’établissement du
modèle de la famille moyenne. Si l’on sait peu de choses de la fécondité réelle des
femmes et si notamment l’on a peu de traces des enfants décédés jeunes, quelques
observations sont en mesure d’éclairer cette étude sur ce qui est alors probablement
la norme en voie d’établissement. Quatre enfants naissent de l’union d’André Leclerc
de la Verpillière avec Clotilde Guinet de Montverd mais l’aînée meurt jeune comme le
premier fils à peine parvenu à l’âge adulte. Il laisse deux enfants lorsqu’il décède, à
l’âge de 55 ans. Par ailleurs, dans un document préfectoral composant partie de
l’enquête sur les anciennes familles commandée par l’empereur en 1809-1810, il est
fait état de treize individus de notre population. Leur moyenne d’âge est alors de
cinquante-trois ans, onze sont mariés et ils ont en moyenne 2,8 enfants vivants408.
2.3. Solidarités familiales
On le sait, les réseaux familiaux sont une des plus fermes garanties du maintien
du pouvoir entre les mains de quelques-uns, qu’il s’agisse du pouvoir économique ou
du pouvoir politique409. On a pu constater combien sous l’Ancien régime le pouvoir
municipal lyonnais reste concentré au sein d’une étroite oligarchie et combien
demeure vivace ensuite la culture politique qui légitime le recours à cette élite
traditionnelle410. Sous l’Empire, on peut repérer un certain nombre de solidarités
407
À titre d’indication, le nombre moyen d’enfants par notable marié est établi à 2,83 pour l’ensemble de la
France impériale par Louis Bergeron et Guy Chaussinand-Nogaret et à un chiffre légèrement supérieur pour le
département du Rhône : BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy, Les « Masses de granit ».
Cent mille notables du Premier empire, Paris, Éd. de l’E.H.E.S.S./Jean Touzot, 1979, p.17 et REY, Jean-
Philippe, « Les notables du Rhône : une nouvelle élite ? », op.cit. 408
ADR, 1 M 110. Notes sur les anciennes familles et leurs services. 409
On pense notamment à l’analyse portant sur un espace voisin : CHAMBON, Pascal, La Loire et l’Aigle. Les
Foréziens face à l’État napoléonien, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2005, p.73. 410
À propos des premières avancées démocratiques sous la Révolution, Bronislaw Baczko explique que « le
régime représentatif se réclame de la conception libérale de l’électeur, individu libre et autonome, détaché de ses
appartenances traditionnelles : famille, parenté, solidarités locales. Or, dans les conditions françaises de la fin du
157
familiales qui unissent des édiles entre eux ou à d’autres notables influents que nous
ne pouvons ignorer.
Pour commencer, une exception. Les Regny sont la seule famille pour laquelle
on trouve le père et le fils au sein de notre groupe. Notons pourtant qu’ils n’ont pas
siégé ensemble puisque Regny père a été un conseiller de la Restauration puis des
Cent-jours alors que son fils a exercé la fonction d’adjoint au début de la mairie
unique (1805-1808) avant, c’est vrai, d’être fait trésorier de la ville. Pas de lien direct
entre la nomination de l’un et de l’autre donc si ce n’est sans doute la volonté des
autorités gouvernementale et préfectorale d’associer, en ces moments cruciaux, une
famille d’entrepreneurs emblématiques à la gestion des affaires municipales. En fait,
la période étudiée n’est pas assez longue pour que l’on voie apparaître, ou non, des
sortes de dynasties édilitaires. Cependant, certains itinéraires – on pense notamment
à de Laurencin – ainsi que la part des familles consulaires (tableau n°14) semblent
indiquer la possibilité de leur existence.
Au sein de la population étudiée on repère au moins trente-quatre édiles unis par
dix-huit liens de parenté411 (tableau n°15).
La plupart sont des personnages issus de la noblesse d’Ancien régime et l’on
peut sans doute considérer comme une survivance de stratégies matrimoniales
traditionnelles la plupart des alliances qu’ils nouent entre eux. Le phénomène repéré
ressort de l’endogamie relativement commune aux ci-devant familles aristocratiques.
Il ne faut donc pas voir comme un facteur d’endogamie le fait que les anciens nobles
intègrent les institutions municipales impériales. Simplement, le fait qu’on les y trouve
permet de repérer des liens familiaux qui révèlent cette endogamie. L’alliance
d’Arthaud de la Ferrière et de Vouty de la Tour par les Riverieulx de Chambost ou
celle des de Laurencin et des d’Assier de la Chassagne impliquent des membres du
groupe-objet et leurs familles. Elles ne sont pas pour autant différentes dans leur
nature de celle des d’Albon et des de Viennois ou des Leclerc de la Verpillière et des
Guinet de Montverd qui unissent certains édiles à des notables extérieurs à la
municipalité et que l’on repère en étudiant les itinéraires individuels.
XVIII
e siècle, c’est une construction particulièrement abstraite ». BACZKO, Bronislaw, Politiques de la
Révolution française, Paris, Gallimard, coll. « Folio-Histoire », 2008, p.61. 411
Parmi ces trente-deux individus, dix sont nommés par Louis XVIII. Deux seulement ont des liens de parenté
entre eux : Godinot et Guérin.
158
Tableau n°15
Solidarités familiales entre édiles
Édiles Nature du lien
Arthaud de la Ferrière Vouty de la Tour cousins
Assier Laurencin oncle / neveu
Devillas
Bontoux
Cazenove
oncle / neveu par alliance
beau-père / gendre
Boulard de Gatellier Lacroix-Laval cousins par alliance
Dujast d’Ambérieux Bottu de Lima cousins
Fay de Sathonay Mallet de Fargues oncle / neveu par alliance
Godinot Guérin beaux-frères
Jordan Rambaud cousins
Monicault
Regny (Alexis-Antoine)
Regny (Jean-Aimé-Ange)
gendre / beau-père
beaux-frères
Mottet de Gérando Gérando
Vouty
cousins par alliance
cousins par alliance
Munet Parent beaux-frères
Nivière Midey beaux-frères
Nolhac Sain Rousset cousins par alliance
Regny (Alexis-Antoine) Regny (Jean-Aimé-Ange) père / fils
Regny (Jean-Aimé-Ange) Gérando cousins par alliance
Riverieulx Bona de Pérex cousins par alliance
Vincent Saint-Bonnet Vincent de Vaugelas cousins
L’étude d’autres groupes sociaux ou d’autres communautés met en lumière des
phénomènes comparables. Du côté des négociants, les unions matrimoniales
accélérant le développement des affaires ne sont pas rares. Arlès, par ses deux
mariages, en avril 1789 puis en novembre 1816, rapproche successivement ses
159
intérêts de ceux de deux négociants lyonnais presque homonymes : Giraud et
Girod412. Lécuyer, lui, épouse sous le Directoire la fille du négociant avec lequel il
s’entend alors pour l’acquisition d’un important bien national413. On voit qu’au sein de
la bourgeoisie, l’individualisme s’accompagne de stratégies familiales sophistiquées.
Les exemples abondent et ne se limitent pas aux négociants et financiers. Le cas de
Desprez est éloquent : fils de notaire et de fille de notaire, il épouse en 1781 une fille
de notaire414.
On assiste incontestablement à un phénomène qui tend à concentrer les unions
matrimoniales au sein du milieu social d’origine de l’époux. Pourtant, des éléments
de mobilité demeurent au sein de la société lyonnaise et les catégories sociales
conservent une certaine porosité. Ainsi voit-on le fils cadet d’une famille consulaire,
Chirat du Vernay, épouser, à La Guillotière en 1789, la fille du guimpier Berlié415.
Inversement, la même année, le riche négociant d’origine languedocienne Falsan
unit sa destinée avec celle de la fille d’un robin416. La date même des deux mariages
pris pour exemples nous retient de conclure sur l’efficacité de la politique proprement
impériale de fusion des élites. À Lyon, le faible poids de l’ancienne aristocratie
conjugué à la vigueur du négoce pousse depuis longtemps et sans doute bien plus
qu’ailleurs à la perméabilité des univers de la roture fortunée et de la noblesse par
acquisition. Ce qui vient d’être dit du réflexe d’endogamie caractérisant la vieille
noblesse locale suffit à montrer les limites sinon de la volonté du moins de la
politique napoléonienne de fusion.
Enfin, existe le cas des familles protestantes qui, formant une population
relativement réduite, elles aussi se révèlent endogames et ce, d’autant plus que les
nécessités de la foi et l’intérêt matériel se rejoignent. Or, là encore le phénomène
n’est pas spécifique à la période de l’Empire ; il a son origine bien en amont de la
Révolution elle-même. C’est le puissant Paul-Étienne Devillas qui devient oncle par
alliance de Jean Bontoux, en 1783, avant de prendre Henri-Quirin de Cazenove pour
gendre en 1792. Il n’y a là non plus, à l’évidence, pas de lien direct entre la
participation des uns et des autres aux institutions de la mairie unique et le choix de
telles alliances mais bien un phénomène indépendant d’endogamie au sein des
412
ADR, 106 J. Dossiers bleus, vol. 1 ; ADR, 1 Q 201. 413
ADR, 1 Q 439. 414
ADR, 106 J. Dossiers bleus, vol.5. 415
ADR, 3 E 21044. Il est vrai que déjà son père s’était marié à la fille du négociant Caillat en 1752. 416
ADR, 106 J. Dossiers bleus, vol.7.
160
élites que leur appartenance au groupe-objet révèle417. Néanmoins, il est raisonnable
de faire l’hypothèse que la présence de l’important Devillas au sein du conseil
municipal sous le Consulat et jusqu’en 1812 a favorisé le choix de son gendre
Cazenove418 en qualité d’adjoint en 1810.
Si l’on élargit légèrement le champ d’analyse en prenant en compte les notables
départementaux que le régime distingue comme tels en 1805-1806 et en 1810419, on
s’aperçoit que des liens de famille unissent directement quinze des édiles étudiés à
treize de ces personnalités (tableau n°16).
D’une manière générale on peut affirmer que les quatre-vingt-dix édiles qui
forment le corpus appartiennent aux élites lyonnaises qui forment sous l’Empire un
ensemble aux tendances oligarchiques. Ces élites sont composites et marginalement
perméables mais elles tendent à maintenir l’essentiel du pouvoir entre quelques
dizaines de familles qui, n’ayant pas toujours embrassé les mêmes causes politiques
ont néanmoins en partage la même culture et les mêmes intérêts économiques.
En outre, en observant la trajectoire des descendants de nos individus, on
aperçoit ça et là des indices de la pérennité de la société des notables qui se met
ainsi progressivement en place. Charles-Claude Rambaud (1790-1869) épouse, en
1820, une fille de Passerat de la Chapelle. Élisabeth-Félicie de Lacroix-Laval (1810-
1843) épouse le 19 mai 1831 Gabriel de Riverieulx de Varax (1804-1880). Le cas du
fils aîné de Boulard de Gatellier est tout à fait emblématique. Vital (1792-1884)
épouse, en 1822 à Saint Clément-les-Mâcon, Philiberte-Hélène Cellard du Sordet
(1802-1881). Il est alors conseiller auditeur à la Cour royale depuis 1816.
Propriétaire, il entre au conseil municipal de Lyon en 1852 – il a soixante ans – pour
y demeurer jusqu’à la fin du Second Empire. Son propre fils, Léon (1823-?), épouse
quant à lui à Chênelette, en 1858, Catherine-Mathilde-Marie Agniel de Chênelette,
descendante de Jean-Baptiste, grand notable du département sous l’Empire.
417
Par les d’Arnal et un lien très lointain, le conseiller Évesque est apparenté à Devillas et Cazenove. 418
Cazenove dont on sait par ailleurs qu’il est réputé plutôt hostile au régime : ADR 4 M 388. Cazenove. 419
Il s’agit des listes des 30 plus imposés et des 60 individus « distingués » de l’an XIII ainsi que de la
« statistique personnelle et morale » initiée par Montalivet en 1810. Voir REY, Jean-Philippe, « Le Rhône »,
op.cit.
161
Tableau n°16
Solidarités familiales : édiles et notables départementaux
Édile lyonnais Notable du Rhône Nature du lien
Assier
Laurencin
Laurencin (Jean-Espérance-Blandine)
Beaux-frères
Fils / père
Boulard de Gatellier Robin d’Orliénas Cousins par alliance
Charrier de Senneville Charrier de Grigny Gendre / beau-père
Chirat du Vernay Chirat Frères
Giraud de Saint Try Giraud de Montbellet Frères
Jars Jars Neveu / oncle
La Roue Noyel Beaux-frères
Lacroix-Laval Mogniat de l’Écluse
Bellet de Tavernost
Robin d’Orliénas
Gendre : beau-père
Neveu / oncle par alliance
Neveu / oncle
Morel
Vouty de la Tour
Riverieulx de Chambost Cousins
Nolhac
Sain Rousset
Bruyset Neveu / oncle par alliance
Cousins
Regny (Alexis-Antoine)
Regny (Jean-Aimé-Ange)
Clavière Beaux-frères
Neveu / oncle
3. La fortune
Logiquement, le régime napoléonien s’appuie sur des personnalités dont le
niveau de revenu et la fortune sont suffisants non seulement pour exercer un mandat
politique qui n’est pas rémunéré mais aussi représenter dignement tant l’institution
que l’Empire qu’ils servent.
Aucune source n’indique systématiquement la fortune ou le revenu pour l’ensemble
des personnages du corpus. Néanmoins, il existe deux séries d’informations qui
peuvent aider le chercheur à se faire une idée de la situation : les données fiscales et
les listes préfectorales préparant ou sanctionnant le recrutement.
162
Le critère fiscal est particulièrement intéressant à prendre en compte puisqu’il
repose sur des éléments homogènes et objectifs, comme celui du niveau de
contributions acquittées par trente-deux individus au début de l’Empire, en l’an XIII
précisément (tableau n°17). Il s’agit des personnalités qui figurent sur les listes des
soixante « contribuables distingués et par leur fortune et par leurs vertus publiques et
privées » et/ou sur celle des trente plus imposés du département420. La moyenne de
ces contributions s’élève à 3 000,71 francs. Cinq contribuables paient un impôt
inférieur à 1 000 francs alors que huit sont taxés pour plus de 5 000 francs. Le plus
imposé est Vouty de la Tour (9 118 francs) ; il acquitte une contribution d’un montant
plus de vingt fois supérieur à celle de Rosier de Magneux, le plus modeste des édiles
recensés (429 francs). À titre de comparaison, la moyenne d’imposition des quatre-
vingt-deux notables répertoriés dans les deux listes est de 2 734,13 francs et l’écart
entre le plus imposé et les moins imposés est de 1 à 23. 26,6 % des notables paient
moins de 1 000 francs de contributions et moins de 15 % plus de 5 000 francs.
Pour de nombreux édiles, le préfet se livre à une estimation des revenus réels
mais elle ne concerne pas toujours la même période et on n’a aucune certitude
qu’elle englobe l’ensemble des revenus et rentes dont ils bénéficient. Pour autant, il
s’agit d’informations précieuses à prendre en considération avec les précautions
d’usage. Si l’on suit le préfet d’Herbouville, les trente-trois personnages dont il évalue
la situation entre 1806 et 1810 ont un revenu annuel moyen de 23 909,10 francs421.
Le revenu le plus bas s’établit à 12 000 francs annuels et le plus élevé à 40 000. Les
fortunes, au denier vingt, de ces trente-trois individus seraient toutes comprises entre
240 000 francs et 800 000 francs. Cependant il existe des traces d’estimations de
revenus qui contrastent assez nettement avec ce constat. Si l’on se réfère aux
chiffres fournis par les préfets Bondy, Chabrol et Fournier, aux dix individus dont les
revenus sont indiqués sur la période 1812-1815 correspond une moyenne de 13 800
francs, les valeurs extrêmes allant cette fois de 45 000 francs à 3 000 francs422. Bien
sûr, point de généralisation à partir d’une collection si réduite et si disparate mais
cela accroît indéniablement l’impression de relative hétérogénéité de la population
étudiée. En effet, alors que l’on pouvait s’attendre à observer un groupe lié par la très
420
AN, AFIV
1427 (dossier 3). Les deux listes figurent en annexe IV. 421
ADR, 1 M 110 ; ADR, 2 M 43. Globalement, l’ensemble des indications de revenu dont on dispose pour toute
la période donne une moyenne de 15 875 francs, ce qui reste tout à fait considérable. 422
Ibid. ; ADR, 2 M 63.
163
grande richesse, on se trouve face à un ensemble d’individus qui certes sont tous à
la tête d’un certain patrimoine mais dont tous ne disposent pas d’une réelle fortune.
C’est ce que confirment d’autres sources et en particulier les mutations après
décès 423 . Un certain nombre de personnages apparaissent réellement riches.
Figurant régulièrement parmi les plus imposés, ils possèdent un patrimoine
immobilier qui structure leur fortune et génère un revenu conséquent. Beaucoup
d’aristocrates d’Ancien régime composent ce groupe (d’Albon, Arthaud de la Ferrière,
d’Assier de la Chassagne, Cazenove, Nolhac, Riverieulx de Varax, Vouty de la
Tour…) mais la grande richesse n’est pas leur apanage (Bontoux) d’autant qu’on
repère des fortunes récentes (Parent, Sériziat). Pour certains édiles on peut sans
doute davantage parler de confortable aisance424 que de véritable richesse (Bernat,
Champanhet, Charrasson, Cochard, Ravier…). On ne repère pourtant pas de cas qui
s’écarte très nettement de la norme malgré une occurrence de déclassement
(Bernard-Charpieux). Si l’on voit certaines fortunes s’effondrer du fait
d’investissements hasardeux (Chirat du Vernay), les patrimoines sont généralement
solides et sans cesse au centre des préoccupations de leurs détenteurs, qu’il
s’agisse de les protéger des amputations révolutionnaires (Nolhac) ou au contraire
de tirer profit des bouleversements pour les augmenter : près de 25 % des édiles
sont acquéreurs de biens nationaux425 (tableau n°18).
423
En ce qui concerne les sources de l’enregistrement que sont les mutations après décès et les déclarations de
succession, le problème majeur est celui de la dispersion des bureaux, chacun ne s’occupant que des biens situés
dans son secteur. Les héritiers multipliant les déclarations en fonction de la localisation des biens, il est très
difficile d’avoir systématiquement une vue d’ensemble et complète de fortunes souvent dispersées. 424
André Palluel-Guillard situe cette confortable aisance à partir de 5 000 francs de revenus annuels.
PALLUEL-GUILLARD, André, L’Aigle et la croix…, op. cit., p.212. 425
Deux seulement sont nommés exclusivement par Louis XVIII et parmi eux, Nolhac dont le cas est très
particulier. Courbon de Montviol et Ravier agissent pour des tiers aux fortunes, d’ailleurs, bien inégales.
164
Tableau n°17
Le montant des contributions des édiles en l’an XIII
Nom Montant de la contribution (en francs)
Vouty de la Tour 9 118
Dervieux 6 592
Giraud de Saint-Try 6 000
Sériziat 5 672
Arthaud de la Ferrière 5 646
Guerre 5 463
Parent 5 303
Charrier de Senneville 5 234
Bernard-Charpieux 3 850
Devillas 3 650
Sain-Rousset 3 350
Regny (Alexis-Antoine) 3 291
Fay de Sathonay 3 164
Dujast d’Ambérieux 3 150
Morel-Rambion 2 940
Mayeuvre de Champvieux 2 911
Morand de Jouffrey 2 386
Leclerc de la Verpillière 1 961
Boulard de Gatellier 1 782
Bodin 1 740
La Roue 1 676
Assier de la Chassagne 1 509
Rambaud 1 462
Lecourt 1 400
Bona 1 189
Regny (Jean-Aimé-Ange) 1 165
Desprez 1 034
Ravier 856
Bontoux 850
Cochard 782
Bernat 468
Rosier de Magneux 429
165
Tableau n°18
Les édiles acquéreurs de biens nationaux
Nom Date ou période
d’acquisition
Montant global
d’acquisition
Bernat Juillet 1791 4 758 francs
Bontoux Novembre 1792-Juillet 1793 Plus de 300 000 francs
Cochard Mars 1791 7 200 francs
Courbon Mars 1793 1 600 francs (pour un tiers)
Dervieux 4 800 francs
Desprez Avril 1791 22 200 francs
Devillas -- --
Frèrejean Mai 1791 17 500 francs (en association)
Lécuyer Juin 1796 151 444 francs (en association)
Leroi Décembre 1790 61 000 francs (en association)
Mayeuvre Avril 1791 20 000 francs
Montmartin Mai 1791 61 700 francs
Morand Mars 1791-Juillet 1796 14 210 francs
Morel Août 1791 3 100 francs
Nolhac Juin 1796-juin 1798 1 208 870 francs
Parent Août 1796 283 500 francs (en association)
Péclet Février 1791 25 300 francs
Rambaud Mars 1791 34 700 francs
Ravier Janvier 1799 1 404 695 francs (pour un tiers)
Rosier 1791 4 631 francs
Saulnier Décembre 1791-juin 1796 69 892 francs
Sériziat Avril 1791-juillet 1796 1 459 800 francs
On a également trace des efforts pour assurer la transmission des patrimoines
aux descendants (Arthaud de la Ferrière, Morand de Jouffrey, Riverieulx de Varax).
Même si la Révolution a indéniablement porté préjudice à certaines fortunes,
presque toutes sont reconstituées durant la période napoléonienne (d’Albon,
Mayeuvre de Champvieux). Enfin, à l’exception de celles des importants
entrepreneurs (Bontoux, Cazenove, Frèrejean), les fortunes sont essentiellement
immobilières et peu nombreux sont en fin de compte les témoignages
166
d’investissements en valeurs mobilières. Lorsqu’à sa mort (1816), d’Assier de la
Chassagne laisse un patrimoine de plus de 600 000 francs, le principal est constitué
de biens immobiliers, une maison lyonnaise et le vaste domaine de Marcy auquel
sont liés des biens affermés, et on ne trouve qu’un portefeuille de 26 969 francs
d’obligations 426 . Son neveu et héritier laisse vingt-sept années plus tard une
succession d’envergure et à la structure comparables même si l’on repère cette fois
62 000 francs de créances et d’actions427.
L’idéal est bien celui du propriétaire. Arthaud de la Ferrière ou Morand de
Jouffrey dotent très méthodiquement leurs enfants de biens fonciers428, Nolhac met
beaucoup d’ardeur à reconstituer le domaine familial pendant que Sériziat assure et
signale sa nouvelle position en acquérant le domaine de Fromente429. Dans cet
ensemble, certains cas font exception. Ainsi de Giraud de Saint-Try ou de vouty de la
Tour. La mutation après décès du premier fait apparaître un patrimoine partagé entre
des valeurs mobilières qui constituent un peu plus de la moitié de l’ensemble et des
immeubles 430 . En 1808, le produit des parts qu’il possède du canal de Givors
représentent environ le dizième de l’ensemble de son revenu annuel.
Quoi qu’il en soit, on peut donc affirmer que l’élite politique qui émerge à Lyon
sur la période est partiellement légitimée par la détention d’une fortune ou du moins
par l’aisance financière. Elle semble néanmoins principalement justifiée par le mérite
et d’autres éléments de la notabilité liés à l’implication des individus au sein de la
société.
426
ADR, 3 Q 14/139, 132 Q 4, 132 Q 8. 427
ADR, 39 Q 17, 132 Q 8. Le domaine de Marcy est alors estimé à 414 000 francs. 428
ADR, 3 E 106 000, 3 E 23 058, 3 E 12 587, 52 Q 1. 429
ADR, 302 Q 20. 430
ADR 39 Q 14, 322 Q 14.
167
Section 2. L’implication sociale
Le régime cherche à renouer le pacte politique local en mobilisant une élite
municipale idoine, ancrée dans la société lyonnaise. Par conséquent, il est
indispensable de chercher à évaluer le degré d’insertion des édiles au sein de la
société lyonnaise et, partant, leur capacité d’influence et d’entraînement comme leur
aptitude à porter la voix des différentes composantes de la population lyonnaise, les
représenter en somme. Dans cette perspective, il est nécessaire notamment de
prendre en compte des éléments de la sociabilité formelle, celle des associations et
du politique, à laquelle les individus du corpus participent431. Le choix que certains
membres des élites font d’appartenir ou non à telle ou telle association, d’accepter tel
ou tel mandat dans le contexte d’un renouveau de la sociabilité élitaire, l’activité
qu’ils exercent et la classe sociale à laquelle on les assimile, autant d’éléments au
travers desquels les individus se révèlent et nouent des liens privilégiés avec
d’autres. C’est bien parce que les solidarités verticales reposent davantage que
celles liées à la géographie ou à la famille sur des choix individuels que leur étude
est hautement significative. De telles solidarités, même si elles dépendent
étroitement de l’appartenance professionnelle ou de la notoriété de la famille, se
rapportent d’abord à l’activité et aux options personnelles qui prennent la forme
d’engagements au travers desquels les individus, littéralement, se donnent à voir. Au
travers de l’étude de ces solidarités on peut apercevoir leur impact sur la
traditionnelle diversité des élites et, partant, leur degré d’instrumentalisation au
service de l’objectif de fusion poursuivi par le régime impérial.
1. Les notables font les édiles
Quarante des individus étudiés font partie des listes de notabilités du début de
l’Empire, celles des trente plus imposés et des soixante plus distingués, qui
regroupent quatre-vingt-deux noms, ou de la Statistique morale et personnelle de
431
On distingue cette sociabilité de la sociabilité informelle, familiale notamment. À ce propos : PELLISSIER,
Catherine, Loisirs et sociabilités des notables lyonnais au XIXe siècle, t.1, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et
d’histoire, P.U.L., 1996, p.5-7.
168
1810 qui en ajoute vingt-deux432. Les édiles apparaissent comme une illustration de
l’état de la société des notables à Lyon sous l’Empire en ce sens que la notabilité ne
dépend pas de l’appartenance ou non aux institutions municipales alors que
l’appartenance aux institutions municipales est bien davantage un privilège des
notables433. Pour autant, la composition du groupe-objet est caractérisée par un
certain nombre de spécificités.
Pour les autorités de l’époque autant que pour l’ensemble de leurs
contemporains, les individus sont d’abord définis par leur état c'est-à-dire par la
catégorie socio-professionnelle à laquelle ils appartiennent ou, ce qui est tout aussi
important, à laquelle on les identifie.
1.1. Patriciens et riches négociants dominent
Sous l’Empire et la Première Restauration, patriciens et bourgeois d’affaires
aisés dominent très nettement au sein du personnel municipal (figure n°2).
Les élites économiques parmi lesquelles dominent les négociants sont de loin les
plus nombreuses. Si l’on associe aux trente-huit personnalités systématiquement
recensées comme tels le banquier Bontoux, l’entrepreneur des coches Dervieux et le
libraire Leroi, on arrive à un groupe représentant 45,5 % du total. Les milieux
dirigeants de l’économie urbaine fournissent donc près de la moitié des édiles
lyonnais sur la période ce qui est considérable mais s’explique par le rôle commercial
et industriel traditionnel de la ville et la composition de ses élites. On peut néanmoins
remarquer que l’importance accordée ici au négoce est bien plus grande que celle
que les préfets lui ont faite au sein des listes de notabilités, en l’an XIII puis en 1810.
En effet, si l’on prend en compte les cent quatre grands notables répertoriés dans le
cadre des grandes enquêtes nationales, on s’aperçoit que le groupe formé des
négociants, des banquiers et des entrepreneurs ne constitue qu’à peine plus du
cinquième du total. Napoléon fait davantage appel aux élites économiques que ne l’y
432
Ces listes figurent en annexe IV. 433
D’autant plus si l’on considère que sous l’Empire, progressivement, le « corps social apparaît binaire ; il se
compose des notables d’une part, que caractérise la propriété, et du peuple d’autre part, agrégat d’individus mal
différenciés » : BOUDON, Jacques-Olivier, La France et l’Europe de Napoléon, Paris, Armand Colin, 2006,
p.82.
169
invitent ses préfets434. À cela, on peut trouver trois principaux éléments d’explication.
D’abord, l’empereur est attaché à ce que figurent parmi les notables un grand
nombre d’individus issus du tiers état comme il avait pris la précaution de le rappeler
à son ministre des finances 435 aux premiers temps de l’Empire. Il applique
incontestablement ce principe lors des nominations au sein de la municipalité
lyonnaise. Ensuite, la réticence des aristocrates, même récents et de robe, à
s’engager dans la gestion municipale est traditionnelle et a pu influer ici, d’autant
plus que le régime apparaît à beaucoup comme issu de la matrice révolutionnaire.
Pour autant, il ne faut pas oublier que l’aristocratie « privée de ses privilèges mais
non de son influence tant économique que symbolique (n’a) peut-être plus les
mêmes réserves vis-à-vis de l’institution municipale »436. Enfin, on peut penser que
s’assurer la loyauté d’une ville comme Lyon nécessite que l’on prenne en compte sa
sociologie : cité manufacturière et commerçante à laquelle le nouveau régime
prétend rendre sa prospérité, Lyon doit voir sa destinée prioritairement confiée à ses
élites économiques.
Indubitablement, les hommes choisis par Napoléon sont au cœur du monde
lyonnais des affaires. L’exemple de Cazenove est frappant : gendre de Devillas et
associé de son beau-frère Élisée, il est aussi le beau-frère de Villa d’Arnal, chef du
comptoir d’escompte de la Banque de France. Ils assument d’ailleurs très
publiquement leur fonction de porte-parole de l’élite économique, en particulier du
négoce. Durant toute la décennie, les interventions de conseillers en faveur des
intérêts des négociants sont récurrentes. Elles se font plus nombreuses quand la
conjoncture économique difficile porte atteinte à leurs intérêts. C’est en leur nom que
le conseiller Falsan transmet un mémoire sur la situation économique de la ville au
maire en partance pour Paris, en septembre 1811437. C’est également au nom de ses
confrères que Bodin interpelle le conseil municipal dans une séance de juillet 1813
pour y défendre des propositions touchant à la règlementation de la fabrique438.
434
Les négociants ne sont même que 13,2 % de la liste établie pour Montalivet en 1810. 435
Relevons tout de même qu’assimiler les négociants aux non nobles est hâtif : Cazenove, Chirat, Lacroix-
Laval et Pernon sont des aristocrates d’Ancien régime. 436
GARDEN, Maurice, « Municipalité et personnel politique », op.cit., p.167. 437
AML, 1217 WP 033. 438
AML, 1217 WP 036 (18 juin 1813– 25 avril 1815). Séance du 8 juillet 1813.
170
Deuxième catégorie d’importance, les propriétaires (34,45 %). Trente et un
individus vivent de leurs biens, sans participer personnellement à la vie économique.
Aucun d’entre n’est jamais qualifié de rentier. Sous l’Empire, être qualifié de
propriétaire est la marque d’une position sociale prééminente, voire considérée
comme l’aboutissement d’une réussite sociale. Même si c’est le cas pour la plupart,
certains d’entre eux ne sont pas des nobles d’Ancien régime (Charrier de Senneville,
Jars, Munet) ce qui rend compte d’un certain phénomène de fusion des élites auquel
la Révolution et la période napoléonienne ont contribué. Il faut par conséquent
souligner « l’hétérogénéité de ce groupe « terrien » avec des personnes âgées, des
spéculateurs de biens nationaux et des prudents retirés dans leur domaine », dire la
diversité de cet « ensemble de notables aisés et oisifs, ou tout au moins sans activité
professionnelle précise »439.
439
PALLUEL-GUILLARD, André, L’Aigle et la croix, op. cit., p.243
Figure n°2.
La composition de la municipalité par catégories socio-professionnelles
Négociants,
banquiers,
manufacturiers
Propriétaires
Hommes de loi,
magistrats
Fonctionnaires
Talents34,45 %
45,5 %
12,2 %
4,45 %3,3 %
171
On constate enfin la faible part représentée par trois autres groupes d’inégale
importance. Les hommes de loi et les magistrats sont 12,2 % du total, les
fonctionnaires publics 4,4 % et l’ensemble formé des talents et des professions
libérales seulement 3,3 %. Il faut néanmoins remarquer que l’insécurité des années
révolutionnaires a suscité la recherche de situations stables, d’où une évidente
désaffection des professions libérales indépendantes et au contraire un attrait pour le
secteur public et l’administration. Quoi qu’il en soit, l’Empire correspond à une
période durant laquelle, à Lyon, les catégories sociales les plus manifestement
associées aux bouleversements révolutionnaires refluent, apparaissent moins
mobilisées au service du pouvoir politique qu’elles ne l’ont été dans un passé récent.
C’est d’autant plus vrai que les hommes de loi qui, sur notre période, ne sont pas
qualifiés de magistrats ne comptent en réalité que pour environ 6 % de l’effectif total.
La magistrature représente bien sous le Premier Empire le sommet de la hiérarchie
des robins, en quelque sorte leur idéal. En dépit des péripéties révolutionnaires,
l’impression générale est la stabilité et la continuité du monde judiciaire. La plupart
des anciennes familles de magistrats se maintiennent et la majorité des juges de
l’Empire peuvent espérer faire souche. La magistrature reste le secteur où le droit
peut encore servir de tremplin vers la réussite et la consécration sociale et,
progressivement, se ferme.
1.2. Des hommes compétents
On l’a vu, quatorze édiles d’origine robine appartiennent à une famille consulaire
(tableau n°14) auxquels s’ajoutent quatre représentants de la noblesse d’épée eux
aussi associés, personnellement ou par leurs ascendants, au pouvoir municipal
d’Ancien régime440. Parmi les ci-devant roturiers on relève la présence de deux
individus investis au sein de la municipalité sous la Révolution441 ainsi que le fils d’un
ancien maire rolandin442. D’autres ont assumé des fonctions périphériques comme
440
D’Albon, Chatillon de Chaponay, Laurencin et Leclerc de la Verpillière. 441
Chirat et Perret même si ce dernier refuse la charge de procureur de la commune en vendémiaire an IV.
Notons que Devillas est maire de Vaise en l’an II. On fait ici totalement abstraction des personnalités qui ont
accepté des responsabilités durant la période insurrectionnelle. 442
Nivière.
172
celles, électives, de juge de paix 443 et un conseiller parmi les plus importants,
Desprez, est entré au Directoire du département en l’an III. Deux conseillers
municipaux, l’un nommé par Napoléon, Mayeuvre de Champvieux, l’autre par Louis
XVIII, Jordan, ont été membres des Cinq cents. Ce bref recensement permet de
signaler qu’une proportion non négligeable des édiles nommés sur la décennie est
familière des questions administratives et de la gestion de la ville. En outre, l’âge
moyen auquel sont recrutés les édiles est le gage d’une certaine expérience : 51
ans.
Mais au-delà, c’est bien sûr leur appartenance à l’élite sociale et culturelle d’une
cité de plus de cent mille habitants qui constitue la garantie qu’ils disposent des
compétences nécessaires à la gestion des affaires de la cité. La prépondérance des
négociants et parmi eux des négociants d’envergure, l’importante présence des
nobles de robe, la part qui demeure non négligeable des hommes de loi et des
magistrats place les délibérations du conseil municipal et le travail exécutif quotidien
entre des mains expertes à manier les comptes et le droit, compétences requises de
tout administrateur. Il est absolument incontestable que quoi que l’on puisse dire par
ailleurs de leur investissement au service de la ville ou plus globalement du régime,
les hommes choisis par l’État pour peupler les institutions municipales sont des
hommes aptes à la tâche. Bien sûr, le critère de la compétence n’est pas l’unique
pris en compte au moment de la nomination, ni même parfois le premier, mais il
constitue en quelque sorte le pré-requis sans lequel toute désignation semble
purement et simplement impossible. On est, à Lyon, très loin des préoccupations qui
sont au même moment celles des préfets à la recherche de candidats capables
d’occuper les charges municipales dans les communes rurales444. L’examen des
sources montre avec netteté que le moindre doute quant à la capacité du postulant
de tenir la fonction l’écarte irrémédiablement d’icelle. Lorsque le ministre de l’Intérieur
demande, en 1806, à une commission de révision de justifier le fait que les deux
personnages les plus imposés du département, Pierre-Marie d’Espinay et Nicolas
Jussieux de Montluel, ne figurent pas parmi les notables et donc parmi les candidats
désignés par le préfet aux fonctions édilitaires, la réponse est sans ambiguïté : le
premier a « plusieurs entreprises quelquefois hasardeuses » et c’est « ce caractère
443
Sériziat par exemple. 444
BOUDON, Jacques-Olivier, Histoire du Consulat…, op. cit., p.244-245.
173
léger » qui lui vaut de ne pas être retenu, alors que le second se voit reprocher son
« caractère extravagant »445.
Lorsque le préfet du Rhône propose des candidats, lorsque le gouvernement et
l’empereur ou le roi envisagent des nominations, ils ne se posent que marginalement
la question de l’aptitude intellectuelle à tenir la charge car elle semble garantie par la
sélection qui a présidé à la constitution du vivier parmi lequel le choix s’effectue.
1.3. Des hommes en vue
Douze des édiles comparaissent à l’assemblée de la noblesse en 1789 et, au
total, vingt-trois de leurs familles y sont représentées (tableau n°19)446. La situation
dirigeante d’un certain nombre d’anciennes familles est donc bien prolongée sinon à
proprement parler restaurée.
Les édiles sont pour certains membres de la noblesse impériale. Fay de
Sathonay est le seul comte d’Empire mais on repère cinq barons (Passerat de la
Chapelle-Catalan, Rambaud, Rosier de Magneux, Sain-Rousset, Vouty de la Tour) et
un chevalier (Morand de Jouffrey).
Tableau n°19
Édiles et familles d’édiles à l’assemblée de la noblesse du baillage
de la sénéchaussée de Lyon, en 1789
Édiles comparants
Familles d’édiles représentées par un
parent
Assier de la Chassagne ; Chirat ; Courbon de Montviol ; Gérando ; Giraud de Saint-Try ; La Roue ; Morel-Rambion ; Pernon ; Rambaud ; Regny père ; Ruolz ; Sain
Bona de Pérex ; Bottu de Lima ; Boulard de Gatellier ; Chatillon de Chaponay ; Fay de Sathonay ; Lacroix-Laval ; Leclerc de la Verpillière ; Nolhac ; Riverieulx de Varax ; Servan ; Vincent de Saint-Bonnet
445
AN, AFIV
1427. 446
JOUVENCEL, H. de, L’assemblée de la noblesse du baillage de la Sénéchaussée de Lyon en 1789…, op.cit.
Le recensement est effectué par H. de Jouvencel d’après le relevé publié postérieurement aux séances et à la
lecture de leur procès-verbal par le libraire lyonnais de la Roche
174
De l’exercice de leur activité, les édiles tirent en général une réelle notoriété qui,
parfois, excède largement le plan local. L’évocation de quelques exemples peut en
donner une idée. La réussite économique de Joseph Sériziat ou d’Étienne Devillas
leur confère sans aucun doute un réel prestige auprès de leurs compatriotes,
notamment dans les milieux d’affaires. Joseph Sériziat est d’extraction modeste. Il
s’essaie à plusieurs métiers avant de connaître un certain succès comme aubergiste
à Vaise. Lorsque débute la Révolution, il devient suffisamment réputé pour être
désigné administrateur du district de Lyon (octobre – novembre 1791) avant d’être
élu juge de paix du canton de Vaise en août 1792. Il profite de la période
thermidorienne pour émerger comme épicier en gros, détenteur d’un patrimoine
important (il paie 5 672 francs de contributions en l’an XIII), partiellement acquis au
titre des biens nationaux. L’Empire prend acte de sa notoriété locale en faisant de lui
le président de l’assemblée du canton de Vaise et un conseiller municipal de Lyon à
compter de 1808. Étienne Devillas est lui aussi implanté à Vaise mais il a acquis
notoriété et fortune dès avant la Révolution semble-t-il, même s’il sait profiter des
événements pour les augmenter. On le voit rayonner au sein de la communauté des
négociants réformés dont il soutient l’activité, mêlant étroitement stratégie familiale,
solidarité confessionnelle et sens des affaires. C’est aussi bien-sûr la solidité de sa
situation financière – il figure parmi les trente plus imposés – qui le distingue aux
yeux de ses pairs et du régime napoléonien qui fait de lui un conseiller municipal dès
1800. Si le rayonnement de Sériziat ou de Devillas s’exerce avant tout à l’échelle
locale, des hommes comme Camille Pernon ou Aimé Frèrejean acquièrent une
renommée bien plus large. Leur cas illustre bien la réussite de l’économie locale.
Aimé Frèrejean, on l’a vu, fait fortune dans le cuivre en déployant une stratégie
d’entreprise à l’échelle européenne. Camille Pernon, lui, symbolise la réussite de
l’industrie et du commerce caractéristiques de la ville, ceux de la soie. Sa société
installée quai de Retz compte parmi les plus prestigieuses d’Europe et fournit
plusieurs cours du continent avant de connaître des vicissitudes sous la Révolution.
L’avènement du régime napoléonien lui permet en réalité de renouer avec son passé
d’entrepreneur au service des familles régnantes. Il profite en particulier des grandes
commandes pour Saint-Cloud lancées en 1802 et le Consulat puis l’Empire le
distinguent comme le représentant éminent des élites économiques locales en en
faisant tout à la fois un notable local – il est notamment membre de l’Académie, de la
175
Société des amis du commerce et des arts et de la chambre de commerce – et un
membre du Tribunat.
Plus prosaïquement, on trouve, au sein du groupe-objet, dix-sept personnalités
faisant partie des deux institutions les plus représentatives du monde économique
lyonnais. Neuf d’entre elles sont ou ont été membres de la chambre de commerce447,
quatre ont siégé au tribunal de commerce448 et quatre ont appartenu à ces deux
institutions449.
L’ascension économique et l’accession à des fonctions administratives, même si
elles ne sont pas parallèles, contribuent tout autant à asseoir et consolider des
puissances émergeantes au sortir de la Révolution qu’à les attirer vers les centres
politiques et économiques. Les recensements effectués au sein des différentes
catégories socio-professionnelles mettent en évidence l’existence de liens qui ont
pour fondement l’exercice d’une activité commune et la défense d’intérêts communs.
Ainsi apparaît une sorte de solidarité de classe qui n’est sans doute pas sans effet
sur la sociabilité d’autant que « les Lyonnais ont toujours montré un goût
remarquable pour l’association et qu’il est resté un des traits dominants de leur vie
économique et sociale »450.
2. La participation des édiles au renouveau de la sociabilité élitaire
Si l’on aborde la question de la sociabilité des élites au moyen de l’étude des
associations qui s’adressent à elles et recrutent en leur sein leurs membres, on
constate que l’Empire est une période de renouveau. En vérité, l’Empire voit se
confirmer, à Lyon, le phénomène de reprise de la sociabilité amorcé depuis l’an III
alors même qu’il en contrôle très étroitement les manifestations451. Il y a une sorte de
paradoxe à voir ainsi ce régime anti-libéral accompagner et non interrompre l’essor
des associations permis par la législation post-terroriste. La sociabilité formelle des
447
Bontoux, Leboeuf, Mallié, Mayeuvre de Champvieux, Mottet de Gérando, Regny père, Regny fils, Reyne-
Fittler, Servan. 448
Charrasson, Fournel, Gancel, Germain. 449
Chirat, Lecourt, Leroi, Pernon. 450
CHARLÉTY, Sébastien, Histoire de Lyon, Lyon, Rey, 1903, p.299. 451
On peut partager avec Caroline Barrera, qui étudie le cas toulousain, le constat selon lequel Consulat et
Empire constituent une période favorable aux associations, aux sociétés savantes en particulier : BARRERA,
Caroline, Les Sociétés savantes de Toulouse au XIX e siècle (1797-1865), Paris, Éd. du C.T.H.S., 2003, p.34-36.
176
élites se distingue donc par une assez forte continuité entre l’Ancien régime et le
Premier Empire, par delà les vicissitudes de la vie politique.
2.1. La reprise de l’activité académique
La Révolution a interrompu brutalement, à Lyon comme ailleurs, l’existence de
nombreuses associations jusqu’à ce que la République, sous ses formes directoriale
puis consulaire, et le Premier Empire permettent à la vie associative de reprendre
son cours. L’article 300 de la constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) prévoit
que « les citoyens ont le droit de former des établissements particuliers d’éducation
et d’instruction, ainsi que des sociétés libres pour concourir au progrès de sciences,
des lettres et des arts ». Ainsi se met en place un nouveau cadre légal qui permet la
reprise de la vie académique.
À Lyon, les principales associations qui animaient la vie culturelle de la cité avant
la Révolution sont rétablies et d’autres prennent vie.
La Société de médecine de Lyon est créée en 1796. En 1798, la Société
d’agriculture fondée trente-sept ans auparavant rouvre ses portes452 aux principaux
propriétaires de la ville et de ses environs453. En 1800, le préfet Verninac autorise la
restauration de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts, tout juste centenaire.
Sous l’Empire, ce sont la Société des amis du commerce et des arts (1805) puis la
Société de pharmacie (1806), la Société de lecture (1807) et la Société d’émulation
pour l’étude de la langue et la littérature italienne454 qui apparaissent. En comptant
cercles et loges maçonniques au nombre des associations, le préfet Bondy en
recense dix-huit en 1811 lorsqu’il renseigne le ministre de l’Intérieur sur la vitalité de
la vie associative lyonnaise455.
452
La Société d’agriculture ainsi restaurée est en fait le résultat de la fusion de l’ancienne Société royale et de la
Société Philosophique des Sciences et Arts. 453
Catherine Pellissier remarque l’ « étonnante longévité » de plusieurs associations de notables et prend pour
exemple la Société d’Agriculture de Lyon fondée par arrêté du Conseil d’État du Roi du 12 mai 1761 qui
devient, pour notre période, en 1806 la Société d’Agriculture, d’histoire naturelle et d’arts utiles : PELLISSIER
Catherine, Loisirs et sociabilités…, op.cit., p.17. 454
BML, Fonds Coste 351 506, Statuti della Società d’emulazione per lo studio della lingua e della letteratura
italiana, Lyon, Ballanche, 1807, In-8°, 8 p. 455
ADR, 4 M 827. Recensement des associations de plus de vingt personnes existant à Lyon en 1811.
177
Il est bien sûr difficile de distinguer la fonction culturelle, savante, technique ou
scientifique de la fonction sociale et politique de telles associations mais il ne faut
surtout pas négliger le fait que l’on renoue à partir des dernières années de la
Révolution avec une notion de base de l’académisme des Lumières : l’utilité. Sous
l’Ancien régime, les sociétés savantes se donnent en effet pour mission de « définir
un idéal de service civique où le pouvoir et le savoir sont comme naturellement
unis »456.
À Lyon sous l’Empire, il existe donc sept associations dont le but affiché est
culturel ou scientifique. Quatre d’entre elles ont un rôle mineur, qui ne dépasse pour
ainsi dire pas les murs de la salle où elles tiennent épisodiquement leurs séances. La
Société de médecine, la Société de pharmacie, le Cercle littéraire (ou Société de
lecture) et la Société d’émulation pour l’étude de la langue et de la littérature
italiennes ont en effet une audience très réduite, circonscrite aux spécialistes et
paraissent tout à fait consacrées à l’objet qui les fonde457. On ne trouve en outre en
leur sein presqu’aucun des personnages qui nous occupent si ce n’est l’illustre
chirurgien Petit qui exerce un magistère certain sur la Société de médecine. Par
contre, trois associations ont un rayonnement plus affirmé, en mesure de dépasser le
cadre strictement local et d’excéder leur domaine de spécialité. Elles apparaissent en
mesure de jouer un rôle effectif sur les deux plans de la sociabilité et de la vie
politique locale tant il est vrai que « la vie intellectuelle (...) s’accompagne de
relations sociales et même de convivialité »458. Il s’agit de la Société d’agriculture de
Lyon, de la prestigieuse Académie, et de la Société des amis du commerce et des
arts.
Sur la période, on trouve dix édiles au sein de la Société d’agriculture de Lyon.
Trois d’entre eux sont aussi membres de la Société d’agriculture des propriétaires de
l’arrondissement de Villefranche459 et Sain-Rousset n’appartient qu’à cette dernière.
Neuf individus sur ces onze sont issus de la noblesse d’Ancien régime. Huit résident
aux alentours immédiats de la place Bonaparte, les autres ont aussi des adresses
456
ROCHE, Daniel, Les Républicains des lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, Fayard,
1988, p.311. 457
ADR, 4 M 827. Courrier du 18 mai du préfet de Bondy au Comte Pelet, conseiller d’État du deuxième
arrondissement de la police générale 458
PELLISSIER Catherine, Loisirs et sociabilités…, op.cit., p.112. 459
Il s’agit d’Arthaud de la Ferrière, d’Assier de la Chassagne et de Giraud de Saint-Try.
178
prestigieuses : les rues des Feuillants et de l’Archevêché ou le quai de Retz460. Neuf
personnages font partie de la municipalité dès la mise en place de la mairie unique
alors que deux ne la rejoignent qu’en 1815. Tous propriétaires de domaines fonciers
aux alentours de Lyon, ils sont directement intéressés aux progrès des techniques de
culture, aux essais de semences et certains s’y impliquent beaucoup.
Tableau n°20
Édiles membres des principales associations à but culturel de Lyon (1805-1815)
Société d’agriculture Société des amis du commerce et des arts
Académie461
Arthaud de la Ferrière ; Assier de la Chassagne ; Boulard de Gatellier ; Cazenove ; Charrier de Senneville ; Cochard ; Dujast d’Ambérieux ; Fay de Sathonay ; Giraud de Saint-Try ; Pernon
Albon ; Arlès ; Assier de la Chassagne ; Aynard ; Charrier de Senneville ; Fay de Sathonay ; Mayeuvre de Champvieux ; Morand de Jouffrey ; Mottet de Gérando ; Pernon ; Rambaud ; Regny père ; Riverieulx de Varax ; Rivoire ; Sain Rousset
Cochard ; Fay de Sathonay ; Guerre ; Laurencin ; Mayeuvre de Champvieux ; Pernon ; Petit ; Rambaud ; Ruolz ; Vouty de la Tour
Louis Trénard a raison lorsqu’il montre que les membres de la Société
d’agriculture sont ou bien des grands propriétaires ou bien des intellectuels
préoccupés de recherches appliquées462. Ainsi, Nicolas Cochard s’essaie-t-il à la
viticulture sur ses terres de Condrieu et de Sainte Colombe, expérimentant des
procédés modernes de vinification. Arthaud de la Ferrière ou Sain-Rousset ont sans
doute une gestion plus lointaine et plus traditionnelle de domaines sur lesquels ils
comptent avant tout pour qu’ils leur procurent un revenu régulier et leur assurent le
prestige social que confère la propriété dans la société nouvelle. On assiste ici à la
rencontre de deux noblesses, celle d’Ancien régime et celle d’Empire, qui se
rejoignent in fine dans une conception commune de la notabilité basée sur la
possession d’un patrimoine foncier et la présence au sein d’une association
reconnue. Ainsi, les sociétés d’agriculture sont-elles un lieu où s’opère très 460
Il s’agit respectivement de Cazenove, Cochard et Pernon. 461
Nommé maire en 1813, d’Albon est fait correspondant de l’Académie la même année. À la différence de son
prédécesseur, il n’en est pas membre à part entière. 462
TRÉNARD, Louis, « Culture et sociabilité dans l’espace rhodanien à l’aube du XIXe siècle », Le Rhône,
naissance d’un département, Archives Départementales du Rhône, 1990, p.115.
179
partiellement la fusion des élites voulue par le régime alors qu’elles sont à l’origine
une sorte de fief de l’ancienne aristocratie, l’appartenance à ces sociétés
d’agriculture traduisant pour chacun de leurs membres l’appartenance à une
catégorie sociale sinon à un ordre.
La Société des amis du commerce et des arts semble plus directement liée aux
vœux du gouvernement et donc davantage révélatrice de ses vues politiques et
sociales. Créée en germinal de l’an XIII (avril 1805) sur le modèle de la Société
d’encouragement de Paris, elle compte pour membres fondateurs le ministre de
l’Intérieur Champagny et Joseph de Gérando, le fils d’Antoine-Benoît, son secrétaire
général463. Elle a pour objectif affiché l’encouragement de l’activité économique et en
particulier du commerce et des techniques. Dans une ville telle que Lyon, semblable
initiative ne peut sans doute que rencontrer l’adhésion des élites économiques et ce
sont effectivement ces élites que l’on retrouve très majoritairement parmi les
membres de l’association. Fay de Sathonay puis d’Albon en sont les présidents de
droit sous l’Empire ce qui démontre le lien étroit que Napoléon établit entre le
gouvernement de la cité et le soutien à l’économie locale. Quinze édiles sont
membres de la Société des amis du commerce et des arts dont six avec le titre de
conseiller. Ils sont bien entendu très intéressés à la bonne marche des affaires et
d’Arlès à Regny en passant par Aynard ou Pernon les entrepreneurs-financiers sont
nombreux. La présence parmi eux de quelques illustres propriétaires tels d’Assier de
la Chassagne ou Riverieulx de Varax vient illustrer la volonté de fusion des élites
revendiquée par l’Empereur qui rencontre à Lyon, on l’a vu, une habitude assez
ancienne de proximité entre noblesse et bourgeoisie. Directement mise en place par
le régime napoléonien et peuplée en partie de roturiers enrichis notamment à la
faveur de la stabilisation politique récente, on peut supposer qu’une telle association
est assez favorable à l’Empire et à son chef. Les réunions de la société se tiennent
au palais de la Bourse puis au palais Saint Pierre à compter de 1809. Il est bien
entendu qu’outre sa vocation au service de l’efficience économique, « cette Société
doit encore être considérée sous d’autres rapports d’utilité et d’agrément » :
463
AML, 784 WP 12 2, Dossier Société des Amis du commerce et des arts (an VIII-1830). Les souscriptions sont
reçues chez Bruyset l’aîné, Couderc, Terret et Regny père, tous membres de la chambre de commerce. La
contribution annuelle est de 36 francs selon l’article 3 du règlement.
180
Elle offrira à tous les Sociétaires les moyens d’étendre leurs connaissances par une
communication facile et une amicale fréquentation ; elle leur présentera un point de réunion,
où le négociant, l’artiste, l’homme de goût qui désirent s’éclairer mutuellement trouveront
l’occasion de se lier, de se connaître et de s’apprécier. (…) Le jeu, les banquets y seront
interdits464
.
Ici le rapport entre les autorités municipales et la société s’établit assez
nettement en faveur des premières. La Société des amis du commerce et des arts,
apparaît comme une association créée au service du nouveau régime incarné
localement par le maire. Ainsi, lorsque la société envisage des cérémonies publiques
elle en organise les modalités et en choisit la date de façon à s’assurer de la
présence du maire qui en est le président de droit465. Le rapport n’est pas le même
que pour l’Académie fondée sous Louis XIV.
L’Académie des sciences, belles lettres et arts de Lyon a été rétablie en l’an VIII
sous le nom d’Athénée 466 . La réunion décisive est organisée à l’hôtel de la
préfecture, alors rue Boissac, par le préfet Verninac, le 24 messidor an VIII (13 juillet
1800). La volonté affichée du régime consulaire est de redonner une partie de son
prestige à Lyon et de participer au développement des « lumières ». Le préfet
propose d’associer comme membres de la nouvelle académie « les restes précieux
de l’ancienne Académie » à des personnalités désignées par « l’opinion
publique »467. L’arrêté préfectoral du 24 messidor an VIII (13 août 1800) fixe les
statuts de l’Athénée. Quarante-cinq membres ordinaires détenant seuls le droit
d’élection et de délivrance des prix 468 disposent de la prééminence sur quinze
émules469 (leur voix est consultative) et des associés parmi lesquels on trouve trente
associés libres résidant dans le département et un nombre illimité d’associés 464
Ibid. Règlement. 465
Ibid. Lettre de Terret, secrétaire de la Société, à Fay, datée du 30 juin 1810. « Vous avez trop fait, Monsieur,
pour la société pour qu’elle ne désire pas vivement vous avoir à sa tête dans une circonstance aussi importante,
pour une cérémonie qui doit beaucoup ajouter à son éclat. Le conseil attend de votre bienveillance ordinaire que
vous voudrez bien avoir la bonté d’indiquer le jour pour lequel on pourra faire les convocations et inviter le
public » 466
« L’orage avait cessé. On ne remarquait plus sur les flots que cette légère ondulation, si douce à voir après
une effroyable et longue tempête. La mer, naguère si courroucée, s’ouvrait de nouveau à toutes les entreprises de
la science et du commerce… » comme l’écrit emphatiquement l’un des historiens locaux de l’Académie :
DUMAS, Histoire de l’Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, Lyon, Imp. Giberton et
Brun, 1839, vol.1, p.369. 467
Ibid. p.372. 468
Ils acquittent une cotisation annuelle, fournissent les membres du bureau, les rapporteurs, forment avis et
députations. 469
Les émules sont supprimés en 1802.
181
honoraires. Pour être reçu dans l’une des deux classes (celles des sciences compte
vingt membres, celle des lettres et arts, vingt-cinq) un candidat doit réunir au moins
vingt-trois suffrages. Les académiciens forment donc une élite intellectuelle restreinte
à laquelle l’accès est difficile et limité. On y trouve sur la période qui nous occupe
une dizaine de nos personnages. Le recrutement semble davantage basé sur le
mérite puisque la condition essentielle pour être admis au sein de l’Académie est
d’avoir produit et fait paraître des écrits, des travaux dans les domaines qui la
regardent. Seul Fay de Sathonay se voit, en 1806, accorder le titre d’associé sans
jamais avoir rien publié. Il doit son admission au sein de l’Académie à son statut de
maire que le nouveau régime cherche à asseoir. Il est intéressant d’observer qu’au
même titre que l’anoblissement, l’appartenance au milieu académique est un élément
de distinction et qu’à ce titre elle est jugée susceptible de conférer prestige et autorité
à l’élite du personnel politique municipal. On voit combien la conception
napoléonienne de la notabilité mêle des éléments qui renvoient à diverses
conceptions de la légitimité, faisant émerger notamment une sorte de « notabilité
intellectuelle ».
Majoritairement nos individus sont membres de la section lettres et arts alors que
trois d’entre eux appartiennent à la section sciences470. Quatre parmi les individus
recensés ne font pas partie de l’Académie dès sa restauration : Fay l’intègre en
1806, Cochard et Guerre en 1809, Laurencin en 1811. Il n’y a pas – cas du maire
mis à part – de relation entre la nomination au sein de la municipalité et la qualité
d’académicien. Néanmoins il semble que la condition d’académicien favorise l’accès
à la municipalité plutôt que l’inverse puisque les nominations au sein de la mairie
unique sont postérieures à l’admission au sein de l’Académie. La présence à
l’Académie est un facteur de notabilité qui favorise la désignation par l’autorité
centrale au sein de la municipalité. La participation aux institutions municipales ne
favorise pas forcément l’accès aux associations de notables.
Il convient enfin de remarquer que la totalité des vingt-six personnalités qui ont
appartenu à l’une de ces trois associations ont été des édiles de l’Empire et que ne
figure aucun de ceux qui ont été nommés par Louis XVIII seulement, ce qui constitue
470
Mayeuvre de Champvieux, Petit et Vouty de la Tour.
182
un indice de l’importance revêtue par ces différentes associations au service de la
sociabilité impériale.
2.2. La sociabilité des cercles
Comme on a pu le constater concernant les sociétés savantes ou académiques,
les dernières années de la Révolution et la période napoléonienne sont marquées
par la renaissance des formes de sociabilité supprimées par la Terreur. Louis
Trénard le montre :
Renaissent également les cercles qui avaient joué un rôle important dans la diffusion des
idées lors de la crise pré-révolutionnaire et durant la première phase de la Révolution. Ils se
sont disloqués en l’An II ; certains membres se laissent entraîner par les sociétés populaires,
d’autres demeurent fidèles à un idéal de république modérée, quelques-uns entrent dans la
clandestinité pour défendre les valeurs d’Ancien régime. Le Directoire et surtout le Consulat
marquent la renaissance de ces associations culturelles.471
Or, si la Révolution a proclamé la liberté d’association, l’Empire accroît le
contrôle de l’État. Selon l’article 291 du Code pénal, aucune association de plus de
vingt personnes « dont le but est la réunion régulière de ses membres pour s’occuper
d’objets religieux, littéraires, publics ou autres ne peut se former sans l’agrément du
gouvernement et hors des conditions qu’il fixera »472. De la même manière, l’article
294 exige l’autorisation de la municipalité pour qu’un local puisse être affecté aux
réunions. La société impériale est placée sous surveillance et cela a pour
conséquence de voir se multiplier les enquêtes diligentées par l’État et ses
représentants dans les départements, les préfets. À Lyon et pour l’ensemble du
département du Rhône, il revient à Taillepied de Bondy d’effectuer un recensement
en 1811473. Or, l’on constate qu’il s’en remet assez franchement au maire Fay de
Sathonay et à son premier adjoint Sain-Rousset pour mener à bien l’enquête ce qui
révèle la grande confiance qu’il place en le premier magistrat et en l’exécutif de la
471
TRÉNARD, Louis, « Culture et sociabilité… », op.cit., p.114. 472
Les trois articles suivants prévoient des sanctions en cas d’infraction. 473
ADR, 4 M 827.
183
ville mais aussi sans doute la faible crainte qu’il nourrit quand à l’existence à Lyon
d’associations susceptibles de menées subversives.
Au total, l’enquête de 1811 fait apparaître l’existence de trois cercles à Lyon qui
sont des lieux d’une assez vivante sociabilité. La connaissance de ces cercles nous
renseigne quant aux diverses formes de la sociabilité qu’ils génèrent. Or cette
sociabilité, par ses modalités mêmes a beaucoup à nous dire sur les dynamiques de
la société lyonnaise et sur l’insertion sociale des édiles.
Chacun de ces cercles a fondamentalement la même fonction : offrir un espace
de sociabilité à ses membres, fondé sur le principe de réunions régulières et
fréquentes auxquelles chacun est libre d’assister plus ou moins régulièrement et
durant lesquelles on s’adonne à la lecture de journaux et périodiques – sous le
Consulat et une partie de l’Empire, l’imprimeur Ballanche et son fils publient sous le
titre Bulletin de Lyon le récit des événements locaux mais aussi l’analyse des
nouveautés littéraires, artistiques, philosophiques474 – et aux jeux de commerce, les
jeux de hasard étant systématiquement exclus. Le nombre de membres est toujours
limité mais aucun des trois cercles ne paraît avoir jamais rencontré de problème de
surnombre car, si le principe d’une cotisation annuelle leur est commun, ils recrutent
principalement sur le principe de la cooptation qui permet une sélection assez fine
des candidatures.
Le cercle lyonnais qui compte le moins de membres est le cercle des Terreaux.
L’examen de sa composition fait apparaître une très nette domination des catégories
sociales que nous qualifierons d’intermédiaires. L’élément réellement populaire en
est absent 475 mais l’on y trouve essentiellement des maîtres-fabricants, des
commissionnaires, quelques talents et autres médecins ou architectes. D’ailleurs,
l’objet même du cercle nous informe clairement sur sa sociologie puisque, selon ses
statuts, « cette société a pour motif de former et d’entretenir des relations d’amitié et
de produire les délassements nécessaires et agréables à l’homme après son
travail »476. C’est le Lyon de la manufacture et du commerce, des représentants de
474
Les Archives municipales de Lyon possèdent la collection du Bulletin de Lyon : AML, 2 C 400013. 475
Le prix de la cotisation est tout de même fixé à 78 francs par an. 476
ADR, 4 M 827. Cercle des Terreaux, règlement.
184
l’élément le plus actif de la ville que l’on y trouve477. Le cercle des Terreaux est un
cercle de cette « France bourgeoise » que Maurice Agulhon a si bien décrite478. Ils
sont à l’interface entre le monde des canuts et l’élite socio-économique de la ville.
Limité à cent ou cent cinquante durant la période, le nombre de ses membres est de
quatre-vingt-treize en 1811. Parmi eux, on ne trouve que deux personnages du
corpus étudié : Hervier et Leboeuf479. Hervier, ancien négociant alors qualifié de
rentier, est conseiller dans la municipalité dirigée par Fay de Sathonay. On peut
évaluer, au denier vingt, son capital à environ 500 000 francs en 1810480. On peut
donc raisonnablement imaginer qu’il est parmi les membres du cercle de ceux qui
possèdent le plus important patrimoine. Édile qui plus est, il y bénéficie sans doute
d’une certaine audience. Épicier en gros faisant partie de la Chambre de commerce,
Leboeuf dispose probablement d’un capital moindre 481 . Il n’entre que sous la
Première Restauration au sein du conseil municipal pour y demeurer sous les Cent-
jours. Il occupe sans doute au cercle une position plus ordinaire, par inter pares.
Il existe dans le même quartier des Terreaux un deuxième cercle au nom
évocateur : le cercle du commerce. Il compte, en 1811, cent soixante-huit
membres482. Son fonctionnement repose sur les mêmes principes que le précédent.
Les membres chargés de l’administration du cercle sont élus par leurs pairs et,
rééligibles, ils détiennent des mandats renouvelables régulièrement. Ainsi,
l’organisation du cercle des Terreaux et du cercle du commerce apparaît
relativement démocratique. S’il a son siège dans le même quartier, qui se trouve être
le plus actif de la ville, sa composition est toute autre que celle du cercle des
Terreaux. S’y croisent en particulier les plus illustres et influents représentants de
l’élite négociante lyonnaise mais pas seulement. Des magistrats importants ou des
ci-devant propriétaires les côtoient.
477
Le règlement stipule bien qu’ « il ne peut être traité dans la société d’aucune opération de commerce
directement ni indirectement, sous peine d’une amende de 72 francs, à verser dans la caisse des hospices ». Il
s’agit de réfréner les ardeurs de ces entrepreneurs et de ces commerçants ordinairement en affaire les uns avec
les autres : Ibid. 478
AGULHON, Maurice, Le Cercle dans la France bourgeoise (1810-1848). Étude d’une mutation de
sociabilité, Paris, Armand Colin, « Cahiers des Annales », n°36, 1977, p.18. 479
ADR, 4 M 827. Cercle des Terreaux, liste des membres. 480
ADR, 2 M 12. 481
ADR, 3 Q 876 (709) : il laisse à son fils unique un patrimoine inférieur à 250 000 francs à sa mort en 1837. 482
ADR, 4 M 827. Cercle du commerce, liste des membres
185
Tableau n°21
Édiles membres du cercle du commerce en 1811
Nom Catégorie sociale Domicile lyonnais
Arthaud de la Ferrière Propriétaire Rue du Pérat
Assier de la Chassagne Propriétaire Place Bonaparte
Aynard Négociant Rue du Buisson
Bodin Négociant Quai Saint Clair
Bontoux Négociant Quai de Retz
Cazenove Négociant Rue des Feuillants
Champanhet Négociant Rue des Capucins
Charrasson Négociant Quai de la Feuillée
Charrier de Senneville Propriétaire Rue Sala
Desprez Homme de loi Rue du Chemin neuf
Devillas Négociant Quai Saint Clair
Évesque Négociant Place des Terreaux
Fay de Sathonay Propriétaire Rue du Plat
Giraud de Saint-Try Propriétaire Rue du Plat
Godinot Négociant Rue Puits-Gaillot
Guérin Négociant Quai Saint Clair
Leclerc de la Verpillière Propriétaire Rue Saint Dominique
Lécuyer Négociant Rue du Bât d’argent
Midey Magistrat Place de la Charité
Monicault Directeur des postes Rue Saint Dominique
Mottet de Gérando Négociant Quai Saint Clair
Nivière Receveur du département Rue Royale
Parent Négociant Quai de Retz
Péclet Négociant Rue Lafont
Régny père Négociant Place de la Comédie
Régny fils Négociant Rue Neuve
Reyne-Fittler Négociant Rue du Bât d’argent
Rivoire Négociant Quai Saint Clair
Rosier de Magneux Propriétaire Place Sainte Claire
Vincent de Saint-Bonnet Négociant Place de la Comédie
186
De la même manière, alors que les statuts du cercle indiquent que « les principes
constamment professés par les membres de cette réunion seront attachement au
gouvernement, soumission aux lois, respect aux autorités constituées »483, on repère
des individus aux opinions et aux engagements très divers. Cette relative
hétérogénéité se retrouve parmi la trentaine d’individus du corpus édilitaire que l’on
repère au sein des cent soixante huit membres du cercle du commerce de 1811.
Pêle-mêle, citons, des négociants attachés au régime mais à la fortune diverse
(Bontoux, Champanhet), des négociants royalistes (Cazenove, Godinot, Servan), des
ci-devant propriétaires loyaux voire acquis à l’Empire (d’Assier de la Chassagne,
Leclerc de la Verpillière), des aristocrates que l’on devine plutôt favorables aux
Bourbons (Giraud de Saint-Try), un magistrat (Midey)…
En fait, ce cercle du commerce présente, un peu à l’image de ce que nous avons
vu pour la Société des amis du commerce et des arts, la caractéristique de
symboliser relativement fidèlement la volonté du régime napoléonien d’opérer la
fusion des élites, mêlant des individus issus de l’aristocratie d’Ancien régime à des
personnalités issues du ci-devant tiers état, rapprochant des hommes vivant de leurs
rentes d’hommes d’affaires, esquissant une sociabilité commune qui participe de
l’atténuation des barrières de classe. Il convient de noter que si l’on repère des
membres du cercle qui ne sont pas de fervents soutiens du régime napoléonien,
aucun d’entre eux n’affiche véritablement son opposition, du moins tant que l’Empire
est en place. Ainsi, contraints ou séduits par un régime autoritaire fort de sa légitimité
matérielle, des individus venus d’horizons différents expérimentent la synthèse qu’il
prône.
Le troisième cercle lyonnais est très différent des deux premiers. Il s’agit du
cercle de Bellecour. Comme son nom l’indique, il ne siège pas dans la partie
septentrionale de la ville mais bien en son Midi, ses réunions ayant lieu au premier
étage de la maison d’un de ses membres, un conseiller municipal de la Première
Restauration, Roche des Escures, sise à l’angle de la place Bellecour et de la rue
Saint Dominique484. Le fonctionnement en est différent puisque les membres du
conseil d’administration sont renouvelables par quart au moyen du tirage au sort.
Autre différence notable contenue dans les statuts, le cercle de Bellecour accueille
483
Ibid. Cercle du commerce, statuts. 484
ADR, 4 M 827. Cercle de Bellecour, règlement.
187
idéalement autant d’hommes que de femmes, deux cents personnes au total. En
réalité, la parité est loin d’être observée puisque l’enquête conduite en 1811
dénombre cent trente-deux membres parmi lesquels seulement dix-neuf femmes485.
La liste des membres est éloquente. Le cercle de Bellecour est de fait réservé aux
nobles d’Ancien régime.
Tableau n°22
Édiles et épouses d’édiles membres du cercle de Bellecour en 1811
NOM Catégorie sociale Domicile lyonnais
ép. Bona de Pérex Place Bonaparte
ép. Fargues (Mallet de) Rue du Plat
ép. Laurencin Place Grôlier
ép. Roche des Escures Place Bonaparte
Assier de la Chassagne Propriétaire Place Bonaparte
Bona de Pérex Propriétaire Place Bonaparte
Boulard de Gatellier Magistrat Rue du Pérat
Charrier de Senneville Propriétaire Rue Sala
Chatillon de Chaponay Propriétaire
Courbon de Montviol Homme de loi Rue Saint Jean
Fargues (Mallet de) Propriétaire Rue du Plat
Fay de Sathonay Propriétaire Rue du Plat
Giraud de Saint-Try Propriétaire Rue du Plat
Jordan Propriétaire Place Bonaparte
Lacroix-Laval Propriétaire Rue de la Charité
La Roue Propriétaire Rue Sala
Laurencin Propriétaire Place Grôlier
Monicault Directeur des postes Rue Saint Dominqiue
Roche des Escures Propriétaire Place Bonaparte
Thoy Propriétaire Rue du Plat
Créé en 1801, il ressuscite probablement une sociabilité propre à l’ancienne
aristocratie même s’il en renouvelle les manières. Instrument de la pérennisation de
485
Ibid. Cercle de Bellecour, liste des membres.
188
l’élite traditionnelle, il favorise les relations entre les familles qui la composent et
s’apparente davantage à la tradition de vie mondaine héritée des salons486.
L’article 12 du règlement du cercle prévoit significativement que les mères « ont
le droit d’y amener leurs filles sans payer l’abonnement ». On devine aisément que la
sociabilité qui s’y déploie est moins syncrétique qu’au sein du cercle du commerce et
que l’opinion dominante y est moins favorable au régime napoléonien même si l’on
repère des personnalités (Boulard de Gatellier, La Roue) qui l’ont servi avec un
certain zèle.
Seize des individus que l’on suit et quatre de leurs épouses appartiennent au
cercle de Bellecour en 1811. Tous sont domiciliés dans un étroit périmètre autour de
la place ou sont riverains de la place elle-même à l’exception de Courbon de
Montviol que la robe tient à proximité des tribunaux, rue Saint Jean.
Au sein de ces cercles, on partage d’abord des moments de loisir et de détente.
Tous les règlements précisent quels sont les jeux autorisés, la plupart d’iceux étant
des jeux de cartes et le cercle du commerce paraissant le plus libéral487. Si ces jeux
restent des jeux « de commerce », ils s’accompagnent de mises en espèces dont on
comprend qu’elles peuvent atteindre des montants importants, notamment au sein du
cercle de Bellecour où le frais des parties fait l’objet d’une remise quotidienne des
comptes au trésorier488. Il va de soi que ces hommes et ces femmes – les femmes
dans le seul cas du cercle de Bellecour – qui s’assemblent régulièrement selon des
affinités sociales et culturelles évidentes échangent à propos de l’actualité
économique et politique. Des journaux sont prévus « pour servir à l’amusement des
associés » 489 et l’on devine qu’on les commente d’autant plus et d’autant plus
librement qu’on est entre soi. Les cercles sont donc sans doute l’un des principaux
lieux où se forge l’opinion publique des élites puisque la nature des conversations qui
s’y tiennent et des informations qui s’y échangent est sans doute répercutée vers
l’extérieur. Ainsi, ceux des édiles qui fréquentent les cercles participent-ils d’une
sociabilité vivante et politiquement signifiante. Compte tenu du fait que cinq individus
486
Maurice Agulhon évoque la spécificité du cercle de Bellecour en observant notamment que « le noble ici –
par économie peut-être ? – imitait le bourgeois, mais en gardant du moins sa propre éthique, galante à la
française » : AGULHON, Maurice, Le Cercle dans la France bourgeoise…,op.cit., p.53. 487
ADR, 4 M 827. Cercle du commerce, règlement. Le règlement précise que dans le cadre du cercle du
commerce, certains jeux ailleurs prohibés sont ici autorisés : « le brelan et le quinze ne sont pas réputés par le
cercle comme jeux de hasard ». 488
Ibid. Cercle de Bellecour, article 11 du règlement 489
Ibid. Article 9.
189
appartiennent à la fois au cercle du commerce et à celui de Bellecour, ce sont
quarante-trois personnages du corpus qui sont inscrits, en 1811, à l’un des trois
cercles soit près de la moitié de la population étudiée. Les édiles représentent à eux
seuls 11,5 % de la population des cercles en 1811 et 14,5 % de celle des deux
cercles les plus importants : celui du commerce et celui de Bellecour. Cela signifie
qu’ils sont en mesure d’exercer une influence sur l’opinion qui se forge au sein de
ces associations comme ils sont en capacité de relayer auprès de leurs collègues et
des administrés ou des autorités locales et nationales l’opinion qui s’y construit.
2.3. La philanthropie édilitaire
Au cours de la deuxième partie du XVIIIe siècle, la perception de certains
déséquilibres sociaux se conjugue avec « la force attractive des modèles des
Lumières » pour favoriser le développement de la philanthropie élitaire490. Or, l’action
philanthropique s’affirme à la fin de l’Ancien régime comme un élément de la
notabilité et conserve cette caractéristique sous la Révolution et l’Empire. Elle
témoigne aux yeux de tous de l’aisance matérielle de son auteur en même temps
que de l’excellence de ses principes. Elle leur donne une visibilité et leur confère une
utilité sociale qui participent au prestige et à l’influence de l’individu. Les associations
ou institutions de bienfaisance ou philanthropiques ont par conséquent des rapports
étroits avec les cercles ou les sociétés spécialisées sur le plan du recrutement et
participent elles aussi à la sociabilité des élites.
S’agissant particulièrement des édiles, l’on s’attend à ce qu’en effet nombre
d’entre eux s’adonnent aux principales activités mettant en œuvre la bienfaisance –
« première vertu de l’homme social »491 – au sein de la ville. Les individus du corpus
paraissent relativement peu impliqués au sein des bureaux de bienfaisance à Lyon
puisqu’on n’en repère avec certitude que sept parmi les soixante-douze membres
des six comités auxiliaires et treize au total (soit 14,4 % du groupe-objet d’étude) si
nous incluons ceux des personnages qui participent au conseil d’administration du
490
Sur le lien entre bienfaisance, philanthropie et modèle culturel hérité des Lumières : DUPRAT, Catherine,
Pour l’amour de l’humanité. Le temps des Philanthropes. La philanthropie parisienne des Lumières à la
monarchie de Juillet, Paris, Éditions du C.H.T.S., t.1, p.3-57. 491
Ibid., p.3.
190
bureau général du fait de leur position d’administrateurs des hôpitaux. On peut faire
l’hypothèse qu’ils sont en réalité plus nombreux à s’y investir mais l’on ne dispose
pas de toutes les listes. Par contre, on connaît bien l’administration des hospices
parce qu’il s’agit d’une structure plus durable et plus importante et parce que les
individus revendiquent plus volontiers l’exercice d’une charge assez prestigieuse.
Trente et un des personnages étudiés se sont impliqués au service de
l’administration des hospices de Lyon durant la période492. Or, ils perpétuent en cela
une tradition d’Ancien régime qui faisait de la participation à l’administration des
hôpitaux une étape du cursus honorum lyonnais. Les administrateurs des hospices
sont des candidats naturels aux fonctions édilitaires493. Durant l’année 1810, les trois
nommés aux fonctions d’adjoint sont deux administrateurs de l’Antiquaille (Bona de
Pérex et Cazenove) et un membre du conseil des hospices (Mémo)494. À l’occasion
de l’installation de Mémo aux fonctions d’adjoint, Sain-Rousset se félicite du
maintien, voire de la restauration de cette tradition :
Nous voyons donc renaître l’antique usage qui, dans les soins donnés au patrimoine consacré
par la bienfaisance à l’indigence et au malheur formait la candidature destinée à remplir les
emplois publics. Ainsi, et comme cela s’était pratiqué, les services à rendre seront appelés par
les services rendus et en deviendront la récompense. Félicitons-nous, Messieurs, du retour à
ces principes consacrés par la sagesse de nos aïeux et que l’expérience locale avait rendus
chers495
.
La philanthropie édilitaire s’exprime également à travers l’engagement des
épouses des édiles au sein de la Société de charité maternelle.
Le décret impérial du 5 mai 1810 crée à Lyon cette société qui a initialement pour
but « de secourir les pauvres femmes en couches » de l’Empire. Le lancement de
cette association se fait semble-t-il assez difficilement et les souscriptions tardent à
parvenir aux autorités496. Le montant minimum de cinq cents francs n’est sans doute
492
Édiles engagés dans l’administration des hospices : Bodin, Bona de Pérex, Bottu de Lima, Cazenove, Chirat,
Courbon de Montviol, Fargues, Fay de Sathonay, Fournel, Frèrejean, Gérando, Godinot, Guérin, Jars, Lacroix-
Laval, La Roue, Leclerc de la Verpillière, Lecourt, Lécuyer, Leroi, Mémo, Monicault, Morand de Jouffrey,
Morel, Mottet de Gérando, Munet, Pernon, Perret, Rambaud, Riverieulx de Varax, Vouty de la Tour. 493
« Cette disposition est également honorable et pour le corps qui fournit et pour celui qui doit recevoir » estime
Sain-Rousset : AML, 1217 WP 033. Séance du 28 mai 1810. 494
Cazenove et Bona de Pérex sont nommés par décret impérial du 18 avril 1810 en remplacement de Pernon et
Dervieux. Bona de Pérex refusant, Mémo est nommé en remplacement par décret impérial du 18 juin 1810. 495
AML, 1217 WP 033. Séance du 13 juillet 1810. 496
ADR, 4 M 523, Société de charité maternelle. Dans une lettre en date du 29 juillet 1810, Montalivet se plaint
au préfet de n’avoir reçu que deux souscriptions pour l’ensemble du département. La correspondance échangée
191
pas seul en cause et il faut peut-être voir dans ce faible engouement une certaine
réticence de l’élite locale à alimenter la sociabilité officielle.
L’information est incomplète quant à ce que fut la composition de la société de
1810 à 1815. Néanmoins on s’aperçoit que les épouses des membres de la
municipalité jouent un rôle important en son sein. En 1813, le conseil d’administration
de la Société de charité maternelle du Rhône est présidé par la femme du préfet, la
comtesse de Bondy et comprend sept femmes d’édiles parmi ses douze membres.
Mesdames Évesque, Laurencin, Gérando, Monicault, Cazenove, Vouty de la Tour et
d’Albon contribuent ainsi à faire de la très impériale association une sorte de
prolongement du corps municipal d’autant qu’au rang des souscripteurs, en 1812, on
relève, outre celle des femmes déjà citées, la présence de mesdames Bontoux,
Nivière, Parent, Rambaud, Devillas-Boissière, Morand de Jouffrey, Rosier de
Magneux, Midey, Masson-Mongès, Giraud de Saint-Try, Charrier de Senneville,
Mayeuvre de Champvieux et Champanhet497. Si l’on ajoute qu’à compter de la même
année le conseil municipal décide une souscription annuelle de deux mille francs à la
société498, on mesure l’étroitesse des liens qui unissent municipalité et Société de
charité maternelle en même temps que l’on aperçoit la cohérence du projet
napoléonien d’encadrement et de dynamisation de la société lyonnaise, ou du moins
de ses élites. Le personnel politique municipal constitue un des relais essentiels du
gouvernement. De nature politique, il est au cœur de l’élite sur laquelle le régime
entend s’appuyer pour faire connaître et exécuter sa volonté. Lorsque, durant les
Cent-jours, Napoléon entreprend de restaurer la Société de charité maternelle à Lyon
par son décret du 20 avril 1815, il charge son préfet de solliciter une dizaine de
femmes susceptibles d’en composer le conseil d’administration, on note la présence
parmi les femmes faisant in fine l’objet d’un courrier du préfet de cinq épouses
d’édiles499.
au sujet des souscriptions entre le préfet et le maire de juillet 1810 à août 1811dresse le même constat d’échec :
AML, 744 WP 074, Sociétés de bienfaisance. Société de charité maternelle. 497
ADR, 4 M 523. Compte-rendu pour Sa Majesté l’Impératrice, 1813. 498
AML, 1217 WP 036. Séance du 25 août 1813. 499
ADR, 4 M 523. Courrier du préfet en date du 13 juin 1815 adressé à mesdames Monicault, Gérando,
Laurencin, Évesque et Sain-Rousset.
192
3. Les édiles participent à la politique de fusion et à ses limites
S’intéresser à la sociabilité des édiles oblige à dépasser l’approche de type
monographique, par lieu de sociabilité par exemple, pour tenter de dégager les
caractères généraux de la sociabilité du groupe-objet d’étude. Il s’agit ainsi de mettre
en œuvre la volonté de « décloisonner » l’histoire de la sociabilité affichée par
Maurice Agulhon au début de son étude sur le cercle500 dans le but de parvenir à
déterminer dans quelle mesure cette sociabilité, au moins dans ses aspects formels,
réagit à la volonté affichée par les autorités de mêler jusqu’à les faire fusionner les
différentes composantes des élites post-révolutionnaires.
3.1. La fonction d’intégration des associations
Quel que soit leur objet, les associations autour desquelles s’organise la
sociabilité formelle à Lyon sous l’Empire sont en mesure de jouer un rôle
d’intégration. En mettant en relation des individus venus d’horizons géographiques,
de milieux sociaux divers, attachés à des univers politiques différents, parfois tout à
fait opposés, les associations ont participé à la diffusion d’une culture et d’un savoir-
être communs aux élites lettrées501 et à leur intégration aux réseaux de sociabilité
locaux502.
Catherine Pellissier considère que « l’accès aux sociétés savantes les plus
prestigieuses est une consécration sociale »503. Partant, elles jouent un rôle central
dans la formation de l’élite urbaine et le régime napoléonien a cherché à
instrumenter cette fonction intégratrice au service de son ambition de fusion. Ce qui a
déjà été dit des différentes associations lyonnaises révèle qu’elles ont exercé très
diversement ce rôle. Devant le conservatisme social des associations les plus
anciennes comme l’emblématique Académie, le régime a suscité des sociétés plus
modernes dans leur objet comme dans leur composition en espérant mettre à profit
500
AGULHON, Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise…, op.cit., p.12. 501
Le compte-rendu d’une séance de l’Académie évoque des discussions « que l’atticisme et l’urbanité
préservent, autant qu’il est possible, avec une vigilance amicale, de dégénérer en disputes » : Académie de Lyon.
Compte rendu, 1809, p.7. [AML, 1 C 308975] 502
Le phénomène est finement observé à Toulouse : BARRERA, Caroline, Les Sociétés savantes…, op.cit.,
p.171-192. 503
PELLISSIER Catherine, Loisirs et sociabilités…, op.cit.,, t.1, p.95.
193
leur proximité avec les autorités locales pour favoriser leur dynamisme et accroître
leur utilité politique. En ce sens, la Société des amis du commerce et des arts est
une relative réussite puisqu’elle réunit des éléments représentatifs des diverses
composantes des élites post-révolutionnaires parmi lesquels une quinzaine d’édiles
importants. On peut faire de leur inégale modernité un élément fort de différenciation
des associations étudiées.
On distingue clairement des formes associatives que l’on peut qualifier de
traditionnelles, qui sont essentiellement héritées de l’Ancien régime même si elles
ont subi une certaine évolution du fait des bouleversements révolutionnaires et, en
particulier, de la disparition de la société d’ordres en même temps que des progrès
de l’esprit démocratique. L’Académie et la Société d’agriculture perpétuent
incontestablement la tradition de l’académisme et des sociétés savantes qui
distinguent au XVIIIe siècle les membres éminents et influents de l’élite lettrée,
principalement aristocratique, et intègrent très progressivement quelques éléments
bourgeois. Les modalités de la sociabilité qui s’y développe sont définies en fonction
de la norme en vigueur parmi la noblesse et les discours qui s’y tiennent illustrent
l’état de l’opinion dominante en son sein. Ces associations ressurgissent après la
Révolution, affaiblies mais aussi transformées. Le recrutement s’ouvre légèrement et
témoigne de l’apparition de la notabilité, catégorie au sein de laquelle on existe
notamment au moyen d’une notoriété que l’on peut qualifier de culturelle. En ce
sens, leur évolution sert l’ambition napoléonienne de fusion mais sans doute trop
modestement, lentement. Si le régime prétend rendre leur prestige à ces
associations, on voit bien qu’elles ne peuvent demeurer le principal vecteur de cette
notoriété culturelle de par l’étroitesse, qui demeure, de leur recrutement comme de
par leur manque de proximité idéologique avec les nouvelles autorités politiques
locales et nationales.
On distingue par ailleurs des associations qualifiées de modernes, soit parce que
le type de sociabilité qu’elles engendrent est nouveau, soit parce que leur
recrutement est novateur.
Les cercles appartiennent incontestablement au premier type. Le cercle constitue
une forme de sociabilité privilégiée par les édiles parce qu’elle apparaît
considérablement plus moderne. Sa modernité tient essentiellement au caractère
égalitaire et donc bourgeois de ses pratiques aussi bien qu’au fait qu’il organise le
passage au collectif d’une pratique sociale autrefois privée, celle du salon pour aller
194
vite504. Seul le cercle de Bellecour contredit nettement l’analyse et, de ce point de
vue, on peut sans doute voir en cette association une survivance de la sociabilité de
salon – on reçoit au domicile privé de l’un des membres –, profondément
aristocratique. Les trois cercles lyonnais sont largement peuplés des édiles étudiés
mais l’on a vu combien leur répartition au sein des cercles des Terreaux, du
commerce ou de Bellecour témoigne de la pérennité des divisions sociales, ou
d’ordre, traditionnelles.
Pour ce qui concerne les modifications du type de recrutement, on assiste sous
le Premier Empire à la naissance de deux associations qui ont en commun de
traduire l’évolution vers laquelle tend la sociabilité dont le régime favorise l’essor.
Jean-Pierre Chaline, lorsqu’il étudie les sociétés savantes, montre que, souvent, le
groupement organisé, l’association du XIXe siècle est en fait l’officialisation d’une
habitude de réunion informelle contractée par plusieurs personnes que lie des
sentiments d’amitié ou un centre d’intérêt commun505. C’est tout à fait ce qui se
passe lorsque des professeurs de lycée, des juristes, des écrivains lyonnais créent,
en 1807, le Cercle littéraire (ou Société de lecture) qui organise un réseau de
correspondants et de membres honoraires autour de quarante-cinq membres
titulaires, jeunes et actifs pour la plupart d’entre eux506. S’y illustrent en particulier
Bréghot du Lut et Dugas-Montbel507 mais aucun des personnages du corpus. Il
semble que les édiles appartiennent non seulement à d’autres générations mais
aussi à des milieux moins spécifiquement intellectuels ou, plutôt, savants. « Sorte
d’Académie des Inscriptions »508, le Cercle littéraire mène son activité sans jamais
s’impliquer d’aucune manière semble-t-il dans le débat politique. Aussi peu engagée
apparaît l’association qui tend à fédérer progressivement plusieurs sociétés qui se
développent au Sud de la place Bellecour. En 1812, se crée ainsi le Cercle du Midi509
504
AGULHON, Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise…, op.cit., p.51-52 505
CHALINE, Jean-Pierre, Sociabilité et érudition. Les sociétés savantes en France, XIX-XXe
siècles, Paris,
Éditions du CTHS, 1995, p.70-71. 506
BML, Fonds Coste, 114 390, Cercle littéraire de Lyon. 507
Les deux sont des proches de l’imprimeur Ballanche. Claude Bréghot du Lut (1784-1849) est un magistrat
lettré assez emblématique de l’activité intellectuelle du début du dix-neuvième siècle à Lyon. Présidant
l’Académie de Lyon en 1825, il est l’auteur avec Antoine Péricaud du premier essai de biographie lyonnaise, le
Catalogue des Lyonnais dignes de mémoire. Jean-Baptiste Marie Dugas-Montbel (1776-1834) est un helléniste
réputé qui abandonne le commerce sous l’Empire pour se consacrer aux humanités, ce qui lui vaut d’intégrer
l’Académie. 508
TRÉNARD, Louis, Histoire sociale des idées…, op. cit., t.2, p.546. 509
Ibid., p.115.
195
que fréquente notamment Parmentier510 mais, à nouveau, aucun des individus que
l’on suit.
Les édiles sont donc présents dans les principales associations autour
desquelles s’élabore la sociabilité lyonnaise au sortir de la Révolution et y jouent
sans doute un rôle éminent. C’est d’autant plus remarquable qu’incontestablement
les cercles du commerce, des Terreaux et de Bellecour sont des lieux où se forge en
partie l’opinion publique. Par contre, ils restent étrangers au mouvement de création
de nouvelles sociétés du même type qui marque l’Empire. Ils sont donc plutôt actifs
au sein d’un type de sociabilité qui, finalement, prolonge plutôt les formes anciennes
et traduit une organisation sociale héritée de l’Ancien régime. C’est ce type de
sociabilité et d’organisation sociale que le régime napoléonien entend prendre en
compte et utiliser pour mener à bien son projet de fusion. Par contre, des
associations totalement inoffensives politiquement parce que fondées sur des
objectifs savants attirent de jeunes générations qui grandissent avec l’Empire mais
restent partiellement ignorées des élites politiques locales. Elles apparaissent
comme le vivier de futures élites, destinées à s’amalgamer au cours du siècle
naissant, celles que le régime impérial aurait sans doute mobilisées s’il avait
bénéficié d’une plus importante longévité.
Intermédiaire entre ces deux modalités, traditionnelle et moderne, de la
sociabilité formelle lyonnaise sous l’Empire apparaît en fin de compte la Société des
amis du commerce et des arts. En effet, elle est proche des sociétés savantes ou
académiques qui existaient sous l’Ancien régime par la nature de son objet autant
que par son organisation mais son recrutement l’en distingue en mêlant davantage
les représentants des différents groupes sociaux et ses liens consubstantiels avec
les autorités, en particulier la municipalité en font un instrument au service du régime.
Ainsi les édiles y trouvent-ils plus naturellement une place et sont-ils invités à y jouer
un rôle plus politique.
510
Antoine-Augustin Parmentier (1737-1813) est un ancien inspecteur général du Service de santé des armées.
196
3.2. La franc-maçonnerie : un rendez-vous manqué ?
La franc-maçonnerie connaît sous le Consulat et l’Empire une période faste, due
essentiellement aux encouragements intéressés que lui prodigue le régime. Comme
l’explique très clairement Thierry Lentz, il s’agissait de faire de la franc-maçonnerie
un « corps intermédiaire désormais consacré au soutien au régime » :
Bonaparte avait très vite compris le profit à tirer d’une renaissance maîtrisée de l’activité des
loges, malmenées puis interdites pendant les premières années de la Révolution, avant de
réapparaître officieusement sous le Directoire. Mais comme il ne donnait jamais rien pour rien,
la protection accordée avait été un donnant donnant : la reprise des activités devait
s’accompagner d’une réorganisation et d’une tutelle. Se réunir, refaire le monde ou participer
à des agapes conviviales ne devait pas s’apparenter à la licence, au droit de critiquer ou de
remettre en cause la réconciliation nationale. Parce qu’ils réunissaient et permettaient le
dialogue entre des catégories sociales et politiques disparates, les ateliers devaient être au
contraire un lieu de fusion511
.
Le nombre des loges, en France, est multiplié par dix environ dans les dix
premières années du XIXe siècle et par près de treize jusqu’en 1814, année durant
laquelle on dénombre près de 900 loges. Sur les 667 loges recensées en 1810, 626
se trouvent en dehors de Paris512. Tous les auteurs se rejoignent pour voir en la
franc-maçonnerie sous l’Empire l’esquisse d’une « religion loyaliste » correspondant
au besoin qu’avait le régime « d’une religion qui lui soit propre, qui réunisse les
nouvelles élites dans un culte commun » : c’est la franc-maçonnerie qui doit « jouer
ce rôle fédérateur »513.
À Lyon, on recommence à « maçonner » après Brumaire alors que plus aucune
loge n’est en activité à la fin du Directoire514. La ville semble bouder la renaissance
de la franc-maçonnerie qui s’esquisse dans les dernières années de la République
et, en vérité, il faut attendre le 25 frimaire an X (16 décembre 1802) pour que la loge
La Parfaite Harmonie, fondée par le Grand Orient vingt ans plus tôt sollicite des
511
LENTZ, Thierry, Nouvelle Histoire du Premier Empire, T. III : op.cit., p.236. 512
Ibid., p.239 et MOLLIER, P., La Franc-Maçonnerie sous l’Empire : un âge d’or ?, Dervy, « Renaissance
traditionnelle », 2007, p.9. 513
THERMEAU, À l’aube de la Révolution industrielle…, op. cit., p.51. 514
CHOMARAT, « La résurrection de la franc-maçonnerie » dans ZINS, Ronald (dir.), Lyon et Napoléon, op.
cit., p.74-75. Louis Trénard note que « la réouverture des temples fut lente » : TRÉNARD, Louis, Histoire
sociale des idées.., op. cit., t.2, p.546.
197
autorités l’autorisation de recommencer ses travaux. Les frères se réunissent d’abord
à La Croix-Rousse, maison Burel, puis aux Brotteaux lorsqu’un temple y est construit
en 1805515. Dans les deux années qui suivent, trois autres loges reprennent vie à
Lyon, autorisées voire encouragées qu’elles sont par le régime. Le Parfait silence
rouvre le 11 février 1803 sous l’autorité du discret négociant Philippe Blanc, avec
seulement neuf membres 516 . Quelques semaines plus tard, c’est la loge de La
Sincère amitié qui reçoit une quinzaine de membres au 38 de la rue des
Fantasques517 et, en 1804, douze frères inscrits permettent de reconstituer la loge de
La Candeur, au 118 de la rue des Pierres plantées518.
À ces quatre loges restaurées de l’Ancien régime – Le Parfait silence est fondé
en 1762, La Candeur en 1783 – s’ajoutent assez rapidement trois autres créations
de la période impériale. La première est fondée, le 15 décembre 1805, à l’initiative du
Grand Orient. Significativement, les autorités maçonniques demandent à l’une des
principales loges lyonnaises d’installer cette réunion de frères au nom
particulièrement significatif : ainsi les membres du Parfait Silence créent-ils Saint-
Napoléon de la Bonne-Amitié. Sise montée Saint-Bathélemy, à la maison Pilata, la
loge Saint-Napoléon de la Bonne-Amitié est souvent appelée Saint-Pilata ou Pilata.
Le 6 avril 1806, la loge Isis est installée chemin de Montauban519 et le 24 septembre
suivant, celle de La Bienfaisance est créée, montée du chemin neuf.
Ces réunions d’individus ne représentent plus comme avant la Révolution des
groupes d’amis résidant dans le même quartier, partageant la même activité mais
sont plutôt des assemblées assez nombreuses de personnes aux origines sociales
diversifiées et à l’implantation géographique parfois lointaine. Ainsi remarque-t-on
très vite que de nombreux frères de La Sincère Amitié sont recrutés en dehors de
l’aire urbaine lyonnaise520 alors même que la liste de leurs professions fait apparaître
une variété impressionnante : quelques médecins y côtoient des limonadiers, des
épiciers, un dessinateur, un chapelier, des agents de change et des hommes de loi
sans oublier bien sûr fabricants et négociants 521 . Autre évolution, les débats
515
BML, Fonds Coste, Rés. 479 940. 516
BML, Fonds Coste. Rés. 479 943. 517
ADR, 4 M 827 ; BML, Fonds Coste, Rés. 479 949. L’adresse est celle du pavillon Gaillard, dit de Marly. 518
Ibid. 519
BML, Fonds Coste, 350 391. Elle s’installe aux Brotteaux, maison Antonio, en 1812. 520
BML, Fonds Coste, 350 398. 521
ADR, 4 M 827.
198
philosophiques semblent céder le pas aux manifestations d’une plus triviale
sociabilité et les réceptions permettent surtout d’unir aux plaisirs de la conversation
ceux de la table522.
Ignorante des courants intellectuels novateurs – on pense au fouriérisme –, la
franc-maçonnerie lyonnaise n’est donc pas un laboratoire d’idées susceptible de
discuter et moins encore de menacer les fondements du régime impérial. Sa
renaissance ayant été largement accompagnée par les autorités, elle se situe dans
l’obédience du régime d’autant que sa sociologie la rend soucieuse de maintien de
l’ordre et de garantie de la propriété.
La maçonnerie lyonnaise est acquise à l’Empire, elle voit en effet dans Napoléon le garant des
acquis de 1789 sur le plan juridique et économique. L’Empereur apparaît également comme
un rempart solide contre le retour des Bourbons et de l’Ancien régime mais aussi contre les
terribles excès de 1793 et la pression des classes populaires523
.
La composition des loges se caractérise en effet à la fois par sa relative diversité
sociale et par la représentation des catégories les plus directement intéressées au
maintien des équilibres nouveaux. À Lyon, la franc-maçonnerie s’embourgeoise sous
le Premier Empire en ce sens qu’elle perd une partie de son caractère nobiliaire.
Deux loges apparaissent largement dominées par les négociants : La Bienfaisance
et Isis comptant respectivement trente-deux et cinquante-neuf négociants pour
cinquante-quatre et soixante-dix-neuf membres selon l’enquête de 1811524. Toutes
les autres ont une composition beaucoup plus hétérogène et l’on ne trouve pas, à
Lyon, trace d’une ségrégation sociale que les loges organiseraient. L’une d’entre
elles, La Sincère Amitié, offre comme on l’a vu un profil assez populaire alors que la
loge Pilata associe, en 1811, neuf négociants, cinq magistrats, onze hommes de loi,
deux notaires, un médecin, quatre propriétaires, un orfèvre, un général de division,
un secrétaire en chef de mairie, un vérificateur des droits d’enregistrement, un
imprimeur… et illustre parfaitement l’ambition sociale du régime napoléonien525.
Les effectifs des loges lyonnaises sont assez vite devenus nombreux. La Parfaite
Harmonie compte cent cinquante et un membres en 1809526, Le Parfait Silence en
522
TRÉNARD, Louis, « Culture et sociabilité … », op. cit., p.115. 523
CHOMARAT, « La résurrection… », op.cit., p.78. 524
ADR, 4 M 827. Soit 59,25 % et 74,68 % des membres. 525
Ibid. 526
BML, Fonds Coste, Rés. 479 940.
199
compte cent neuf en 1809 et cent cinq en 1811527. La Candeur compte cent sept
membres en 1808528, Saint-Napoléon de la Bonne-Amitié en compte soixante-dix-
huit en 1808, Isis cent vingt-cinq en 1812, et La Bienfaisance cinquante-quatre en
1811529.
Quoiqu’il en soit, l’Empire semble avoir, à Lyon comme ailleurs, réussi dans sa
volonté de faire de la franc-maçonnerie un corps intermédiaire soumis et
emblématique de son ambition de fusion tant des couches sociales que des
catégories d’opinion530 même si l’on a noté l’évincement de nombreux nobles.
Or, si l’on s’intéresse à la manière dont les édiles ont été ou se sont mobilisés
dans le cadre de la maçonnerie, on ne peut manquer de remarquer la faiblesse de
leur engagement. Une nouvelle fois, il semble pertinent de distinguer les différentes
associations étudiées selon leur ancienneté.
Trois des quatre plus anciennes loges lyonnaises – Le Parfait Silence, La Sincère
Amitié, La Candeur – ne comptent parmi leurs membres connus sur la période aucun
des quatre-vingt-dix personnages du groupe-objet et la loge de La Parfaite Harmonie
n’en compte qu’un : Fay de Sathonay est membre honoraire. Ainsi la maçonnerie
éclairée qui s’est développée dans les dernières années de l’Ancien régime
notamment en initiant des aristocrates et des bourgeois également séduits par les
idées nouvelles échappe en grande partie au régime. D’abord en ne s’articulant plus
autour du débat d’idées et en ne se reconstituant vraisemblablement pas sur ce
critère « philosophique » et sans doute en modifiant sensiblement son recrutement ;
ensuite en n’accueillant que très marginalement les notables du nouveau régime.
C’est sans doute la raison principale pour laquelle de nouvelles loges se créent sous
l’Empire. D’ailleurs, on trouve en leur sein neuf de nos édiles.
527
BML, Fonds Coste, 350 399, 350400, Rés. 479 943. 528
BML, Fonds Coste, 350 402, Rés 479 953. 529
BML, Fonds Coste, 350 386-396 Il faut néanmoins être prudent en manipulant ces chiffres. Si l’on ne se
référait qu’à ce qu’il reste de l’enquête de 1811, on pourrait conclure à un important mouvement de désaffection
après la période initiale pour deux loges puisque selon cette source, en 1811, La Candeur ne compte plus que
douze membres et Saint-Napoléon trente-sept ce qui représente des pertes de près de 89 % et de plus de 50 %
par rapport à l’année 1808. 530
COLLAVERI, François, Napoléon, empereur franc-maçon, Tallandier, 1986, 216 p.
200
Tableau n°23
Les édiles membres des loges maçonniques créées sous l’Empire
Saint-Napoléon de la Bonne-Amitié
Isis La Bienfaisance
Charrasson
Courbon de Montviol
Midey
Bontoux
Fay de Sathonay
Leroi
Nivière
Laurencin
Leboeuf
Il faut remarquer que ces loges sont globalement accueillantes aux notables et
pas seulement aux édiles, qui, somme toute, s’y trouvent faiblement nombreux. Ainsi,
l’emblématique loge Pilata accueille-t-elle le médecin Gilibert, le juge en la Cour
criminelle Midey ou a-t-elle pour vénérable le magistrat Vitet, autant de notables
départementaux. On y trouve également le secrétaire Claude Hodieu qui, sans être
un édile, est proche du personnel politique municipal. En outre, on peut repérer
certains proches de nos personnages : Pierre Sériziat, le fils de notre épicier, est actif
au sein d’Isis.
En observant ces loges, le constat que dresse Pascal Chambon à propos de la
Loire voisine devient valide :
La Maçonnerie n’est que le cercle réservé à une élite ; elle est devenue le club de ces
notables chéris par le régime napoléonien et, si les nobles y sont désormais rares, elle réunit
la bourgeoisie du négoce et les cadres de l’administration c’est-à-dire deux des têtes
commandant et encadrant le corps social531
.
Comme on a pu le voir à propos de la sociabilité de type académique ou des
cercles, même si c’est moins net, le régime napoléonien peine, à Lyon, à récupérer
les anciens réseaux de sociabilité qui, lorsqu’ils survivent à la Révolution, restent un
peu hermétiques aux individus nouveaux qui symbolisent l’Empire. Ainsi, la solution
mise en œuvre consiste-t-elle à promouvoir de nouvelles associations – là la Société
des Amis du commerce et des arts, ici la loge Saint-Napoléon – qui s’inspirent de la
531
CHAMBON, Pascal, La Loire et l’aigle,… op.cit., p.100. Louis Trénard remarque quant à lui : « Au lieu des
grands noms de l’intelligenzia, ce sont les dirigeants politiques de l’Empire qui paraissent sur les listes
maçonniques » : TRÉNARD, Louis, Histoire sociale des idées..., op. cit., t.2, p.548.
201
sociabilité élitaire traditionnelle tout en la faisant évoluer et se proposent de structurer
la société nouvelle en organisant la fusion des catégories sociales au service du
gouvernement.
3.3. Les institutions municipales au centre de solidarités politiques
Au centre de « l’ensemble des réseaux de communication sociale structurant
(cette) société bien délimitée »532 qu’est la municipalité se trouvent les institutions
municipales et, en premier lieu, le conseil municipal. Il va sans dire que les
institutions politiques et administratives que le régime met progressivement en place
et dote d’un personnel nommé à compter de l’an VIII sont le premier instrument par
lequel il peut mettre en œuvre son ambition de fusion des élites. Aussi convient-il de
s’intéresser de ce point de vue à la population formée par les quatre-vingt-dix édiles
nommés à Lyon sur la décennie.
L’appartenance aux institutions municipales participe, au même titre et même
davantage que les responsabilités au sein de l’administration des hospices par
exemple, du processus d’accession à la notabilité officielle. Elle témoigne de
l’acceptation du régime et des règles sociales qui l’accompagnent. C’est tout une
conception de la société, fondée sur une hiérarchie directement liée à la propriété, et
du rapport au pouvoir, fait de soumission et de prise en compte de corps
intermédiaires domestiqués, que traduit l’acceptation d’un mandat municipal. La
participation à la municipalité met alors en contact des individus qui ont, du fait de
leurs fonctions, en partage non seulement des tâches et un intérêt au moins déclaré
à la chose publique mais aussi une adhésion semblable à l’ordre social et politique
napoléonien. En échange de la caution qu’ils apportent au régime, ils espèrent voir
reconnues par cette nomination à la fois leur compétence et leur notabilité et aider au
déroulement de leur carrière au sein des élites locales voire nationales. En mêlant
des notables établis (Devillas-Boissière, Giraud de Saint-Try, Rambaud, Regny
père…) à des individus dont l’intégration – au moins son affirmation, sa
reconnaissance – au corps des élites est plus récente (Cochard, Parent, Sériziat…)
ou moins assurée (Aynard, Bernat, Falsan…), le régime fait de la municipalité un
532
FRANCOIS, E., REICHARDT, R., « Les formes de sociabilité en France du milieu du XVIIIe au milieu du
XIXe siècle », R.H.M.C., juillet-septembre 1987, p.470.
202
creuset constitutif de la nouvelle élite qui est vouée à acquérir et dispenser sa propre
légitimité. Ce creuset est d’autant plus efficace qu’il est profondément connecté aux
divers réseaux de sociabilité élitaire qui traversent la ville et structurent l’espace
social et qu’il génère par ses dynamiques propres une sociabilité dont la signification
politique est profonde.
On peut alors se demander dans quelle mesure la municipalité fonctionne
comme un système de promotion. Promotion au sens où l’intégrer reviendrait à
franchir une étape dans l’ascension sociale. Les fonctions de maire et à un degré
moindre d’adjoints sont indubitablement recherchées comme l’attestent les menées
des différents candidats à la succession de Fay de Sathonay sur lesquelles la
correspondance du préfet Bondy533 est éclairante. On connaît en effet six candidats
déclarés à la succession du maire défunt dont le préfet du département a relayé la
candidature auprès du chef de l’État au premier trimestre de l’année 1813. Sain-
Rousset, Boulard de Gatellier, Charrier de Senneville, Laurencin, Giraud de Saint-Try
ont été écartés au profit de d’Albon, mais ils n’ont pas dédaigné devenir ou redevenir
adjoints, Charrier de Senneville confortant vraisemblablement sa position au sein de
l’équipe exécutive534. On aura noté que des six candidats aux fonctions de maire,
d’Albon était le seul à ne pas avoir fait partie déjà de la municipalité. Cela peut laisser
à penser que si la nomination au sein de la municipalité sanctionne éventuellement
un processus d’ascension sociale, c’est plutôt, dans le cas de Fay puis de d’Albon, la
marque d’un signe d’intégration par la société nouvelle d’éléments jusque là
extérieurs et d’acceptation par les dits éléments de la société nouvelle. En aucun cas
la nomination du maire n’a indiqué que le principe de la méritocratie s’appliquait au
sein des institutions municipales. De fait, la promotion interne n’existe pas. Les
meilleurs d’entre les édiles ne gravissent pas les échelons que constitueraient les
divers postes à responsabilité de la mairie. Sur l’ensemble de la population étudiée,
seuls trois conseillers municipaux occupent la fonction d’adjoint après avoir exercé le
simple rôle de conseiller. Au sein de la municipalité Fay de Sathonay, Champanhet
et Dervieux sont nommés adjoints lors du renouvellement général de 1808.
Riverieulx de Varax quant à lui devient adjoint de d’Albon lors de la nomination de la
nouvelle municipalité en 1813. Par ailleurs, aucun des quatre maires nommés sur la
533
ADR, 8 J 2. 534
Ibid. Lettre de Bondy à D’Albon du 25 mars 1813.
203
période n’a été membre d’aucune municipalité avant d’être désigné par l’empereur
ou le roi. Ainsi trois individus sur quatre-vingt-dix ont, en dix ans, été promus au sein
de la municipalité ce qui représente une part très infime (3,3 %) du total.
Néanmoins douze des personnages étudiés ont été à la fois membres du conseil
général du département du Rhône et de la municipalité de Lyon535. En se penchant
sur la carrière de chacun d’entre eux on observe que l’appartenance au conseil
général est un critère de notabilité plus prestigieux que la fonction de conseiller
municipal ou même d’adjoint. Boulard de Gatellier, Desprez et Mayeuvre de
Champvieux entrent au conseil général après avoir exercé avec un certain
dévouement la fonction de conseiller municipal. On peut considérer que leur
nomination, intervenant cinq à six ans après l’entrée au sein de la mairie unique,
récompense dans une certaine mesure le service rendu et démontre au reste du
personnel politique municipal la possibilité d’une promotion. Si les carrières de
Pernon et de Morand de Jouffrey mêlent plus étroitement ces fonctions que celles de
Rambaud, de Regny père ou encore de Vouty de la Tour, pour ces cinq personnages
il est clair que l’entrée au sein de la municipalité, plus tardive que leur nomination au
conseil général, est celle de notables reconnus qui augmentent par leur prestige et
leur influence déjà acquis ceux de l’administration municipale. Lorsque Alexis-
Antoine Regny accepte la fonction de conseiller municipal durant les Cent-jours, on
comprend qu’il s’agit pour ce notable établi d’aider le nouveau maire, Jars, à légitimer
son action et, partant, de cautionner le régime impérial restauré536. Cette sorte de
« hiérarchie » entre les deux mandats est trahie par le choix que fait le royaliste Bona
de Pérex de n’accepter la fonction de conseiller municipal qu’à l’occasion de la
Première Restauration alors qu’il a refusé dédaigneusement celle d’adjoint en 1810
et alors même qu’il a consenti à entrer au sein du conseil général sous l’ère
napoléonienne, en 1813537. Significativement, les deux maires de Lyon nommés par
Napoléon avant les turbulences de 1814-1815 offrent un profil semblable.
Personnalités bénéficiant d’une réelle notoriété locale, ni Fay de Sathonay ni d’Albon
n’ont donc exercé de responsabilités municipales avant d’être choisis par Napoléon
mais tous deux ont cependant en commun d’avoir été nommés un an auparavant au
535
ADR, 2 M 13. 536
ADR, 2 M 63. Municipalité Jars. Les nombreux refus de nomination et les nombreuses démissions
nourrissent en mai 1815 d’importants et significatifs échanges entre le préfet du Rhône et le nouveau maire de
Lyon. 537
ADR, 2 M 13.
204
poste de conseiller général ce qui leur confère une certaine légitimité à prétendre
disposer de la haute main sur des affaires administratives complexes et les qualifie
au service du régime.
Trois des édiles nommés par Napoléon exercent concurremment un mandat
national. Si Pernon entre au Tribunat sous le Consulat, il faut attendre 1810 pour voir
Chirat et Rosier de Magneux intégrer le Corps législatif et, d’ailleurs, quitter dans les
mois suivants la municipalité.
L’examen des parcours, des carrières qui s’esquissent au sein de ce groupe
restreint d’individus, montre très clairement que Napoléon cherche, notamment par le
biais de la municipalité, à établir durablement une élite politique locale qui soit
légitimée par le service rendu que ce soit sous l’Ancien régime, la Révolution ou
l’Empire. En ce sens, il apparaît que ce système de distinction de l’élite a intégré les
mutations qui ont affecté les classes dirigeantes à la suite des transformations
économiques, sociales et politiques majeures des dernières années. Il s’agit alors de
réconcilier les passés et le présent et de garantir ainsi l’avenir de l’organisation
administrative et sociale napoléonienne. À ce titre, la politique de recrutement du
personnel politique municipal est bien un élément constitutif du système impérial.
Tableau n°24
Les édiles membres du conseil général538
Maire Adjoint Conseiller municipal
Albon
Fay
Charrier de Senneville
Pernon
Bona de Pérex
Boulard de Gatellier
Desprez
Mayeuvre de Champvieux
Morand de Jouffrey
Rambaud
Régny (Alexis-Antoine)
Vouty de la Tour
538
On excepte ici Passerat de la Chapelle-Catalan qui est membre du Conseil général de l’Ain. Bona de Pérex est
nommé par Louis XVIII au conseil municipal.
205
Section 3. Les édiles face aux évolutions du régime impérial
Jusqu’à présent, la démarche a porté sur une population considérée globalement
c'est-à-dire sans prendre en compte, ou alors comme en passant, des éléments forts
de pondération tels que la durée effective du mandat, la date et les conditions de
nomination des édiles. D’autre part, n’a pas été posée la question de l’évolution du
recrutement sur la durée étudiée. Or, même à l’échelle d’une décennie, on peut
repérer des inflexions en cette matière, surtout lorsque l’on envisage les dernières
années, particulièrement troublées, mais pas seulement. Enfin, se pose la question
de l’attitude des édiles face à l’Empire. La réception du régime napoléonien par les
élites politiques et sociales lyonnaises évolue selon les catégories d’individus mais
aussi au fil du temps, au fur et à mesure que la légitimité matérielle de Napoléon et
l’attractivité du système se renforcent ou s’effritent. L’opinion politique des individus
est ardue à repérer. La fermeté du régime impérial comme la relative incertitude
quant à l’avenir des solutions politiques qui s’esquissent de 1805 à 1815
encouragent à la discrétion et en effet les édiles se montrent en général assez
prudents dans l’affirmation de leurs engagements. En outre, les troubles des années
1814-1815 favorisent les enthousiasmes hâtifs comme ils ont précipité les
reniements ce qui incite à se saisir précautionneusement des indices disponibles.
1. 1805 – 1814 : la fusion à l’œuvre, au service du régime impérial
Il semble intéressant de considérer la période qui court de la création de la mairie
unique jusqu’à la première abdication de Napoléon. En effet, le régime impérial
exerce alors sans partage son autorité en France et les institutions tant nationales
que locales fonctionnent normalement. De la mise en place de la mairie unique
jusqu’à l’annonce de la première abdication de l’empereur, la municipalité lyonnaise,
les hommes qui la composent, les pouvoirs et le prestige dont elle est dotée sont le
produit de la seule volonté napoléonienne en matière d’organisation administrative,
politique et sociale du pays.
206
Tableau n°25
Édiles nommés de thermidor an XIII à avril 1814
NOM Fonction (année de nomination)
NOM Fonction (année de nomination)
ALBON Maire (1813)
DEVILLAS-BOISSIÈRE
Conseiller (1805)
FAY DE SATHONAY
Maire (1805)
DUJAST D’AMBÉRIEUX
Conseiller (1805)
BERNARD-CHARPIEUX
Adjoint (1805)
FALSAN Conseiller (1811)
CAZENOVE Adjoint (1810)
FRÈREJEAN Conseiller (1808)
CHAMPANHET Adjoint (1808)
GÉRANDO Conseiller (1808)
CHARRIER DE SENNEVILLE
Adjoint (1805)
GERMAIN Conseiller (1808)
DERVIEUX Adjoint (1808)
GIRAUD DE SAINT-TRY
Conseiller (1811)
LAURENCIN Adjoint (1811)
GRAILHE DE MONTAIMA
Conseiller (1805)
MÉMO Adjoint (1810) GUERRE Conseiller (1811)
PARENT Adjoint (1805) HERVIER Conseiller (1805)
PERNON Adjoint (1805) LA ROUE Conseiller (1805)
REGNY fils Adjoint (1805) LECLERC DE LA VERPILLIÈRE
Conseiller (1805)
RIVERIEULX DE VARAX
Adjoint (1813)
LOYER Conseiller (1805)
SAIN-ROUSSET Adjoint (1805) MASSON-MONGÈS Conseiller (1811)
ARLÈS Conseiller (1805) MAYEUVRE DE CHAMPVIEUX
Conseiller (1805)
ARTHAUD DE LA FERRIÈRE
Conseiller (1805) MORAND DE JOUFFREY
Conseiller (1808)
ASSIER DE LA CHASSAGNE
Conseiller (1805) MOREL-RAMBION Conseiller (1805)
AYNARD Conseiller (1805) PÉCLET Conseiller (1814)
BERNAT Conseiller (1811) PETIT Conseiller (1805)
BODIN Conseiller (1811) RAMBAUD Conseiller (1811)
BOULARD DE GATELLIER
Conseiller (1805) RAVIER Conseiller (1805)
CHAMPANHET Conseiller (1805) RIVERIEULX DE VARAX
Conseiller (1805)
CHARRASSON Conseiller (1805) RIVOIRE Conseiller (1805)
CHATILLON DE CHAPONAY
Conseiller (1808) ROSIER DE MAGNEUX
Conseiller (1805)
CHIRAT Conseiller (1805) RUOLZ Conseiller (1811)
DERVIEUX Conseiller (1805) SÉRIZIAT Conseiller (1808)
DESPREZ Conseiller (1805) VOUTY DE LA TOUR
Conseiller (1811)
207
1.1. La politique napoléonienne de recrutement assure la fusion et
transcende les clivages
Napoléon a nommé cinquante et une personnes au sein de la municipalité de
Lyon entre thermidor an XIII (août 1805) et avril 1814. Si l’on considère que trois
individus ont occupé successivement deux fonctions 539 , on peut dénombrer
cinquante-quatre nominations : deux aux fonctions de maire, douze à celles d’adjoint
et quarante à celles de conseiller (tableau n°25).
Ce nombre apparaît relativement peu élevé si l’on considère qu’il s’est agi de
composer un corps municipal de trente-sept membres au total sur une durée de huit
ans et huit mois, période au cours de laquelle deux mouvements généraux de
renouvellement, en 1808 et 1813, sont effectués. Le personnel politique municipal
lyonnais exerçant ses fonctions dans le cadre du fonctionnement normal de l’Empire
se signale donc par une réelle stabilité.
1.1.1. Le ciment de caractéristiques communes
Le personnel politique municipal local présente quelques caractéristiques
principales qui contribuent à cimenter ce « corps social » lyonnais en gestation.
L’existence de ces caractéristiques fédératives est d’autant plus indispensable que le
groupe des édiles est hétérogène puisque destiné à opérer la fusion des élites.
La proportion des anciens aristocrates, légèrement croissante depuis 1805, est
de 47,05 %. Si l’on s’intéresse à la condition sociale des individus, on obtient le
tableau suivant :
Tableau n°26
Les édiles selon la catégorie socio-professionnelle (1805-1814)
Catégorie socio-professionnelle Nombre d’individus Pourcentage du total
Négociants/Banquiers/Entrepreneurs 20 39,22 %
Propriétaires 18 35,29 %
Hommes de loi 8 15,69 %
Talents 5 9,8 %
Fonctionnaires civils 0 0 %
539
Champanhet, Dervieux, Riverieulx de Varax.
208
L’âge moyen de nomination des individus est de cinquante et un ans et neuf
mois. Ce sont les conseillers qui forment l’ensemble le plus âgé (52 ans et demi).
Assignés à une fonction délibérative, leur âge est compris comme le garant d’une
certaine sagesse et n’est pas incompatible avec un rythme et une charge de travail
qui sont modestes et, surtout, variables selon les individus dont le degré d’implication
peut différer sensiblement comme on l’a vu. Plus actifs, les maires (42 ans et demi) –
ils sont dans l’esprit de l’empereur appelés à durer – et les adjoints (45 ans et huit
mois) sont choisis parmi des hommes plus jeunes. La moyenne est représentative de
l’ensemble puisque l’on trouve à la fois peu d’hommes réellement âgés (cinq
seulement soit moins de 10 % du total ont plus de soixante ans au moment de leur
nomination) et peu d’hommes jeunes (moins de 10 % des édiles n’ont pas quarante
ans). Les quatre cinquièmes des individus ont donc entre quarante et soixante ans.
Ainsi les édiles appartiennent-ils globalement à une même classe d’âge ce qui
signifie qu’ils ont en commun un vécu et des préoccupations. Jeunes hommes, ils ont
fait l’expérience du plus intense bouleversement politique, social et culturel qui fût : la
Révolution. Chacun d’entre eux a dû prendre position à propos des idées et des
mesures qui agitèrent les dernières années de la monarchie et la naissance de la
République. Chacun d’entre eux a dû faire le choix d’agir ou non au moment du
siège : quinze individus sur cinquante et un (29,41 %) ont participé aux combats.
Aynard, Fay de Sathonay, d’Albon sont tout juste trentenaires quand ils s’engagent
du côté des insurgés et le premier fait même l’expérience de la prison. Marc-Antoine
Petit est un très jeune chirurgien de vingt-sept ans qui soigne les combattants
lyonnais sous les bombardements qui visent continûment les bords du Rhône.
Chacun d’entre eux a eu à se poser la question de l’opportunité d’émigrer, d’acheter
ou non des biens nationaux. On sait que Napoléon attachait un grand prix à ce que
figurassent parmi les notables de son régime une part importante d’acquéreurs de
biens nationaux540 : ils sont constamment un quart du total. A contrario, les individus
ayant émigré au cours de la décennie révolutionnaire forment un peu moins d’un
cinquième de l’ensemble (19,60 %). Pour la plupart de ces personnages, le monde
post-révolutionnaire est celui dans lequel ils doivent inscrire leur stratégie de carrière.
Ils ne sont pas assez vieux pour adopter une attitude de retrait dédaigneux, quelque
sentiment qu’ils ressentent vis-à-vis de la nouvelle société et du nouveau régime.
540
AN, AF IV 1427. Dossier 3. Consignes à la commission.
209
Classés parmi les propriétaires ou non, tous ces personnages sont des
possédants541. Ils sont à la tête d’un patrimoine, bénéficiaires d’une situation qui les
rend solidaires de la prospérité générale, intéressés à l’évolution du régime, au
maintien d’un ordre social dont ils profitent. Instruits, impliqués dans la sociabilité
locale, ils sont soucieux de connaître et d’agir sur la chose publique.
Le régime napoléonien s’appuie sur les couches nouvelles qui à Lyon sont
apparues dirigeantes peut-être plus précocement et plus facilement qu’ailleurs du fait
de la faiblesse de la haute et vieille noblesse dans cette ville industrieuse et
commerçante, sans parlement. Napoléon a compris que « forces vives » du pays,
« ces nouveaux contingents poursuivent collectivement un chemin vers leur
émancipation sociale et leur reconnaissance politique »542.
1.1.2. « L’opinion lyonnaise » est fédérative
Bien que jamais sans doute, auparavant, aucun régime en France n’avait été
renseigné comme le régime napoléonien sur les hommes en vue ou susceptibles de
l’être, il est très difficile de mesurer l’opinion des élites sous l’Empire. À vrai dire, les
rapports préfectoraux renseignent assez clairement sur la capacité des personnes à
remplir des fonctions, mais beaucoup moins sur les opinions qui sont souvent
« voilées d’un halo prudent »543. On dispose aux Archives départementales d’un
volumineux dossier de police qui aborde très franchement la question de l’opinion de
nombreuses personnalités locales mais la dureté voire l’outrance presque
systématique des jugements obligent à la prudence quant à son utilisation544.
Lors du recrutement d’administrateurs par les autorités impériales, les hommes
du juste milieu sont privilégiés. Il ne faut pas avoir pris de parti excessif et avoir
donné quelques gages de conduite et d’opinion à la Révolution, surtout dans une
541
À Bordeaux et à Marseille également, le conseil municipal est nettement dominé par les propriétaires et
l’ensemble formé des négociants et les marchands : BONNET, Christian, Les Bouches-du-Rhône…,op.cit, p.450-
455 ; COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, p.56-58. 542
SERNA, Pierre, La République des girouettes. 1789-1815 et au-delà. Une anomalie politique : la France de
l’extrême centre, Seyssel, Champ Vallon, 2002, p.167. 543
CLAUSE, Georges, Le département de la Marne sous le Consulat et l’Empire : 1800-1815, Atelier national
de reproduction des thèses : Université de Lille 3, 1983, vol.1, p.262. 544
ADR, 4 M 388.
210
ville réputée pour l’importance de son opinion hostile à la République545. On constate
néanmoins que, très vite, aux patriotes sages et éclairés initialement distingués vont
se joindre des notables qui sont plus clairement liés à l’ordre ancien. Il faut dire que,
depuis l’instauration par Bonaparte du régime de Brumaire, on a atteint à la
« quintessence d’une république du centre » et qu’il n’y a plus dès lors qu’un pôle
capable d’accueillir tous les « ralliés ». « Il faut donc, une fois les masses de la
population contrôlées et enrôlées, regrouper les élites autour de ce centre exécutif
qu’est le gouvernement »546.
Or, la volonté de fusion et le postulat centriste de Napoléon rencontrent sinon le
tempérament du moins l’histoire lyonnaise. Pour ne prendre en compte que le passé
récent, il y a dans la dissidence lyonnaise de 1793 l’affirmation d’un positionnement
politique qui marque, on l’a dit, durablement l’identité politique de la ville. Les
événements du siège ont marqué la mémoire de la ville en constituant un
traumatisme dont l’ampleur a longtemps dissimulé la signification profonde de
l’événement. Il revient à Bruno Benoit d’avoir montré combien l’épisode était
constitutif de l’identité politique de Lyon. L’opinion dominante à Lyon, qui s’affirme à
compter de la « révolution municipale » du 29 mai 1793 et autour duquel se structure
le mouvement de défiance à la Convention même si, rapidement, il se radicalise,
peut être caractérisée par trois éléments. C’est d’abord une opinion profondément
légaliste, comme l’explique Louis Trénard :
Les Lyonnais s’ingénient à démontrer la légalité de leur attitude. Leur discours affirme leur
volonté de respecter la Loi, la Constitution terminée à la hâte ce dernier 24 juin, de rester
fidèles à la République une et indivisible547
.
C’est ensuite une opinion qui revendique son attachement aux valeurs libérales dont
la Révolution est porteuse. Le droit de résistance à l’oppression comme le rappel des
545
AN, F1c
III Rhône 5. Les rapports établis par le commissaire du Directoire près l’administration centrale du
département sont particulièrement éloquents. On y lit en particulier qu’à Lyon « on parle avec indifférence, et
même avec mépris, des institutions républicaines » (fructidor an VI – août 1798), que « Lyon ne renferme qu’un
très petit nombre de républicains » (prairial an VII – mai 1799). 546
SERNA, Pierre, La République des girouettes…, op. cit., p.465. Pierre Serna parle avec beaucoup de justesse
d’un « Empire du milieu » (p.468). 547
TRÉNARD, Louis, « Lyon, capitale d’une « seconde Vendée » ?, 112ème
Congrès des Sociétés savantes
(Lyon, 1987) : Autour des mentalités et des pratiques politiques sous la Révolution française, T.III, Paris,
Éditions de C.T.H.S., 1987, p.76-77.
211
libertés fondamentales forment un ensemble d’arguments récurrents au sein du
discours des dissidents lyonnais.
C’est enfin une opinion anti-centraliste née au sein d’une ville qui sans doute souffre
d’être périphérique autant qu’elle en profite pour analyser lucidement le processus
révolutionnaire.
Légaliste, libérale et anti-centraliste, cette « opinion lyonnaise » est en mesure
de satisfaire des secteurs très différents de l’opinion publique. Les bourgeois inquiets
des mesures montagnardes aussi bien que les rolandins décentralisateurs, les
notables hostiles au suffrage universel comme les patriotes inquiets de l’attentat
perpétré contre la Convention – les girondins en sont écartés le 2 juin – sont
susceptibles de se rallier sincèrement à une tentative d’émancipation à l’origine de
laquelle les royalistes ne sont pas et dans laquelle ils ne verront qu’après coup,
lorsque la « révolution municipale » se fera insurrection, une opportunité de porter le
fer contre le régime honni.
Cette « opinion lyonnaise » tend à exclure à la fois les exagérés et les royalistes
pour rassembler la majeure partie de la population c'est-à-dire :
Les modérés, majoritaires dans la population. Ce sont des hommes de 1789 qui défendent le
principe de liberté, s’affirment comme des libéraux, sont partisans d’un pouvoir local fort et
respectent la religion548
.
C’est sans doute le mérite de Napoléon que d’avoir repéré la prégnance de cette
« opinion lyonnaise » au sein de la population et plus principalement des élites
locales. Elle correspond assez remarquablement à ce juste milieu dont de nombreux
auteurs, travaillant à des échelles différentes, ont remarqué qu’il forme le lieu favori
de recrutement des élites des régimes consulaire et impérial549. L’Empereur des
Français a ainsi tenté de structurer l’ensemble de l’opinion publique autour de ce
centre de gravité à partir duquel il était loisible d’organiser les élites et leur rencontre.
Napoléon fait clairement appel à des personnalités qui incarnent ce
modérantisme actif durant la période dont on traite. On a vu que quinze individus,
548
BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit., p.39. L’auteur ajoute significativement à propos des modérés
que « ne sachant pas vraiment se battre, ils seraient prêts à un dialogue ». 549
SERNA, Pierre, La République des girouettes…, op. cit., 575 p. THERMEAU, Gérard, À l’aube de la
Révolution industrielle …, op. cit., 447 p.
212
soit près du tiers des édiles nommés de 1805 à 1814, ont participé aux combats du
siège du côté des insurgés et l’on peut sans risque affirmer qu’ils furent nombreux
ceux qui soutinrent les combattants sans eux-mêmes s’armer. Il est très important de
relever que les deux maires nommés à Lyon par Napoléon avant la Première
Restauration ont activement pris part aux combats contre la Convention, à la
différence de leurs successeurs. Lors de sa réunion du 27 septembre 1805, le
conseil d’administration du bureau de bienfaisance rend hommage au maire
nouvellement nommé, Fay de Sathonay, en choisissant de faire référence à son
engagement de 1793550. Si d’Albon ne peut pas apparaître comme un modéré, on
peut raisonnablement penser que son implication au sein de cet événement matriciel
a contribué à favoriser son intégration au sein des notables et du corps des édiles
sous l’Empire. La plupart des dix émigrés que compte la municipalité n’ont quitté
Lyon que consécutivement au siège à l’image de Mayeuvre de Champvieux ou de
Regny fils. Par ailleurs, on compte une égale proportion d’insurgés étant restés en
France (Péclet, Petit, Rambaud) ou ayant opté pour l’émigration. On sait que « la
décision de ne pas émigrer est directement liée aux contingences matérielles » et
que « l’activité ou la fonction exercée pèse considérablement sur ce choix »551, mais
sans doute le nombre des émigrés lyonnais parmi les édiles eut-il été nettement
moindre si les événements exceptionnels du siège n’avaient poussé, souvent
brièvement, quantité d’insurgés à trouver au dehors des frontières un refuge. Il n’est
sans doute pas anodin de relever que cinq sur quinze des anciens insurgés figurent
également au rang des acquéreurs de biens nationaux 552 . L’affirmation d’une
« opinion lyonnaise » pas plus que la participation au siège ne signifie forcément
opposition à la Révolution.
Il y a là, dans cette « opinion lyonnaise », quelque chose qui tient aux
convictions, aux engagements, un vrai élément de cohésion des élites du Consulat et
de l’Empire.
550
AML, 1984 WP 001, Bureau de bienfaisance. Registre des délibérations. « Nous l’avons vu (…) officier dans
les phalanges lyonnaises armées pour résister à l’oppression tyranique qui menaçait toute la France et qui dans
notre malheureuse cité a fait couler tant de sang et de larmes ». 551
WISCART, Jean-Marie, La noblesse de la Somme au XIXe siècle, Amiens, Éd. Encrages, 1994, p.51.
552 Il s’agit de Mayeuvre de Champvieux, Morand de Jouffrey, Péclet, Rambaud et Sériziat.
213
1.1.3. Légitimité et attractivité du système napoléonien
La réussite de la politique de fusion visant à transcender les clivages tant sociaux
que politiques dépend largement de la capacité du régime à convaincre de sa
légitimité en même temps que de son aptitude à intégrer efficacement à son
organisation des éléments venus d’horizons différents et ralliés à des moments
distincts.
En fait, « l’interminable quête de la légitimité » 553 à laquelle s’est consacré
Napoléon a abouti à mêler de façon extrêmement complexe et sophistiquée
différents principes de légitimité. Le régime napoléonien revendique en fin de compte
trois grands principes de légitimité : national, matériel et monarchique 554 qui le
mettent en capacité de s’adresser, tour à tour puis simultanément, aux différentes
composantes de l’opinion et de se présenter toujours comme le garant de l’ordre
social nouveau et le seul à même de satisfaire les aspirations du plus grand nombre.
Il revient à Napoléon d’avoir su identifier, au point de les confondre, la Nation et sa
propre personne, faisant par là même évoluer le régime vers la monarchie555. Malgré
la richesse de l’appareil légitimant le pouvoir napoléonien, il demeure que l’Empereur
des Français n’est jamais paru légitime qu’autant que son système était victorieux en
Europe et son organisation infaillible en France. On sait que la chute de l’Empire
sanctionne presque immédiatement les défaites de Napoléon (Campagnes de
France puis de Belgique) sans que les processus dynastiques ou institutionnels
prévus jouent leur rôle556.
S’il doit apparaître légitime, le régime impérial doit aussi faire preuve d’ouverture
en intégrant des éléments disparates. Or le nombre et la qualité des ralliements
dépendent en partie de la capacité du régime à offrir des perspectives de profit aux
individus et ce, d’autant que « le régime napoléonien laisse peu d’espaces de
liberté » :
Même à ceux qui sont, d’après lui, parmi les garants de sa stabilité et, si les notables sont
associés au fonctionnement de l’État, il s’agit plus d’honneurs que de pouvoirs. Toutefois, ces
553
ENGLUND, Steven, Napoléon, Paris, Éditions de Fallois, 2004, p.308. 554
On se réfère notamment à la mise au point de Thierry Lentz : LENTZ, Thierry, « Légitimités
napoléoniennes », dans TULARD, Jean [dir.], Dictionnaire Napoléon, op. cit., p.186-187. 555
GAUCHET, Marcel, La Révolution des pouvoirs. La souveraineté, le peuple et la représentation, 1789-1799,
Paris, Gallimard, Collection « Bibliothèque des histoires », 1995, p.214. 556
TULARD, Jean, Napoléon ou le mythe du sauveur, Paris, Fayard, Collection « Pluriel », 1987, p.409-437.
214
colifichets sont acceptés car, même bornés, l’influence et, surtout, le prestige qu’ils permettent
d’obtenir ou retrouver sont une réelle reconnaissance sociale557
.
Davantage qu’acceptés, les « colifichets » sont recherchés par le personnel
politique lyonnais. Le régime impérial distribue avec mesure titres et décorations dont
il tient à ce qu’ils demeurent de vrais éléments de distinction. Or, il apparaît que les
notables, et parmi eux les édiles qui considèrent que l’acceptation de fonctions
municipales améliore leur curriculum vitae, sollicitent du pouvoir ces marques de
faveur. À peine la noblesse d’Empire est-elle fondée 558 que les demandes
d’anoblissement pleuvent. De Lyon, le premier président de la cour impériale Vouty
de la Tour – il n’est pas encore entré au conseil municipal – postule au titre de comte
et fait valoir longuement ses arguments en faveur de l’érection d’un comté héréditaire
dans sa famille dès avril 1808559. Mettant en évidence sa grande fortune susceptible
de former un majorat, Claude Vouty insiste sur la modération de son engagement
sous la Révolution qui lui valut de souffrir de la terreur après qu’il ait perdu son père
à la suite du siège et rappelle les services rendus au régime napoléonien. Vouty est
fait chevalier de l’Empire en octobre 1808 puis baron en mars 1810 560 . Les
demandes ne sont pas toujours aussi précises ni directes. Rares sont les individus
qui, à l’instar de Vouty, peuvent se prévaloir, en sus d’une situation matérielle
particulièrement confortable, d’une adhésion politique aussi franche et d’une réelle
proximité avec l’empereur. Ainsi, c’est souvent par le biais de rapports préfectoraux
ou au moyen des délégations qui se rendent à Paris que les édiles sollicitent du
régime une distinction. Une note confidentielle adressée par le préfet au ministre de
l’Intérieur présente les membres des députations lyonnaises formées à l’occasion de
la naissance du roi de Rome561. Tous, sans exception, forment l’espoir de se voir
attribuer une fonction, un titre ou une décoration et le font savoir. Le maire Fay de
Sathonay vise à entrer au sénat. Arthaud de la Ferrière aspire à devenir chambellan.
Si Sériziat et Devillas se satisferaient de « la croix », Grailhe de Montaima se verrait
bien, en plus, titré. Les demandes sont recensées par le maire et le préfet qui les
assortissent de commentaires avant de les communiquer au ministre de l’Intérieur
qui, finalement, fait des propositions au chef de l’État. En l’occurrence, bien que le
557
CHAMBON, Pascal, La Loire et l’aigle…op.cit., p.117. 558
Les statuts « confirmant la création des titres impériaux » sont promulgués le 1er
mars 1808. 559
AN, AFIV
1310 dossier 2 [5 : Vouty]. Le dossier est daté du 16 avril 1808. 560
TULARD, Jean, Napoléon et la noblesse d’Empire, Paris, Tallandier, 2001, p.289. 561
AN, F1c
III Rhône 9. Notes sur les députations de mai-juin 1811.
215
préfet le qualifie de « nul », Grailhe est proposé au titre de baron par Montalivet. Par
contre, le ministre suit Bondy qui dénonce la piètre extraction de Sériziat pour refuser
de le présenter à la légion d’honneur, faveur qui est accordée au convenable
Devillas. In fine, Grailhe ne sera pas anobli, Fay sera en effet présenté au sénat et
Arthaud deviendra chambellan.
La légitimité du régime étant matérielle avant tout, celui-ci n’est contesté que
lorsque la situation concrète des individus se détériore, n’est plus garantie, est
menacée. S’agissant d’une ville aussi commerçante et industrieuse que Lyon,
l’adhésion des élites comme l’état de l’opinion publique sont indéfectiblement liés à la
conjoncture économique générale et locale. Ainsi voit-on les édiles manifester des
réserves face à la politique conduite par le chef de l’État au moment où l’effort de
guerre et l’évolution du système napoléonien semblent peser sur le dynamisme
économique du pays et de Lyon.
On voit bien que l’ascension économique et l’accession à des fonctions
administratives, même si elles ne sont pas parallèles, contribuent de la même
manière à asseoir et consolider des situations émergentes au sortir de la Révolution
et à attirer les individus vers le pouvoir. Pour autant, et c’est peut-être là une des
principales limites du système, la notabilité dépend plus profondément –
primitivement – de la réussite économique et de l’insertion au sein de la société civile
que des honneurs dispensés par le régime. Ce dernier n’est donc toléré voire
apprécié que dans la mesure où il ne contrevient pas au processus d’ascension
sociale qui, souvent, a commencé dès la Révolution et même dès l’Ancien régime.
Le patriciat urbain traditionnel se présente dans ce contexte comme un ensemble
très uni, se soutenant par d’étroites relations matrimoniales et des liens d’affaires
aussi resserrés que complexes. Rabaissé politiquement et financièrement par la
Révolution, il est fondamentalement réservé par rapport à un régime qui en est issu
et s’il se réjouit du retour à l’ordre et des années de prospérité, il demeure vigilant et
potentiellement hostile. Plus largement, les notables vivent leur avènement comme le
produit des circonstances davantage que comme le produit de la volonté impériale.
Ce que l’Empire, après la Révolution, affirme c’est le caractère indissociable du
service de l’État et de la défense de la société des notables. Or, dans une
perspective de redéfinition du lien social et politique il s’agit bien du service de l’État
vu comme une entité rationalisée, détachée en fin de compte de la nature du régime
216
ou, plutôt, de l’identité de son chef. Ce point est tout à fait crucial pour la
compréhension des événements de 1814-1815.
1.2. Renouvellement ou restauration ?
Sous le Consulat et l’Empire, ordre et réforme sont intrinsèquement liés.
Napoléon conçoit essentiellement l’ordre comme « la fin des désordres et (…) la
satisfaction des besoins élémentaires de la masse. L’ordre napoléonien passe donc
par la réforme des institutions administratives au sens large »562.
À la fois condition du et conditionné par le retour durable à la paix civile, le soin
que met l’Empereur des Français à organiser administrativement et politiquement
l’empire afin de s’en assurer le contrôle et de mettre en œuvre son système implique
la fabrication d’une élite idoine. Napoléon a à concilier sa volonté de fusion et son
besoin d’une élite compétente et dévouée, au moins par intérêt, et c’est à la croisée
de ce double impératif que se font ses choix en matière de recrutement des édiles.
Toute pragmatique, l’approche napoléonienne a sans doute été moins liée aux
sentiments, d’ailleurs contradictoires, que certains auteurs attribuent à Napoléon vis-
à-vis de la ci-devant noblesse ou de la bourgeoisie563 qu’à l’absolue nécessité dans
laquelle il se trouvait d’asseoir son système en utilisant le personnel existant, qu’il
soit issu de la Révolution ou qu’il lui ait survécu, tout en jetant les bases du
recrutement futur.
1.2.1. Les modalités de renouvellement
Le sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802) prévoit que la procédure
de renouvellement est le moyen retenu pour donner au chef de l’État la possibilité de
reconduire ou promouvoir les édiles compétents ou loyaux et d’écarter les autres
« sans qu’il soit besoin d’avoir recours à la voie toujours pénible des révocations ».
562
BLUCHE, Frédéric, La Bonapartisme. Aux origines de la droite autoritaire, Paris, Nouvelles éditions latines,
1980, p.50. 563
On pense en particulier aux réflexions sur le sujet d’Antoine Casanova qui fait de la bourgeoisie en général et
de la « classe moyenne » en particulier le rouage essentiel de la politique impériale : CASANOVA, Antoine,
Napoléon et la pensée de son temps…, op. cit., p.114-115.
217
En se donnant la possibilité de redéfinir régulièrement la composition du corps des
édiles, Napoléon imagine bien sûr une procédure qui à la fois lui laisse la prérogative
essentielle du choix et privilégie l’utilisation de cette ressource que constitue le corps
intermédiaire des notables.
Contre les penseurs de la Révolution, Napoléon croit en la valeur de la durée des
hommes et des choses : il n’est donc pas nécessaire de renouveler souvent les
fonctionnaires et autres serviteurs du régime. Le 14 nivôse an XI (4 janvier 1803), il
est décidé que les maires des villes de plus de 5000 habitants ne cesseraient leur
activité qu’en l’an XV (1806) et que les conseillers municipaux seraient renouvelés
par moitié en l’an XI et tous les dix ans par la suite. Or, un décret impérial du 15 avril
1806 bouleverse l’échéance et les opérations militaires de 1806-1807 retardent la
procédure jusqu’à ce que 1808 corresponde finalement à l’année d’un premier
renouvellement général des municipalités 564 . Une circulaire du 26 avril 1810
maintient la durée de vingt ans pour le mandat normal des conseillers.
Les modalités des renouvellements diffèrent légèrement en fonction du
personnel qu’elles concernent. Pour ce qui est du maire et des adjoints, les modalités
des renouvellements sont fixées par le décret impérial du 15 avril 1806. Il est à noter
que la procédure de renouvellement concerne tous les maires et adjoints, y compris
les personnalités nommées exceptionnellement depuis la désignation de la
municipalité précédente en vue de pourvoir à des remplacements rendus
nécessaires par diverses défections.
Afin d’éclairer la décision de l’empereur, le ministre de l’Intérieur exige des préfets
qu’ils lui adressent au total six listes nominatives par commune : seules deux d’entre
elles intéressent la présente étude. Chacune de ces listes doit être conçue en
fonction d’un modèle envoyé aux préfectures et, durant l’été 1810, un modèle
général s’impose565.
La première liste doit recenser les titulaires des fonctions de maire et d’adjoints,
expliquer les éventuels cas de vacance et justifier les propositions de reconduction
ou de remplacement. Le préfet se voit ainsi attribuer un important pouvoir d’influence
sur le processus de nomination puisqu’il lui revient de désigner parmi les
564
ADR, 2 M 12. 565
L’existence de ce « Modèle général », élaboré le 10 juillet 1810, fut rappelée avec insistance au préfet du
Rhône dans une instruction du ministre de l’Intérieur en date du 1er
juillet 1812 : ADR, 2 M 43.
218
représentants politiques locaux ceux qui verraient le plus probablement leur situation
examinée par l’empereur.
La deuxième liste doit proposer, en conséquence de la première, pour chacune
des fonctions de maire et d’adjoints trois candidats. Si une simple reconduction est
préconisée par le préfet, celui-ci doit signaler tout de même deux individus
susceptibles de remplacer le titulaire. Le principe fondamental est que les candidats
doivent être choisis parmi les membres du conseil municipal. Néanmoins, peuvent
être signalés « quelques candidats pris hors de ce conseil et parmi les citoyens
domiciliés de la commune qui, par leur considération personnelle, leurs services, leur
fortune, auraient le plus de titres à la confiance du gouvernement »566. Indice que le
régime impérial ne fait pas l’unanimité parmi les notables qu’il tend pourtant à
promouvoir, Montalivet précise que « le préfet doit s’assurer que ceux qu’il présente
pour candidats sont dans l’intention d’accepter s’ils sont nommés »567.
Pour les conseillers, la procédure est sensiblement identique bien que moins
rigoureusement respectée. Le sénatus-consulte du 16 thermidor fixe les conditions
de nomination des conseillers municipaux des villes de plus de 5 000 habitants en
enjoignant les assemblées de canton à proposer deux candidats pour chaque place
choisis parmi les cent plus imposés. Lors des renouvellements généraux, en 1808 et
1813, des listes nominatives établies par les assemblées de canton sont en effet
constituées afin de permettre la décision de l’empereur c'est-à-dire la reconduction
ou le remplacement de chaque conseiller. En dehors des vagues quinquennales de
renouvellement, c’est parmi ce vivier que, sur présentation plus ou moins formelle du
préfet, Napoléon a recruté « au coup par coup » les conseillers lorsqu’il s’est agi de
compléter l’effectif. Il est frappant de constater que les renseignements collectés par
la préfecture à cette occasion sur les différents postulants sont bien plus superficiels
que ce qui est la règle pour les adjoints et le maire mais que, la plupart du temps et à
Lyon au moins, ces individus sont assez bien connus des autorités au moyen des
différents recensements de notables effectués depuis l’an X.
566
ADR, 2 M 43. Instruction du ministre de l’Intérieur aux préfets, juillet 1812. 567
Ibid.
219
1.2.2. Tenir l’ambition de fusion
L’attention étant portée ici sur l’échelle locale, c’est de remplacement davantage
que de renouvellement qu’il s’agit puisque l’on envisage la succession concrète des
acteurs au sein de la municipalité lyonnaise de 1806 à la première abdication de
Napoléon.
L’examen de la composition de la municipalité à la veille de la Première
Restauration fait apparaître une progression de la part des aristocrates d’Ancien
régime en même temps que des propriétaires. Alors que les ci-devant nobles sont
48,35 % de la municipalité en 1805 et 47,05 % sur la période 1805-1814, ils sont
56,25 % en 1814. Les individus qualifiés de propriétaires sont quant à eux plus
modestement passés de 41,9 % en 1805 à 43,75 % en 1814. La tendance au
renforcement du poids des catégories les plus traditionnellement liées aux temps
d’avant la Révolution est donc réelle. Elle correspond à une tendance généralement
observée par les historiens, à l’échelle locale des villes et, surtout, des départements
comme à l’échelle nationale568.
Or, force est de constater que le recrutement postérieur à l’année 1805 est
pourtant équilibré en ce sens qu’il reproduit les équilibres définis dès l’origine par
Napoléon. Six adjoints sont nommés de 1808 à 1813 en lieu et place de
prédécesseurs décédés ou démissionnaires. Deux d’entre eux sont des propriétaires,
quatre des négociants. Trois sur six sont d’anciens nobles. Il s’agit toutefois de
représentants de familles plus anciennes que la plupart de celles qui ont été
recrutées jusqu’alors : Cazenove, de Laurencin et Riverieulx de Varax sont des noms
qui ont de l’éclat. Seul le premier a certainement émigré569.
En abordant les conseillers, on raisonne sur un nombre un peu supérieur
d’individus et de manière sans doute plus significative. Seize conseillers municipaux
prennent leurs fonctions à Lyon entre 1808 et 1814. Or, on constate que moins du
tiers d’entre eux sont qualifiés de propriétaires (cinq sur seize) alors qu’un quart sont
des hommes de loi (quatre sur seize) et que les hommes d’affaires sont majoritaires
568
Une dernière synthèse : BERTAUD, Jean-Paul, Les royalistes et Napoléon, Paris, Flammarion, collection
« Au fil de l’histoire », 2009, p. 203-231. 569
ADR, 1 M 110.
220
(six sur seize). Sept individus sur seize, soit 43,75 %, sont des aristocrates d’Ancien
régime.
Il ressort de ces quelques observations que Napoléon, à Lyon, a utilisé avec
modération la capacité dont il s’était doté de renouveler le personnel politique
municipal. Lorsqu’il a été amené à recruter de nouvelles personnalités, du fait
principalement de la diminution des effectifs, l’empereur l’a fait en mobilisant les
catégories socio-professionnelles et les « états » dans des proportions tout à fait
proches de ce qu’elles étaient au début de l’Empire. En étudiant le renouvellement
des édiles tel que Napoléon l’a effectivement pratiqué de 1805 à 1814, on ne
discerne pas de mouvement de restauration des élites d’Ancien régime. Pourtant, les
ci-devant sont devenus majoritaires au sein de la municipalité en place au moment
de la première abdication.
Il semble bien que ce soit par un mouvement insensible que les individus
représentatifs de l’ancienne France ont peu à peu accru leur présence au sein des
institutions municipales. Parallèlement, le régime adopte des formes monarchiques
et un maire jusque-là clairement assimilé aux royalistes, André-Suzanne d’Albon, est
nommé. Ainsi, l’impression peut être celle d’une restauration. En fait, même s’il est
difficile d’identifier clairement toutes les raisons ayant conduit au départ anticipé d’un
certain nombre d’édiles (dix-huit entre 1805 et 1814, sans compter les conseillers
devenant adjoints), on peut repérer le faible nombre de démissions inexpliquées. Or,
toutes concernent des négociants, membres du ci-devant tiers état. Bernard-
Charpieux, Mémo, Parent ou Rivoire, parfois déçus par la faible considération dont
on les gratifie (cela vaut pour les deux anciens maires), sans doute accaparés par
leurs affaires et peu disponibles pour des tâches à bien des égards ingrates, quittent
d’eux-mêmes la municipalité. Certains départs s’expliquent par l’obtention d’une
autre fonction publique, plus gratifiante ou plus prenante : Chirat et Rosier de
Magneux entrent au Corps législatif, Regny devient trésorier de la ville. Mais la
majeure partie des défaillances est due à la maladie ou au décès des individus :
Devillas, Fay de Sathonay, Gérando, Loyer, Pernon, Petit, Ravier. Il se trouve que
seul un tiers de l’ensemble de ces défections concerne d’anciens nobles.
Assurément moins disponibles pour des fonctions gratuites, peut-être moins résignés
à agir peu et peut-être déçus par l’évolution de régime, les individus liés au négoce
et à la manufacture, les talents restent moins aisément au sein de la municipalité au
221
fur et à mesure que le temps passe. Ils s’effacent ainsi, comme légèrement, alors
même que les anciens aristocrates, parfois issus de familles prestigieuses restées
jusqu’alors discrètes sinon hostiles acceptent de se rallier au régime impérial570.
En avril 1811, le maire peut se réjouir de l’entrée au sein de la municipalité de
figures emblématiques de la société d’Ancien régime. Jean-Baptiste Giraud de Saint-
Try, François-Aimé de Laurencin, Pierre-Thomas Rambaud et Claude-Antoine Vouty
de la Tour incarnent la reconnaissance mutuelle de l’Empire et de l’ancienne
France571. En les nommant au sein des institutions municipales après en avoir fait les
principaux magistrats de la ville – Rambaud est procureur près la cour d’appel, Vouty
en est le président – le régime napoléonien élève au rang de notables des
personnalités que leur passé et leur ascendance destinent au premier rang :
À quelle flatteuse espérance Lyon ne doit-il pas se livrer alors que pour remplir ces fonctions
tutélaires, le souverain s’adresse à des familles dont les noms portent avec eux le souvenir
d’une longue suite de services, alors que, voulant réunir les intentions libérales, la droiture de
jugement, l’étendue des connaissances, Sa Majesté choisit pour compléter le Conseil des
hommes dont elle-même vient d’attester le mérite éminent en les plaçant aux premiers rangs
de la magistrature572
.
Or, on peut penser se trouver là en présence d’un phénomène qui a préparé le
ralliement aux Bourbons. Le « régime mixte, fait de république autoritaire et de
symbolique royale » 573 qu’est le régime impérial fait une place aux anciens
aristocrates, place qu’ils acceptent d’occuper en escomptant souvent renforcer son
inflexion monarchique et rétablir leur position sociale. Les sentiments royalistes
subsistent malgré le ralliement de fait à l’Empire. D’ailleurs, d’aucuns pourront
estimer que le rapprochement des Bourbons n’est pas si scandaleux compte tenu de
l’évolution monarchique du régime napoléonien574. Pour autant, le ralliement assez
général des édiles au roi Bourbon auquel on assiste au printemps 1814 ne s’explique
pas principalement par cette progression du poids relatif des ci-devant au sein de la
570
Concernant les édiles du département de la Marne, Georges Clause note : « Et cependant, à mesure que les
années passent, il faut bien reconnaître que les propriétaires dont le nom est précédé d’une particule,
généralement anciens militaires, surveillant maintenant la culture de leurs terres remplacent les hommes de loi
qui avaient eu leur heure de gloire durant la Révolution. Cela se fait sans bruit, sans heurt, sans plan préconçu
sans doute. ». CLAUSE, Georges, Le département de la Marne…op.cit., p. 263. 571
Des noms moins prestigieux entrent aussi au conseil cette année-là : Bernat, Bodin, Falsan, Guerre… 572
AML, 1217 WP 033. Séance du 17 avril 1811. 573
SERNA, Pierre, La République des girouettes…, op. cit., p.468. 574
Ibid., p.159.
222
municipalité. C’est l’ensemble des caractéristiques du notabilat et des édiles du
régime napoléonien qui facilite leur acceptation du régime monarchique. On peut
penser en particulier, comme André Palluel-Guillard à propos des notables de
Savoie, que l’âge moyen assez élevé des édiles explique en grande partie leur
« conservatisme social et politique et la facilité de la Restauration de 1814 » puisque
pour la plupart d’entre eux il s’agit de gens dont la position familiale et
professionnelle est déjà solidement établie575.
Quoiqu’il en soit, l’impression d’un retour sur le devant de la scène de familles
maintenues jusque là éloignées du pouvoir est réelle et la nomination, en 1813, du
successeur de Fay de Sathonay aux fonctions de maire la renforce.
575
PALLUEL-GUILLARD, André, L’Aigle et la croix…op.cit., p.241. André Palluel-Guillard raisonne alors sur
les 2 827 individus recensés en vue de l’organisation des gardes d’honneur en 1813. L’âge moyen est de 52 ans.
223
Tableau n°27
La composition de la municipalité à la veille de la Première Restauration
NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-
PROFESSION-NELLE
EXPÉRIENCE POLITIQUE
depuis l’an VIII
ALBON maire 53 Rue de la Charité
Propriétaire Conseiller général
SAIN-ROUSSET
1er adjoint 57 Rue du Pérat
Propriétaire Maire du Midi sous le Consulat
Adjoint depuis 1805
CHARRIER DE SENNEVILLE
2e adjoint 44 Rue Sala Propriétaire Adjoint depuis 1805
CHAMPANHET 3e adjoint 59 Rue des Capucins
Négociant Conseiller depuis le Consulat.
Adjoint depuis 1808
CAZENOVE 4e adjoint 49 Rue des Feuillants
Négociant Adjoint depuis 1810
LAURENCIN 5e adjoint 54 Place Grôlier
Propriétaire Adjoint depuis 1811
RIVERIEULX DE VARAX
6e adjoint 45 Rue Sala Propriétaire Conseiller depuis le Consulat.
Adjoint depuis 1813
ARLÈS conseiller 59 Quai Saint Antoine
Négociant Conseiller depuis le Consulat
ARTHAUD DE LA FERRIÈRE
conseiller 43 Rue du Pérat
Propriétaire Conseiller depuis le Consulat
ASSIER DE LA CHASSAGNE
conseiller 64 Place Bonaparte
Propriétaire Conseiller depuis le Consulat
AYNARD conseiller 51 Rue Buisson
Négociant Conseiller depuis 1805
BERNAT conseiller 61 Place de la Douane
Magistrat Conseiller depuis 1812
BODIN conseiller 46 Quai Saint Clair
Négociant Conseiller depuis 1811
BOULARD DE GATELLIER
conseiller 55 Rue du Pérat
Magistrat Conseiller depuis le Consulat
224
NOM FONCTION ÂGE DOMICILE CATÉGORIE SOCIO-
PROFESSION-NELLE
EXPÉRIENCE POLITIQUE
depuis l’an VIII
CHARRASSON conseiller Quai de la Feuillée
Négociant Conseiller depuis le Consulat
CHATILLON DE
CHAPONAY
conseiller 60 Propriétaire Conseiller depuis 1808
DESPREZ conseiller 56 Rue du Chemin neuf
Avocat Conseiller depuis 1805
DUJAST D’AMBERIEUX
conseiller 74 Place Bonaparte
Propriétaire Conseiller depuis le Consulat
FALSAN conseiller 53 Rue d’Égypte
Négociant Conseiller depuis 1811
FRÈREJEAN conseiller 53 Rue de la Vieille
Négociant Conseiller depuis 1808
GIRAUD DE SAINT-TRY
conseiller 50 Rue du Plat Propriétaire Conseiller depuis 1811
GRAILHE DE MONTAIMA
conseiller 63 Rue Saint Joseph
Propriétaire Conseiller depuis 1805
GUERRE conseiller 52 Rue des Célestins
Avocat Conseiller depuis 1811
LA ROUE conseiller 59 Rue Sala Propriétaire Conseiller depuis 1805
MASSON-MONGÈS
conseiller 47 Place Bonaparte
Propriétaire Conseiller depuis 1811
MORAND DE JOUFFREY
conseiller 54 Rue Saint Dominique
Magistrat Conseiller depuis 1808
MOREL-RAMBION
conseiller 55 Rue Sala Magistrat Conseiller depuis le Consulat
PÉCLET conseiller Rue Lafont Négociant Conseiller depuis 1814
RAMBAUD conseiller 60 Rue Saint Dominique
Magistrat Conseiller depuis 1811
RUOLZ conseiller 63 Rue du Pérat
Propriétaire Conseiller depuis 1811
SÉRIZIAT conseiller 60 Vaise Négociant Conseiller depuis 1808
VOUTY DE LA TOUR
conseiller 52 Rue Puits-Gaillot
Magistrat Conseiller depuis 1811
1.2.3. La nomination emblématique du maire d’Albon
225
Renouvelé dans ses fonctions en 1808, Fay de Sathonay était sans doute appelé
à rester durablement maire de Lyon. Napoléon fait en effet lorsqu’il le peut le choix
de la continuité, la stabilité des institutions étant tout à la fois un gage de leur
efficacité et un indice de leur légitimité576. C’est son décès précoce, le 27 août 1812,
qui provoque la nécessité de sa succession. Or, Napoléon n’entend pas pour autant
brusquer les échéances. Ainsi, fait-il confiance à l’expérimenté premier adjoint Sain-
Rousset, devenu baron de Vauxonne en 1810, pour assurer un assez long intérim577
en attendant d’organiser la succession dans le cadre du renouvellement quinquennal
prévu en 1813.
Par le biais de la correspondance échangée entre le préfet Bondy, le ministre
Montalivet et le futur maire d’Albon, l’occasion est donnée d’assister au plus près au
processus conduisant à la nomination du maire de Lyon par l’empereur. Si l’on
confronte cette source à celle que constitue la masse des documents officiels
conservés par la préfecture, l’on peut avoir une idée assez juste des critères
privilégiés en réalité par Napoléon pour parvenir à sélectionner le meilleur candidat et
s’apercevoir que ces critères diffèrent sensiblement dans le cas d’espèce de ceux
que Napoléon met systématiquement en avant de manière officielle. Théoriquement,
trois critères guident les autorités. Premier critère, la compétence. Administrer une
grande agglomération comme Lyon, même sous le contrôle étroit du gouvernement
central et de son représentant départemental, nécessite bien évidemment un
ensemble de compétences, d’ordre juridique et financier notamment, mais aussi un
sens politique développé et une aptitude à représenter la commune et le régime.
Deuxième critère, la probité. Napoléon souhaite s’assurer que nul soupçon de
fraude, de corruption ou d’enrichissement douteux ne puisse peser sur le premier
magistrat de la ville. C’est notamment l’argument avancé pour suggérer au préfet de
ne proposer que des personnalités disposant d’un niveau de fortune tel qu’il les
mette à l’abri de la tentation d’actions répréhensibles. Troisième critère, le
comportement politique. La politique de fusion prônée par l’empereur ne s’étend pas
576
Le premier adjoint, André-Paul Sain-Rousset, ancien maire de la section Ouest de la ville, occupe sa fonction
sans interruption de septembre 1805 à juillet 1815. ADR, 2 M 13. 577
André-Paul Sain-Rousset assume les fonctions de maire d’août 1812 à mars 1813 mais il préside en fait les
séances du conseil municipal en lieu et place de Fay, malade, dès le printemps. AML, 1217 WP 034-035. Juillet
1811-juin 1813.
226
aux franges les plus extrêmes de l’opinion, qu’elles soient républicaine ou
monarchiste. Il s’agit donc de s’assurer que les candidats ne soient pas assimilés
trop ouvertement à l’une ou l’autre de ces deux causes.
On sait que la première liste de candidats à la succession de Fay de Sathonay
que le préfet Taillepied de Bondy envoie au ministre de l’Intérieur pour qu’il la
présente à l’empereur comporte quatre noms578. Or, un courrier de Montalivet au
préfet nous apprend que la candidature de trois de ces personnalités est très vite
écartée par Napoléon. En effet, Charrier de Senneville, de Laurencin et Sain-
Rousset « ne paraiss(ai)ent pas susceptibles dans l’état des choses d’être
nommés »579. Seul reste en lice d’Albon et il se trouve qu’il est le seul à ne pas avoir
appartenu aux précédentes municipalités. Comme il l’a fait pour Fay de Sathonay en
1805, Napoléon accorde donc sa préférence à un homme qui n’est pas issu du
conseil municipal. Il rappelle ainsi que si la position est due au mérite elle dépend
également du bon vouloir de l’empereur ; elle est le fait du prince. En outre, il
distingue clairement la légitimité et l’autorité du maire de celles du conseil municipal
voire des adjoints. Les trois individus écartés d’emblée. Charrier de Senneville, de
Laurencin et Sain-Rousset sont tous trois des adjoints de l’ancien maire. Le préfet
Bondy les propose donc selon une logique qui tendrait à faire de l’un des seconds
d’hier le premier de demain. Tous trois se sont signalés par leur compétence comme
par leur loyauté envers le régime. Aucun d’entre eux n’est soupçonné de concussion
ni de corruption. C’est le choix d’écarter Sain-Rousset (1757-1837) qui est le plus
révélateur de la volonté impériale de refuser cette sorte de promotion par le mérite.
Si son élévation au sein de la ci-devant aristocratie fut moins importante que celle du
défunt Fay de Sathonay, Sain-Rousset offre, en effet, un profil assez comparable de
robin issu du négoce, homme d’ordre aux opinions modérées, engagé suffisamment
prudemment du côté des insurgés pour avoir été de ceux qui plaidèrent la cause de
Lyon à la barre de la Convention et pour n’avoir pas été poussé à émigrer. Attaché à
l’Empire, il semble présenter les garanties exigées par Napoléon qu’il a d’ailleurs
rencontré personnellement à plusieurs reprises depuis 1800. On comprend mieux le
rejet de l’hypothèse Charrier de Senneville. Claude-Salicon Senneville (1768-1843)
est un homme plus jeune, que le mariage a uni à l’une des plus importantes familles
du Lyonnais, les Charrier. Son ascension est récente et son enrichissement doit
578
ADR, 8 J 2. 579
Ibid. Courrier de Montalivet à Bondy en date du 30 mars 1813.
227
beaucoup à son activité au sein de l’administration des vivres et à sa proximité avec
un certain nombre de fournisseurs aux armées580. Ce parvenu grenoblois a émigré et
n’a revêtu tous les attributs du notable qu’après Brumaire. L’homme est moins
solidement installé au sein des élites lyonnaises ce qui, paradoxalement, rend son
soutien au régime un peu outrancier. Le troisième candidat refusé par Napoléon,
François-Aimé de Laurencin (1764-1833), vient lui d’une grande famille de noblesse
d’épée. Ancien page du roi, il abandonna comme ci-devant noble sa charge de
colonel d’infanterie au régiment de la Rochefoucault dragons en 1792. Attaché à la
monarchie, il évolue dans l’ombre d’un père très influent à Lyon, Jean-Espérance-
Blandine de Laurencin, mais acquiert progressivement un réel statut de notable que
sanctionne la décision prise par ses pairs de le désigner parmi les députés chargés
de porter à Napoléon l’adresse du collège électoral du département du Rhône en
1809, comme il est plus tard l’un des trois délégués de la municipalité à se rendre à
Dijon afin de rencontrer François d’Autriche et son ministre Metternich le 30 mars
1814. À la tête d’un patrimoine qui excède le demi-million de francs581, il est l’ancien
directeur de la Compagnie Perrache et, à ce titre, en litige avec la municipalité.
L’élément est sans doute de nature à empêcher son accession aux fonctions de
maire de la ville.
Ayant écarté trois des quatre candidats, on voit pourtant Napoléon hésiter à
nommer d’Albon. On sait qu’il ne lui reconnait pas de grandes compétences dans
l’administration582 bien que, depuis le 20 mars 1812, André-Suzanne d’Albon soit
conseiller général. Hésitant, Napoléon sollicite de Bondy d’autres noms. Le préfet du
Rhône signale alors Boulard de Gatellier (1759-1827) et Giraud de Saint-Try (1763-
1828).
Le deuxième nommé présente un profil adapté. Issu d’une famille consulaire
sortie du commerce, parfaitement intégré aux réseaux de sociabilité locaux et
propriétaire d’une des dix premières fortunes du département, il a déjà été approché
après Brumaire pour devenir le maire de la section du Midi. Or, ce royaliste qui a
perdu un frère à la suite du siège a refusé la proposition. Superficiellement rallié à
l’Empire depuis, il ne fait pas son entrée au sein du conseil général en 1809 comme il
580
COLLOMBET, « Notice sur Charrier de Senneville », dans Revue du Lyonnais, 1843, p.256. 581
ADR, 39 Q 17, 132 Q 8. 582
Comme Montalivet en informe d’Albon dans un courrier en date du 18 mars 1813 : ADR, 8 J 2.
228
en a pourtant manifesté le désir. L’empereur lui reproche en outre d’être en conflit
avec la mairie pour un litige concernant l’achat de la salle de théâtre des Terreaux.
Certainement davantage coupable d’avoir dédaigné les avances du jeune régime
consulaire que d’opinions royalistes affichées et sur le point de s’engager dans un
procès avec la ville, Giraud de Saint-Try est écarté583.
En fin de compte, c’est avec Boulard de Gatellier que d’Albon est le plus
longtemps en balance. L’ascension de la famille des Boulard, installée dans le
faubourg de Vaise depuis le XVIIe siècle, est récente. Elle fait de François Boulard un
jeune noble de robe allié aux meilleures familles de la région qui, malgré son
ouverture aux idées nouvelles, s’engage contre la Convention lors du siège et finit
par émigrer. De retour à Lyon sous le Directoire, c’est l’Empire qui fait de lui un
notable de premier plan. Conseiller municipal en 1805, il assume très activement sa
fonction 584 . D’ailleurs, les notes du préfet le signalent comme pouvant « avec
avantage être employé dans l’ordre judiciaire » puisque « plein de délicatesse et de
probité, entièrement dévoué au gouvernement » 585 . C’est logiquement qu’il est
nommé au sein du conseil général (1810) et conseiller près la cour impériale (1811).
A la tête d’une fortune avoisinant le million de francs586, François Boulard de Gatellier
présente toutes les garanties de compétence et de probité qu’exige Napoléon en
même temps que ses opinions semblent modérées et, en tous cas, compatibles avec
les projets de fusion des élites affichés par l’empereur.
D’Albon n’apparait somme toute pas plus fortuné. Il est à la tête d’un patrimoine
qui n’excède probablement pas de beaucoup 500 000 francs587 et lui-même redoute,
on l’a vu, de ne pouvoir assumer matériellement les obligations inhérentes aux
missions de représentation liées à la fonction gratuite de maire. De formation
militaire, d’Albon est assurément moins compétent que le magistrat Boulard de
Gatellier, familier des milieux administratifs et judiciaires. D’Albon est en outre
clairement assimilé aux milieux royalistes. Tôt émigré, il participe à Coblence à la
formation du corps de cavalerie, est lieutenant sous les ordres du comte d’Artois et
fait la campagne de 1792. Après la dissolution de l’armée de Condé, il se met au
583
Il est finalement nommé simple conseiller municipal. Il ne fait son entrée au Conseil général que sous la
Restauration (1818). 584
Il participe à cent dix séances du Conseil municipal de 1805 à 1814 : AML, 1217 WP 030-038. 585
ADR, 2 M 12. 586
ADR, 1 Q 326 (167,168), 302 Q 23. 587
ADR, 352 Q 16.
229
service de la Hollande et participe à la défense de Maastricht en 1793. Il rentre à
Lyon pour défendre la ville lors du siège, fait partie de la mission envoyée à Berne
solliciter l’intervention des cantons suisses. Il rejoint ensuite, en Angleterre, le
régiment du marquis d’Autichamp avant d’être, enfin, décoré en émigration de l’Ordre
de Malte (1796) et de celui de Saint Louis (1797)588. Il ne doit son retour en France,
en 1800 semble-t-il, qu’à un concours de circonstances – une homonymie – derrière
lequel on peut peut-être apercevoir un indice de la mansuétude qui est celle du
régime consulaire pour les émigrés. Il a donc fait de son émigration un combat589
pour la monarchie et les Bourbons.
Pourtant Napoléon finit par préférer d’Albon à Boulard de Gatellier. Il semble bien
que ce soit l’ascendance particulièrement illustre de d’Albon qui joue un rôle
déterminant. C’est qu’André-Suzanne d’Albon est issu d’une très renommée famille
de la noblesse d’épée du Dauphiné établie à Lyon au dix-septième siècle. Son père,
Camille-Alexis (1724-1789), prince d’Yvetot, marquis d’Albon et de Saint Forgeux,
seigneur de nombreuses terres en Lyonnais, dans la vallée de la Turdine, épousa
Anne-Marie-Jacqueline Olivier, descendante d’une famille originaire de Barcelonette
et fille du receveur général des finances de Lyon. Représentant de la branche
cadette des d’Albon de Galles, Camille-Alexis fut membre de l’assemblée provinciale
en 1787590.
André-Suzanne d’Albon a dix-huit ans lorsque, distingué après avoir reçu une
solide formation militaire, il est nommé lieutenant du roi en Lyonnais, Forez et
Beaujolais. Il marche alors dans les pas de son aîné, François-Camille (1753-1789),
maître de camp de cavalerie. C’est la Révolution qui interrompt le fil de l’existence
programmée du cadet de cette famille de vieille noblesse. Alors qu’il a obtenu, en
1790, son brevet de colonel et, en juillet 1791, sa nomination en tant que maître de
camp de cavalerie, la brutalité des événements – son frère meurt en 1789, lui-même
est enlevé en son château d’Avauges puis emprisonné durant trois jours à Saint
588
Bruno BENOIT (et alii), Vingt-quatre maires de Lyon…,op. cit., p.57-69. 589
Ce royaliste de cœur renie avec enthousiasme le régime impérial au moment de la Première Restauration. La
vigueur de son revirement et de la lutte qu’il prône dès lors contre les bonapartistes a l’effet à première vue
paradoxal de le voir d’abord désavoué par Louis XVIII - il se voit refuser la dignité de Pair de France sollicitée
le 13 juin 1814 par l’intermédiaire d’une adresse du conseil municipal et il démissionne le 6 décembre - puis
recherché par la police impériale durant les Cent-jours. 590
GUTTON, Jean-Pierre [dir.], Les Lyonnais dans l’histoire, Toulouse, Privat, 1985, p.162-164 ; ADR, 106 J.
Dossiers rouges, vol.1.
230
Forgeux avant d’être assigné à résidence à Lyon – l’amène à émigrer591. Son retour
dans sa région natale s’accompagne d’un ralliement tout pragmatique au nouvel
ordre des choses. Nommé maire de Saint Romain de Popey (1801), il y récupère en
partie ses biens confisqués. Épousant, le 17 mai 1803, l’héritière d’une autre grande
famille du Dauphiné, Marie-Thérèse de Viennois, choisissant d’abandonner, en 1810,
ses droits sur la principauté d’Yvetot dont la famille disposait depuis le mariage, en
1688, de Camille d’Albon, marquis de Saint-Forgeux, avec Julie de Crevant,
princesse d’Yvetot, mais affirmant dans le même temps ceux dont il jouit sur
Avauges, André-Suzanne renoue avec un mode de vie et un type de stratégie tant
familiale que patrimoniale qui font de lui un homme d’Ancien régime. C’est cette
caractéristique qui le distingue le plus fortement des cinq individus avec lesquels il
est placé en concurrence.
Se revendiquant de noblesse immémoriale, d’Albon n’attend pas
dédaigneusement qu’on vienne le solliciter. Il se manifeste au contraire très vivement
auprès des autorités, et se montre extrêmement actif en utilisant les réseaux.
Aucun des individus présentés à Napoléon parmi les candidats aux fonctions de
maire de Lyon ne le fut sans avoir manifesté son intérêt pour le poste. D’Albon est de
ceux qui, comme de Laurencin et Sain-Rousset, ont même activement œuvré pour
convaincre le chef de l’État du bien fondé de leurs ambitions. En effet, d’Albon réside
à Paris l’essentiel du temps durant lequel Napoléon réfléchit au remplacement de
Fay de Sathonay, c'est-à-dire du mois de janvier au mois d’avril 1813592. Il n’est pas
le seul et l’on sait que Sain-Rousset est à Paris à la fin du mois de mars 1813. Lié
aux milieux parisiens issus de l’émigration, partisans des Bourbons, d’Albon réside
dans le quartier Vendôme, rue neuve des petits champs. Il est en contact direct et
extrêmement fréquent avec Montalivet. C’est souvent pour l’informer des
renseignements qu’il tient du ministre de l’Intérieur qu’il écrit à Bondy. Il faut dire que
les deux hommes sont très engagés dans le soutien à la candidature de d’Albon.
Cela a d’ailleurs très probablement une influence sur l’identité des individus proposés
concurremment à d’Albon. Celui-ci est en effet le seul qui ne soit pas issu des
institutions municipales. La rapidité avec laquelle Napoléon écarte les trois premiers
591
AML, 2 I 16, Police générale, dossiers particuliers, A-Ba. 592
D’Albon évoque même dans une lettre à Bondy la possibilité de rentrer à Lyon compte tenu des rumeurs qui y
circulent faisant de lui un vulgaire intrigant : ADR, 8 J 2. Lettre du 22 janvier 1813.
231
noms peut laisser penser que son refus était prévisible. Un homme aussi averti que
Bondy ne peut être totalement ignorant des critères de sélection de l’empereur,
surtout qu’il est très proche du ministre de l’Intérieur.
D’Albon est d’autant plus proche du pouvoir central qu’il y a des alliés
(Montalivet) et qu’il est attiré par l’orientation monarchique de l’Empire. Ainsi dans la
manière de se signaler au prince, d’Albon renoue avec des pratiques d’Ancien
régime. Les préoccupations qui sont les siennes à cette période sont très
significatives de cet état de fait. Dans un courrier adressé à Bondy daté du 22 janvier
1813, il signale les bruits qui évoquent la possible création d’une maison militaire de
l’empereur composée « d’enfants de famille »593. Au début du mois d’avril, il informe
Bondy que le conseiller municipal lyonnais Arthaud de la Ferrière vient d’être nommé
Chambellan 594 . L’appartenance à ce réseau parisien ancré dans l’ancienne
aristocratie mais proche du pouvoir impérial permet à d’Albon d’être sans cesse tenu
au courant de l’état de la réflexion de l’empereur et d’adapter sa stratégie en
conséquence. Il est tout à fait évident que d’Albon aspire à être nommé et qu’il y
travaille assidûment.
S’il est soutenu par Montalivet et Bondy et fréquente la cour en même temps qu’il
entretient des amitiés au sein des milieux ci-devant aristocrates parisiens, d’Albon
mobilise également ses réseaux locaux, lyonnais. Il fait partie de ces propriétaires qui
vivent de leurs rentes. L’essentiel du temps, il mène une vie de château sur ses
terres d’Avauges. Par son niveau de fortune, d’Albon est proche de personnalités de
premier plan du département comme Jacques-Catherin Charrier de Grigny (1741-
1815) et, se targuant d’appartenir à une famille de noblesse immémoriale, il évolue
dans la proximité des principales familles que la Restauration récompensera
d’ailleurs parfois pour leur fidélité comme les Bona de Pérex ou les Lacroix-Laval. Au
sein de ces relations interpersonnelles, l’épouse de d’Albon joue un rôle tout à fait
important. C’est ce que signale l’unique lettre de sa main, datée du 7 avril 1813 et
adressée à Bondy. Elle y évoque le lien épistolaire nourri et de longue date entretenu
avec le préfet, dont la matière est notamment l’intercession de l’épouse de d’Albon
auprès du représentant de l’État dans le département en faveur d’amis et de
relations. Elle évoque son rôle de soutien à son mari, montrant par là combien il
s’agit d’une stratégie familiale et révélant combien l’ambition de d’Albon est
593
Ibid. Lettre du 22 janvier 1813. 594
Ibid. Lettre du 2 avril 1813.
232
réelle quoiqu’il en ait, « le cœur (ayant même) failli lui manquer au moment d’arriver
au port »595.
Influent, d’Albon doit néanmoins compter avec une certaine adversité,
notamment en provenance des personnalités lyonnaises, d’extraction moins noble et
davantage liées aux temps nouveaux. On le voit s’inquiéter du « mauvais esprit » et
des « risques de dissensions » au sein du conseil municipal, compte tenu des
espoirs et des frustrations générées par la question de la nomination du maire.
D’Albon affirme même redouter de ne pouvoir travailler avec ses possibles futurs
adjoints596. Ayant déjà dû s’incliner devant Fay de Sathonay en 1805, étant sans
aucun doute le personnage le plus investi au sein de la municipalité depuis l’an
VIII597 et ayant exercé la fonction par intérim depuis plusieurs mois, on comprend que
parmi ses concurrents, ce soit surtout Sain-Rousset qui résiste à l’activisme de
d’Albon. D’ailleurs, d’Albon refuse prudemment à la fin du mois de mars 1813 de
dîner à Paris en compagnie de Montalivet et de Sain-Rousset598. Lorsque Montalivet
incite d’Albon à ne pas renoncer à sa candidature, il lui rappelle la prééminence que
le maire a par rapport au conseil et à ses adjoints à qui il est en mesure de ne
déléguer que les compétences qu’il lui plait de déléguer 599 . Bondy, lui, assure
d’Albon que certains édiles sont tout à fait bien disposés à son égard. Il met
notamment en avant l’exemple de Charrier de Senneville et rassure son
correspondant de manière très explicite: « quant à l’opposition dont vous me parlez,
vous pouvez être rassuré ; vous serez parfaitement secondé par M. de S(enneville),
l’un des adjoints, qui a donné déjà des preuves d’un véritable intérêt » 600 .
Néanmoins, la nouvelle de la nomination de d’Albon est certainement assez mal
reçue à Lyon où Bondy signale que beaucoup de personnalités locales la critiquent
et mettent en évidence les hésitations de Napoléon, rappelant en particulier que
celui-ci a réclamé finalement deux autres noms après avoir examiné la première liste
595
Ibid. Lettre du 7 avril 1813. 596
Ibid. Lettre du 25 mars 1813. 597
CHASSAGNE, Serge, « La vie politique à Lyon … », op.cit., p.54-73. 598
« J’ai cru devoir éviter une réunion peut-être embarrassante sous certains points en ce moment » écrit-il à
Bondy le 2 avril : ADR, 8 J 2. 599
Ibid. Lettre du 25 mars 1813. 600
Ibid. Brouillon de Bondy, préparatoire à sa réponse aux courriers des 25 et 28 mars.
233
et qu’il n’a désigné d’Albon que le 27 mars alors qu’il avait annoncé sa décision pour
les premières semaines de l’année puis pour le 15 mars601.
Nommé six jours auparavant, d’Albon est finalement reçu en audience privée par
l’empereur le 1er avril 1813 à neuf heures au palais de l’Élysée. Le tête-à-tête dont
s’enorgueillit d’Albon dans un courrier adressé dès le lendemain à Bondy dure, selon
son témoignage, une vingtaine de minutes. Il est, au dire du nouveau maire,
consacré presque exclusivement à Lyon. Mais d’Albon se plaît à relater les marques
d’affection dont Napoléon l’honore et auxquelles il associe le préfet : « Vous avez été
nommé, Bondy vat (sic) bien je l’aime602, ce que j’ai eu grand plaisir à entendre. Le
ton affable et bon de Sa Ma(jesté) m’avait tellement rassuré que j’avais abjuré toute
espèce de timidité et d’embarras ». Il annonce à Bondy qu’il compte retourner bientôt
à la Cour mais cette fois « en habit de maire » pour y assister à un lever avant de
rentrer à Lyon. Le choix de d’Albon se révèle être celui d’un courtisan, sans doute
très significatif de l’évolution du régime et de l’évolution des critères de choix
napoléonien en matière d’édiles.
2. 1815 : l’année paradoxale
Profondément convaincu de sa légitimité, Louis XVIII est sans doute porté à
admettre les changements organiques de la société française. Il a en tous cas
l’habileté de clarifier suffisamment sa position sur les acquis de la Révolution pour ne
pas effrayer les hommes nouveaux603 tout en tolérant suffisamment d’ambiguïté pour
laisser espérer les nostalgiques de l’Ancien régime.
601
Ibid. Courrier de Montalivet à Bondy en date du 30 mars. D’Albon a lui-même reçu la nouvelle de sa
nomination le 27 de la bouche de Montalivet. Il en informe Bondy par lettre du 28 mars. 602
Ibid. Lettre de d’Albon à Bondy du 2 avril 1813. Souligné par l’auteur de la lettre 603
L’article 1er
de la Charte proclame l’égalité de tous devant la loi quand l’article 9 déclare l’inviolabilité des
propriétés « sans aucune exception de celles qu’on appelle nationales ».
234
2.1. La Restauration continue l’Empire
Napoléon a réalisé une synthèse nationale qui suppose l’acceptation du régime
et de son chef comme garantissant la paix civile, le maintien des équilibres sociaux
favorables aux notables et les conditions de la prospérité économique. Si la
monarchie restaurée ne rompt pas avec ce pacte fondamental, elle a toutes les
chances d’être bien reçue. Avec un peu de provocation, on pourrait voir dans la
facilité avec laquelle les édiles acceptent le passage de l’empire à la monarchie la
preuve du succès de la formule impériale. Les conditions de la Restauration
démontrent la stabilité des institutions, la force de l’organisation administrative et
politique souvent louée mais aussi de la forme de société structurée autour de cette
masse de granit que sont les notables :
On reste étonné, à la suite d’un tel changement politique, de la stabilité de l’administration,
des maires aux préfets, des juges aux procureurs généraux. Ici la continuité l’emporte
largement sur le changement. (…) La même classe reste au pouvoir, se contentant selon
l’expression de Benjamin Constant de « sauter sur une autre branche ». (…) Jamais transition
politique n’aura été aussi douce, le plus souvent par politique lorsque ce n’est pas par inertie
et horreur des changements604
.
C’est particulièrement vrai à Lyon où l’opinion publique semble plus partagée que
dans d’autres villes comparables face aux événements de 1814-1815. À Marseille et
Bordeaux, la contre-révolution triomphe 605 . À Lyon, où l’adhésion à l’Empire a
bénéficié du réflexe patriotique606 et paraît plus profonde, davantage partagée entre
les élites et la masse de la population, la mise en place par le roi de la municipalité
de Fargues illustre bien la voie modérée choisie localement. La monarchie rejette les
outrances de d’Albon et choisit de composer une municipalité qui confirme
globalement les choix de Napoléon.
604
WARESQUIEL, Emmanuel de, YVERT, Benoît, Histoire de la Restauration, 1814-1830. Naissance de la
France moderne, Paris, Perrin, 1996, p.69. 605
COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op. cit, p.247-254 ; BONNET, Christian, Les Bouches-du-
Rhône…, op. cit., p.1004-1046. 606
AN, F7 4291. Dès les premières semaines de janvier 1814, les autorités lyonnaises font part au gouvernement
de l’exaltation des esprits.
235
2.1.1. L’équilibre global est conservé
Par chacun des indicateurs choisis et observés jusqu’à présent, la municipalité
nommée par Louis XVIII au lendemain de la première abdication de Napoléon
ressemble en effet à celles qui l’ont précédée depuis la création de la mairie unique
et, en particulier, à celle de 1813. Cela tendrait à montrer que le système de
désignation de l’élite politique municipale a désormais « des structures permanentes
qui transcendent le renouvellement des hommes »607.
L’âge moyen des édiles est de cinquante ans. Au sein de cet ensemble, le noyau
exécutif de la municipalité composé du maire et des adjoints est encore rajeuni
puisque la moyenne d’âge est inférieure à quarante ans si l’on ne prend en compte
que les entrants. C’est le vétéran Sain-Rousset – baron d’Empire – qui fait grimper la
moyenne à quarante-deux ans et demi.
La proportion des propriétaires augmente légèrement au total (46 %) pour égaler
celle des négociants et des entrepreneurs mais parmi les seuls nouveaux membres
on retrouve un équilibre semblable à celui de 1814 : les propriétaires sont 43,47 % et
les négociants restent majoritaires (52,17 %). Par contre, différence tout à fait
importante, les avocats et les magistrats deviennent des acteurs mineurs (trois
individus sur trente-sept seulement).
En matière de recrutement des aristocrates le nouveau régime se montre moins
prudent et accélère l’évolution constatée depuis 1805. On recense 52,17 % de ci-
devant parmi les nouveaux, dont le maire et trois adjoints. Alors que les royalistes se
déclarent comme tels et que les fidélités au roi seraient en droit d’espérer une
récompense, on ne trouve parmi les nouveaux édiles que cinq émigrés et quatre
combattants du siège même si certains d’entre eux ont été durement marqués par
l’événement : deux des frères de Servan ont péri dans la répression de l’hiver 1793-
1794. En fait, compte tenu de l’identité des conseillers qui sont reconduits par le roi,
les anciens nobles composent plus de la moitié de la municipalité (56,75 %) et les
émigrés près d’un cinquième (18,91 %). Ces chiffres sont cependant tout à fait
proches de ce qu’ils étaient sous la municipalité d’Albon qui, notamment, comptait
déjà plus de 56 % de ci-devant. Napoléon a donc aussi largement recruté dans ces
607
GUILLAUME, Sylvie, « Avant-Propos » dans Les élites fin de siècle :XIXe et XX
e siècles. Actes de la journée
d’études du 31 janvier 1992 [Textes réunis par S. Guillaume], Talence, Éd. De la Maison des Sciences de
l’Homme d’Aquitaine, 1992, p.8.
236
milieux considérés traditionnellement comme réservés voire hostiles à son égard et à
l’égard de la nouvelle société.
Par contre, on observe que les acquéreurs de biens nationaux se font plus rares
sous l’autorité de Mallet de Fargues (trois parmi les nouveaux, on en recense au total
cinq avec certitude). Il y a là un élément de rupture absolument évident puisqu’avec
13,5 % la proportion d’acquéreurs est la plus faible sur la période. Parmi les soixante
et onze nommés par Napoléon de 1805 à 1815, cette proportion est de 25,35 %.
Mais l’impression qui domine est tout de même celle d’une forte continuité entre
les municipalités de l’Empire et celle de la Première Restauration. Comme un
symbole de cette continuité, la nomination, par décret royal du 22 novembre 1814,
du nouveau maire qui place à l’hôtel de ville Jean-Joseph Mallet de Fargues, le
neveu par alliance de Nicolas-Marie Fay de Sathonay608. Descendant d’une très
ancienne famille de la noblesse auvergnate, tôt émigré et enrôlé à quatorze ans dans
l’armée de Condé609, il s’est rallié ouvertement à l’Empire dont il est un notable
assumé avant d’accueillir à bras ouvert les Bourbons. Sous l’Empire comme sous la
monarchie, il réside rue du Plat dans l’hôtel hérité de son oncle, au cœur de ce Lyon
d’essence aristocratique mais de mœurs très conformistes610. Lorsque les Lyonnais
apprennent le nom du successeur de d’Albon, le soulagement apparaît général
comme en atteste un courrier envoyé par le conseiller de préfecture Cochard au
ministre de l’Intérieur. Autant d’Albon a rejeté violemment l’Empire et s’est signalé
par la violence de son attitude, autant de Fargues se caractérise par sa « douceur »
et sa « modestie », plus conformes au modérantisme lyonnais611.
De la même manière que Napoléon recrute très pragmatiquement ses édiles en
mobilisant les ressources disponibles au moment où il établit son régime, Louis XVIII
doit composer avec l’existant pour la simple raison que les compétences ne sont pas
toujours légion :
608
Son installation a lieu le 21 décembre de la même année par le préfet Chabrol. Il préside cinq séances du
Conseil municipal, du 11 février au 18 avril 1815 : AML, 1217 WP 037. 30 avril 1815 – 17 mai 1817. 609
ADR, 42 L 80, Siège de Lyon, dossiers individuels. De Fargues. 610
Mallet de Fargues offre aux amateurs de girouettes une manière de cas d’école : BENOIT, Bruno (et alii),
Vingt-quatre maires de Lyon…, op. cit., p.77-87. 611
AN, F 1b I 156/31. Lettre de Cochard datée du 6 décembre 1814.
237
Un premier constat s’impose rapidement, que le bon sens induit sans détour : la France n’a
pas deux élites administratives, militaires, judiciaires et universitaires. Le roi et les conseillers
avisés autour de lui comprennent qu’il faut utiliser et continuer de faire servir tout ce potentiel
que représentent les hommes de Napoléon. À leur tour, ces derniers considèrent la valeur de
tout cet acquis de places, de traitements, de grades, de fonctions, durement obtenus le plus
souvent et qu’il ne s’agit pas de galvauder, mais de conserver bien au contraire612
.
Ainsi, les ralliements à la monarchie sont nombreux et ne suscitent finalement
que peu de réactions à Lyon d’autant qu’ils sont, à quelques exceptions près,
relativement feutrés, l’outrance de certains retournements comme celui de d’Albon
disqualifiant totalement leurs auteurs.
Tableau n°28
La composition de la municipalité sous la Première Restauration613
NOM
FONCTION
ÂGE
DOMICILE
CATÉGORIE SOCIO-
PROFESSION-NELLE
MALLET DE FARGUES
maire 38 Rue du Plat Propriétaire
GODINOT adjoint 54 Rue Puits-Gaillot Négociant
LACROIX-LAVAL
adjoint 32 Rue de la Charité Propriétaire
MUNET adjoint 36 Rue des Feuillants Propriétaire
NOLHAC adjoint 38 Rue du Pérat Propriétaire
SAIN-ROUSSET
adjoint
VINCENT DE VAUGELAS
adjoint 41 Rue Sainte Catherine
Négociant
ARLES conseiller
ARTHAUD DE LA FERRIERE
conseiller
AYNARD conseiller
BODIN conseiller
BONA DE PEREX
conseiller 59 Place Louis-le-Grand
Propriétaire
BOTTU DE LIMA
conseiller 65 Place Louis-le-Grand
Propriétaire
612
SERNA, Pierre, La République des girouettes…, op. cit., p.159. 613
En italique, les quatorze individus déjà nommés par Napoléon et reconduits par le roi. Nous avons choisi de
ne pas reproduire les informations les concernant pour alléger le tableau.
238
NOM
FONCTION
ÂGE
DOMICILE
CATÉGORIE SOCIO-
PROFESSION-NELLE
BOULARD DE GATELLIER
conseiller
CHARRASSON conseiller
COURBON DE MONTVIOL
conseiller 55 Rue Saint Jean Homme de loi
DUJAST D’AMBERIEUX
conseiller
FOURNEL conseiller Négociant
FREREJEAN conseiller
GIRAUD DE SAINT-TRY
conseiller
GRAILHE DE MONTAIMA
conseiller
GUERIN conseiller 49 Quai Saint Clair Négociant
JORDAN conseiller 43 Place Louis-le-Grand
Propriétaire
LA ROUE conseiller
LECOURT conseiller 68 Cour des Carmes Négociant
LECUYER conseiller Rue du Bât d’argent
Négociant
MALLIE conseiller Place des Terreaux Négociant
MONTMARTIN conseiller 65 Rue Saint Jean Propriétaire
MOREL-RAMBION
conseiller
MOTTET DE GERANDO
conseiller 43 Quai Saint Clair Négociant
PERRET conseiller Place du Gouvernement
Négociant
REGNY PERE conseiller 66 Place de la Comédie
Négociant
ROCHE DES ESCURES
conseiller Place Louis-le-Grand
Propriétaire
RUOLZ conseiller
SERVAN conseiller 48 Place des Cordeliers
Négociant
THOY conseiller Rue du Plat Propriétaire
VINCENT DE SAINT-
BONNET
conseiller Place de la Comédie
Négociant
239
2.1.2. L’appel aux anciennes familles est relativement modéré mais il
signifie à terme la rupture
Le roi choisit clairement, dans le cadre des nominations au sein de la
municipalité, de ne pas bousculer les équilibres sociaux sur lesquels repose depuis
les dernières années de la République la paix civile à Lyon. Le recrutement impérial
a déjà largement opéré une synthèse entre les individus représentatifs des deux
France et des différentes familles des élites. Si, à l’évidence, magistrats et
fonctionnaires sont sanctionnés, les nouvelles autorités prennent soin de ne pas
provoquer la rupture du pacte local si patiemment renoué depuis la République
consulaire. Ainsi, l’appel aux anciennes familles est relativement limité. Il y a un peu
moins d’aristocrates reconduits que nommés par le roi (neuf contre treize) ce qui
signifie tout de même que parmi le personnel politique conservé, on trouve près de
deux ci-devant sur trois. On l’a vu, la proportion est un peu moindre parmi les
arrivants.
Si l’on s’arrête un instant sur l’identité des treize nobles d’Ancien régime614 que
Louis XVIII fait entrer à la mairie de Lyon, on s’aperçoit sans vraie surprise que l’on a
affaire à des personnalités qui incarnent la fidélité à la cause monarchique sans que
pour autant toutes se soient tenues à l’écart de l’honneur et des places sous l’Empire
comme l’exemple du maire Mallet de Fargues l’a montré.
À l’exception notable de Fleury-Marie Courbon de Montviol et des trois
négociants que sont les Vincent et Servan, tous sont des propriétaires domiciliés
dans le quartier d’Ainay et de Bellecour. Jean Mallet de Fargues, Pierre-Mathieu
Nolhac, Jean de Lacroix-Laval, Joseph Longecombe de Thoy ou Abel Bottu de Lima,
au moins, peuvent se targuer d’appartenir à de vieilles familles615. On repère la
persévérante application que met Nolhac à profiter de la vente des biens nationaux
de deuxième origine pour reconstituer par l’intermédiaire de son fondé de pouvoir
Jean-Jacques Corcelette, l’essentiel de trois domaines familiaux situés en
614
Il s’agit du maire Mallet de Fargues, des adjoints Lacroix-Laval, Nolhac et Vincent de Vaugelas et des
conseillers Bona de Pérex, Bottu de Lima, Courbon de Montviol, Jordan, Roche des Escures, Thoy et Vincent de
Saint-Bonnet. 615
On est mal renseignés sur les Roche des Escures.
240
Beaujolais616. La plupart de nos personnages ont un engagement politique ou public
attesté avant l’Empire et ont parmi leurs proches des militants de la cause royaliste.
Les familles Servan, Nolhac et Jordan sont consulaires. Abel Bottu de Lima, Fleury-
Marie Courbon et Camille Jordan ont participé aux combats du siège comme le père
de Nolhac ou de Lacroix-Laval – il est guillotiné le 24 décembre 1793 – ou encore le
frère de Bona de Pérex et ceux de Servan. Quatre parmi douze, au moins, ont
émigré dont un précocement (de Fargues). Ainsi, on s’aperçoit que si le roi semble
soucieux de ne pas modifier profondément les équilibres sociaux dont Napoléon a
fait dépendre le pacte local, les nominations auxquelles il se livre manifestent un
progrès des idées réactionnaires.
D’ailleurs, au lendemain de la deuxième abdication de Napoléon, certains d’entre
eux se rangent significativement parmi les ultras : de Fargues, Lacroix-Laval,
Courbon de Montviol et, au début, Jordan. De fait, davantage que la sociologie des
élites municipales, Louis XVIII et la Première Restauration bouleversent leur identité
politique.
Si l’on s’intéresse aux mois qui suivent immédiatement la période napoléonienne,
il est difficile de ne pas rapprocher des événements de 1786 ceux de l’hiver 1816-
1817 qui voient le maire de Lyon, devenu ultra, Mallet de Fargues, profiter des
troubles pour conduire une vaste répression dans la ville et les campagnes
environnantes à l’issue de laquelle plus de cent cinquante inculpés sont traduits
devant la cour prévôtale et vingt-trois condamnations à mort prononcées 617 . À
nouveau, le peuple apparaît menaçant pour des élites politiques qui se sont
éloignées des administrés après ce moment de forte radicalisation des opinions que
furent les années 1814-1815. La municipalité n’est plus garante du pacte local et
génératrice de lien politique. Elle s’offre pour fonction de discipliner par l’usage de la
violence le peuple en qui elle identifie à nouveau une foule potentiellement
insurrectionnelle. Nicolas Bourguinat montre clairement que puisque, dans l’élan
« bonapartiste » perceptible à Lyon durant les Cent-jours, les « élites, royalistes
comme libérales, reconnurent à l’œuvre la tradition des "exagérés" et des "Chalier"
(…), la question d’une rebellion frontale d’une partie de la cité contre l’autre fut alors
616
ADR, 1 Q 407 (79-82, 84, 93, 100, 100-9), 1 Q 408 (110 bis, 113, 114, 115 bis-115-5), 1 Q 409 (209), 1 Q
412 (21-23). L’opération se réalise par l’achat de 17 lots entre messidor an IV (juin 1796) et prairial an VI (mai
1798) pour la somme de 1 208 870 francs. 617
BENOIT, Bruno, L’identité politique…op.cit., p.50-53.
241
de nouveau posée »618. De la même manière, plus de dix ans plus tard, Lacroix-
Laval, devenu maire de la ville sous Charles X (janvier 1826 – juillet 1830), ne cesse
de pourfendre les libéraux et va jusqu’à tenter d’empêcher la venue de La Fayette à
Lyon en 1829619. Il se pose ainsi en défenseur de la monarchie bourbonienne contre
les tentations libérales ou démocratiques plus que comme le garant de la concorde
locale.
Malgré la volonté affichée de privilégier le pardon et l’oubli que sanctionne la
Charte octroyée le 4 juin 1814620, la maladresse de Louis XVIII a consisté à se
donner « non seulement les couleurs de l’Ancien régime mais parfois même les
formes » 621 . C’est l’heure de la résurrection de l’ancienne cour et de l’ancien
protocole, du réemploi des formules d’Ancien régime, de la restauration des maisons
civile et militaire du roi qui offrent des places aux ennemis déclarés de la Révolution
et de l’Empire. C’est l’heure aussi des commémorations expiatoires. À Lyon, certains
événements font écho à ce mouvement général de restauration des anciennes
formes et de promotion d’une mémoire royaliste. Le drapeau blanc flotte sur l’hôtel
de ville dès le lendemain de l’arrivée en ville de la nouvelle de l’abdication de
Napoléon622 et la ville reprend ses anciennes armoiries. Or, le conseil municipal de
Lyon sollicite du roi, en février 1815, le droit d’ajouter au lion traditionnel un glaive
d’argent pour signifier le soutien de la ville insurgée à la cause royale623.
Le cénotaphe commémoratif des victimes du siège inauguré en mai 1795 ayant
été détruit en janvier 1796 et le régime napoléonien s’étant montré constamment
hostile à sa réédification, une commission se met en place dès après la restauration
de Louis XVIII pour envisager la construction, aux Brotteaux, d’un monument
consacré au souvenir du martyre de 1793. La vingtaine de membres de la
618
BOURGUINAT, Nicolas, « La ville, la haute-police et la peur : Lyon entre le complot des subsistances et les
manœuvres politiques en 1816-1817 », Histoire Urbaine, n° 2, décembre 2000, p. 131-147. À la problématique
purement politique inhérente à la « phase d’établissement d’un nouveau régime » s’ajoutent d’autres tensions,
traditionnelles, entre la ville et ses campagnes, la ville et ses faubourgs. 619
BENOIT, Bruno (et alii), Vingt-quatre maires…, op.cit., p.95-102. 620
Son article 11 annonce que « toute recherche des opinions et des votes émis avant la restauration est
interdite ». 621
WARESQUIEL, Emmanuel de, YVERT, Benoît, Histoire de la Restauration…, op.cit., p.76. 622
KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, op. cit., t.3, op. cit., p.10. 623
AML, 1217 WP 036. Séance du 11 février 1815. Louis XVIII donne satisfaction au conseil municipal par ses
lettres patentes du 27 février 1819. Sur la question des armoiries, voir MONFALCON, Jean-Baptiste, Histoire
monumentale de la ville de Lyon, t.V, Lyon, Bibliothèque de la ville, 1866, p.94-101 et BENOIT, Bruno,
L’identité politique de Lyon…, op. cit., p.118-123.
242
commission présidée par Précy lui-même 624 opte pour une chapelle de forme
pyramidale dessinée par l’architecte Cochet625 sur le fronton de laquelle on peut lire
« À la gloire de Dieu. À la mémoire des victimes du siège de Lyon, 1793 ». En 1821,
la dépouille de Précy y sera solennellement déposée avant d’être rejointe, en 1823,
par les ossements, juste exhumés, des fusillés de la répression626.
La forme pyramidale, qui cherche à en faire une construction digne d’éternité, les ossements
des fusillés dans la crypte, véritables reliques des nouveaux martyrs de Lyon, la présence du
tombeau de Précy, le héros de la défense lyonnaise en 1793, font de ce monument un
véritable panthéon lyonnais en l’honneur de Dieu et du Roi. Dans ce lieu sacré, sont donc
célébrés le 21 janvier, mais aussi le 29 mai627
.
La dichotomie entre l’ancienne et la nouvelle France est de plus en plus
visible628. Alors que les soutiens de Napoléon semblent nombreux dans les milieux
populaires629, les rumeurs de rétablissement des droits féodaux ou de restitution des
biens nationaux aux anciens émigrés agitent la ville et les campagnes environnantes
et laissent craindre l’exercice d’une sévère répression de la part de ci-devant
revanchards630.
On s’aperçoit que le pacte local dépend bien sûr de la sociologie des institutions
administratives et représentatives mais aussi de leur comportement politique, au
sens où leur conception du vivre en commun implique un certain type de relations
avec les administrés. À la veille du retour de l’île d’Elbe, la distance s’est à nouveau
accrue entre les édiles et les administrés parce l’action des premiers tend à obéir
davantage à des considérations idéologiques qu’au souci du bien public.
624
On trouve trois des personnages du corpus au sein de la commission : d’Albon, Aynard et Morand de
Jouffrey. 625
Il est, avec le sculpteur Chinard, l’auteur du cénotaphe de 1795. 626
Le monument religieux des Brotteaux, Lyon, Audin, 1925, p.18-25. 627
BENOIT, Bruno, L’identité politique…, op. cit, p.118. 628
TULARD, Jean, Napoléon…, op. cit., p. 426-428. 629
KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.3, op. cit., p.15-16. ZINS, Ronald, 1815..., op.cit., p.18-19. 630
AML, 002 I 014, Police générale, événements et troubles politiques, 1814. Voir notamment les lettres du
préfet du Rhône au maire de Lyon datées du 8 novembre 1814 et du 25 décembre 1814.
243
2.2. Les Cent-jours : la restauration de l’affrontement
Les Lyonnais, qui manifestent bruyamment leur opinion sitôt la nouvelle du retour
de Napoléon connue, alimentent la réputation bonapartiste de la ville. De
nombreuses scènes de désordre se produisent à partir du 8 mars et le maire de
Fargues rédige, dès le 9, un arrêté interdisant « tout rassemblement dans les rues,
sur les ports et quais de cette ville », ordonnant la fermeture des cafés, billards et
cabarets mais aussi des portes d’allées à 9 heures du soir au plus tard, défendant
« de parcourir les rues en bandes pendant la nuit et de proférer des cris », invitant
« les postes et les patrouilles de la garde nationale à tenir sévèrement la main à
l’exécution de la présente ordonnance », puis, le 12, prescrivant l’arrestation
immédiate de « quiconque ne déférerait pas sur-le-champ aux invitations ou
sommations de tout agent de la force publique »631.
2.2.1. Le retour du clivage fondamental
La municipalité des Cent-jours est nommée depuis le Palais de l’Élysée par
décret impérial en date du 20 avril 1815. Une semaine après, le 28 avril 1815, le
préfet du Rhône632 arrête les modalités de l’installation de la nouvelle municipalité qui
doit avoir lieu le dimanche 30. Napoléon destitue de Fargues auteur d’un revirement
si spectaculaire qu’il le discrédite633 et nomme l’ancien capitaine du génie Jars,
devenu propriétaire et maire d’Écully, bonapartiste déclaré. À première vue, la
reprise en main de l’administration de la deuxième ville de France est menée
tambour battant et, un mois après son retour aux Tuileries, Napoléon a redonné une
direction claire aux affaires lyonnaises et rhodaniennes.
631
AML, 002 I 015, Police générale, événements et troubles politiques, 1815. 632
Le 12 mars, Fourier a remplacé Chabrol à la préfecture, assurant une sorte d’intérim puisque, le 17 mai, Pons
de l’Hérault sera nommé. 633
Se soumettant spectaculairement à Napoléon après avoir bruyamment appelé les habitants de la ville à lui
résister, il n’est plus que l’auteur des deux déclarations totalement contradictoires du 7 et du 11 mars 1815, la
première, dénonçant « Bonaparte, violant son serment (…) aveugle instrument des ennemis de la France », la
seconde célébrant « Napoléon (qui) éleva au plus haut degré la gloire des armes et du nom français ». Louis
XVIII fera pourtant de nouveau appel à lui après la seconde abdication de l’empereur.
244
Or, très vite on s’aperçoit que les choses ne sont pas si simples. Passé,
triomphant, par Lyon et parvenu à Paris, Napoléon ne rallie pas aussi facilement
qu’espéré les élites, fussent-elles lyonnaises 634 . Dès le 23 avril 1815, Gaspard
Vincent de Vaugelas démissionne de ses fonctions d’adjoint malgré sa reconduction
par l’empereur635. C’est le premier d’une série qui s’avère assez longue pour amener
le préfet à demander au maire, au début du mois de mai, d’établir une recension
précise des défections établies et redoutées636. Au total, ce sont dix refus qui sont
essuyés par les autorités entre le 23 avril et le 9 mai 1815. Trois individus ont refusé
les fonctions d’adjoint, sept celles de conseiller municipal comme le montre le
tableau suivant.
Tableau n°29
Refus d’appartenir à la municipalité Jars637
Aux fonctions d’adjoint Aux fonctions de conseiller
Nom Date de la démission
Nom Date de la démission
Giraud de Saint-Try
29 avril (lettre au préfet)
Buffard 7 mai (lettre au maire)
Montmartin638
9 mai (lettre au maire)
Desprez ? (avant le 2 mai)
Vincent de Vaugelas 23 avril (lettre au préfet)
Eynard 8 mai (lettre au maire)
Fournel 8 mai (visite au maire)
Merlat 30 avril (lettre au maire)
Morand de Jouffrey 29 avril (lettre au préfet)
Peillon-Souchon 29 avril (lettre au maire)
L’explication de ces refus est à rechercher essentiellement dans la pusillanimité
qui atteint les individus en cette période, particulièrement mouvante, où les repères,
634
À Marseille, les notables liés au monde des affaires se partagent entre anciens et nouveaux riches. Ces
derniers, liés au commerce continental et à la manufacture, moins choyés sous l’Empire que les grands
propriétaires fonciers, ne font finalement « rien qui puisse empêcher la chute de l’Empire » : BONNET,
Christian, Les Bouches-du-Rhône…, op. cit., p.568-569. 635
ADR, 2 M 63. Lettre au préfet du 23 avril 1815. Vincent-Vaugelas renouvelle sa démission le 29. 636
Ibid. Lettre du préfet du Rhône au maire de Lyon, le 2 mai 1815. 637
D’après ADR, 2 M 13. ; 2 M 43 ; 2 M 44 ; 2 M 63 ; et 3 M 1. 638
Il consent à rester conseiller municipal. Il avait fait son entrée au conseil sous Louis XVIII.
245
à peine établis par une quinzaine d’années de stabilité, se dissolvent et où les
solidarités de divers ordres se redistribuent. On repère trois anciens conseillers de
l’Empire. La valse des vestes a ses limites et ces royalistes ne peuvent prendre parti
contre Louis XVIII après avoir trahi Napoléon pour le rejoindre. Ce sont plutôt les
arguments avancés qui prêtent à sourire. Giraud de Saint-Try, conseiller sortant,
argue de « sa santé si faible et si chancelante » quand Morand de Jouffrey, si actif
sous la Seconde Restauration dans la commission Précy, paraît alors
particulièrement accablé :
Cependant je ne refuserais point l’honneur que l’on me fait si l’état de ma santé me le
permettait. Il est tel depuis près de deux ans que dès lors je n’ai presque rien fait au conseil
municipal et n’ai pu même me rendre exactement à ses séances ; tel que depuis quelques
mois j’aurais de la peine à remplir mes fonctions de conseiller à la Cour si je ne me trouvais
dans la troisième chambre où les audiences et les affaires sont moins multipliées639
.
Au-delà de l’anecdote, on devine la difficulté devant laquelle s’est trouvé le
régime impérial lorsqu’il s’est agi de recruter un personnel municipal nécessairement
renouvelé compte tenu des prises de position récentes, du conflit de légitimité
brutalement réapparu et du caractère possiblement risqué de tout engagement
public. Lorsque le médecin Eynard justifie son refus, il signale que ne faisant pas
partie des cent plus imposés de la ville de Lyon « il pense que c’est par erreur qu’il a
été compris dans la nomination des membres du conseil municipal »640. C’est que
l’Empire est à la recherche d’individus à même d’incarner la société nouvelle. Les
talents sont évidemment de ceux-là.
Le corps municipal finalement nommé et installé à Lyon sous les Cent-jours l’a
donc été sur une période courant du 20 avril au 9 mai 1815 641 et encore est-il
incomplet puisque manquent à cette date et ce, jusqu’à la fin de la période642, un
adjoint et six conseillers municipaux (tableau n°30).
639
ADR, 2 M 63. Lettre au préfet du 29 avril 1815. 640
Ibid. Lettre du 8 mai. Très prudent, Eynard précise que « quand il pourrait en être autrement, (…) son âge ni
sa santé ne lui permettent pas d’accepter cette place ». 641
Gancel est nommé adjoint le 6 mai par arrêté du comte Maret, alors Commissaire extraordinaire de
l’empereur dans les départements de la 19ème
division militaire. Il est installé le 9 mai. 642
Le 16 mai, le préfet sollicite du maire une liste de deux personnes par place vacante : ADR, 2 M 63. Nous
n’avons aucune trace d’une telle liste.
246
Profondément troublée sinon séduite par le retour des Bourbons, l’élite
propriétaire issue de l’aristocratie d’Ancien régime s’éloigne ostensiblement du
régime impérial. Le positionnement de l’empereur et des autorités ou de ceux de ses
partisans qui, localement, le représentent contribue à rompre l’alliance qui jusqu’alors
unissait dans un même souci de leurs intérêts respectifs et du bien public les
catégories sociales les plus enclines au royalisme et les bonapartistes. Peut-être
l’Empire n’a-t-il jamais suscité qu’une « acceptation prudente » des élites, en
particulier aristocratique alors même qu’il a « permis à la ville de retrouver sa
prospérité textile et commerçante et de faire renaître une sociabilité et un urbanisme
bourgeois dignes de ce nom »643.
Très significativement, alors que le régime a fait d’eux l’une de ses masses de
granit, la municipalité Jars ne compte que 16,66 % de propriétaires. Les nobles
d’Ancien régime ne forment plus que moins d’un cinquième du total. Parmi eux, trois
individus ont déjà fait partie de municipalités nommées par l’empereur. Hormis
l’indéboulonnable Sain-Rousset, les magistrats Rambaud et Vouty de la Tour – la
Restauration les avait écartés – ont répondu à l’appel. À ces trois barons d’Empire se
joint un quatrième, plus récent, en la personne de Passerat de la Chapelle-Catalan.
Le receveur des postes Monicault complète ce groupe.
Parmi les trente édiles, un seul est un émigré avéré. Il s’agit de Regny. Si Vouty
de la Tour a peut-être brièvement franchi la frontière après le siège et l’exécution de
son père, le jeune Nivière n’était un adolescent – il a treize ans lors de la proscription
des girondins – lorsqu’il suivit son père en Suisse.
Les royalistes disparaissent, ou presque, de la municipalité. Les anciens
combattants du siège sont moins nombreux. On a dit combien l’événement est
constitutif de l’identité politique locale et qu’à l’engagement parmi les insurgés ne
correspond pas forcément des convictions royalistes. Ainsi, il n’est pas étonnant de
compter parmi les édiles d’anciens insurgés mais ils ne sont plus qu’un peu moins
d’un sixième du total (cinq individus) et tous, à l’exception de Regny, ont déjà fait
partie de la municipalité sous le Premier Empire.
643
BOURGUINAT, Nicolas, « La ville, la haute-police et la peur…», op. cit.
247
Tableau n°30 La composition de la municipalité sous les Cent-jours644
NOM
FONCTION
ÂGE
DOMICILE
CATÉGORIE SOCIO-
PROFESSION-NELLE
JARS maire 41 Écully Propriétaire
BONTOUX adjoint 61 Quai de Retz Banquier
CHAMPANHET adjoint
GANCEL adjoint 40 (Lyon) Négociant
PASSERAT DE LA CHAPELLE-
CATALAN
adjoint 35 Rue du Pérat Propriétaire
SAIN-ROUSSET
adjoint
645
NOM
FONCTION
ÂGE
DOMICILE
CATÉGORIE SOCIO-
PROFESSION-NELLE
AYNARD conseiller
CHARRASSON conseiller
COCHARD conseiller 42 Rue de l’Archevêché
Conseiller de préfecture
ÉVESQUE conseiller 53 Place des Terreaux
Négociant
FOURNIER conseiller 46 Lyon Secrétaire général du
commissariat général de
police
FREREJEAN conseiller
GUILLON conseiller Rue Bourgchanin
Homme de loi
LEBOEUF conseiller 57 Rue du Bât d’argent
Négociant
LEROI conseiller 64 Place St Jean Libraire
LORIN conseiller 34 Rue du Plat Homme de loi
MIDEY conseiller Place de la Charité
Magistrat
644
En italique, les individus nommés par Napoléon, reconduits par le roi sous la Première Restauration.
Soulignés, les individus nommés par Napoléon, écartés par le roi et rappelés. Un astérisque pour les individus
nommés par le roi et reconduits par Napoléon. Afin de ne pas alourdir le tableau, ne sont renseignés que les
personnages nouveaux. 645
ADR, 2 M 63. Un poste d’adjoint reste vacant. On a trace du refus initial de Giraud de Saint-Try et de son
remplacement formel par Montmartin d’après un état nominatif de mai 1815. Cette modification n’a semble-t-il
jamais réellement pris effet.
248
MONICAULT conseiller 47 Rue Saint Dominique
Directeur des postes
MONTMARTIN* conseiller
MOREL-RAMBION
conseiller
MOTTET DE GERANDO*
conseiller
NIVIERE conseiller 35 Rue Royale Receveur du département
PARENT646 conseiller
RAMBAUD conseiller
REGNY PERE* conseiller
REYNE-FITTLER
conseiller 52 Rue du Bât d’argent
Négociant
SAULNIER conseiller 57 Rue du Bât d’argent
Négociant
SERIZIAT conseiller
SERVAN * conseiller
VOUTY DE LA TOUR
conseiller
Les négociants demeurent la catégorie socio-professionnelle la mieux
représentée avec la moitié des édiles. Très significativement, on note le retour au
sein du conseil municipal des hommes de loi parmi lesquels dominent toujours les
magistrats (20 %) et, tardive, l’entrée des fonctionnaires civils (13,3 %). Le régime
impérial fait donc appel aux catégories qui lui sont traditionnellement le plus liées. Il
s’agit sans doute d’un choix de la part des autorités qui veulent être certaines de
disposer de relais fidèles et loyaux voire enthousiastes en ces temps troublés. Il
s’agit probablement aussi de faire face à la désaffection des propriétaires ci-devant
et à la raréfaction des vocations. Ce parti-pris a de nombreuses limites et témoigne
de la fragilité du consensus social élaboré par l’Empire d’autant que la mobilisation
des fonctionnaires peut s’avérer tout à fait artificielle : le secrétaire du commissariat
général Fournier, nommé le 20 avril, n’assiste en réalité à aucune séance du conseil.
Clairement, Napoléon recrute parmi les hommes qui peuvent s’estimer menacés
par la Restauration. Plus du tiers des individus – onze sur trente – sont des
acquéreurs de biens nationaux, parmi lesquels Jean-Marie Parent, l’ancien maire du
Nord et adjoint de Fay de Sathonay, n’est pas des moindres.
646
Jean-Marie Parent n’appartient plus à la municipalité depuis 1810.
249
2.2.2. L’échec de la solution impériale
Le recrutement des édiles par les autorités impériales sous les Cent-jours atteste
de la fragilité de l’Empire et, in fine, de son incapacité, en situation de crise, à faire
vivre la solution qu’il a lui-même inaugurée.
Ce ne sont pas tant les équilibres sociologiques élaborés par l’Empire qui ne sont
pas efficients puisqu’on a vu que la Première Restauration les conservait largement.
C’est bien plutôt la capacité de l’Empire lui-même à s’attacher durablement les
hommes et les catégories sociales qui composent l’élite qui est en cause. Lorsque
l’Empire paraît solidement établi et que la restauration monarchique semble un
songe très lointain, les élites sont loyales, se rallient. Par contre, dès que la
monarchie se présente comme une alternative crédible à l’Empire et que celui-ci
s’identifie, même momentanément et partiellement, à la résurrection des idées et des
hommes de la Révolution, alors le pacte conclu avec les élites s’effrite. Or, par-delà
la sociologie des institutions, c’est leur comportement politique vis-à-vis des
administrés qui garantissait le fonctionnement de ce pacte local si précieux. Le déclin
de l’Empire et son rétablissement dans le contexte des Cent-jours comme l’épisode
de la Première Restauration amènent les autorités municipales à politiser leur
discours et leur action. Elles ne sont plus désormais qu’un acteur de la tourmente
loin du rôle consensuel qu’elles se donnaient jusqu’alors.
À l’image de la proclamation que rédige, sitôt après son arrivée à Lyon, Pons de
l’Hérault, devenu préfet en remplacement du comte Fourier 647 , les autorités
impériales, dans le Rhône et à Lyon, font appel à des sentiments et à des opinions
qui restaurent les clivages qui ont fait la Révolution648. En même temps on voit que
Pons tente de maintenir la possibilité d’une politique d’union, de synthèse en
préservant la possibilité des ralliements. C’est toute la difficulté de l’Empire des Cent-
jours que d’apparaître comme fidèle à ce que l’Empire a été durant dix ans tout en
647
ADR, 1 M 112, Événements politiques (an IX-1850). Nommé par décret le 17 mai, il arrive à Lyon le 6 juin et
envoie copie au gouvernement de la proclamation que nous citons ici le 12. Le ministre de la police l’en félicite
par courrier du 16 juin. 648
On voit répparaître sous la plume des différents acteurs, pami lesquels les autorités, une rhétorique que le
régime d’après Brumaire se targuait d’avoir fait disparaître. Ainsi, les événements de fructidor étaient-ils par
exemple l’occasion pour le bureau central du canton de Lyon de dénoncer la « fausse tranquillité » de la ville et
« la horde des égorgeurs » qui, en réalité, s’y formait et exerceait « sa fureur dans tous les quartiers de la
commune » : AN, F1c
III Rhône 9. Correspondance an VII.
250
prenant acte de la défection d’une partie des élites et en suscitant le soutien des
couches les plus populaires et les plus avancées :
Que veulent donc ces hommes qui, après avoir abandonné ou trahi les Bourbons, s’affichent
aujourd’hui comme les défenseurs de cette famille devenue absolument étrangère à notre
nouvelle existence sociale ?...Lyonnais, ne vous y trompez pas, ce ne sont pas les Bourbons
qu’ils regrettent ; que Napoléon leur rende les prérogatives féodales, et Napoléon sera leur
idole. Leurs plaintes ou leurs vœux ne sont pas l’effet d’un sentiment patriotique ; non, ils
n’éprouvent point ces affectations généreuses qui commandent le dévouement pour les
Princes qui se consacrent au bonheur des Peuples : l’orgueil humilié, voilà le mobile unique et
de ce qu’ils disent, et de ce qu’ils font. L’EMPEREUR crut pouvoir les attacher à la Patrie en
les comblant de bienfaits ; et cette erreur fut la première cause des maux qui ont désolé la
France.
Cependant, il faut en convenir, parmi ceux qu’on appelle les royalistes, il est une foule de
gens honnêtes qui ne sont qu’égarés : distinguons bien ceux-ci ; ne les aigrissons pas
davantage, tendons-leur une main bienveillante, et nous les ramènerons : s’ils sont bons
Lyonnais, leur retour à Napoléon sera facile. (…)
Né dans une classe laborieuse, élevé parmi les braves, mûri au milieu des hommes qui ont
contribué à la gloire de notre belle France, j’ai dû acquérir ce qu’il faut pour bien servir ma
Patrie et mon Prince649
.
Dans le même ordre d’idées, Jean-Baptiste Teste, nommé lieutenant de police
du 8e arrondissement le 4 mai 1815, fait parvenir une circulaire datée du 22 mai aux
préfets :
Mon programme est de ranimer l’esprit public dans les lieux où la malveillance le comprime,
l’entretenir où il existe, en modérer les effets là où un généreux enthousiasme pourrait
entraîner quelques dérèglements, le diriger par-dessus tout vers cet unique but, le triomphe
de l’Empereur et de la patrie (…) Quelques châteaux sont devenus le foyer de sourdes
agitations ; des prêtres, oubliant que Dieu les a institués pasteurs des peuples, les égarent et
abusent de la religion pour troubler les familles et l’état ; des gens sans aveu parcourent les
campagnes et y sèment le poison d’une funeste doctrine650
.
649
Ibid. Proclamation Pons. On dispose aux archives départementales du Rhône du brouillon de cette
proclamation ainsi que la correspondance qu’elle génère. Le soutien populaire qui se manifeste en faveur de
Napoléon sous la Première Restauration et les Cent-jours est évoqué par Louis Trénard : TRÉNARD, Louis,
Histoire sociale des idées…, op. cit., , t.2, p. 520-521. 650
Journal du département du Rhône, 23 mai 1815, p.2.
251
Si les autorités impériales dénoncent des menées royalistes qu’elles assimilent
au milieu des prêtres et des châtelains, on a pourtant trace d’actes spontanés de la
part d’individus des milieux populaires. Le 26 mars, le préfet Fourier est informé du
fait que des « particuliers » comptent arborer la cocarde blanche et prend des
mesures de police pour s’y opposer651. Ainsi, le 16 mai un simple charcutier est
arrêté et placé en détention pour « cris séditieux »652 et, cinq jours plus tard, deux
jeunes hommes sont appréhendés par la garde nationale pour avoir crié « Vive le
roi ! » près des Célestins, à 11 heures du soir653.
Dans le même temps, on note que la propagande qui, sous l’Empire est tout à
fait orchestrée par les autorités et, traditionnellement, fait de Napoléon le héros
garant de la réconciliation des Français, échappe désormais en partie au régime et
met alors spontanément en scène un Napoléon fils de la Révolution et ennemi des
rois. À l’occasion du passage de Napoléon à Lyon, on prend l’habitude, aux
Célestins, d’entonner des chansons aux titres évocateurs : « L’heureux retour » et
« La nouvelle lyonnaise ou le retour du héros par un bon Français » sont les plus
appréciées. Les paroles rédigées à la hâte sont la plupart du temps plaquées sur des
airs populaires connus. Or, ces paroles disent, tout autant que l’attachement à
Napoléon, la victoire d’un camp sur un autre :
Le printemps nous ramène
L’abeille avec les fleurs
Le lis flétrit sans peine
Devant les trois couleurs.
Bon ! Bon ! Bon ! Napoléon
Est de retour en France !
Bon ! Bon ! Bon ! Napoléon
Rentre dans sa maison !654
On peut mettre en lumière le paradoxe selon lequel alors que la Première
Restauration a été une « période relativement calme, le second règne de Napoléon
se passa en hostilités continuelles contre ses adversaires politiques et contre les
651
AML, 1225 WP 17, Faits de guerre, invasion 1814-1815. Lettre du 26 mars 1815. 652
Trace d’un royalisme populaire ? AML, 002 I 015. Lettre du préfet du Rhône au maire de Lyon, 18 mai 1815. 653
Ibid., Lettre du chef d’État major de la garde nationale au maire de Lyon, 22 mai. 654
AML, 002 I 015. Chansons au théâtre des Célestins.
252
coalisés »655. Que Napoléon soit ou non pénétré des idées de 1793, qu’il suscite plus
ou moins violemment l’excitation du sentiment populaire 656 , les Cent-jours
correspondent en effet à Lyon, comme à Marseille où est proclamé le 20 mai 1815
l’état de siège657, à un moment d’exacerbation des passions auquel les institutions
impériales, parmi lesquelles la municipalité, ont participé658.
Alors que le mois de mai 1815 est marqué par le développement du mouvement
fédératif dans la région, qui exacerbe le clivage droite-gauche659, le maire de Lyon et
quelques-uns des édiles les plus influents en prennent la tête. Les autorités de la
ville apparaissent dès lors en phase avec les campagnes environnantes dans
lesquelles l’agitation est perçue dès avant le retour de l’empereur660. Le 7 mai, le
maire Jars invite les citoyens du Rhône, de la Loire, de la Haute-Loire, du Puy-de-
Dôme, du Cantal, de l’Isère, de l’Ain et de la Haute-Saône à former une fédération
qui se structure sous sa présidence dès le 10 mai661. Parmi les autres responsables
on trouve Gancel, Vouty de la Tour au poste de vice-président et Bontoux à celui de
trésorier662.
Les quatre séances que tient le conseil municipal durant les Cent-jours illustrent
la volonté affichée de continuer à administrer la ville comme en tant de paix. Or ce
volontarisme se heurte à deux phénomènes qui ont pour effet de l’annihiler. D’abord,
la défiance de la population civile augmente dans un climat de panique ou du moins
655
GONNET, Pierre, « Les Cent-jours … », op.cit., p.57. L’auteur estime que c’est en partie sa position
géographique et son importance qui rendirent Lyon plus sensible que les autres villes à « cette agitation ». À
Marseille pourtant, les Cent-jours sont pourtant marqués par « l’agitation la plus extrême » : BONNET,
Christian, Les Bouches-du-Rhône…, op. cit., p.1033. 656
AUDIN, Tableau historique des événements qui se sont passés à Lyon depuis le retour de Bonaparte jusqu’au
rétablissement de Louis XVIII, p.35-36 657
BONNET, Christian, Les Bouches-du-Rhône…, op. cit., p.1033-1034. 658
Les couplets patriotiques qui sont chantés semble-t-il assez spontanément autour et dans les théâtres sont
copiés, imprimés et diffusés dans l’ensemble du département à l’initiative du maire Jars : AML, 1225 WP 17.
Courrier du préfet au maire en date du 13 mai 1815. 659
BEAUCOUR, Fernand, « L’esprit des fédérés de 1815, d’après un pamphlet lyonnais : un exemple de clivage
Droite-Gauche aux Cent-jours », dans Autour des mentalités politiques sous la Révolution française, 112e
Congrès national des Sociétés savantes, Lyon, 1987, T. III, Paris, C.T.H.S., p.151-164. Voir aussi : ADR, 1 M
360, Affiches politiques. 660
AN, F1c
III Rhône 9. Lettres du préfet au ministre de l’Intérieur (1814). Dans une lettre datée du 12 septembre
1814, Bondy évoque l’agitation des campagnes dans lesquelles on craint le retour de la dîme, des droits féodaux,
la restitution des biens nationaux. 661
Selon Louis Trénard, « sous la direction de Jars », cette fédération fut « une des plus florissantes de
l’Empire ». « Les fédérés lyonnais (…) songèrent une fois de plus à une dissidence régionale » : TRÉNARD,
Louis, Histoire sociale des idées…, op. cit, .t.2, p.521. 662
ADR, 1 M 360 ; GONNET, Pierre, « Les Cent-jours… », op. cit., p.115-119.
253
de désordre et de radicalisation idéologique. Ensuite, la menace de l’invasion et les
nécessités du temps de guerre distraient les autorités municipales de leurs tâches
habituelles et les accaparent au profit de missions d’ordre militaire. On peut
néanmoins considérer que l’engagement des autorités municipales lyonnaises au
sein du mouvement patriotique de résistance aux Autrichiens fait écho à la volonté
qui les caractérisa sous l’Empire d’être en adéquation avec le sentiment majoritaire
chez les administrés et, partant, respectueuses du pacte local. Il y a sans doute à
Lyon moins d’ambiguïté de la part des administrateurs locaux vis-à-vis de la volonté
des citoyens de participer à l’effort de guerre qu’il y en a ailleurs663.
663
THORAL, Marie-Cécile, « L’administration locale en temps de crise : le cas de l’Isère en 1814-1815 »,
A.H.R.F., n°339. [en ligne, URL : http://ahrf.revues.org/document2144.html]
254
Conclusion de la deuxième partie
Le 24 juin, la nouvelle de Waterloo parvenue à Lyon, Jars publie une prudente
proclamation qui évite soigneusement de désigner le régime légal préférant une
référence assez surprenante à « l’Autorité » :
De grands événements viennent de vous être annoncés (…) Ils ont frappé vos âmes
d’étonnement et de douleur ; mais le courage et l’amour de la patrie vous élèveront au-dessus
des circonstances ; la France n’est pas vaincue. Attendons avec calme le résultat de ces
grands événements et montrons-nous fidèles au devoir que nous imposent l’honneur et la
patrie. Soyez donc unis et tranquilles, que les passions se taisent, que les inquiétudes se
dissipent. L’Autorité veille sur tous et pour tous664
.
Dans l’attente de la confirmation de la chute de l’Empire, de nouvelles scènes de
violence se produisent en ville. Le 25 juin, des partisans de Napoléon font cortège et
exhibent un buste du roi de Rome665. Sur leur passage, les vivats succèdent aux
huées. Des coups sont échangés. Deux jours plus tard, un complot royaliste visant à
former une troupe qui marcherait sur Lyon est mis à jour. Dans les premiers jours de
juillet, on s’en prend aux Autrichiens. Deux officiers sont pris à partie alors que la
maison du magistrat et ancien conseiller municipal Boulard de Gatellier est
vandalisée et pillée parce qu’on aurait agité un drapeau blanc de l’une des fenêtres
donnant sur l’élégante rue du Pérat 666 . La foule se fait émeutière et il faut
l’habileté du général Bubna puis celle du préfet Chabrol mais aussi le légalisme de
Pons de l’Hérault pour permettre le retour à l’ordre en même temps que la
transmission du pouvoir au profit des autorités royalistes restaurées.
Le 13 juillet, Pons de l’Hérault rédige une proclamation très importante qui en
appelle au respect de la loi et rejette les velléités de révolte des bonapartistes667 :
Il est permis d’aimer ou de ne pas aimer telle ou telle forme de gouvernement ; mais la
désobéissance aux lois ne peut jamais être permise. Méconnaître la loi, c’est détruire le lien
664
ADR, 1 M 112, op. cit. 665
GUERRE, Campagnes de 1814 et 1815, op. cit., p.256-257. Le buste étant de cire, Jean Guerre ajoute
malicieusement : « À six heures, Napoléon II était fondu ». 666
GONNET, Pierre, « Les Cent-jours … », op.cit., p.295 667
Pierre Gonnet signale que des bandes de fédérés survivent quelques temps à la chute de Napoléon et
s’agitent : Ibid, p.121.
255
social, c’est livrer la patrie à toutes les horreurs de l’anarchie (…) ce n’est pas d’avoir déjà
obéi que vous pouvez être coupable mais vous le deviendriez en n’obéissant pas encore.
Pour prouver que vous avez toujours eu l’intention de faire le bien, continuez à bien faire :
cette arme sera la plus terrible que vous puissiez opposer à vos ennemis668
.
Le 16 juillet, Chabrol organise la rencontre au quartier général de Suchet, à
Grange-Blanche, entre Jars, Pons de l’Hérault, quelques officiers de la garde
nationale et quelques notables afin d’organiser la Restauration à Lyon669. Pons et
Jars remettent leur démission et le préfet accuse réception de leurs lettres de
démission à quatre des cinq adjoints de l’ancien maire670. Il peut alors écrire au
comte Mallet de Fargues pour lui demander de reprendre ses fonctions
conformément à ce que prévoit l’ordonnance royale du 7 juillet, de convoquer
rapidement le conseil municipal en place le 1er mars et de faire en sorte que l’hôtel
de ville arbore de la monarchie « les couleurs, les seules vraiment nationales et qui
ont fait notre gloire pendant plus de huit siècles »671.
La chute de l’Empire sanctionne l’échec du système napoléonien non pas celui
de l’organisation administrative ni de la société des notables émergente. De la même
manière, le corps édilitaire distingué à Lyon au cours de la dizaine d’années suivant
la mise en place de la mairie unique possède des caractéristiques pérennes. Les
quatre-vingt-dix personnalités du corpus et parmi elles les soixante et onze nommées
par Napoléon sont assez représentatives de ce « compromis » que l’Empire, à la
suite de la Révolution, établit durablement « sur la base de la propriété foncière et
des compétences traditionnelles »672. La part des anciens aristocrates comme celle
des individus qualifiés de propriétaires, la survivance d’une sociabilité formelle
développée sous l’Ancien régime comme celle de processus de promotion – le
cursus honorum et la distinction par le prince – traditionnels, la constance du
recrutement d’acquéreurs de biens nationaux comme de participants à l’insurrection
de 1793 nous conduisent à penser que le Premier Empire a davantage intégré et fait
668
ADR, 2 M 25, Rétablissement de l’autorité royale : démissions, reprises de fonctions (1815). 669
GUERRE, Campagnes de 1814 et 1815, op. cit., p.278-279 670
ADR, 2 M 25. Brouillon de la lettre du préfet du Rhône aux adjoints Bontoux, Champanhet, Gancel et
Passerat de la Chapelle-Catalan. Les lettres de démission de Bontoux et Passerat sont datées du 14, celle de
Champanhet du 15 et celle de Gancel du 16. 671
AML, 002 I 015. Lettre du préfet du Rhône au maire de Lyon, 16 juillet 1815. 672
CHAUSSINAND-NOGARET, Guy [dir.], Histoire des élites en France du XVIe au XX
e siècle, Paris,
Tallandier, 1991, p.287.
256
cohabiter au sein de la classe dirigeante des catégories jusque-là relativement
opposées que « consacré l’avènement d’une nouvelle classe sociale »673. En ce
sens, on peut estimer qu’à Lyon, dans le cadre du recrutement du personnel
politique municipal, le régime napoléonien est parvenu à organiser l’amorce de la
fusion des élites, condition sine qua non de leur légitimité auprès du corps social et,
partant, de la revivification du pacte local entre administrateurs et administrés.
L’évolution du régime impérial puis, surtout, les événements de l’année 1815
trahissent la fragilité des équilibres obtenus dans les années de pleine vigueur du
régime napoléonien en ce sens notamment que la place des hommes de loi, celle
des talents et, plus encore, des fonctionnaires est éminemment sensible à la
conjoncture. Malgré tout, Napoléon est parvenu à doter la ville de Lyon d’un
personnel politique adapté aux exigences et contraintes du temps. Il a su aménager
les conditions du rapprochement des catégories sociales les plus influentes et
accroître leur propre légitimité à administrer ensemble la chose publique. Bien sûr,
l’élite des notables c'est-à-dire des propriétaires fonciers – anciens nobles, bourgeois
et/ou profiteurs de la Révolution – dont est issu l’essentiel du corps édilitaire est dès
lors à même de survivre au régime dont elle s’éloigne puisqu’il n’apparaît plus
clairement comme le meilleur garant de sa prospérité. Ainsi Napoléon ne parvint pas
à s’attacher suffisamment durablement et profondément cette nouvelle élite pour
qu’elle prît fait et cause pour l’Empire et son chef dans les moments de crise. C’était
une chose que d’être placé au cœur de l’Empire, c’en était une autre que d’avoir
l’Empire au cœur. Néanmoins, malgré l’exacerbation des passions contemporaines
des événements qui ont suivi la première abdication de l’empereur, on ne trouve pas
à Lyon trace d’un rejet massif de sa personne et des institutions de la part des édiles
lyonnais. Tout au plus se détachent-elles d’un homme et d’un régime qui n’incarnent
plus l’opinion dominante faite de modérantisme et d’aspiration à l’ordre. Reste que,
durant son règne, Napoléon bénéficie en la municipalité lyonnaise et ce, aussi
longtemps qu’il dispose de la légitimité matérielle et exerce une autorité
incontestable, d’un relais efficace et loyal de sa politique. Placé aux commandes
d’institutions municipales redéfinies dans leur statut, leurs pratiques et leurs
prérogatives, le personnel politique lyonnais fut en mesure de conduire une action
673
Ibid.
257
efficace au service des administrés, de la ville et, partant, de l’Empire et du système
napoléonien.
259
Les revers finalement accumulés par l’Empire et qui aboutissent à son
effondrement, la période d’intense instabilité qui clôt la décennie à laquelle on
s’intéresse ne doivent pas masquer que, de septembre 1805 au printemps 1814, la
municipalité lyonnaise correspond à un cadre institutionnel et à un ensemble
d’individus dont la caractéristique principale est la stabilité. Les édiles, recrutés selon
des critères qui varient peu, exercent leurs fonctions au sein d’une organisation
administrative rationalisée, sous la surveillance d’un pouvoir politique fort et constant.
La politique municipale conduite à Lyon dans le cadre de la mairie unique jusqu’à la
première abdication de l’empereur doit donc être considérée comme un produit de la
construction napoléonienne. Elle est conçue par les différents acteurs, locaux et
nationaux, comme s’insérant dans un mouvement long, un régime et un système
durables. En connaître les modalités ainsi que les ambitions, les réalisations et les
échecs participe de l’intelligibilité et de l’évaluation de l’organisation impériale.
Au-delà des limites fixées à son action par la loi, la municipalité subit sur toute la
période une importante contrainte financière qui tient davantage à la définition de
règles budgétaires et comptables strictes qu’à la faiblesse, relative, des moyens
(section 1). Elle n’en développe pas moins une intense activité, qui surprend au
regard des bornes étroites qui l’encadrent et du contrôle tatillon auquel elle est
soumise. Conformément à la formule impériale de refondation du pacte local, la
politique municipale est d’abord affaire de sécurité, d’assistance et de subsistance,
en un mot celle d’une institution protectrice (section 2). Les édiles ont malgré tout la
réelle ambition de promouvoir la ville au sein du système napoléonien, en particulier
par le biais de projets urbanistiques et d’aménagement tout à fait importants (section
3) mais aussi au moyen d’une politique de développement des fonctions
métropolitaines de la ville et de son élévation dans l’Empire (section 4).
260
Section 1. La contrainte financière
L’action conduite par la municipalité lyonnaise sous le Premier Empire se
développe dans le cadre d’une rigoureuse délimitation de ses prérogatives
institutionnelles, produit de son positionnement au sein de l’organisation
administrative du pays. Mais elle est aussi largement subordonnée à la capacité
financière dont le régime dote la ville de Lyon. La procédure budgétaire est très
encadrée et constitue en elle-même une contrainte limitant en particulier la liberté
d’ordonnancement des dépenses. En outre, les moyens portés au crédit de la
commune au début de chaque exercice dépendent de ressources dont la diversité
aussi bien que le montant sont limités.
1. Le strict cadre juridique de la pratique budgétaire
Le régime napoléonien a le double souci de connaître et de contrôler les finances
locales qui, si elles étaient mises sous tutelle sous l’Ancien régime, n’étaient pas
toujours clairement organisées ni tout à fait transparentes. Ainsi, en ce domaine
comme dans celui de l’administration générale, le Consulat et le Premier Empire sont
un moment de rationalisation et d’harmonisation des procédures.
Le travail budgétaire des édiles s’organise, en effet, en fonction d’une procédure
extrêmement réglementée : ils ont en charge l’élaboration du budget qu’ils
soumettent à l’empereur par l’intermédiaire du préfet, la mise en œuvre du budget
rendu exécutif par décret impérial puis la vérification des comptes en fin d’exercice.
Si le maire a la haute main sur la préparation du budget, il revient à la
commission, désignée à cette fin par le conseil, de l’assister et de présenter le projet,
normalement en début de session ordinaire. Le conseil municipal s’occupe de la
rédaction du budget lors de sa session constitutionnelle qui est définitivement fixée
au 1er mai par un décret impérial du 14 février 1806. La session constitutionnelle dure
en principe quinze jours mais peut être prolongée sur décision du préfet, avec un
ordre du jour très précis (ce qui vaut également pour toutes les convocations
extraordinaires du conseil). Lors de cette session, les édiles examinent les projets,
261
article par article, mais ils s’en remettent dans presque tous les cas aux conclusions
de la commission et du maire. Le budget est réparti en plusieurs titres et chapitres.
La présentation doit en être faite en cinq parties : l’administration des hospices, les
dettes, les recettes municipales, les dépenses ordinaires et les dépenses
extraordinaires. Observons tout de suite que placer en tête des dépenses les
hospices, c’est placer en tête des obligations de la municipalité ses obligations
sociales d’assistance. C’est faire de la municipalité un organe protecteur. C’est aussi,
par le poids que représente cette partie dans l’ensemble, limiter, grever grandement
les capacités d’action des édiles.
L’arrêté du 4 thermidor an X (23 juillet 1802) prévoit que le conseil délibère sur
chacun des articles et doit indiquer les moyens d’augmenter les recettes ordinaires
puisqu’il lui est interdit de couvrir des dépenses ordinaires par des recettes
extraordinaires.
Ordinaires ou non, les dépenses sont, à compter de la circulaire du 28 août 1806,
séparées en huit chapitres :
- frais d’administration,
- police, salubrité, grande et petite voirie,
- garde nationale,
- travaux publics,
- secours publics
- instruction publique,
- cultes,
- fêtes et dépenses imprévues.
L’article 8 de l’arrêté du 4 thermidor an X (23 juillet 1802) interdit tout déficit et fait
de ce refus des excédents de dépenses la contrainte fondamentale de l’exercice
budgétaire. Il se trouve que dans son avis du 12 août 1807, le Conseil d’État rappelle
d’autres principes généraux qui, pour être subordonnés au premier, n’en sont pas
moins impératifs : la commune ne peut engager aucune dépense sans autorisation
préalable de l’administration, les fonds inscrits au budget ont une destination qui ne
peut être modifiée, la commune n’a que la disposition des fonds qui lui ont été
attribués et le budget approuvé par le pouvoir central doit être exécuté sans
modification
262
Les édiles rédigent en outre un rapport détaillé d’une vingtaine de pages qui est
annexé au budget proprement dit et qui l’éclaire, parfois en décomposant les crédits
dont le budget ne donne que l’enveloppe globale mais le plus souvent en justifiant
l’allocation de la plupart des dépenses.
Le budget, une fois voté, est destiné au préfet qui l’annote, modifie certaines
lignes tant au niveau des recettes qu’à celui des dépenses et le communique au
ministre de l’Intérieur. Le décret du 14 février 1806 impose pour les villes les plus
importantes, c'est-à-dire disposant de plus de 20 000 francs de revenus, un délai
maximum de deux mois entre la délibération et la réception à Paris. Le décret du 12
août 1806 ordonne au préfet d’envoyer le budget avant le 1er août pour que le décret
d’approbation puisse être signé avant le 31 décembre. Dans la pratique, ces délais et
ce rythme ne sont jamais tenus674.
L’exécution du budget et plus largement le maniement des finances communales
sont confiés depuis la loi du 21 frimaire an VII (11 décembre 1798) à un préposé
spécial choisi sous le Consulat et l’Empire par le conseil municipal et le préfet. Ce
préposé – le receveur675 – est assujetti à un cautionnement, chargé d’acquitter les
dépenses ordonnancées par le maire et de percevoir les recettes. Ses paiements
doivent respecter des formalités très strictes : les mandats portent les noms des
ayant-droits, la nature et le motif de la dépense, la somme, l’exercice et le chapitre
d’affectation sur le budget676. Le receveur n’a pas le droit d’acquitter une dépense
tant que le budget n’a pas été approuvé par l’empereur. Ni le maire, ni le préfet ne
peuvent hâter le mouvement. Le receveur ne peut échapper à cette rigueur
réglementaire que dans le cas de deux crédits dont l’État est destinataire, le dixième
de l’octroi pour le pain et les soupes et le vingtième des recettes pour l’entretien de la
compagnie de réserve. Compte-tenu des retards progressivement pris par la
procédure budgétaire, le décret impérial du 27 février 1811 stipule qu’en cas de non
réception du budget, les paiements seront autorisés dans la limite des sommes
versées l’année précédente. C’était déjà le cas pour les crédits des hospices payés à
la fin de chaque mois dans la limite du quinzième des sommes allouées l’année
674
Les budgets de la ville délibérés par le conseil municipal et décrétés par le chef de l’État entre 1807 et 1815
sont présentés en annexe III. 675
À compter de septembre 1807, il s’agit de Jean-Aimé-Ange Regny. Il quitte alors ses fonctions de conseiller
municipal. 676
AML, 28 WP 004-013, Bureau de comptabilité : grand livre des dépenses et recettes (par exercice annuel).
263
précédente. En outre, on a trace auparavant d’autorisations extraordinaires,
transmises au receveur, d’acquitter des dépenses précisément désignées, sous la
forme de circulaires du ministre de l’Intérieur677. Le receveur tient le registre précis
des recettes et dépenses du 1er janvier jusqu’au mois d’avril de l’année suivante :
l’année budgétaire excède de quatre mois l’année civile.
La vérification des comptes se fait en séance du conseil municipal après que le
receveur les a remis au maire qui les dépose à son tour sur le bureau de l’assemblée
avant de quitter la salle le temps de leur examen. Une commission dite de reddition
des comptes – il s’agit du compte de caisse – guide la séance par un rapport
circonstancié que les conseillers votent ensuite, généralement en complimentant le
maire pour son action et le receveur pour l’accomplissement rigoureuse de sa tâche.
Cette étape de la procédure est donc très formelle. Elle permet tout de même au
conseil de manifester plus ou moins démonstrativement son adhésion à la politique
du maire. Ainsi, en janvier 1811, les conseillers présents lors du rapport de la
commission des comptes décident-ils d’envoyer une députation au domicile de Fay
de Sathonay, rue du Plat, pour lui « exprimer toute sa satisfaction du compte qui
vient de lui être rendu et de la continuité de son zèle dans l’action qui lui est
confiée ». Ne réfrénant pas leur élan enthousiaste, s’accordant « sur la justice de
donner aux administrateurs cet unique dédommagement de leurs travaux », ils votent
à l’unanimité l’impression du compte administratif afin d’informer « les membres
nombreux d’un conseil sujet à se renouveler », et « d’édifier leurs concitoyens sur
l’emploi des deniers communaux »678. Il va sans dire que la vérification des comptes
qu’effectuent le préfet mais aussi bientôt l’administration centrale du Trésor est bien
plus redoutée. Ainsi le respect des règles de la comptabilité publique est-il très
strictement exigé du receveur de la ville qui doit présenter sa comptabilité à la fin de
chaque exercice mais aussi parfois subir le contrôle physique de sa caisse comme
c’est le cas lors de la vérification inopinée effectuée par un inspecteur de première
classe du Trésor impérial en juin 1811679.
Distincte de la reddition des comptes a lieu la présentation de la gestion
administrative à laquelle se livre le maire lui-même. Le rapport n’appelle pas
677
AML, 1402 WP 003, Budget : exécution : recettes et dépenses. Voir en particulier les courriers du préfet au
maire des 26 janvier 1807 et 28 janvier 1808 et la circulaire du ministre de l’Intérieur du 14 janvier 1807. 678
AML 1217 WP 033. Séance du 29 janvier 1811. 679
AML, 1402 WP 003. Procès-verbal du 27 juin 1811.
264
discussion et il est suivi, là encore, d’un vote unanime du conseil. Le rapport est
néanmoins l’occasion parfois pour le maire de mettre en perspective son action et de
signaler ses limites tout autant que ses réussites.
2. Les recettes et leur évolution
Il existe deux sortes de recettes inscrites au titre 3 du budget de la ville dont
l’importance est sans commune mesure. Les recettes ordinaires sont constituées
avant tout de l’octroi mais aussi du produit de diverses fermes et taxes. Elles
composent l’essentiel des moyens à partir desquels la municipalité peut envisager de
déployer son action. Les recettes extraordinaires sont surtout obtenues grâce au
solde éventuel des exercices antérieurs et s’avèrent à la fois bien plus faibles et
beaucoup plus aléatoires.
2.1. Les recettes ordinaires
Les recettes ordinaires, qu’ils s’agissent de celles votées par le conseil ou de
celles effectivement décrétées par Napoléon, suivent une évolution semblable. Elles
augmentent lors des premières années de l’Empire, sensiblement en 1809, et
diminuent ensuite malgré un léger rebond en 1815. L’activité se contracte en 1810-
1811 sous l’effet de la crise économique. Les recettes avérées ont atteint en 1815 un
niveau inférieur à ce qu’il était en 1807. On constate que l’empereur rectifie assez
peu le montant proposé par les édiles et que les ajustements auxquels il procède ne
correspondent pas à une volonté délibérée d’augmenter ou de diminuer le chiffre
avancé primitivement. Napoléon conserve l’estimation des édiles en 1807, 1808,
1809 et 1811, la diminue très faiblement en 1810 et 1812 et la majore tout aussi
faiblement en 1813. Les écarts plus prononcés que l’on trouve en 1814 et 1815 alors
que le budget est décrété par Louis XVIII s’expliquent par la volonté initiale des
édiles d’augmenter globalement le budget dans lequel ils cherchent à inclure, au
bénéfice des troubles, l’apurement des dettes accumulées au cours des exercices
précédents.
265
Au sein des recettes ordinaires, le produit de l’octroi représente
systématiquement plus de 90 % avec un maximum de 92,80 % en 1808 et un
minimum de 90, 66 % en 1811. C’est tout à fait considérable, bien supérieur à ce que
l’on trouve à Marseille (84,82 %) et à Bordeaux (79,78 %) 680 . Les variations
annuelles, somme toute modestes, disent assez fidèlement l’impact de la conjoncture
économique, le ralentissement de l’activité induisant la diminution des flux et
l’augmentation très modérée du tarif ne suffisant pas à combler la baisse du
rendement des droits.
Tableau n°31
Les recettes ordinaires et leur évolution (1807-1815)
Montant des recettes ordinaires (en
francs)
Variation par rapport à l’année précédente
(somme effective)
Voté par le conseil Décidé par l’empereur ou le
roi
1807 2 228 592 2 228 592
1808 2 284 636 2 284 636 + 2,51 %
1809 2 598 833 2 598 833 + 13,75 %
1810 2 459 225 2 458 225 - 5,81 %
1811 2 325 047,10 2 325 047,10 - 5,41 %
1812 2 265 514,10 2 261 614, 10 - 2,72 %
1813 2 238 779,10 2 242 739,10 - 0,08 %
1814 2 507 246,10 2 209 166,10 - 1,49 %
1815 2 275 818 2 216 971 + 0,35 %
Parmi les recettes de l’octroi, on peut regrouper les droits en quatre catégories
selon qu’ils touchent aux liquides, aux comestibles et essentiellement à la viande,
aux combustibles et au fourrage. Les boissons fournissent près des trois quarts de la
valeur de 1806 à 1811 mais ce chiffre est en baisse681. La nette baisse du tarif du vin
et de la bière fabriquée dans les murs sous la régie municipale se conjuguent ici
avec la baisse de la consommation liée aux difficultés économiques. Leur cherté 680
COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op.cit., p.103. 681
Les Archives municipales disposent d’une série complète pour cette période avec des séquences de cinq
jours : AML, 1411 WP 048, Octroi de Lyon. Comptabilité statistique : produit des taxes.
266
dans les années 1810 et 1811 explique la baisse du rendement des droits sur les
charbons et le bois. Ce sont les hausses de tarif sur la viande de bœuf et de mouton
qui accroissent les revenus tirés des comestibles alors qu’en dépit de sa forte
progression la part représentée par les fourrages reste marginale. La mise en regard
des statistiques pour l’année 1814 confirme ces tendances.
Tableau n°32
La structure des revenus de l’octroi
Part de la valeur 1806-1811
Variation de la valeur 1806-1811
Part de la valeur 1814
Boissons 73,20 % - 29,55 % 68,57 %
Comestibles 21,43 % + 12,32 % 25,83 %
Combustibles 4,22 % - 21,77 % 4,21 %
Fourrages 1,15 % + 25.70 % 1,38 %
Les autres recettes ordinaires peuvent, pour l’essentiel, être regroupées en
quatre catégories. Par ordre d’importance, on trouve d’abord deux postes assez
équivalents formés l’un par l’ensemble des fermes du poids public, l’autre par la
ferme de maisons et usines communales (entre 2,6 et 2,8 %). Ensuite viennent les
centimes additionnels dont la part passe approximativement de 1 à 2 % du total entre
1806 et 1811. Enfin une série de droits perçus sur les documents délivrés ou les
permis accordés par l’administration municipale et les amendes complètent
l’ensemble.
Le Consulat a permis, par la loi du 29 floréal an X (19 mai 1802) en particulier, de
créer le poids public dans les communes d’importance. À Lyon, la municipalité n’a
aucune prérogative sur cette administration si ce n’est qu’elle préside à l’adjudication
des fermes dont elle tire un revenu conséquent et en progression sur la période. La
mairie profite du premier renouvellement des fermes pour en fixer le prix en fonction
des revenus établis depuis le début de l’Empire et l’année 1807 est celle d’une très
forte augmentation du prix des fermes. Par la suite, les ajustements sont modérés et,
si la ferme du poids public proprement dite et celle du mesurage des grains
267
augmentent légèrement, celles du mesurage des charbons et du pesage des foins
enregistrent une petite baisse682.
Tableau n°33
Le prix des fermes du poids public à Lyon en 1807
Prix en 1807 (en francs) Évaluation par rapport à
1806
Ferme du poids public 10 000 Id.
Ferme du mesurage des grains
12 000 + 32,81 %
Ferme du mesurage des charbons et du pesage des
foins
16 060 + 77,67 %
Ferme du curage de la ville et d’extraction des fosses
d’aisance
18 000 + 157,14 %
La ville loue un certain nombre de ses propriétés dont elle tire un revenu qui
augmente jusqu’à ce qu’il soit affecté, en 1810, par la cession non compensée de
l’ensemble des Jacobins au département sur décision du gouvernement et par le
départ de la Loterie du bâtiment de Saint Pierre (palais des arts) ce qui représente
une perte sèche supérieure à six mille francs sur un montant de près de quarante
mille francs. Ce manque à gagner n’est que partiellement compensé par la mise à
bail de la Déserte pour 2 794 francs à compter de 1811. Par ailleurs, la municipalité
loue les bâtiments dits du grand collège qui accueillent le lycée683 (dix-sept mille
francs en moyenne) mais aussi quelques maisons et quelques petites boutiques,
près de l’hôtel de ville et de l’église Saint Nizier en particulier, pour un montant global
supérieur à trois mille francs à partir de 1808.
Une part des contributions publiques alimente également les actifs de la
commune. Sous l’Empire, le système de répartition des centimes additionnels
évolue. Seuls les cinq centimes additionnels de la contribution foncière sont
conservés en l’état et assurent une rente invariable fixée à trente-sept mille cinq cent
682
La ferme du pesage des foins est séparée de celle du mesurage des charbons au 1er
janvier 1811. 683
La localisation de ces bâtiments figure en annexe VI.
268
quarante francs. La patente, elle, est réformée par la loi du 2 ventôse an XIII (21
février 1805) qui fait supporter par les communes des allégements consentis aux
contribuables – les décharges – ce qui a pour conséquence de priver totalement
Lyon de cette ressource en 1807 et 1808. Le conseil municipal n’aura de cesse de
réclamer son rétablissement 684 et obtiendra d’inscrire vingt mille francs annuels
d’actifs au titre de la patente à compter de 1809 alors même qu’il estime avoir droit
au double en fonction de la règle en vigueur du huit dixième de décime par franc. Par
un décret du 10 mars 1807, l’État est engagé à payer les arriérés dus à la ville, ce
qu’il fera partiellement au titre des recettes extraordinaires. Les centimes additionnels
de la contribution mobilière sont eux purement et simplement supprimés puisque,
sous l’Empire, la ville en acquitte directement le montant au Trésor.
La délivrance d’actes et de permis divers par l’administration municipale est une
source de revenu qui pour n’être pas négligeable demeure tout de même marginale.
Elle est augmentée, à compter de 1810, de droits perçus sur l’expédition d’actes
d’état civil alors même que la délivrance des passeports ne génère plus qu’un très
faible profit depuis que le ministère de la Police fabrique lui-même les documents
qu’il distribue aux mairies contre une contribution (soixante centimes par passeport)
et que le maire s’est refusé à augmenter la taxe afférente, déjà élevée (un franc
cinquante), qui pèse principalement sur les ouvriers et artisans.
Il faut observer enfin que la ville de Lyon ne tire aucun revenu de la tenue de
foires ou marchés à l’exception des deux cents francs par an que lui rapportent
l’allocation de places aux halles685.
684
AML, 1217 WP 031. Voeu du 27 juillet 1807. 685
On est très loin des 143 041,60 francs que rapportent en moyenne chaque année à Bordeaux l’organisation
des foires et marchés : COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op. cit., p.125-127.
269
Tableau n°34
Les principales recettes ordinaires, hors octroi, de 1807 à 1811 (en francs)
1807 1808 1809 1810 1811
Centimes additionnels
37 540 37 540 63 540
72 540
72 040
Ferme de maisons et
usines communales
57 802 59 336 61 608 60 200 57 843
Ferme du poids public
56 000 58 000 62 045 61 985 60 860
Actes et permis
9 100 9 000 9 000 10 700 11 500
2.2. Les recettes extraordinaires
La première ligne des recettes extraordinaires doit être constituée des reliquats
des exercices précédents. Compte tenu du retard rapidement pris par la procédure
budgétaire, ces « boni » furent rarement ceux de l’année immédiatement
antécédente686. On trouve aussi au rang des recettes extraordinaires, les ventes de
biens fonciers effectuées par la commune mais cette entrée est irrégulière et ne
porte que sur des sommes modestes : trois mille francs en 1808 pour la vente d’un
terrain à Monchat, trois mille six cents francs en 1809… En réalité, l’essentiel des
recettes extraordinaires a consisté en le versement par l’État de sommes
correspondant au règlement d’arriérés et à la régularisation de déséquilibres dus à
des mesures exceptionnelles comme par exemple l’avance faite par la municipalité
de Lyon pour la location du palais archiépiscopal de l’an XI à 1806687. Évidemment
dépendantes de la conjoncture et du bon vouloir impérial, ces recettes sont
irrégulières et aléatoires. En outre, la détermination de ces recettes est souvent
l’enjeu de réclamations de la part de la mairie. Ainsi, désireuse de voir les
départements contribuer à hauteur de leurs engagements au remboursement des
frais engagés pour des travaux à la cathédrale Saint Jean, la municipalité inscrit-elle
686
Napoléon n’inscrit explicitement le reste de l’exercice précédent (19 827 francs) qu’à l’actif du budget 1809. 687
40 500 francs figurent à ce titre au budget de 1808.
270
au projet de budget les sommes en question (96 390 francs en 1807) afin d’amener
le gouvernement à prendre position. Le décret impérial du 18 mars 1807 se
prononce pour le remboursement par les trois départements du diocèse sur leurs
centimes additionnels.
Tableau n°35
Les recettes extraordinaires de 1807 à 1815 (en francs)
1807 400 000
1808 87 181,54
1809 271 009,90
1810 402 045,68
1811 76 697,92
1812 91 725,49
1813 118 785,63
1814 16 304,35
1815 25 922
2.3. Les régimes de l’octroi : un enjeu politique
Au vu de la répartition des recettes et de la part remarquable en leur sein des
produits de l’octroi, on comprend que son organisation ait beaucoup occupé les
édiles.
À sa mise en place, la mairie unique hérite d’un octroi confié à un régisseur
intéressé qui assume complètement la gestion et verse une part des recettes à la
commune, variable en fonction des résultats et du tarif. Le bail du régisseur-
adjudicataire se terminant au début de l’année 1807, la question se pose assez
rapidement d’organiser sa succession. Une commission s’attelle à rédiger les articles
du bail à proposer à une nouvelle adjudication et le conseiller Mayeuvre de
Champvieux les présente à ses collègues en juillet 1806. Au cours de trois séances,
les conseillers et le maire se mettent d’accord sur les conditions à exiger du prochain
régisseur. Le cahier des charges s’articule autour de quelques points
271
fondamentaux688. Le système prévu est à la fois simplifié par la mise en place d’un
tarif rationalisé et d’une caisse unique et étroitement contrôlé par la mairie. Selon
l’article premier « la perception de l’octroi municipal et de bienfaisance de la ville de
Lyon sera donnée aux enchères en régie intéressée, pour le temps déterminé de
cinq années, neuf mois et environ neuf jours qui commenceront à l’expiration du bail
courant et finiront au 31 décembre 1812 ». La somme annuellement assurée à la
commune en principal est de deux millions, montant qui « sera invariable à quelque
somme que puisse s’élever le produit éventuel de l’octroi » (article 4) alors même
que les frais de fonctionnement, traitements du personnel compris, sont estimés à
deux cent mille francs et sont laissés à la charge du régisseur. La municipalité
conserve en outre le pouvoir de destituer les employés bien qu’ils soient choisis par
le régisseur qui, en outre, n’aura d’autre caissier que le receveur de la ville dont le
maire ordonnance les dépenses, y compris la part du produit payant l’adjudicataire.
Les édiles se montrent donc soucieux de conserver les moyens du contrôle de
l’administration de l’octroi considérée comme un prolongement du pouvoir municipal.
Or, le gouvernement modifie profondément le cahier des charges en décidant
l’augmentation du niveau de soumission, la réduction de la durée du bail et en se
dotant de la faculté de résilier le contrat sans condition autre qu’un préavis de deux
mois.
En février 1807 s’ouvre la période durant laquelle les soumissions peuvent être
présentées à l’hôtel de ville. Or lorsque cette période légale se termine, le 10 mars,
aucun postulant ne s’est déclaré. Alors que le bail échoit le 21 mars, une séance du
conseil municipal se tient le 10 mars, d’abord en présence du directeur des Droits
réunis et du commissaire près l’octroi avant de se poursuivre en leur absence. Les
raisons de l’absence de soumissionnaires sont discutées et, parmi celles-ci, sont
retenues le ralentissement de la consommation et, surtout, les modifications
apportées unilatéralement par le gouvernement au cahier des charges. À cet instant
le maire aidé par la commission constituée sur le sujet prend une initiative très
importante689. Il propose aux édiles de saisir l’opportunité pour changer le mode
d’exploitation de l’octroi et opter pour la régie simple c'est-à-dire la régie municipale.
Sans omettre de rassurer les conseillers en leur rappelant que deux expériences de
688
AML, 1411 WP 018, Octroi de Lyon. Régimes de gestion. Régie intéressée. 689
La commission est composée de d’Assier de la Chassagne, Boulard de Gatellier, Champanhet, Charrasson,
Dervieux, Devillas-Boissière et Mayeuvre de Champvieux.
272
régie directe, certes temporaires, ont eu lieu avec un certain succès sous les trois
mairies690, Fay évoque la « perspective satisfaisante » qui se présente «lorsque la
paix, renouant nos relations commerciales, ramènera l’abondance au sein de cette
cité en donnant un nouvel essor à l’industrie, au commerce et aux manufactures de
ses habitants !»691. Dès lors les édiles sont convaincus du bien-fondé de la stratégie
définie par le maire et font preuve d’une réelle détermination. En effet, alors que le
ministre des Finances revient dans une décision du 3 mars sur les modifications
apportées au cahier des charges pour les annuler et que le préfet d’Herbouville
relance le processus d’adjudication, la mairie profite du départ de l’ancien régisseur
pour mettre en place la régie directe. Prévue pour être transitoire, cette expérience
va au contraire permettre au maire et aux conseillers de justifier leur choix en faveur
de la gestion municipale de l’octroi. En décembre 1807, les édiles ont reçu cinq
soumissions mais, constatant que les recettes sont supérieures en l’absence d’un
adjudicataire, ils votent, sur le rapport de Chirat, une délibération en faveur de la
régie directe.
Lorsque le 8 mars 1809, Fay présente un bilan sur la perception de l’octroi en
1807 et 1808, il peut se réjouir de ce choix qui a fait gagner à la ville, pour l’exercice
1808, plus de deux cent mille francs par rapport à l’ancienne gestion dans un
contexte – décret de Berlin et paix de Tilsitt se conjuguent –, il est vrai,
considérablement amélioré692. De fait la période de régie directe de l’octroi est une
période d’augmentation des recettes qui s’accompagne d’une action de maîtrise des
tarifs. En mai 1809, le conseil procède même à une baisse du tarif sur le vin ; en
janvier 1810, il renonce à toute augmentation693. Ce sont les difficultés économiques
et la crise de la Fabrique de l’année 1811 qui tarissent de façon considérable les
revenus de l’octroi avant que Napoléon ne décide de confier à la régie des Droits
réunis la direction de tous les octrois de l’Empire par le décret du 8 février 1812.
À Lyon, ce changement d’importance prend effet le 1er avril 1812. S’il n’en est
pas responsable, il se trouve qu’il coïncide avec un ralentissement brutal de l’activité
et donc une chute des recettes. Le maire et le conseil n’ont pas perdu toute
690
AML, 1411 WP 018. Régie directe temporaire. 691
AML, 1217 WP 030. 692
AML, 1217 WP 031. 41 665 hectolitres de vin, 1 164 hectolitres d’eau de vie, 698 bœufs, 6 365 moutons, 999
porcs, 59 154 kg de viande, 353 000 fagots…de plus qu’en 1807 sont entrés à Lyon en 1808. 693
AML, 1217 WP 032. Séances du 15 mai 1809, des 3 et 15 janvier 1810.
273
prérogative. Le maire contrôle la perception et le conseil peut délibérer sur le
règlement et le tarif, ce qu’il ne se prive pas de faire. Toujours, les édiles militent pour
une baisse des taxes à la fois pour des raisons humanitaires car elles pèsent
durement sur les plus humbles et pour des raisons économiques puisqu’elles freinent
la consommation et l’activité694. Toujours, les édiles militent pour un assouplissement
des règles qui facilitent les échanges. Ils allègent, par exemple, les procédures
déclaratives et de règlement en évitant aux déclarants de laisser leur marchandise
aux portes de la ville et de se rendre systématiquement aux bureaux, rue Sala. Les
édiles, enfin, se font soucieux des droits individuels. C'est-à-dire qu’ils sont méfiants
à l’égard d’un personnel qu’ils ne nomment plus. Ils limitent donc la possibilité pour
les employés de l’octroi de retenir ou détourner des voyageurs soupçonnés de
fraude : la décision doit désormais être motivée et collective afin de limiter le risque
de corruption et d’arbitraire695.
Toutes les occasions sont bonnes pour critiquer violemment la régie par les
Droits réunis et, implicitement, le choix du gouvernement. En novembre 1812, le
conseil municipal délibère sur les changements survenus depuis avril et dénonce un
mode de gestion qui aggrave les difficultés. Sur la période de juillet à septembre, le
déficit de recettes par rapport au même trimestre de l’année 1811 est de plus de
trente mille francs. Les édiles reprochent principalement aux Droits réunis la
suppression d’emplois d’inspecteurs et de contrôleurs, la création d’une fonction –
rémunératrice donc coûteuse – de receveur de l’octroi « dans une ville où il existe un
trésorier des deniers municipaux et un receveur principal des deniers municipaux et
un receveur principal pour les droits réunis ».
En juin 1813, en présence du maire d’Albon, le conseiller Guerre rapporte à
nouveau en des termes très durs, dénonçant la responsabilité des « abus et vices de
la nouvelle administration » dans le « dépérissement progressif du principal revenu
de la ville »696. Ne se contentant pas de contester la qualité et l’exactitude des
comptes tenus, il annonce que l’exercice 1813 «sera très médiocre » alors même
que toutes les conditions étaient réunies pour qu’il soit bon. La faute à des frais de
fonctionnement accrus, à un choix et une gestion désastreux des employés alors que
694
AML, 1217 WP 034. Séance du 19 juin 1812. Dans son intervention, Jean Guerre cite Colbert : « diminuez
les taxes et vous verrez augmenter vos revenus ». 695
Ibid. Séance du 7 juillet 1812. 696
AML, 1217 WP 036. Séance du 25 juin 1813.
274
Lyon est une « ville ouverte de toutes parts où conséquemment la perception tient
essentiellement au personnel des individus, à la connaissance que l’on peut avoir de
leurs mœurs, de leurs habitudes ». Autrement dit, une gestion bureaucratique,
lointaine, ignorante des Lyonnais a gâté une situation jusque-là favorable. La séance
se termine par le vote d’une délibération limpide :
Le Conseil, pour remplir les dispositions de l’article 14 du décret impérial du 8 février 1812,
déclare que depuis que la régie des Droits Réunis s’est chargée de la perception de l’octroi de
Lyon, le service présente des résultats moins satisfaisants, que le mode de nomination des
employés est vicieux, que les produits sont moindres et que, en définitive, la Régie municipale
était plus avantageuse.
Lorsque, dans le courant de l’été, les Droits réunis annoncent l’augmentation du
tarif, en application du décret impérial du 22 mars 1813, le conseil vote aussitôt une
délibération rappelant son opposition et d’Albon adresse au directeur des Droits
réunis un mémoire d’une vingtaine de pages qui conteste méthodiquement ses
récentes décisions697.
Les édiles lyonnais sous l’Empire ont incontestablement été déçus dans leur
aspiration à conserver la haute main sur l’administration de l’octroi. Peut-être le
rendement d’icelui a-t-il pâti davantage de la dégradation de la conjoncture que de
l’instauration de la régie des Droits réunis, mais il n’en demeure pas moins que le
dessaisissement dont a été victime la municipalité a nourri l’aigreur des édiles et la
critique vis-à-vis d’une organisation jugée exagérément centralisatrice.
3. Les dépenses
Comme les recettes, les dépenses sont distinguées selon qu’elles sont ordinaires
ou extraordinaires. Au titre des premières sont inscrites les sommes correspondant
au fonctionnement habituel et aux missions fondamentales de la municipalité. Au titre
des secondes sont inscrites les actions davantage liées à la conjoncture ou à des
projets particuliers. L’évolution générale du budget est surtout fonction des variations
697
AML, 1411 WP 018. Gestion par les droits réunis.
275
affectant les dépenses extraordinaires puisque la logique qui préside à la fixation du
montant des dépenses ordinaires est plutôt celle de la reconduction.
3.1. L’évolution globale des dépenses sous le Premier Empire
Une première lecture des sommes globales portées au passif du budget de la
ville sous le Premier Empire fait apparaître une maîtrise certaine du niveau des
dépenses. Napoléon décrète 2 363 833 francs de dépenses en 1807 et 2 340 816
francs en 1813 soit une différence d’à peine plus de un pour cent. L’ordonnance
royale du 21 décembre 1815 détermine un montant de dépense encore inférieur de
près de cent mille francs à celui de 1813. Seul écart notable, le budget de 1810
décidé par l’empereur prévoit des dépenses supérieures de plus de cinq cent mille
francs à celui de 1809, soit une progression de 22,32 % qui s’explique surtout par
l’affectation de recettes extraordinaires aux travaux publics.
Tableau n°36
Les dépenses inscrites au budget de la ville de Lyon de 1806 à 1815 (en francs)
Année Dépenses votées en
conseil municipal
Dépenses décrétées par le chef de l’État698
Différence en %
1806699 2 944 814,04 2 363 411,99 - 19,74 %
1807 3 324 983 2 363 833 - 28,90 %
1808 2 691 004 2 328 753 - 13,46 %
1809 2 919 552,89 2 848 706,09 - 2,42 %
1810 3 395 765,42 2 673 350,44 - 21,27 %
1811 2 913 690,26 2 355 520,64 - 19,15 %
1812 2 561 219,81 2 347 575,62 - 8,34 %
1813 2 824 923,27 2 340 816,31 - 17,13 %
1814 2 650 298,43 2 225 470,45 - 16,5 %
1815 4 287 396,01 2 242 061,44 - 47,70 %
698
Les dépenses des exercices 1814 et 1815 sont fixées par Louis XVIII au moyen d’ordonnances royales datées
du 16 juin 1814 et du 21 décembre 1815. 699
Nous présentons ici une valeur pour l’année 1806 que nous ne reprenons pas par la suite, la situation étant
particulière puisqu’à cheval sur l’an XIV et 1806, l’exercice budgétaire comprend 15 mois et 10 jours.
276
Les budgets proposés par le conseil municipal présentent la même
caractéristique de maintien général du niveau de dépenses quoique de manière plus
irrégulière. Les dépenses votées pour 1807, 1810 et, dans un contexte très
particulier, pour 1815 excèdent assez largement la moyenne qui est de
3 063 203,67 francs sur les neuf années considérées.
Sous l’Empire, le préfet du département rectifie systématiquement le total des
dépenses à la baisse et Napoléon accentue généralement cette correction en
diminuant encore les dépenses mais il procède à deux reprises, en 1809 et 1812, à
une réévaluation des prévisions de d’Herbouville et Bondy. Sur la période
néanmoins, la logique est celle d’une limitation des dépenses suivant le souhait du
chef de l’État. La moyenne des dépenses autorisées par Napoléon ou Louis XVIII sur
les neuf années est de 2 414 009,66 francs, soit 21,19 % de moins que celles
projetées par les édiles.
Tableau n°37
Montant global et moyenne des dépenses inscrites au budget
de la ville de Lyon de 1807 à 1815
Vote du conseil municipal Décision du chef de l’État
Montant global (en francs)
27 568 833,09 21 726 086,99
Moyenne annuelle (en francs)
3 063 203,67 2 414 009,66
Si l’on regarde de plus près la situation en distinguant dépenses ordinaires et
dépenses extraordinaires, on s’aperçoit que c’est au niveau des dernières que les
modifications et les restrictions les plus importantes sont imposées par les autorités
préfectorale et gouvernementale. En effet, le montant des dépenses ordinaires est
en réalité souvent réévalué par rapport au vote initial du conseil. C’est le cas en
1810, 1812 et 1813 sous l’Empire alors qu’en 1808 et 1809 le préfet propose des
hausses mais n’est pas suivi par l’empereur.
277
3.2. La structure des dépenses
Le budget connaît donc des dépenses ordinaires et des dépenses
extraordinaires. Il reproduit pour ces deux titres la même structure en huit chapitres.
Seul le dernier change : consacré aux « fêtes publiques et dépenses imprévues »
pour les dépenses ordinaires, il est voué au règlement de « l’arriéré » dans les
dépenses extraordinaires.
Si les valeurs varient en fonction de l’auteur de la prévision budgétaire, on se
rend compte que les décrets impériaux ne modifient pas la répartition générale des
crédits. Au sein des dépenses ordinaires, les chapitres les plus importants sont ceux
consacrés aux frais d’administration, aux secours publics et à la sécurité qui, réunis,
forment plus de 80 % de l’ensemble. S’agissant des frais d’administration, ils sont si
méticuleusement calculés que les crédits ouverts ne parviennent pas à couvrir les
traitements dus au personnel de bureau. Chaque année, le préfet finit par accorder le
supplément nécessaire au titre des dépenses imprévues700. Les dépenses afférentes
aux cultes sont tout à fait marginales et la part de celles liées à l’entretien de la garde
nationale très faible également. Notons enfin que, fort heureusement pour la ville, les
dépenses de travaux publics inscrites au budget ne correspondent en rien au
montant des travaux et aménagements qui sont réalisés sur la période,
généralement couvert par des comptes spéciaux ou des actifs extraordinaires.
Les dépenses consacrées à l’action protectrice de la municipalité (police et
secours) forment environ 40 % du total (40,58 % selon les édiles, 40,68 % selon
Napoléon), et plus des deux tiers des dépenses hors frais d’administration. On peut y
voir la confirmation du rôle social de l’institution mais aussi un indice de la faiblesse
de son influence, dans les domaines de l’aménagement et de l’instruction
notamment.
700
F 1c
III Rhône, 5. Rapport de Fay de Sathonay au ministre de l’Intérieur (1811).
278
Tableau n°38
Dépenses ordinaires et extraordinaires inscrites au budget
de la ville de Lyon de 1807 à 1815 (en francs)701
Dépenses
votées en conseil
municipal
Dépenses rectifiées par le
préfet
Dépenses décrétées par le
chef de l’État
1807 Dépenses ordinaires
1 715 673
1 618 123
1 599 973
Dépenses extraordinaires
1 609 310 1 152 419 763 860
1808 Dépenses ordinaires
1 699 375
1 704 775 1 608 420
Dépenses extraordinaires
991 629 872 319 720 333
1809 Dépenses ordinaires
1 719 270
1 763 626 1 648 423,20
Dépenses extraordinaires
1 200 282,89 959 971,40 1 200 282,89
1810 Dépenses ordinaires
1 710 225,30
1 751 325,30 1 748 576,84
Dépenses extraordinaires
1 685 540,12 985 540,12 924 773,60
1811 Dépenses ordinaires
1 815 320,73
1 771 217,33 1 772 137,93
Dépenses extraordinaires
1 098 369,53 941 609,23 583 382,71
1812 Dépenses ordinaires
1 706 552,17
1 760 628,25 1 795 050,31
Dépenses extraordinaires
854 667,64 425 414,18 552 525,31
1813 Dépenses ordinaires
1 731 565,20
1 737 358,19 1 781 613,92
Dépenses extraordinaires
1 093 358,07 647 565,40 559 202,39
1814 Dépenses ordinaires
1 731 637
2 225 164,19
Dépenses extraordinaires
918 661,43
1815 Dépenses ordinaires
1 755 950,50
1 713 358,75
Dépenses extraordinaires
2 531 445,51 528 702,69
701
Pour l’ensemble des éléments budgétaires donnés sans cette série de tableaux : AML, 1403 WP 039, Budget :
budget primitif et supplémentaire an XIV – 1820 ; AML, 1402 WP 001.1, Budget : préparation ventôse an VI –
1849. Les éléments principaux des différents budgets sont généralement repris dans les procès-verbaux des
séances du conseil municipal.
279
Tableau n°39
Dépenses ordinaires : frais d’administration (1807-1813) (en francs)
Selon le conseil municipal Selon l’empereur
Montant global 5 090 751 5 126 637,30
Moyenne annuelle 727 250,14 732 376,75
Part dans les dépenses ordinaires
42,07 % 42,88 %
Tableau n°40
Dépenses ordinaires : police, salubrité, sûreté, grande et petite voirie (1807-1813)
(en francs)
Selon le conseil municipal Selon l’empereur
Montant global 2 105 200 2 167 260
Moyenne annuelle 300 742,85 309 608,57
Part dans les dépenses ordinaires
17,40 % 18,12 %
Tableau n°41
Dépenses ordinaires : garde nationale, portiers de ville et corps de garde (1807-1813)
(en francs)
Selon le conseil municipal Selon l’empereur
Montant global 231 204,40 220 804,40
Moyenne annuelle 33 029,20 31 543,48
Part dans les dépenses ordinaires
1,91 % 1,84 %
Tableau n°42
Dépenses ordinaires : travaux publics (1807-1813) (en francs)
Selon le conseil municipal Selon l’empereur
Montant global 278 400 238 100
Moyenne annuelle 39 771,42 34 014
Part dans les dépenses ordinaires
2,30 % 1,99 %
280
Tableau n°43
Dépenses ordinaires : secours publics (1807-1813) (en francs)
Selon le conseil municipal Selon l’empereur
Montant global 2 805 100 2 697 249,66
Moyenne annuelle 400 728,57 385 321,38
Part dans les dépenses ordinaires
23,18 % 22,56 %
Tableau n°44
Dépenses ordinaires : instruction publique (1807-1813) (en francs)
Selon le conseil municipal Selon l’empereur
Montant global 900 525 823 975
Moyenne annuelle 128 646,42 117 710,71
Part dans les dépenses ordinaires
7,44 % 6,89 %
Tableau n°45
Dépenses ordinaires : culte (1807-1813) (en francs)
Selon le conseil municipal Selon l’empereur
Montant global 103 801 105 726,20
Moyenne annuelle 14 828,71 15 103,74
Part dans les dépenses ordinaires
0,85 % 0,88 %
Tableau n°46
Dépenses ordinaires : Fêtes publiques et dépenses imprévues
(1807-1813) (en francs)
Selon le conseil municipal Selon l’empereur
Montant global 583 000 509 000
Moyenne annuelle 83 285,71 72 714,28
Part dans les dépenses ordinaires
4,81 % 4,25 %
281
Une comparaison systématique des différents chapitres ouverts chaque année
au titre des dépenses extraordinaires n’aurait pas de sens tant les lignes inscrites
varient dans leur objet comme dans leur montant d’un exercice à l’autre et selon
l’auteur du budget (tableau n°38).
On l’a dit, c’est à propos des dépenses extraordinaires que Napoléon modifie le
plus le projet des édiles. Les décrets pris pour les budgets 1807 à 1813 diminuent de
37,83 % les dépenses votées par le conseil municipal ce qui est tout à fait
considérable. En 1813, la baisse est de 48,85 % et en 1807 de 52,53 % !
Tableau n°47
Montant global des dépenses extraordinaires
inscrites au budget (1807-1813) (en francs)
Par le conseil municipal Par l’empereur
8 533 159,25 5 304 359,90
En fait, les dépenses extraordinaires sont ramenées à moins d’un tiers du total du
passif de 1807-1813 (30,73 %) par Napoléon alors que les édiles les avaient fixées à
un niveau tel qu’elles en formaient 41,36 %. Dans les deux cas, la part est
considérable. Ce titre permet aux édiles comme à l’empereur de donner une réalité
budgétaire à des actions de nature exceptionnelle, notamment dans les domaines de
l’urbanisme et des secours, et de régulariser, en les incluant dans un cadre juridique
stable, des situations de déséquilibre liées en particulier à l’accumulation de dettes
ou de retards de paiement.
4. Les budgets lyonnais
Sous l’Empire, la présentation des budgets annuels se fait de plus en plus
tardivement et les opérations rectificatives se multiplient au fur et à mesure que la
clôture des exercices budgétaires est reportée jusqu’à ce que, très vite, ceux-ci se
chevauchent. L’élaboration du budget est néanmoins un exercice très codifié qui
282
permet l’étroit contrôle de la gestion des fonds publics dont dispose la municipalité.
Cela permet aussi aux édiles d’avoir plus aisément une vue d’ensemble de la
politique qu’ils conduisent et d’apporter plus d’attention à l’inscription dans le temps
de leurs choix d’investissement. Ces derniers sont malheureusement lestés par le
problème récurrent du poids de la dette.
4.1. À la recherche de l’équilibre
La présentation du budget doit se faire à l’équilibre. Cette règle est
universellement admise sous l’Empire et le maire comme les membres des
commissions du budget l’énoncent pour protester de leur orthodoxie dans chacun de
leurs rapports. Pourtant, de 1807 à 1813, seulement trois budgets sur sept sont
votés à l’équilibre (1807) ou légèrement excédentaires (1811 et 1812). Les quatre
autres prévoient un déficit qui varie d’environ cent mille francs (1813) à plus de cinq
cent mille francs (1810). Il s’agit souvent pour les édiles de mettre en valeur des
dépenses dont ils estiment que la commune les supporte indument (les frais pour le
commissariat général de police) ou des recettes dont ils réclament le recouvrement
(remboursement d’avances). Certains que le budget ne sera pas celui qu’ils auront à
appliquer, ils utilisent parfois ce moyen pour se plaindre de la contrainte financière
qui pèse sur leur action. Ils ont donc tendance à exploiter la fonction d’élaboration du
budget qui leur incombe à des fins politiques, revendicatives. Dès la séance du 1er
mai 1807, le maire annonce au conseil municipal qu’il ne peut travailler sur le projet
de budget à cause « du retard qu’a éprouvé l’approbation du précédent » mais
surtout « par le défaut actuel de la connaissance des motifs particuliers qui ont dirigé
le Gouvernement dans sa décision sur diverses dépenses qui en faisaient partie » et
qui ont été supprimées702.
Bien entendu, les budgets décrétés par Napoléon prévoient tous des exercices
excédentaires. Aucun n’est strictement à l’équilibre et les soldes positifs varient entre
quelques milliers de francs (1812) et plus de deux cent cinquante milliers (1807). Là
encore le budget est une arme politique qui dit la capacité du régime à assurer une
702
AML, 1217 WP 030. Le conseil reporte à la prochaine session extraordinaire l’examen du projet de budget
auquel est affectée une commission de six membres.
283
gestion saine des communes, qui manifeste l’autorité du gouvernement impérial sur
les finances locales.
Pour autant nous ne pouvons pas ignorer ce qu’ont de factice de tels exercices
comptables. Les budgets accordés par l’empereur parviennent de plus en plus
tardivement à la mairie qui administre la commune l’essentiel de l’année sans
connaître le montant exact des recettes sur lesquelles elle pourra in fine compter,
notamment pour financer ses dépenses extraordinaires. Les édiles se savent
surveillés et leur gestion devient pusillanime. Le maire se retrouve souvent en fin
d’exercice avec des sommes non engagées alors même que le montant lui en
apparaissait initialement trop bas703. Au début de la session normale de 1808, en
mai, toutes les dépenses de 1807 ne sont pas encore acquittées. Fay présente donc
des comptes provisoires qui laissent entre ses mains quatre cent mille francs704. Mais
le maire doit aussi faire état des comptes de l’année en cours et, là encore, il se
réserve une somme de plusieurs centaines de milliers de francs pour terminer
l’exercice. Il n’est cependant pas en mesure d’en préciser le montant qui est laissé
en blanc sur le procès-verbal de la séance du conseil.
Le retard pris par chacune des étapes d’une procédure budgétaire très codifiée,
les mesures exceptionnelles décidées par l’empereur en cours d’année et
l’incertitude quant au niveau réel des recettes obligent sans cesse le maire à rectifier
les comptes. En décembre 1809, l’état des recettes dépasse de plus de cinq cent
cinquante mille francs les prévisions. Dans le même temps, des mesures adoptées
en cours d’année par Napoléon ont déjà affecté les dépenses pour 265 460 francs
en sus des projets initiaux705. En mai 1812, le maire présente des recettes qui, pour
1811, sont inférieures de 520 516,94 francs aux prévisions et les dépenses de
191 850,20 francs. Il fait aussi état d’un crédit exceptionnel de 40 000 francs ouvert
aux hospices. Compte tenu de diverses charges à supporter encore – il s’agit
pourtant de l’exercice de 1811 – d’Albon envisage finalement, en 1813, un déficit de
199 349,96 francs. Si nous ne disposons que d’informations parcellaires sur les
703
AML 1217 WP 032. Séance du 1er
mai 1809. Fay de Sathonay évalue cette somme à 300 ou 400 000 francs
par an. Dès février 1806, il s’alarme du retard qui va affecter la procédure : AML, 1217 WP 030. 704
L’apurement n’en sera présenté qu’en décembre. 705
AML 1217 WP 032. Séance du 1er
décembre 1809.
284
budgets effectivement réalisés706 , il semble bien que la situation économique et
financière se dégrade au long de la période même si les déficits à Lyon n’atteignent
vraisemblablement pas les « proportions exorbitantes » qu’ils atteignent à Marseille
selon Christian Bonnet707. Cependant, on peut estimer qu’une certaine pénurie de
moyens est donc progressivement aggravée par les blocages liés à une gestion
éminemment centralisée et bureaucratique des finances communales.
4.2. Au-delà du budget : une politique d’investissement
Le recours si massif et si systématique aux dépenses extraordinaires traduit les
limites d’un cadre budgétaire défini avant tout pour accueillir l’expression financière
de la gestion courante et habituelle de la ville. Il traduit également l’extrême
dépendance de la municipalité vis-à-vis du bon vouloir impérial pour pouvoir
développer ses projets, chacun d’eux risquant annuellement de s’interrompre faute
des crédits indispensables, eux aussi extraordinaires. C’est la conscience de cette
limite fondamentale au développement d’une action municipale ambitieuse qui
conduit le maire Fay de Sathonay à imaginer inscrire la procédure budgétaire
annuelle légale dans une perspective pluri-annuelle qui concilierait la logique
d’investissement à long terme et le double impératif budgétaire d’équilibre du solde
et de maîtrise des dépenses.
Dès son entrée en fonction, Fay de Sathonay affirme sa volonté d’initier un
mouvement de développement et d’embellissement de la ville qui se prolongerait sur
plusieurs années. Un peu plus tard, en juillet 1806, lorsque le conseiller Mayeuvre de
Champvieux expose devant ses collègues sur la question de l’octroi et milite pour le
rétablissement des centimes de la contribution mobilière, il évoque un devoir de
« prévoyance » et annexe à la délibération du conseil un « état approximatif des
dépenses de la ville de Lyon pendant les années 1808 et 1809 »708. Énumération
d’opérations d’apurement de dettes et de projets urbanistiques, ce document révèle
le haut degré de familiarité des édiles avec les questions de prospective économique
706
En l’absence d’un état des comptes effectivement réalisés aux Archives municipales de Lyon et aux Archives
départementales du Rhône (série O), il faudrait recourir aux documents conservés par les Archives nationales
(F6 II Rhône 13-31) mais ils sont inaccessibles, depuis juillet 2003, en raison d’une pollution à l’amiante (site de
Fontainebleau). 707
BONNET, Christian, Les Bouches-du-Rhône sous le consulat et l’Empire, op. cit., p.469. 708
AML, 1217 WP 030. Séance du 11 juillet 1806.
285
en même temps que leur souci d’une gestion rigoureuse des finances publiques.
Dans ce contexte, il est probable que les conseillers municipaux ne furent pas outre
mesure surpris d’entendre leur maire solliciter d’eux, en mai 1808, une délibération
en vue d’obtenir du gouvernement le droit de concevoir un budget pluri-annuel.
Prenant comme exemple l’aménagement des bâtiments de Saint Pierre, il regrette le
manque de plan d’ensemble auquel le rythme annuel, la parcimonie ainsi que
l’aléatoire des allocations extraordinaires contraignent les administrateurs709.
Si à l’instant où il propose cette délibération au conseil, Fay semble confiant en
l’approbation de Napoléon, il évoque un an plus tard le « silence » dans lequel le
gouvernement l’a tenu à ce sujet. Volontariste, le maire de Lyon préfère penser que
« pour obtenir son approbation ce système n’a besoin que d’être développé par une
application positive » et propose conséquemment un budget de sept ans. Le principe
retenu est simple. Fay de Sathonay suggère de raisonner sur les recettes globales
attendues de 1810 à 1816 et d’en prévoir l’affectation au sein d’un plan septennal
d’aménagement. Y renoncer reviendrait à « se condamner à une inaction totale » ou
à « ne faire que des choses indignes de la majesté de la Ville et des sentiments qui
nous animent »710. Le budget porte, en dehors des dépenses habituelles, sur une
somme de 6 536 000 francs à affecter aux dépenses extraordinaires de 1810 à 1816,
correspondant à trente-quatre articles au total711. Tous les chantiers que la ville a
finalement mis en œuvre sous l’Empire y figurent, plus quelques autres demeurés à
l’état de projet.
Rappelons qu’au moment où Fay de Sathonay prend cette initiative, la ville
exploite l’octroi en régie directe et s’est en quelque sorte rendue maîtresse de
l’essentiel de ses ressources. On est donc enclin à voir dans cette conjonction
d’événements les indices d’une ambition cohérente visant à conquérir au profit de
Lyon une plus grande capacité d’action, visant à obtenir la capacité d’une politique
municipale. Pas davantage qu’à la délibération du 3 mai 1808 il n’est finalement fait
réponse à cette sollicitation. On peut sans doute y voir un indice de la méfiance de la
709
« Chaque année vous présentez un budget particulier et isolé. Obligés de moduler votre dépense sur votre
recette, les fixations partielles que vous proposez se ressentent de l’état de contrainte où la situation financière de
chaque année, prise séparément, vous retient, et encore, par le même motif, votre travail, soumis à l’autorité
supérieure, éprouve-t-il toujours des réductions et des suppressions » : AML, 1217 WP 031. Séance du 3 mai
1808. 710
AML, 1217 WP 032. Séance du 1er mai 1809. 711
Ibid. Le maire obtient à l’unanimité d’annexer à son compte administratif le « Tableau sommaire des recettes
et dépenses de la Ville de Lyon de 1810 à 1816 ».
286
part du gouvernement central et de l’empereur envers cette réelle, quoique mesurée,
tentative d’émancipation.
4.3. La question de la dette
Dès la mise en place de la mairie unique la question de la dette municipale
s’impose aux édiles comme prioritaire. Les premières évaluations, sommaires,
portent sur un total de sommes dues proche de six cent mille francs. L’accumulation
de déficits enregistrés depuis la fin de l’Ancien régime est à l’origine d’une situation
que la nouvelle administration ne peut accepter sauf à démentir sa profession de foi
orthodoxe en matière de gestion des finances publiques. Le maire et les conseillers
impliqués dans les questions financières se montrent soucieux à la fois de garantir la
crédibilité de la municipalité vis-à-vis de ses partenaires qui sont majoritairement des
entrepreneurs locaux, de soutenir, par l’injection de liquidités, l’activité économique
de la ville et de ne pas pousser à la ruine les plus fragiles de ces créanciers712.
C’est le 16 mars 1807 que le conseiller Boulard de Gatellier présente un tableau
général de la dette de la ville. Il fait apparaître un montant total dû de 524 481,46
francs au 1er janvier 1807 dont plus de 340 000 francs pour l’an XIII. Lorsque les
conseillers débattent des origines de la dette, ils s’accordent pour dénoncer les
circonstances récentes et exceptionnelles qui l’ont fait plus que doubler. Or, sont
principalement évoqués le coût de la visite du couple impérial et celui de la création
d’une compagnie départementale de réserve713 ainsi que le non remboursement par
les départements des frais acquittés pour la rénovation de la cathédrale et de
l’archevêché714. Autrement dit, la mairie fait reposer sur des décisions impériales
l’essentiel de la responsabilité de la dette contractée en l’an XIII. En conséquence,
les édiles sollicitent l’aide du préfet et du gouvernement pour, d’une part, recevoir
l’autorisation de régler un certain nombre de factures en suspens et, d’autre part,
bénéficier de financements exceptionnels. Il est attendu de l’État qu’il acquitte les
frais induits par la réception du couple impérial et qu’il intervienne auprès des
712
AML, 1217 WP 030. Séance du 16 mars 1807. 713
Décret impérial du 24 floréal an XIII (14 mai 1805). 714
AML, 1217 WP 030. Séance du 2 mai1807.
287
départements du diocèse – Ain, Loire et Rhône – pour qu’ils financent les travaux
effectués à la cathédrale et au palais archiépiscopal.
Tableau n°48
La dette municipale au 1er janvier 1807715
Année Sommes restant dues en fin d’exercice (en
francs)
1788 8 400
1790 9 261,75
1792 188.34
1793 16 874,72
An II 1 506,79
An III 15 914,70
An IV 107 791,85
An V 12 107,62
An VI 10 920,12
An VIII 230,78
An XII 125
An XIII 341 159,79
TOTAL 524 481,46
Or l’État reste très prudent. Certes, il pourvoie à certains financements lié à la
visite de 1805, reconnaît la légitimité de la créance municipale sur les départements
et tente d’en hâter le règlement. Malgré un plan adopté dès 1806, prévoyant le
remboursement de la dette de l’an XIII au rythme de trois dixièmes en 1806, quatre
dixièmes en 1807 et trois dixièmes en 1808, la dette de la ville est tout de même
encore de 334 831 francs cette année-là716. Pour le reste, le gouvernement demande
à ce qu’on prenne le temps de vérifier la réalité des sommes dues et, de manière
systématique, l’empereur refuse à la municipalité la possibilité d’emprunter auprès de
la caisse d’amortissement comme il refuse que figure au budget une somme affectée
715
Ibid. Séance du 16 mars 1807. 716
AML, 1403 WP 039. 1808. Le plan de remboursement est expliqué le 4 juillet 1806, en séance du conseil :
AML, 1217 WP 030.
288
spécifiquement au règlement de la dette. Le maire persiste pourtant à faire figurer
une telle ligne de dépense de 1807 à 1811 alors que la mairie s’attache à éteindre
progressivement la dette dans le cadre de ses moyens. Passée cette date, la dette
municipale n’est plus portée au passif du budget. Fixée par décret impérial en date
du 19 mars 1808 à 189 706,67 francs, la dette antérieure à l’an XIII est alors
entièrement liquidée717.
717
Selon un échéancier présenté en séance du conseil : AML, 1217 WP 031. Séance du 14 septembre 1808.
289
Section 2. L’action d’une municipalité protectrice
Sur la période étudiée, dans un contexte général de croissance, de fortes
tensions s’exercent sur le marché de l’emploi où, régulièrement, la main d’œuvre
manque même si, parfois, de brusques ralentissements de l’activité provoquent de
brutales poussées de chômage. Quoi qu’il en soit, la production repart sous le
Consulat, profitant du retour des chefs d’atelier et des ouvriers qui avaient fui la ville
du fait des bouleversements politiques et de la baisse d’activité 718 . Inférieure à
90 000 habitants à la fin de la Révolution, la population lyonnaise franchit le seuil des
100 000 habitants au début de l’Empire et approche 120 000 habitants en 1815719.
L’afflux massif de migrants économiques contribue au dynamisme de la ville mais
accroît simultanément la nécessité pour les édiles de prendre en compte les besoins
vitaux d’une population sans cesse plus nombreuse.
1. Assurer les subsistances
Sous le Consulat, les autorités municipales comme le gouvernement attachent un
grand prix aux questions des subsistances qu’ils lient systématiquement à celles de
l’ordre public720. Les rapports émanant tant de la préfecture que de la municipalité
soulignent la fragilité de la situation à Lyon où, bien qu’il existe peu d’entraves à la
circulation et au commerce des denrées, en particulier des grains, le marché reste
particulièrement exposé à la qualité des récoltes. L’approvisionnement en bois et en
charbon est également une préoccupation constante des institutions locales.
Assurer les subsistances est donc un souci permanent des édiles régulièrement
aiguillonnés en ce sens par le préfet lui-même. Au début de l’Empire, tous les
rapports indiquent que les denrées sont abondantes et que, l’approvisionnement de
la ville ne rencontrant pas de difficulté, leur prix est modéré721. On sait que Lyon
dépend principalement, pour son approvisionnement en céréales, des exploitations
718
AML, 784 WP 0002. 5, Chambre de commerce. Lettre du 26 brumaire an XII (18 novembre 1803) au préfet. 719
CAYEZ, Pierre, « La prospérité lyonnaise », dans PELLETIER, André, ROSSIAUD, Jacques, BAYARD,
Françoise, CAYEZ, Pierre, Histoire de Lyon, des origines à nos jours, op. cit., p.675. 720
Dans son rapport d’activité correspondant au quatrième trimestre 1811, Bondy relève à propos de la police
générale « quelques inquiétudes nées de l’augmentation considérable dans le prix du pain et de la rareté des
grains » : AN, F1c
III Rhône 5. 721
Voir notamment la séance du conseil municipal du 1er
mai 1807 : AML, 1217 WP 030.
290
de Saône-et-Loire et du midi. La ville attache donc un grand prix au principe de libre
circulation des denrées et à la régularité des communications, par voie d’eau
principalement. D’une manière générale, le rôle de surveillance de ce commerce
sensible et en particulier du niveau des prix est dévolu dans l’enceinte de la ville aux
commissaires de police depuis les ordonnances de police des 8 prairial an XII (28
mai 1804) et 22 frimaire an XIII (13 décembre 1804).
Après les années relativement prospères du début de l’Empire, où l’on ne connaît
pas de crise importante en matière d’approvisionnement, la situation se dégrade et
les prix augmentent. Présentant le projet de budget pour l’année 1811, Fay de
Sathonay souligne « la cherté excessive de certaines denrées de consommation » et
s’inquiète de « l’accroissement dans lequel se maintiennent tous autres objets de
première nécessité, tels que vêtements, chaussures, chauffage etc… »722.
Lorsque la faiblesse des récoltes, leur piètre qualité ou une brusque hausse de la
consommation viennent à provoquer des tensions sur les prix, la municipalité, aidée
du préfet, intervient vigoureusement. Elle dispose pour cela notamment d’entrepôts
qu’elle prend soin de garnir préventivement723. Ce sont ainsi plusieurs milliers de
sacs de farine qui sont déposés dans les magasins du quartier de Serin ou dans les
greniers de la Charité 724 . Les stocks de farine correspondent principalement au
cautionnement que les boulangers sont tenus de déposer en application de l’arrêté
des consuls du 19 vendémiaire an X (11 octobre 1801) et de l’ordonnance de police
du 8 prairial an XII (28 mai 1804). À partir de 1806, c’est le deuxième étage du
magasin de l’hospice de la Charité qui est destiné à recevoir les douze sacs de farine
« de première qualité » (soit 132 kg) apportés par chaque boulanger lyonnais.
Jusqu’en 1809, le maire est contraint de rappeler les artisans à leurs obligations, tous
les cautionnements n’étant pas complets 725 . Dans tous les cas, ce sont les
commissaires de police qui vérifient l’effectivité des dépôts.
Le dispositif ainsi conçu est en mesure de mettre la ville à l’abri de la disette et,
éventuellement, de permettre aux autorités d’agir sur les prix en fournissant le
marché en cas d’inflation. Fay de Sathonay fait dresser un état général des farines le
20 janvier 1810 d’où il ressort que Lyon compte deux cent quarante-trois boulangers
722
AML, 1217 WP 033. Séance du 29 décembre 1810. 723
AML, 985 WP 073, Dépôts des farines. 724
AML, 686 WP 016. Arrêtés des 22 et 23 avril 1812 en particulier. 725
AML, 784 WP 030, Subsistances. Magasins municipaux. Instruction du 31 octobre 1809.
291
dont les dépôts forment une réserve de deux mille cent six sacs, soit deux mille sept
cent soixante-dix-neuf quintaux métriques726. L’hiver 1810 s’avérant particulièrement
rigoureux, le maire, qui échange plusieurs courriers confidentiels sur le sujet avec le
préfet, fait vérifier la situation de l’ensemble des approvisionnements en farine par les
commissaires de police qui se rendent dans chacune des boulangeries727 et arrivent
à la conclusion que les boulangers de la ville de Lyon disposent en
approvisionnements (cautionnement compris) pour deux cent quatre-vingt-seize jours
de consommation habituelle. L’hiver se passe finalement sans que l’on ait besoin de
mobiliser les ressources conservées à la Charité mais ce n’est pas toujours le cas728.
Ainsi, en juillet 1812, alors que la cherté des grains et des farines a des
conséquences désastreuses pour la population de la ville déjà éprouvée par des
difficultés économiques, la municipalité autorise les boulangers à utiliser leur
cautionnement en farines entreposé au magasin général, à charge pour eux de le
rétablir dans la première quinzaine d’octobre et de verser d’ici-là une caution en
numéraire de six cents francs (qui sert des intérêts) au mont de piété. Le préfet
Bondy a déjà lui aussi agi fermement en faisant acheminer environ quarante mille
quintaux de farines et de blés729 au printemps et permit à la ville d’éviter une situation
de disette ce qui lui vaut de recevoir les remerciements du conseil municipal
représenté par une députation de sept de ses membres730. Il apparaît que le rôle du
préfet est tout à fait majeur en l’occurrence. Le maire, « ayant manifesté l’opinion que
le gouvernement seul pouvait faire cesser le pénible état où se trouvait la ville
relativement à ses approvisionnements et à l’excessif enchérissement des
grains »731, s’en est largement remis à lui.
Cette expérience amène la municipalité à multiplier les mesures règlementant de
plus en plus strictement le commerce des grains et des farines, la vente et le prix du
pain dans le souci toujours affiché d’en garantir « l’abondance et le prix modéré »
mais aussi la qualité732. Le maire et le conseil municipal prennent position en faveur
726
Ibid. 727
Il y a en désormais 244. 728
Les années 1810-1812 sont particulièrement difficiles du point de vue des subsistances dans la région. Une
étude concernant le département voisin de l’Isère : LÉON, Pierre, « La crise des subsistances de 1810-1812 dans
le département de l’Isère », dans A.H.R.F., 1952, n°24, p.289-310. 729
Les boulangers accèdent à cette farine pour 38 francs le quintal alors qu’ils la payaient 41 auparavant. 730
AML, 1217 WP 035. Séance du 2 décembre 1812. Les membres de la députation sont d’Assier de la
Chassagne, Bodin, Desprez, Grailhe de Montaima, Guerre, Ruolz et Vouty de la Tour. 731
AN, F1c
III Rhône 5. Rapport du préfet du Rhône au ministre de l’Intérieur (12 novembre 1812). 732
Voir notamment les arrêtés de police du 28 mai, des 14 et 21 août 1813 : AML, 686 WP 018.
292
d’une réforme de la boulangerie lyonnaise passant notamment par la diminution du
nombre des artisans, la supervision de leurs achats et l’augmentation de leur
cautionnement en farines. Puisqu’en juillet 1813 les boulangers ont eu la faculté
d’utiliser partie de leur cautionnement pour faire face à l’inflation des prix du grain,
une ordonnance de police du 28 septembre exige le rétablissement des
cautionnements. Le maire et le préfet tiennent là le moyen idoine pour réduire le
nombre des boulangers : le volume des cautionnements augmente ainsi que le
volume des stocks dans chaque boulangerie733. Ceux des artisans qui ne pourront
fournir cet effort seront dans l’obligation de céder leur fond participant ainsi à un
vaste mouvement de concentration horizontale au sein de ce secteur sensible.
Finalement, l’empereur décide selon ces principes de réorganiser le corps des
boulangers à Lyon et d’y associer étroitement l’exécutif municipal. Le décret du 6
novembre 1813 prévoit en effet que, chaque année, vingt-quatre boulangers réunis
autour du maire et choisis par lui désigneront un syndic et quatre adjoints. Le 6
décembre, une ordonnance de police désigne les vingt-quatre et lance le processus.
On l’a dit, l’approvisionnement de la population en charbon est l’autre priorité des
autorités municipale et préfectorale. Or, de la même manière que pour les grains et
farines, des situations de pénurie et, partant, de cherté ont affecté Lyon. Un mémoire
remis par d’Albon au préfet Bondy en novembre 1813 nous apprend qu’au cours de
l’hiver 1810, particulièrement froid, « la houille manqua à Lyon », de telle manière
que les habitants manifestent leur humeur :
Le peuple en demandait à ses magistrats en menaçant de brûler les portes de l’Hôtel de ville
pour se chauffer et préparer ses aliments. Il fallut donc au même instant et livrer les
approvisionnements des hôpitaux à la consommation publique et forcer de moyens pour
accélérer et multiplier les arrivages par terre en attendant que le cours de la navigation fut
rétabli734
.
De l’ensemble de ces événements le maire de Lyon tire régulièrement argument
pour accroître l’encadrement de ces commerces sensibles quitte à provoquer les
récriminations des marchands qui approvisionnent la ville. L’intervention des
733
AML, 784 WP 030. Selon l’importance du fond, les boulangers sont divisés en trois classes et versent de 12 à
40 sacs de cautionnement. 734
Ibid. Mémoire du 17 novembre 1813. Le charbon arrive principalement de Rive-de-Gier par le Rhône.
293
autorités municipales ne se dément en tous cas jamais, ce qui atteste à la fois de
leur engagement mais aussi des limites de leur efficacité d’autant que la conjoncture
ne leur laisse guère de répit car, après les aléas climatiques, surviennent les troubles
politiques et la guerre : l’un des derniers rapports qu’entend le conseil municipal des
Cent-jours est rendu le 6 juillet 1815 par la commission créée le 30 juin pour étudier
la question de l’approvisionnement de la ville en grains et farines735.
La manière dont la population marque son humeur en 1810 devant la pénurie de
charbon en exigeant l’intervention de la municipalité et la façon dont les édiles
interviennent en donnant satisfaction à cette revendication malgré l’opposition des
marchands qui, d’ailleurs, se plaignent à leur tour auprès du préfet de la Loire, illustre
la réalité de ce pacte local dissout dans les dernières années de l’Ancien régime – on
se souvient du conflit de la Fabrique de 1786 ou des émeutes des octrois de 1789 –
et renoué par le régime napoléonien.
La population de la ville a bien saisi quel rôle à la fois protecteur et d’arbitrage
prétendait jouer l’administration municipale. En témoigne le texte d’une pétition
adressée par trente cinq riverains des rues Nayret et Masson pour solliciter la
construction d’une pompe ou d’une fontaine dans leurs deux rues :
Personne n’ignore dans cette grande cité que vous ne voulez être heureux que du bonheur en
général de tous vos administrés. C’est dans cette persuasion que les malheureux habitants des
rûes nayret et Masson, presque tous courbés sous le poids de l’infortune et dont, jusqu’à présent
on a dédaigné les justes reclamations de secours publics accordés aux quartiers opulents,
viennent, avec confiance, vous suplier de jetter les yeux sur le tableau effrayant des maux qui les
accablent et les menacent plus aujourd’hui que jamais, la soif et l’incendie, (auquel dernier fléau,
le cas arrivant, on ne pourrait remédier, ces deux rues étant sans eaux) ; S’il est une chose
cependant que l’histoire nous apprenne avec certitude, c’est que dans tous les lieux et dans tous
les tems, les hommes pétris du même limon sont à peu près les mêmes ; que les professions
seules, font leurs vertus ou leurs vices exaltés ou contenus plus ou moins par les circonstances,
leurs fortunes (…) La justice doit être égale pour tous. Les habitants des dites rues nayret et
Masson attendent donc de votre justice et de votre sollicitude paternelle, Monsieur le Maire, que
vous ordonniez de suite, s’il est possible, la construction d’une pompe, ou fontaine, dans chacune
de ces deux rûes. L’exécution de ces deux constructions n’est ni difficile ni bien dispendieuse, la
source des eaux se trouvant dans la rue Masson, et Monsieur du Tilleul offrant de laisser passer
les conduits jusqu’à la rûe nayret, dans son terrain et sous les escaliers de son jardin. Le
735
AML, 1217 WP 038.
294
nettoyement de ces deux rûes, ainsi que la réparation de leurs pavés et ceux de la montée des
carmélites sont encore deux objets que les soussignés recommandent a la justice et a la
sollicitude de Monsieur le Maire de Lyon736
.
2. L’assistance
Lors de ses premières observations sur le budget lyonnais, en l’an IX, le préfet
Verninac exige que les dépenses d’assistance soient clairement « privilégiées »737.
Les hospices et les bureaux de bienfaisance ont pour objet d’organiser l’assistance à
la population et, sans être en aucune manière subordonnés à la municipalité, ils
dépendent effectivement en grande partie de son financement et lui sont
institutionnellement liées.
Sous l’Empire, il semble communément admis que la gestion des hospices est du
ressort de leur conseil général sous le contrôle du préfet et que la municipalité n’a
pas de droit d’ingérence dans les affaires d’une institution dont elle se borne à
garantir partie du financement. Alors même que l’État exige de la ville la coûteuse
acquisition des bâtiments de l’Antiquaille 738 destinés à accueillir « un dépôt de
mendicité, une maison de travail, un hospice pour les aliénés, les incurables et les
vénériens » de l’ensemble du département739 et que les édiles renâclent à supporter
toute la charge d’un établissement qui n’est pas municipal, d’autant que « que le
décret impérial qui fut rendu à ce sujet n’a point été sollicité, dans le temps, par
l’autorité municipale et qu’elle n’a même pas été appelée à émettre un vœu », il
serait vain de chercher trace dans les délibérations du conseil général des hospices
ou dans celles du conseil municipal de la moindre remise en cause de l’obligation qui
lie la ville à l’égard de ses hôpitaux.
736
AML, 329 WP 1, Alimentation en eau de la ville. Pétition du 22 juillet 1807. L’orthographe est conservée. 737
AN, F 1c
III Rhône 5. Discours du préfet au conseil municipal (11 frimaire an IX – 2 décembre 1800). 738
AML, 744 WP 143, Hospices civils de Lyon. Antiquaille. Vente de Bicêtre. Placée dans l’obligation
d’acquérir les bâtiments de l’Antiquaille en l’an XIII, la municipalité a bénéficié de la cession par l’État de
l’ensemble de Bicêtre, dit la Quarantaine, à charge pour elle de le vendre pour se procurer des fonds. La valeur
de la Quarantaine se révèle inférieure à celle de l’Antiquaille d’où il résulte un coût pour la ville d’environ
cinquante mille francs. 739
Décret impérial du 25 germinal an XIII (15 avril 1805).
295
L’examen du compte moral des hospices établi en 1809740, portant surtout sur la
période an X – 1806 (présentation des comptes) mais considérant les années
advenues depuis, montre que les hospices s’administrent en toute indépendance de
la mairie. Presqu’aucune référence n’est faite à la mairie, pourtant devenue unique
entre-temps et ayant acquis l’Antiquaille depuis, alors même que de nombreux édiles
figurent au conseil d’administration. Est ainsi accréditée l’idée qu’il n’y a pas de
relations conflictuelles entre les deux institutions qui ont un fonctionnement assez
distinct ; les hospices sont soucieux de leur indépendance vis-à-vis de la mairie et de
leur relation directe avec le préfet, la mairie ne cherche pas à intervenir. La
municipalité finance comme elle le doit et accorde des secours quand il le faut, à
hauteur de ses moyens. Habituellement de trois cent cinquante mille francs, les
crédits ordinaires portés au budget sont diminués à trois cent mille francs en 1810 ce
qui conduit les hospices à demander un secours exceptionnel qui leur est finalement
accordé sous la forme des avances « qui se trouvent être nécessaires pour prévenir
toute interruption dans le service »741. En décembre 1812, trois cent soixante mille
francs sont votés au budget en faveur des hospices au titre des dépenses ordinaires
et soixante-dix mille à celui des dépenses extraordinaires. Il est en sus accordé vingt-
cinq mille francs au profit de l’Antiquaille742.
La municipalité a donc servi loyalement et efficacement la politique d’assistance
conduite par les hospices sous la houlette du gouvernement. L’appartenance de
nombreux des personnages du corpus aux instances délibératives et exécutives de
chacune de ces deux institutions a sans doute grandement participé à leur bonne
intelligence.
Un bureau général de bienfaisance fonctionne sous l’Empire pour Lyon et La
Guillotière. Il s’organise autour d’un conseil d’administration et de six comités
auxiliaires exerçant sur six arrondissements correspondant grossièrement aux
justices de paix. Le conseil d’administration a statutairement pour président le préfet
et pour vice-président le maire de la ville. Renouvelable par cinquième tous les ans, il
est en outre composé de quatre administrateurs des hospices, de deux
740
AML, 746 WP 084, Hospices civils de Lyon. Comptabilité. 741
AML, 1217 WP 032. Séance du 11 janvier 1810. 742
AML, 1217 WP 035. Séances des 28 et 29 décembre 1812.
296
administrateurs de l’Antiquaille et de douze membres issus des six comités 743 .
Chaque comité est composé de douze citoyens nommés par le ministre de
l’Intérieur744 dont un ou deux sont des officiers de santé. Des « dames » peuvent être
adjointes à chaque comité. Chaque comité reçoit et vérifie les déclarations
d’indigence et effectue la répartition des secours décidée par le conseil
d’administration745. Le bureau général de bienfaisance dispose d’une caisse établie à
la Charité mais tout à fait distincte de celle de l’hospice. Les fonds proviennent
principalement du décime par franc perçu sur les billets de spectacle, des dons et
legs (le tableau des bienfaiteurs est publié tous les trois mois dans les paroisses de
la ville) et des secours inscrits au budget de la commune. La mairie n’intervient donc
que par le biais du financement dans une institution au moyen de laquelle le régime
impérial entend contrôler l’exercice de l’assistance, en particulier lorsqu’elle envisage
l’asile des personnes aidées. Un avis du conseil d’État dans sa séance du 3 nivôse
an XIV (24 décembre 1805) amène Napoléon à demander aux communes de ne plus
tolérer les institutions de bienfaisance administrées par des « sociétés libres » dès
lors qu’elles hébergent la population à laquelle elles destinent un secours. Dans un
courrier du 13 septembre 1806, Fay de Sathonay informe le préfet qu’aucune
pratique de la sorte n’existe à Lyon et que les secours sont apportés à domicile
même si « les sociétés consacrées à porter du soulagement aux infortunés sont
heureusement très multipliées dans cette ville dont la population ouvrière est souvent
exposée à la misère »746.
Les bureaux de bienfaisance dépendent de crédits annuels (soixante mille francs)
attribués par la mairie mais leurs demandes de fonds supplémentaires restent
souvent lettre morte : la seule aide extraordinaire consentie par la mairie sous
l’Empire l’a été en mai 1811 à l’occasion des mesures liées à la célébration de la
naissance du roi de Rome747. Les bureaux de bienfaisance doivent donc surtout aux
allocations exceptionnelles décidées par le préfet ou par l’empereur de pouvoir faire
face aux grandes crises. C’est particulièrement net lors des années 1811-1812
durant lesquelles Napoléon crédite leurs comptes d’au moins quatre cent mille
743
Le conseil d’administration nomme en son sein un secrétaire et une commission exécutive de cinq membres. 744
Sur présentation d’une liste de deux noms par place vacante par le comité. 745
Les comités se réunissent au domicile des membres ou, parfois, dans le local du juge de paix. Le conseil
d’administration s’assemble à l’hospice de la Charité au rythme prévu de deux réunions mensuelles. 746
AML, 744 WP 074.11, Établissements de bienfaisance. 747
AML, 1894 WP 002, Bureau de bienfaisance. Registre des délibérations de la Commission administrative.
L’allocation est alors de cent mille francs mais elle est en réalité versée à la ville par Napoléon.
297
francs748. Ce n’est que lorsque « l’apparence n’étant pas que Sa Majesté l’empereur
continuât d’accorder sur ses fonds personnels les sommes qu’elle avait bien voulu
nous donner »749, que le bureau général de bienfaisance se tourne vers la mairie.
Mais celle-ci n’est alors pas en mesure de prendre le relais. Durant son mandat, le
maire d’Albon ne cesse de dire son impuissance à verser d’autres secours que ceux
prévus aux crédits ordinaires du budget et rappelle que la ressource principale du
bureau est constituée des droits tirés des billets de spectacle.
La politique d’assistance de la municipalité se traduit ensuite par la mise en
œuvre d’actions ponctuelles rendues nécessaires par la conjoncture. Ainsi, le 16
janvier 1807, le conseil autorise-t-il une collecte générale au profit des ouvriers de la
soie victimes du chômage. Il est prévu que le produit de la collecte soit versé dans
les caisses de la ville puis mis à la disposition des comités de bienfaisance « et
consacré uniquement soit à distribuer des secours aux ouvriers de la Fabrique les
plus nécessiteux, soit à préparer aux moins malheureux des moyens économiques
de subsistance »750. Des personnes « zélées » sont choisies dans chaque quartier et
passent aux domiciles recueillir les souscriptions. La municipalité orchestre en fait
une opération caritative dont elle n’assume pas la charge. Par contre, en d’autres
occurrences, le conseil décide de consacrer partie des fonds de la ville à des secours
exceptionnels. C’est le cas lorsque, après avoir entendu un rapport particulièrement
pessimiste de Fay de Sathonay sur l’état des manufactures, les conseillers décident
d’une aide directe aux ouvriers victimes du chômage ou de l’effondrement des
rémunérations751. Parfois, la municipalité se voit contrainte de supporter le coût de
vastes opérations de bienfaisance décrétées par l’empereur et l’accepte mal. En
juillet 1812, les édiles se plaignent du fait que Lyon ait à payer seule ou peu s’en faut
le coût de la distribution, ordonnée par décret en mars, de soupes économiques
dans tout le département soit plus de deux cent soixante-dix mille francs752.
L’ensemble de ces mesures d’assistance sont bien sûr dictées aux autorités par
le souci du bien public, la volonté maintes fois affirmée de garantir à la population la
748
Ibid. Délibérations des 16 mai 1811et 23 mars 1812. 749
Ibid. Séance du 19 juillet 1813. 750
AML, 686 WP 015. 751
AML, 1217 WP 033. Séance du 14 décembre 1810. 752
AML, 1217 WP 035. Séance du 7 juillet 1812. La distribution des soupes est entièrement organisée par le
préfet : AN, F1c
III Rhône 5. Rapport Bondy (2e trimestre 1812).
298
plus modeste les conditions de sa survie. Elles obéissent aussi à l’objectif d’éviter les
désordres que causerait une trop désespérante dégradation de la situation sociale.
Dans un rapport au ministre de l’Intérieur sur les difficultés que rencontre la
population ouvrière lyonnaise en 1811, Fay de Sathonay fait état de cette double
préoccupation :
Cette population habituée à gagner sa vie par un travail honorable souffre, gémit d’être réduite
à recourir à la charité publique ; et sa patience, sa résignation n’est pas moins faite pour
étonner que pour inspirer la bienveillance. Mais cette résignation peut avoir un terme et il est
permis de le craindre alors que toutes les ressources de la bienfaisance ont été épuisées753
.
Au-delà de ces mesures d’urgence, la municipalité développe une politique
sociale assez cohérente en ce qu’elle concerne la mise en place d’établissements et
de dispositifs durables.
La municipalité de Lyon sous l’Empire promeut l’apparition de systèmes de
retraite pour les employés dont elle a la charge, incitée en cela par le décret impérial
du 15 septembre 1806 qui établit le principe d’une retraite dans toutes les
administrations civiles et judiciaires. Ainsi, le passage du régime de l’octroi à la régie
municipale permet aux employés de bénéficier d’un système de pension ouvert à
ceux qui, ayant atteint l’âge de cinquante ans, ont effectué au moins trente années
de service754. Leur pension annuelle viagère s’élève alors à la moitié de la moyenne
des trois dernières années de traitement. De même les surveillants de nuit sont
assurés d’une pension correspondant à un tiers du dernier traitement après vingt ans
de service, deux tiers après trente ans et la totalité après quarante755. Si toute idée
de réversion systématique est écartée sauf dans le cas des individus morts en
service, des secours exceptionnels ou viagers peuvent être accordés en fonction de
la situation de la veuve ou des enfants. Ce type de système de retraite est généralisé
sur la période à l’ensemble des employés dépendant de la mairie.
La municipalité apparaît en outre soucieuse de développer sa fonction
d’assistance en œuvrant pour la création d’institutions nouvelles dont certaines
753
Ibid. « Objets sur lesquels il importe le plus à la ville de Lyon de fixer l’attention du gouvernement ». Selon le
même rapport, ce sont, en 1811, 14 000 personnes qui reçoivent des secours. 754
AML, 1217 WP 031. Séance du 12 septembre 1808. 755
Ibid. Séance du 28 octobre 1807.
299
correspondent à des initiatives du pouvoir central – le mont de piété – et d’autres
sont des projets locaux, l’établissement de la Providence.
Le projet d’instaurer à Lyon un mont de piété est d’origine gouvernementale. Dès
la création de la mairie unique, le conseiller de préfecture Defarge soumet une
proposition de statut à Fay de Sathonay756 et transmet le dossier amendé au ministre
de l’Intérieur en frimaire an XIV (décembre 1805). Malgré la précocité de l’initiative, il
faut attendre la session ordinaire du printemps 1808 pour voir le maire rendre au
conseil municipal le mémoire de la chambre de commerce qu’il a sollicitée sur le
sujet 757 puis encore quatre mois avant qu’une délibération soit votée portant
règlement. Or, le gouvernement impérial, par l’intermédiaire du préfet, refuse la
proposition des édiles lyonnais au motif des trop larges prérogatives attribuées au
maire. En effet, le conseil municipal a estimé nécessaire que « pour veiller à des
intérêts dont elle est dépositaire » :
L’autorité municipale prît une part active dans l’organisation d’un établissement spécialement
destiné à ses administrés, qu’elle eut une influence marquée sur le choix des personnes
auxquelles seront confiés la régie intérieure ainsi que tous les détails du mouvement et de la
manutention »758
.
Autrement dit l’affirmation de la vocation proprement communale de
l’établissement déplaît au pouvoir central qui reprend fermement la main : le 23 mai
1810, Napoléon, depuis Lille, prend un décret instituant un mont de piété au profit de
l’hospice de l’Antiquaille, appelé à se substituer progressivement aux différentes
maisons de prêt existant en ville. Si le maire est membre de droit du conseil
d’administration, tous les administrateurs à part lui ainsi que l’ensemble du personnel
sont nommés par le préfet et approuvés par le ministre de l’Intérieur759.
Le décret impérial donne lieu à une ordonnance de police du maire en date du 21
juin 1811 organisant la clôture des maisons de prêt et le transfert des nantissements
756
AML, 747 WP 012.1, Mont de piété. Formation et fonctionnement. Documents du 6 brumaire an XIV. 757
AML, 1217 WP 031. Séance du 7 mai 1808. 758
AML, 1217 WP 032. Séance du 13 mai 1809. 759
On compte sept administrateurs placés sous l’autorité théorique du maire : trois appartiennent au conseil
d’administration de l’Antiquaille, deux au bureau de bienfaisance, deux sont des notables versés l’un dans le
droit l’autre dans la banque. D’après l’Almanach, en 1813, on compte quatre des personnages du corpus parmi
les sept : Bodin, Charrier de Senneville, Desprez et Regny père. Du directeur aux préposés, on compte quinze
employés auxquels s’ajoutent deux commissionnaires.
300
et des opérations liées au prêt vers le mont de piété 760 . C’est encore aux
commissaires de police qu’il revient de se rendre chez les prêteurs, de se faire
remettre les registres et de les clore. Le mont de piété est mis en activité le 1er juillet
1811. Dans l’attente de l’affectation d’un bâtiment qui lui soit spécifiquement dédié, il
est installé par le préfet aux Jacobins. C’est qu’aucun lieu n’a encore été choisi pour
accueillir le nouvel établissement. Le maire a d’abord soutenu l’idée d’installer le
mont de piété en lieu et place des bureaux de l’octroi au rez-de-chaussée de l’hôtel
de Rochebaron mais des conseillers (parmi lesquels probablement Mayeuvre de
Champvieux et d’Assier de la Chassagne) suggèrent la possibilité de mobiliser
l’ensemble des bâtiments de la Déserte761. Rapidement, un projet ambitieux porté
notamment par le premier adjoint Sain-Rousset se dessine. Il s’agit de profiter de
l’occasion pour déclencher une vaste opération d’urbanisme dont le coût est évalué à
cent mille francs et qui comprendrait, outre l’aménagement de 2 380 m² dans le
claustral de l’ancien couvent, la création d’une voie nouvelle ouvrant sur le jardin des
plantes et constituant « une de ces rues transversales et presque directes du Rhône
à la Saône dont nos devanciers ont trop négligé l’idée »762.
L’ampleur du projet étudié désormais par le conseil est telle que c’est une des
raisons qui poussent le préfet à prolonger la session en juillet. Des plans et devis
sont effectués à la demande du maire et la dépense prévue augmente pour atteindre
cent cinquante mille francs. Ce montant effraie sans doute les édiles qui décident à la
fin du mois de temporiser mais ce n’est pas la principale raison qui conduit
finalement à l’ajournement sine die du projet. En réalité, l’ensemble de la municipalité
renonce à procéder à un tel investissement alors que la nature communale de
l’établissement – « et par les éléments dont il se compose et par sa destination » –
encore revendiquée par Sain-Rousset est niée par le gouvernement et que la
direction du mont de piété comme le préfet semblent refuser l’hypothèse du paiement
d’un loyer à la ville, d’un montant tel qu’il serait susceptible de lui permettre d’amortir
l’investissement.
Les édiles renoncent donc à un aménagement d’importance qui aurait embelli et
aéré le centre de la ville sous le poids de la contrainte financière et devant le refus du
760
AML, 747 WP 012.1. 761
AML, 1217 WP 033. Séances des 15 février, 4 et 18 mars 1811. 762
Ibid. Rapport de Sain-Rousset, le 18 mars 1811.
301
gouvernement de voir la municipalité tirer profit de l’opération, c'est-à-dire un surcroît
d’autorité et d’indépendance financière.
À la fin du si rigoureux hiver 1810, le conseil municipal de Lyon décide de donner
corps à un projet qu’il avait inscrit au budget voté le 30 septembre 1809 en lançant le
chantier de la Providence763. En réalité, c’est l’influent adjoint Charrier de Senneville
qui porte ce dossier. Il s’agit pour la commune d’acquérir la maison dite de la
Providence pour y accueillir, aux frais de la mairie764 mais sous le patronage des
Dames de la congrégation de Saint Michel, plus de quarante jeunes filles de douze à
dix-huit ans « que la séduction et l’âge des passions ont déjà entrainées sur la route
du vice, qui ne sont pas encore perdues et prostituées, mais qui le deviendraient
sans doute » si l’on ne décidait pas de leur réclusion. Renouant avec une tradition
d’Ancien régime – il existait à Lyon une maison des Pénitentes qui exerçait ce rôle
avant que la Révolution ne la dissolve – les édiles prévoient que la réclusion des
pensionnaires devra s’accompagner d’un apprentissage aux métiers de la fabrication
de la soie ou de la passementerie. Ils concilient ainsi très opportunément utilité
économique et morale à un moment où il arrive à la Fabrique de manquer de main
d’œuvre en raison de la conscription. Ils satisfont ainsi sans doute une attente des
élites économiques qui, déjà, par le biais de la chambre de commerce ont obtenu
que les prostituées détenues à l’hospice de l’Antiquaille soient employées au
dévidage des soies. D’ailleurs, dans sa deuxième délibération sur le sujet de la
Providence, le conseil ajoute pour l’établissement la possibilité non plus de former
mais d’employer les adolescentes aux tâches pénibles du dévidage et d’ourdissage
des soies.
On le voit, la politique municipale d’assistance est vigoureuse et cohérente. Elle
est incontestablement un des fondements du pacte local liant administrés et
administrateurs. Elle n’est pour autant pas dénuée de motivations propres aux élites,
que les édiles représentent, soucieuses avant tout du maintien de l’ordre et des
conditions de leur prospérité.
763
AML, 1217 WP 032. Séances du 10 février et du 17 mars 1810. 764
L’achat des murs correspond à une dépense de 70 000 francs répartie sur les exercices 1810 à 1813 et le coût
de fonctionnement annuel de l’établissement est évalué à 5 000 francs.
302
3. La sécurité : une politique volontariste
Les politiques de subsistances et d’assistance concourent au maintien de
l’ordre765 mais il revient à la municipalité de développer une véritable action en
matière de sécurité c'est-à-dire non seulement de police mais aussi lutte contre
l’incendie ou de défense des aménités. En ces domaines, les édiles, le maire en tête,
se révèlent particulièrement déterminés.
3.1. Les pouvoirs de police : un enjeu majeur
Immédiatement après Brumaire, les autorités présentes à Lyon informent le
gouvernement de la résurgence d’un certain nombre de tensions politiques mais
aussi du risque de l’augmentation des crimes et délits. Dans ce contexte, elles en
appellent à « tendre fortement les ressorts de l’autorité judiciaire et
administrative » 766 . Soulignant la « mésintelligence qui règne entre les autorités
civiles et militaires »767, le commissaire du directoire pour le Rhône invite le nouveau
gouvernement à clarifier les attributions des différents acteurs ce qui va être un des
effets de la réorganisation administrative.
3.1.1. L’érosion des prérogatives du maire
Durant la période napoléonienne, les attributions du maire en matière de police
se sont rétrécies. Trois mesures émanant du chef de l’État sont à cet égard
décisives. La loi du 19 nivôse an VIII (9 janvier 1800) retire au maire le pouvoir de
nomination des commissaires de police pour l’attribuer au premier consul. Cette
décision annule un principe fixé par la constitution de l’an III et organisé par la loi du
3 brumaire an IV (25 octobre 1795). Le maire de Lyon revendique constamment le
765
Lorsqu’Igor Moullier aborde la conception de la politique de la ville du point de vue du ministère de
l’Intérieur, il montre son étendue ainsi que la multiplicité des acteurs qui l’influencent, parmi lesquels les
autorités locales : MOULLIER, Igor, « Police et politique de la ville sous Napoléon », R.H.M.C., n°52-4, 2007,
p.117-139. 766
AN, F1c
III Rhône 5. Rapports du commissaire du directoire exécutif près d’administration centrale du
département (nivôse, pluviôse an VIII). 767
Ibid. 4 pluviôse an VIII (24 janvier 1800).
303
droit, sinon de les nommer, du moins de présenter les neuf commissaires lyonnais.
La réponse de Napoléon est tout aussi constamment négative768. Or, la situation est
d’autant plus mal acceptée par le maire que le traitement des commissaires est
supporté par les finances de la ville depuis l’an VII ce que confirme un arrêté des
consuls du 23 fructidor an IX (10 septembre 1801) puis un décret impérial du 22
mars 1813 769 . Sous le Consulat, les édiles réclament pour la municipalité les
pouvoirs de police. Conscients de la nécessité, notamment à un moment où les
mairies sont divisées, de concentrer l’autorité de police dans les mains d’un seul, les
conseillers municipaux réclament l’institution d’un « commissaire général », nommé
pour six ans, délégué subordonné à la municipalité 770 . Mais le gouvernement a
d’autres plans.
Le décret impérial du 23 fructidor an XIII (10 septembre 1805) 771 crée les
commissaires généraux de police qui entrent directement en concurrence avec les
maires dans vingt-six villes dont Lyon et si un décret impérial du 25 mars 1811 paraît
diminuer leurs prérogatives, il n’en est jamais rien en réalité. Le commissaire général
est un fonctionnaire subordonné au préfet mais il correspond directement avec le
ministre. Ses compétences sont larges qui vont de la répression de la mendicité aux
pouvoirs de gendarmerie ou de réquisition des troupes de ligne en passant par le
contrôle des garnis ou des cafés. Un échange de courriers entre le maire Fay de
Sathonay, le préfet Bondy et le commissaire général de police de Lyon Abrial atteste
de la dureté des conflits de pouvoir résultant de l’enchevêtrement des
compétences 772 . Notons que le paiement des frais et les émoluments du
commissaire général incombent eux aussi à la commune selon le décret impérial du
23 mai 1806 ce qui provoque l’ire des édiles qui, convaincus de « l’inutilité de cette
dépense pour la ville de Lyon », demandent aussitôt « avec insistance que la caisse
communale soit dégrevée d’une charge qui lui est totalement étrangère »773.
Par le décret impérial du 4 mai 1815, enfin, un lieutenant de police est installé. Son
autorité s’exerce sur Lyon mais aussi sur ses faubourgs c'est-à-dire sur un territoire
plus vaste mais bien plus cohérent que celui de la commune stricto sensu. C’est en
vain pourtant que le maire de Lyon a jusque là réclamé le rattachement à Lyon des
768
PAILLARD, Philippe, « L’organisation de la police lyonnaise…. », op.cit. 769
AML, 01 I 002, Organisation financière de la police municipale. Carton 2A. 770
AN, F1b
I 242. Conseil municipal de Lyon, délibération du 13 ventôse an X (4 mars 1802). 771
Annexe II. 772
ADR, 4 M 1, Organisation de la police du département. Correspondance juin 1811. 773
AML, 1217 WP 030. Vœu du 4 juillet 1806
304
communes périphériques de Vaise, La Croix-Rousse et La Guillotière. Lorsque le 12
mars 1806, Fay présente déjà son souhait de voir se réaliser une telle réunion au
conseil municipal, il le justifie en particulier par la nécessité d’améliorer l’efficacité de
la police municipale en étendant son ressort à l’ensemble de l’agglomération. Par la
suite, il n’a de cesse de militer pour la réunion à Lyon de ces « lieux d’immunité »
que sont les faubourgs774.
Si cette ambition d’agglomération est partagée par la plupart des villes de
l’empire, celle de Lyon est regardée avec plus de méfiance que les autres semble-t-il.
Dans le décret 25 avril 1808 que Napoléon consacre à la seule ville de Bordeaux,
l’article 39 prévoit que la police municipale « s’étendra jusqu’à trois mille mètres de
rayon au-delà de ses limites ». Si cette disposition reçoit une application assez
limitée en raison de la résistance des maires de la périphérie775, son existence
témoigne d’une plus grande bienveillance à l’égard des velléités municipales
bordelaises que lyonnaises. Une ville plus moyenne comme Troyes obtient, par le
décret impérial du 20 septembre 1810, le droit d’exercer la police sur deux
communes limitrophes. Rien de tel, jamais, à Lyon. Le contraire, même, puisqu’en
fait, à un moment troublé où la fidélité des villes et de leurs représentants n’est pas
garantie, Napoléon dépossède un peu plus le maire de ses prérogatives de police en
reconnaissant tardivement et aux dépens de la mairie unique la pertinence de
l’échelle de l’agglomération.
3.1.2. Une exception lyonnaise : l’audience de police municipale
Paradoxalement, à Lyon l’Empire favorise indirectement l’institution d’une
pratique d’un genre particulier : l’audience de police municipale. Or cette pratique
aux confins des actions de police et de justice contrevient clairement aux principes
d’organisation de l’Empire et place le maire, représentant de la commune, en
situation d’opposition au pouvoir central.
L’existence de l’audience de police et la vigueur de son activité sont attestées
sous le Premier Empire776. Il est difficile de déterminer avec précision à quel moment
774
AN, F1c
III Rhône 5. 775
COSTE, Laurent, Le maire et l’empereur…, op.cit., p.207. 776
ADR, 4 M 1.
305
naît cette pratique mais on peut observer qu’elle se développe à la faveur du cadre
institutionnel nouveau que constitue la mairie unique et qu’elle peut se concevoir
comme le fruit d’une interprétation favorable au maire des principes du Code
d’instruction criminelle finalement entré en vigueur en 1811777. Quoi qu’il en soit, le
maire de Lyon, en la personne de Fay de Sathonay, est à l’origine de cette audience
qui consiste pour lui à rendre des décisions concernant deux types d’affaires. Tout
d’abord le maire propose lors de ces audiences, qui ont toujours lieu en l’hôtel de
ville, une sorte de médiation dans des conflits d’ordre privé tels des disputes
domestiques ou des voies de fait. Le maire, sollicité par les parties ou alerté par les
policiers municipaux, fait alors figure de « sage », d’arbitre librement choisi et
l’audience de police s’apparente à une juridiction gracieuse. Il assume un rôle
paternel et protecteur. Ensuite le maire s’autorise à traiter un deuxième type
d’affaires, bien différent celui-là, qui concerne la détention d’individus arrêtés parce
que soupçonnés d’être les auteurs de délits. Or, le maire, dans ce cadre, prolonge
des mesures de détention préventive et va jusqu’à prononcer des peines, empiétant
incontestablement sur le domaine de la justice de façon totalement illégale. Cet
aspect de l’intervention du maire aux marges des prérogatives des tribunaux et de
celles du commissaire général de police est régulièrement justifié par une sorte de
principe de subsidiarité qui voudrait que le maire fût le mieux placé pour agir avec
célérité dans le but de protéger ses administrés de la délinquance urbaine. À aucun
moment la légalité de cette audience de police municipale, institution purement
lyonnaise, n’est contestée en soi. Lorsque le préfet s’adresse au maire à ce sujet
c’est soit pour réclamer que l’audience de police accordée par le commissaire
général ait lieu avant celle du maire, ce que conteste d’ailleurs Fay de Sathonay, soit
pour rappeler que les pouvoirs de police du maire de Lyon ne s’étendent pas aux
communes proches des faubourgs778.
L’existence de l’audience de police municipale sous l’Empire comporte deux
enseignements précieux. Premièrement, elle est le signe de l’influence et de la
légitimité localement reconnues au premier magistrat de la ville. Les administrés
acceptent de voir en lui un acteur public capable de rendre des arbitrages sur des
questions touchant à leur vie privée, participant ainsi au maintien de la paix et du lien
777
TULARD, Marie-José, « Code d’instruction criminelle » dans TULARD, Jean [dir.], Dictionnaire Napoléon,
op.cit., p.453-454. 778
ADR, 4 M 1.
306
social. Le maire sous l’Empire renoue avec la tradition consulaire qui faisait des
édiles les garants du pacte social local. Secondement, elle traduit la capacité du
maire de la deuxième ville de France à disposer d’une réelle marge de manœuvre : il
y a place sous l’Empire pour l’affirmation de certaines spécificités locales pourvu que
le cadre institutionnel et la particularité des acteurs s’y prêtent et qu’elles se révèlent
efficientes779.
3.2. Le maire dote la ville d’outils réformés
Aux troubles et à l’accroissement de l’insécurité consécutifs aux événements de
la décennie révolutionnaire succède une période de retour à l’ordre qui s’est
amorcée sous le Consulat. Dans un long rapport du préfet au ministre de la Justice
en date du 9 vendémiaire an XI (1er octobre 1802), la ville de Lyon en l’an X est
décrite comme « assez tranquille » grâce à la « vigilance de la police » alors même
que le brigandage est « actif dans la région » et que sévit encore une importante
délinquance dans le sein de la ville « où les oisifs, les escrocs, les évadés des fers,
etc… existent en assez grand nombre ». La mendicité est dénoncée comme un fléau
auquel le préfet préconise de s’attaquer au moyen des bureaux de bienfaisance. Ce
sont les difficultés économiques et sociales qui sont le terreau de la délinquance
urbaine et le gouvernement est supplié de travailler au retour de l’activité. En outre,
un chantier entrepris depuis quelques mois dans toutes les communes du pays est
en passe d’échouer à Lyon : la lutte contre le jeu. En effet, alors que l’ensemble des
établissements ont été fermés, les mairies et la préfecture assistent impuissantes à
la multiplication des « tripots clandestins qui offrent tous les inconvénients des
anciennes maisons de jeu et de plus celui de n’être surveillés par aucune autorité ».
Alors que « toute la vigilance de la police est en défaut », le préfet dresse un bilan
catastrophique de son action de police en la matière et inclinerait à fixer un seuil de
tolérance à défaut de pouvoir imposer l’arrêt des activités illicites. Sur le plan de la
police politique, le préfet se félicite que « parmi les délits commis dans toute
l’étendue du département, il n’en est aucun qui doive être attribué à des causes
779
Laurent Coste dans son étude sur Bordeaux sous l’Empire arrive à une conclusion proche : « Les maires
surent d’ailleurs utiliser les inexactitudes gouvernementales pour justifier les libertés qu’il leur arriva de
prendre ». COSTE, Laurent, Le Maire et l’Empereur…, op. cit., p.43-44.
307
politiques (et que) les citoyens de Lyon, généralement livrés à l’industrie et aux
spéculations commerciales, prennent peu de part aux affaires politiques (…)
étrangers et émigrés ne donnent aucune inquiétude (…) l’esprit public est bon » 780.
Telle est approximativement la situation à Lyon lorsque la mairie unique est
instaurée.
3.2.1. L’organisation de la police municipale et l’adjonction d’un corps de
surveillants
Les effectifs de la police municipale à Lyon sous le Premier Empire sont
composés de neuf commissaires et de douze agents. Les premiers perçoivent un
traitement annuel de deux mille quatre cents francs, les seconds de six cents
francs781.
Chaque commissaire est affecté à l’un des trois arrondissements qui forment les
trois divisions du Midi, de l’Ouest et du Nord. Les agents, eux, sont répartis auprès
des commissaires en fonction de la population concernée, c'est à dire selon son
nombre et sa sociologie. Les prérogatives des commissaires et des agents découlent
de ce qu’elles étaient aux termes de la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) à
laquelle on se réfère encore malgré de nombreuses modifications. Ils exercent la
police judiciaire pour tous les délits dont la peine n’excède pas trois jours de prison et
une amende de trois jours de travail. Ce sont les délits de cette nature qu’ils
cherchent à réprimer. Dans ce cadre, ils ont bien sûr le droit d’établir des procès-
verbaux mais aussi de décerner des mandats d’amener. Si besoin est, ils peuvent
requérir l’aide de la gendarmerie ou de la force armée en activité en ville. Ils exercent
l’ensemble de ces prérogatives sous l’autorité du maire. S’ils ont à connaître de fait
délictueux ou criminels qui ne ressortent pas de cette catégorie, ils peuvent procéder
à l’arrestation d’individus et même décider leur incarcération provisoire mais ils ont
alors à en référer immédiatement au commissaire général de police qui est seul
compétent en ce qui concerne les affaires qui intéressent la justice criminelle.
780
ADR, 4 M 1. 781
Les inspecteurs des ports sont payés 1 200 francs et ceux du nettoiement 600. Aucun de ces traitements
n’évolue sur la période.
308
À Lyon, les édiles se plaignent régulièrement de l’inadaptation des effectifs aux
impératifs de la sécurité dans une ville si peuplée. Seulement parvenus en 1807 à
éviter la réduction de nombre des agents de douze à neuf782 et renonçant à obtenir
davantage de personnel, le maire et le conseil municipal par le biais de la
commission du budget proposent, à partir de novembre 1812, de diminuer
progressivement le nombre des commissaires à six et d’augmenter simultanément
celui des agents à quinze783. Cette requête ne reçoit aucune réponse de la part du
préfet ni du gouvernement.
Afin de pallier le manque d’agents, la municipalité de Lyon prend l’initiative, sous
l’autorité de Fay de Sathonay, de créer une force supplétive chargée plus
spécialement de veiller à la sûreté de la ville la nuit. C’est le 4 août 1807 que le maire
présente son projet de création du corps des surveillants de nuit 784 . Il imagine
d’organiser, sur un mode imité de l’armée, une compagnie de vingt-sept surveillants
encadrée par un capitaine, un lieutenant, un sous-lieutenant et neuf sergents ou
caporaux.
Correspondant à une dépense annuelle de vingt mille francs, ce corps serait
placé sous l’entière et exclusive autorité du maire et ces membres « ne pourront être
requis par une autorité militaire, civile ou judiciaire autre que l’autorité municipale
pour quelque service que se puisse être »785. Le ministre de l’Intérieur, sollicité par le
préfet, s’affirme plutôt favorable au projet mais met en garde « qu’au moment où Sa
Majesté a licencié toutes les gardes municipales, il n’est pas convenable de
présenter la formation de cette troupe sous la forme d’un corps militaire » et rappelle
fermement que « le service de cette compagnie doit être de simple police ».
Fay de Sathonay est alors en mesure de proposer un règlement et un statut à la
délibération du conseil 786 . Renonçant à des formes militaires qui n’avaient pour
objectif affirmé que de donner au corps des surveillants de nuit plus de discipline et
un plus grand pouvoir de dissuasion, il envisage un corps porté à quatre-vingt-trois
782
AML, 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807. 783
AML 1217 WP 035. Séances du 25 novembre 1812, 7 janvier et 16 juillet 1813. 784
En fait, des surveillants sont déjà à l’œuvre sous le Consulat mais ils ne sont pas organisés ni même
régulièrement appointés. Or « la dépense relative au corps des surveillants de nuit est de la plus grande urgence
et de première nécessité quand on considère que la ville se trouvant dépourvue de troupes, la sûreté et la
tranquillité publique pendant la nuit reposent presqu’entièrement sur (leur) vigilance » : AML, 1217 WP 030.
Séance du 4 juillet 1806. 785
AML 1217 WP 031. Séance du 4 août 1807. 786
Ibid. Séance du 28 octobre 1807.
309
hommes (dont seize surnuméraires) encadrés par trois inspecteurs en chef et
regroupés en quatre brigades. Placés sous l’autorité directe du maire et nommés par
lui, les surveillants ne sont pas casernés et ne sont pas tous appointés. Munis par la
commune d’une capote, d’un sabre et de sa bandoulière, à la lueur d’une des quatre
lanternes dont le corps est doté, ils parcourent « pendant les nuits les quais, rues et
places », font fermer selon les heures prévues cafés et cabarets, arrêtent mendiants,
vagabonds et « autres gens sans aveu », « dissipent les attroupements » et en cas
de mouvements séditieux peuvent requérir l’aide de la force armée. Le traitement
prévu par le ministre est plus faible que celui envisagé par le maire : neuf cents
francs par an pour un inspecteur, trois cents pour un surveillant. Adoptant le projet,
les conseillers rappellent une dernière fois qu’accorder une forme militaire à cette
« troupe » aurait été en mesure d’attirer davantage de vocations et regrettent ainsi
que ce corps de surveillants ne soit pas doté d’un prestige correspondant à sa
mission au service de la sécurité d’une des plus importantes cités de l’empire.
3.2.2. Le corps des pompiers et la lutte contre l’incendie
Dès sa prise de fonction le maire Fay de Sathonay prend l’initiative d’organiser un
service de pompiers sans cependant soumettre son projet au conseil municipal ni –
c’est plus grave – solliciter l’autorisation du gouvernement central. Aussitôt lui
parviennent des instructions du ministre de l’Intérieur datées du 11 décembre 1806
selon lesquelles « le corps des surveillants de nuit, celui des pompiers, ne seront
définitivement organisés que lorsqu’on m’aura adressé un projet d’organisation
délibéré par le conseil municipal et approuvé par M. le préfet, et que Sa Majesté
l’aura sanctionné ». Aussi le maire profite-t-il de la session suivante pour solliciter du
gouvernement, par l’intermédiaire d’une délibération du conseil municipal, la
confirmation du corps des pompiers « avec reconduction plus des améliorations, le
tout porté au budget »787. À la demande du ministre de l’Intérieur, le maire dote le
corps de pompiers de la ville d’un règlement renouvelé qu’il fait adopter par son
conseil municipal lors de la séance du 28 octobre 1807 788 . L’ensemble de ces
mesures est approuvé par décret impérial du 22 janvier 1808. Un peu plus de deux
787
Ibid. Séance du 28 juillet 1807. 788
Ibid. Séance du 28 octobre 1807.
310
ans après sa prise de fonction, Fay de Sathonay obtient donc du gouvernement
central l’officialisation d’une mesure prise dans les premiers mois de son mandat
comme l’exigeait l’urgence de la situation.
Finalement, le corps des pompiers de Lyon est une compagnie soldée de cent
douze hommes parmi lesquels on compte quatorze officiers et sous-officiers,
soixante-quatorze gardes et vingt-quatre surnuméraires. Les effectifs sont répartis en
quatre escouades. Ils ne sont pas casernés et l’organisation des équipes dépend
directement du maire. Le maire nomme les pompiers comme les surnuméraires et
peut les révoquer789. La ville prend en charge le traitement des pompiers qui varie de
huit cents francs annuels pour le capitaine-commandant à cent cinquante francs
pour les gardes ainsi que les primes prévues pour les nuits de service (un franc par
pompier et par nuit)790 et les éventuels encouragements ou pensions. La ville fournit
en outre casques et baudriers mais le reste de l’équipement est à la charge des
pompiers. Il convient de remarquer qu’une retraite est prévue pour chacun de ces
hommes ayant servi trente ans sans interruption et correspondant aux deux-tiers du
dernier traitement.
Le dispositif est l’objet d’une attention rigoureuse de la part du maire qui le
complète à l’automne 1809 par la création de trois corps de gardes de nuit. Trois
corps de cinq hommes chacun sont établis à partir du 1er novembre. Chargés de se
porter sur les lieux d’éventuels incendies, ils stationnent en des mois où l’on craint
beaucoup les feux de cheminée, de huit heures du soir jusqu’au jour « avec armes,
bricoles et casques » à l’hôtel de ville, aux Jacobins et à la loge du Change791. Un
sergent basé à la mairie effectue des rondes entre ces différents postes et l’on
prévoit que les surveillants de nuit pourront s’assurer de la présence effective des
gardes pompiers. En juin 1813, le conseil municipal sollicite du gouvernement de
pouvoir étendre cette mesure au-delà des cinq mois d’hiver au moyen de l’entretien
du poste de cinq hommes de l’hôtel de ville792.
789
Par un arrêté du 10 janvier 1810, Fay de Sathonay révoque un garde-pompier devenu inapte pour raison de
santé et qui refuse de démissionner : AML, 686 WP 015. 790
Les surnuméraires, eux, n’ont pas de traitement fixe. 791
AML, 1217 WP 032. Séance du 27 octobre 1809. 792
AML, 1217 WP 036. Séance du 18 juin 1813.
311
Le maire est assisté dans sa tâche de prévention et de combat des incendies par
une commission composée de citoyens nommés par lui. Cette commission des
secours aux incendies a pour fonction de veiller à l’entretien des pompes réparties en
ville793, de diffuser une information préventive et, le cas échéant, de suggérer des
mesures au maire.
3.3. Une action élargie
Les affaires de police connaissent une extension importante à Lyon sous l’Empire
d’une part parce que, on l’a bien compris, c’est un enjeu important aux yeux du maire
soucieux de défendre ses prérogatives et, d’autre part parce que, l’administration
étant peu étendue, celle de la police hérite de nombreuses missions. De la chasse
faite aux chiens errants à l’encadrement des festivités masquées auxquelles donne
lieu carnaval794, les tâches de simple maintien de l’ordre sont premières et déjà très
variées. Pourtant, le maire utilise la police municipale afin de conduire une action
originale à laquelle il donne le plus de retentissement possible.
3.3.1. Le combat moral
Fay de Sathonay mène dès les premières semaines de son mandat une
vigoureuse action de lutte contre les établissements de jeu. Il faut dire que les cafés,
cabarets et autre auberges sans parler des maisons particulières dans lesquels on
se livre aux jeux de hasard se sont multipliés à Lyon sous le Directoire et que c’est
déjà l’un des objectifs du maire du midi que de convaincre le premier consul, de
passage à Lyon, en pluviôse an X (janvier 1802), d’œuvrer à leur suppression.
Bonaparte est sensible aux arguments alors prônés par Sain-Rousset puisqu’il en tire
un principe général qui est progressivement appliqué :
793
Il existe à Lyon onze dépôts soit un dépôt général et dix dépôts particuliers de pompes à incendie : six se
trouvent dans des bâtiments publics, cinq dans des maisons particulières pour lesquels la mairie paie une
location. 794
AML, 686 WP 016. Voir notamment les arrêtés du 21 février 1811 et du 11 juin 1812.
312
On témoigne ici un grand mécontentement contre les jeux. Je désirerais que l’on fît discuter
en Conseil d’État la question de supprimer les jeux dans toutes les villes de la République,
hormis Paris ; c’est un objet de scandale795
.
Un arrêté du préfet du 12 pluviôse an X (1er février 1802) ordonne la fermeture
des établissements accueillant les jeux de hasard mais il ne les empêche visiblement
pas de prospérer. Un avis du conseil d’État du 30 brumaire an XIV (21 novembre
1805) se prononce pour l’interdiction totale des jeux de hasard en dehors du cadre
légal des loteries. Considérant qu’il revient à la police municipale de faire respecter la
loi et saisissant l’occasion d’affirmer voire de développer ses prérogatives, le maire
de Lyon signe le 31 janvier 1806 un arrêté relatif à fermeture des maisons de jeux796
et enjoint les commissaires et leurs agents de veiller à sa stricte application. Cet
aspect de sa politique est tout au long de son mandat et à sa mort porté au crédit de
Fay de Sathonay mais il semble qu’il faille nuancer l’idée qui voudrait que le premier
maire unique ait fait disparaître le jeu de la ville. Des arrêtés de police pris sous
l’autorité de d’Albon par l’adjoint Charrier de Senneville révèlent l’existence de
maisons clandestines mais également la pratique de jeux dans des établissements
connus. Au printemps 1813, un cafetier est incarcéré prison de Roanne pour
exercice illégal de jeux de hasard et plusieurs cafés, salles de billard, cabarets sont
fermés pour le même motif alors que la police est avertie qu’ « il existe dans la ville
des limonadiers et cabaretiers qui permettent chez eux des réunions à des heures
indues et souffrent qu’on y joue des jeux de hasards défendus »797.
La police municipale agit, en sus de sa traditionnelle mission de lutte contre la
délinquance, en faveur du maintien de la moralité dans l’espace public et de la
surveillance de l’opinion publique. C’est aux neuf commissaires que le maire donne
ordre au printemps 1809 de se renseigner sur les instituteurs exerçant dans leur
arrondissement, « sur leur moralité et la réputation dont ils jouissent »798. Ce sont
eux également qui sont chargés de surveiller l’activité des prostituées et de veiller à
ce qu’elles ne déambulent pas dans certaines rues, qui vérifient que, bien
qu’admises au théâtre, les « filles publiques ou entretenues » n’aient accès qu’à
795
Lettre à Cambacérès du 23 nivôse an X (13 janvier 1802) : NAPOLÉON BONAPARTE, Correspondance
générale, op. cit., t.3 : 1800-1802. Pacifications, n°6716, p.883. 796
AML, 686 WP 015. 797
AML, 686 WP 018. Arrêtés des 26 et 27 mai 1813. 798
AML, 686 WP 015. Instruction du 1er
avril 1809.
313
certaines places799. Ce sont eux enfin qui mettent en œuvre les ordonnances sur la
surveillance sanitaire des prostituées dans une ville « continuellement traversée par
une foule de militaires et d’étrangers de tout état » et qui voient se répandre les
maladies vénériennes800.
À partir du budget 1807, Fay de Sathonay obtient des conseillers municipaux
qu’ils inscrivent au passif une ligne de six mille francs destinés à des dépenses
secrètes de police. Il est entendu que le maire dispose librement et
confidentiellement de cette somme, principalement pour rémunérer des indicateurs
afin de surveiller « les endroits où l’on tenterait encore d’élever des jeux clandestins
et défendus » et d’obtenir « des renseignements sur tout ce qui peut tenir à la sûreté
publique ou particulière »801.
3.3.2. La défense des aménités
La sûreté en milieu urbain est, pour les édiles, tout à fait indissociable des
questions liées à la salubrité, à l’éclairage public et à la réglementation de la
circulation. À chaque compte rendu d’activité ou lors des travaux de préparation des
budgets802, ces trois domaines font l’objet d’attentions particulières, notamment dans
les premières années.
Les édiles décident, à l’été 1806, de lancer une double procédure d’adjudication
pour « le nettoiement de la ville et l’arrosage des promenades » et pour « le curage
et l’extraction des fosses d’aisance ». Rapides, les soumissions sont examinées et
un adjudicataire sélectionné dans le cadre d’une ferme du poids public inscrite à
l’actif du budget 1807 pour dix huit mille francs. Ce sont les places et les principales
artères qui sont privilégiées d’abord puis un effort particulier est déployé pour la
salubrité des quais que le conseil municipal souhaite peu à peu transformer en
promenades, le long du Rhône entre la terrasse Saint Clair et le quartier Perrache
notamment. Or, il s’agit de se protéger des « coulées d’immondices » émanant de
l’hôtel Dieu et des odeurs exhalées par la boucherie en accompagnant les mesures
799
AML, 686 WP 018. Arrêté du 10 août 1813. 800
Ibid. Ordonnance du 27 juillet 1813. Dans ce cadre, les prostituées sont soignées à l’hospice de l’Antiquaille. 801
AML, 1217 WP 030. Séance du 4 juillet 1806. 802
AML, 1402 WP 001.1, Budget : préparation.
314
d’aménagement (plantation d’arbres) par une règlementation durcie que les
commissaires sont chargés de faire appliquer.
L’éclairage public fait aussi l’objet d’une adjudication d’une durée de six ans et
trois mois qui est renouvelée une fois sous l’Empire en juin 1810803. Régulièrement le
conseil municipal propose une augmentation des dépenses consacrées à ce poste –
cent trente mille francs – mais il se heurte au refus du gouvernement bien qu’il insiste
sur la nécessité de favoriser la tranquillité nocturne de la ville. Les édiles militent en
vain sous l’Empire en faveur de deux mesures complémentaires : d’abord
l’accroissement du nombre des réverbères – Lyon en compte six cents –, en
particulier dans les quartiers neufs qui en sont dépourvus ; ensuite la généralisation
du régime dit du « grand éclairage » à l’ensemble de l’année et, partant, la
suppression du « petit éclairage » en vigueur traditionnellement de mars à
octobre804.
Peuplée et active la ville de Lyon connaît sur la période des problèmes
d’encombrements liés à une inflation incontrôlée du nombre des voitures. Là encore,
le maire en fait une affaire de police et met en place une règlementation
contraignante assortie de sanctions pour les contrevenants. Les véhicules ont
l’obligation de porter une plaque d’identification. Celle-ci doit indiquer les nom et
domicile du propriétaire et doit être « clouée en avant de la roue et au côté gauche ».
Les propriétaires de voitures de transport doivent se déclarer auprès des
commissaires de police et obtenir un permis d’exercer 805 . L’exécution de cette
ordonnance est confiée aux commissaires et aux agents de la police municipale
aidés en l’espèce par les inspecteurs des ports. Progressivement les différents corps
de métier voient les modalités de leur circulation fixées par des arrêtés de police806.
Les maires de Lyon, aidés de leurs adjoints et du conseil, ont sous l’Empire mené
en matière d’assistance, de subsistances et de sécurité une action déterminée, la
plus ample qu’il leur fut possible de conduire compte tenu des contraintes
budgétaires, réglementaires et, au fond, politiques qui leur furent opposées. Ayant la
charge d’une population de plus en plus nombreuse et d’une ville polarisant un
803
AML 686 WP 016. 804
AML 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807. Le petit éclairage est un dispositif qui ne prévoit d’allumer
qu’un réverbère sur trois. Dans les rues les mieux équipées, les réverbères sont séparés d’une quinzaine de
mètres. AML 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807. 805
AML, 686 WP 018. Ordonnance du 21 avril 1809. 806
C’est le cas le 23 juillet 1813 pour les « carrioleurs » de Perrache : Ibid.
315
espace de plus en plus étendu, la municipalité conçoit tôt l’espace normal de son
intervention comme celui de l’agglomération. Dans les mois qui suivent sa prise de
fonction Fay de Sathonay lance le projet d’unir administrativement les faubourgs de
Vaise, La Guillotière et La Croix-Rousse à la commune de Lyon807. Il s’agit de donner
toute son efficacité à l’action de la police municipale mais aussi de favoriser le
commerce en considérant que les faubourgs sont « une continuité de la ville ». Porte-
parole de l’élite négociante lyonnaise, Fay de Sathonay a aussi pour objectif affirmé
de contrôler la fabrication d’étoffes de mauvaise qualité qui se fait dans les faubourgs
et qui concurrence l’industrie lyonnaise. Défenseur des contribuables qu’il
représente, il dénonce les habitants des faubourgs comme profitant des avantages et
services de la ville sans contribuer aux paiements des charges808. Répété à plusieurs
reprises809, le vœu d’étendre l’autorité de la municipalité et la charge des services
publics lyonnais au territoire voisin ne sera jamais satisfait par le gouvernement810.
4. Les affaires militaires
La participation de la ville de Lyon aux affaires militaires de l’Empire est affaire de
contribution. Contribution à l’effort de conscription mais aussi contribution financière
à l’entretien des troupes et des infrastructures.
En matière de conscription, le maire est un fonctionnaire de l’État dans la pure
acception du terme. Au sein du département, c’est le préfet qui a la haute main sur
toutes ces opérations et il émet les circulaires, arrêtés et autres instructions qui
exigent des sous-préfets et des maires leur participation à un effort planifié au plus
haut niveau de l’État. Ainsi, dès sa prise de fonctions, Fay de Sathonay a-t-il, comme
tâche première, à organiser la réunion des cent quatre-vingt dix-neuf conscrits
lyonnais dans le cadre de la conscription de l’an XIV selon les modalités arrêtées le
12 vendémiaire (4 octobre 1805) par le conseiller Defarge, préfet par intérim811.
Désormais, selon la procédure prescrite par le décret du 8 fructidor an XIII (26 août
1805), dans le cadre du recrutement habituel comme dans celui des levées
807
AML, 1217 WP 030. Séance du 12 mars 1806. 808
La question de l’extension aux faubourgs des services publics et de leur financement par les habitants des
faubourgs est récurrente. Sur le cas de l’eau, voir notamment la séance du 1er
mai 1813. AML 1217 WP 035. 809
AML, 1217 WP 32-35. Séances des 9 mai 1809, 11 et 15 janvier 1810, 26 juin 1812. 810
AN, F² II D Rhône 2, Projet de réunion de La Croix-Rousse et La Guillotière avec Lyon (1806-1810). 811
AML, 1200 WP 001, Recrutement de l’armée. Instructions.
316
extraordinaires – notamment la levée de trois cent mille hommes décidée à la fin de
l’année 1813 –, le maire a en charge de recenser les conscrits, de les prévenir de
leur convocation et de s’assurer de leur soumission. Le préfet enjoint le maire de
collaborer activement avec la gendarmerie nationale, « ce corps d’élite dont le
dévouement est éprouvé, dont le zèle est infatigable »812 et, surtout, de se montrer
exact dans l’exécution des instructions gouvernementales, notamment en se retenant
de délivrer trop libéralement des documents (passeports, attestations d’activité,
attestations de situation de famille…) qui permettraient aux jeunes gens d’échapper
à la conscription. Particulièrement encadrée, l’action du maire est en cette matière
toute d’exécution. S’il apparaît parfois aux habitants de la ville susceptible de les
protéger des exigences impériales c’est parce qu’il est proche, connu des
administrés mais non pas en raison d’une réelle capacité d’action. En réalité, sa
mission comprend des tâches de police. Il est en particulier amené à renseigner le
préfet par l’intermédiaire de rapports fournis par les agents et les commissaires de la
police municipale concernant certains individus concernés par la conscription813.
La municipalité fournit de manière exceptionnelle des troupes lorsque la situation
de l’Empire devient difficile. Le désastre de Russie amène les édiles à manifester
leur soutien à Napoléon et, puisque « de toutes parts, une jeunesse belliqueuse se
rassemble et brûle d’entourer votre trône, votre personne sacrée et l’illustre rejeton à
qui sont attachées de si hautes destinées », décider la création de deux compagnies
de chasseurs à cheval de soixante hommes chacune sous le nom d’escadron
lyonnais. La monte et l’équipement des cent vingt cavaliers se feront « aux frais des
citoyens », la ville apportant quatre-vingt mille francs correspondant au « boni »
attendu des abonnements militaires 814 et comptant sur une souscription ouverte
auprès des habitants les plus riches pour fournir cent vingt mille francs815.
En matière de dépenses régulières, la ville a à supporter sous l’Empire trois types
d’obligations majeures.
812
Ibid. Courrier de Defarge aux maires des communes du département en date du 2 brumaire an XIV (24
octobre 1805). 813
AML, 1200 WP 003, Recrutement de l’armée. Documents divers. Enquêtes relatives au recrutement, 1812. 814
Il y a « boni » lorsque la somme perçue des habitants par la municipalité au titre de l’obligation de logement
des troupes excède les frais effectivement engagés. 815
AML, 1217 WP 035. Séances des 19 janvier et 5 février 1813.
317
Elle doit d’abord contribuer à l’entretien de deux corps de troupes, la compagnie
de réserve et la garde nationale. Selon l’article 16 du décret impérial du 24 floréal an
XIII (14 mai 1805), il doit être pourvu à la dépense de la compagnie de réserve du
Rhône au moyen du versement du vingtième du revenu de toutes les communes du
département en biens, fonds, rentes ou octroi. Or, il se trouve que le vingtième, pour
Lyon, excède la totalité de la dépense, évaluée à environ soixante et un ou soixante-
deux mille francs pour l’année. Le gouvernement, estimant fondée la requête de la
municipalité qui refuse de supporter seule la totalité du coût d’entretien de la
compagnie de réserve, fixe la dépense pour Lyon à 57 156 francs, le reste étant à la
charge de l’ensemble des autres communes du département. Outre que les
commissaires de police œuvrent au recensement des gardes nationaux816, le budget
municipal participe à l’équipement de la garde nationale et des corps de garde. Si la
dépense est prévue pour être relativement marginale, elle augmente de manière
importante à partir de 1810. Le chapitre 3 du titre 4 des dépenses ordinaires est en
effet débité annuellement de 15 300 francs de 1807 à 1810 puis de 43 726,10 francs
par an en moyenne de 1810 à 1813 et de 69 100 francs par an en moyenne en
1814-1815.
La ville doit ensuite participer à l’effort de logement des troupes de passage.
Compte tenu de sa situation géographique et de son poids démographique, Lyon est
particulièrement sollicitée. Jusqu’aux premiers temps de l’Empire, il n’existe pas de
disposition générale organisant la contribution de la ville et de ses habitants au
logement des militaires. L’accueil des soldats et des officiers se fait de manière
assez empirique, de même que le paiement d’indemnités est réclamé « au coup par
coup » par les autorités. À compter de la session ordinaire de 1807, le conseil
municipal adopte, à la demande de Fay de Sathonay, un système d’abonnement
facultatif qui permet aux habitants qui le souhaitent de ne pas avoir à accueillir de
militaires à leur domicile (régime du logement en nature) à condition d’acquitter à la
commune une somme indexée sur la contribution personnelle et variant de 5 à plus
de 20 francs selon les individus. Pour rester en vigueur, le système doit être autorisé
chaque année par le préfet. Sur la période 1807-1809, la recette des abonnements
pour le logement des gens de guerre est de 84 102,10 francs. Compte-tenu des
dépenses effectivement réglées par la ville à l’administration de la guerre, le maire
816
AML, 1219 WP 001, Organisation de la Garde nationale. Instructions du maire.
318
annonce alors un « boni » de plus de 15 000 francs817. La charge inhérente au
logement des troupes de passage à Lyon ne s’accroît pas par la suite, malgré les
difficultés rencontrées en Espagne d’abord, en Russie et en Prusse ensuite818.
La ville participe enfin à la construction et à l’entretien des casernes. Assujettie
initialement à construire la caserne de Sainte Marie des Chaînes, la municipalité
parvient à se soustraire à l’obligation compte tenu de l’offre de lits déjà importante
sur l’agglomération. Cependant, deux décisions viennent, en 1810, affecter
lourdement les finances de la ville. Par le décret impérial du 23 avril, l’État décide de
concéder les bâtiments militaires (et les prisons) en toute propriété aux villes où ils
sont situés ces édifices. Or, selon une annexe au décret, la municipalité ne peut
consacrer annuellement moins de 23 500 francs pour l’entretien des sept bâtiments
militaires que compte Lyon : deux à Serin, les autres à Sainte Marie des Chaînes,
aux Collinettes, au Bon Pasteur, à la Nouvelle Douane et aux Recluses (prison
militaire). L’obligation à laquelle est astreinte la ville implique en outre le traitement
d’un architecte conservateur des bâtiments militaires (4 000 francs annuels). Le
décret du 7 août de la même année prévoit que la dépense d’occupation de lits
militaires sera à la charge des communes, dès lors qu’elles ont un octroi, et non plus
de l’administration de la Guerre.
Quoique celle-ci soit moins coûteuse, la ville a encore à supporter une obligation
en garantissant le logement du général commandant la dix-neuvième division
militaire, aux termes des décrets du 17 messidor an XII (6 juillet 1804) et du 19
nivôse an XIII (9 janvier 1805) pour près de neuf mille francs annuels819.
5. Les relations avec les Églises
Le préfet du Rhône observe froidement, en l’an XI, que « le concordat n’a reçu
dans ce département qu’une exécution imparfaite. Les prêtres y sont toujours
divisés : aucune commune n’a de pasteur nommé par l’évêque confirmé par le
gouvernement ». On le voit, trois ans après Brumaire, la situation de la région
817
AML, 1217 WP 032. Séance du 1er
mai 1809. 818
Le maire est en mesure d’annoncer un solde positif de 56 000 francs en janvier 1812 : AML, 1217 WP 034.
Séance du 23 janvier 1812. 819
C’est normalement en compensation de cette obligation que la Déserte est laissée par l’État à la ville.
319
lyonnaise sur le plan religieux n’est pas assurée. Le franc bilan dressé par le préfet
souligne avec précision les lacunes de l’action publique qui sont particulièrement
liées à la conjoncture économique et sociale mais aussi à la profondeur du
traumatisme qu’ont constitué pour Lyon les bouleversements révolutionnaires dans
certains domaines, celui de la religion en particulier820.
Quoique parfois contestée, l’Église concordataire s’impose pourtant
progressivement à Lyon sous l’Empire, en particulier parce qu’elle est vecteur
d’apaisement religieux. La nomination à la tête du diocèse de Lyon de Joseph Fesch
le 6 thermidor an X (25 juillet 1802) – il prend possession de sa cathédrale le 16
nivôse an XI (6 janvier 1803) – correspond à la restauration progressive des anciens
usages. De nouveau, les cloches retentissent dans le ciel lyonnais, les prêtres
portent la soutane, les processions traditionnelles sont organisées, les effectifs du
séminaire de Croix-Paquet augmentent. L’oncle de l’empereur réside, de fait, peu à
Lyon. De toute façon, l’archevêque et les vicaires généraux n’entretiennent que peu
de relations avec les autorités municipales. L’Église ne subit aucune ingérence de la
part du pouvoir politique local et n’intervient pas dans la politique municipale. C’est
seulement dans le choix des sites destinés à accueillir les nouveaux cimetières de la
ville que l’on voit l’autorité archiépiscopale s’immiscer, avec succès, dans un débat
dont elle est initialement exclue. Il existe par ailleurs un accord évident entre les
édiles et l’Église en ce qu’il s’agit de confier la responsabilité de l’enseignement
primaire aux congrégations821.
Les relations entre la municipalité et les autorités religieuses qui, depuis l’entrée
en vigueur du régime concordataire, accélèrent leur action d’encadrement des
fidèles, se bornent donc pour l’essentiel à envisager des questions purement
matérielles liées à l’entretien des lieux de culte et au logement des prêtres.
Les édiles sont assez peu nombreux au sein des conseils de fabriques dont le
règlement est établi par Fesch et approuvé par Napoléon en nivôse an XIII (janvier
1805)822 . Comptant chacun six membres en sus du curé de la paroisse ou du
desservant de la succursale, les conseils de fabrique se recrutent parmi les résidents
de la paroisse ou les individus y disposant d’une « propriété notable ». On ne repère
820
ADR, 4 M 1. Rapport du préfet au ministre de la Justice en date du 9 vendémiaire an XI (1er
octobre 1802).
Le Concordat devient loi d’État le 8 avril 1802. 821
Ces deux sujets sont développés plus avant. 822
ADR, 5 V 1, Règlement des fabriques. Le règlement est proposé le 10, approuvé le 20.
320
guère que quelques individus du corpus dans les différents états conservés. Ainsi, en
1812, sept d’entre eux participent aux onze conseils de fabrique, formant tout de
même un peu plus du dixième de l’effectif total823. En fait, il semble que, les conseils
étant partiellement renouvelés annuellement, les édiles s’y investissent au même titre
que les habitants notables de la ville. Par contre, le décret impérial du 30 décembre
1809 introduit une nouveauté remarquable et porte dans son article 5 que, dans les
villes où il y a plusieurs paroisses ou succursales, le maire est membre de droit du
conseil de chaque fabrique. À Lyon, Fay de Sathonay organise un système de
délégation par l’arrêté du 6 mars 1811. À lui les conseils des paroisses de Saint
Nizier, Saint Pierre et Saint Paul, à Sain-Rousset ceux d’Ainay et Saint Bonaventure,
à Charrier de Senneville ceux de Saint François (succursale) et Saint Just, à
Champanhet ceux de Saint Louis et Sainte Polycarpe (succursale)824.
Sur la question du logement des prêtres et desservants, seulement huit des
treize églises paroissiales ou succursales que l’on trouve à Lyon dépendent
partiellement de la responsabilité de la mairie, cinq presbytères n’ayant pas été
aliénés.
De loin en loin, les délibérations du conseil municipal se prononcent sur la
participation de la commune à tel ou tel aménagement. Les maigres moyens tirés par
l’Église de la location des chaises, des quêtes ou du produit de bâtiments rétrocédés
par l’État en 1803 ne suffisent pas toujours à pourvoir aux nécessités et ce, d’autant
que l’espace public est souvent directement affecté par les travaux parce qu’ils le
rognent ou, tout simplement, affectent le paysage. Les édiles ont assez souvent à
s’intéresser à l’importante église de Saint Nizier, en particulier à propos de la
construction de la sacristie. Ils acceptent de céder gratuitement partie de propriétés
communales pour faciliter l’aménagement825. Généralement soucieux de conserver
de bons rapports avec le clergé local, les édiles refusent malgré tout d’accéder à
certaines de ses doléances. Ainsi de la demande des grands vicaires du diocèse de
démolir le jubé de l’église de Saint Just que les architectes de la ville préconisent de
rejeter826. Les conseils de fabrique sont les principaux interlocuteurs de la mairie
823
ADR, 5 V 3, Fabriques. Onze paroisses et succursales sur les treize que compte Lyon. En effet, la fabrique de
l’église paroissiale est gérée à part et celle de la paroisse Saint Bruno n’a pas de nommés. 824
Ibid. Les conseils de Saint Irénée et Saint Georges sont temporairement confiés à Charrier de Senneville et
Champanhet en attendant la nomination d’un nouvel adjoint. 825
Notamment : AML, 1217 WP 030. Séances du 19 février et du 5 mai 1806 ; AML, 1217 WP 035-036.
Séances du 18 février et du 7 juillet 1812, du 4 et du 7 janvier 1813. 826
AML, 1217 WP 031. Séance du 18 décembre 1807.
321
pour toutes ces questions de travaux publics. Les conseillers doivent, faute de
moyens, trier parmi les modestes requêtes qui leur sont adressées et, parfois,
arbitrer des litiges qui opposent fabriciens et riverains827.
Il faut observer pour finir que la municipalité entretient exactement le même type
de rapport avec l’Église protestante. C’est le consistoire qui est, en l’occurrence, le
partenaire officiel de la municipalité et il lui arrive également de solliciter l’aide
publique 828 . Pareillement, la mairie participe au financement du logement des
ministres du culte qu’il soit catholique ou réformé. En 1807, 7 318 francs sont
consacrés au logement des curés et desservants catholiques, 1 200 à celui des
pasteurs. À la fin de la période, ces sommes sont pratiquement inchangées829.
827
Les délibérations des séances du 22 mai 1806 et du 16 mars 1807 sont assez exemplaires. Le conseil
municipal se prononce lors de la première sur une question de droit de passage concernant la fabrique de l’église
de Notre Dame de Saint Louis et, lors de la seconde, refuse la demande d’une avance de 12 000 francs présentée
par le curé de la succursale de Saint Bonaventure pour des réparations urgentes : AML, 1217 WP 030. 828
Lors d’une même séance, au printemps 1810, le conseil municipal autorise le maire à faire rétablir le
logement du sonneur dans le haut de l’église Saint Jean et examine à la demande du consistoire un devis
envisageant des réparations urgentes de toiture au temple : AML, 1217 WP 032. Séance du 3 avril 1810. 829
AML, 1403 WP 039. Les sommes sont respectivement de 7 833 francs et 1 200 dans le budget de 1815.
322
Section 3. Des projets d’urbanisme ambitieux soumis au bon
vouloir impérial
Depuis 1789, Lyon a subi des combats, des destructions « punitives » au
lendemain du siège, a pâti d’un déficit d’entretien de ses principaux monuments lié à
la pénurie des moyens. Le paysage urbain a été partiellement ravagé par la
Révolution. Il est indispensable de rebâtir, de relever Lyon de ses ruines. En outre,
des portions de la ville sont particulièrement inadaptées aux besoins d’une grande
ville, qui plus est carrefour de communication. Certains secteurs sont à restructurer,
comme les abords du pont de pierre ou la rive droite de la Saône, d’autres, les
marais de Perrache essentiellement, sont à aménager et à insérer dans l’espace
urbain. À ce dernier sujet, la tâche qui incombe à la mairie unique est extrêmement
ardue s’agissant d’« un foyer d’insalubrité affligeant par les effets morbides » pour
lequel l’ancien consulat aussi bien que les municipalités de la Révolution ont échoué
à convaincre l’État d’intervenir et dont s’exhale un « air méphitique »830. Aménager la
ville pour la rendre plus pratique mais aussi plus salubre, voilà qui s’avère urgent à
l’aube du XIXe siècle. Et puis, comment ne pas espérer inscrire dans son paysage la
marque d’une prospérité et d’un prestige retrouvés ? Doter Lyon de monuments pour
l’élever parmi la hiérarchie des villes de l’Empire : au-delà de la nécessité, perce
l’ambition.
1. Relever la ville
Lyon a subi des destructions révolutionnaires. Trois chantiers sont symboliques
de la volonté napoléonienne de relever la ville831.
830
AML, 1217 WP 028. Séance du 5 germinal an XI (26 mars 1803). En 1784 pourtant, le gouvernement royal
s’est engagé au remblaiement des marais. 831
Les sites des principaux aménagements sont repérés sur un plan général : annexe VI.
323
1.1. Le pont de Tilsitt et l’hôtel de ville
À l’avènement du Consulat, il n’existe plus qu’un seul pont sur la Saône, le pont
de pierre reliant Saint-Nizier au quartier du Change.
La destruction du pont de bois reliant, par-dessus la Saône, l’archevêché au
quartier de Bellecour présentait un obstacle considérable au développement de la
ville en interrompant les communications entre deux quartiers actifs, alimentés en
particulier par le trafic lié à l’axe nord-sud longeant la Saône sur sa rive occidentale.
Dès le Consulat, le chantier considérable que constitue la construction d’un pont de
pierre est entrepris832. Cent mille francs sont affectés en 1806 à l’achèvement du
pont dit de l’archevêché833 et, en effet, c’est, cette année-là et la suivante, le seul
chantier à ne souffrir d’aucune baisse d’activité834. Le 15 août 1807 – jour de la saint
Napoléon – la clef de la dernière arche est posée et le passage est livré aux piétons
un an plus tard. Son achèvement correspondant à ce que d’aucuns considèrent
comme l’apogée de l’Empire, le pont est opportunément appelé de Tilsitt.
Malgré des problèmes résiduels liés au degré de sa pente835, le pont de Tilsitt est
à ranger parmi les succès incontestables du régime mais il ne peut véritablement
être rangé au crédit de la mairie unique qui, en la circonstance, a parachevé un
ouvrage déjà bien entamé sous les trois mairies et a été largement écarté par l’État
du processus décisionnel. Le financement des travaux est assuré pour moitié par
l’État en vertu de la loi du 16 septembre 1807 qui prévoit que lorsqu’une collectivité
territoriale profite d’un aménagement ou d’une infrastructure qui touche aux
transports et à la communication, elle doit participer pour partie (pas plus de la
moitié) au financement. En prolongement du pont, c’est le quai de l’archevêché qui
est construit en 1809. À cette fin, les Ponts et Chaussées accordent 150 000 francs à
la ville836. Or, les édiles se plaignent d’être à peine informés du cours pris par ces
aménagements majeurs. Le conseiller Chirat remarque qu’aucun plan ni devis n’a
jamais été transmis ni au conseil ni au maire837. Clairement, la mairie est réduite à
832
AML, 342 WP 001.2, Pont sur la Saône. Pont de l’Archevêché (1790-1802). 833
AML, 1217 WP 30. Séance du 27 janvier 1806. 834
Ibid. Séance du 1er
mai 1807 ; AML, 342 WP 031, Ponts. Pont sur la Saône. Avancée des travaux, 1806. 835
La pente est trop forte depuis que les ingénieurs ont renoncé à relever le niveau des chaussées adjacentes,
notamment du côté de la rue du Plat. Cela aurait impliqué le recouvrement partiel du sous bassement de belles
demeures, dont celle du maire Fay de Sathonay… : AML, 1217 WP 032. Séance du 1er
mai 1809. 836
AML, 342 WP 046, Ponts. Pont sur la Saône (1804-1809).Lettre du préfet au maire du 28 mai 1808. 837
AML, 1217 WP 031. Séance du 12 septembre 1808.
324
son rôle de pur relais d’exécution. Il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce, la
formule est efficace.
Dépossédée de sa mairie unique, Lyon a assisté à la dégradation de son hôtel de
ville réduit, après avoir été vandalisé après le siège et partiellement détruit par
l’incendie en 1803, à accueillir pauvrement quelques fonctions administratives
attachées à la municipalité du Nord. Les façades sont abimées, la grande salle est
inutilisable, de nombreux planchers et éléments de charpente ont disparu, des
étages entiers sont privés de mobilier. Lorsque le préfet Verninac visite les locaux qui
y sont mis à sa disposition pour son logement et ses bureaux, il s’effraie de « l’état
absolu de dégradation » et du « dénuement complet de mobilier domestique » dont
sont responsables « une révolution de douze années, (…) un siège dont les effets se
font remarquer à chaque pas dans cette ville »838. À compter de 1806, tous les
budgets de la période prévoient une ligne créditée en vue de pourvoir à des
réparations jugées systématiquement comme indispensables et, à ce titre,
prioritaires839.
Les années 1806 et 1807 sont consacrées à des travaux de gros œuvre puisque
c’est l’ensemble de la toiture et certaines parties de la charpente, notamment au
dessus du grand escalier, qui sont rétablies 840 . Le conseil municipal tenant ses
séances dans la maison redevenue commune, un local provisoire est affecté à cet
effet. Réparé, meublé sommairement, on le garnit des chaises nécessaires prélevées
dans les divers bureaux voisins en fonction de la taille de l’assemblée. Les bureaux
ouverts au public, la salle de l’état civil, les espaces de représentation sont équipés
de meubles convenables841. C’est essentiellement l’aile droite de l’édifice qui profite
de ces dépenses et, progressivement, l’ensemble de cette partie de l’édifice se
trouve rénové. À la fin de l’année 1808, son extrémité méridionale, le pavillon qui
donne sur la place de la Comédie, est achevé d’être refait842. Cependant, l’aile
gauche demeure, sur l’essentiel de la période, dans un état absolument déplorable.
Le retard pris dans la procédure d’approbation du budget retarde la réalisation des
838
AN, F 1c III Rhône 5. Lettre du préfet au ministre de l’Intérieur du 18 floréal an VIII (8 mai 1800).
839 AML, 1217 WP 030. Séance du 27 janvier 1806.
840 AML, 1217 WP 031. Séance du 2 mai 1808.
841 AML, 1612 WP 166. Hôtel de ville. Plan du rez-de-chaussée et du premier étage.
842 AML, 1217 WP 032. Séance du 1
er mai 1809.
325
projets adoptés à compter de l’été 1808843. C’est au cours des derniers mois de
l’année 1810 que débutent des chantiers d’importance qui concernent de nombreux
bureaux de l’administration municipale, en particulier ceux des commissaires de
police, diverses antichambres, la salle d’attente des détenus mais aussi la salle des
audiences municipales. Les crédits affectés à ces dépenses s’élèvent en 1810 à
25 681,76 francs au total ce qui confirme la pénurie de moyens qui bride l’action des
édiles en la matière. L’appartement du commissaire général de police lui-même n’est
complètement rafraîchi qu’en 1811 ; il faut dire que les édiles, depuis le début,
répugnent à assumer les charges afférentes à une fonction partiellement concurrente
à celle du maire. Tout avance lentement puisque seul le rez-de-chaussée de l’aile
gauche est terminé en 1812.
L’aspect extérieur de l’hôtel de ville reste laid malgré la réfection de la charpente
et de la couverture en plomb du dôme qui correspond davantage à une nécessité
qu’à des visées esthétiques. En juin 1813, le conseiller de Ruolz, au nom de la
commission des travaux publics, en est encore, pour 10 300 francs, à réclamer des
réparations urgentes qui, touchant à la « solidité » et à la « conservation » du
bâtiment, doivent être effectuées sauf à s’exposer à des « dépenses énormes ». Il
s’agit principalement de reconstruire la plate-forme du balcon principal, de changer
des balustres et remplacer une voûte qui menacent s’effondrer et de doter
d’espagnolettes les fenêtres de la grande salle844. À la fin de l’Empire, ni cette
grande salle ni les façades n’ont été restaurées845.
Certes, l’hôtel de ville a retrouvé des conditions matérielles de fonctionnement
normales. On s’y réunit et on y travaille quotidiennement sans être plus gêné par la
trop grande rusticité des conditions. Mais il arbore encore les stigmates des temps
troublés de la déchéance lyonnaise que le régime impérial n’est qu’incomplètement
parvenu à faire disparaître du paysage urbain. Pourtant, on peut trouver dans la
nature des choix effectués tant par les édiles que par le gouvernement et le préfet la
marque de la volonté de privilégier des travaux utiles au détriment de dépenses qui
pour être plus prestigieuses et, sans doute, plus visibles présentaient moins d’intérêt
pratique. La faiblesse des moyens financiers a empêché la municipalité de venir à
bout d’un chantier immense dans la décennie qui suit l’instauration de la mairie
843
Ibid. Séance du 17 mars 1810 ; AML, 466 P 010, Édifice public : Hôtel de ville. Travaux (1790-1809). 844
AML, 1217 WP 036. Séance du 25 juin 1813. 845
AML, 466 WP 007, Édifice public : Hôtel de ville. Travaux (1810-1822).
326
unique. Pourtant, la détermination n’a pas manqué aux édiles qui n’ont, mis à part les
difficultés budgétaires, rencontré aucun obstacle de type réglementaire ou
administratif.
1.2. Les « façades » : un enjeu majeur
L’action de la Convention exercée à l’encontre de Lyon et des Lyonnais au
lendemain de la défaite des insurgés est d’une sévérité exceptionnelle 846 . Les
autorités organisent une terrible répression qui a à la fois pour but de châtier les
individus désignés comme ennemis du régime mais aussi de régénérer une société
urbaine décrite comme foncièrement contre-révolutionnaire et vont jusqu’à songer à
agir sur le peuplement de la ville847. Mais si « Lyon n’est plus », la ville doit porter
dans son paysage intime les traces de sa déchéance. Le décret du 12 octobre fait
significativement références aux « ruines » de Lyon et, en effet, des démolitions
importantes sont décidées. Est d’abord programmée la destruction des maisons, au
premier chef celles d’acteurs politiques locaux emblématiques des premiers temps
de la Révolution : Tolozan, Imbert-Colomès, Palerne de Savy et Vitet notamment. Est
ensuite organisée la démolition des fortifications au rang desquelles on trouve le
château de Pierre Scize converti en symbole à la fois de l’arbitraire d’Ancien régime
et de la laideur de l’âme lyonnaise. Dans ce plan cohérent d’abaissement et de
stigmatisation de Lyon, la destruction des façades de Bellecour occupe une fonction
centrale848. Il s’agit de mutiler le paysage urbain de la manière la plus patente qui soit
en ravageant l’un de ses décors les plus remarquables. Offenses à « la simplicité des
moeurs républicaines » mais aussi révélatrices d’une prospérité passée, les façades
monumentales des dix maisons qui bordent à l’Est et à l’Ouest la place ci-devant
royale attestent de la puissance potentielle de la cité. Les démolir revient à
manifester le déclassement que subit cette dernière et à exprimer durablement sa
soumission. Le récit n’est plus à faire de la cérémonie du 5 brumaire an II (26 octobre
1793). Il suffit de rappeler que le maire Bertrand ainsi que l’ensemble des officiers
municipaux rétablis accompagnent les représentants en mission devant la maison
846
KLEINCLAUSZ, Histoire de Lyon,…,op. cit., t.2, op. cit., p.344-374. 847
TRÉNARD, Louis, La Révolution…,op. cit., p.423-424. 848
D’ailleurs, c’est l’action de destruction la plus exactement menée. Les maisons citées plus haut sont
finalement conservées. Celles de Tolozan et d’Imbert-Colomès existent toujours.
327
Sibens qui fait l’angle avec la rue des Deux-Maisons (actuelle rue Paul Lintier). Munis
de plusieurs petites masses, ils s’attaquent, à l’imitation de Couthon, aux
soubassements de cette première façade, inaugurant la démolition de toutes par
près de huit cents ouvriers849. La destruction de ce que les habitants désignent
désormais sous le seul terme des « façades » devient immédiatement symbolique de
la détermination du pouvoir central à enlaidir et diminuer la ville de Lyon. Les ruines
qui bordent désormais la plus importante place de la ville sont chaque jour le rappel
du traumatisme que constitue l’ensemble des événements liés à l’insurrection.
Les façades de Bellecour ne faisant l’objet d’aucune mesure de relèvement sous
le régime de la République directoriale, elles restent, en ruines, aux yeux de tous, le
témoignage de l’incomplète réhabilitation de la ville. Aussi, Bonaparte se montre-t-il
particulièrement avisé lorsque, de retour de Marengo, le 28 juin 1800, il s’offre aux
regards posant la première pierre du chantier de leur réédification :
J’arrive à Lyon citoyens consuls, je m’y arrête pour poser la première pierre des façades de
Bellecour que l’on va rétablir. (…) Je n’ai pas tenu à l’ambition d’accélérer le rétablissement
de cette place que j’ai vu si belle et qui est aujourd’hui si hideuse. On m’a fait espérer que
dans deux ans elle sera entièrement achevée. J’espère qu’avant cette époque le commerce
de la ville, dont s’enorgueillissait l’Europe entière aura repris sa prospérité850
.
S’engageant à relever les façades, le premier consul s’engage à relever Lyon, à
rendre à la ville sa prospérité et son identité. Dès lors, il choisit de faire écho à la
décision des conventionnels de faire de Bellecour de symbole de la défaite de Lyon.
Les façades rétablies seront l’éblouissant manifeste du retour à l’ordre et à la
prospérité au service de l’influence de Lyon.
849
« Au nom de la souveraineté du peuple, outragé dans cette ville, en exécution d’un arrêt de la Convention
nationale et de nos arrêtés, nous frappons de mort ces habitations du crime, dont la royale magnificence insultait
à la misère du peuple et à la simplicité des mœurs républicaines. Puisse cet exemple terrible effrayer les
générations futures et apprendre à l’Univers que, si la Nation française, toujours grande et juste, sait honorer et
récompenser la vertu, elle sait aussi abhorrer le crime et punir les rebelles » : cité dans ibid, p.424-425. 850
Cité dans : MONFALCON, J.-B., Histoire monumentale de la ville de Lyon, 1866, t.3, p.197.
328
1.3. Une réussite difficile
Trois mois après la pose de la première pierre par Bonaparte, l’architecte Gabriel
Thibière soumet aux autorités, municipalité et préfecture, au conseil des Bâtiments
civils et aux propriétaires des plans respectueux des anciennes fondations. Ils sont
finalement acceptés le 25 prairial an XIII (14 juin 1805) pour être légèrement modifiés
ensuite. Chacune des deux façades reste composée de cinq maisons particulières et
s’organise autour d’un avant-corps central à sept travées, séparées par une série de
pilastres colossaux 851 . La détermination affichée par Bonaparte, le choix
architectural arrêté révèlent une ambition tout à fait cohérente. Comme l’affirme
Nathalie Mathian, « agir de la sorte permettait de retisser les liens entre le passé et le
présent et d’oblitérer l’humiliation révolutionnaire »852.
Sous le Consulat et aux premiers temps de l’Empire pourtant les promesses de
Bonaparte tardent à se réaliser. Le conseil municipal répète inlassablement son voeu
de voir la situation se décanter et les travaux commencer. Pas moins de neuf
délibérations sont consacrées à cette seule question de janvier 1802 à avril 1805853.
L’État lui-même essaie de favoriser l’effort de reconstruction par l’arrêté des consuls
du 23 germinal an X (13 avril 1802) et les lois du 7 nivôse an IX (28 décembre 1800)
et du 7 ventôse an XIII (26 février 1805). Les maisons démolies appartiennent
toujours à leurs propriétaires privés et tous les efforts des autorités publiques tendent
à les convaincre d’investir dans la reconstruction. À cette fin, les propriétaires se
voient accorder des avantages importants parmi lesquels l’exemption de l’imposition
foncière pendant vingt-cinq ans, l’allocation d’un premier capital de 400 000 francs
payable au fur et à mesure de l’avancement des travaux puis d’une autre somme de
400 000 francs sur dix ans. Or, à ces conditions, et sous la condition supplémentaire
que la commune supporte seule les frais des façades proprement dites, seuls deux
851
MATHIAN, Nathalie, « Napoléon "réédificateur de Lyon" », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon et Napoléon, op.
cit., p. 234-238. « Seules variantes, la forme des baies rectangulaires couronnées, selon les projets de corniches
ou frontons cintrés, le remplacement du grand fronton à l’aplomb de l’avant-corps par un attique, de façon à
privilégier les horizontales, et la suppression des consoles à mascarons supportant les balcons passés de mode. Il
proposera par la suite des variantes, suivant les vœux de la municipalité ou du conseil des Bâtiments civils, avec
des colonnes pour les avant-corps, des arcades pour le rez-de-chaussée et des balustres en appuis de fenêtre. Le
choix définitif va vers une composition sobre, rectiligne, offrant une interprétation épurée de celle du XVIIIe
siècle. » 852
Ibid., p.238. 853
AML, 1217 WP 027-029. Séances des 5 pluviôse, 21 floréal, 1er
thermidor an X, 13 nivôse an XI, 9 prairial,
28 et 30 thermidor an XII, 23 brumaire et 23 germinal an XIII.
329
propriétaires sur dix se sont engagés à construire au printemps 1805 mais aucun
chantier n’est entamé854.
Incontestablement, la mise en place de la mairie unique et le volontarisme du
maire Fay de Sathonay permettent en la matière de sortir de l’impasse. En mars
1806, Fay prend acte du blocage de la situation et propose que la ville soit autorisée
à acheter les propriétés puis bénéficie d’avantages pour diriger leur reconstruction,
l’exemption des droits d’enregistrement par exemple. Il rappelle d’ailleurs que le
Consulat profita autrefois, par les lettres patentes du 24 novembre 1714, de
prérogatives comparables lors de l’aménagement des façades selon les plans de de
Cotte855.
L’État dote aussitôt la ville d’un arsenal juridique lui permettant d’agir dans le sens
voulu par Fay. C’est la loi du 9 mai 1806 qui autorise, contre indemnité, la ville à
acquérir les terrains bordant la place. C’est la décision du ministre des finances
Gaudin du 26 novembre 1807 qui organise le modus operandi. La caisse
d’amortissement achète en fait les terrains pour les céder à la ville qui, à son tour, les
cède à des entrepreneurs s’engageant à rebâtir. Très vite, la ville fait évaluer la
valeur des terrains par Hotelard, son architecte, qui la fixe à trente-quatre francs et
dix centimes le mètre carré856 et se présente, sur cette base et par le biais de la
caisse d’amortissement, comme acquéreur de chacune des maisons. La plupart des
propriétaires acceptent assez facilement de vendre à l’exemple de Quatrefages de la
Roquette qui, résidant à Paris et n’ayant plus d’intérêt sur place, cède un peu plus de
1300 mètres carrés pour 46 807,37 francs857. Certains, cependant, s’opposent à une
vente qu’ils estiment désavantageuse. Dubost, dont la maison se trouve au centre de
la façade occidentale, est celui des propriétaires qui résiste le plus longtemps aux
menées municipales. Notaire, il est familier des procédures juridiques. Lyonnais, il
peut facilement se consacrer au contentieux dont sont saisis les tribunaux locaux.
Opposant à la loi de 1806, il estime sous évalué le terrain dont il est propriétaire.
Dubost engage une longue procédure judiciaire au cours de laquelle il utilise tous les
recours possibles malgré l’insistance des tribunaux à donner raison à la municipalité.
854
1217 WP 015-016, Municipalité du Midi, actes et délibérations. Assemblées des 27 ventôse et 14 germinal an
XIII (18 mars et 4 avril 1805). 855
Les façades monumentales destinées à border la place sont conçues par Robert de Cotte en 1711. La statue
équestre de Louis XIV est édifiée en 1713. 856
AML, 321 WP 025, Place Bellecour. Reconstruction des façades. 857
Ibid. Maison Quatrefages. Acte enregistré le 24 septembre 1807.
330
Sur cette affaire, deux jugements sont rendus en première instance en avril et mai
1809, ainsi que trois arrêts de la cour d’appel impériale les 14 et 20 octobre puis le
27 décembre de la même année. Le maire de Lyon demande régulièrement au préfet
de l’aider pour que « cette affaire ne soit pas éternellement soumise aux obstacles
qu’y oppose le caprice d’un propriétaire »858. Finalement, un arrêté préfectoral du 19
janvier 1810 déclare la ville de Lyon propriétaire du terrain moyennant l’indemnité
initialement prévue de 59 690 francs. En séance du conseil municipal, au début du
mois de janvier, le maire peut présenter aux édiles le projet de traité sur l’aliénation
de l’emplacement des trois dernières maisons riveraines de la place Bonaparte859.
La rivalité qui oppose les différents architectes ayant à connaître du dossier,
Thibière, Hotelard et Gay principalement, rend l’avancée des travaux plus difficile
encore. Le conseil municipal est parfois consulté sur quelques aspects des projets
concurrents860 mais c’est le maire qui, en désaccord avec les plans initiaux, ralentit la
procédure en y imposant les architectes de la ville. En l’an XIII, les choix semblent
arrêtés puisque le plan des façades est dressé en relief dans une salle de l’hôtel de
ville après avoir été présenté par Thibière à Napoléon qui l’agrée dans son principe
le 25 germinal, (15 avril 1805) lors de sa visite à Lyon. Validé le 25 prairial an XIII (14
juin 1805) puis légèrement modifié, il est accepté par le ministre de l’Intérieur le 21
juin 1806 mais Fay de Sathonay le conteste jusqu’à obtenir du préfet, le 14 janvier
1807, que l’élaboration d’un nouveau plan soit confiée aux architectes de la ville861.
Quoi qu’il en soit, la municipalité cède progressivement les terrains à des
entrepreneurs privés qui s’engagent à respecter un cahier des charges précis,
notamment sur le plan architectural. La lecture des dix traités de reconstructions des
façades montre que les entrepreneurs s’engagent sur les délais (deux ans et demi),
le respect des plans arrêtés et l’entretien. Le maire passe les actes et surveille le bon
respect du traité par les entrepreneurs. La cession des terrains est gratuite,
accompagnée de l’attribution par la mairie d’une somme allouée progressivement
aux entrepreneurs en fonction de l’avancée des travaux, variant de 15 000 à 35 000
858
Ibid. Lettre du 21 septembre 1809 de Fay de Sathonay au préfet. 859
AML, 1217 WP 032. Séance du 3 janvier 1810. 860
Ibid. Séances du 17 mars et du 18 avril 1810. Durant cette dernière séance, le conseiller Grailhe de Montaima
présente au conseil un rapport extrêmement détaillé qui témoigne de l’intérêt des édiles pour la question ainsi
que de la rigueur de leur travail. 861
Ibid. Séance du 1er mai 1809.
331
francs selon les cas862. On remarque, parmi les quatre entrepreneurs qui investissent
dans le chantier des façades, la présence de l’architecte de la ville, Hotelard, celui-là
même qui estime la valeur des terrains en 1806. Il est l’acquéreur principal de cinq
maisons.
En tout état de cause, au printemps 1811, l’ensemble des conventions de
reconstructions des maisons et de leurs façades sont enfin passées. Pour autant le
chantier des façades n’est pas terminé et il ne le sera que sous la Restauration, en
1818. D’ailleurs, la destination des bâtiments reconstruits n’est pas fixée et l’idée est
même émise par Bondy d’installer la préfecture dans les deux maisons qui font angle
avec la rue de la Charité, ce qui a pour effet de retarder encore les travaux863. En mai
1811, quatre maisons sur cinq sont réédifiées du côté de la Saône – manque celle
du centre, la maison Dubost – mais les façades ne sont pas terminées. Du côté du
Rhône, par contre, une seule maison est achevée. Les quatre autres ne sont élevées
que jusqu’aux soubassements. Les édiles ont alors à solliciter du gouvernement la
prorogation de certaines exemptions fiscales dont bénéficient les entrepreneurs.
Prévues pour être décennales, elles n’ont pas encore profité aux investisseurs864.
On peut considérer que Napoléon a plutôt échoué à faire de la reconstruction des
façades de Bellecour le symbole de la réussite de son régime au service de Lyon.
Plutôt, la manière dont se déroule cette reconstruction illustre assez bien le sort du
régime impérial et son lien avec la mairie unique. Le volontarisme de la municipalité,
principalement du maire, ne se dément pas. Il est, autant que faire se peut, soutenu
par le gouvernement et son représentant départemental mais nettement contrarié par
des imbroglios juridiques et par la contrainte financière. Autant que la limitation des
moyens financiers, le manque de prérogatives contraignantes vis-à-vis des
propriétaires – la municipalité n’a aucun droit d’expropriation – explique d’ailleurs
globalement la lenteur de la politique municipale dans le domaine de l’urbanisme et
de l’aménagement. Napoléon lui-même est suffisamment conscient des difficultés
que rencontre ce projet si symbolique pour refuser que soit édifiée au centre de la
862
AML, 321 WP 025. Traités de cession aux entrepreneurs. Les sommes concernées sont de 20 000 francs dans
le cas des traités conclus entre la ville et les entrepreneurs Hotelard, Rey-Giraud, Giroud et Perrin du 5 octobre
1809 ; 25 000 francs dans le cas des traités Hotelard frères et Rey-Giraud de la même date ; 15 000 francs dans le
cas des autres traités Hotelard frères et Rey-Giraud du 5 octobre ; 15 000 francs dans le cas du traité Hotelard du
18 mars 1811 ; 35 000 francs dans celui du traité conclu avec Rey-Giraud le 24 avril 1811. 863
AN, F1c
III Rhône 5 ; AML, 1217 WP 033. Séance du 7 mai 1811. 864
Ibid. Séances des 18 et 31 mai 1811.
332
place une statue le représentant tant que les façades ne sont pas terminées865. La
chute de l’Empire survenant avant la réédification des façades, la statue équestre de
l’Empereur des Français n’orna finalement jamais l’emblématique place Bellecour.
2. Aménager la ville
2.1. Maîtriser et utiliser la Saône et le Rhône
Lors de la visite que Napoléon effectue avec Joséphine à Lyon du 10 au 16 avril
1805, l’empereur prend soin de connaître l’état de l’aménagement de la Saône et du
Rhône. Il se rend en effet le 12 avril au matin sur les sites des principaux ponts et
quais de la ville ainsi que sur celui de la digue de la Tête d’Or866. Il sait et souligne
l’importance pour la ville, son développement, ses approvisionnements mais aussi
ses exportations, de la maîtrise des deux cours d’eau qui l’alimentent, la traversent et
la contraignent tout à la fois. Napoléon prend, depuis le palais de l’archevêché, une
série de décrets datés du 25 germinal an XIII (15 avril 1805) parmi lesquels figure la
décision de permettre la réparation de la digue de la Tête d’Or qui, située en amont
de l’agglomération, protège partiellement la cité des crues. L’État s’engage à
participer pour moitié et jusqu’à hauteur de cent mille francs aux travaux
indispensables. Un an plus tard, l’adjoint Sain-Rousset qui préside le conseil à la
place du maire fait état d’un coût prévisible des travaux de soixante mille francs et,
en conséquence, demande à ce que le gouvernement prenne en charge la totalité
des frais. Autorisé par le préfet d’Herbouville à délibérer sur le sujet, le conseil suit
son président867. C’est en vain que les édiles renouvellent leur vœu et, finalement,
les travaux effectués sur la base des devis et des plans dressés par les ingénieurs
des Ponts et chaussées sont financés à parts égales (trente mille francs) par l’État et
865
C’est dans sa séance du 10 février 1810 que le conseil prend connaissance de cette décision de Napoléon :
« J’approuve la délibération du Conseil municipal, je verrai avec plaisir une statue au milieu de ma bonne ville
de Lyon ; mais je désire qu’avant de travailler à ce monument, vous ayez fait disparaître toutes ces ruines, reste
de nos malheureuses guerres civiles. J’apprends que déjà la place Bellecour est rétablie. Ne commencez le
piédestal que lorsque tout sera achevé. » : AML, 1217 WP 032. 866
DELANDINE, Passage à Lyon de leurs majestés…op. cit. 867
AML, 1217 WP 030. Séance du 29 avril 1806.
333
la ville868. Or, en lien avec le vaste chantier d’endiguement proprement dit, se pose la
question de l’acquisition de terrains adjacents afin de protéger certaines propriétés
des hospices et d’assurer la canalisation du fleuve ainsi que le tracé de son cours qui
tend à dévier vers l’Est. Les terrains sont la propriété de la commune de
Villeurbanne. Sur le rapport du conseiller La Roue, sept cent quatre-vingts ares sont
acquis aux frais de la ville869. Il convient de ne pas se méprendre sur l’importance de
l’effort entrepris souvent signalé comme l’une des grandes réalisations du règne.
Lors du bilan de l’activité de la ville en matière de travaux publics qu’il dresse en mai
1807, Fay de Sathonay met en lumière le peu de réalisations et le met en relation
avec la situation « délicate » des finances municipales 870 . L’État assiste ici
parcimonieusement l’effort de la municipalité et se garde d’inciter les édiles à le
prolonger. En effet, au cours de l’ensemble de ces débats, Sain-Rousset insiste sur
l’intérêt qu’il y aurait pour la ville à conduire un projet d’endiguement qui concernerait
la totalité de la traversée de Lyon par le Rhône et la Saône. Il fait en conséquence
archiver, après avoir longuement présenté et commenté chacun d’entre elles, les
sept expertises rendues sur le sujet871. Aucun prolongement n’est donné à cette
initiative sous l’Empire. En février 1812, une crue exceptionnelle du Rhône et de la
Saône inonde d’ailleurs de vastes portions de la ville, notamment au Sud de
Bellecour, et interrompt les travaux entrepris à Perrache872.
Si la canalisation du Rhône et de la Saône ne connaissent pas d’autre avancée
significative, une intense activité caractérise la période en ce qui concerne leur mise
en valeur c'est-à-dire l’aménagement des quais, des ports et des ponts.
2.2. Améliorer la voirie
Sous le Consulat et l’Empire, un effort considérable est produit par les différentes
autorités pour adapter la voirie lyonnaise aux exigences des temps nouveaux. Cet
effort s’accroît à partir de septembre 1805, le maire unique jouant un rôle essentiel
868
Ibid. Séances des 1er
, 5 et 10 mai 1806. 869
Ibid. séance du 21 juillet 1806. 870
Ibid. Séance du 1er
mai 1807. 871
Ibid. Séance du 10 mai 1806. 872
AN, F1c
III Rhône 5. Rapport du préfet (1er trimestre 1812).
334
dans l’impulsion mais aussi la réalisation des actions d’urbanisme. La plupart du
temps, le maire de la ville décide sans consulter son conseil des mesures générales
que le gouvernement veut bien reconnaître comme étant du ressort de la
municipalité. Tout au plus les édiles sont-ils informés des clauses des traités
d’adjudication conclus avec les entreprises chargées des opérations de démolition,
de construction, d’alignement ou encore de pavage qui se multiplient. Certains
chantiers sont plus problématiques que d’autres soit parce qu’ils suscitent des
oppositions de la part des riverains soit parce qu’ils ont une incidence imprévue sur
le budget de la commune. Des commissions sont alors mises en place qui
permettent au conseil de délibérer mais il faut convenir que, souvent, les questions
abordées sont périphériques. Les choix principaux, les décisions stratégiques sont
prises par le gouvernement, parfois par le truchement du préfet. Quelques décisions
importantes émanent du maire.
Dans l’abondance des sources locales traitant de ces questions, il est possible de
repérer quelques préoccupations récurrentes.
Les opérations de démolition et de déblaiement touchent l’ensemble de
l’agglomération et ne cessent jamais sur la période mais quelques secteurs sont plus
particulièrement concernés qui se concentrent sur les quais de Saône.
En amont du pont de pierre, rive droite, le quai de Bourg Neuf est particulièrement
problématique. Partiellement effondré, il offre une chaussée étroite, défoncée,
encombrée de gravas alors même qu’il forme partie de la route qui, venant du Nord,
permet d’entrer dans Lyon et l’actif quartier du Change après avoir passé la porte de
Vaise. Les travaux, sous l’Empire, ne cessent jamais d’y être considérés comme
prioritaires. Le déblaiement, la construction d’un mur sur la longueur du quai
occupent chaque année des entreprises que la ville demande à l’État de payer pour
moitié compte tenu du classement attendu de la voie en route de première ou
deuxième classe873. Les habitants réclament des indemnisations à la hauteur des
inconvénients subis mais le maire et le conseil refusent ce qu’ils considèrent comme
une surenchère874.
En aval, c’est le quai de la Baleine dont la chaussée est restaurée et élargie. Rive
gauche, le bas du pont de pierre, la rue Sainte Côme et celle de la Pêcherie sont
873
AML, 1217 WP 030. Séance du 8 mai 1807. 874
Voir notamment les séances des 25 janvier 1806, 21 juillet et 15 décembre 1810 : AML, 1217 WP 030-033.
335
placés en 1808 en tête des quartiers à détruire partiellement pour dégager la voirie et
en améliorer la salubrité875. Ces chantiers progressant, ce sont d’autres tronçons des
rives de la Saône qui commencent à être aménagés à compter de 1812. Les travaux
débutent cette année-là en aval du pont de pierre, rive gauche, jusqu’au quai des
Célestins mais aussi de part et d’autre de Bourg Neuf, entre les ponts rétablis de
Serin et Saint Vincent876.
À la fin de l’Empire, le passage de la Saône peut se faire en cinq points, de Serin
à Ainay. Le financement du rétablissement des trois ponts de bois a été l’objet de
difficiles tractations. Le pont de Serin est partiellement payé par les hospices qui
prévoient d’y rétablir un péage et auxquels le gouvernement avance cent mille
francs877. Un deuxième pont en pierre, celui de Tilsitt, permet le prolongement du
trafic vers le Sud et la rive droite de la rivière offre une route praticable qui n’oblige
plus les voitures à emprunter la très malcommode rue Saint Jean encombrée de
« chariots chargés de balles de coton et de garances, de caisses de meubles et de
quincaillerie » qui accrochent les « enseignes ou la montre des débitants »878.
Le long du Rhône, la situation est moins détériorée au début du mandat de Fay
de Sathonay. D’ailleurs il s’agit non pas de déblayer pour rendre praticable mais
d’embellir pour rendre plus agréable. Le quai de Bon Rencontre qui s’étend des
Cordeliers au pont de La Guillotière est établi en promenade en 1806. On plante
d’arbres les secteurs méridionaux à partir de l’Hôtel-Dieu, on vérifie régulièrement les
six abreuvoirs dont sont équipées les voies en bordure du fleuve, on entretient les
chemins de halage qui se trouvent en contrebas de certains tronçons, rive droite, ou
du côté de La Guillotière. À peine évoque-t-on parfois des problèmes de pavage, sur
le quai Saint Clair en particulier879. Rien en tous cas qui puisse permettre de refuser
la description avantageuse que fait de ces « lieux enchanteurs » le conseiller Bernat,
en juin 1811, alors même qu’il se plaint du retard pris par l’aménagement des quais
de Saône :
875
AML, 1217 WP 031. Séance du 25 juillet 1808 ; AN, F² II V Rhône 3.1, Élargissement de la rue Sainte Côme
(1810-1812). 876
AML, 1217 WP 035. Séance du 1er mai 1813. 877
Décret impérial du 12 août 1807. 878
C’est la pittoresque description qu’en fait Bernat dans un rapport du 9 juin 1812 : AML, 1217 WP 034. 879
AML, 1217 WP 032. Séance du 15 mai 1809.
336
Rien n’est beau, rien n’est agréable comme les quais du Rhône. Des allées d’arbres
garantissent de l’ardeur du soleil. Des bancs incitent au repos ; l’ensablement des trottoirs
bien entretenus et bien aérés engage à la promenade. Tout y est bien fait et commode880
.
L’état de l’ensemble des rues de la ville est progressivement restauré en même
temps que les principales d’entre elles sont élargies à la faveur des mesures
d’alignement. Puisque leur état est dégradé au sortir de la Révolution881, de vieilles
rues sont repavées : la rue Ferrachat et la montée du Gourguillon, à l’été 1809, la
montée de Choulans, à l’automne 1810. D’autres ne le sont pas encore au
crépuscule de l’Empire. Dans le quartier privilégié du Midi, la rue Laurencin, longue
de trois cent cinquante mètres et large de dix, fait l’objet d’un devis : il en coûterait
7 500 francs pour la paver882. Moins surprenant, au Sud de l’Arsenal, vers la Saône,
la rue Vaubecour est l’une des dernières de la ville à être élevée par le dépôt de
matériaux de remblais provenant de plusieurs chantiers de démolition. On peut
envisager son pavage pour l’année 1814. Au Nord de la chaussée Perrache, s’étend
le cours Napoléon longeant la rive droite du Rhône. Il correspond à une route de
première classe sur le tronçon qui file jusqu’au Sud depuis la place Grolier. Près de
neuf cents mètres de perré doivent être construits le long de cet axe destiné, depuis
le temps du Consulat, à devenir l’une des plus belles promenades de la ville. Deux
cent cinquante huit mètres sont réalisés au cours des deux premières années de
l’Empire pour la somme de 50 000 francs en même temps que de nombreux arbres
sont plantés à l’initiative de Sain-Rousset, alors maire du Midi. Les travaux sont
ensuite interrompus en raison de la faiblesse des moyens financiers de la ville avant
que l’architecte Hotelard dépose sur le bureau du maire, au début de l’année 1810,
une étude et un plan prévoyant l’achèvement des travaux et notamment la
construction de six cent vingt-trois mètres de perré. Le conseil suit en fait l’évolution
d’un chantier sur laquelle il n’a aucune prise. Des travaux reprennent en 1810 mais
le directeur général des Ponts et Chaussées refuse quelques mois plus tard, à la
demande du maire lui-même, le projet de prolongement du perré883. L’empereur
alloue pourtant à la ville un budget de 55 000 francs et approuve les plans d’Hotelard
880
AML, 1217 WP 033. Séance du 28 juin 1811. 881
AN, F1c
III Rhône 9. Lettre du préfet Najac au ministre de l’Intérieur (25 germinal an X). L’état du pavé des
grandes routes dépendant directement de l’État semble meilleur. 882
AML, 1217 WP 036. Séance du 6 décembre 1813. 883
Le conseil a entériné l’adjudication des travaux en mars 1810. AML, 1217 WP 033. Lettre du préfet au maire
en date du 25 mai 1811. Voir la relation des événements par Guerre lors de la séance du 1er
juillet 1811 : ibid.
337
par son décret du 6 octobre 1810. Ces décisions contradictoires ont pour effet de
provoquer une vive opposition entre le maire Fay de Sathonay et son premier adjoint
Sain-Rousset qui tous deux font appel au préfet. Le conseil, à la suite de sa
commission des travaux publics, prend le parti de l’adjoint contre le maire884. Le
manque de coordination entre le gouvernement et les Ponts et Chaussées, les
divisions au sein de l’exécutif municipal, l’incapacité du conseil à imposer ses vues
se conjuguent pour de bloquer un chantier essentiel au développement de la partie
méridionale de la presqu’île.
En juillet 1808, le maire Fay de Sathonay présente au conseil un rapport général
sur le sujet du classement des voies bientôt suivi d’un projet de numérotage des trois
cent cinquante rues de la ville 885 . Dans le même temps, le maire réclame
officiellement l’établissement d’un plan général conçu comme un outil efficace en vue
de planifier le développement de la cité. Il s’agit de favoriser la fluidité des
communications dans une ville dont la vocation de carrefour s’affirme :
Si dans les communes ordinaires les communications doivent être commodes et faciles pour
la libre circulation des personnes à pied, des voitures et aussi pour le transport des
marchandises, quelle attention l’Administration ne doit-elle pas apporter à se procurer les
mêmes avantages dans la seconde ville de l’Empire qui forme aujourd’hui le point central
entre le nord et le midi de la France886
?
Les édiles ne font en fait que répondre à l’impulsion donnée par Napoléon. Le
décret impérial du 27 juillet 1807 systématise à toutes les villes du pays l’obligation
de soumettre au gouvernement un plan géométral dans un délai de deux ans. Fay de
Sathonay passe en conséquence un traité avec Coillet que le conseil valide le 12
septembre 1808887. Alors qu’il livre une série de tracés couvrant la majeure partie de
la ville, à l’été 1813, le coût des travaux de levée du plan de Coillet est contesté par
884
Ibid. Le maire, pour s’opposer au chantier, évoque le risque de voir le cours du Rhône s’éloigner des rives
anciennes. Les conseillers ne croient pas en cette éventualité, confiants en l’efficacité des digues de la Tête d’Or
et des Brotteaux. 885
AML, 1217 WP 031. Séances du 25 juillet et du 14 septembre 1808. Une délibération sollicitant un projet de
numérotage des rues a été votée sous les trois mairies, le 25 floréal an XII (15 mai 1804). En novembre 1810,
toutes les rues anciennes sont munies de plaques. 886
Ibid. Séance du 25 juillet 1808. 887
Ibid. Séance du 12 septembre 1808. Le procès-verbal d’adjudication est signé le 30 juillet 1808. Il accorde le
chantier du plan géométral à Coillet pour la somme de 60 000 francs. Coillet est alors connu pour avoir été
employé dans le cadre d’une opération d’assèchement des prairies, aux Échets, dans la Dombes. Il a réalisé le
plan de nivellement ainsi qu’un cadastre général et parcellaire.
338
les édiles888. Afin d’offrir un cadre réglementaire à une entreprise qui dépasse dans
son objet, dans son prix et dans ses délais de réalisation toutes les prévisions
initiales, Coillet est nommé voyer de la ville en janvier 1814. Ni la levée du plan
géométral ni, bien sûr, les opérations d’alignement ne sont achevées à la chute de
l’Empire889.
2.3. Les cimetières
La législation napoléonienne en matière de sépultures insuffle un nouvel élan au
projet ancien de construction de nouveaux cimetières et propulse aussitôt la question
au rang d’enjeu révélateur des prérogatives municipales.
Le décret impérial du 23 prairial an XII (12 juin 1804)890, préparé par Chaptal891,
porte pour les communes l’obligation de déplacer leur(s) cimetière(s) en dehors de
l’enceinte des « villes, bourgs, villages » 892 . Afin de faciliter l’exécution de cette
mesure, il est prévu d’alléger les procédures d’acquisition des terrains par les
municipalités. Cette décision de l’État central rencontre à Lyon un vœu depuis
longtemps formulé par les autorités municipales confrontées au problème de la
saturation des cimetières existant à Saint Just et à La Croix-Rousse. Un terrain est
acheté par la ville dès avant 1789 aux confins de Villeurbanne et de Bron afin
d’accueillir un vaste cimetière et en juillet 1793, un autre est acquis sur la commune
de La Guillotière dans le même but. Cependant les événements se conjuguent pour
interrompre le projet en repoussant « bien loin (…) les douces conceptions de la
morale et de la philanthropie »893. Si le sujet réapparaît sous le Directoire, ce sont
bien les impulsions données par les autorités consulaires puis impériales qui
redonnent vie au projet. Le 26 pluviôse an XIII (15 février 1805), une délibération du
conseil municipal affecte le terrain de La Guillotière à la réception d’un nouveau
cimetière conçu pour être l’unique de l’agglomération894. Alors que des travaux sont
888
AML, 1217 WP 036. Séances des 25 juin et 8 juillet 1813. 889
Sur l’entreprise de Coillet : MERMET, Claude, « Coillet et le premier plan de Lyon à grande échelle », dans
Forma Urbis. Les plans généraux de Lyon, XVIe-XX
e siècles, Lyon, Archives municipales de Lyon, 1997.
890 Annexe II.
891 BERTRAND, Régis, « Le ministre de l’Intérieur : la législation des sépultures », dans PÉRONNET, Michel
[dir.], Chaptal, Toulouse, Privat, 1988, p.177-190. 892
Il faut que le cimetière soit clos et situé à plus de 35 mètres de l’enceinte urbaine. 893
Ibid. Séance du 21 juillet 1806. L’expression est de Petit. 894
AML, 1217 WP 029.
339
entamés par le maire du Midi, une délibération du 20 thermidor an XIII (8 août 1805)
se prononce en faveur de l’abandon du projet et de l’achat d’un terrain, cette fois
dans le quartier des Sablons, moins éloigné de la ville et plus accessible. Le préfet
donne son accord à ce changement le 30 brumaire an XIV (21 novembre 1805). On
se dirige donc vers la construction d’un vaste cimetière unique, sur un terrain de 532
ares acquis pour 6 384 francs. Il est entendu que le maire peut accorder aux familles
des permis d’inhumer dans des terrains particuliers, à la campagne.
Lors de la séance du 14 juillet 1806, le conseiller Petit peut proposer un
règlement encadrant le transport des corps dont la responsabilité incombe aux
autorités civiles895. Compte tenu de l’éloignement du site, le transport des corps se
fera à l’aide de chars ce qui confèrera au cortège plus de noblesse « que dans
l’usage qui courbe sous le poids d’un homme privé de vie quatre hommes menacés
d’en être bientôt dépouillés comme lui ». La plupart des familles auront recours à un
« service communal obligé » contre le paiement à la commune d’une taxe fixe de dix-
huit francs pendant que les plus fortunées pourront préférer un « service de luxe » à
condition d’acquitter un montant pouvant varier de cinquante à cent cinquante
francs896. Un entrepreneur de pompes funèbres est choisi pour six ans. Il est payé
par la mairie au moyen de la taxe pesant sur le « service communal obligé » ou bien
directement par les familles dans le cas des prestations les plus sophistiquées. La
commune exige de l’entrepreneur qu’il tienne, pour le service obligé, en permanence
à disposition trois chars (et quatre chevaux de même couleur). En outre, le règlement
municipal prévoit le nombre et la qualité des employés chargés du transport des
corps, la marche des convois du domicile du défunt à l’église et de l’église au
« champ du sommeil », l’étendue, la profondeur et la distance des fosses.
L’action des édiles correspond à un souci d’ordre sanitaire, que les décrets
impériaux font prévaloir, combiné à une ambition urbanistique et au développement
d’une nouvelle sensibilité face à la mort. Le rapport du conseiller municipal Petit
justifiant longuement le choix du site unique des Sablons à La Guillotière est
particulièrement révélateur du faisceau des préoccupations qui meuvent alors les
édiles :
895
AML, 1217 WP 030. 896
Ces sommes s’entendent pour des corps d’adultes. Les corps des enfants de moins de douze ans sont
transportés pour un prix moitié moindre.
340
Vous jugeâtes que la sépulture d’une grande cité devait être un grand monument ; que la
douleur pardonnerait volontiers le luxe des cyprès et des ornements funèbres, et que cette
douleur, peut-être, aurait quelque chose de plus solennel et de plus religieux lorsqu’elle verrait
dans la même enceinte toutes les autres douleurs réunies à la sienne et que ses larmes
seraient évoquées par d’autres tombeaux et d’autres larmes897
.
Or, alors même que le projet semble tout à fait entériné, le cardinal archevêque
de Lyon soutenu par une pétition de curés et de paroissiens s’élève contre le
cimetière unique et propose deux sites, à Saint Just et à La Croix-Rousse.
En fait, Fesch et le clergé sont profondément hostiles à l’institution d’un cimetière
unique à La Guillotière et font maintenant massivement pression pour que le projet
échoue. Ils critiquent le choix d’un site éloigné qui nécessite que les cortèges
passent le pont de La Guillotière, décrit comme excessivement étroit, long et
encombré, avant de traverser le faubourg le plus animé de l’agglomération et sa
grande route particulièrement fréquentée, sans compter que les crues du Rhône
peuvent interrompre la circulation certains jours. Ils calculent que, depuis la tête du
pont, rive droite, il faut normalement « au grand trot » vingt-quatre à vingt-cinq
minutes pour arriver au cimetière et qu’un cortège funèbre ne saurait y parvenir en
moins d’une heure898. Le cardinal ne va pas jusqu’à demander la suppression du
cimetière de La Guillotière mais il demande qu’y soient inhumés seulement les
habitants du faubourg, les défunts des hospices et les non-catholiques. Il sait se
montrer persuasif puisqu’une lettre du préfet au maire informe à la fin de l’année les
autorités municipales que le gouvernement désire désormais la création d’au moins
trois cimetières pour Lyon, dont celui que l’on a commencé à aménager à La
Guillotière899.
Parmi les sites envisagés, celui de Saint Just – il s’agit du site de Loyasse –
reçoit l’assentiment d’un maire que l’on devine contraint de se ranger aux exigences
du clergé et du gouvernement et qui se rend sur place pour un nouvel examen des
lieux. Autrefois décrit comme inapproprié, le terrain paraît dès ce moment « par sa
situation et son éloignement de la ville, réunir les conditions voulues par les lois et,
par son étendue et sa position, parfaitement convenir à la destination que l’on se
897
AML, 1217 WP 030. Séance du 21 juillet 1806. 898
Ibid. Séances du 19 juillet 1806 et du 12 mars 1807. 899
AML, 473 WP 001 /2, Cimetière des Sablons. Lettre du préfet en date du 6 décembre 1806.
341
propose de lui donner. Cet emplacement forme une grande plate-forme en vignoble
au revers de la montagne de Fourvière contre les prairies de Champvert ; l’endroit
est élevé est n’est vu par aucune maison voisine, si ce n’est que de très loin »900. Au
printemps 1807, c’est le conseil municipal qui, par la voix de Boulard de Gatellier, se
prononce en renâclant pour la création de trois cimetières901. Décidément, « il est
peu régulier, pour une assemblée délibérante, de revenir sur des vœux tant de fois
émis et approuvés ». Le site des Sablons est confirmé, celui de Loyasse « vis-à-vis
de la guérite des quatre vents » est acquis pour trente-deux mille francs et les édiles
s’engagent à se mettre en quête d’un troisième terrain, à La Croix-Rousse. En fait, la
délibération du conseil ne fait qu’approuver a posteriori l’action du maire qui, seul, a
négocié et passé l’acte de vente. Les édiles renoncent donc à regret à un projet mûri
depuis les premières années de la Révolution dont la législation napoléonienne
rendait pourtant enfin la réalisation possible. Non seulement désavoués lorsque de si
nombreuses de leurs délibérations sont contredites, ils sont brutalement écartés du
processus décisionnel qui s’accélère sous la pression d’autorités concurrentes –
l’archevêché – ou de tutelle – la préfecture – faisant du maire l’unique outil opératoire
de la politique gouvernementale.
La cause est entendue. Les nouveaux cimetières lyonnais seront établis selon
les vœux du clergé appuyés par le gouvernement contre l’avis de la municipalité. Le
30 juillet 1807, le préfet exige du conseil qu’il revoie les taxes d’inhumation jugées
trop chères ce qui amène les édiles à se tourner, chose nouvelle, vers les treize
paroisses et succursales de la ville pour leur demander de participer à la rédaction
d’un nouveau règlement tarifaire902. Dès lors, les opérations foncières et de voirie
conduites par le maire se succèdent qui conduisent à l’adoption en 1811 par le
conseil municipal du plan définitif du cimetière de Loyasse 903 . Seule ambition à
laquelle restent attachés les membres du conseil, celle qui consiste à rendre toute
leur pompe aux cérémonies d’inhumation dont la législation des morts établie par
l’Empire attribue la responsabilité à l’autorité municipale, le clergé étant chargé du
service des défunts rendu au domicile et à l’église904. Présentant un rapport sur le
900
AML, 1217 WP 030. Séance du 12 mars 1807. 901
Ibid. Séance du 2 mai 1807. 902
AML, 1217 WP 031. Les tarifs sont effectivement revus à la baisse. Lorsque le cimetière de Loyasse ouvre,
le principe de gratuité est adopté pour les indigents, la taxe du « service commun » est fixée de 5,60 à 12 francs. 903
AML, 473 WP 001.7, Cimetières. Loyasse, mur de clôture ; AML, 3 S 00003. Plan général du cimetière de
Loyasse par Gay. 904
Décret du 18 mai 1806 : annexe II
342
sujet du transport des corps, Jean Guerre se fait à nouveau l’écho de cette
préoccupation qui s’avère constante et profonde sous l’Empire :
Le respect des morts est une des premières vertus des vivants : celui qui n’arrosa jamais de
ses larmes le tombeau de ses frères ne les aima jamais. Malheur au peuple dans qui un
sentiment si naturel viendrait à s’affaiblir : il n’y a plus de lien entre les hommes si l’instant de
la mort ne laisse plus de devoirs à remplir905
.
L’affirmation de cette préoccupation édilitaire en rapport avec l’évolution des
mentalités ne saurait masquer en l’espèce la faiblesse du pouvoir d’influence du
personnel politique local.
2.4. Les fontaines
L’alimentation en eau de la ville est de longue date insuffisante. Elle est une
préoccupation permanente des trois mairies sous le Consulat comme en témoigne la
nombreuse correspondance échangée à ce sujet entre les édiles, le commissaire
général de police et le préfet906.
Le souci de procurer de l’eau aux habitants et de lutter contre la privatisation des
ressources est ancien. Pour ne remonter qu’aux premières années de la Révolution,
on organise, lors de la vente des biens nationaux, le transfert vers la collectivité de
ressources dont elle était jusque-là privée. Lorsque le citoyen Peilleux acquiert des
bâtiments claustraux, vignes et dépendances sur les Génovéfains, le bref
d’adjudication stipule que « demeure réservée à la Nation, pour en faire jouir le
voisinage, la moitié du produit de la source qui verse ses eaux dans le réservoir de la
grande cour (…). Il sera établi aux frais de la commune, dans ce réservoir, deux
prises d’eau de même dimension et même niveau, l’une pour continuer de fournir des
eaux dans les bâtiments et jardins (privés), l’autre pour fournir une fontaine
extérieure »907. Il faut néanmoins attendre dix ans et le Consulat pour que soit prise
905
AML, 1217 WP 033. Séance du 18 juin 1811. 906
AML, 329 WP 1, Alimentation en eau de la ville. Correspondance des maires. 907
AML, 468 WP 9, Fontaine monumentale des Deux Dauphins. Bref du 18 août 1791.
343
la décision de construire sur les lieux une fontaine en vue d’utiliser « les eaux que la
nation s’est réservées »908.
À compter de vendémiaire an XIV, la municipalité conduit en ce domaine une
action qui se caractérise à la fois par sa constance et par sa modestie. En effet,
aucune action de grande ampleur n’est conduite à Lyon sous l’Empire mais plutôt
une série de mesures illustrant la volonté pragmatique d’améliorer l’accès à l’eau
pour les habitants de la ville en tenant compte des inégalités qui affectent l’espace
urbain909. Pourtant, en 1808, le maire Fay de Sathonay travaille à la levée d’un plan
général de toutes les sources et fontaines et s’affirme à la fois soucieux des
disparités qui affectent le partage de la ressource entre les différents quartiers et de
la rareté de cette même ressource. Il imagine alors un vaste projet qu’il présente aux
conseillers comme une simple « idée » et qui « consisterait à détourner du fleuve du
Rhône une masse d’eau considérable que l’on porterait par l’effet des machines
hydrauliques, dans des réservoirs assez spacieux construits sur l’une de nos
montagnes, d’où l’eau serait ensuite distribuée continuellement dans les différentes
parties de la ville, soit pour l’usage des habitants soit pour l’irrigation et le
nettoiement des rues »910. Aucune suite n’est donnée et le sujet n’est plus abordé en
conseil.
La contrainte financière demeure l’obstacle essentiel auquel se heurte la
municipalité dont la détermination est incontestable. Il faut dire que les édiles sont
constamment assaillis par les doléances des habitants de la ville qui se plaignent de
l’insuffisance des ressources en eau et du faible nombre des points de distribution.
De nombreux quartiers ne disposent pas d’accès à l’eau. Du coup, les pétitions
relatives aux pompes et fontaines de la ville se multiplient 911 . On signale des
prélèvements abusifs, on demande des réparations, de l’entretien mais aussi des
constructions nouvelles : dans le nouveau quartier des capucins, place Saint
Georges, place de la Trinité, rue des Farges… Les architectes et les ingénieurs de la
908
Ibid. Rapport de l’architecte Loyer, en date du 2 prairial an IX (22 mai 1801). Loyer est un futur conseiller de
la mairie unique. La décision est prise par le maire de l’Ouest, Bernard-Charpieux, futur adjoint de Fay, par
arrêté du 19 floréal (9 mai). Si le premier devis s’élève à moins de 3 000 francs, le coût définitif de la
construction de deux fontaines s’élève, en fructidor an XII (septembre 1804), à 9 797, 59 francs 909
Le préfet Verninac s’exclame, aux premiers jours du Consulat, devant le conseil municipal : « Les fontaines
semblent être plus spécialement la propriété du pauvre ! Cette considération vous les recommande ! » : AN, F 1c
III Rhône 5. Discours du préfet au conseil municipal (11 frimaire an IX – 2 décembre 1800). 910
AML, 1217 WP 031. Séance du 2 août 1808. 911
AML, 468 WP 9. Pétitions.
344
ville sont fréquemment saisis de ces questions. En conséquence, ils multiplient les
études et les devis. L’architecte Flacheron propose, en 1810, un complexe dispositif
de conduite souterraine aux abords de la rue de la vieille monnaie pour alimenter la
fontaine de la place des petits pères912. Lorsque s’en offre la possibilité, le maire
décide l’édification de fontaines nouvelles en réponse aux requêtes de ses
administrés. Une fontaine est construite dans le quartier neuf des capucins en
1808913, deux pompes sont installées en 1811 dans le quartier Saint Irénée où les
puits existent déjà, rue des Farges et place des Chevaucheurs, et où « la rareté de
l’eau sur les hauteurs (fait) regarder comme un bienfait inappréciable (leur)
établissement »914. Parfois, le coût trop élevé ou des contraintes techniques font
renoncer à une décision pourtant acquise en délibération du conseil municipal. Les
édiles renoncent par exemple à faire construire une pompe dans la montée du
Gourguillon après avoir entendu le rapport rendu par de Ruolz au nom de la
commission des travaux publics915.
La rareté de l’eau à Lyon est à l’origine de nombreux conflits et place certains
propriétaires dans la situation de devoir partager leurs ressources. Ainsi de cet
habitant du quartier Saint Georges, dans le jardin duquel se trouve une source, et qui
accepte que l’on puisse détourner le trop-plein rendu par sa propre fontaine vers une
fontaine publique construite spécialement sur la place de l’église916. À Saint Just, ce
sont plusieurs propriétaires qui captent l’eau d’un réservoir et « détournent
nuitamment les eaux au point que les fontaines qu’elles aliment(ent) sont taries ». Le
préfet du département, alerté par les habitants, somme le maire d’intervenir afin
d’assurer le service public917. Durant l’été 1807, une pétition des habitants de la
paroisse de Saint Irénée est adressée au maire pour se plaindre de ce que des
travaux effectués suite, déjà, à des requêtes de riverains, ont tari l’alimentation de la
fontaine et des puits existants. En période de sécheresse, on réclame de l’eau pour
912
Ibid. Fontaine des petits pères, courrier du 26 mars 1810. 913
AML, 1217 WP 031. Séance du 22 mars 1808. Le conseil municipal décide de la baptiser du nom de l’ancien
préfet défunt, Bureaux de Pusy. 914
AML, 1217 WP 033. Séance du 2 mai 1811 915
AML, 1217 WP 035. Séances des 19 et 28 décembre 1812. 916
Ibid. La dépense pour la ville est estimée alors à 5 000 francs. 917
AML, 329 WP 1. Lettre du préfet d’Herbouville à Fay de Sathonay, du 9 juillet 1807. « Il s’agit ici de
l’intérêt public et de réprimer une infraction (…) dont les conséquences sont incalculables dans ces moments de
sécheresse. J’ai, en conséquence, l’honneur de vous prier, monsieur le maire, de vouloir bien prendre de suite
telle mesure de police administrative qui vous paraîtra convenable pour que les habitants de ce quartier ne soient
pas privés plus longtemps des eaux dont ils ont joui jusqu’à ce jour ».
345
« les ménages » et on s’inquiète des incendies. La visite sur les lieux de l’architecte
Flacheron apprend au maire que le manque d’eau provient, plus sûrement que des
travaux de curage, du captage effectué abusivement par un propriétaire sous le
terrain duquel l’eau circule. L’architecte de proposer alors la fermeture de l’accès au
souterrain et au puits ; fermeture qui est effective en mars 1809. Le litige resurgit en
1814 lorsque la ville améliore son plan de captage des eaux pour alimenter la
fontaine des Deux Dauphins918.
Si la détermination de la municipalité, sans cesse aiguillonnée par les pétitions
des administrés, ne faiblit pas, il reste qu’aucun plan d’ensemble n’émerge malgré
les velléités de Fay de Sathonay et que l’empirisme est la règle tout au long de la
période. Au printemps 1813, le conseil débat encore de l’opportunité de construire de
nouvelles pompes et fontaines sur le terrain du claustral de la Déserte prévu pour la
construction d’une place publique mais aussi dans la rue de Jarente, dans le quartier
neuf des Trinitaires, dans les faubourgs de Saint Just et de Saint Irénée… Il revient
néanmoins à d’Albon de proposer une mesure bien plus ample qu’à l’accoutumée
lorsque le Nord de la ville est gravement menacé dans son alimentation. À l’origine
du problème, des éboulements et un contentieux avec des propriétaires, ceux du
domaine des Gloriettes, qui ont détourné les eaux alimentant le château d’eau et les
conduites fournissant les fontaines du Nord de Lyon. Puisque le prix à payer pour
résoudre durablement le problème risque d’être très élevé – on parle de plus de cent
quarante mille francs – d’Albon imagine le recours à la machine à vapeur :
Lorsque la nature se refuse, ou qu’elle est trop difficile à vaincre, il faut savoir recourir à l’art.
Les découvertes modernes indiquent un moyen puissant, moins dispendieux que les travaux
nécessaires pour rétablir les anciens conduits, et qui, d’ailleurs, fournirait une masse d’eau
supérieure à celle dont on jouissait : je veux parler de la pompe à feu. (…) En l’exécutant, on
procurerait à la ville près de 5 000 mètres cubes d’eau par heure. Cette eau, prise dans le
Rhône, au-dessus de la ville, serait très salubre et suffirait pour entretenir abondamment au
moins cinquante fontaines919
.
Finalement, l’urgence de la situation et la multitude d’avis et d’expertises
contradictoires conduisent le maire à se prononcer, en juin, en faveur d’une mesure
d’urgence consistant en le creusement et la construction d’une nouvelle galerie pour
918
AML, 468 WP 9. 919
AML, 1217 WP 035. Séance du 1er
mai 1813.
346
palier la carence le plus rapidement possible920. Pour un coût estimé à douze mille
francs, d’Albon est soutenu par le préfet Bondy. Les deux premiers maires de Lyon
sous l’Empire ont pourtant esquissé des projets ambitieux qui, s’il n’ont fait l’objet
d’aucune délibération du conseil ni d’aucune réalisation, traduisent à la fois la
pérennité et la modernité de l’ambition des édiles pour Lyon.
3. Élever Lyon parmi les villes de l’empire : le palais impérial
Les autorités et les élites lyonnaises entendent bien faire profiter à plein la ville du
bouleversement que constitue non seulement la création de l’Empire mais aussi la
mise en place d’un système napoléonien d’envergure européenne. Aussi, lorsque le
sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804), dans son article 16, prévoit que,
l’empereur devant voyager dans le territoire de la République, il y aura quatre sièges
impériaux dans quatre villes principales, nombreux y voient une opportunité à saisir
pour promouvoir Lyon sur la nouvelle scène. L’un de ses membres interpelle le
conseil sitôt le texte connu : « Ne croyez-vous pas que ce soit le moment de
demander que la ville de Lyon soit choisie pour un de ces sièges impériaux ? »921
L’idée est bien d’abord de faire bénéficier Lyon de la décision impériale et de la
hisser au rang de principale ville du nouvel ensemble. Naturellement, le conseiller
suggère un emplacement adapté à l’édification d’un monument si important et
propose, dans un premier mouvement qui reçoit l’assentiment des édiles, la place
Bellecour :
Cette place qui est déjà décorée du nom du Restaurateur auguste de la Patrie ne pourrait-elle
pas devenir son jardin ? Ces belles façades qui ont été abattues par les dévastateurs de la
France ne pourraient-elles pas se relever plus majestueuses et plus belles pour loger d’un
côté la famille Impériale, de l’autre les ministres et les grands dignitaires qui devraient
accompagner l’Empereur ? Ces deux façades ne pourraient-elles pas se lier par deux belles
grilles, et cet ensemble ne formerait-il pas un palais digne du héros qu’il devrait recevoir ? Si
surtout l’on supprimait les bâtiments existants entre ces façades et les deux fleuves922
.
920
AML, 1217 WP 036. Séance du 22 juin 1813. 921
AML, 1217 WP 029. Séance du 4 prairial an XII (24 mai 1804). Le procès-verbal de la séance ne nomme pas
l’orateur. Il ne s’agit pas du président de séance Parent mais peut-être de Regny qui est chargé ensuite de rédiger
la délibération. 922
Ibid. Le texte de la délibération et celui de l’adresse correspondante destinée à Napoléon sont adoptés lors de
la séance du 6 prairial (26 mai).
347
Cette première inclination confirme l’existence à Lyon d’un périmètre de la vie
officielle traditionnel dont Bellecour fait évidemment partie, entre l’archevêché et les
Terreaux, en même temps que l’aspect périphérique voire marginal du quartier
Perrache. Si l’état de déréliction du quartier du confluent préoccupe les édiles, là ne
se trouve donc pas l’origine du projet de palais impérial. Preuve en est le dépôt, en
mars 1805, sur le bureau du maire du Nord Parent puis sur la table du conseil
municipal 923 d’un plan d’embellissement du quartier de Perrache établi par
l’architecte Curten. Celui-ci prévoit des aménagements très importants en vue de
créer une vaste zone de loisir, comprenant un jardin pittoresque décoré de statues à
l’antique, accueillant notamment des bassins nautiques et une laiterie, bordé côté
Rhône d’une promenade plantée et limité côté Saône par une succession de criques
enrochées924. Aucune allusion à la possibilité de dédier le site à la construction d’un
palais pour l’empereur dont l’idée occupe pourtant les édiles depuis près d’un an.
Ce n’est que plus tard, après le passage à Lyon du couple impérial, en avril
1805, qu’émerge l’idée de régler opportunément à la fois le problème de
l’assainissement et de l’aménagement nécessaire du confluent et celui de la situation
financière de la compagnie Perrache925 en affectant les terrains à la construction de
la demeure impériale.
La paternité du projet revient sans doute au maire Fay de Sathonay qui agit sans
délibération préalable du conseil municipal auquel, après avoir lu les deux
conventions passées trois jours auparavant avec le directeur général de la
compagnie Perrache Laurencin926 pour l’acquisition par la ville des terrains dits de
l’île Perrache situés au Sud des remparts d’Ainay, il présente sa résolution au
printemps 1806 :
L’Empereur vient d’organiser le système fédératif dans tous les États de l’Europe qui doivent
raffermir le vaste Empire français, assurer sa gloire et sa prospérité. Les belles contrées de
l’Italie faisant partie de ce système digne du héros dont le génie n’a point de bornes, il en
résulte que Lyon va devenir le centre des vastes États de notre Auguste Souverain. (…) Les
circonstances qui se préparent peuvent assurer à jamais la prospérité de votre cité ; vos
923
AML, 1217 WP 029. Séance du 21 ventôse an XIII (12 mars 1805) 924
Mémoire de A. Curten pour un projet d’embellissement de la partie méridionale de la ville, s.d. 925
AML, 49 II 003, Compagnie Perrache. Fonctionnement, délibérations. Documents financiers ; AML, 49 II
013, Compagnie Perrache. Biens immobiliers. Plan, état des terrains. 926
Il s’agit du futur adjoint du maire, nommé en 1811.
348
magistrats ont dû les saisir et vous ne laisserez pas échapper l’occasion qui se présente de
donner à notre Souverain chéri de nouveaux témoignages de votre dévouement, de votre
amour et, à votre ville, le gage le plus assuré de sa prospérité future. Pour assurer cette
prospérité, Messieurs, pour donner à notre ville tout l’éclat, toute l’importance qu’elle doit
avoir, je viens vous proposer de sanctionner l’acquisition que j’ai faite de l’île Perrache, de
l’offrir en don à sa Majesté et de la prier de bien vouloir y installer un palais impérial927
.
Conséquemment, une députation composée du maire accompagné des
conseillers Arthaud de la Ferrière, Boulard de Gatellier, Champanhet, Devillas et
Leclerc de la Verpillière est chargée de transmettre « aux pieds du trône » l’adresse
du conseil928. C’est chose faite le 23 mars 1806.
Napoléon se montre favorable au projet et demande à l’architecte Fontaine d’en
étudier la possibilité929. Plusieurs visites sur le site, la première dès avril 1806, lui
permettent de dresser les plans d’un vaste aménagement urbain dont le palais
proprement dit n’est qu’un élément. Il s’agit d’abord d’endiguer la Saône, d’assécher
les marais qui subsistent et de combler les mares, les canaux et la gare d’eau
construits par la compagnie Perrache. Il s’agit ensuite d’édifier le palais impérial
composé d’un bâtiment central à deux niveaux flanqué de deux ailes ouvrant sur une
vaste esplanade servant de place d’armes930. Dans le projet initial, des communs à
trois niveaux sont reliés par quatre péristyles au pavillon principal qui compte deux
appartements et six logements. Un parc paysager reprenant en partie les plans de
Curten est prévu à l’arrière du palais qui, lui, regarde vers la ville931.
Incontestablement, le maire Fay de Sathonay et les édiles ont su
remarquablement saisir l’opportunité qui s’offrait de promouvoir un projet
urbanistique prestigieux et très avantageux pour les intérêts lyonnais. La municipalité
entretient régulièrement l’empereur lui-même de l’avancée de ses démarches,
profitant de la nature du projet pour tenter d’établir une relation plus directe avec le
sommet de l’État932. La ville devient propriétaire du site à faible coût puisque le maire
négocie l’achat de tous les terrains situés au Sud de la barrière de l’octroi, compris
927
AML, 1217 WP 030. Séance du 11 mars 1806. 928
La députation est indemnisée à hauteur de 12 000 francs. 929
DUTACQ, François, « Un projet de palais impérial à Lyon », Revue des Études Napoléoniennes, 1924, p.179-
184. 930
AML, 3 S 00227. Plan de la presqu’île de Perrache avec le projet de palais impérial, 1807. La place d’armes
correspond à l’emplacement de l’actuelle place Carnot 931
AML, O 1 114. Plan (Fontaine) en date du 18 août 1812. Des vues du palais dessiné par Fontaine en 1810
sont proposées et référencées sur le site http://www.patrimoine-de-france.org (notice IA69000817). 932
AN, AFIV
1308 (dossier 5). Rapport de Gérando sur le palais impérial (2 juillet 1808).
349
entre le Rhône à l’Est et la Saône à l’Ouest jusqu’à la confluence, pour trois cent
mille francs payables en trois annuités, de 1807 à 1809 même si l’affaire est retardée
en raison de la contestation des pouvoirs de Laurencin par des actionnaires et des
descendants d’actionnaires qui sont en outre divisés933.
Si la Compagnie Perrache reste propriétaire du « quartier neuf » destiné à
prendre de la valeur puisque situé au voisinage immédiat du futur palais entre les
remparts d’Ainay et la future place d’armes, la ville sera intéressée pour un quart au
produit de leur cession éventuelle934. La volonté de Napoléon de doter les grandes
villes du pays, et particulièrement Lyon, d’aménagements précieux rencontre celle
des édiles de servir le prestige d’un régime dont la réussite semble bénéficier aux
intérêts de la ville, à ceux de ses notables et de l’ensemble de sa population. Ni
l’engagement de l’empereur ni la détermination des édiles ne font de doute. Bien sûr,
les premiers travaux de remblai se font attendre. Ils ne débutent réellement qu’en
1810 mais cela correspond à la sortie des premiers plans complets du palais
dessinés par Fontaine à l’examen desquels Fay de Sathonay se vante de s’être livré
avec l’empereur 935 . Napoléon ne prend d’ailleurs possession de l’île Perrache
qu’avec le décret impérial du 3 juillet 1810. Sollicités par les édiles, soutenus en
l’espèce par le ministre de l’Intérieur Montalivet, des fonds d’État sont annoncés936.
À la fin de l’année 1811, lorsque le réaménagement du quartier de l’arsenal est
envisagé par le conseil municipal, la référence au vaste terrain prévu pour accueillir
le palais impérial est constante et tout à fait explicite. Revitaliser le quartier de
l’Arsenal autour d’artères élargies et d’un plan rationalisé offrirait « à Sa Majesté une
correspondance plus directe entre son palais et l’intérieur de la ville et à tous les
habitants plus de moyens pour lui porter les hommages de leur respect et de leur
amour » 937 . En fait, le vaste chantier de remblaiement, de terrassement et de
dégagement des voies maîtresses se poursuit jusqu’à ce que l’effondrement de
l’Empire qui, à Lyon, provoque l’invasion étrangère, signifie leur interruption puis
933
AML, 1217 WP 031 et 032. Séance des 2 mai 1808 et 1er
mai 1809. 934
AML, 1 II 0006.1, Compagnie Perrache. Acte d’acquisition (août 1806). L’acte de vente prévoit même une
sorte de droit de préemption garantissant à la ville la possibilité d’acquérir sans surcoût des terrains qui seraient
devenus indispensables à la réalisation du projet. 935
C’est ce qu’il affirme au conseil, en séance du 29 novembre 1811. Maret l’aurait introduit à cette fin dans le
cabinet de travail de Napoléon : AML, 1217 WP 034. 936
AN, AFIV
1290 (145). 937
Ibid. Séance du 30 décembre 1811 ; 2 S 00269, Plan géométral du quartier de l’Arsenal et du pont de Tilsitt
(1811).
350
l’abandon de cette ambition que l’empereur et la municipalité lyonnaise ont
sincèrement partagée.
L’ambition des édiles en matière d’urbanisme et de développement de la ville ne
fait aucun doute. Leur action, celle du maire en particulier, est importante. Ils sont les
acteurs qui, localement, signalent, sollicitent et surveillent les chantiers. Ils sont les
plus à-même de connaître l’utilité, la difficulté d’une démolition, d’un alignement.
Pourtant, s’ils sont souvent sollicités sur ces questions, ils sont de plus en plus
marginalisés lors du processus de décision ce qui provoque leur protestation.
L’intense activité des premières années consécutive à la double impulsion donnée,
en 1805, par la visite impériale et la création de la mairie unique fait apparaître le
maire, ses adjoints et le conseil municipal comme des partenaires essentiels au
projet d’aménagement et d’embellissement de la ville. Progressivement, pourtant,
leurs délibérations sont non seulement moins nombreuses mais aussi moins prises
en compte. Le conseil est de moins en moins saisi des questions importantes.
L’année 1809 marque à cet égard un tournant durant lequel les édiles
manifestent leur mécontentement avant de se résigner à leur inutilité. Lors de la
séance extraordinaire du 9 mars, Fay de Sathonay est interpellé par des membres
du conseil qui se plaignent de n’avoir pas été consultés à propos de travaux entamés
au palais de l’archevêché. Le maire ne peut « laisser ouvrir la discussion à ce sujet »
puisqu’elle ne figure pas à l’ordre du jour transmis par le préfet938. Qu’à cela ne
tienne, dès l’ouverture de la session ordinaire, des conseillers prennent à nouveau à
partie le maire au sujet de l’examen des travaux d’embellissement : mal informés, ils
ne peuvent prendre aucune délibération et celles qu’ils adoptent ne reçoivent aucune
réponse ni du maire, ni du préfet. Fay de Sathonay proteste de sa bonne foi et se
décharge de toute responsabilité sur le préfet en brandissant le registre de la
correspondance. Ses lettres sollicitant de d’Herbouville l’autorisation de délibérer sur
les questions d’urbanisme ou lui soumettant les procès-verbaux des séances restent
sans réponse. Le préfet lui a affirmé oralement qu’il ne répondrait pas, ce qu’un des
conseillers présents confirme avoir entendu. Du coup, le conseil prend une
délibération audacieuse :
938
AML, 1217 WP 031.
351
Considérant que les membres qui composent le Conseil municipal forment, sous la
présidence de M. le Maire, les représentants naturels de la commune, que cette autorité
paternelle peut seule bien connaître les vrais intérêts, indiquer ce qui peut le plus contribuer à
l’embellissement de la ville, à en faciliter les abords, à étendre son commerce, à y entretenir la
salubrité et enfin à la faire jouir de tous les avantages de son heureuse position ; que dès lors,
connaître leurs vœux avant d’exécuter les travaux qui intéressent particulièrement cette cité et
surtout ce qui peut contribuer à sa prospérité est le seul moyen à parvenir à combler ceux de
la grande et industrieuse population qu’ils représentent ; Considérant que tel a été le principal
but de l’institution des Conseils Municipaux et des précautions apportées à la formation de
ceux des grandes communes de l’Empire ; que M. le Préfet qui a donné à cette ville des
témoignages non équivoques de son attachement et qui l’a fait participé comme chef-lieu de
ce département à tous les avantages d’une excellente administration a éprouvé lui-même,
dans plusieurs occasions, l’utilité de ces communications entre des autorités dont les pouvoirs
peuvent différer mais qui n’ont toutes qu’un même but (…) Qu’enfin le Conseil Municipal se
rappelle avec la plus vive et la plus respectueuse reconnaissance que le vainqueur de
l’Europe, paraissant en père au milieu de ses enfants habitants sa bonne ville de Lyon, n’a
pas dédaigné d’interroger le Conseil avec bonté sur les travaux les plus intéressants pour
cette cité et que SMI et R a voulu même plusieurs fois examiner en personne ceux qui lui
avaient été indiqués avant de faire connaître sa volonté ; Considérant que, dès lors, il n’est
pas possible d’imaginer que la représentation faite par la délibération du 12 septembre 1808,
ainsi que tous les différents vœux qui sont émis par le Conseil Municipal d’une grande cité,
puissent être paralysés, au point que ceux qui les ont formés ignorent même s’ils ont été ou
non transmis au Gouvernement et que, s’il en était ainsi, les membres de ces conseils
seraient privés de la seule récompense de leurs travaux, celle de servir l’État en se rendant
utiles à leurs concitoyens939
.
Une fois encore, les édiles revendiquent leur fonction de représentants des
habitants de la ville, chargés d’autant plus d’en défendre et promouvoir les intérêts
qu’ils sont les mieux placés pour les connaître. Il est intéressant de noter que cette
revendication se fait au nom même des engagements pris et des procédures suivies
jusqu’alors tant par le gouvernement et l’empereur que par le préfet. Ce n’est pas
que pure rhétorique. La question des « façades », celle des aménagements le long
de la Saône et du Rhône, le projet emblématique du palais impérial ont initialement
largement associé édiles et pouvoir central. Les édiles assistent à une véritable
inflexion de la gestion des rapports entre pouvoir central et municipalité ; inflexion qui
s’opère à leurs dépens. Progressivement, la connaissance de l’essentiel des projets
échappe au conseil sinon au maire. Significativement, la délibération du 2 mai 1809
939
AML, 1217 WP 032. Séance du 2 mai 1809.
352
se heurte au silence dédaigneux du préfet. Une ultime fois, dans les derniers jours
de l’année 1810, les conseillers municipaux s’adressent solennellement au préfet
pour manifester leur volonté de « connaître les projets de construction ordonnés
dans cette ville, et d’être au moins entendus et conseillés avant leur exécution »940.
Ils se résignent ensuite à ne connaître que des questions auxquelles le préfet veut
bien les associer, recourant à des commissions dites des travaux publics qui, plus
nombreuses, ont pour effet de court-circuiter les débats.
940
AML, 1217 WP 033. Séance du 29 décembre 1810.
353
Section 4. Se penser dans le système impérial
À partir de 1805, la municipalité de Lyon cherche clairement à se positionner au
sein de la France impériale et de l’Europe napoléonienne. On peut dire que, d’une
certaine manière, elle « joue le jeu » du système napoléonien. Sous l’Empire, son
attitude est un mélange opportuniste de docilité et d’adhésion, ce qui n’exclut pas
des velléités sinon d’autonomie du moins d’affirmation de la part des édiles vis-à-vis
des autres institutions de la pyramide administrative. Les intérêts de la ville semblent
pouvoir s’accorder avec ceux du régime et du pays, pour peu que Napoléon confirme
son intention de traiter Lyon avec bienveillance et que la guerre, si elle ne cesse pas,
se maintienne hors des frontières et n’entrave pas la marche de l’économie. Les
édiles n’hésitent donc pas à participer activement à l’organisation napoléonienne, à
faire de la municipalité un rouage assumé de la chaîne administrative et à prétendre
la promouvoir au rang d’acteur à part entière. Cela suppose pour la mairie unique de
Lyon de se voir reconnue comme un élément d’autant plus utile au système qu’il
apparaîtra capable de développer les fonctions métropolitaines et le rayonnement
d’une des principales villes de l’empire.
1. Devenir un acteur reconnu
Comme le montre l’étude du projet de palais impérial, la nature des relations que
la municipalité entretient avec le pouvoir central est complexe et les aspirations
lyonnaises sont marquées du sceau de l’ambiguïté. La mairie unique entend insérer
son action dans le cadre de la réorganisation impériale de l’Europe et servir ainsi la
volonté napoléonienne qui promet de faire, de son côté, de Lyon une des villes
principalement bénéficiaires de ce mouvement. Clairement, le maire et les édiles
attendent du pouvoir suprême qu’il distingue Lyon et l’élève, parmi d’autres mesures,
en y édifiant un palais. Au prétexte de mener à bien des projets importants, ils se
placent ainsi, dans le cadre d’une organisation très centralisée, dans une situation de
dépendance vis-à-vis de l’État tout en aspirant à faire de la municipalité un acteur à
part entière, susceptible d’exercer assez librement de réelles fonctions de
commandement. Il y a là une contradiction essentielle qui, en partie, explique l’échec
354
de l’ambition émancipatrice de la municipalité. Sans doute conscients, au moins
partiellement, du paradoxe de leur positionnement, les édiles utilisent néanmoins
tous les moyens dont ils disposent pour donner de la municipalité une image positive
et pour asseoir sa crédibilité en tant qu’acteur auprès d’un pouvoir central dont tout
émane.
1.1. Les formes et les fonctions de l’éloge
1.1.1. Les « actions de grâce »
La municipalité offre souvent l’image d’une institution soumise qui relaie
efficacement la propagande d’État. À peine la mairie unique est-elle installée que les
individus qui la composent multiplient les occasions de marquer leur fidélité et leur
attachement au régime impérial. Dès sa séance du 27 janvier 1806, le conseil
municipal émet le vœu de faire exécuter une statue équestre de Napoléon sur la
place Bellecour941. Au mois de mars, c’est l’idée de faire bâtir un palais impérial sur
la presqu’île Perrache qui fait l’objet d’une délibération et, au mois de mai,
l’assemblée des conseillers décide de faire rédiger et imprimer le récit de la visite
dont le couple impérial a honoré la ville l’année précédente942. À l’été 1807, les édiles
décident de nommer de Tilsitt le pont de pierre enjambant la Saône au niveau de
l’archevêché943. Lorsqu’il a connaissance de la signature de la paix, le maire Fay de
Sathonay n’attend pas de recevoir le Bulletin des lois comme l’y enjoint le secrétaire
général de préfecture et fait placarder la nouvelle dès le 29 juillet, organisant une fête
urbaine le lendemain944. C’est qu’il s’agit, après que la Grande Armée a remporté les
fulgurantes campagnes d’Autriche et de Prusse, de manifester l’amour des Lyonnais
et de leurs représentants pour le héros « qui, maîtrisant les temps, les lieux et les
hommes a fait plier tous les événements sous les vastes conceptions de son génie ».
Le système napoléonien émerge selon la volonté de l’empereur « devenu le
941
AML, 1217 WP 030. 942
Ibid. Séances des 11 mars et 14 mai 1806. 943
AN, F1c
III Rhône 9. Adresse de Fay (1er
août 1807) ; AML, 1217 WP 031. Séance du 28 juillet 1807. 944
AN, F1c
III Rhône 9. Cérémonies pour la paix. Il doit se justifier auprès du ministre de l’Intérieur dans un
courrier du 1er
août. Ce dernier l’approuve finalement le 5 août.
355
protecteur des peuples vaincus et qui, ne suivant dans sa noble ambition aucune des
traces connues, n’a fait la guerre la plus glorieuse que pour donner une paix durable
à l’Europe et consolider sa tranquillité sur de nouvelles bases aussi solides
qu’habilement posées »945. Il est difficile de distinguer ce qui relève dans de tels
dithyrambes de l’hypocrite obséquiosité et de la fascination qu’ont incontestablement
engendrée les succès de Napoléon sur la scène militaire comme sur celle de la
réédification politique de la France. Quoi qu’il en soit, de telles « actions de grâce »
rythment les principales étapes du règne de Napoléon.
Le projet d’élever une statue équestre de Napoléon au centre de la place
Bellecour apparaît tôt sous la mairie unique. La place Bellecour est le lieu
symbolique de la renaissance lyonnaise sous l’impulsion impériale depuis la décision
de réédification des façades. C’est là que le maire imagine d’abord la construction du
palais ; c’est là que le préfet envisage un temps l’installation de la préfecture. S’il
s’agit de fixer dans un monument des « plus durables les souvenirs les plus glorieux
pour la France », le sentiment est bien qu’il sanctionne l’avènement du période de
paix et de stabilité. Après Ulm et Austerlitz, la statue de bronze est vouée à rappeler
éternellement aux Lyonnais « les traits du héros qu’ils chérissent » et « le marbre et
l’airain » de son piédestal « les détails les plus circonstanciés des hauts faits » mais
le monument est bel est bien engagé à célébrer « la brillante pacification qui les a
couronnés »946. Subissant le retard pris par la reconstruction des façades, le projet
de statue disparaît presque pour resurgir au début de l’année 1810, alors que les
dernières parcelles sont enfin acquises et que la perspective de l’achèvement des
travaux devient certaine. À nouveau, les édiles rédigent une adresse à Napoléon qui
insiste sur l’attachement à la paix947. Le refus de l’empereur de voir alors s’élever un
tel monument avant que le chantier des façades soit achevé n’ôte rien à la
signification que les édiles lui confèrent. La statue est sensée honorer le chef de
l’État restaurateur de la ville sur le site le plus emblématique de son relèvement mais
aussi symboliser l’avènement d’une ère nouvelle marquée par la fondation d’un
945
AML 1217 WP 030. Séance du 31 janvier 1806. Discours de Petit. 946
Ibid. Natalie Petiteau note qu’« alors que la sensibilité des populations à la gloire militaire semble réelle »,
l’existence d’une culture de guerre peut se conjuguer avec l’aspiration à la paix durable : PETITEAU, Natalie,
Les Français et l’Empire, op. cit., p.174-190. 947
« Cette statue, gage de note amour, reposera sur des trophées de gloire et accordant à l’Europe l’olivier de la
paix » : AML, 1217 WP 032. Séance du 11 janvier 1810.
356
système européen continental, forgé et pacifié par les armes, ouvrant à la deuxième
ville française des perspectives inédites de développement948.
Que de telles « actions de grâce » témoignent d’une certaine servilité de
circonstance n’empêche pas d’y reconnaître une sincère aspiration à profiter de la
mise en place d’un système impérial qui semble décidément bien favorable à Lyon.
Elles semblent consubstantielles au rapport qui s’établit entre le nouveau maître du
pays et les institutions qu’il nomme et ce, dès avant la proclamation de l’Empire.
Lorsque le premier consul Bonaparte fait adresser son portrait à la ville, les
conseillers décident qu’il sera exposé dans une salle de l’hôtel de ville désignée
désormais du nom du bienfaiteur. Loin de perdre le Nord, alors même que « les
expressions (leur) manquent » pour « peindre les sentiments de reconnaissance »,
les édiles osent, « à cette faveur signalée » prier Bonaparte « d’en jouer une autre,
celle d’un entrepôt en franchise que la chambre de commerce a déjà eu l’honneur de
(lui) demander »949. Générées par un contexte particulier de conditionnement des
esprits, ces démarches n’en sont pas moins le fruit d’initiatives spontanées de la part
des édiles. L’on s’aperçoit cependant que, à partir de 1808, les actions de ce type se
raréfient pour ne plus prendre la forme que de l’organisation de festivités
officielles 950 . Elles relèvent alors davantage de dispositifs suscités par le
gouvernement que d’initiatives locales. Ainsi en va-t-il des manifestations décidées à
l’occasion du mariage avec Marie-Louise ou de la naissance du roi de Rome.
1.1.2. Les fêtes officielles
Les festivités organisées pour ces occasions le sont sur un modèle semblable
« associant aux réjouissances publiques des actes de bienfaisance et d’une
munificence vraiment utile et durable » 951 . Il s’agit en effet, au printemps 1810
948
De la même manière, la décision de nommer de Tilsitt le pont de l’archevêché est liée explicitement à « la
paix glorieuse » qui est signée avec le tsar : AML, 1217 WP 031. Séance du 28 juillet 1807. Le 30 juillet, une
procession unit dans les rues de Lyon les édiles aux membres de la chambre de commerce devant lesquels le
maire expose les conditions de la paix. Alors, la foule « mêle ses acclamations aux accords d’une musique
guerrière » : Ibid. 949
AN, F1c
III Rhône 9. Courrier et délibération de la ville de Lyon (6 brumaire an XII – 29 octobre 1803). 950
Louis Trénard remarque quant à lui que « l’organisation des cérémonies militaires de décembre 1808 révèle
un mélange de zèle et de parcimonie qui indique une phase nouvelle dans l’esprit public » : TRÉNARD, Louis,
Histoire sociale des idées...,op. cit., t.2, p.541. 951
AML, 1217 WP 033. Séance du 24 mars 1811. Discours de Charrier de Senneville.
357
comme un an plus tard, de proposer, au-delà des festivités proprement dites, un
ensemble de mesures d’ordre philanthropique parmi lesquelles dominent le mariage
doté de jeunes gens issus de la classe ouvrière et la distribution de secours sous des
formes diverses allant de l’allocation de denrées comestibles à la remise de dettes.
L’exemple des événements survenus de mars à juin 1811 après l’annonce de la
naissance du fils de Napoléon l’illustre bien 952 . Participant de ces « fêtes
cérémonielles » qu’analyse Bruno Benoit, ils « révèlent la hiérarchie des donneurs
d’ordre » dans laquelle la municipalité se trouve au niveau le plus bas953.
Le 21 mars 1811, le conseil municipal est convoqué, à la demande du maire et
avec l’autorisation du préfet, pour une séance extraordinaire destinée à proposer les
mesures à prendre en l’honneur de la naissance du roi de Rome. Dans sa
déclaration liminaire, Fay de Sathonay rappelle l’absence de moyens budgétaires
adaptés alors même que les dispositions qu’il suggère de prendre sont tournées vers
l’assistance, notamment au bénéfice des familles de ces ouvriers « qui sont encore
privés de travail ». Les autorités saisissent l’occasion d’exercer une action
philanthropique qui à la fois renforce l’image protectrice de la municipalité et, par-
delà, du régime et reconnaît la dureté de la situation socio-économique. L’optimisme
dont le maire fait profession à cette occasion peut paraître suspect et l’on doute de
sa sincérité lorsqu’il affirme à propos de la crise que « cette situation pénible touche
probablement à son terme » et qu’il en aperçoit « un gage dans la naissance de cet
auguste prince »954. Les édiles votent une délibération qui prévoit, outre la libération
des prisonniers pour dette et l’allocation de fonds au bureau de bienfaisance pour un
montant total de soixante mille francs, la distribution de pain et la série rituelle de
réjouissances composées de loteries, de jeux, d’illuminations et d’un feu d’artifice tiré
sur la Saône. En sus, une adresse particulièrement flatteuse, qui ressort évidemment
de l’obligé, doit être « portée au pied du trône » par une délégation de cinq édiles955.
Un décret impérial du 12 mai approuve les premières propositions des édiles et
affecte cent mille francs à leur financement. Progressivement, le programme des
mesures se précise et s’étoffe956. Napoléon fait en particulier connaître son souhait
952
Pour les célébrations auxquelles donne lieu, quant à lui, le remariage impérial : Ibid. Séances du 24 mars, des
3, 14 et 18 avril 1811. 953
BENOIT, Bruno, « Fêtes et cérémonies officielles à Lyon », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon sous le Consulat
et l’Empire, op. cit., p.268. 954
AML, 1217 WP 034. 955
“Sire, le jour qui voit naître un prince de votre sang est le plus fortuné qui pût luire sur la France » : Ibid. 956
Ibid. Séances du 24 avril et du 29 mai 1811.
358
de voir célébrer des mariages unissant de jeunes ouvriers qui ont été soldats et de
jeunes femmes issues de la classe ouvrière. Ces anciens conscrits et ces rosières
sont, à Lyon, employés généralement dans l’industrie de la soie. Ce sont de la sorte
quinze mariages qui sont prévus pour être dotés par la ville le jour du baptême du roi
de Rome957. La lecture du compte-rendu du scrutin ayant pour but de pourvoir la
délégation de deux conseillers chargés d’accompagner le maire pour assister à la
cérémonie parisienne prévue pour le dimanche 2 juin révèle combien une telle faveur
est convoitée et âprement discutée au sein d’un conseil où les amitiés et les
solidarités de tous ordres privilégient les ci-devant les plus éminents. Ainsi Arthaud
de la Ferrière – aisément – et Vouty de la Tour – plus difficilement, au troisième tour
de scrutin – sont finalement désignés aux dépens, notamment, de Boulard de
Gatellier958.
En dehors de ces événements exceptionnels qui donnent lieu à des célébrations
particulièrement importantes, des fêtes officielles sont organisées de manière
régulière tout au long du règne de Napoléon, le 15 août959 et le 2 décembre. Comme
l’a remarqué Natalie Petiteau, l’organisation de ces fêtes obéit au schéma des fêtes
de souveraineté définies par Alain Corbin et dont la fonction est de souligner la
légitimité du pouvoir politique960. En ces occasions les hommages sont convenus et
ni leur forme ni leur esprit ne révèlent une intention originale ou exceptionnellement
sincère. D’ailleurs, à Lyon, le retentissement de ces fêtes est faible. Elles ne
semblent pas correspondre à de vrais moments d’engouement populaire et peinent à
devenir des rendez-vous habituels aux habitants de la ville961. Du coup, les édiles
s’efforcent d’élargir leur signification pour en renforcer l’audience.
Il revient au premier adjoint Sain-Rousset de proposer au conseil la délibération
selon laquelle à la date du 2 décembre correspondra à partir de 1812 à la fois la
957
La liste des quinze mariages est reprise dans le procès-verbal de la séance du 29 mai 1811. Elle fait apparaître
que neuf des hommes et treize des femmes sont des ouvriers et des ouvrières en soie. 958
1217 WP 034. Séance du 23 avril 1811. 959
L’anniversaire de la naissance de Napoléon est une fête officielle depuis le décret du 19 février 1806. Les
fêtes sont associés à des jeux sur l’île Barbe. On joute, notamment, à cette occasion. 960
PETITEAU, Natalie, Les Français et l’Empire, op. cit., p.67-74 ; CORBIN, Alain, « La fête de
souveraineté », dans CORBIN, A., GÉRÔME, N. et TARTAKOWSKI, D., [dir.], Les usages politiques des fêtes
aux XIXe et XX
e siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994, p.25-38.
961 BENOIT, Bruno, « Fêtes et cérémonies officielles à Lyon », op. cit.
359
célébration du couronnement de Napoléon et celle d’une fête municipale deux fois
séculaire disparue sous la Révolution, la harangue de la Saint Thomas.
L’idée de rétablir cette fête municipale instaurée en décembre 1595 est soumise
pour la première fois à ses collègues par le conseiller Petit en mai 1809 962 .
Traditionnellement, il s’agissait chaque 21 décembre d’honorer le monarque et le
Consulat au travers de réjouissances qui suivaient le discours d’un jeune orateur
prononcé en présence de tous les corps constitués. Ancrée dans les traditions
civiques locales et disparue avec l’Ancien régime, la harangue de la Saint Thomas
est restaurée en 1812 mais cette fois dans le but de faire profiter de sa popularité la
célébration du sacre :
Elle était belle, grande, généreuse, (cette) institution (…). Ainsi et par le principe de la plus
honorable émulation, on développait les dispositions au talent oratoire ; on démontrait que
l’attachement au commerce peut se lier à des goûts plus élevés, que celui de l’éloquence
n’est pas étouffé par une tunique d’or. En exprimant aux magistrats la reconnaissance de la
cité, on enflammait le zèle qui devait tendre à la mériter. Le chef de l’État semblait devoir être
aimé davantage lorsqu’un orateur éloquent, après avoir parlé de ses droits à la gloire,
s’étendait avec plus de complaisance encore sur ceux qu’il avait à l’amour. Eh bien,
Messieurs, rappelons à la vie cette noble institution ; qu’un principe magnanime soit
désormais la base de son existence et le garant de sa durée. Consacrons la nouvelle fête à
célébrer l’immortel souvenir du couronnement de Napoléon le Grand, à manifester notre
attachement à son auguste personne, notre inviolable fidélité à sa dynastie963
.
Le patrimoine symbolique lyonnais est de cette manière restauré pour être
réinvesti au service du régime impérial au même titre que l’ont été les principaux
cadres de la sociabilité élitaire ou le rapport traditionnel liant les administrés aux
administrateurs.
Décidant de donner plus d’éclat à la fête du 2 décembre, les édiles n’omettent
pas de servir les intérêts immédiats de la ville puisque, incidemment, Sain-Rousset
les engage à réclamer la rénovation de la grande salle de l’hôtel de ville, la lecture
d’un discours honorant l’empereur devant à l’évidence bénéficier d’un cadre digne de
l’événement.
962
AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809. 963
AML, 1217 WP 034. Séance du 29 mars 1811.
360
1.2. La promotion de la ville
La majeure partie des édiles se caractérisent sans doute par un attachement
véritable aux intérêts de Lyon. Ils considèrent comme une donnée durable la nature
du régime napoléonien et se félicitent sincèrement de ses premières orientations
puisqu’elles s’accordent avec l’intérêt des catégories sociales auxquelles ils
appartiennent et avec ceux de la ville. Progressivement, la prolongation de l’état de
guerre et la survenue de revers qui remettent en cause l’édifice général ainsi que la
difficulté dans laquelle se trouve l’État à donner corps aux projets les plus
symboliques suscitent sans doute une certaine déception des édiles vis-à-vis de
l’Empire et l’apparition de divergences au sein même du personnel politique
municipal.
Promouvoir la ville de Lyon c’est défendre son rang qui, sous l’Empire, la
place au sein des bonnes villes964 dont l’institution est contenue dans l’article 52 du
sénatus-consulte du 18 mai 1804, précisé par divers décrets dont ceux du 22 juin
1804 et du 17 mai 1809, le dernier reconnaissant à chacune des principales villes de
l’Empire le droit d’arborer des armoiries965. Celles de Lyon sont mises sous les yeux
de Napoléon par le conseil du sceau des titres le 10 octobre 1809966. Or, Lyon qui se
targue d’être la bien-aimée de l’empereur rétrograde implicitement au sein de ce
classement au fur et à mesure des annexions et de l’admission de nouvelles
agglomérations :
Si la graduation des sentiments d’affection et d’amour qui attachent au Souverain formait titre
pour décider du rang, certes la ville de Lyon pourrait prétendre au premier. Mais, comme on
considère surtout l’importance de la population, Lyon doit céder le pas à la ville de Rome,
cette ancienne maitresse du monde (…) et à celle d’Amsterdam967
.
Les édiles n’ont de cesse d’obtenir de l’empereur un décret impérial qui, à
l’image de ceux qui font de Rome et d’Amsterdam les deuxième et troisième villes de
964
DELPUECH, P., “Une institution de Napoléon : les bonnes villes”, Revue de l’Institut Napoléon, 1971, p.83-
85. 965
Le conseil municipal s’empresse de demander à modifier légèrement les armoiries traditionnelles de la ville. «
Il offre son écusson avec un léger changement » : l’abeille pourrait se substituer au lys… : AML, 1217 WP 033.
Séance du 23 août 1809. Les armoiries de Lyon sous l’Empire figurent sur la page qui précède le sommaire. 966
AN, AFIV
1312 (dossier 1). 967
Ibid. Séance du 1er
juillet 1811. Discours de Sain-Rousset.
361
l’Empire, fasse de Lyon la quatrième conformément aux actes des anciens rois qui
faisaient de Lyon la deuxième du royaume. Le séjour parisien du maire Fay de
Sathonay à l’occasion du baptême du roi de Rome est aussi mis à profit pour
rappeler cette revendication lyonnaise. Montalivet la rejette avant même de la
soumettre à Napoléon arguant du manque de justifications pour la soutenir. Ainsi,
malheureusement pour la ville, seules Paris, Rome et Amsterdam bénéficient d’une
telle reconnaissance et Lyon doit, comme toutes les autres agglomérations de
l’Empire, comptées comme bonnes villes, se satisfaire d’un classement alphabétique.
De la pléthore des manifestations publiques d’attachement au régime
napoléonien ressortent des éléments qui traduisent l’existence d’une ambition
lyonnaise. Il y a incontestablement, surtout dans les premières années de la
magistrature de Fay de Sathonay, la volonté de profiter de la nouvelle donne
institutionnelle et politique pour promouvoir Lyon au rang de ville majeure. À peine
intronisé, le maire annonce clairement :
Lyon va devenir le centre des États de notre auguste Souverain. Les révolutions sont
nuisibles ou profitables à certaines villes ; un grand mouvement les fait disparaître ou leur
donne une nouvelle vie. Les circonstances qui se préparent peuvent assurer à jamais la
prospérité de notre cité968
.
Jusqu’aux derniers temps de l’Empire, le personnel politique de la ville espère
favoriser les intérêts d’icelle dans une conjoncture qui se dégrade mais dont peu
prévoient qu’elle peut conduire à l’abdication de Napoléon. Quoi qu’il en soit, après le
sacre, la mise en place de la mairie unique inaugure une sorte de « période des
possibles » pour la ville et les efforts déployés par le maire pour faire accepter par
Napoléon l’idée de la construction d’un palais à Perrache révèle avec quelle vigueur
les édiles ont tenté de l’exploiter. L’espoir de profiter de la dynamique impériale pour
développer Lyon et accroître le bien-être et l’aisance de sa population a joué un rôle
indéniable dans l’empressement que le maire et l’ensemble des édiles ont manifesté
à soutenir le régime. L’adresse rédigée par le conseil à l’occasion de la victoire de
Friedland et du traité passé avec le tsar de Russie est significative :
968
AML, 1217 WP 030. Séance du 11 mars 1806. Discours de Fay.
362
C’est du milieu de Tilsit qu’une seconde fois vous avez relevé (nos) murailles, rétabli la
prospérité de (nos) manufactures et récompensé (notre) amour969
.
C’est en ce sens que le ralliement à l’Empire des édiles peut être doublement
qualifié d’opportuniste puisqu’il le fut autant du point de vue de leurs itinéraires
individuels que de celui de l’ambition collective qu’ils portèrent.
1.2.1. Parler de Lyon à Paris
Selon toute apparence, il semble indispensable aux édiles de ne pas rester
confinés dans une relation exclusive avec la préfecture que doubleraient seulement
des liens épistolaires avec le gouvernement. Chaque année, le maire se rend en
personne à plusieurs reprises dans la capitale dans le cadre de ses fonctions.
D’autres édiles voyagent régulièrement à Paris pour leurs affaires ou des raisons
personnelles et en profitent pour transmettre des informations ou des requêtes. À
Paris, certains personnages servent de relais à l’influence lyonnaise. Joseph-Marie
de Gérando (1772-1842), le fils de l’édile, est de ceux-là. Ancien soldat du siège, ami
de Camille Jordan, mêlé aux idéologues sous le Consulat, il entre au Conseil d’État
au début de l’Empire et devient conseiller en 1811. Œuvrant pour le ministère de
l’Intérieur, souvent missionné en Italie puis en Espagne, membre des principales
associations culturelles de la ville, il conserve des liens étroits avec les élites
lyonnaises qui comptent sur lui pour se faire l’interprète de leurs intérêts. Dès le
printemps 1806, Fay de Sathonay observe :
Le ministre de l’Intérieur est l’ami de notre ville et son protecteur970
; de son côté, M.
Degerando, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, s’occupe vivement et avec zèle de
tout ce qui peut intéresser ses compatriotes, et, je dois le dire, ne perd aucune occasion de
leur être utile971
.
Plus tard, en 1813, la promotion du conseiller Claude Arthaud de la Ferrière aux
fonctions de chambellan est vécue comme une marque de reconnaissance adressée
969
AML, 1217 WP 031. Séance du 29 juillet 1807. 970
Jean-Baptiste Nompère de Champagny (1756-1834) est né à Roanne. Il est élu député de la noblesse du Forez
aux États généraux. 971
AML, 1217 WP 030. Séance du 22 mai 1806.
363
à l’ensemble de la bonne société lyonnaise et comme un moyen supplémentaire de
faire valoir les intérêts locaux972.
Se constituer en une sorte de groupe de pression, à proximité du sommet du
pouvoir, afin de favoriser la cause de la ville, de ses habitants et de ses élites,
suppose d’offrir un front uni, de proposer un message cohérent et constant. Or,
l’approche que l’on devine être celle des édiles lyonnais est fondée en grande partie
sur l’action d’individus diversement représentatifs de l’intérêt général et diversement
légitimes à s’en prévaloir. Malgré l’aspect formel de bien des délibérations du conseil,
malgré la prudence de la correspondance échangée avec la préfecture et le pouvoir
central et celle des rapports préfectoraux, des indices de dissensions internes au
groupe des édiles affleurent tout au long de la période.
Le maire est régulièrement confronté à l’ambition ou au manque de coopération
de ses adjoints et les conseillers acceptent parfois mal d’être réduits à un rôle tout à
fait mineur. Il a déjà été observé combien Fay de Sathonay se plaignait publiquement
de n’être pas convenablement assisté par ses adjoints au début de son premier
mandat. Les anciens maires du Consulat, notamment, faisaient les frais de son ire973.
On sait combien et Fay de Sathonay et d’Albon ont été vigilants à ce que les adjoints
n’acquièrent pas un poids trop important par le jeu des délégations mais que, de fait,
le progressif retrait du premier a favorisé les prétentions des adjoints, en particulier
de Sain-Rousset et Charrier de Senneville. Il est également apparu que ce dernier a
profité du soutien au choix de d’Albon pour accroître son influence au sein de la
municipalité. Le conseil ne reste pas étranger à ses oppositions qui mêlent
ambitions, considérations personnelles, conceptions de l’intérêt public et se
cristallisent sur certains enjeux de la politique municipale. En 1811, la majorité des
édiles soutient Sain-Rousset contre Fay de Sathonay sur la nécessité de poursuivre
les travaux du perré, le long du cours Napoléon974. Or, lorsqu’il réclame du ministre
les moyens de continuer le chantier, le maire prend la précaution de préciser, contre
l’avis du conseil, que le choix définitif du type de travaux à conduire n’est pas
effectué975 . Sans l’écrire officiellement, il reconnaît ainsi qu’un désaccord assez
972
Il est significativement associé à une députation qui rencontre Marie-Louise à l’automne 1813 : AML, 1217
WP 035. Séance du 22 octobre. 973
AML, 1217 WP 031. Séance du 2 mai 1808. 974
AML, 1217 WP 033. Séance du 1er juillet 1811. 975
AML, 1217 WP 034. Séance du 4 septembre 1811.
364
profond mine la municipalité et son équipe exécutive. Il fragilise ainsi sans aucun
doute la position de la ville et affaiblit sa capacité à réclamer un investissement
important de l’État.
Par ailleurs, on s’est aperçu que le conseil rechignait parfois à suivre le maire
lorsqu’il n’était pas associé à la prise de décision ni même informé convenablement.
À propos de dossiers aussi importants que ceux des façades de la place Bellecour
ou du rachat des terrains de Perrache, pour ne prendre que ces deux exemples déjà
développés, le maire agit seul, ce qui froisse l’orgueil de conseillers qui sont peu
habitués à n’être que des subordonnés. Ces derniers profitent parfois de questions
secondaires auxquelles ils ont accès pour manifester leur opposition. Ainsi, le conseil
persiste-t-il plusieurs mois dans l’hiver 1812-1813 dans son refus de doter le musée
des mosaïques que le préfet, soutenu par le maire, l’encourage pourtant à acquérir.
Les conseillers se montrent également soucieux des questions de procédure
notamment en ce qui concerne le vote des délibérations. Sur l’essentiel de la
période, les délibérations sont adoptées à main levée. Pour que le vote se fasse
secrètement, il faut qu’un conseiller le demande976. Or, solliciter un tel scrutin revient
à dévoiler son opinion. Ainsi, les édiles réclament régulièrement que le vote à bulletin
secret devienne la norme, conformément à une délibération prise sous les trois
mairies, le 3 ventôse an XIII (22 février 1805). Cette revendication, constante, des
conseillers est sans cesse ajournée. Le maire conserve ainsi un moyen de se
prémunir de la manifestation de l’opposition. Un autre moyen, pour lui, est la fixation
de l’ordre du jour. Dépendant totalement du préfet, qui seul autorise la tenue des
séances, l’ordre du jour est parfois commodément brandi par le maire confronté à
des demandes trop pressantes de la part de ses conseillers977.
Au cours de la période, les conseillers martèlent leur volonté de participer plus
réellement au gouvernement de la cité en rappelant leur légitimité, fondée sur leur
proximité avec les habitants de la ville, leur connaissance des enjeux locaux et la
volonté même des autorités. Ces individus nommés par l’empereur sur la base de la
notabilité, se considèrent clairement, peut-être du fait de leur distinction par les
assemblées de canton, comme les représentants de la ville et de la population.
976
On vote alors en utilisant des boules blanches et noires que chaque conseiller dépose dans une urne. 977
Voir notamment la séance du 9 mars 1809 lors de laquelle le maire fait face à une « proposition fortement
appuyée par plusieurs membres » : AML, 1217 WP 033.
365
Partant, ils réclament d’être associés plus étroitement à la prise de décision pour que
la municipalité devienne un acteur principal de son destin. Le conseil municipal
adopte le 2 mai 1809 la délibération, assez remarquable pour avoir été déjà citée,
définissant ses membres comme étant les « les représentants naturels de la
commune » et réclamant avec force d’être davantage partie prenante la gestion de la
ville 978.
Cette revendication ne cesse d’être brandie par le conseil. Le 9 juin 1812, alors
que le maire malade ne paraît plus aux séances, les conseillers se plaignent de ne
pas être associés à la politique d’aménagement et demandent à ce qu’on les informe
des devis et travaux en cours, en vain979. Réclamant de la sorte le respect voire
l’accroissement de leurs prérogatives, les conseillers entretiennent ainsi une relation
de type conflictuel avec le maire. Cette opposition rend la parole de la municipalité
vers l’extérieur et notamment vers le préfet et le sommet de l’État moins audible,
brouillant en quelque sorte le message. En outre, les conseillers rendent évidente
l’ambiguïté d’un positionnement qui consiste dans le même temps à exiger une plus
grande considération de la part du pouvoir central et à accepter de participer à une
organisation politico-administrative qui exige de l’acteur institutionnel qu’est la
municipalité la plus parfaite soumission. Enfin, la revendication des édiles à
davantage de lustre, de pouvoir et d’autonomie ne peut manquer d’alerter l’État et
d’augmenter sa réticence à développer les moyens, d’accroître sa prévention à
l’égard d’un acteur si remuant.
Dans le courrier qu’il adresse au ministre de l’Intérieur à l’occasion des
remplacements du préfet Bondy et du maire d’Albon sous la Première Restauration,
Nicolas-François Cochard craint « qu’il ne reste encore dans la composition du
conseil municipal des ferments de discorde » :
Six adjoints, dont la plupart ont beaucoup de prétentions et qui cependant ne font rien que par
des délégations du maire, un conseil municipal qui veut connaître de tout et qui est pour ainsi
dire en permanence980
.
978
Ibid. Séance du 2 mai 1809. 979
AML, 1217 WP 034. 980
AN, F 1b I 156/31. Lettre datée du 6 décembre 1814.
366
S’apprêtant à formuler des propositions sur la réforme à apporter au
fonctionnement de la municipalité, le conseiller de préfecture pointe avec clarté ce
qui lui apparaît comme un obstacle à l’efficacité de la politique municipale et ce qui a
sans doute constitué sur la période une limite sérieuse à la crédibilité du discours
municipal face aux autorités politiques et administratives de l’Empire.
1.2.2. Le rôle des députations
La mise en place de députations destinées à rencontrer les ministres ou
l’empereur lui-même est décidée en conseil, sur proposition du président, c'est-à-dire
le plus souvent du maire. Dans la plupart des cas, la députation bénéficie de crédits
pris sur le budget ; elle en est d’autant plus attractive. Les candidats sont nombreux
et la plupart du temps désignés au scrutin secret. On devine les satisfactions et les
blessures d’amour propre que de tels moments provoquent. Ils révèlent à ceux qui
sont l’enjeu du vote la réalité des influences, des amitiés et des gratitudes.
On ne trouve qu’un seul exemple de refus à faire partie d’une délégation élue. En
janvier 1810, quatre conseillers sont désignés pour porter avec le maire une adresse
à Napoléon qui renouvelle la proposition des édiles d’édifier une statue équestre de
l’empereur au centre de la place Bellecour. Tous, encore une fois, sont des ci-
devant. Si Arthaud de la Ferrière et Chirat acceptent, Rosier de Magneux et Grailhe
de Montaima déclinent à regret l’honneur qui leur est fait. La perspective d’un voyage
hivernal effraie ces hommes atteints de la goutte, pour le premier, et de
rhumatismes, pour le second981.
Les députations que la municipalité envoie à Paris rencontrer le pouvoir central, la
plupart du temps pour exprimer les louanges votées en conseil à l’occasion
d’événements extraordinaires mais aussi pour soumettre des projets qui ont reçu un
premier assentiment des autorités, sont une opportunité systématiquement mise à
profit pour défendre les intérêts de la ville et de la municipalité.
Là encore, l’examen des événements liés à la naissance du roi de Rome, au
printemps 1811 s’avère instructif. Dans sa séance du 21 mars 1811, le conseil
981
AML, 1217 WP 033. Séances du 11 et du 25 janvier 1810.
367
municipal désigne une députation pour porter une adresse de félicitation à
l’empereur. Arthaud de la Ferrière, Devillas-Boissière, Grailhe de Montaima et
Sériziat sont élus pour accompagner le maire. Ils sont effectivement reçus en
audience au château de Saint-Cloud le 5 mai. Le 23 avril, ce sont les deux
conseillers, Arthaud de la Ferrière et Vouty de la Tour, qui sont chargés de
représenter la ville aux cérémonies du baptême princier aux côtés de Fay de
Sathonay. Ils sont reçus, par le couple impérial, au même rang que les représentants
des autres bonnes villes de l’empire, le 9 juin. Or, en ces occurrences, la motivation
des édiles ne se réduit pas à la manifestation servile de l’attachement à la dynastie.
Déjà, le 31 mai, le conseil municipal a exprimé son souhait que les députés envoyés
dans la capitale à l’occasion du baptême du roi de Rome sachent obtenir le maintien
de l’exemption fiscale dont la commune bénéficie dans les opérations de rachat des
parcelles riveraines de la place Bonaparte982. Recevant personnellement la première
délégation de Lyonnais, Napoléon se montre curieux de connaître l’état de la société
et de l’économie locales. Devant des réponses « qui durent être affligeantes parce
qu’elles étaient vraies », l’empereur promet des travaux publics, des commandes de
tissus d’ameublement et confirme l’envoi de fonds au bureau de bienfaisance. En
fait, le chef de l’État ne fait que confirmer des mesures déjà prises ou dont le principe
était déjà acquis. Demeurant à Paris dans l’intervalle qui sépare cette entrevue des
festivités du baptême, Fay de Sathonay et Arthaud de la Ferrière s’activent. En effet,
au-delà des mesures de soutien aux manufactures, les négociants de la ville ont
« quelques réclamations à faire valoir, quelques dispositions favorables à
solliciter »983. Il s’agit en l’espèce de mesures concourant toutes à la diminution des
taxes et contraintes pesant sur les échanges, tant de matières premières (le coton en
provenance de Campanie notamment) que de produits manufacturés (les étoffes de
soie). Munis de rapports circonstanciés établis par les négociants de la ville, Fay et
Arthaud rencontrent sur ces sujets le ministre de l’Intérieur, Montalivet, celui des
Finances, Gaudin, ainsi que le Directeur général des Douanes, Ferrier. Fay de
Sathonay est reçu enfin par le ministre de la Guerre, Clarke, auprès duquel il se
plaint en vain du poids que représentent pour la ville les obligations inhérentes au
devoir de logement des troupes de passage. La suite, du jour du baptême, le 2 juin,
au jour de l’audience publique consacrée aux députés des bonnes villes, le 9 juin, ne
982
AML, 1217 WP 034. 983
Ibid. Séance du 4 septembre 1811.
368
permet pas aux trois Lyonnais de poursuivre aussi méthodiquement leur effort de
persuasion bien que les différentes cérémonies protocolaires soient l’occasion de
faire bonne figure. Avant de quitter la capitale, Fay de Sathonay obtient de Montalivet
la possibilité de lui laisser un mémoire récapitulant les « objets qui intéressent le plus
vivement la ville de Lyon ». Le nombre, la précision et la diversité des sujets qui y
sont abordés témoignent de l’ardeur des sollicitations en même temps que des
blocages qui résultent de la centralisation bureaucratique napoléonienne 984 . Le
maire, de retour à Lyon, donne un aperçu du contenu extrêmement significatif de ce
mémoire aux conseillers municipaux de la ville :
Je me suis empressé de rédiger ce travail dans lequel j’ai porté comme objets essentiels : la
demande d’une faculté de médecine ; le remboursement des avances faites par la ville pour
les réparations de la cathédrale et de l’archevêché ; l’élargissement du passage de Saint-
Côme ; la continuation des travaux de réparation de l’Hôtel de Ville et du Palais Saint-Pierre ;
l’achèvement des différents quais qui doivent border la Saône ; la continuation du perré
Napoléon (…)985
.
La pratique survit bien évidemment à Fay de Sathonay. Son successeur,
d’Albon, met autant de zèle à profiter des députations officielles pour défendre la
cause de Lyon au plus haut niveau de l’État. Ainsi, portant une adresse du conseil à
l’impératrice à la fin du mois d’octobre 1813 986 , il rencontre les « plus hauts
dignitaires » et notamment les ministres des Finances, de l’Intérieur et du Commerce
auxquels il présente diverses doléances concernant le budget d’abord, les propriétés
communales ensuite, l’installation d’une halle aux laines et aux toiles enfin987. Même
durant les Cent-jours, la municipalité charge l’unique députation qu’elle envoie aux
Tuileries de servir les intérêts de la ville sur différents dossiers. La composition de la
délégation désignée par le conseil le 18 mai 1815 est bien différente de ses
devancières mais elle n’est pas moins attachée à la promotion de la ville. Aux côtés
de l’inaltérable Sain-Rousset, le banquier Bontoux, le négociant Sériziat, le conseiller
de préfecture Cochard et les magistrats Midey et Vouty sont bien décidés à recueillir
pour la ville quelques dividendes de leur soutien affiché au régime impérial988.
984
AN, F1c
III Rhône 5. 985
Ibid. 986
ADR, 1 M 111, Événements politiques. Députation de 1813. 987
AML, 1217 WP 036. Séance du 27 novembre 1813. 988
AML, 1217 WP 037.
369
À la base de l’organisation administrative édifiée en l’an VIII, les municipalités les
plus importantes n’ont d’autre recours pour espérer voir les chantiers les plus urgents
progresser significativement que de tenter de solliciter directement le sommet de
l’État en « court-circuitant » l’échelon intermédiaire que constitue le préfet et, parfois,
le ministre ou le directeur d’administration. Or, la récurrence des sujets soumis au
ministre révèle sèchement les lacunes de ce type d’organisation. Le remboursement
des avances faites pour les réparations du palais archiépiscopal et la cathédrale est
en effet réclamé depuis le Consulat. En 1815, il n’est toujours pas obtenu.
2. Développer les fonctions d’une métropole
Le retentissement accordé aux différents passages de Napoléon à Lyon –
général de retour d’Égypte, premier consul victorieux après Marengo, empereur en
route pour son couronnement italien – témoignent de l’importance dévolue à la ville
qui devient l’un des décors privilégiés de la mise en scène bonapartiste. En
décembre 1801 et janvier 1802, Lyon accueille la Consulta dont les travaux
aboutissent à établir et faire adopter la constitution de la République italienne et à
confier la présidence d’icelle à Bonaparte. Quatre cent cinquante députés italiens,
tous les grands personnages de l’État, les hauts fonctionnaires de la région
entourent le premier consul et son épouse, Joséphine, qui séjournent à Lyon du 11
au 27 janvier. Le sort de l’Italie se décide à Lyon, en grande pompe. La ville retrouve
à cette occasion de son lustre d’antan et y gagne même un prestige assez inédit, lié
à la reconnaissance de sa situation centrale au sein du vaste ensemble géopolitique
en formation. Ainsi Lyon est encouragée à affirmer sa condition de métropole.
Sous l’Empire, parmi les fonctions que la ville peut se prévaloir d’exercer, se
dessinent deux ensembles sur lesquels les édiles misent pour augmenter son
rayonnement au sein du système napoléonien. L’attention portée aux questions
d’enseignement, sans être exclusive, est au cœur de la politique culturelle de la
municipalité. Prétendant rehausser la réputation intellectuelle de Lyon, ses édiles
n’en considèrent pas moins que la condition première de sa prospérité comme de
son audience réside dans son dynamisme économique.
370
2.1. Le rayonnement culturel
2.1.1. L’action de la municipalité pour l’enseignement scolaire
Dès la présentation des ambitions de la mairie unique, la question scolaire est
érigée au rang de priorité à Lyon 989 . Si l’on envisage les différents degrés
d’enseignement représentés à Lyon sous le Premier Empire, on constate cependant
que la municipalité n’a jamais que des prérogatives limitées.
Pour ce qui concerne les écoles primaires, la loi du 11 floréal an X (1er mai
1802)990 laisse aux communes le soin de les administrer. En fait, sous le Consulat, la
municipalité, sous l’impulsion du maire de l’Ouest Bernard-Charpieux991, organise
une sorte de reconstitution des écoles congréganistes puisque les postes
d’enseignants sont pourvus par un recours systématique aux frères des Écoles
chrétiennes et aux religieuses de Saint-Charles qui pratiquent de part et d’autre la vie
en commun. Sous l’Empire, à Lyon, on évalue le nombre des élèves inscrits dans
une vingtaine d’écoles primaires à environ deux mille cinq cents. Sans renoncer à
toute responsabilité, les édiles se déchargent assez volontiers de l’obligation que
représente l’instruction des plus jeunes enfants sur les écoles chrétiennes. Les
conditions matérielles de l’enseignement, le comportement des instituteurs et des
institutrices sont placés sous la surveillance d’une sorte d’autorité locale, cooptée
sous le contrôle du maire, le jury des petites écoles 992 . C’est ce mode
d’administration locale de l’enseignement primaire, confié à neuf notables, que le
maire et le conseil municipal vont avoir à cœur de défendre face aux injonctions
centralisatrices de l’État. En effet, le décret impérial du 17 mars 1808 prévoit que les
écoles primaires passent, comme l’ensemble des établissements scolaires, sous
l’autorité du grand maître de l’université. Une délibération est votée en faveur du
maintien du mode de gestion inauguré sous le Consulat au début de la session
989
AML, 1217 WP 030. Séance du 27 janvier 1806. Discours de Chirat. Dans la ville voisine de Saint-Étienne,
Gérard Thermeau note que « la question scolaire est une des hantises de la municipalité » : THERMEAU,
Gérard, À l’aube de la révolution industrielle…, op. cit., p.170. 990
Des extraits figurent en annexe II. 991
SAUSSAC, Roland, « L’enseignement primaire et secondaire », dans AVANZINI, Guy, [dir.], Éducation et
pédagogie à Lyon de l’antiquité à nos jours, Lyon, C.L.E.R.S.E., p.131. 992
Reconstitué par arrêté du préfet Bureaux de Pusy le 11 frimaire an XI (2 décembre 1802).
371
ordinaire de 1809993 et satisfaction est donnée aux édiles puisque le jury des petites
écoles est maintenu sur la période. Chaque budget annuel prévoit des fonds à
destination des écoles primaires qui sont en grande partie financées par la
participation des familles à l’exception des plus pauvres et par des legs994. Lorsque la
situation économique se dégrade, on voit néanmoins le jury demander à la mairie
l’allocation de secours, de l’ordre, annuellement, de quelques milliers de francs, qui
sont généralement accordés995.
Si les édiles ont réussi à sauvegarder un dispositif local de surveillance des
petites écoles, ils ont par contre échoué à maintenir des établissements
d’enseignement secondaire concurrents du lycée. Un des premiers créés en
France996 et installé dans les locaux du grand collège, le 15 messidor an XI (4 juillet
1803), le lycée de Lyon ne parvient pas à devenir attractif, notamment vis-à-vis de la
bourgeoisie urbaine. On y compte seulement soixante huit externes et trente six
internes en 1809, cent quatre-vingt huit externes et quarante et un internes en
1813 997 . Les débuts de cette institution, conçue pour être emblématique du
renouveau consulaire puis du rayonnement impérial, sont en partie gâchés par la
création, à l’initiative de la municipalité, d’une école secondaire en vendémiaire an
XII (septembre 1803)998. Des établissements particuliers existent déjà, surveillés et
soutenus par la municipalité999, mais la loi du 11 floréal autorise en effet les villes à
fonder de tels établissements, regardés comme un niveau intermédiaire entre
l’élémentaire et le lycée et voués à l’apprentissage des arts libéraux, du commerce
ou de l’industrie. Cette décision impériale répond à une aspiration déjà exprimée par
les élites lyonnaises, notamment dans le cadre du département. Le futur conseiller
Cochard déplore notamment avec d’autres collègues, à l’aube du Consulat,
993
AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809. 994
AML, 1217 WP 031. Séance du 28 octobre 1807. 995
AML, 1217 WP 035-036. Séances du 20 août 1812, 25 juin et 23 juillet 1813. 996
Les lycées sont créés par la loi du 11 floréal an X (1er
mai 1802). Le lycée de Lyon est créé le 19 frimaire an
XI (10 décembre 1802) avec ceux de Marseille, Bruxelles et Turin notamment mais après celui de Bordeaux,
créé le 24 vendémiaire (16 octobre 1802) : CLAUSE, Georges, « Lycées », dans TULARD, Jean [dir.],
Dictionnaire Napoléon, op. cit., p.231-233. Sur les débuts du lycées à Lyon : SAUSSAC, Roland, Les débuts du
lycée de Lyon (1803-1805), Thèse soutenue à l’Université Lyon 2, en 1986 (direction Guy Avanzi). 997
KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.412. Cet auteur évoque sans ambages les débuts
« misérables » du lycée de Lyon : ibid, p.400. selon Roland Saussac, il n’y a plus que 21 pensionnaires payants
au cours de l’année scolaire 1813-1814 : SAUSSAC, Roland, « L’enseignement primaire et secondaire », op.
cit., p.147. 998
C’est l’arrêté municipal du 19 vendémiaire an XII (12 octobre 1803) qui en fixe le règlement et le
programme. 999
AML, 81 WP 001, Instruction publique. École secondaire. Arrêtés du préfet des 9 et 11 frimaire an XII.
372
« l’intervalle trop grand entre les écoles primaires et les écoles centrales » et
préconise de placer entre icelles et les écoles primaires des « écoles
secondaires »1000. Il semble que l’école secondaire communale de Lyon, installée
aux Jacobins1001 et dont l’enseignement comprend le latin et le grec, la grammaire,
l’histoire, la géographie, les belles lettres et les mathématiques, rencontre
immédiatement après son ouverture, le 20 vendémiaire an XIII (12 octobre 1804), un
assez vif succès1002. En tous cas, la municipalité s’enorgueillit de son existence et se
montre extrêmement fâchée lorsque sa suppression est brutalement décidée par le
décret impérial du 10 brumaire an XIV (1er novembre 1805). Le conseiller Mayeuvre
de Champvieux se montre particulièrement actif dans la défense de l’école. Il
propose un rapport circonstancié à ses collègues lors de la séance du 5 février 1806.
À peine instituée, la mairie unique est amenée à contester une décision impériale et
à réclamer une dérogation à travers le maintien d’un établissement décrit comme un
indispensable complément au lycée. Le conseil municipal estime qu’il serait
« douloureux » de voir disparaître une école instituée dans le plus parfait respect de
la loi et qui s’avère si utile à pourvoir d’une éducation « le plus grand nombre » dans
une ville de plus de cent mille habitants dont le seul lycée ne peut suffire à assurer le
« développement » et le « rayonnement culturel »1003. Espérant que l’argumentaire
sera en mesure d’infléchir la volonté impériale, le maire tarde à exécuter la décision
de suppression de l’école mais cette résistance est vaine. Il est effectivement mis fin
aux activités de l’établissement en décembre 1806, sur réquisition du directeur
général de l’Instruction publique. Le conseil n’a plus qu’à indemniser le personnel
enseignant brutalement remercié tout en félicitant les cinq professeurs et leur
directeur pour leur « zèle » et le « succès dont a joui l’établissement qui leur fut
confié »1004. La municipalité est dès lors reléguée à un rôle tout à fait mineur. Certes,
les édiles donnent leur avis sur les conditions de présentation des élèves aux
bourses du lycée mais c’est en contrepartie du financement d’icelles, prélevé sur le
1000
AN, F1c
III Rhône 5. Compte-rendu par l’administration centrale du département du Rhône (29 frimaire an
VIII – 20 décembre 1799). 1001
C’est l’arrêté du 14 prairial an XI qui concède à la ville « la partie invendue du claustral des Jacobins » :
Ibid. Bureau d’administration de l’école, 13 brumaire an XII. 1002
Ibid. Règlement. L’inauguration revêt « la même pompe que celle du lycée » selon Louis Trénard :
TRÉNARD, Louis, Lyon. De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit., t.2, p.638. 1003
AML, 1217 WP 030. 1004
Ibid. Séance du 12 mars 1807. L’indemnité offerte aux six enseignants est de 7 237,50 francs. Elle est portée
aux dépenses municipales de 1808 avec l’accord du préfet : AML, 81 WP 001. Lettre de d’Herbouville du 25
juin 1807.
373
revenu de l’octroi1005. Malgré la faiblesse de ses moyens et compte tenu de la tiédeur
de son enthousiasme, supporter les charges engendrées par la maintenance de
l’immeuble reste finalement ce que la municipalité a de mieux à faire comme en
témoignent les demandes répétées du proviseur et même du grand maître de
l’université, Fontanes1006.
La municipalité a tout de même la responsabilité de la gestion de la bibliothèque
de la ville. Elle en assure le budget de fonctionnement et tente de satisfaire les
modestes demandes du bibliothécaire nommé par le maire. C’est un notable de
l’Empire, l’érudit Antoine-François Delandine (1756-1820) qui assure cette fonction
sous l’Empire1007 . Il n’a de cesse de dénoncer la notoire pauvreté du fonds de
l’institution qu’il dirige. Or, lorsque les édiles portent au budget des dépenses d’achat
et de reliures d’ouvrages, l’empereur les réduit à ce qu’elles n’excèdent que de peu
les dépenses de fonctionnement correspondant essentiellement au traitement du
conservateur (4 000 francs) et des employés (1 900 francs)1008.
2.1.2. La difficile promotion de l’enseignement supérieur à Lyon
Une agglomération de l’importance de Lyon se doit d’être un pôle remarquable
dans le domaine de l’enseignement supérieur. C’est la conviction maintes fois
répétée des édiles. Or, le gouvernement impérial fait le choix de spécialiser Lyon en
quelques disciplines déterminées en fonction de la nature de son activité
économique et lui interdit la polyvalence à laquelle elle prétend.
Dès le Consulat, le conseil municipal de Lyon revendique la création entre Rhône
et Saône d’une école de droit – la loi du 11 floréal en X (1er mai 1802) prévoit d’en
1005
AML, 81 WP 003, Instruction publique. Bourses communales ; AML, 1217 WP 032, op. cit. Séance du 13
mai 1809. 1006
Ibid et AML, 1217 WP 035. Voir notamment les procès-verbaux des séances du conseil municipal du 30
septembre 1809 et du 7 janvier 1813. 1007
Il est un personnage important de la vie politique et culturelle lyonnaise. Député du tiers aux États généraux,
il vote le serment du jeu de paume. Inquiété sous la terreur, il prend ses distances avec la vie politique.
Opportunément rallié à l’ordre napoléonien, il aspire au poste de secrétaire de préfecture, en vain. Nommé
bibliothécaire, cet érudit ne parvient pas à réussir dans la carrière des lettres. Rallié aux Bourbons, il est décoré
de la légion d’honneur et anobli en 1814 par Louis XVIII : REY, Jean-Philippe, « Le Rhône », dans
BERGERON, Louis, CHAUSSINAND-NOGARET, Guy, Grands notables…, op. cit. 1008
Au budget de 1807, par exemple, Napoléon n’accorde que 6 900 francs alors que le maire en demandait
10 000 : AML, 1217 WP 030 et AML, 14 03 WP 039.
374
créer dix en France – et d’une faculté de médecine. Plusieurs rapports et
délibérations sont présentés en ce sens sous l’Empire et, les édiles, prévenant les
réticences du gouvernement, prévoient même l’inscription au budget de mesures
afférentes1009. Toujours, l’État confirme son refus de doter la ville de ces fonctions
universitaires prestigieuses. On ne peut évidemment pas ainsi qualifier les trois cours
de sciences naturelles (géologie, zoologie et entomologie) donnés dans la cadre du
cabinet d’histoire naturelle adossé au jardin botanique1010. Soutenus par la ville, les
édiles en perdent de toute façon le contrôle dans les dernières années de l’Empire.
En fait, outre les facultés de sciences et de lettres créées en mars 1808 dans les
locaux du lycée puis déplacés au rez-de-chaussée du collège de la Trinité, dont
l’entretien incombe à la municipalité1011 et qui attirent très peu d’étudiants, les écoles
que concède le gouvernement à la deuxième ville de France sont des écoles
techniques 1012 . À partir des deux premières années de la mairie unique, on y
enseigne le dessin, la théorie et la pratique du tissage de la soie, la chimie appliquée
aux arts et, dans un degré moindre, à la pharmacie. L’ensemble s’organise autour de
l’école de dessin qui, fondée par le décret du 25 germinal an XII (15 avril 1804),
constitue incontestablement le joyau de la ville en matière d’instruction publique1013.
Les prémices de cette école apparaissent en fait dès avant Brumaire, en nivôse an
VII avec l’établissement d’un cours spécial de dessin pour la fleur au palais Saint
Pierre1014. Associée au conservatoire des arts1015 et au musée, l’école de dessin
1009
AML, 1217 WP 032. Séance du 13 février 1810. C’est le chirurgien Petit qui, jusqu’à sa mort (1811), porte,
avec Fay de Sathonay, le projet d’une faculté de médecine. C’est le président de la cour d’appel Vouty qui
incarne la revendication d’une école de droit. 1010
AML, 321 WP 193, Déserte. Cabinet d’histoire naturelle ; AML, 1217 WP 031. Séance du 14 septembre
1808. 1011
Décret impérial du 17 septembre 1808. « Les autorités municipales ne sont guère enthousiasmées par le
cadeau impérial » selon Roland Saussac : SAUSSAC, Roland, « L’enseignement supérieur public », dans
AVANZINI, Guy, [dir.], Éducation…op. cit., p.248. 1012
Lyon compte aussi une école vétérinaire prestigieuse, la première créée en France en 1762. Installée dans
l’ancien claustral des sœurs de Sainte Élisabeth, sur les quais de Saône, elle est dirigée indépendamment de toute
intervention de la municipalité. Elle se développe sous l’Empire tant du point de vue des effectifs que du
programme enseigné. 1013
Très vite le peintre Révoil, le sculpteur Chinard, l’architecte Gay y enseignent. 1014
AN, F1c
III Rhône 5. Compte-rendu…op. cit. 1015
Le conservatoire des arts est organisé en l’an XI par le préfet afin d’aider le maire du Nord (puis le maire
unique de Lyon) à administrer le palais des arts. Il est composé de six membres nommés par le préfet : AML, 77
WP 001, Conservatoire des arts. Mayeuvre de Champvieux, Parent, Pernon, Regny père, notamment, en furent
des membres éminents.
375
stimule la rénovation et l’aménagement de l’ancien ensemble conventuel des
Terreaux et retient l’essentiel de l’attention des autorités locales1016.
Progressivement émerge au cœur du quartier le plus actif de la ville, à deux pas
de sa maison commune, une sorte de « technopôle » puisque l’enseignement
technique et artistique qu’on y délivre est intimement lié à l’industrie locale dont elle
contribue à augmenter la valeur ajoutée. Le projet est initié par le gouvernement
mais il répond à une ancienne revendication de la ville et il est tôt porté par des
édiles conscients de son importance puisque, dès janvier 1806, le conseil déclare à
propos du palais Saint Pierre :
Cet édifice, par la réunion des établissements qu’il renferme ou doit renfermer, est destiné à
être un monument municipal de la plus haute importance. On y verra réunis, dans quelques
années, diverses écoles, un musée, un conservatoire et plusieurs dépôts pour les arts, le
commerce et les sciences1017
.
Un rapport du conservatoire des arts au préfet d’Herbouville développe à la
même période des vues comparables :
Il (le bâtiment de Saint Pierre) est uniquement affecté à des établissements d’instruction
publique de commerce et des arts, et destiner à recevoir, à rassembler en modèles les
découvertes anciennes et modernes relatives aux arts et manufactures avec toutes les parties
d’enseignement qui doivent servir à leur développement, des écoles de chimie, de physique,
de mécanique, de peinture, de sculpture, un musée et une bibliothèque analogue à sa
destination, les sociétés savantes qui s’occupent du progrès et des arts, la bourse et la
chambre de commerce1018
.
Sept mois plus tard, à propos du lieu d’installation d’un pensionnat de jeunes
filles, le maire et le conseil repoussent vigoureusement l’hypothèse du palais Saint
Pierre en rappelant sa vocation à n’accueillir que le musée, le conservatoire des arts,
les écoles de dessin, de chimie, de la fabrication des étoffes de soie « et autres
établissements publics de ce genre »1019. Les efforts consentis par la commune pour
développer ces établissements-phare sont réels. Elle y consacre notamment des 1016
AML, 81 WP 003. Règlement. 1017
AML, 1217 WP 030. Séance du 27 janvier 1806. Le palais Saint-Pierre est propriété de la ville depuis
germinal an X (avril 1802). 1018
AML, 77 WP 001. Rapport au préfet, 1806. 1019
Ibid. Séance du 4 juillet 1806 ; AML, 81 WP 003. Rapports sur l’établissement de Madame Cosway. Le
musée est créé au palais des arts à la suite du décret du 10 frimaire an X (1er
décembre 1801).
376
crédits très importants pour en assurer le lancement : trente et un mille deux cents
francs en 1807, quarante mille en 1808. Au cours de la période, le soutien de la
municipalité à un projet dont la cohérence est remarquable ne se dément pas. Seule,
in fine, l’école de fabrication des étoffes ne semble pas apporter les avantages
attendus et les édiles votent à une courte majorité, le 13 août 1812, une délibération
sollicitant sa suppression1020. En fait, le rapport, défendu par le négociant Arlès,
montre que les principaux fabricants et négociants de la ville sont hostiles à un
établissement qui favorise la diffusion du savoir-faire et la multiplication de la
concurrence1021. Or la prospérité de la Fabrique réclame le retour à une certaine
opacité, le maintien des réseaux traditionnels, des méthodes habituelles d’innovation
et d’un nombre diminué d’entreprises. Influents au sein du conseil municipal, les
fabricants-négociants en obtiennent une décision favorable à leurs intérêts.
Les fonds du musée des beaux arts sont constitués de dotations d’État pour
l’essentiel. Son conservateur, Artaud, ne sollicite presque jamais la ville hormis pour
des travaux d’aménagement1022. Les édiles se montrent très réticents à envisager
des acquisitions comme en témoigne leur refus, en 1812, d’acheter la belle
mosaïque des jeux du cirque et ce, malgré les pressions du préfet1023.
2.1.3. L’école d’équitation
Le seul établissement dont il ne soit pas abusif d’attribuer la paternité à la
municipalité est l’école d’équitation qui ouvre ses portes en 1811. Fay de Sathonay
et le préfet d’Herbouville ont de concert sollicité l’approbation du ministre de
l’Intérieur à un projet que le maire soumet au conseil dès juillet 1807. En fait, le
gouvernement accepte de laisser la municipalité créer un dépôt d’étalons et une
école d’équitation à condition qu’elle en assume l’ensemble du financement.
Enthousiastes, les conseillers se saisissent du dossier et se mettent en quête de
l’endroit propre à accueillir les nobles équidés. Malheureusement, là comme à
1020
AML, 1217 WP 035. 1021
Ibid. Le rapport d’Arlès est reproduit dans le procès-verbal de la séance du 28 août 1812. 1022
AML, 77 WP 001. 1023
Ibid. Séance du 24 décembre 1812. C’est une décision personnelle du maire d’Albon, proche du préfet
Bondy, qui permet, en 1813, au musée de récupérer finalement la mosaïque. Sur « la récolte des vestiges du
passé » à Lyon : MATHIAN, Nathalie, « L’exploration de Lyon », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon sous le
Consulat et l’Empire, op. cit., p.85-108
377
Bellecour, le chantier dépend de la capacité d’une administration municipale aux
faibles prérogatives à obtenir la cession de leur terrain de propriétaires ragaillardis
par la perspective du profit. Si le site de la Déserte est immédiatement choisi c’est
parce que, non aménagé, il présente l’avantage d’être propriété de la ville alors qu’un
site tout à fait adapté, comprenant un manège couvert et un manège découvert, des
écuries, une cour et des logements salubres existe au cœur de la ville mais au prix
prohibitif de 201 800 francs1024. En fait, la lenteur de la procédure administrative
impériale va paradoxalement servir les intérêts de la ville. Ce n’est que le 17 mai
1809 qu’un décret impérial accorde à la ville une école impériale d’équitation de
première classe. Revenu de son accès d’ambition et fatigué par une attente de près
de trois ans, le propriétaire du site déjà aménagé consent, au printemps 1810, à
céder son bien pour un montant bien plus accessible aux finances de la ville, soit
95 000 francs. Fay de Sathonay, d’accord avec Ségur, l’inspecteur général des haras
de l’Empire, traite alors promptement avec lui. Le conseil acquiesce et l’installation
de l’école impériale d’équitation peut commencer. Elle est progressivement mais,
semble-t-il, assez lentement équipée au cours des années qui suivent. Si le haras fait
long feu faute d’élevages suffisamment nombreux dans les environs, l’école
d’équitation proprement dite subsiste. Son fonctionnement devient indépendant de la
municipalité qui est essentiellement, dès lors, sollicitée au travers de sa commission
des travaux publics1025.
Dans le domaine de l’éducation, on voit clairement que la municipalité,
dépossédée de toute compétence propre, ne dispose jamais d’un réel pouvoir
d’influence. La ville de Lyon reçoit un certain nombre d’établissements
d’enseignement scolaire et supérieur en fonction de la volonté impériale sans jamais
sembler à même de jouer un autre rôle que celui qui consiste à accompagner du
mieux possible les décisions venues d’en haut. Les édiles tentent bien de saisir les
maigres opportunités que leur laisse la législation impériale – au titre de la loi du 11
floréal an X (1er mai 1802), ils installent une école secondaire ou réclament une école
de droit – mais très vite l’État central impose des arbitrages différents qui limitent
cruellement le rayonnement culturel de la ville en même temps que la capacité
1024
AML, 1217 WP 031 et 1217 WP 033. Séances 25 juillet 1807, du 9 et du 14 mai 1810. Le projet de
construction d’un manège et d’un ensemble de dépendances sur 4253 m² à la Déserte a été très avancé : AML,
321 WP 193, la Déserte. Février 1810. 1025
Voir notamment la séance du 13 août 1812 : AML, 1217 WP 035.
378
d’action de la municipalité. Il n’y a guère que la création de l’école d’équitation qui
puisse être portée au crédit de cette dernière puisque l’initiative en revient à Fay de
Sathonay et que les finances communales en supportent seules le coût. Par ailleurs,
l’idée de créer au palais Saint Pierre un pôle spécialisé dans l’enseignement
technique et artistique profondément intégré au contexte économique local est
constamment promue par les édiles qui relaient en cela efficacement la volonté
impériale de renforcer la spécialisation lyonnaise autour de la Fabrique.
2.1.4. L’échec du projet d’un théâtre municipal
À Lyon, sous l’Empire, deux théâtres proposent des spectacles sous la
surveillance du commissaire général de police, à savoir le théâtre des Célestins et
celui qui, place de la Comédie, est désigné sous le nom de Grand théâtre1026. Ces
deux établissements sont reconnus comme exerçant une mission de service public
indispensable à une agglomération d’importance mais, initialement du moins, sont
administrés par des groupements d’actionnaires. À compter de 1807, un conflit
apparaît entre les trois partenaires intéressés à la marche du Grand théâtre : la
mairie, les propriétaires et la vingtaine d’actionnaires. Ces derniers annoncent leur
intention de faire cesser les représentations du Grand théâtre à la fin de l’année,
arguant de la faiblesse de leurs revenus1027. Selon le maire, il s’agit d’une tactique
visant à obtenir des autorités des avantages supplémentaires en ce qui concerne les
conditions qui leur sont faites et qui sont faites aux propriétaires et, partant,
d’augmenter leur profit1028. Refusant ce qu’il dénonce comme un chantage, Fay de
Sathonay obtient du conseil une délibération sollicitant de l’empereur la résiliation du
bail et le droit pour la ville d’acquérir le théâtre moyennant une « indemnité » que le
maire évalue alors à trois cent quarante mille francs, les propriétaires réclamant
quant à eux le double 1029 . Le contentieux prend une tournure exclusivement
1026
Le décret impérial du 8 juin 1806 fixe que dans « les grandes villes de l’Empire, les théâtres seront réduits au
nombre de deux ». Leur existence est soumise à autorisation du préfet. Sur l’organisation de l’activité des
théâtres à Lyon sous l’Empire : GERSIN, Malincha, La vie théâtrale lyonnaise…, op. cit., p.19-28. 1027
Parmi eux, deux membres du corpus : Giraud de Saint-Try et Rosier de Magneux. 1028
« S’appuyant sur ce principe que le spectacle est une occupation que le gouvernement a jugée nécessaire à la
tranquillité des grandes villes, ils se flattaient de réduire l’Administration municipale à consentir à des sacrifices
incompatibles avec les intérêts qui lui sont confiés » : AML, 1217 WP 031. Séance du 5 mai 1808. Discours de
Fay. 1029
Ibid.
379
financière et il conduit à la fois au ralentissement de l’activité du théâtre et à
l’enlisement de la situation juridique. Le mutisme prolongé du gouvernement conduit
le conseil à renouveler sa demande en décembre 18101030. Un arrêté préfectoral du
15 février 1811 approuve enfin ce vœu et permet à la municipalité d’entamer une
procédure d’acquisition qu’organise le décret impérial du 18 septembre 1811. Selon
le préfet Bondy, en plus que d’une action rationnelle sur le pan financier, il s’agit
d’une « mesure importante pour la conservation d’un spectacle de bon
goût »1031. Mais la faiblesse des moyens financiers de la ville, la complexité du litige
ainsi qu’une volonté politique municipale parfois défaillante et desservie par l’inertie
gouvernementale concourent à faire échouer le projet. Sous l’Empire, les édiles ne
parviennent pas à faire du Grand théâtre un théâtre municipal. Leur ambition n’a pas
reçu le ferme soutien impérial initialement sollicité et s’est avérée trop timide pour
s’en dispenser.
Durant la période, plusieurs groupes d’actionnaires ou directeurs se succèdent à
la tête du Grand théâtre. Responsables de l’offre de spectacles, ils sont choisis par le
préfet et se plaignent régulièrement du coût de la location. Or, ce coût, s’il est perçu
par les propriétaires, est fixé par le préfet jusqu’à ce qu’un décret impérial décide, le
6 octobre 1810, que le prix du bail soit décidé de gré à gré entre propriétaires et
exploitants. À partir du 26 février 1811, le préfet choisit comme directeur du Grand
théâtre celui du théâtre des Célestins, qui, désormais et pour six ans, cumule les
deux responsabilités. Confronté à des pertes sur l’importance desquelles les
différentes parties s’opposent, le directeur, Louis-François Ribié, se tourne vers la
mairie pour solliciter des secours exceptionnels1032. On a alors l’occasion de saisir
une des modalités de travail des conseillers et de leurs commissions. Une
commission est formée au mois de février 1812 pour examiner la comptabilité du
directeur des théâtres. Sous la houlette du conseiller Bernat, la commission
rencontre Ribié, l’entend longuement sur tous les aspects du dossier avant de
rapporter très précisément devant le conseil. Les divergences qui opposent entre eux
certains membres de la commission sont expliquées à l’ensemble des conseillers qui
entendent en sus un rapport plus technique de leur collègue Jean Guerre. Au final, la
1030
AML, 1217 WP 033. Séance du 29 décembre 1810. 1031
AN, F1c
III Rhône 5. Rapport d’activité du préfet au ministre de l’Intérieur (7 décembre 1812). 1032
AML, 1217 WP 034. Séance du 18 février 1812. Sur la gestion par Ribié des scènes lyonnaises :
TRÉNARD, Louis, De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit., t.2, p.561-563.
380
délibération contient la décision d’accorder un secours extraordinaire de seize mille
francs mais souligne le refus d’accorder au directeur aucune rémunération
municipale d’aucune sorte1033. Indice de la dégradation de la situation économique
de la ville en même temps que révélateur de l’inefficacité d’un mode de gestion qui
mêle trop d’intérêts concurrents, les demandes de secours se multiplient en 1812 et
1813. Une commission de surveillance est constituée en 1812 par le préfet afin de
suivre l’affaire. On y trouve deux édiles parmi les quatre membres, l’adjoint
Cazenove et le conseiller Arthaud de la Ferrière qui se montrent vigilants à ne pas
rendre la ville solidaire des difficultés du directeur1034. Dans ce contexte, le maire
envisage la fermeture pure et simple, non pas du Grand théâtre, mais de celui des
Célestins qui, au répertoire moins noble, lui apparaît un concurrent nuisible1035. En
réalité, le préfet ne suit pas Fay de Sathonay jugeant que la conservation de cette
seconde scène, bénéficiaire, présente l’avantage de dégager des moyens financiers
utile aux deux théâtres1036.
2.1.5. Le financement des associations
Nombreux à en faire partie, les édiles sont évidemment soucieux de soutenir
l’activité des principales associations culturelles de la ville.
Dès sa création en l’an XIII, la Société des amis du commerce et des arts fait
l’objet d’une attention toute particulière de la part du conseil municipal qui décide, le
21 floréal (11 mai 1805), de souscrire à sa fondation puis qui prolonge son soutien à
partir de l’année suivante par l’achat et l’envoi aux principales communes de l’Empire
d’échantillons des principales productions lyonnaises. La somme de quatre mille
francs est affectée chaque année à cet objet.
À compter de l’année 1807, l’Académie et la Société d’agriculture reçoivent
également une subvention de la ville. À peine le maire Fay de Sathonay fait-il
remarquer que l’Académie est une institution proprement lyonnaise à la différence de
la Société d’agriculture. Et d’ajouter que si l’Académie est plutôt composée de « gens
1033
Ibid. Séance du 16 mars 1812. 1034
AML, 089 WP 001, Grand Théâtre. Direction Ribié. 1035
Ibid. Séance du 18 février 1812. 1036
À compter d’avril 1812, Ribié est sanctionné pour sa mauvaise gestion. Il est remplacé par le préfet par
Étienne Lainé qui occupe la fonction jusqu’en 1817.
381
de lettres et d’artistes qui communément sont peu fortunés », la Société d’agriculture,
elle, réunit « les plus riches propriétaires du département ». Il lui semble naturel alors
de financer la première mais pas la seconde. Le conseil municipal décide néanmoins
d’accorder six cents francs annuels à cette dernière pendant que l’Académie reçoit le
double1037.
Lors de l’élaboration du budget de 1809, les conseillers décident enfin d’accorder
des subsides aux sociétés de médecine et de pharmacie. La première se voit
récompensée d’être « utile au progrès » scientifique en publiant annuellement sa
correspondance et la seconde d’accomplir des travaux utiles, notamment l’analyse
des eaux de la ville1038. Sociétés de médecine et de pharmacie reçoivent six cents
francs par an chacune.
2.2. Le rayonnement et la prospérité économiques
2.2.1. L’influence des élites économiques lyonnaises
Napoléon, qui a, selon Chaptal, « une prédilection marquée pour la fabrique de
Lyon »1039, fixe comme prioritaire le développement économique de la ville. Dès le
Consulat, un ensemble de mesures sont prises pour édifier un cadre réglementaire
favorable à l’activité et soutenir tant la production que les échanges1040. Un arrêté du
14 prairial an X (3 juin 1802) institue le conseil du commerce. Présidé par le préfet, il
comprend des acteurs de l’économie, banquiers, négociants et fabricants mais aussi
des propriétaires et des savants. Indépendante de la municipalité, l’institution devient
chambre de commerce le 3 nivôse an XI (24 décembre 1802)1041. Elle demeure
étroitement contrôlée par le préfet et apparaît soucieuse de protéger l’économie
lyonnaise en préconisant des mesures de contrôle des prix et des tarifs et de
stabilisation de la main d’oeuvre. Satisfaits du retour de l’ordre politique et social, les
membres de la chambre de commerce militent auprès du préfet et du gouvernement
1037
AML, 1217 WP 031. Séance du 25 juillet 1807. 1038
Ibid. Séance du 14 septembre 1808. 1039
CHAPTAL, Jean-Antoine, Mes souvenirs sur Napoléon, Paris, Mercure de France, coll. « Le Temps
retrouvé », p.122. [édition présentée et annotée par Patrice Gueniffey] 1040
KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit.,, p. 393-394. 1041
La précédente chambre de commerce de Lyon a été supprimée en 1791.
382
en faveur de mesures qui à la fois se réclament de l’administration municipale
d’Ancien régime et du libéralisme. Les élites économiques lyonnaises se plaignent de
la cherté de la main d’œuvre locale qui nuit à leur compétitivité par rapport à une
concurrence étrangère qui a profité de la Révolution pour se développer. La qualité
de la production lyonnaise, fruit du « talent des fabricants », du « goût des
dessinateurs » et de « l’adresse des ouvriers » est son principal atout. Si le prix du
travail est trop élevé c’est parce que le coût de la vie – comprendre, dans ces
premières années du XIXe siècle, la cherté des denrées de première nécessité – est
trop élevé. En conséquence, les entrepreneurs lyonnais invoquent l’antécédent de
« l’ancienne administration du Consulat » qui surveillait les prix des denrées de
première nécessité, encadrait leur évolution, et « considérait cette surveillance
comme un de ses principaux devoirs », n’hésitant pas à fixer le prix de la viande et
du pain 1042. En fait, la chambre de commerce exige le contrôle de l’activité des
bouchers et des boulangers qui s’enrichissent de manière éhontée, alors qu’on « ne
marchande pas avec la faim ». On peut voir un écho de cette prise de position dans
la réglementation municipale de la corporation boulangère sous l’Empire.
C’est dans ce contexte de redéfinition de l’encadrement de l’économie locale que
le conseil des Prud’hommes de Lyon apparaît, première juridiction de ce type en
France depuis l’adoption de la loi du 18 mars 1806. La mairie n’a pas de lien
institutionnel avec ce nouvel organisme sinon qu’il lui revient, au titre des articles 14
et 15 du décret impérial du 3 juillet 1806 de prendre en charge le traitement du
personnel administratif et l’indemnité des chefs d’ateliers1043.
La municipalité entretient donc de très étroits rapports avec la chambre de
commerce que renforce l’appartenance, déjà soulignée, de certains individus du
corpus aux deux institutions. À partir de 1810, le maire peut en outre assister aux
réunions de la chambre de commerce en lieu et place du préfet lorsqu’il est question
des manufactures de la ville1044. Régulièrement, le conseil municipal est saisi de
propositions portées par certains de ses membres mais émanant des milieux
dirigeants de l’économie visant à soutenir et développer l’activité. Des mesures
d’encouragement sont prises. Elles concernent aussi bien des individus en
1042
AML, 784 WP 0002. 5, Chambre de commerce. Lettre du 26 brumaire an XII au préfet. 1043
Soit 4 000 francs. AML, 1217 WP 031. Séance du 24 juillet 1807. 1044
Ibid. Lettre au maire du 20 juillet 1810.
383
particulier, dont les travaux sont utiles aux manufactures lyonnaises, que des
entreprises voire des branches. La figure de Joseph-Marie Jacquard, « mécanicien
pensionné par la ville »1045, émerge des quelques délibérations du conseil municipal
qui abordent ces questions. La mairie unique lui accorde trois mille francs annuels
pour qu’il puisse mener à bien ses travaux avant de décider de les lui supprimer lors
de l’élaboration du budget 18141046. Désireuse d’élargir la gamme des productions
textiles lyonnaises, la municipalité sollicite et obtient du gouvernement l’attribution de
matériels, de « mécaniques pour la filature » en particulier, tantôt pour la filature du
coton, tantôt pour celle de la laine1047. Si les aides sont en général ponctuelles et
extraordinaires, le conseil élabore en 1810 un projet de prix annuel pour
l’encouragement des fabriques et décide de l’allocation de quarante mille francs
annuels, distribués à compter de 1811 selon les propositions de la commission du
budget. Les élites économiques influencent en l’occurrence grandement la politique
des édiles puisque la chambre de commerce est à l’origine du projet, en particulier
son secrétaire, Mottet de Gérando, futur conseiller municipal de la Restauration et
des Cent-jours1048.
D’une manière générale, les élites politiques et économiques locales considèrent
que la prospérité de la ville est intrinsèquement liée à la paix avec ce paradoxe, déjà
souligné, que la paix est d’autant plus avantageuse pour Lyon qu’elle sanctionne
l’agrandissement de l’aire d’influence française et que le système napoléonien
s’étend sur le continent. Il y a bien, à côté du « pacifisme mercantile » des
marchands-fabricants et des négociants, une « tentation impérialiste » possiblement
enivrante comme le montre Pierre Cayez1049. Dès la séance du 27 janvier 1806 – le
traité de Presbourg avec l’Autriche qui perd son influence en Italie et en Allemagne a
été signé un mois plus tôt – le conseiller Chirat explique, enthousiaste, que la paix
« qui prépare de si beaux jours à la France va bientôt encourager le commerce et les
arts » :
1045
AML, 1217 WP 031. Séance du 30 juillet 1807. 1046
AML, 1217 WP 035. Séance du 6 décembre 1813. 1047
AML, 1217 WP 032. Séance du 9 mai 1809. 1048
Ibid. Séance du 18 avril 1810. 1049
CAYEZ, Pierre, « La Chambre de commerce de Lyon et le régime impérial », Cahiers d’Histoire, tome 16,
n°3-4, 1971, p.403-406.
384
Notre Ville, où la guerre même n’a pu que les paralyser, verra accourir en foule dans ses murs
les manufacturiers, les spéculateurs et tous les agents qui les secondent. La terre, cultivée par
ces mêmes bras qui ont semblé nous la conquérir une nouvelle fois, rendra à Lyon cette
multitude d’ouvriers si nécessaires à son industrie. Les étrangers, attirés par l’appât du gain
ou par les agréments de notre Ville, viendront y répandre les capitaux et y fixer leur demeure.
Les octrois, augmentés alors par une circulation continuelle, permettront par leurs produits de
se livrer sans réserve à tout ce qui aura été projeté1050
.
C’est en 1807 que paraît se réaliser le plus exactement la rencontre entre les
intérêts lyonnais et la vocation de l’Empire. La proclamation de Fay de Sathonay
que l’on placarde sur les murs de la ville dès le 29 juillet est particulièrement
représentative des sentiments qui animent alors les Lyonnais :
Si vous avez supporté avec courage l’interruption de vos rapports commerciaux, vous en
obtenez aujourd’hui la digne récompense. Est-il une cité qui soit appelée à recueillir avec plus
d’abondance les fruits que produiront les traités d’une alliance durable ? C’est aux rives de
l’Elbe, de l’Oder, de la Vistule et de la Neva que s’étendent les canaux de votre industrie
manufacturière : la guerre vous les avait fermés, une main victorieuse vient de les rouvrir et
les richesses du Nord vont circuler dans vos ateliers1051
.
En janvier 1810, la chambre de commerce émet, par le truchement de son
président, Regny père, le vœu qu’une « paix générale » s’établisse qui
s’accompagne d’un traité de commerce avantageux avec l’Autriche et de la
stabilisation du change avec le rouble à un niveau propice au développement des
exportations vers la Russie1052.
Les villes de l’intérieur comme Lyon ou Strasbourg sont avantagées par
l’évolution continentale du système napoléonien. Même si Lyon peut subir les
conséquences de la baisse d’activité des ports, de celui de Marseille en particulier,
elle connaît un fort développement grâce à sa situation de carrefour. Quelques
négociants lyonnais obtiennent parfois des permis et licences de commerce
dérogatoires au droit commun1053. Constamment, les milieux du négoce s’allient à
1050
AML, 1217 WP 030. 1051
AN, F1c
III Rhône 9. 1052
AML, 784 WP 0002. 5. Correspondance, janvier 1810. 1053
AN, AFIV
1344 (dossier 1), Demandes d’attribution de permis de commerce. C’est le cas notamment pour
Bodin et Regny.
385
ceux de la manufacture pour militer en faveur du renforcement du rôle de Lyon
comme plaque tournante du commerce de marchandises européennes. À partir de
1808, ils critiquent les effets du blocus continental qui ne sont pas durablement
compensés par l’essor des échanges avec la Russie alors que la situation de
carrefour de Lyon au sein du nouvel ensemble n’est pas suffisamment exploitée1054.
Pêle-mêle, ils réclament l’installation d’un représentant de la ville en Italie, le
renforcement des liens avec les ports de la péninsule ibérique, le redimensionnement
de l’aire d’approvisionnement de l’entrepôt des denrées coloniales, la reprise des
échanges avec les États-Unis1055, s’inquiètent de la création d’une route vers l’Italie
qui, passant par Chambéry, éviterait Lyon pour contourner le passage des
Échelles1056.
Il faut néanmoins toujours avoir à l’esprit qu’à la France, durant l’Empire comme
sous la Révolution, correspond une réalité géographique mouvante qui se dilate
considérablement avant de se rétracter. Ce mouvement a un impact certain sur la
situation de Lyon dans l’Empire et sur la politique des édiles qui se positionnent par
rapport à un système dynamique. C’est ainsi qu’en fonction de l’évolution de la
conjoncture et des dimensions de l’Empire, la municipalité de Lyon adapte ses
ambitions pour la ville.
2.2.2. Lyon, centre économique : les établissements commerciaux
Dans le domaine économique, la municipalité intervient d’abord, comme cela a
été dit, en encourageant, avec ses modestes moyens, l’activité et en sollicitant
règlements et commandes du gouvernement1057. Elle agit également en faveur des
familles ouvrières par des mesures d’assistance et de bienfaisance pour amortir les
à-coups de la conjoncture. On peut considérer en outre que les mesures
d’aménagement urbain et de modernisation de la voirie sont un moyen de favoriser
l’activité comme l’est le souci de maintenir l’ordre et la sécurité des biens et des
personnes dans l’agglomération. Désireuse de voir le rayonnement économique de
1054
Ibid. En particulier les lettres au ministre de l’Intérieur du 15 janvier 1808 et au maire du 12 janvier 1810. 1055
AN, F1c
III Rhône 5. D’après Fay de Sathonay, les négociants américains, satisfaits de pouvoir importer des
soies lyonnaises, se plaignent de ce que leurs propres produits sont trop lourdement taxés. 1056
AML, 784 WP 0002. 5. Activité. 1057
AN, F1c
III Rhône 5. Rapport du maire au ministre de l’Intérieur (1811).
386
Lyon s’accroître, l’action de la municipalité est des plus vigoureuses en ce qu’il s’agit
de l’installation entre Rhône et Saône d’établissements commerciaux.
Quelques mois avant la mise en place de la mairie unique, les décrets impériaux
du 23 germinal et du 20 floréal an XIII (13 avril et 10 mai 1805) établissent à Lyon la
condition publique des soies et un entrepôt des marchandises étrangères non
prohibées et de denrées coloniales. Cette dernière mesure est parfois considérée
comme une manière de retour au passé en ressuscitant le « souvenir des foires »1058
mais, quoi qu’il en soit, toutes deux entrent dans les plans immédiats de l’influente
chambre de commerce et des milieux négociants. La condition des soies est
d’ailleurs placée sous l’unique autorité de la chambre de commerce dont elle
s’apprête à assurer l’essentiel du financement. Gérée par un directeur nommé par le
ministre de l’Intérieur1059, elle a pour fonction d’accuser réception des arrivages de
soie moulinée et d’en estimer le poids et la valeur et d’organiser, de régulariser les
échanges de soie entre marchands et fabricants. Installée au cœur des Terreaux
dans un local neuf construit sous la direction de l’architecte Gay 1060 , elle est
clairement un instrument de la puissance des négociants. Son financement initial se
fait par deux emprunts de cent cinquante mille francs chacun, autorisés par une loi
du 9 septembre 1807 et un décret impérial du 13 août 1810. Il est prévu que le
produit de la condition contribue au remboursement (prévu pour finir en 1827), ce qui
aide à faire accepter aux édiles qu’aucun profit ne sera porté au budget de la ville1061.
D’ailleurs, lorsque les membres de la chambre de commerce contestent auprès du
gouvernement que les revenus autres que ceux du pesage et du mesurage, c'est-à-
dire ceux qui sont issus des transactions entre marchands et fabricants, soient de
nature municipale, les conseillers municipaux eux-mêmes leur donnent raison1062.
L’entrepôt des denrées coloniales est accordé à Lyon pour être établi sur les
terrains de l’ancien arsenal. Il est prévu, par le décret du 11 juin 1806, qu’il y soit
rejoint par l’un des quatre entrepôts réels des sels répartis dans l’Empire. Son entrée
1058
KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p.393. 1059
Révérony. Il est reconduit pour six ans en 1811. 1060
MATHIAN, Nathalie, « Napoléon « réédificateur de Lyon », op.cit., p.243. 1061
AML, 784 WP 0002.3, Condition publique des soies. Lettres de la chambre de commerce au maire (1811-
1813). 1062
Ibid. Lettre au ministre des manufactures et du commerce ; AML, 1217 WP 034. Séance du 9 décembre
1811.
387
en activité est subordonnée à la construction de divers locaux commerciaux,
notamment des magasins, et d’un corps de garde pour les préposés des douanes.
Aussitôt le maire Fay de Sathonay sollicite et obtient du préfet l’autorisation de lancer
les travaux et, compte tenu du retard initialement pris en raison de l’absence de
moyens idoines 1063 , propose d’en garantir le paiement par l’organisation d’une
souscription auprès de « ceux de Messieurs les négociants dont le commerce reçoit
un avantage plus direct de cet établissement »1064. Il s’agit de mobiliser un capital de
cent trente-deux mille francs répartis en quatre actions d’une valeur de quinze mille
francs et neuf d’une valeur de huit mille francs1065. Indice supplémentaire de l’étroite
imbrication du milieu des édiles et de l’élite négociante, on trouve parmi les
souscripteurs Charrasson, Devillas-Boissière et Mémo, chacun pour huit mille francs,
et une association des frères Dervieux avec Bodin et Fay de Sathonay lui-même
pour un titre de quinze mille francs.
Un tel établissement est destiné à recevoir les produits exotiques entrant en
France par le port de Marseille, donc particulièrement ceux du Levant. Cotons, cafés,
cacaos et sucres y sont stockés et distribués sous l’Empire en franchise de douane.
Les droits ne sont perçus qu’après que les produits sont commercialisés ou après un
stationnement prolongé dans l’entrepôt (un an). Rapidement, les édiles se font l’écho
de la déception des négociants constatant le frein mis au développement de
l’entrepôt par la disposition limitant à Marseille la fonction d’approvisionnement de la
place lyonnaise. L’idée d’une délibération réclamant l’élargissement de la liste des
ports fournissant l’entrepôt chemine parmi le personnel politique municipal jusqu’à ce
que, en mai 1809, le maire propose – et le conseil vote – un rapport en ce sens. Se
prononçant en faveur de la « circulation des marchandises », les édiles soulignent
l’incapacité du port de Marseille à offrir seul un trafic suffisant à l’établissement de
Lyon et mettent en avant la vocation de leur ville « à être un centre de
communication pour tous les points de l’Empire » alors que « la Suisse, dont elle est
frontière, lui offre un débouché pour les denrées qui lui seraient expédiées des ports
de l’Océan »1066. La municipalité s’avère en l’occurrence un porte-parole d’autant
plus efficace et convaincant qu’elle est celui des négociants : à compter de 1810,
1063
La mairie sollicite en vain de l’administration des Douanes une avance de 200 000 francs : AML, 1217 WP
030. Séance du 17 juillet 1806. 1064
La souscription est ouverte le 30 janvier 1807 : Ibid. Séance du 1er mai 1807. 1065
Les actions sont prévues pour être remboursables sous trois ans avec des intérêts de 6 % par an. 1066
AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809.
388
l’entrepôt des denrées coloniales et des marchandises étrangères non prohibées de
Lyon reçoit aussi des marchandises en provenance des ports de Bordeaux, Nantes,
Le Havre et Gênes en même temps que des cotons expédiés d’Italie1067. Désormais,
la municipalité n’intervient plus que pour entretenir et bâtir les locaux nécessaires à
l’emmagasinage des produits1068. C’est en vain qu’elle réclame, à l’initiative des
négociants et par l’organe du conseiller Bodin, la construction d’une halle aux cotons
sur le site de l’arsenal1069. L’Empire et son chef – à l’été 1813, Napoléon manœuvre
en Allemagne et l’armée d’Espagne est sur la Bidassoa – ont désormais d’autres
urgences.
La municipalité complète l’équipement de la ville en entrepôts commerciaux par
la construction d’une halle aux grains et tente d’intervenir dans le commerce des
boissons par la prise en main de l’entrepôt général des liquides en transit.
Sous la Révolution, le marché aux grains se tient, à Lyon, à l’église des
cordeliers de Saint Bonaventure que le décret impérial du 2 avril 1806 rend au culte.
C’est le 13 mai 1811 que le conseil municipal décide d’envoyer sa commission des
travaux publics en députation pour assister à la pose de la première pierre de la halle
aux grains qui a lieu le 5 juin suivant 1070 . Finalement édifié sur des plans de
l’architecte Gay, le projet d’une halle aux grains destinée au stockage et à la
commercialisation des blés est donc ancien. Il remonte en fait à germinal an XIII
(avril 1805), lorsque le conseil municipal décide de dédier l’ancienne chapelle des
Confalons à cet objet1071. Entre les deux dates, les édiles, qui ont reçu le soutien des
boulangers, se sont montrés efficaces à protéger le site des convoitises de
l’Église1072.
La maîtrise de l’entrepôt général des liquides représente un autre enjeu
important. Disposant d’un privilège exclusif, cet établissement exerce un monopole
au titre de l’adjudication. Il échappe de fait assez largement au contrôle des
autorités. Fay de Sathonay entame, en juin 1807, une action de même nature que
celle concernant l’octroi. Elle vise en effet à faire passer l’entrepôt sous
l’administration directe de la commune afin de procurer un revenu à la municipalité
1067
KLEINCLAUSZ, Arthur, Histoire de Lyon, t.2 : op.cit., p. 405. 1068
AML, 1217 WP 035-036. Séances du 26 août 1812 et du 27 juillet 1813. 1069
Ibid. Séance du 8 juillet 1813. 1070
AML, 1217 WP 033. 1071
AML, 1217 WP 029. Séance du 15 germinal an XIII (5 avril 1805). 1072
AML, 784 WP 030.
389
mais surtout de lui permettre de mettre fin à la situation de monopole et, ainsi, de
redonner vie aux multiples commissionnaires installés en ville. L’empereur accède à
la volonté du maire en autorisant la municipalité, par le décret du 3 août 1808, à
acquérir le privilège de l’entrepôt qui devient municipal le 21 septembre 18081073.
Dès lors, les édiles décident du règlement et de l’organisation de l’entrepôt des
liquides en associant l’incontournable chambre de commerce dont le préfet et le
gouvernement défendent âprement les prérogatives1074. Son secrétaire, Mottet de
Gérando, et son président, Regny père, deux futurs édiles, signent une contribution
qui est lue en séance du conseil et annexée à la délibération1075. Chose importante,
si la municipalité est parvenue à se rendre maîtresse de l’entrepôt, elle n’a pas
obtenu la possibilité d’assouplir le privilège de l’exclusif. Autrement dit, il ne lui a pas
été donné de pouvoir déroger au régime fiscal défini pour les villes de l’Empire
disposant d’un octroi. Confrontés à une contraction de l’activité commerciale à partir
de 1810 1076 , la mairie réclame la suppression pure et simple de l’entrepôt des
liquides comme un moyen de donner de l’activité aux commissionnaires
indépendants1077. En vain. Le gouvernement, n’entend pas priver le budget municipal
d’une de ses ressources.
2.2.3. Le poids de la conjoncture
En matière économique, à Lyon, l’œuvre napoléonienne consiste essentiellement
en un effort soutenu de réencadrement de l’économie par des institutions contrôlées
par les entrepreneurs locaux. Condition publique des soies et chambre de commerce
sont le point nodal de la réédification d’un cadre récemment dissous par le
libéralisme révolutionnaire. La mairie est clairement un acteur efficace de cet ample
mouvement. Elle l’est d’autant plus qu’elle relaie à la fois la volonté impériale et les
revendications des élites économiques qui peuplent largement la municipalité. C’est
cette synergie entre la volonté politique nationale et celle des forces économiques
1073
AML, 1217 WP 031. 1074
Un arrêté du ministre des Finances, Gaudin, en date du 10 janvier 1809 prévoit l’implication automatique des
chambres de commerce dans les projets de réglementation de ce type. 1075
AML, 1217 WP 032. Séance du 5 mai 1809. 1076
Dès la deuxième moitié de l’année 1810, la France connaît un ralentissement de l’activité économique et la
prospérité qui caractérisait jusqu’ici l’Empire devient moins manifeste : JESSENNE, Révolution et Empire…op.
cit., 1993, p.236 sq. 1077
AML, 1217 WP 034. Séance du 4 septembre 1811.
390
locales qui fonde la prospérité de l’économie lyonnaise sous le règne de Napoléon et
dont profite, en même temps qu’elle la facilite, la municipalité. Si l’on suit Pierre
Cayez, la production lyonnaise, en 1810, est supérieure à son niveau de 1789 alors
même qu’en 1801, « la production d’étoffes de soie était encore inférieure de 35 %
au niveau atteint en 1789, celle de passementerie de 80 % et celle de chapellerie de
67 % »1078. Les métiers se multiplient, leur nombre est en progression de 25 % entre
1802 et 1813. Ils se répandent dans l’ensemble de l’agglomération selon un
« mouvement d’activité centrifuge précoce »1079. Du milieu du Consulat au déclin de
l’Empire, les exportations de l’industrie lyonnaise progressent de 30 %1080. Dans ce
contexte, la municipalité a pour tâche essentielle d’accompagner la croissance. Les
édiles revendiquent les mesures souhaitées par les élites économiques et,
simultanément conduisent une politique sociale selon les vœux de l’empereur c'est-
à-dire qui consiste à contrôler la population avec la complicité des notables1081.
Cette dynamique qui permet à l’économie lyonnaise de connaître une forte
croissance est sans doute un des éléments les plus indispensables à l’enracinement
de la formule impériale à Lyon, tant sur le plan social – l’amalgame des élites au
service du régime – que sur le plan politico-administratif – la crédibilité d’institutions
sévèrement contrôlées –. Que la croissance, que la prospérité ne soient pas au
rendez-vous et c’est le système qui se grippe. En l’occurrence, les années 1810-
1811 marquent une rupture violente alors que jusque-là Lyon a été placée dans la
situation de commander « l’industrie et le commerce de la soie pour l’ensemble de
l’Europe »1082. Dès lors, l’ensemble de la construction napoléonienne est fragilisée.
Ce constat est d’autant plus vrai pour la municipalité qui, au sein de l’organisation
politico-administrative, est une institution relativement démunie par rapport,
notamment, à la préfecture.
1078
CAYEZ, Pierre, « La prospérité lyonnaise », dans PELLETIER, André, ROSSIAUD, Jacques, BAYARD,
Françoise, CAYEZ, Pierre, Histoire de Lyon, des origines à nos jours, op. cit., p.674. 1079
On peut suivre certains des mouvements de cette conjoncture dans les rapports préfectoraux, notamment
ceux de Bondy : AN, F1c
III Rhône 5. 1080
CAYEZ, Pierre, « L’économie lyonnaise sous le Consulat et l’Empire », dans ZINS, Ronald [dir.], Lyon sous
le Consulat et l’Empire, op. cit., p.14-15. 1081
« Constituer des faisceaux d’intérêt demeurant dans sa dépendance et lui assurant l’obéissance des classes
populaires, telle fut sa politique sociale » : TRÉNARD, Louis, De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit.,
t.2, p.511. 1082
LABASSE, Jean, Le commerce des soies…, op. cit., p.37.
391
En période de crise, le risque du mécontentement de la population renforce la
nécessité de l’intervention publique. Or, la mairie, garante du pacte local entre
administrateurs et administrés n’a que des moyens, financiers et règlementaires,
limités. Elle risque d’apparaître impuissante à résoudre efficacement les difficultés si
elle n’est pas puissamment aidée par le gouvernement. C’est ce dont témoignent les
vigoureuses interventions du préfet ou de Napoléon lui-même lors de la crise des
années 1810-18111083. Conçues pour résoudre des problèmes urgents, elles ont
aussi pour effet de masquer l’incapacité de la mairie.
De plus, les difficultés économiques augmentent chez les élites les réserves vis-
à-vis du régime. La progression de cette défiance fragilise d’autant plus la
municipalité que celle-ci est la création institutionnelle locale du régime la plus
sensible aux variations de l’esprit public. Collégiale, elle est un lieu où des
dissensions peuvent se faire jour. Proche par sa composition des catégories sociales
qui comptent et profondément insérée dans les réseaux locaux, elle offre le cas
échéant comme une caisse de résonnance aux opinions dissonantes. Enfin, les
difficultés économiques dissociant le sort de Lyon de celui de l’Empire, c’est le
système général qui a toutes chances d’être critiqué. Le blocus est rapidement
dénoncé par les commerçants. Du coup, la municipalité lorsqu’elle se fait la voix du
négoce paraît réclamer pour Lyon contre l’Empire. En 1813, la voix du maire
s’associe à celle de la chambre de commerce pour exhorter l’empereur à prendre en
considération l’intérêt de Lyon lorsqu’il aura à envisager le sort de l’Allemagne et
l’évolution de ses relations avec la Russie 1084 . Une adresse de la chambre de
commerce avait déjà approché en ce sens l’empereur après les premières victoires
annoncées de la campagne de 18131085. La position de la municipalité est alors à
proprement parler inadmissible car contraire à la dynamique d’ensemble au sein de
laquelle il est attendu qu’elle s’insère, contraire au système napoléonien.
1083
AN, AFIV
1290, (158). 1084
TRÉNARD, Louis, De l’Encyclopédie au Préromantisme…, op. cit., t.2, p.595. 1085
AN, AFIV
1291A (264).
392
Conclusion de la troisième partie
Quel est le bilan de l’action municipale en 1815 ? Quel est-il pour Lyon, la ville et
ses habitants et quel est-il pour le régime au nom et sous l’autorité duquel elle a été
conduite ?
L’inachèvement de la plupart des chantiers les plus symboliques, au premier
rang desquels celui des façades, l’avancement peu spectaculaire de plusieurs autres
pourtant essentiels à l’amélioration de la vie urbaine comme celui des fontaines, le
poids de la contrainte financière et du contrôle bureaucratique, si souvent dénoncés
par le personnel politique local, toutes ces limites apparentes ne doivent pas
masquer l’évidence. Ce qui frappe, lorsqu’on examine l’état des réalisations et
l’avancée des dossiers dont la municipalité a eu, peu ou prou, à connaître, lorsqu’on
s’attarde sur le visage qu’offre Lyon au sortir de la période napoléonienne, c’est la
vigueur des actions conduites, la profondeur des changements entrepris. Lyon s’est,
sous l’Empire, dotée d’établissements commerciaux qui en ont conforté la place de
carrefour commercial en même temps que sa spécialisation autour de la Fabrique
s’affirmait et que sur son sol s’élaborait une nouvelle manière de penser les rapports
sociaux à travers la procédure prud’homale. L’effort d’aménagement et de
développement urbanistique ne s’est jamais démenti. Il est remarquable par
l’ampleur et, surtout, par la cohérence de son ambition. De Perrache aux rives
septentrionales de la Saône, des Terreaux à l’archevêché, il étend à chacun des
quartiers de la ville son ambition monumentale, l’effort de rationalisation du plan et
d’amélioration de la voirie. Avant tout, la municipalité a assumé avec efficacité une
fonction protectrice bien diminuée depuis les dernières années de l’Ancien régime.
Soucieuse d’assurer les subsistances, d’organiser l’effort d’assistance, menant une
action déterminée dans un domaine de la sécurité entendu dans une très large
acception, la municipalité trace les contours d’une politique sociale destinée à
concerner l’ensemble de la population de la ville. Au cœur du pacte local revivifié,
génératrice de lien politique, cette dimension de la politique de la ville est au
fondement de la légitimité de l’autorité municipale et des édiles qui l’exercent et
l’incarnent.
Le bilan positif de l’action de la mairie unique l’est d’abord pour Lyon ; il l’est
aussi pour le régime impérial. Il est dans l’intérêt de l’Empire que la deuxième ville de
393
France voie sa situation générale s’améliorer et puisse symboliser à travers une
prospérité retrouvée et dont le paysage porte témoignage la réussite du régime
napoléonien.
La part prise par la municipalité dans ces réalisations est indéniable. Sauf dans
le cas du palais impérial, ce sont les architectes de la ville qui dessinent les projets et
dirigent les travaux. La mairie organise malgré les difficultés le transfert des
propriétés, participe au financement, traite avec les entrepreneurs. Elle use de ses
réelles prérogatives en matière de politique sociale et sécuritaire. Mais, pour
indispensable qu’elle soit, la participation de la municipalité au développement de
Lyon est celle d’un acteur puissamment contrôlé et maintenu, par le biais de la
chaîne administrative, dans un état de complète subordination. En ce sens, l’ambition
des édiles, qui maintes fois est affirmée, de conquérir davantage d’autonomie fut une
ambition empêchée. Ce n’est pas tant la prospérité et le rayonnement de Lyon qui
furent redoutés et, partant, entravés par le pouvoir central que la prétention de ses
édiles à s’en prétendre les responsables et les garants.
395
Le régime de la mairie unique et la municipalité dont est dotée Lyon à compter
de septembre 1805 figurent la solution impériale appliquée à la situation très
particulière de la deuxième ville française de l’Empire. Lyon sort traumatisée de la
Révolution et il convient, dès le Consulat, de lui redonner force et prestige dans la
mesure où elle pourra de la sorte être mobilisée efficacement au service du système
napoléonien.
Progressivement, mais tout compte fait les contours en sont esquissés assez tôt,
la solution impériale se dessine. La loi du 28 pluviôse pourvoit la France des
territoires d’une organisation rationalisée et les communes d’un cadre règlementaire
stable. Parallèlement, l’établissement d’un notabilat conçu comme le lieu de
l’amalgame des élites anciennes et nouvelles fournit la masse de granit sur laquelle
peut s’édifier l’ordre social, tant sur le plan local que national.
Ces éléments forts de l’organisation napoléonienne interviennent à Lyon sur un
substrat à la fois passablement chamboulé par les événements révolutionnaires et
remarquablement réceptif du fait de caractéristiques anciennes qui tiennent à
l’identité sociale et politique de la ville. Noblesse et bourgeoisie d’affaires se côtoient
déjà plus qu’ailleurs dans cette cité privée de parlement, l’aspiration à un certain
modérantisme rapproche des partisans de la gauche et de la droite, la défiance à
l’égard de la centralisation se mâtine de résignation face à la puissance parisienne
et, par-dessus tout, la soif de reconnaissance réunit les Lyonnais, affligés qu’ils sont
de l’abaissement subi par leur cité. En dotant Lyon d’une mairie unique, Napoléon
octroie à la ville une reconnaissance à laquelle elle aspire profondément et
parachève en quelque sorte la normalisation entamée par l’abrogation des décrets
infamants d’octobre quatre-vingt-treize.
Mais tout n’est pas affaire de considération retrouvée. La réalité de la mairie
unique, dans le prolongement des orientations suivies sous le Consulat, est double.
Elle correspond à une municipalité-administration rationalisée, efficacement
rassemblée autour d’un seul maire et de l’équipe exécutive qu’il forme avec ses six
adjoints. Elle correspond à une municipalité-groupe d’individus, nommée en fonction
de critères qui lui confèrent légitimité et aptitude à gérer la chose publique. La
construction proprement administrative s’accompagne d’un recrutement mettant en
œuvre l’ambition napoléonienne de fusion. En même temps que les époques, les ci-
396
devant états et les catégories sociales, ce sont les opinions qui se rencontrent et sont
appelées à participer à une sorte de syncrétisme impérial.
Un fait ne doit pas être négligé : à la fois produit et instrument de l’ambition
napoléonienne en matière d’organisation politique et sociale, la municipalité de Lyon
se voit affecter des moyens assez importants par le biais du rétablissement de
l’octroi. Les recettes de la ville sont en mesure de participer à la réédification
consulaire et impériale en alimentant, pour une part, les caisses du trésor public et
en finançant, pour l’autre part, la mise en œuvre locale de la politique de l’État.
De manière assez nouvelle, la municipalité lyonnaise se voit donc dotée des
moyens de l’action en termes financiers, organisationnels et humains. N’était la
solidité du lien avec l’État central, la municipalité aurait la capacité d’une politique
municipale autonome. C’est un des paradoxes de la solution impériale que de placer
à la tête de la deuxième ville de France une institution efficace, compétente et assez
riche tout en lui refusant sans faillir toute capacité d’initiative.
Car la réalité de la mairie unique est bien celle de la plus étroite subordination.
Maillon administratif élémentaire d’une chaîne rigidement contrôlée, elle connaît la
tutelle sourcilleuse du préfet mais aussi la constante immixtion des ministres et de
l’empereur lui-même. Le personnel politique qui lui donne vie constitue, parce qu’il
est fait de notables, le lieu de convergence de secteurs composites de l’opinion et de
la société élitaires. Membres d’une élite en gestation, les édiles sont sévèrement
surveillés. Ralliés avec plus ou moins d’enthousiasme, ils se soumettent
pragmatiquement à un pouvoir qui les distingue, offre les conditions de leur élévation
et se montre trop fort pour être évité voire discuté. Dans le cadre d’une procédure
budgétaire stricte, l’utilisation des moyens de la ville est strictement dirigée.
L’affectation des crédits dépend de la volonté impériale. Si le chef de l’État se montre
parcimonieux, quitte à accorder par ailleurs les crédits exceptionnels indispensables
au règlement d’arriérés, au financement de chantiers ambitieux ou d’opérations
d’assistance imposées par la crise, c’est parce qu’il voit là un moyen supplémentaire
de brider l’ambition qu’ont les édiles d’initier et d’incarner une politique véritablement
municipale, de s’ériger collectivement en un acteur central sinon principal du
développement de Lyon.
397
C’est dans cette contradiction fondamentale, entre l’existence des moyens pour
une politique vigoureuse et les étroites limites fixées à la mobilisation de ces moyens
par les édiles, que se situe l’origine d’une des principales failles de la solution
impériale. Le personnel politique municipal lyonnais est rapidement frustré de son
ambition. Empêchés d’agir, les édiles récriminent parfois. Plus souvent, le constat de
leur impuissance les amène à se détacher de leur mission. Déresponsabilisés,
beaucoup oscillent en fait entre l’absentéisme dédaigneux et la servilité courtisane.
Ils regimbent contre le mépris dans lequel est tenu leur avis mais persistent dans leur
projet de représenter l’intérêt et l’esprit public de Lyon, principalement des élites.
Pour cela ils utilisent les mécanismes et adoptent les comportements dont ils
espèrent qu’ils permettront de se faire entendre d’un pouvoir suprême dont la nature
monarchique s’affirme.
En même temps, parce qu’elle concentre et re-légitime l’autorité publique, parce
qu’elle retisse du lien politique et parce qu’elle incarne l’attachement au
développement de Lyon, la mairie unique est une institution efficace. La période
napoléonienne est très productive sur le plan de la politique municipale. Elle dépasse
nettement en la matière en tous cas l’époque révolutionnaire, doublement victime de
la grande instabilité institutionnelle et politique et de la faiblesse des moyens. Une
véritable ambition urbaine apparaît au travers des multiples projets d’aménagement,
de construction, de rénovation qui aèrent, embellissent la ville et améliorent sa
fonctionnalité. Le soutien à l’activité économique est constant et constitue le
soubassement indispensable à l’émergence d’une vraie politique sociale. Si le
rayonnement culturel de Lyon ne progresse pas aussi rapidement, cela ne doit pas
dissimuler la profondeur et la rapidité des évolutions initiées à partir du Consulat,
accélérées sous l’Empire.
La municipalité est un acteur majeur de tous ces changements. Garante de
l’exécution de la politique de l’État au plan local, elle relaie fidèlement la volonté
impériale sous le contrôle de la préfecture mais contribue à faire connaître les
besoins ou les préventions spécifiques de la ville. Elle est capable de proposer des
mesures particulières ou de réclamer l’application de la politique générale à Lyon.
Privée de marge de manœuvre, elle parvient parfois à utiliser les silences de la loi et
les opportunités de la conjoncture pour s’approprier un certain nombre de
prérogatives. Elle n’est pas qu’un simple rouage de transmission. Elle a la possibilité
398
d’infléchir la politique générale. Bien sûr, il ne faut pas pour autant lui imputer la
responsabilité majeure de la politique municipale. C’est bien l’État central qui la
détermine. C’est à lui qu’il revient d’en assumer les réussites et les échecs. Et
puisque la mairie unique est un élément de l’organisation napoléonienne, c’est aussi
l’État qui est, in fine, responsable de son degré d’opérationnalité.
Or, il est évident que l’organisation impériale, excessivement centralisée et
défiante à l’égard du pouvoir local, est à l’origine de blocages de toutes sortes qui
font obstacle à la réalisation des projets les plus urgents. La rigidité des procédures
diminue considérablement le degré de réactivité des divers rouages de la mécanique
administrative. La méfiance à l’égard des velléités d’action des édiles peut conduire à
une insuffisante prise en compte des spécificités locales. Le fait est que certaines
greffes impériales n’ont pas pris sur le corps social lyonnais et que certaines
mesures ont été rapportées alors qu’elles eussent sans doute été fructueuses. On
pense notamment à ce qui a trait à l’enseignement secondaire et supérieur.
Le régime impérial a fait en sorte de rendre évident le fait que la prospérité
lyonnaise dépendait fondamentalement de l’État. Il s’est agi d’orienter les vœux des
édiles et de l’opinion publique, soucieux d’améliorer leur propre sort, vers la réussite
du régime et, plus amplement, du système napoléonien.
De fait, réellement, le sort de Lyon dépend à double titre de celui du régime.
D’abord, la politique municipale se développe au gré des décrets impériaux, des
attributions de crédits, des agréments de plans ou d’adjudications que dispensent
l’empereur ou ses ministres avec plus ou moins de bienveillance, en particulier selon
l’attachement au régime affecté par les édiles. Ensuite, la politique municipale voit
son ampleur et son rythme commandés par l’évolution de la conjoncture, c'est-à-dire
par les événements militaires et les options diplomatiques, par la dynamique du
système européen. La dépendance de Lyon vis-à-vis du régime napoléonien est, à
tous ces égards, structurelle. Mais s’il y a quelque chose qui ressort de la stricte
volonté du maître, il y a aussi une part de cette dépendance qui est de fait en ce que
les moyens potentiels de la politique municipale sont fonction de la prospérité de
l’Empire.
Conséquemment, le sort de Lyon est profondément assimilé à celui de l’Empire.
Le régime espère sans doute que cela contribue à renforcer l’attachement des édiles
399
et, plus largement, des notables et de la population à l’ordre napoléonien. Mais cela
a aussi l’effet inattendu d’encourager les édiles à se prononcer sinon sur le régime
proprement dit du moins sur ses orientations puisqu’elles ont une si grande incidence
sur le sort de leur ville et leur destin propre. Réclamer la paix, se prononcer sur le
blocus ou suggérer une modification des relations avec la Russie devient
envisageable dès lors qu’il s’agit de promouvoir les intérêts de Lyon et non pas
d’apprécier la politique de Napoléon pour elle-même. Ainsi, affirmer la mise sous
tutelle de l’institution administrative qu’est la municipalité et sa sujétion au bon vouloir
impérial ne garantit pas contre l’expression d’oppositions à la politique générale,
même si elles s’avèrent prudentes et de peu d’effet.
Il ne faut pas s’y tromper, la période napoléonienne jette les bases sur lesquelles
la prospérité lyonnaise s’édifie pour le siècle qui s’ouvre. L’Empire a initié une
période de forte croissance économique, tirée par un essor inédit de la Fabrique qui
s’apprête à connaître son « siècle d’or »1086. Le cadre organisant l’activité et les
relations sociales ont été redéfinis, favorisant l’éclosion d’un patronat dynamique1087.
Les conditions sont réunies pour l’épanouissement d’un notabilat remarquablement
consacré à sa réussite économique1088 et développant une sociabilité sophistiquée
qui lui est propre1089.
En ce qui concerne la gestion de la ville, le cadre institutionnel et règlementaire
est trouvé, comme le sont les équilibres sociaux et politiques. La solution impériale
est durable. Elle repose sur la réconciliation politique organisée autour du centre,
l’amalgame des élites sanctionnée par l’émergence des notables et est assurée par
une organisation vigoureusement centralisée. Efficace et cohérente, l’organisation
politico-administrative est en outre particulièrement adaptée à Lyon où elle
correspond à une identité politique faite d’accoutumance à l’amalgame social, de
modérantisme et d’ambition municipale matinée de résignation à une autonomie
atrophiée1090. Les événements de 1814-1815 se chargent de mettre en évidence
combien la formule est capable de survivre au régime. Progressivement
1086
CAYEZ, Pierre, « La prospérité lyonnaise », dans PELLETIER, André, ROSSIAUD, Jacques, BAYARD,
Françoise, CAYEZ, Pierre, Histoire de Lyon, des origines à nos jours, op. cit., p.673-675. 1087
CHASSAGNE, Serge, « Une économie urbaine en expansion, à travers le cas de deux acteurs majeurs »,
dans L’esprit d’un siècle. Lyon, 1800-1914, op. cit., p.64-74. 1088
CAYEZ, Pierre, CHASSAGNE, Serge, Les patrons du Second Empire…, op. cit., p.23-25. 1089
PELLISSIER, Catherine, Les sociabilités patriciennes à Lyon du milieu du XIXe siècle à 1914, …op. cit.
1090 BENOIT, Bruno, « Lyon au XIX
e siècle : une ville qui construit son identité politique », dans L’esprit d’un
siècle. Lyon, 1800-1914, op. cit., p. 176-192.
400
déresponsabilisés, les édiles peuvent envisager de se détacher du régime sans
perdre pour autant un pouvoir et une légitimité vus comme les fruits de leur
prééminence sociale. En outre, associant fortement et ce, depuis l’origine, le sort de
Lyon à celui de l’Empire, le régime napoléonien encourage les édiles à abandonner
ce dernier dès lors qu’il n’apparaît plus comme le garant de la prospérité. Pour
terminer, à Lyon, le contexte de radicalisation qui marque les Cent-jours renverse
spectaculairement les positions en faisant assumer par les partisans de Napoléon le
risque de remettre en cause les équilibres sociaux et politiques récents sur lesquels
reposait justement le soutien au régime. Cette conjonction de facteurs liés, aussi
contradictoire que cela puisse paraître, aussi bien à la réussite qu’aux failles de la
formule impériale explique la facilité avec laquelle le passage s’est fait, finalement,
d’un régime à l’autre.
402
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Almanach historique et politique de la ville de Lyon et des Provinces pour l’année 1815 Almanach historique et politique de la ville de Lyon et du département du Rhône, 1817-1837 Almanach impérial, an XII – 1807. [Paris, Testu, in-8°] Almanach royal, 1786 – 1788 Annuaire historique et statistique de la ville de Lyon et du département du Rhône pour l’année 1838 [Lyon, Pelagaud, Lesne et Crozet, 1838] Annuaire administratif, statistique et commercial de la ville de Lyon et du département du Rhône, suivi d’un indicateur général, 1839 – 1841 [Lyon, Pelagaud et Lesne, 1839-1841] Indicateur de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Faucheux, 1788. [Les indicateurs sont
consultables aux Archives municipales : 2 Mi 15 et AML, 501 223]
Indicateur de la ville de Lyon contenant un répertoire général par ordre alphabétique des noms des habitants où l’on trouve l’indication de leur état, de leur profession et de leur domicile, 1808 – 1810, 1813 [Lyon, Périsse, in-12°] Législation, règlementation Archives parlementaires : - Série 1 : Archives parlementaires de 1787 à 1860: recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises. Première série, 1787 à 1799, (Paris: 1868-1913, 1966-2005), 101 volumes - Série 2 : Archives parlementaires de 1787 à 1860: recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises. Deuxième série, 1800 à 1860 (Paris: 1862-1912), 127 volumes [des volumes de chacune des deux séries sont consultables en ligne sur le site de la Bibliothèque nationale (http://gallica.bnf.fr)]
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Arrêté du Conseil d’État portant établissement d’une Société d’agriculture dans la généralité de Lyon, du 12 mai 1761, Lyon, P. Valfray, 1761, in-4°, 3 p. [B.M.L., Fonds Coste 114 379] Règlements de la Société d’agriculture, histoire naturelle et arts utiles du département du Rhône, séante à Lyon, adoptés définitivement dans la séance du 4
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décembre 1805, Lyon Bruyset et Buynand, in-8°, 15 p. ; [B.M.L., Fonds Coste 351 456] Règlements de la Société d’agri, histoire naturelle et arts utiles du département du Rhône, séante à Lyon, adoptés définitivement dans la séance du 10 décembre 1805, Lyon Bruyset et Buynand, in-8°, 16 p. [B.M.L., Fonds Coste 351 457] Cercle littéraire de Lyon. Règlement, Lyon, Ballanche, 1808, in-4°, 4 p. [B.M.L., Fonds Coste 114 390] Règlement de la Société des amis du commerce et des arts, établie à Lyon le 12 germinal an XIII, in-4°, 15 p. [B.M.L., Fonds Coste 111 393] Société des amis du commerce et des arts, Procès verbal de l’assemblée générale, tenue le 1er messidor an XIII à Lyon, Lyon, Bruyset, in-4°, 18 p. [B.M.L., Fonds Coste 114 394] Statuti della Società d’emulazione per lo studio della lingua e della letteratura italiana, Lyon, Ballanche, 1807, in-8°, 8 p. [B.M.L., Fonds Coste 351 506] La paix de Tilsitt, cantate exécutée dans la loge de Saint Napoléon de la Bonne Amitié, à l’Orient de Lyon, le 23 août 1807, in-4°, 4 p. [B.M.L., Fonds Coste 110 894] La Parfaite Harmonie [B.M.L., Fonds Coste, Rés. 479 940] Le Parfait Silence [B.M.L., Fonds Coste, Rés. 479 943] Tableau des frères composant la loge de Saint Napoléon de la Bonne Amitié, 1806-1809, Lyon, Pelzin, 4 cahiers, in-8° [B.M.L., Fonds Coste, 350 386 – 350 390] Tableau des frères composant la R.L. écossaise sous le signe distinctif de Saint Jean d’Écosse d’Isis, pour 1806, 1807, 1808, 1809, 1810 et 1812, Lyon, Pelzin et Drevon, 6 cahiers, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 391 – 350 396] Hymne pour la fête de l’Ordre et celle de Saint Napoléon réunies, exécuté dans la loge de Saint Napoléon de la Bonne Amitié, le 21 août 1808, paroles de Pelzin, musique de Dreuilh, chanté par Labit, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 397] Tableau des frères composant la R.L. écossaise sous le titre distinctif de Saint Jean d’Écosse de la Bienfaisance, séante à l’Orient de Lyon, l’an 5 808, Lyon, Pelzin, 1808, in-32° Tableau des frères composant la R.L. de la Sincère Amitié de Lyon pour l’année 5 808, Lyon, Pelzin et Drevon, 1808, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 398] Tableau des frères composant la R.L. du Parfait Silence, à Lyon, pour 1808 et 1809, Lyon, Pelzin et Drevon, 2 cahiers, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 399 – 350 400] Tableau des frères composant la loge de la Candeur, à Lyon, pour 1806, 1808 et 1812, Lyon, Pelzin et Drevon, 3 chiers, in-8° [B.M.L., Fonds Coste 350 401 – 350 403] Écrits de contemporains À Monsieur le comte d’Albon, maire de la ville de Lyon, sur les heureux événemens qui se sont passés à Lyon, sous son administration, jusqu’au 20 avril 1814, s.l.n.d., p. BONNEVIE, Pierre-Étienne, Éloge funèbre de Jean-Joseph Mallet comte de Fargues, maire de Lyon (…), prononcé le 22 mai 1818 (…) dans l’église de Saint-Pierre, Lyon, Impr. Rusand, 1818, 61 p.
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BURTIN, Les quatre époques. Fragment historique, Lyon, Baursy, 1815, 30 p. CHAPTAL, Jean-Antoine, Mes souvenirs sur Napoléon, Paris, Mercure de France, coll. « Le Temps retrouvé », 234 p. [édition présentée et annotée par Patrice Gueniffey] CARTIER, Éloge de M. Marc-Antoine Petit, lu dans la séance publique de l’Académie de Lyon, le 3 septembre 1811, Lyon, Ballanche, 1811, 31 p. CHARRIER de SAINNEVILLE, Claude-Sébastien, Compte rendu des événements qui se sont passés à Lyon, Paris et Lyon, 1818, 149 p. et 66 pages d’annexes. DELANDINE, Antoine-François, Tableau des prisons de Lyon pour servir à l’histoire de la tyrannie de 1792 et 1793, Lyon, Joseph Daval, 1797, 336 p. DELANDINE, Passage à Lyon de leurs majestés Napoléon 1er Empereur des Français et Roi d’Italie et l’Impératrice Joséphine en 1805, Lyon, 1806, 68 p. Deux mois à Paris et à Lyon sous le Consulat. Journal de Madame de Cazenove (février-avril 1803), Paris, A. Picard, 1903, 176 p. Discours nécrologique sur M. d’Assier de la Chassagne prononcé devant la Société royale d’agriculture de Lyon, 1816, 6 p. Épître présentée à M. Palerne de Savy, le jour où il a été proclamé, à l’unanimité des suffrages, maire de la ville de Lyon, 1790, 3 p. MARBOT, Jean-Baptiste-Antoine-Marcellin, Mémoires, Éd. J. Garnier, Paris, Mercure de France, 2001, 2 vol. NAPOLÉON BONAPARTE, Correspondance générale, publiée par la Fondation Napoléon, Paris, Fayard, 6 tomes parus de 2004 à 2009 (lettres de 1784 à 1806) NOLHAC, Jean-Baptiste, Souvenirs de trois années de Révolution à Lyon, Lyon, Périsse, 1844, 344 p. Notice sur le baron Vouty de la Tour, décédé à Paris le 4 mars 1826, Paris, Carpentier Méricourt, 1826, 14 p. REVOIL, M., Éloge de Mayeuvre de Champvieux, Lyon, Imp. Ballanche, 1813, 18 p. REGNY, Jean-Aimé, Éloge de M. Mottet de Gérando, membre de l’Académie (…) de Lyon, lu dans la séance publique du 10 juillet 1828, Lyon, Barret, 1828, 15 p. THIBAUDEAU, Antoine-Clair, Mémoires, 1799-1815, Paris, Plon, 1913, 561 p. TOROMBERT, H., Vouty de la Tour, né en 1741, mort à Paris en 1826. Éloge historique de M. Vouty de la Tour, Lyon, Perrin, 1826, 38 p. VERNINAC, Raymond, Description physique et politique du département du Rhône, Lyon, Ballanche, 1801, 133 p.
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SOURCES MANUSCRITES Archives nationales Secrétairerie d’État impériale (an VIII-1815) AFIV 1 à 126, Minutes des arrêtés des consuls (10 brumaire an X – 27 floréal an XII) AFIV 127 à 860, Minutes des décrets de l’empereur (28 floréal an XII – 22 juin 1815) AFIV 1290 (1-163), Rapports du ministre de l’Intérieur à Napoléon (1810), 145 : sur la demande de fonds pour les travaux à l’île Perrache ; 158 : sur l’état de la Fabrique AFIV 1291A (264), Adresse de la chambre de commerce de Lyon sur les victoires de 1813 AFIV 1302 (1-226), Rapports du ministre de l’Intérieur : proposition de révocation du commissaire général Maillocheau AFIV 1305 (109), Avis du conseil d’État sur l’emploi de fonds alloués au maire de Lyon en 1809, 1810, 1811 AFIV 1308 (dossier 5 Rhône), Rapport de Benoit de Gérando sur le projet de palais impérial (2 juillet 1808) AFIV 1310 (dossier 2), Rapports de Cambacérès, président du conseil du sceau des titres, 5 : demande de titre et d’institution de majorat par Claude Vouty de la Tour AFIV 1312 (dossier 1), demande de concession d’armoiries par la ville de Lyon (1810) AFIV 1313 (dossier 1), députés de Lyon reçus par l’empereur en mai 1811 AFIV 1316 (dossier 1), Rapports du ministre de l’Intérieur à Napoléon, 99-111 : Garde d’honneur de Lyon (an XIV-1806) AFIV 1317 (dossier 1), Rapports du ministre des cultes : aliénation du séminaire Saint Irénée, secours aux prêtres du diocèse de Lyon, réparations à faire à l’archevêché et à la cathédrale de Lyon AFIV 1344 (dossier 1), Demandes et attributions de permis de commerce, de licences d’exportation, 73 : Regny ; 197-198 : Bodin AFIV 1420 (Rhône), Liste d’éligibles AFIV 1422 (dossier 6 Rhône), Liste des 550 contribuables les plus imposés (an XI, par série) AFIV 1423 (dossier 2 Rhône), Liste des 550 contribuables les plus imposés (an XI, par département) AFIV 1424, Listes et pièces diverses relatives aux candidatures au Sénat (An XI-1811) AFIV 1425, Listes et pièces diverses relatives aux candidatures au Corps législatif (An XI-1811) AFIV 1427 (dossier 3 Rhône), Listes des trente propriétaires les plus imposés et des soixante « propriétaires les plus distingués par leur fortune et leurs vertus publiques et privées », éléments de correspondance, procès-verbaux de la commission de révision (An XIII-1806) AFIV 1430 (dossier 2 Rhône), Convocation des collèges électoraux de départements et d’arrondissements, nomination des présidents (an IX-1809) AFIV 1432, Collèges électoraux, dossier 4 : députation de la ville de Lyon reçue le 4 février 1811 par Napoléon AFIV 1436 (dossier 5 Rhône), Listes des 550 contribuables les plus imposés (1809)
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AFIV 1441 (Rhône), Mise à jour de la liste des plus imposés du département (1809) AF IV 1476, Contributions directes, cadastres (an VIII – 1812) : douze plus fortes contributions foncières dans le Rhône Administration générale Personnel administratif F1b I 105, Commissaires du pouvoir exécutif (an IV-an VII) F1b I 106, Suppression des commissaires du gouvernement près les bureaux centraux de Lyon, Bordeaux, Marseille et Paris (an VIII) F1b I 148, Fonctionnaires de l’administration préfectorale, Rhône Dossiers de préfets : F1b I 156/31, Taillepied de Bondy F1b I 156/50, Bureau de Pusy F1b I 157/13, Chabrol de Crouzol F1b I 160/11, Fourier F1b I 162/4, d’Herbouville F1b I 170/20, Pons F1b I 176/8, Verninac de Saint Maur F1b I 232, Listes des conseillers généraux, Rhône F1b I 241, Maires et adjoints nommés sous la Restauration, Lyon F1b I 242, Projet de mairie unique (rapports) F1b I 243, Maires et adjoints des municipalités Fay de Sathonay, renouvellement 1808 F1b I 244, Maires et adjoints des municipalités d’Albon, renouvellement 1813 F1b I 247, Maires et adjoints des municipalités de Fargues et Jars F1b II Rhône 11-13, Personnel, Lyon, (11 : 1790-an VI ; 12 : an VII-1811 ; 13 : 1812-1815) F1c III Rhône 1-3, Élections (1 : 1790-an XI, 2 : an XII-1813, 3 : 1815-1828) F1c III Rhône 5, Comptes-rendus administratifs (an III, anVII-an X, 1811-1812) F1c III Rhône 9, Correspondances et divers (an IV-1815) Circonscriptions territoriales : délimitations et réunions de communes F² II D Rhône 2, Projet de réunion de la Croix-Rousse et la Guillotière avec Lyon (1806-1810) F² II V Rhône 3.1, Élargissement de la rue Sainte Côme (1810-1812) F² II V Rhône 3.6, Projet de plan d’alignement (1814-1816) Administration communale F3 I 14, Armoiries des villes, Lyon
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F3 II Rhône 10-14, Documents divers, Lyon Finances communales F6 II Rhône 13-31 (Lyon) : [documents conservés sur le site des Archives nationales de Fontainebleau, inaccessibles depuis juillet 2003 en raison d’une pollution à l’amiante] Police générale F7 36866-8, Statistique morale et personnelle des départements, Rhône Archives départementales du Rhône Section ancienne : Série J. Fonds privés 8 J, Papiers Bondy 74 J, Fonds du Centre d’Histoire du dix-neuvième siècle (1811-1866) 106 J, Fonds Frécon. [Dépouillements généalogiques. Alliance et origines des familles notables de Lyon (Ancien régime-XIXe siècle)] Série L. Révolution française 1 L. Administration du département 94-99, Délibérations du Conseil général du département de Rhône-et-Loire (1790-1793) 103-113, Délibérations et arrêtés du Conseil général du département de Rhône-et-Loire sur les affaires générales et particulières (1790-1793) 115-127, Délibérations et arrêtés du Directoire provisoire de l’administration centrale du département du Rhône (an II-an VIII) 195, Réorganisation des services administratifs et judiciaires : District de Lyon (An II- An III) 332, Tableau des citoyens actifs et électeurs du Département de Rhône-et-Loire. (1790-1791) 333-334, Procès-verbaux de nomination des électeurs : ville de Lyon, districts de la campagne de Lyon et de Villefranche (1790) 337, Assemblée électorale du Département de Rhône-et-Loire (1791) 339, Assemblée électorale du département du Rhône 340-341, Formation des municipalités 343, Renouvellement des autorités constituées (An III) 346, Municipalités de canton : Lyon (divisions du Nord, du Midi, de l’Ouest), An IV-An VIII
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349, Bureau central de Lyon : nomination, démission, renouvellement (An IV – An VIII) 364, Correspondance générale de l’administration centrale (an V- an VIII) 365, Correspondance de l’Administration centrale avec la municipalité de Lyon : divisions du Midi, du Nord et de l’Ouest (An V – An VII) 418, Émigrés, listes des radiations (An III-An VII) 419, Émigrés, demandes en radiations (An VI-An VII) 424-426, Émigrés, dossiers individuels (1792 – An VIII) 427-428, Emigrés, certificats de non-émigration (An II – An IX) 435, Fêtes nationales. Généralités (An V – An VIII) 465, Certificats de civisme et de non-rebellion ( 1790 – An VIII) 469, Formation des districts (1790 – An IV) 470, Cantons : délimitation des communes cantonales et suppression (An V – An VIII) 471, Délimitation des communes : district de Lyon-Ville (1790 – An IV) 515, Société d’agriculture (An VI- An VII) 522, Industries textiles : soieries, coton, drap, moire, chanvre, dorure (1790-An VIII) 1077, Académie des Sciences, Belles lettres et Arts de Lyon (1791-An II) 2 L. District de Lyon-ville 84, Personnel administratif : administrateurs, maires, commissaires de police, etc… (1791-An III) 91, Surveillance des suspects après le siège de Lyon ; certificats de non-rebellion (An II – An IV) 92, Surveillance des émigrés et des étrangers ; certificats de non-émigration (An II – An III) 3 L. District de Lyon-campagne 75, Personnel administratif : administrateurs, maires, etc… (1790-An III) 42 L. Tribunaux révolutionnaires créés après le siège de Lyon 45, Documents relatifs aux membres de l’armée lyonnaise 61-89, Siège de Lyon, dossiers individuels Section moderne : Série M. Administration générale et économie (1800-1940) 1 M. Administration générale du département Enregistrement de la correspondance 1-2, « Registres des lois ». [Enregistrement des lois et décrets parus au Bulletin des lois. (7 germinal an X – 19 mai 1835)] Circonscriptions administratives
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87, Modifications de limites communales, Lyon. (1806-1895) Rapports généraux 110, Rapports généraux, éléments de rapports. (an IX-1818) Evénements politiques 111-112, Événements politiques. (an IX-1850) 137, Demandes d'indemnisation. (1818-1934) [notamment demandes de fournisseurs de Lyon durant le siège] Fêtes, cérémonies, voyages officiels 162, Fêtes, cérémonies, réceptions officielles, distribution de récompenses honorifiques, passage par Lyon ou séjours de personnalités, surveillance des voies et des suspects, fêtes nationales. (an VIII-1827) Monuments commémoratifs, souscriptions 200, Monuments commémoratifs. (1813-1922) Personnel des administrations : interventions, nominations 202, Recommandations, demandes d’emploi ou de renseignements, envois de brochures, plaintes, demandes personnelles d’intervention. (1809-1829) Distinctions honorifiques 247, Légion d'honneur. Avis de nomination (1815-1830). Etats de situation de légionnaires, chronologiques (1806-1813, 1840-1845), alphabétiques (1806-1812, 1815-1830, 1853-1869) 257, Légion d'honneur. Candidatures. (1814-1835, 1852-1863) 261, Décoration du lys (1814-1817). Ordre de Saint-Louis (1821-1826) Sinistres, calamités, secours aux victimes 327, Inondations du Rhône (16-18 février 1812) Affiches administratives et politiques 358-360, An VIII-1818 2 M. Personnel Corps préfectoral 3, Préfets : dossiers individuels (Verninac de Saint-Maur, Bureaux de Pusy, d’Herbouville, Taillepied de Bondy, Thomas Jacques de Cotton, Fourier, Pons).
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Fonctionnaires divers 9-10, Conseillers de préfecture 12, États des fonctionnaires (an XII-1818) 13, Registre des fonctionnaires du département (an VIII-1830) 25, Rétablissement de l’autorité royale : démissions, reprises de fonctions (1815) 31, Traitements du personnel. Dossier général (an IX-1924) Conseillers généraux et d’arrondissement 42, Nominations, ordonnances royales, tableaux (an VII-1833) Maires, adjoints et conseillers municipaux nommés 43, Circulaires, correspondance, instructions, listes générales (an IX-1815) 44, Listes des maires et adjoints : propositions, nominations (1815) 52-82, Maires, adjoints, conseillers municipaux : nominations, procès-verbaux d’installation, prestation de serment, correspondance, démissions (1800-1882) [Communes par ordre alphabétique : 63, Maires, adjoints, conseillers municipaux : nominations, procès-verbaux d’installation, prestation de serment, correspondance, démissions : Lyon 1801-1819] 3 M. Élections Listes électorales 1, Formation des collèges électoraux et listes électorales. (an X-1828) Plébiscites 1296, Plébiscites an X-1815 4 M. Police Affaires générales 1, Organisation de la police (1793-1822) Commissaires de police et agents supérieurs 39, Dossiers individuels (an IX-1933) Administration de la sûreté 386, Demandes de renseignements (an IX-1815) 388, Registre nominatif des habitants notables et des principaux fonctionnaires de la ville de Lyon sous le 1er empire 523, Affaires sociales : 1810-1879. Société de charité maternelle
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827, Associations, enquêtes (recensement des associations de plus de vingt personnes existant à Lyon en 1811) Série Q. Domaines, Enregistrement, Hypothèques (1790-1940) 1 Q. Biens nationaux Les Archives Départementales du Rhône proposent un très précieux répertoire numérique élaboré par René Lacour (Imprimerie nouvelle lyonnaise, 1951) et un recueil des tables alphabétiques (Imprimerie Schneider, 1904) établi d’après les brefs de ventes de biens nationaux (biens, anciens propriétaires et acquéreurs). 3 Q. Enregistrement Les Archives Départementales du Rhône proposent un ensemble de documents d’aide à la recherche particulièrement utile. Les récapitulatifs des registres et tables par type d’actes sont incontournables mais c’est surtout le recensement méticuleux des nombreux bureaux d’enregistrement de la ville de Lyon avec leurs principaux changements qui offre un guide indispensable. Les cartes de l’agglomération sont à cet égard très pertinentes. Série V. L’administration des cultes dans le Rhône, 1800-1940 2 V. Organisation et police du culte catholique 56, Cérémonies religieuses, prières publiques, célébrations officielles (an X – 1899) 57, Sacres, entrées solennelles, voyages et déplacements officiels (an XIII – 1892) 59-60, Processions et fêtes (1804-1902) 76-79, Prestations de serment 80, Attitude politique du clergé (1800-1902) 5 V. Fabriques 1, Règlements des Fabriques 2, Constitution des conseils de Fabrique (an XI-1811) 3, Constitution des conseils de Fabrique (1810-1812) 7 V. Cultes non catholiques 2, Culte réformé. Organisation, recensement de la population protestante (an XI –
1885)
3, Culte réformé. Lieux du culte à Lyon. (an X – 1823)
4, Consistoire et conseils presbytériaux (1812-1904)
25, Culte israélite. Recensement de la population juive (1806-1859)
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Archives municipales de Lyon Les archives modernes de la ville de Lyon sont classées en série continue (WP). Il existe un État général des versements réalisé par Céline Cadieu-Dumont qui présente les différents versements sans proposer de réel classement. À la série WP s’ajoutent des séries réglementaires ou définies, les séries I, II, Fi et S notamment, plus limitées dans leurs objets. Un grand nombre de lots ont été recensés et exploités et sont présentés ici par thèmes. Lorsque cela est intéressant et possible, des dossiers précis sont signalés. On a la chance de disposer, à Lyon, de la quasi intégralité des procès-verbaux des séances du conseil municipal sur la période napoléonienne. Ils renseignent à la fois sur l’assiduité et le degré d’implication des édiles, leur mode d’exercice du pouvoir et, bien entendu, offrent un aperçu de la politique municipale, notamment parce qu’ils contiennent de nombreux rapports de commissions ou du maire sur les sujets que le conseil a à connaître. La correspondance de la municipalité, du maire en premier lieu, ainsi que les arrêtés municipaux sont souvent à traiter en lien avec le registre des délibérations qui contribue à les expliquer. La mémoire de l’activité du conseil municipal, depuis la Révolution, est conservée principalement grâce au versement 1217 WP, aisément consultable sur microfilm (2 Mi 04) et désormais numérisé : 1217 WP 001, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1790) 1217 WP 002, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1790-1791) 1217 WP 003, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1791) 1217 WP 004, Corps municipal : registre des actes et délibérations (1792-1793) 1217 WP 005, Corps municipal : table chronologique des actes et délibérations (1790-1793) 1217 WP 006, Corps municipal ou conseil municipal : registre des actes et délibérations (10 octobre 1793 – 4 pluviôse an II) 1217 WP 007, Corps municipal ou conseil municipal de Commune affranchie : registre des actes et délibérations (5 pluviôse an II – 4 prairial an II) 1217 WP 008, Corps municipal ou conseil municipal de Commune affranchie : registre des actes et délibérations (7 prairial an II – 27 brumaire an III) 1217 WP 009, Conseil municipal : registre des actes et délibérations (28 brumaire an III – 29 floréal an III) 1217 WP 010, Conseil municipal : registre des actes et délibérations (1er prairial an III – 6 ventôse an IV) 1217 WP 011, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (7 ventôse an IV – 7 brumaire an V) 1217 WP 012, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (19 brumaire an V – 2ème jour compl. an V) 1217 WP 013, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (2ème jour compl. an V – 8 thermidor an VI) 1217 WP 014, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (11 thermidor an VI – 6ème jour compl. an VII)
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1217 WP 015, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (3 vendémiaire an VIII – 23 floréal an VIII) 1217 WP 016, Municipalité du Midi : registre des arrêtés, avis et délibérations (23 floréal an VIII – 4e jour compl. an XIII) 1217 WP 017, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (7 ventôse an IV – 6 frimaire an V) 1217 WP 018, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (9 frimaire an V – 25 messidor an V) 1217 WP 019, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (29 messidor an V – 19 nivôse an VI) 1217 WP 020, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (22 nbivôse an VI – 28 messidor an VI) 1217 WP 021, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (29 messidor an VI – 11 floréal an VII) 1217 WP 022, Municipalité de l’Ouest : registre des actes et délibérations (15 floréal an VII – 26 floréal an VIII) 1217 WP 023, Municipalité de l’Ouest : registre des avis et arrêtés du maire (29 floréal an VIII – 4ème jour complémentaire an XIII) 1217 WP 024, Municipalité du Nord : registre des actes et délibérations (7 ventôse an IV – 29 germinal an V) 1217 WP 025, Municipalité du Nord : registre des actes et délibérations (1er floréal an V – 9 germinal an VII) 1217 WP 026, Municipalité du Nord : registre des arrêtés, avis et délibérations (11 germinal an VII – 16 fructidor an XIII) 1217 WP 027, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (11 frimaire an IX – 28 floréal an X) 1217 WP 028, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (9 messidor an X – 2 thermidor an XI) 1217 WP 029, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (11 thermidor an XI – 2_ floréal an XIII) 1217 WP 030, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (30 floréal an XIII – 15 mai 1807) 1217 WP 031, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (29 mai 1807 – 9 mars 1809) 1217 WP 032, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (13 mars 1809– 9 mai 1810) 1217 WP 033, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (14 mai 1810 – 28 juin 1811) 1217 WP 034, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (1er juillet 1811 – 19 juin 1812) 1217 WP 035, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (19 juin 1812– 15 juin 1813) 1217 WP 036, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (18 juin 1813– 25 avril 1815) 1217 WP 037, Conseil municipal : registre des rapports et délibérations (30 avril 1815 – 17 mai 1817)
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S’agissant de la correspondance, les Archives municipales de Lyon disposent des registres des lettres reçues ou expédiées (1401 WP) mais, évidemment, pas systématiquement de leur contenu. Certaines lettres reçues sont parfois conservées, le texte des lettres expédiées est parfois copié mais on le trouve plutôt dans les dossiers thématiques. Sous le régime de la mairie unique : 1401 WP 015, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 1er vendémiaire an XIV- 19 novembre 1806 1401 WP 016, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 19 novembre 1806 – 31 décembre 1807 1401 WP 017, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 2 janvier 1808 – 18 janvier 1809 1401 WP 018, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 19 janvier 1809 – 31 mars 1810 1401 WP 019, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 2 avril 1810 – 13 mai 1811 1401 WP 020, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 14 mai 1811 – 5 juin 1812 1401 WP 021, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 6 juin 1812 – 29 juin 1813 1401 WP 022, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 29 juin 1813 – 8 novembre 1814 1401 WP 023, Actes de l’administration municipale, lettres reçues : enregistrement, transmission aux bureaux, registre 8 novembre 1814 – 2 mai 1816 1401 WP 061, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (5ème jour complémentaire an XIII – 31 décembre 1806) 1401 WP 062, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (1er janvier 1807 – 11 octobre 1808) 1401 WP 063, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (12 octobre 1808 – 28 juillet 1810) 1401 WP 064, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (30 juillet 1810 – 21 décembre 1811) 1401 WP 065, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (21 décembre 1811 – 21 juin 1813) 1401 WP 066, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (21 juin 1813 – 11 mai 1814) 1401 WP 067, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (12 mai 1814 – 27 mai 1815) 1401 WP 068, Actes de l’administration municipale, Copies de lettres expédiées : registre, répertoire (27 mai 1815 – 14 octobre 1815) On dispose d’une partie des arrêtés de l’administration municipale, pour la période de la mairie unique :
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0686 WP 015, Actes de l’administration municipale, arrêtés du maire, 1er vendémiaire an XIV – 22 juin 1810 0686 WP 016, Actes de l’administration municipale, arrêtés du maire, 22 juin 1810 – 15 octobre 1814 0686 WP 017, Actes de l’administration municipale, arrêtés du maire, 1814 – 1820 0686 WP 018, Actes de l’administration municipale, arrêtés de police, 1813 – 1818 Sur le personnel proprement dit, qu’il soit politique ou non, les documents sont très rares : 517 WP 021.2, Personnel municipal, commissaires et lieutenant de police 517 WP 021.1, Personnel municipal, agents de police 518 WP 003, Administration de la commune. Documents divers relatifs à l’installation des maires et conseillers. 789 WP 052, Élections consulaires [pour les membres de la chambre et du tribunal de commerce] La gestion financière de la ville est une préoccupation centrale de l’administration municipale, comme en témoignent le nombre et la dimension des livres de recettes et de dépenses dont le dépouillement systématique serait de peu d’intérêt. Au-delà du maquis des opérations comptables, les édiles ont à connaître des grandes lignes de crédit et de débit qui organisent le budget annuel. Enfin, l’octroi étant au cœur des ressources de la ville, il fait l’objet d’une attention particulière. 28 WP 004, Bureau de comptabilité : exercice an XIV – 1806, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 005, Bureau de comptabilité : exercice 1807, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 006, Bureau de comptabilité : exercice 1808, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 007, Bureau de comptabilité : exercice 1809, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 008, Bureau de comptabilité : exercice 1810, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 009, Bureau de comptabilité : exercice 1811, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 010, Bureau de comptabilité : exercice 1812, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 011, Bureau de comptabilité : exercice 1813, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 012, Bureau de comptabilité : exercice 1814, grand livre des dépenses et recettes 28 WP 013, Bureau de comptabilité : exercice 1815, grand livre des dépenses et recettes 1402 WP 001 1, Budget : préparation ventôse an VI – 1849
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1402 WP 003 4, Budget : exécution : recettes et dépenses, tutelle du préfet 1790, an V – 1874 1402 WP 005 2, Rentes de la commune. Centimes sur les contributions directes 1403 WP 039, Budget : budget primitif et supplémentaire an XIV – 1820 1411 WP 001, Octroi de Lyon. Décisions particulières de la commission municipale de l’octroi. 1801-1802 1411 WP 005, Octroi de Lyon. Copies de lettres. 1802-1803 1411 WP 017, Octroi de Lyon. Perception, ferme, exemptions, états des produits ; suppression de l’ancien octroi ; liquidation de la ferme générale ; régime de gestion. 1777-1800 1411 WP 018, Octroi de Lyon. Régimes de gestion 1411 WP 022, Octroi de Lyon. Personnel. 1411 WP 023, Octroi de Lyon. Personnel : traitements. 1803-1812 1411 WP 027, Octroi de Lyon. Personnel : caisse de retraite. 1807-1900 1411 WP 033, Octroi de Lyon. Comptabilité : budget, dépenses. 1812-1901 1411 WP 039, Octroi de Lyon. Comptabilité : produits bruts. 1807-1811 1411 WP 047, Octroi de Lyon. Gestion financière : affectation des produits, états annuels. 1800-1882 1411 WP 048, Octroi de Lyon. Comptabilité statistique : produit des taxes (état annuel par article, germinal an X-1814, et marchandises en transit, 1809-1811) 1411 WP 051, Octroi de Lyon. Comptabilité (documents divers : 1809-1880) 1411 WP 203, Octroi de Lyon. Comptabilité. Perception des droits : registres, 1803-1872 1411 WP 209, Octroi de Lyon. Comptabilité. Perception des droits : états comparatifs, 1804-1844 Dans la série Fi, des documents figurés : 6 Fi 07837 à 07852, Octroi de Lyon. Affiches : tarifs, adjudications, règlements, arrêtés du maire. An VIII-1815 La question des subsistances comme celle de l’assistance sont au cœur de la dimension protectrice de la politique municipale. 784 WP 040.1, Boulangerie (prix, taxes du pain…) 784 WP 030.4, Subsistances. Magasins et dépôts municipaux 744 WP 101, Bureau de bienfaisance. Budgets et comptes (à partir de 1805) 744 WP 074.11, Établissements de bienfaisance (à partir de 1806) 1894 WP 2, Bureau de bienfaisance. Registre des délibérations de la commission administrative 744 WP 074.9, Société de la Charité maternelle (1810-1881)
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744 WP 115.3, Hospices civils de Lyon. Finances, documents comptables (1786-1806) 744 WP 115.4, Hospices civils de Lyon. Finances, documents comptables (1804-1814) 744 WP 116.1, Hospices civils de Lyon. Finances, documents comptables (1807-1813) 744 WP 143.1, Hospices civils de Lyon. Antiquaille. Vente de Bicêtre 744 WP 143.3, Hospices civils de Lyon. Antiquaille. Divers 746 WP 084, Hospices civils de Lyon. Comptabilité (an X-1806). Compte moral 1809. 746 WP 085, Hospices civils de Lyon. Comptabilité (1807-1812) 747 WP 014.6, Mont de piété. Affaires générales (1811-1881) 747 WP 012.2, Mont de piété. Personnel (1810-1882) 747 WP 012.1, Mont de piété. Formation et fonctionnement (1805-1879) La primauté de la fonction sécuritaire dévolue à l’administration municipale se manifeste à travers l’abondance des versements concernant les affaires de police comme des affaires militaires. La série I est celle de la police. Incontournables pour la connaissance de l’évolution politique de Lyon, notamment en 1814-1815, les dossiers de police locale et générale offrent parfois quelques utiles renseignements biographiques. 1 I 005, Police locale. Ordonnances et arrêtés (1801-1822) [proclamations et affiches] 1 I 006, Police locale. Ordonnances et arrêtés de police municipale (1800-1837) [documents divers] 1 I 008, Police locale. Ordonnances et arrêtés de police municipale (1806-1825) 1 I 042, Police locale. Correspondance (an IX-1810) 1 I 043, Police locale. Correspondance (an XII-1811) 1 I 154, Police locale. Surveillance urbaine (1790-1798) 1 I 155, Police locale. Surveillance urbaine (1798-1807) 1 I 156, Police locale. Surveillance urbaine (1808-1813) 1 I 157, Police locale. Surveillance urbaine (1814) 1 I 157 bis, Police locale. Surveillance urbaine (1814) 1 I 158, Police locale. Surveillance urbaine (1815-1816) 1 I 159, Police locale. Surveillance urbaine (1815-1816) En complément, on peut signaler : 1122 WP 001.1, Contraventions et délits. Rapports de police des chefs de poste de la garde nationale. 1815 2 I 011, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique, 1797-1798 2 I 012, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique, 1798-1799 2 I 013, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique, 1800-1813 2 I 014, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique,
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1814 2 I 015, Police générale. Événements et troubles politiques. Police politique, 1815 2 I 016, Police générale. Dossiers particuliers, A-Ba 2 I 017, Police générale. Dossiers particuliers, Be-Bo 2 I 018, Police générale. Dossiers particuliers, Br-Cha 2 I 019, Police générale. Dossiers particuliers, Che-Cu 2 I 020, Police générale. Dossiers particuliers, Da-Dub 2 I 021, Police générale. Dossiers particuliers, Duc-F 2 I 022, Police générale. Dossiers particuliers, G 2 I 023, Police générale. Dossiers particuliers, H-Laj 2 I 024, Police générale. Dossiers particuliers, Lam-Lup 2 I 025, Police générale. Dossiers particuliers, M 2 I 026, Police générale. Dossiers particuliers, N-Pl 2 I 027, Police générale. Dossiers particuliers, Po-R 2 I 028, Police générale. Dossiers particuliers, Ro-S 2 I 029, Police générale. Dossiers particuliers, T-Z 2 I 031, Police générale. Certificats de civisme, émigrés et réfugiés. Lois et arrêtés concernant l’émigration, correspondance administrative. Cas particuliers. Listes d’émigrés (1792-1827) La très grande majorité des questions d’administration militaire a trait au recrutement et aux questions d’intendance pour lesquelles la municipalité – le maire – ne se voit reconnaître qu’un rôle d’exécutant. Ainsi la plupart des versements n’ont que peu d’intérêt et ne sont indiqués que pour mémoire. Certains aident plus que d’autres à comprendre cette part du contexte dans lequel se meuvent les édiles : 1200 WP 001, Recrutement de l’armée. Instructions (1791-1815) 1200 WP 003, Recrutement de l’armée. Documents divers (1799-1816) 1200 WP 040, Recrutement de l’armée. Enrôlements volontaires (an XIV-1811) 1200 WP 041, Recrutement de l’armée. Enrôlements volontaires (1811-1815) 1203 WP, Recrutement de l’armée : exemptions, dispenses, sursis, secours et pensions (1792-1932) 1204 WP, Recrutement de l’armée : déserteurs, insoumis, réfractaires (1792-1830) 1207 WP, Recrutement de l’armée : Congés et permissions (1799-1817) 1210 WP, Administration militaire : administration et organisation de l’armée et des troupes en marche (1789-1916) 1211 WP, Administration militaire : Bâtiments, aménagements (1790-1878) ; armement (1790-1916) ; hôpitaux et pharmacies (1799-1817) 1212 WP 022 à 025, Logement militaire. Abonnements (de 1807 à 1816) 1212 WP 028 à 031, Logement militaire. Recettes (de 1807 à 1821)
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1213 WP, Administration militaire : intendance, fournitures (1791-1918) 1214 WP, Administration militaire : recensement et réquisition de montures (1792-1926) 1219 WP 001, Garde nationale. Organisation (1789-1871) 1219 WP 003, Garde nationale. Organisation (1813-1815) 1219 WP 012, Garde nationale. Organisation (1814). Réunion du conseil d’administration 1220 WP 003, Garde nationale. 1815 1221 WP, Garde nationale, élections et nomination des états-majors, des officiers et des sous-officiers (1792-1871) 1223 WP, Garde nationale, fournitures (1792-1871) Certains lots, épars, contiennent des informations sur le fonctionnement de la municipalité et le rôle des édiles : 1225 WP 017, Invasion de 1815. Siège de Lyon 1219 WP 021, Garde nationale. Organisation. Rapports des commissions municipales, comptes-rendus du conseil municipal, budget 1814-1815 Bien que très étroitement mêlées, les différentes questions dont la mairie unique s’est principalement occupée peuvent être grossièrement distinguées selon qu’elles concernent plutôt l’urbanisme et les travaux d’aménagement ou des services publics. L’aménagement de la voirie, la délimitation des quartiers, le dessin des places et des rues font l’objet d’un plan d’ensemble qui se précise progressivement : 322 WP 003, Plan d’alignement de la ville. Instructions et correspondance 323 WP 029, Inscription nominale des rues, numérotage des maisons. [À partir de 1808] La série S est celle des plans. Elle fournit des sources précises. Outre la série des relevés de Coillet (1813), quelques plans généraux de Lyon sont à signaler : 1 S 00162 1 à 20, Plan d’alignement selon Coillet (1/300), août 1813 2 S 00209, 1809 (1/6 500). Avec changements et projets. 67,5 x 52,5 cm 2 S 00633, Par Joubert (1/6 130), 1801. Avec indication des alignements, des quartiers neufs et des bâtiments principaux. 70 x 48 cm 3 S 00121, Par Rudemare (1/7 000), 1805. Ville et faubourgs. 48,5 x 36,1 cm
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Plusieurs chantiers, dont les bâtiments communaux, sont l’objet d’une politique volontariste de restauration et d’aménagement en lien, souvent, avec la révision de l’affectation des sites : Perrache : 1420 WP 005, Voirie urbaine. Terrains et maisons de la presqu’île Perrache 1420 WP 007.2, Voirie urbaine. Presqu’île Perrache. Devis et rapports 1420 WP 007.3, Voirie urbaine. Presqu’île Perrache. Alignement, plan de distribution, tracés de rues 3 S 00225, Plan du quartier neuf à la partie méridionale de la ville de Lyon, 1812. 3 S 00227, Plan de la presqu’île de Perrache avec le projet du palais impérial, 1807. 1 II 0006, Compagnie Perrache ou entreprise des Travaux du Midi de Lyon (1806-1826) 1 II 0006.1, Compagnie Perrache. Actes 1806-1807 49 II 003, Compagnie Perrache, fonctionnement, délibérations (1772-1815) 49 II 013, Compagnie Perrache, états des terrains, plan du quartier (1806) 49 II 014, Compagnie Perrache, biens, construction du palais Bellecour : 321 WP 023, Place Bellecour. Voirie, affaires diverses 321 WP 024, Place Bellecour. Voirie, affaires diverses. Décors 321 WP 025, Place Bellecour. Reconstruction des façades 17 Fi 125, Dessin d’étude de l’architecte Gay pour les portes des façades (dessin aquarellé, 1802) 2 S 00286, Projet de façades sur les anciennes fondations par Thibière (1800) 2 S 00286.a, Projet de façades sur les anciennes fondations par Thibière (1800) 3 S 00698, Plan des façades par Gay d’après un dessin supposé de de Cotte (1812) Quais de Saône et du Rhône : 342 WP 001.2 à 342 WP 009.5, Pont sur la Saône. Pont de l’Archevêché et quai de la Baleine (1790-1808) 342 WP 010.2, Pont sur la Saône. Contentieux 342 WP 024 à 046, Ponts. Pont sur la Saône. [Avancée des travaux : 1790 – 1809] 2 S 00269, Plan géométral du quartier de l’arsenal et du pont de Tilsitt, 1811. 14 II 046.1, Papiers Morand (Antoine). Lot 18 14 II 076, Papiers de Jean-Antoine Morand. Titres de propriété
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Hôtel de ville : 466 WP 007, Édifice public. Hôtel de ville : travaux (1810-1822) 466 WP 010, Édifice public. Hôtel de ville : travaux (1790-1809) 1612 WP 166, Hôtel de ville. Plan du rez-de-chaussée et du premier étage (1/275e), 1800. Autres bâtiments communaux : 321 WP 193, La Déserte. Création de la place pour un marché public et travaux 470 WP 007, Édifice communal. Mont de piété. Traités, location 470 WP 036, Édifice communal. Entrepôt des denrées coloniales. Travaux, comptabilité. 470 WP 039, Édifice communal. Grenier à sel : bâtiment de l’ancien arsenal Sainte-Claire. Bâtiments échangés contre les terrains à Perrache 470 WP 041, Édifice communal. Douane : bâtiment de l’ancien arsenal Sainte-Claire 470 WP 042, Édifice communal. Grenier à sel et douane : bâtiment de l’ancien arsenal Sainte-Claire 784 WP 002.3, Chambre de commerce. Condition publique des soies 3 S 00670 1 à 7, Plan de la Condition publique des soies par Gay (1/100), 1808. La législation napoléonienne sur les cimetières entraîne une intense activité au sein de la municipalité. De nombreux plans sont disponibles ainsi qu’un certain nombre d’études et de devis, mais aussi d’actes du maire qu’il convient de mettre en relation avec les délibérations du conseil. 473WP001.2, Cimetière. Les Sablons : travaux, correspondance (1804-1813) 473 WP 001.7, Cimetière. Saint Just : mur de clôture (1809-1810) 473 WP 002.5, Cimetière. Loyasse :aménagements (1807-1886) 473 WP 003, Cimetière. Loyasse : aménagements (1807-1871) 473 WP 009, Cimetière. La Guillotière : agrandissements (1811-1862) 1099 WP 016 à 045, Cimetières de Loyasse, La Guillotière et La Croix-Rousse : albums de plans généraux et parcellaires, répertoires de concessions 1612 WP 199, Plans des cimetières de La Guillotière et de Loyasse. (études, 1800) 3 S 00003, Plan général du cimetière de Loyasse par Gay (1813) 3 S 00801, Plan du terrain des Sablons (Charlet), 1806 1 II 0174.1, Cimetières de Lyon. États (1807-1891)
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La politique de services publics est souvent liée à des aménagements urbanistiques ou architecturaux, mais elle ne s’y réduit évidemment pas. Politique en matière d’eaux publiques : 329 WP 1, Alimentation en eau de la ville ; pompes et fontaines 468 WP 009.10, Édifice public. Fontaine, place Saint-Jean 468 WP 009.3, Édifice public. Fontaine des Deux Dauphins 468 WP 009.6, Édifice public. Place Saint Michel 468 WP 016, Édifice public. Fontaines, place des Jacobins 5 I 010, Hygiène publique et salubrité. Eaux, surveillance des puits et fontaines Politique culturelle : 77 WP 001, Conservatoire des arts. Institution et fonctionnement, 1802-1875 78 WP 009, Acquisitions. École de dessin 81 WP 001, Instruction publique. Écoles primaires. École secondaire communale 81 WP 003, Instruction publique. Écoles des beaux-arts, de dessin. Règlement du palais Saint-Pierre 84 WP 021, Instruction publique. École des Beaux-Arts. Prix, expositions, délibérations du conseil du Conservatoire des arts. 84 WP 022.1, Instruction publique. École des beaux-arts. Conseil du Conservatoire des arts 86 WP 001, Théâtre des Célestins. Administration générale. Directions Lainé et Ribié 89 WP 001, Grand Théâtre. Direction Ribié 89 WP 002, Grand Théâtre. Direction Lainé 87 WP 005. Bibliothèque de la ville de Lyon. Administration, comptabilité. 1806-1883 176 WP 074.6, Instruction publique. Lycée. Actions et comptes (1803-1811) 176 WP 074.7, Instruction publique. Lycée. Participation de la ville aux dépenses 176 WP 074.8, Instruction publique. Lycée. Installation du mobilier 477 WP 003. École. Lycée. Travaux 741 WP 025.1, Édifice public. Hôtel de ville, palais Saint-Pierre. Locations 2210 WP 027, École de dessin. Scolarité, prix 2210 WP 026, École de dessin. Registre 2 S 00330.1, Plan du palais Saint-Pierre indiquant l’utilisation des salles (1/200e), 1811 Enfin, en dehors de ceux déjà énumérés, la conjoncture générale transparaît au travers de documents disséminés au sein de plusieurs versements. Certains méritent d’être signalés : 783 WP 001.1, Conseil des Prud’hommes. Industrie textile (1804-1808) 783 WP 001.2, Conseil des Prud’hommes. Fonctionnement (à partir de 1810) 783 WP 002, Conseil des Prud’hommes. Avis et arrêtés
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784 WP 006.5, Industrie textile. Tarifs, ordonnances municipales 784 WP 013.42, Inventeurs de l’industrie de la soie [dossiers divers] 921 WP 005-025, Recensement de la population : registres (1807-1815) [Numérisation débutée en décembre 2009, en cours] 985 WP 073, Dépôt des farines
Bibliothèque municipale de Lyon Fonds Coste Ms 846, Lettre de Fay de Sathonay au préfet Ms 847, Lettre de Fay à Pernon Ms 848-849, Nominations à la mairie
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A.D.R. : Archives départementales du Rhône
A.E.S.C. : Annales, Économies, Sociétés, Civilisations
A.H.R. : American historical review
A.H.R.F. : Annales historiques de la Révolution française
A.M.L. : Archives municipales de Lyon
A.N. : Archives nationales
A.R.S.S. : Actes de la recherche en sciences sociales
B.C.H.E.S.R.L. : Bulletin du centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise
B.S.H.M.C. : Bulletin de la société d’histoire moderne et contemporaine
B.M.L. : Bibliothèque municipale de Lyon
C.E.H.V.I. : Centre d’histoire de la ville
C.H. : Cahiers d’histoire
C.N.R.S. : Centre national de la recherche scientifique
C.N.S.S. : Congrès national des sociétés savantes
C.T.H.S. : Comité des travaux historiques et scientifiques
E.H.E.S.S. : Écoles des hautes études en sciences sociales
E.L.A.H. : Éditions lyonnaises d’art et d’histoire
E.N.S. : École normale supérieure
E.N.S.B. : École nationale supérieure des bibliothécaires
E.P.H.E. : École pratique des hautes études
F.N.S.P. : Fondation nationale des sciences politiques
H.E.S. : Histoire, économie et société
I.H.R.F. : Institut d’histoire de la Révolution française
M.S.H. : Maison des sciences de l’Homme
P.U.F. : Presses universitaires de France
P.U.G. : Presses universitaires de Grenoble
P.U.L. : Presses universitaires de Lyon
P.U.R. : Presses universitaires de Rennes
R.H. : Revue historique
R.H.E.S. : Revue d’histoire économique et sociale
R.H.M.C. : Revue d’histoire moderne et contemporaine
458
TABLEAUX Tableau n°1. – p.70 Administration des trois municipalités de Lyon sous le Directoire Tableau n°2. – p.70 Maires et adjoints des trois mairies de Lyon sous le Consulat Tableau n°3. – p.73 Nombre de séances du conseil municipal sous le régime des trois mairies Tableau n°4. – p.75 Les conseillers municipaux de Lyon sous le régime des trois mairies Tableau n°5. – p.86 Nombre et présidence des séances du conseil municipal de Lyon du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815 Tableau n°6. – p.87 Les délégations de pouvoir du maire aux adjoints de 1808 à 1812 d’après les arrêtés du maire Tableau n°7. – p.99 Les commissions désignées en séance du conseil municipal sous le Premier Empire, du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815 Tableau n°8. – p.100 La participation des conseillers municipaux aux commissions sous le Premier Empire, du 23 septembre 1805 au 6 juillet 1815 Tableau n°9. – p.103 Assistance des séances du conseil municipal (1806-1813) Tableau n°10. – p.108 Organisation de l’administration municipale sous l’Empire Tableau n°11. – p.110 Le traitement des employés de l’administration municipale de Lyon, en 1807 Tableau n°12. – p.122 La composition de la municipalité lors de la mise en place de la mairie unique, vendémiaire an XIV Tableau n°13. – p.136 Les édiles et leur implantation à Lyon Tableau n°14. – p.153 Les édiles d’ascendance noble Tableau n°15. – p.158 Solidarités familiales entre édiles Tableau n°16. – p.161 Solidarités familiales : édiles et notables départementaux
459
Tableau n°17. – p.164 Le montant des contributions des édiles en l’an XIII Tableau n°18. – p.165 Les édiles acquéreurs de biens nationaux Tableau n°19. – p.173 Édiles et familles d’édiles à l’assemblée de la noblesse du baillage de la sénéchaussée de Lyon, en 1789 Tableau n°20. – p.178 Édiles membres des principales associations à but culturel de Lyon (1805-1815) Tableau n°21. – p.185 Édiles membres du cercle du commerce en 1811
Tableau n°22. – p.187 Édiles et épouses d’édiles membres du cercle de Bellecour en 1811 Tableau n°23. – p.200 Les édiles membres des loges maçonniques créées sous l’Empire Tableau n°24. – p.204 Les édiles membres du conseil général Tableau n°25. – p.206 Édiles nommés de thermidor an XIII à avril 1814 Tableau n°26. – p.207 Les édiles selon la catégorie socio-professionnelle (1805-1814) Tableau n°27. – p.223 La composition de la municipalité à la veille de la Première Restauration Tableau n°28. – p.237 La composition de la municipalité sous la Première Restauration Tableau n°29. – p.244 Refus d’appartenir à la municipalité Jars Tableau n°30. – p.247 La composition de la municipalité sous les Cent-jours Tableau n°31. – p.265 Les recettes ordinaires et leur évolution (1807-1815) Tableau n°32. – p.266 La structure des revenus de l’octroi Tableau n°33. – p.267 Le prix des fermes du poids public à Lyon en 1807 Tableau n°34. – p.269 Les principales recettes ordinaires, hors octroi, de 1807 à 1811
460
Tableau n°35. – p.270 Les recettes extraordinaires de 1807 à 1815 Tableau n°36. – p.275 Les dépenses inscrites au budget de la ville de Lyon de 1806 à 1815 Tableau n°37. – p.276 Montant global et moyenne des dépenses inscrites au budget de la ville de Lyon de 1807 à 1815 Tableau n°38. – p.278 Dépenses ordinaires et extraordinaires inscrites au budget de la ville de Lyon de 1807 à 1815 Tableau n°39. – p.279 Dépenses ordinaires : frais d’administration (1807-1813) Tableau n°40. – p.279 Dépenses ordinaires : police, salubrité, sûreté, grande et petite voirie (1807-1813) Tableau n°41. – p.279 Dépenses ordinaires : garde nationale, portiers de ville et corps de garde (1807-1813) Tableau n°42. – p.279 Dépenses ordinaires : travaux publics (1807-1813) Tableau n°43. – p.280 Dépenses ordinaires : secours publics (1807-1813) Tableau n°44. – p.280 Dépenses ordinaires : instruction publique (1807-1813) Tableau n°45. – p.280 Dépenses ordinaires : culte (1807-1813) Tableau n°46. – p.280 Dépenses ordinaires : Fêtes publiques et dépenses imprévues (1807-1813) Tableau n°47. – p.281 Montant global des dépenses extraordinaires inscrites au budget (1807-1813) Tableau n°48. – p.287 La dette municipale au 1er janvier 1807
461
FIGURES Figure n°1. – p.133 Lieux de naissance des édiles Figure n°2. – p.170 La composition de la municipalité par catégories socio-professionnelles
PLAN Plan n°1. – p.138 Les édiles selon leur domicile
462
INDEX
L’index ne comprend que les noms des personnes citées à l’exception de Napoléon et à l’exclusion
des noms d’historiens ou d’auteurs contemporains. Les noms indiqués en gras sont ceux des
individus du corpus.
463
A
Abrial, 59, 303
Agniel de Chênelette, 160
Albon, 62, 90, 93, 95, 96, 105, 133, 135, 136, 138,
139, 144, 145, 146, 148, 153, 154, 155, 157, 163,
165, 171, 178, 179, 191, 202, 203, 204, 206, 208,
212, 220, 223, 225, 226, 227, 228, 229, 230, 231,
232, 233, 234, 235, 236, 237, 242, 273, 274, 283,
292, 297, 312, 345, 362, 364, 367, 375, 416
Allard, 57
Allemand, 70
Anthoine, 120
Argenson, 66
Arlès, 56, 75, 86, 92, 100, 104, 123, 133, 135, 136,
138, 143, 144, 155, 158, 178, 179, 206, 223, 237,
375
Arthaud de la Ferrière, 75, 100, 123, 133, 136,
138, 148, 153, 157, 158, 163, 164, 165, 166, 177,
178, 185, 206, 214, 215, 223, 231, 237, 348, 357,
361, 365, 366, 379
Artois, 228
Assier de la Chassagne, 72, 75, 86, 98, 100, 102,
104, 123, 133, 136, 138, 139, 146, 153, 154, 157,
158, 161, 163, 164, 166, 173, 177, 178, 179, 185,
186, 187, 206, 223, 291, 300
Autichamp, 229
Aynard, 56, 100, 123, 133, 136, 138, 178, 179, 185,
201, 206, 208, 223, 237, 242, 247
B
Bagnion, 70
Ballanche, 137, 176, 183, 194
Balthazard, 75
Barudel, 109
Baudeau, 65
Bellet de Tavernost, 161
Berlié, 159
Bernard-Charpieux, 56, 70, 87, 88, 89, 92, 119,
122, 133, 136, 138, 140, 163, 164, 206, 220, 342,
369
Bernat, 100, 133, 136, 138, 163, 164, 165, 201,
206, 221, 223, 335, 378
Berthelet, 70
Bertholon, 75
Bertrand, 50, 51, 70, 326, 338
Biard, 109
Billoud, 108, 109
Blanc, 69, 197
Bodin, 100, 136, 138, 140, 164, 169, 185, 190, 206,
221, 223, 237, 291, 299, 383, 386, 387
Boissy d’Anglas, 148
Bona de Pérex, 133, 136, 138, 139, 153, 158, 164,
173, 187, 190, 203, 204, 231, 237, 239, 240
Bondy (Taillepied de), 59, 61, 62, 93, 145, 148, 149,
162, 176, 177, 182, 191, 202, 215, 225, 226, 227,
230, 231, 232, 233, 252, 276, 289, 291, 292, 297,
303, 331, 345, 364, 375, 378, 389
Bontoux, 133, 136, 138, 140, 143, 145, 158, 159,
163, 164, 165, 168, 175, 185, 186, 191, 200, 247,
252, 255, 367
Bossu, 70
Bottu de Lima, 133, 136, 138, 139, 153, 155, 158,
173, 190, 237, 239
Boulard de Gatellier, 61, 75, 100, 102, 123, 133,
136, 138, 139, 153, 158, 160, 161, 164, 173, 178,
187, 188, 202, 203, 204, 206, 223, 227, 228, 229,
238, 254, 286, 341, 348, 357
Bousquet, 75
Bréghot du Lut, 194
Bruyset, 70, 75, 117, 161, 179
Bubna, 254
Buffard, 244
Bureaux de Pusy, 120
C
Cadier, 70
Caillat, 159
Calonne, 34, 53, 65, 66, 67
Caminet, 75
Cayre, 69
Cazenove, 88, 89, 90, 93, 95, 96, 132, 133, 136,
138, 153, 154, 158, 159, 160, 163, 165, 169, 178,
185, 186, 190, 191, 206, 219, 223, 379
Cellard du Sordet, 160
Chabrol, 162, 236, 243, 254, 255
Chalier, 47, 48, 76, 240
Champagny, 179, 361
Champanhet, 56, 75, 86, 87, 88, 89, 92, 93, 95, 96,
100, 113, 123, 136, 138,163, 185, 186, 191, 202,
206, 207, 223, 247, 255, 320, 348
Changeux, 109
Chaptal, 338, 380
Chapuy, 69
Charcot, 109
Charles VIII, 30
Charles X, 241
Charrasson, 56, 75, 87, 91, 100, 123, 163, 175,
185, 200, 206, 224, 238, 247, 386
Charrier de Grigny, 155, 161, 231
Charrier de Senneville, 56, 86, 87, 88, 89, 90, 92,
93, 95, 96, 100, 101, 122, 133, 136, 138, 139,
148, 155, 161, 164, 170, 178, 185, 187, 191, 202,
204, 206, 223, 226, 227, 232, 299, 301, 312, 320,
355, 362
Chatillon de Chaponay, 100, 133, 136, 138, 153,
171, 187, 206, 224
Chevrillon, 70, 75
Chinard, 141, 242, 373
464
Chirat, 56, 69, 75, 100, 102, 123, 133, 136, 138,
140, 148, 153, 159, 161, 163, 169, 171, 173, 175,
190, 204, 206, 220, 272, 323, 365, 369, 382
Clarke, 366
Clavière, 161
Cochard, 100, 133, 136, 138, 145, 163, 164, 165,
178, 181, 201, 236, 247, 364, 367, 370
Cochet, 242
Coillet, 337, 338
Collier, 108
Condé, 229, 236
Corcelette, 239
Costerisan, 69
Cotton, 70
Couderc, 179
Courbon de Montviol, 133, 136, 138, 153, 173,
187, 188, 190, 200, 238, 239, 240
Couthon, 326
Cozon, 75
Crétet, 93, 94
Crevant, 230
Curten, 347, 348
D
D’Arnal, 75, 155, 169
Defarge, 53, 56, 120, 299, 315, 316
Delandine, 141, 143, 332, 372
Delpierre, 73
Dervieux, 75, 87, 100, 123, 136, 138, 140, 164,
165, 168, 190, 202, 206, 207, 386
Desprez, 75, 100,123, 133, 136, 138, 140, 145,
154, 159, 164, 165, 172, 185, 203, 204, 206, 224,
244, 291, 299
Devillas-Boissière, 56, 75, 100, 123, 133, 136,
138, 140, 155, 158, 159, 164, 165, 169, 171, 174,
185, 191, 201, 206, 214, 220, 348, 366, 386
Dian, 75
Drivet, 70
Dubois, 56, 73
Dubost, 329, 331
Dugas-Montbel, 194
Dujast d’Ambérieux, 75, 86, 123, 100,133, 136,
138, 153, 158, 164, 178, 206, 224, 238
Dupont de Nemours, 65, 66
Dupoux, 109
Durand-Pavy, 75
E
Émery, 50
Espinay, 172
Évesque, 100, 133, 135, 136, 138, 155, 185, 191,
247
Eynard, 244, 245
F
Falsan, 100, 133, 136, 138, 159, 169, 201, 206,
221, 224
Fargues (Mallet de), 86, 133, 136, 138, 153, 158,
187, 190, 234, 236, 237, 239, 240, 243, 255
Fay de Sathonay, 10, 56, 58, 59, 61, 62, 63, 84,
85, 89, 90, 91, 93, 95, 97, 103, 114, 120, 121,
122, 133, 136, 138, 139, 148, 153, 154, 158, 164,
173, 178, 179, 180, 181, 182, 184, 185, 187, 190,
199, 200, 202, 203, 204, 206, 208, 212, 214, 220,
222, 225, 226, 230, 232, 236, 263, 272, 277, 283,
284, 285, 290, 296, 297, 298, 299, 303, 304, 305,
308, 309, 310, 311, 312, 313, 315, 317, 320, 323,
328, 329, 330, 333, 335, 336, 337, 342, 343, 344,
345, 347, 348, 349, 350, 353, 356, 360, 361, 362,
366, 367, 373, 375, 377, 379, 383, 384, 386, 387
Ferrier, 366
Fesch, 319, 340
Flacheron, 108, 343, 344
Florentin-Petit, 75
Fontaine, 342, 343, 348, 349
Fontanes, 372
Fouché, 50
Fournel, 136, 138,175, 190, 238, 244
Fournier, 73, 136, 138, 162, 247, 248
François d’Autriche, 227
Frèrejean, 75, 100,133, 136, 138, 140, 148, 149,
150, 154, 165, 174, 190, 206, 224, 238, 247
Froment, 69
G
Gancel, 133, 135, 136, 138, 175, 245, 247, 252,
255
Gaudin, 117, 152, 329, 366, 388
Gay, 108, 330, 341, 373, 385, 387
Genest, 109
Gérando, 133, 136, 138, 153, 158, 173, 179, 190,
191, 220, 348, 361
Germain, 133, 136, 138, 175, 206
Gilibert, 200
Giraud, 159
Giraud de Saint-Try, 100, 133, 136, 138, 139, 142,
145, 153, 154, 155, 159, 161,164, 166, 173, 177,
178, 185, 186, 187, 191, 201, 202, 206,221, 224,
227, 228, 238, 244, 245, 247, 330, 377
Girod, 159
Giroud, 330
Gleyze, 70
Godinot, 133, 136, 138, 140, 157, 158, 185, 186,
190, 237
Grailhe de Montaima, 56, 100, 101, 102, 123, 136,
138, 153, 206, 214, 224, 238, 291, 330, 365, 366
Gros, 69
Guérin, 133, 136, 138, 140, 157, 158, 185, 190,
238
465
Guerre, 10, 100, 133, 136, 138, 140, 150, 164, 178,
181, 206, 221, 224, 254, 255, 273, 291, 318, 336,
341, 366, 378
Gui, 70
Guillaud, 75
Guillon, 133, 136, 138, 247
Guinet De Montverd, 156, 157
H
Henri IV, 22, 23, 24
Herbouville, 142, 162, 272, 276, 332, 344, 350, 371,
374, 375
Hervier, 56, 72, 75, 100, 124, 136, 138, 184, 206
Hodieu, 70, 107, 108, 200
Hotelard, 108, 329, 330, 331, 336
I
Imbert-Colomès, 51, 77, 326
J
Jacquard, 2, 382
Jantet Bruysset, 57
Jars, 62, 86, 133, 136, 137, 138, 147, 161, 170,
190, 203, 243, 244, 246, 247, 252, 254, 255
Jolyclerc, 70
Jordan, 133, 136, 138, 153, 158, 172, 187, 238,
239, 240, 361
Joséphine (impératrice), 141, 142, 332, 368
Joyard, 75
Jussieux de Montluel, 172
L
La Fage, 70
La Roue, 75, 100, 124, 133, 136, 138, 153, 161,
164, 173, 187, 188, 190, 206, 224, 238, 332
Lacour, 75
Lacroix-Laval, 133, 136, 138, 153, 158, 160, 161,
169, 173, 187, 190, 231, 237, 239, 240, 241
Lafaurie de Monbadon, 120
Lafauvelière, 75
Landoz, 75
Laporte, 50
Larue, 109
Laurencet, 70
Laurencin, 86, 88, 89, 91, 92, 93, 95, 96, 133, 136,
138, 139, 153, 157, 158, 161, 171, 178, 181, 187,
191, 200, 202, 206, 219, 221, 223, 226, 227, 230,
336, 347, 348
Laverdy, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 41, 46,
66, 116, 415
Leboeuf, 100, 133, 136, 138, 140, 175, 184, 200,
247
Leclerc de la Verpillière, 56, 75,100,124, 133, 136,
138, 139, 153, 156, 157, 164, 171, 173, 185, 186,
190, 206, 348
Lecourt, 133, 136, 138, 154, 164, 175, 190, 238
Lécuyer, 136, 138, 140, 159, 165, 185, 190, 238
Lemercier, 65
Leroi, 133, 136, 138, 140, 165, 168, 175, 190, 200,
247
Loménie de Brienne, 34
Lorin, 100, 133, 136, 138, 247
Louis XV, 22
Louis XVI, 22
Louis XVIII, 130, 135, 139, 157, 163, 172, 181, 204,
229, 233, 235, 236, 239, 240, 241, 243, 244, 245,
252, 265, 275, 276, 372
Loyer, 56, 75, 119, 124, 133, 136, 138, 206, 220,
342
M
Mallié, 136, 138, 238
Manin, 70
Marbot, 78
Margaron, 70
Marie-Louise (impératrice), 355, 362
Masson-Mongès, 100, 136, 138, 153, 191, 206,
224
Mauteville, 70
Mayeuvre de Champvieux, 75, 100, 119, 124, 133,
136, 138, 140, 153, 155, 164, 165, 172, 175, 178,
181, 191, 203, 204, 206, 212, 270, 284, 300, 371,
373
Mazard-Clavel, 75
Méaulle, 50
Mémo, 88, 136, 138, 190, 206, 220, 386
Merlat, 244
Metternich, 227
Meynis, 70
Micol, 75
Midey, 100, 133, 136, 138, 158, 185, 186, 191, 200,
247, 367
Mirabeau, 65
Mogniat de l’Écluse, 161
Monicault, 133, 136, 138, 144, 153, 158, 185, 187,
190, 191, 246, 248
Montalivet, 61, 93, 94, 117, 160, 169, 190, 215, 218,
225, 226, 227, 230, 231, 232, 233, 349, 360, 366
Montazet, 34
Montesquieu, 27
Montesquiou, 105
Montmartin, 133, 136, 138, 140, 165, 238, 244,
247, 248
Morand de Jouffrey, 75, 100, 133, 136, 138, 164,
165, 166, 173, 178, 190, 191, 203, 204, 206, 212,
224, 242, 244, 245
Morel de Rambion, 70, 72, 75, 100, 124, 133, 136,
138, 153, 154, 161, 164, 165,173, 190, 206, 224,
238, 248
Mottet de Gérando, 100, 133, 136, 138, 140, 158,
175, 178, 185, 190, 238, 248, 382, 388
Munet, 133, 136, 138, 158, 170, 190, 237
Myèvre, 75
466
N
Necker, 34
Neufchâteau, 77
Nivière, 40, 47, 100, 133, 136, 138, 154, 155, 158,
171, 185, 191, 200, 246, 248
Nivière-Chol, 40, 47, 154
Noël, 73, 150
Nolhac, 46, 133, 136, 138, 139, 153, 158, 161, 163,
165, 166, 173, 237, 239
Noyel, 161
O
Olivier, 13, 82, 168, 172, 229
P
Palerne de Savy, 46, 326
Palhion, 109
Parent, 56, 70, 72, 92, 122, 133, 138, 158, 163,
164, 165, 185, 191, 201, 206, 220, 248, 346, 373
Parmentier, 195
Passerat de la Chapelle, 133, 136, 138, 153, 160,
173, 204, 246, 255
Péclet, 133, 136, 138, 165, 185, 206, 212, 224
Peilleux, 342
Peillon-Souchon, 244
Pernon, 56, 87, 92, 122, 133, 136, 138, 140, 148,
151, 153, 154, 169, 173, 174, 175, 178, 179, 190,
203, 204, 206, 220, 373
Perret, 52, 133, 136, 138, 171, 190, 238
Perrier, 109
Petit, 56, 75, 100, 102, 124, 133, 136, 138, 140,
177, 178, 181, 206, 208, 212, 220, 338, 339, 354,
358, 373
Pine, 70
Pons de l'Hérault, 243, 249, 250, 254, 255
Ponthus-Cinier, 70, 108
Précy, 242, 245
Q
Quatrefages de la Roquette, 329
Quinette, 77
R
Rambaud, 70, 100, 133, 136, 138, 139, 148, 153,
158, 160, 164, 165, 173, 178, 190, 191, 201, 203,
204, 206, 212, 221, 224, 246, 248
Rambaud-Brosse, 70
Ravier, 56, 75, 124, 133, 136, 138, 140, 163, 164,
165, 206, 220
Regny fils, 56, 75, 86, 122, 133, 136, 138, 154,
157, 158, 161, 164, 175, 185, 206, 212, 220, 262,
346,
Regny père, 100, 133, 136, 138, 140, 154, 157,
158, 161, 173, 175, 178, 179, 185, 201, 203, 204,
238, 246, 248, 299, 373, 383, 388
Rétié, 70, 108 Reverony, 70
Rey-Giraud, 330
Reyne-Fittler, 100, 132, 133, 136, 138, 140, 175,
185, 248
Ribié, 378, 379
Ricard, 52
Richard, 7, 70, 108, 109
Riverieulx de Varax, 56, 75, 96, 100, 124, 133,
135, 136, 138, 139, 153, 157, 158, 160, 161, 163,
165, 173, 178, 179, 190, 202, 206, 207, 219, 223
Rivoire, 56, 72, 75, 124, 133, 136, 138, 140, 178,
185, 206, 220
Robin d’Orliénas, 161
Roche des Escures, 133, 136, 138, 153, 186, 187,
238, 239
Roederer, 58, 64
Roland, 3, 10, 40, 44, 46, 47, 51, 77, 369, 370, 373
Rosier de Magneux, 75, 100, 124, 134, 133, 136,
138, 148, 153, 162, 164, 165, 173, 185, 191, 204,
206, 220, 365, 377
Rosset, 75
Rousset, 70
Ruolz, 100, 133, 136, 138, 139, 153, 173, 178, 206,
224, 238, 291, 325, 344
S
Sain-Rousset, 55, 56, 70, 86, 87, 88, 89, 91, 92,
96, 105, 120, 122, 133, 136, 138, 144, 148, 153,
164, 173, 177, 178, 182, 190, 191, 202, 206, 223,
225, 226, 230, 232, 235, 237, 246, 247, 300, 311,
320, 332, 336, 357, 358, 359, 362, 367
Salamon, 51, 68
Saunier, 141
Saulnier, 100, 133, 136, 138, 165, 248
Savaron, 75
Sériziat, 100, 133, 136, 137, 138, 154, 156, 163,
164, 165,166, 172, 174, 200, 201, 206, 212, 214,
224, 248, 366, 367
Servan, 100, 133, 136, 138, 153, 173, 175, 186,
235, 238, 248
239
Sudan, 108
T
Taine, 42
Terray, 33
Terret, 75, 179, 180
Teste, 250
Thibaudeau, 79
Thibière, 327, 330
Thouret, 42
Thoy, 133, 136, 138, 153, 187, 238, 239
467
Tolozan, 326
Tournilhon, 75
Turgot, 66
V
Vernay, 109, 136, 159, 161, 163
Verninac, 176, 180, 294, 324, 343
Viennois, 147, 155, 157, 230
Villeroy, 25
Vincent de Saint-Bonnet, 133, 136, 138, 140, 153,
158, 173, 185, 238, 239
Vincent de Vaugelas, 133, 136, 138, 153, 158,
237, 239, 244
Vitet, 46, 47, 80, 107, 117, 200, 326
Vouty de la Tour, 86, 100, 133, 136, 138, 140, 148,
153, 157, 158, 162, 163, 164, 173, 178, 181, 190,
191, 203, 204, 206, 214, 221, 224,246, 248, 252,
291, 357, 366, 367, 373
W
Weguelin, 155
469
INTRODUCTION ................................................................................................................... 1
PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE INSTITUTIONNEL ET RÉGLEMENTAIRE ET LE
FONCTIONNEMENT DE LA MUNICIPALITÉ ......................................................................18
SECTION 1. UN MOUVEMENT ANCIEN DE CENTRALISATION .....................................................22
1. La perte d’autonomie de la municipalité lyonnaise sous l’Ancien régime
s’accompagne de la déliquescence du lien politique .....................................................22
1.1. L’Édit de Chauny inaugure une période de centralisation et d’isolement des
administrateurs ..........................................................................................................23
1.2. La réforme Laverdy : un pas vers l’uniformisation ...........................................26
1.3. À la veille de la Révolution : le lien politique est défait .....................................33
2. À la faveur de la Révolution, la centralisation, l’uniformisation et la distance
séparant les administrés des administrateurs s’accroissent ..........................................38
2.1. 1789 : naissance d’un cadre durablement uniforme ........................................38
2.2. 1789 : un premier élan décentralisateur timide ................................................42
2.3. La Révolution centralisatrice ...........................................................................46
SECTION 2. L’ORGANISATION NAPOLEONIENNE .....................................................................53
1. L’installation de la mairie unique : dans l’esprit de la réorganisation consulaire ......53
1.1. Parachever l’œuvre du Consulat .....................................................................54
1.1.1. Le maire est avant tout un agent du pouvoir central .....................................57
1.1.2. Un champ de compétences relativement élargi ...........................................58
1.1.3. La question de la reconnaissance de la fonction du maire ...........................59
1.1.4. Le conseil municipal limité à une fonction délibérative .................................62
1.2. L’influence des physiocrates ...........................................................................64
2. L’institution de la mairie unique est vécue comme une double rupture ...................67
2.1. Première rupture : avec la division en trois arrondissements ...........................68
2.2. Seconde rupture : avec le mouvement d’érosion de la puissance et de perte
d’identité de la ville ....................................................................................................76
3. La solution impériale ..............................................................................................79
3.1. La mairie unique sous le Premier Empire ou l’accomplissement de la
centralisation .............................................................................................................81
3.1.1. Une administration étroitement subordonnée ...............................................81
3.1.2. L’organisation du travail des édiles ..............................................................83
3.1.2.1. Le maire et ses indispensables adjoints .................................................84
3.1.2.2. Les délégations de pouvoir : un enjeu important .....................................91
3.1.3. Le développement corollaire de la bureaucratie ......................................... 105
3.2. La mairie unique sous le Premier Empire ou la revivification du pacte local .. 111
3.2.1. Une autorité publique restaurée ................................................................. 111
3.2.2. Des édiles visibles et une administration accessible au service d’une
municipalité protectrice ......................................................................................... 113
3.2.3. Des édiles désignés sur la base de la notabilité ......................................... 115
DEUXIÈME PARTIE : LES ÉDILES, PROMOTEURS DU RÉGIME IMPÉRIAL ................ 127
SECTION 1. LA SPHERE PRIVEE COMME FONDEMENT DE L’INSERTION SOCIALE ...................... 131
1. La géographie des édiles ..................................................................................... 131
1.1. L’origine géographique des édiles ................................................................. 132
1.1.1. Les lieux de naissance .............................................................................. 132
1.1.2. Des individus très intégrés à Lyon ............................................................. 134
470
1.2. La géographie des lieux de vie ...................................................................... 137
1.2.1. La répartition des domiciles ....................................................................... 137
1.2.2. Les édiles entre ville et campagne ............................................................. 144
1.3. Lieux d’activité et horizons géographiques .................................................... 146
2. Les édiles dans leurs familles ............................................................................... 151
2.1. Ascendances................................................................................................. 152
2.2. Mariage, célibat, divorce et taille des familles ................................................ 154
2.3. Solidarités familiales...................................................................................... 156
3. La fortune ............................................................................................................. 161
SECTION 2. L’IMPLICATION SOCIALE ................................................................................... 167
1. Les notables font les édiles .................................................................................. 167
1.1. Patriciens et riches négociants dominent ...................................................... 168
1.2. Des hommes compétents .............................................................................. 171
1.3. Des hommes en vue ..................................................................................... 173
2. La participation des édiles au renouveau de la sociabilité élitaire ......................... 175
2.1. La reprise de l’activité académique ............................................................... 176
2.2. La sociabilité des cercles .............................................................................. 182
2.3. La philanthropie édilitaire .............................................................................. 189
3. Les édiles participent à la politique de fusion et à ses limites ............................... 192
3.1. La fonction d’intégration des associations ..................................................... 192
3.2. La franc-maçonnerie : un rendez-vous manqué ? ......................................... 196
3.3. Les institutions municipales au centre de solidarités politiques ..................... 201
SECTION 3. LES EDILES FACE AUX EVOLUTIONS DU REGIME IMPERIAL ................................... 205
1. 1805 – 1814 : la fusion à l’œuvre, au service du régime impérial ......................... 205
1.1. La politique napoléonienne de recrutement assure la fusion et transcende les
clivages.................................................................................................................... 207
1.1.1. Le ciment de caractéristiques communes .................................................. 207
1.1.2. « L’opinion lyonnaise » est fédérative ........................................................ 209
1.1.3. Légitimité et attractivité du système napoléonien ....................................... 213
1.2. Renouvellement ou restauration ? ................................................................. 216
1.2.1. Les modalités de renouvellement .............................................................. 216
1.2.2. Tenir l’ambition de fusion ........................................................................... 219
1.2.3. La nomination emblématique du maire d’Albon ......................................... 224
2. 1815 : l’année paradoxale .................................................................................... 233
2.1. La Restauration continue l’Empire ................................................................. 234
2.1.1. L’équilibre global est conservé ................................................................... 235
2.1.2. L’appel aux anciennes familles est relativement modéré mais il signifie à
terme la rupture .................................................................................................... 239
2.2. Les Cent-jours : la restauration de l’affrontement .......................................... 243
2.2.1. Le retour du clivage fondamental ............................................................... 243
2.2.2. L’échec de la solution impériale ................................................................. 249
TROISIÈME PARTIE : L’AMBITION EMPÊCHÉE ............................................................. 258
SECTION 1. LA CONTRAINTE FINANCIERE ............................................................................ 260
1. Le strict cadre juridique de la pratique budgétaire ................................................ 260
2. Les recettes et leur évolution ................................................................................ 264
2.1. Les recettes ordinaires .................................................................................. 264
2.2. Les recettes extraordinaires ........................................................................ 2699
471
2.3. Les régimes de l’octroi : un enjeu politique ................................................ 27070
3. Les dépenses ....................................................................................................... 274
3.1. L’évolution globale des dépenses sous le Premier Empire ............................ 275
3.2. La structure des dépenses ............................................................................ 277
4. Les budgets lyonnais ............................................................................................ 281
4.1. À la recherche de l’équilibre .......................................................................... 282
4.2. Au-delà du budget : une politique d’investissement ....................................... 284
4.3. La question de la dette .................................................................................. 286
SECTION 2. L’ACTION D’UNE MUNICIPALITE PROTECTRICE .................................................... 289
1. Assurer les subsistances ...................................................................................... 289
2. L’assistance ......................................................................................................... 294
3. La sécurité : une politique volontariste.................................................................. 302
3.1. Les pouvoirs de police : un enjeu majeur ...................................................... 302
3.1.1. L’érosion des prérogatives du maire .......................................................... 304
3.1.2. Une exception lyonnaise : l’audience de police municipale ........................ 306
3.2. Le maire dote la ville d’outils réformés .......................................................... 307
3.2.1. L’organisation de la police municipale et l’adjonction d’un corps de
surveillants ........................................................................................................... 309
3.2.2. Le corps des pompiers et la lutte contre l’incendie ..................................... 311
3.3. Une action élargie ......................................................................................... 311
3.3.1. Le combat moral ........................................................................................ 313
4. Les affaires militaires ............................................................................................ 315
5. Les relations avec les Églises .............................................................................. 318
SECTION 3. DES PROJETS D’URBANISME AMBITIEUX SOUMIS AU BON VOULOIR IMPERIAL ........ 322
1. Relever la ville ...................................................................................................... 322
1.1. Le pont de Tilsitt et l’hôtel de ville .................................................................. 323
1.2. Les « façades » : un enjeu majeur ................................................................. 326
1.3. Une réussite difficile ...................................................................................... 328
2. Aménager la ville .................................................................................................. 332
2.1. Maîtriser et utiliser la Saône et le Rhône ....................................................... 332
2.2. Améliorer la voirie ......................................................................................... 333
2.3. Les cimetières ............................................................................................... 338
2.4. Les fontaines ................................................................................................. 342
3. Élever Lyon parmi les villes de l’empire : le palais impérial ................................... 346
SECTION 4. SE PENSER DANS LE SYSTEME IMPERIAL ........................................................... 353
1. Devenir un acteur reconnu ................................................................................... 353
1.1. Les formes et les fonctions de l’éloge ............................................................ 353
1.1.1. Les « actions de grâce » ............................................................................ 354
1.1.2. Les fêtes officielles .................................................................................... 356
1.2. La promotion de la ville ................................................................................. 360
1.2.1. Parler de Lyon à Paris ............................................................................... 362
1.2.2. Le rôle des députations ............................................................................. 366
2. Développer les fonctions d’une métropole ............................................................ 369
2.1. Le rayonnement culturel ................................................................................ 370
2.1.1. L’action de la municipalité pour l’enseignement scolaire ............................ 370
2.1.2. La difficile promotion de l’enseignement supérieur à Lyon ......................... 370
2.1.3. L’école d’équitation .................................................................................... 373
2.1.4. L’échec du projet d’un théâtre municipal .................................................... 376
472
2.1.5. Le financement des associations ............................................................... 378
2.2. Le rayonnement et la prospérité économiques .............................................. 380
2.2.1. L’influence des élites économiques lyonnaises .......................................... 381
2.2.2. Lyon, centre économique : les établissements commerciaux ..................... 385
2.2.3. Le poids de la conjoncture ......................................................................... 389
CONCLUSION ................................................................................................................... 394
BIBLIOGRAPHIE ET SOURCES ....................................................................................... 401
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS .......................................................................... 455
TABLEAUX, PLAN ET FIGURES ...................................................................................... 457
INDEX ................................................................................................................................ 462
TABLE DES MATIÈRES .................................................................................................... 468