auditions eau rapport

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   BERNARD ROUSSEAU, ancien président de France Nature Environnement, 3 administrateur responsab le du pôle eau  HENRI SMETS, membre de l’Académie de l’eau et président de l’ADEDE 14  P  AUL RAOULT, sénateur, maire de Le Quesnoy, président du SIDEN-SIAN 23   A NNE LE STRAT, présidente d’ « Eau de Paris » et de « Aqua Publica Europa » 26   J  ACQUES TCHENG, directeur de la Régie des Eaux de Grenoble 32  P  ASCAL POPELIN, vice-prési dent du SEDIF et Président des Grands lacs de Seine 46  P  ATRICE GARIN, CEMAGREF Montpellier 51  PIERRE ETCHART, président d'AGUR et président de la Fédération des distribut eurs d'eau indépendants 63  LOÏC FAUCHON, président du Conseil Mondial de l'Eau, président de la Société des Eaux de Marseille 66  GUY PUSTELNIK , directeur d’EPIDOR (EPTB Dordogne) 74  DOMINIQUE LORRAIN, directeur de recherche au CNRS 83  GERMINAL PEIRO, député, secr étaire national aux territoir es ruraux, l'agricu lture et la mer 92  UFC- Q UE CHOISIR, Daniel Bideau et Grégory Caret 98  NOTE SUR L  A FNCCR - Fédération nationale les collectivités concédantes et régies – 107  M  ARGUERITE CULOT, collaboratrice au groupe socialist e de l’Assemblée nationale 113 LABORATOIRE DES IDÉES Groupe "Eau, les bonnes pratiques"  Animé par Jérôme Roye r Rapporteur Marc Laimé Coordinatrice Anne de Hauteclocque Près d’une cinquantaine d’auditions et de contributions  ont alimenté le rapport : « l’Eau, Bien Public, Bien commun – pour une gestion démocratique et durable ». Nous en publions une partie, avec l’accord de leur auteur.

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 •  BERNARD ROUSSEAU, ancien président de France Nature Environnement, 3

administrateur responsable du pôle eau

•  HENRI SMETS, membre de l’Académie de l’eau et président de l’ADEDE 14

•  P AUL RAOULT, sénateur, maire de Le Quesnoy, président du SIDEN-SIAN 23

•   A NNE LE STRAT, présidente d’ « Eau de Paris » et de « Aqua Publica Europa » 26

•  J

 ACQUESTCHENG, directeur de la Régie des Eaux de Grenoble 32

•  P ASCAL POPELIN, vice-président du SEDIF et Président des Grands lacs de Seine 46

•  P ATRICE GARIN, CEMAGREF Montpellier 51

•  PIERRE ETCHART, président d'AGUR et président de la Fédération des distributeursd'eau indépendants 63

•  LOÏC FAUCHON, président du Conseil Mondial de l'Eau, président de la Société des Eauxde Marseille 66

•  GUY PUSTELNIK , directeur d’EPIDOR (EPTB Dordogne) 74

•  DOMINIQUE LORRAIN, directeur de recherche au CNRS  83

•  GERMINAL PEIRO, député, secrétaire national aux territoires ruraux, l'agriculture et la mer 92

•  UFC- Q UE CHOISIR, Daniel Bideau et Grégory Caret 98

•  NOTE SUR L A FNCCR - Fédération nationale les collectivités concédantes et régies – 107

•  M ARGUERITE CULOT, collaboratrice au groupe socialiste de l’Assemblée nationale 113

LABORATOIRE DES IDÉES

Groupe "Eau, les bonnes pratiques" Animé par Jérôme RoyerRapporteur Marc LaiméCoordinatrice Anne de Hauteclocque

Près d’une cinquantaine d’auditions et de contributions ont alimenté lerapport : « l’Eau, Bien Public, Bien commun – pour une gestion démocratique et durable ».Nous en publions une partie, avec l’accord de leur auteur.

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2Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

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3Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

11 janvier 2010

Audition de Bernard ROUSSEAU, ancien président de France Nature Environnement,administrateur responsable du pôle eau à la FNE

Lab :   La gestion de l’eau en France affronte depuis plusieurs années de considérables défis

environnementaux, techniques, organisationnels et financiers. Cela fait 40 ans que vous suivez 

ces questions : où en sommes-nous aujourd’hui avec les obligations et les contraintes ? Comment 

analysez-vous la situation de la qualité de la ressource ? Les manques, les failles en matière

législative et réglementaire ? Qu’est-il impératif de faire pour être à la hauteur des enjeux ?

Qu’est-il indispensable de corriger, promouvoir dans les années qui viennent pour éviter la

catastrophe écologique majeure qui s’annonce ?

Bernard Rousseau : Pour éviter la catastrophe majeure qui s’annonce dans le domaine de l’eau,existe-t-il une solution proprement liée à l’eau ? Dans un contexte économique mondialisé, est-ceque l’on peut trouver des solutions seulement nationales ?

Il y a quinze, vingt ans, j’aurais dit oui. Aujourd’hui, je ne pense pas que l’on puisse générer unesolution sans procéder à la mise en cause d’un certain nombre de politiques économiques et de  pratiques qui concernent la question agricole notamment, et ceci pour les raisons suivantes.L’activité agricole impacte 60% du territoire national et donc, au travers de ses pratiques,influence fortement le cycle de l’eau et les milieux aquatiques. Avec les traitements chimiques, lasurface agricole est devenue le réceptacle de la chimie industrielle. Les pollutions sont diffuses,donc impossibles à contenir, les prélèvements d’eau sont considérables, ils impactent fortement

les milieux dans les périodes de fragilité. Dans la lutte contre les pollutions urbaines etindustrielles, la situation générale est bien plus satisfaisante, mais ce problème est plus facile àtraiter car les causes de la dégradation de la qualité de l’eau sont ponctuelles.

L’évolution de la qualité de l’eau brute, celle qui est présente dans les milieux naturelsaquatiques ou dans les nappes souterraines, peut s’apprécier de différentes manières :

-> En suivant les indicateurs de potabilisation de l’eau brute, on constate que le niveau desophistication des traitements augmente toujours, ou encore que le nombre de captagesabandonnés pour cause de trop fortes pollutions, augmente lui aussi.

-> En observant l’évolution des indicateurs biologiques qui traduisent l’état du milieu, onconstate la chute de la biodiversité dans tous les milieux aquatiques. Il y a peu d’exemplesd’endroits où l’on ait inversé cette tendance. Le lac d’Annecy est souvent cité en exemple. Vers1960 on avait constaté que le lac perdait sa transparence du fait de l’eutrophisation de ses eaux,enrichies en éléments nutritifs.

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Sous l’effet de cette pollution, les populations d’ombles chevaliers et de lavarets, espècesemblématiques des lacs glaciaires, se sont raréfiées au profit d’espèces moins exigeantes, commela truite dans un premier temps, puis le brochet, puis la carpe…Pour inverser cette tendance,différentes mesures ont été mises en œuvre.

•  Autour du lac un collecteur d’eaux usées a été construit, après traitement, cette eau a été

renvoyée dans la rivière le Fier qui lui évidemment a été affecté.•  Sur les flancs d’alimentation du lac, les habitants ont été encouragés à réduire ou à

supprimer l’utilisation des engrais dans les jardins, même chose pour les agriculteurs etles éleveurs. Un travail très pédagogique s’est développé sur 40 ans, conduisant à la miseen place d’une véritable politique de bassin versant. En agissant de la sorte, on a réussi àfaire régresser l’eutrophisation des eaux du lac, les ombles chevaliers et les lavarets sontrevenus….mais les pêcheurs de carpes et de brochets en ont été frustrés.

C’est à peu près le seul exemple de grande ampleur où l’on voit une reconquête du milieu par desactions concertées impliquant les habitants.

Mais ce bon état n’a duré qu’un temps car, en 2002, les 1 100 millions de m3

du lac, volumeconsidérable, ont été vidangés pour l’assainir, et on a ainsi récupéré des montagnes d’ordures detoutes sortes ce qui n’a pas empêché que du PCB soit détecté en 2008 dans les poissons lesrendant impropres à la consommation. Leçon de cette histoire : dans un contexte de dégradationgénéralisé, il est bien difficile de maintenir un îlot de bonne qualité, surtout quand la loi du business domine tout. Indépendamment de ce cas particulier, dans de très nombreux endroits, lesindicateurs physico-chimiques, chimiques, physiques indiquent que la qualité de l’eau se dégrade.

Globalement la qualité de l’eau est soumise à deux tendances.

- D’un côté les pollutions urbaines et industrielles régressent. A cela, plusieurs raisons :o  au niveau urbain, les progrès sont très importants : les stations d’épuration deseaux usées ont des rendements épuratoires qui peuvent atteindre 90 % sur tous les  paramètres classiques. La police des réseaux s’organise, on les modernise, onretraite de mieux en mieux et les directives européennes (ERU) nous ycontraignent même encore plus si nous agissons avec retard.

o  au niveau industriel, les technologies de production progressent : les processus onttrès souvent été modifiés en amont, de manière à réduire les rejets, des progrès ontété faits aussi au niveau des traitements curatifs. Evidemment il existe des contre-exemples. En plus certaines industries se sont délocalisées dans d’autres pays : onva polluer plus loin.

- Toutes ces actions concourent à réduire les pollutions ponctuelles, mais ce mieux, qui apparaît àtravers un certain nombre d’indicateurs, est neutralisé et dégradé, par l’activité agricole. Lesengrais sont utilisés en grande quantité pour prévenir les aléas climatiques et assurer desrendements élevés. L’utilisation des nitrates est massive, étant fortement solubles, ils seretrouvent dans les eaux à des concentrations importantes. Ils sont responsables des marées vertesen Bretagne, ils contaminent la nappe de Beauce à des niveaux élevés et les rivières qui lavidangent transportent des taux qui peuvent être supérieurs à 100mg/l de nitrates.

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Il faut savoir qu’une rivière en bon état, non perturbée par l’action humaine, génère une eau dequalité, acceptable pour la vie humaine et aquatique, ne contenant pas plus d’une dizaine demilligrammes de nitrates par litre. Dans les eaux de nappe, on ne devrait pas dépasser quelquesmg/l.Les nitrates augmentent, les phosphates semblent se stabiliser, mais les quantités accumuléesdans les sédiments et les sols sont tellement importantes que l’eutrophisation reste forte. Les  phytosanitaires et les transformations physiques complètent la dégradation générale des eauxd’où l’appauvrissement biologique des milieux.

Même dans le Massif Central, ou le plateau de Langres, pourtant réputés pour la pureté de leurseaux, la qualité biologique régresse, ce que l’on peut observer quand on connaît ces lieux depuislongtemps, mais ce sera difficile à faire par les plus jeunes qui manquent souvent de point deréférence scientifique par rapport à l’état initial des milieux.Cette difficulté est d’autant plus grande à surmonter que les sciences de la nature ont été assezsinistrées, notamment dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques. Aujourd’hui lesspécialistes de l’eau, capables de porter un diagnostic solide, sont très peu nombreux.

Depuis longtemps, on sait que les parties des fleuves qui correspondent aux zones sédimentairessont fortement impactées par les pollutions, la traduction biologique de cet état est la raréfactiondu brochet, espèce exigeante et emblématique de ces zones. Mais l’on observe maintenant, queles parties supérieures des bassins se dégradent à leur tour, certaines comme les Alpes dans unemoindre mesure pour l’instant.La rivière le Bès, qui coule à la limite Cantal-Lozère entre 1 200/1 000 mètres d’altitude, estmaintenant dans les périodes estivales une rivière eutrophisée, ce qui était inenvisageable, neserait-ce qu’au cours des 20 années précédentes. On reste perplexe en cherchant les causes d’unetelle situation car cette zone est très peu peuplée. Mais il suffit qu’une activité se développe,

élevage hors sol notamment, avec épandages de lisier, pour que le milieu évolue défavorablementet perde une bonne partie de ses indicateurs de bonne qualité comme la truite fario par exemple :ce que l’on observe en effet.Dans le Massif Central, sur la Margeride ou l’Aubrac, on constate, et c’est nouveau, que leshauts plateaux sont cultivés selon des méthodes qui ressemblent fortement à celles qui ont étédéveloppées en Beauce : cultures céréalières adaptées à la montagne par sélection des espèces,fortes densités des semis, pailles courtes, pas d’herbes indésirables qui indique l’usage des phytosanitaires dans une recherche de rendements élevés incompatibles avec la préservation de laqualité de l’eau. Cela va même plus loin, la prairie est aujourd’hui source de pollution : oubliée la  prairie « naturelle de montagne », voici la prairie cultivée. On cultive de l’herbe comme on

cultive du blé, on injecte beaucoup d’énergie dans les sols et dans le machinisme qui permet derécupérer les végétaux. On essaie d’augmenter le nombre des récoltes dans des endroits qui nesont pas très favorables, comme l’Aubrac ou le plateau de la Colagne où l’on peut rencontrer desengins et des tracteurs énormes qui viennent récupérer, non pas du foin, mais de l’herbe broyéequi sera mise en ensilage. Tout cela crée une généralisation de pratiques qui ailleurs ont contribuétrès fortement à dégrader la qualité de l’eau. On peut craindre qu’il en sera de même dans ceszones : on en voit déjà les prémices.

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Tout ceci concourt à dégrader tout le système biologique dont on ne connaît pas toutes lessubtilités d’un point de vue scientifique. Nous sommes dans la contradiction entre la volonté de productivité et les exigences de préservation des qualités de l’eau.

Mais il faut nourrir les hommes. Comment faire ?Cette politique agricole qui dégrade la qualité de l’eau est souvent justifiée par la nécessité denourrir….le monde ! Ambition à relativiser fortement car la SAU nationale représente moins de1% de la SAU mondiale.

 Nourrir le monde pose le problème du type d’agriculture qu’il faudrait promouvoir pour atteindrecet objectif. Il n’est pas sûr que la finalité du système agricole actuel soit celui-là. L’agricultureest gouvernée par les rapports nord-sud, où le prix des céréales est fixé par Chicago et où les pays  pauvres sont souvent privés de leurs ressources vivrières : on est dans une logique del’exploitation des pays pauvres.

On est également confronté à une autre logique plus interne : le jeu des coopératives dans lavente, le business des engrais ou des produits phytosanitaires. Toute une chaîne d’intérêts, enFrance et au niveau de l’Europe, est alimentée par les subventions de la PAC, ce qui permet ausside faire fonctionner les entreprises de production, chimie, recherche, machinisme agricole agro-alimentaire. Il fallait 1 milliard de francs pour fabriquer une nouvelle molécule par exemple. Cetargent injecté dans ce secteur permet d’alimenter toute une chaîne d’acteurs économiques : lesVRP des entreprises, les VRP des coopératives qui n’encouragent pas à l’utilisation  parcimonieuse des intrants. Pour augmenter les bénéfices, tout acte qui peut conduire à uneréduction des quantités utilisées, n’est pas souhaitable économiquement et mérite d’êtrecombattu.

Et puis il y a tous les relais des chambres d’agriculture avec le poids de la culture productiviste :comme faire partie du club des plus de 100 quintaux à l’hectare ! Dans les orientations de la politique agricole, il faut aussi prendre en considération que les moyens financiers de la PAC, à peu près 80 %, vont à 20 % des agriculteurs en France, et c’est sans doute aussi vrai ailleurs enEurope. Avec la nouvelle PAC, la donne pourrait changer mais le syndicat des céréaliers pourraitne pas l’entendre de cette oreille.

Il existe un noyau dur qui a des moyens et un intérêt très fort.Ils sont capables de générer une idéologie productiviste, de combattre toutes les agricultures deréduction des intrants, style agriculture biologique, ce noyau dur défend les intérêts de la chaine

de ses intérêts.

Quand on dit que l’on va essayer de résoudre les problèmes de l’eau, on se retrouve confronté àun problème beaucoup plus vaste qui concerne notre modèle économique, notre mode de vie etses finalités : c’est donc un problème de société, éminemment politique.Le problème à résoudre peut se résumer de la sorte : comment effectuer la transition d’unsystème qui a complètement dérivé, vers un système moins catastrophique pour l’eau, la santé, etqui génère des emplois ?

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 L’exemple de la nappe de la Beauce est parlant :10 milliards de mètres cubes d’eau aux portes de Paris, même plus. La nappe c’est 9 000 km 2, unaquifère de 120 mètres de hauteur, avec un taux de porosité de 10 à 15 % en surface, de 3 à 4 %en profondeur… On a un taux de 100 à 130 mg de nitrates/litre et plus on est proche de lasurface, plus c’est élevé. On y abandonne des captages d’eau potable trop pollués. Quant auxsources périphériques qui vidangent cette nappe, on retrouve des 80 ou 90 jusqu’à 120 mg denitrates. En plaine de Beauce, les taux de nitrates ne cessent d’augmenter régulièrement depuis50 ans. On identifiait déjà 1 mg/l d’augmentation par an dans les années 1970, cela n’a paschangé, alors que l’on est en zone vulnérable et que des programmes d’action anti nitratesdevraient être mis en oeuvre…réellement. On calcule que les différents estuaires des fleuves deFrance transportent vers les mers un excédent de nitrates de 700 à 800 000 tonnes par an, dont75 % à responsabilité agricole ; les 25% restants étant à répartir entre les industries et les urbains,il faut savoir que les stations d’épuration ont des taux d’épuration de 90 % sur l’azote.

Ce que l’on peut voir également, ce sont les pollutions historiques : Pour apprécier l’état desmilieux, il faut aussi tenir compte de tout ce qui a été rejeté auparavant, qui n’était pasobligatoirement soluble dans l’eau et qui s’est stocké dans les sédiments : PCB, mercure,éléments métalliques…et que l’on trouve dans les boues, les vases de barrage (ex. barrage deVillerest, fleuron du bassin de la Loire, contaminé au PCB relativement récemment), ou encore lelac d’Annecy déjà évoqué, ou bien le Léman ou encore le Rhône.… On va découvrir denombreux éléments chimiques de cette nature, dans les estuaires notamment, et donc descontaminations touchant les moules, les huîtres, les anguilles, les poissons (poissons, indicateur fort de la directive cadre sur l’eau). Dans la baie de Seine, nous savons que les moules sontfortement contaminées.

Lab - Quelles solutions acceptables par tous ? Quelles propositions feriez-vous pour aider les

élus locaux à avoir les armes ? 

B.R. - Vous voulez dire : est-ce que je peux trouver des solutions à ma portée, localement, donc pas trop compliquées, qui permettent de résoudre les problèmes évoqués. Supposons que voussoyez élu d’un village situé en Beauce par exemple, et que vous distribuez une eau qui n’est pasconforme car contaminée par des nitrates et des pesticides (ces deux polluants étant souvent présents ensemble). Vous cherchez alors une solution concrète d’application rapide :

‐  vous envisagez d’approfondir votre captage car vous savez que l’eau est moins polluée en  profondeur. Mais vous êtes déjà au fond de la nappe, donc vous cherchez une autre

solution.‐  vous tentez d’interconnecter votre forage avec un forage voisin moins pollué, mais les

autres captages en proximité sont aussi pollués que le votre.Alors vous abandonnez votre captage, première perte financière. Ensuite il vous faudra trouver uncaptage ailleurs, bien plus loin, puis tirer des kms de canalisation, les financer alors que dans lemilieu rural les finances publiques ne sont guère florissantes. Deuxième perte financière, etinvestissements qui conduisent à l’augmentation des impôts locaux : à la prochaine élection vousne serez pas réélu !

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Scénario catastrophe. Vous ne trouvez pas de captage de remplacement, vous distribuez quandmême une eau non potable, vous êtes passible de la loi, le préfet fait pression sur vous, et lesassociations de consommateurs s’occupent de votre cas.

A l’inverse du territoire rural, la gestion de l’eau dans une grande ville prend une dimensiondifférente car les moyens financiers agglomérés sont bien plus importants et permettent d’agir  plus facilement.

Exemple : l’approvisionnement en eau de l’agglomération d’Orléans. Les captages principauxsont principalement alimentés par les pertes de la Loire à l’amont d’Orléans. L’eau pénètre dansle réseau karstique par l’intermédiaire de gouffres qui se forment dans le lit de la Loire, elle est  pompée à une quinzaine de mètres de profondeur et grossièrement filtrée par les sables et lesgraviers. Cette eau brute contient des contaminants et en particulier des produits phytosanitairesdont les concentrations augmentent. Un débat important s’est développé : faut-il aller chercher l’eau sous la forêt d’Orléans où elle est de bonne qualité, ou bien augmenter les traitements del’eau qui provient de la Loire ?

Sous la forêt d’Orléans, se trouve aussi la nappe de Beauce, mais elle est protégée par la forêt et par une importante épaisseur d’argile. C’est pour l’instant une eau de bonne qualité qui nécessitedes traitements légers, dont la composition est stable, il s’agissait alors de tirer un gros tuyau de30 km de long pour amener l’eau à Orléans : facile à dire, plus compliqué à faire !

En fin de compte, c’est la solution traitement de l’eau de la Loire qui a été retenue. Pour uninvestissement supplémentaire de 10,8 millions d’euros, l’ancienne usine de traitement a étémodernisée : grande augmentation des lits de charbon actif, renforcement de l’ozonisation,équipement d’une filtration par micro tubes biologiques développée par Lyonnaise des eaux…

C’est une démarche curative, coûteuse, aidée par l’Agence de l’eau, certainement efficace à cedétail près : que fera t- on si les concentrations en pesticides dans l’eau brute augmentent au-delàdes normes de potabilisation de l’eau ?

Pour éviter d’en arriver là, il faudrait réduire les quantités de produits phytosanitaires utilisés par les différents acteurs : agriculteurs, villes, entreprises, jardiniers du dimanche… etc. Mais cetexercice dépasse le cadre local : c’est un exercice qu’il faudrait conduire sur les milliers de km2 du bassin de la Loire ! Eventualité qui n’est envisageable que dans le cadre d’une réforme de la  politique agricole européenne, ce qui n’est pas à la portée de la volonté et des possibilitésd’action d’un élu local seul, mais du niveau de responsabilité des gouvernements. Le plan

Ecophyto 2018 pourrait y contribuer !

Dans une ville riche, avec des moyens techniques, il est possible de faire du curatif, et si besoinest de tirer une canalisation sous la forêt d’Orléans. Dans des petites villes ou des villages desopérations de même nature sont pratiquement impossibles et les habitants des zones rurales ensont souvent réduits à consommer parfois des eaux hors normes.

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Enfin si la qualité de l’eau brute continue à se dégrader, il n’y aura plus de solution curative pour   personne, les dernières réserves d’eau de bonne qualité seront de plus en plus convoitées :d’ailleurs ce mécanisme est déjà enclenché sous la forêt d’Orléans.La fourniture d’eau potable est une préoccupation forte des élus, leur responsabilité est engagée,c’est pourquoi ils sont souvent très attentifs à cette question, mais la politique de l’eau ne seréduit pas seulement à la fourniture d’eau potable : elle est beaucoup plus vaste, la DCE en traceles contours.

C’est pour cela que je disais tout à l’heure : il n’y a pas de solution exclusivement « eau » aux  problèmes de l’eau. Cela nous force à sortir des logiques exclusivement curatives pour nousconfronter aux causes de la crise de l’eau en portant notre regard sur notre mode de vie, sur l’organisation de la société, sur notre mode de consommation, sur les finalités de production, sur notre relation au travail.Ces questions interpellent l’ultra-libéralisme tel qu’il impose son mode de pensée, dans sesobjectifs et ses outrances. C’est un projet politique qu’il faudrait construire à l’échelle del’Europe… à l’échelle de la planète !

En matière de politique de l’eau, nous ne sommes pas inactifs, nous sommes dotés d’outils publics qui permettent d’agir, mais dans un cadre au contour fixé. Un dispositif domine tous lesautres, l’organisation en bassins hydrographiques où agissent les agences de l’eau, établissements publics de l’État.Instaurées par la loi sur l’eau de 1964, 6 agences de l’eau ont été créées en France métropolitaine,et depuis 2000 – 2003, quatre nouveaux établissements ont été installés dans les TOM.Typiquement, une agence de l’eau peut regrouper environ 500 agents comme en Seine- Normandie ou 300 comme en Loire Bretagne. Certains bassins sont plus petits comme Artois-Picardie.

L’Agence de l’Eau, c’est l’outil opérationnel à l’échelle d’un bassin avec des techniciens, desingénieurs, agents de l’état fonctionnaires et surtout contractuels. Le directeur de l’agence estnommé (et en règle générale n’échappe pas à la coloration politique du pays au moment de sanomination). Le conseil d’administration (CA) est doté d’un président, lui-même nommé par legouvernement.Le Comité de Bassin (CB), organe qui oriente la politique de l’eau et sur lequel s’appuiel’agence, comprend les représentants de 3 catégories d’acteurs sur le bassin :

‐  d’une part, les élus : ils ont un rôle important puisqu’ils représentent 40 % des membresdu Comité de bassin (nouvelle loi sur l’eau de décembre 2006)

‐  d’autre part les représentants du monde économique qui utilisent de l’eau, industries detoute spécialité, agriculture et représentants de la société civile (associations) là aussi40 % du CB. Les associations ne représentent qu’une faible proportion de ce pourcentage.

‐  enfin les représentants de l’État, 20 %.

CB, CA et commissions, forment les instances de bassin. C’est à partir des CB que sontconstitués les CA. Pour info, le CB de Loire Bretagne est constitué de 190 membres.

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10Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Aspect démocratique - information fiable et aspect lobbying

Il faut recaler la politique de l’eau dans ses priorités. Que l’on soit en gestion privée, ou engestion publique : vous devez faire face à la dégradation de l’eau brute, et vous devez dans tousles cas, la rendre potable, donc la dépolluer, donc mettre en place des outils de dépollution dansune démarche curative certes, mais surtout préventive, pour que la qualité de l’eau brute soitaméliorée. C’est dans cette démarche que je situe mon action.

Si l‘on prend le problème de l’eau seulement par l’entrée : prix de l’eau potable, on se prive de beaucoup d’éléments de compréhension. Le débat gestion publique gestion privée recouvre uneréalité complexe qui renvoie à la responsabilité des élus et à leur aptitude à faire appliquer le juste prix.

Sur les questions de démocratie, il faut se reporter au fonctionnement des Comités de Bassin. Siles Agences de l’Eau jouent un rôle majeur, c’est qu’elles sont les chefs d’orchestre de la  politique de l’eau sur un bassin donné avec un argument puissant : l’aide financière. C’est pourquoi les Comités de Bassin constitués par les élus et les représentants du monde économiqueet par le représentant de l’État jouent un rôle déterminant.

Ce dispositif est complexe et subtil car les Agences de l’Eau, sont des établissements publics del’État, ce sont des structures bicéphales :- le président du CA, le directeur de l’Agence, sont nommés par l’État, et sous tutelle duministère de l’Environnement, ce dernier animant la politique de l’eau fortement orientée par l’Europe. C’est un premier lieu de pouvoir.- à côté de l’Agence le Comité de Bassin, qui est un organe démocratique, élit un président, c’estun autre lieu de pouvoir. On a pu voir lorsque Dominique Voynet était ministre de

l’environnement la traduction politique de l’opposition droite/gauche entre le pouvoir qui donnaitdes orientations aux Agences de l’Eau et les présidents de Comité de Bassin qui étaient tousd’une coloration politique différente. La loi sur l’eau de Dominique Voynet a capoté lorsqu’il y aeu changement de majorité.

Par rapport à la volonté d’indépendance d’un Comité de Bassin, il y a toujours les forces derappel de l’Etat, le ministère de tutelle imposant aux agents de l’État une discipline de vote.Dans le collège des élus, il y a un panachage de représentation entre la droite et la gauche, celaaussi oriente les votes, tout comme la profession. Dans le collège des usagers, les acteurs dusecteur économique savent très bien où se situent leurs intérêts, ils savent passer et négocier des

accords de vote avec certains membres du collège des élus. En résumé, des Comités de Bassinémane une attitude plutôt conservatrice et c’est probablement un miracle quand, dans le Comitéde Bassin de l’Agence de l’eau Haute-Garonne, c’est un socialiste qui peut être élu !

Lab - Tout le monde sait qu’il y a un problème de gouvernance, un problème de représentation

dans les comités de bassin. Certains suggèrent de mettre 30 % d’usagers lambda pour mettre les

 pieds dans le plat !

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11Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

B.R. - On est bien conscient qu’il faudrait changer la composition des CB pour qu’une meilleuregouvernance s’installe. Nous avons déjà développé cette idée dans différents textes notammentdans la « lettre eau » une publication du réseau eau de FNE. La loi sur l’eau de 2006 n’a paschangé réellement les règles de représentation de la société civile, (analyse dans la lettre eau N° 42).

Le problème de la composition des CB est très compliqué. On ne va pas mettre 30 % dereprésentants de la société civile. D’ailleurs aurions-nous suffisamment de militantschevronnés pour occuper ces postes ?La société française ne favorise pas l’engagement des citoyens dans la société civile, nombreuxsont les responsables politiques qui s’accommodent très bien de cette situation. D’autres peuventredouter ces militants qui ne sont pas sous contrôle et qui viennent troubler le jeu politiquehabituel en popularisant des idées différentes. On se souviendra de ce qui était dit des écologistesavant que ne se précisent les contours de la crise écologique, environnementale, énergétique,sociale,…etc.

Lab - Ce ne doit pas être un problème de militant chevronné mais une question accessible à tous.

C’est souvent par une technostructure et la complexité des choses que l’on ne fait pas la

transparence sur l’essentiel qui concerne les gens. L’enjeu pour nous et les associations, c’est de

démocratiser l’information. Ne pourrait-il y avoir une infime partie de l’énorme mobilisation

 financière en jeu consacrée à la formation ? Tant des usagers que des élus ?

B.R. - La gauche s’en est occupée dans une grande manifestation publique en 2001, c’étaitl’anniversaire de la loi sur les associations de 1901. Plusieurs Ministres s’étaient succédés à latribune dans des envolées toutes plus ou moins lyriques, ils n’avaient pas changé le monde de lavie associative. Certes, le problème des associations avait été bien identifié et les militants

désintéressés montrés en exemple… comme d’habitude !

L’autre question peut se résumer à : comment faire évoluer le couple Agence de l’Eau et Comitéde Bassin ? C’est un système intéressant qui permet le brassage des sensibilités et des intérêtscontradictoires, il permet un exercice démocratique, avec cette réserve : les règles de composition  pénalisent ceux qui défendent des valeurs non économiques. Selon leur compétence et leur charisme, les militants associatifs peuvent émettre des idées, faire évoluer les débats, mais en finde compte on reviendra au vote dont on dira qu’il fait consensus.

Quant à la complexité des dossiers et la technostructure, on pourrait certainement simplifier ce

type d’organisation, mais il faut aussi prendre en considération qu’un administrateur va se trouver confronté au travail permanent de centaines d’agents à plein temps qui en plus jargonnent comme jargonnent les lois que nous tous utilisons. Faire évoluer ce système, nécessité de le remettre à plat : faire une RGPP des agences de l’eau ?

L’autre idée à développer, c’est l’organisation de la formation des administrateurs. Desformations sont déjà organisées, mais elles trouvent très vite leurs limites, complexité de lagestion de l’eau, volume considérable de données de toute nature : économiques, financières,

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12Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

techniques, scientifiques, administratives, législatives, etc. Mais aussi sujets que l’on ne peut pasaborder dans leur grande complexité dans une formation organisée par une agence, par exemple :l’application du principe pollueur-payeur ! Prendre aussi en compte un autre élément limitant pour les élus et les associatifs : leur disponibilité. De plus, que les élus et les associatifs ne soient pas au top niveau, n’est certainement pas pour déplaire à certains acteurs influents, autre élémentà prendre en compte !

Le problème des redevances et la mise en œuvre du principe pollueur-payeur sont des sujetsdifficiles où la non transparence était de règle. Les choses ont changé, mais le PPP n’est toujours pas appliqué. Nous avions publié il y a quelques années une analyse du système des redevances pour faire comprendre comment elles étaient calculées et où se situaient les règles arbitraires.

  Nous venons de faire un travail partiel sur certaines redevances à la suite de la mise enapplication de la loi sur l’eau de 2006. On peut constater le façon dont le législateur a encadré lesredevances et comment les Comités de Bassin fixent les taux par le vote (Lettre eau 49).

Retour sur la composition des Comités de Bassin : comment la changer ?C’est la loi sur l’eau qui fixe leur composition. La priorité est donnée aux élus. Le collège desélus représente 40% du CB, il est formé par un représentant par département, un par région, etmajoritairement par les représentants des communes ou de leurs groupements compétents dans ledomaine de l’eau. En Loire Bretagne, 29 au titre des conseils généraux, 8 des régions, soit37 représentants des collectivités, deux sièges en plus pour les villes soit 39, au total pour les élus76 sièges. Le collège des usagers 76 sièges également et pour le collège de l’Etat 38 sièges autotal 190 membres pour ce CB. Les associations sont dans le collège des usagers,7 environnementalistes, 6 consommateurs, 4 pêcheurs amateurs. Le CA est formé à partir du CB,la loi sur l’eau de 2006 n’a pas modifié les règles de composition. En Loire Bretagne, le collège

des usagers du CA est formé de 11 membres. Les APNE ont un siège, les pêcheurs aussi, ainsique les consommateurs. Le secteur économique a donc 9 sièges, en fait 10, car le représentant desconsommateurs est un agriculteur élu contre l’avis de « que Choisir », de la CLCV, et desassociations de famille. Et vive la démocratie….selon les industriels alliés aux agriculteurs.

Lab -  Communication officielle les industriels paieront plus qu’avant. Or aujourd’hui les

industriels paient moins.

 Ne pourrait-on pas faire la proposition d’un véritable audit, radiographie sur le problème de la

démocratie, de la gouvernance de la prise en compte de l’ensemble des différents enjeux ? Que

 pourrait-on faire pour que la globalité des enjeux politiques (sociétaux, évolution des territoires,

cohésion territoriale, transversalité), soit prise en compte dans le fonctionnement routinier descomités de bassin ? Qu’est-ce qui pourrait faire évoluer cela positivement ?

B.R. - Faire des audits. Des audits sont réalisés par la cour des comptes, mais jamais lesfondamentaux ne sont visités car relevant du domaine de la politique et de la loi. Si lesagriculteurs ne paient pas de redevances sur les nitrates et les phosphates, c’est tout simplement parce que la loi ne le prévoit pas. Ce n’est évidemment pas sous l’effet du hasard, la redevancenitrates a été supprimée sous la pression des coopératives et des producteurs.

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13Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

 La fonction d’administrateur conduit à embrasser les problèmes à l’échelle du bassin, territoireénorme où se déroulent une multitude d’actions qui relèvent de la gestion de l’eau. C’est  pourquoi un dossier de conseil d’administration est énorme, toutes les opérations y sontconsignées. Ne pas s’en occuper reviendrait à laisser l’agence décider de tout. Dangereux car l’influence des acteurs puissants rode toujours dans les couloirs. En plus que ferait-on alors ?Donc quand on est administrateur il faut assumer tout en étant critique, ou démissionner.

Le fonctionnement des Agences est gouverné par un ensemble de règles de financement qui sontvotés dans chaque instance de bassin. Sont prises en compte les règles définies par la loi eau pour les redevances et de toutes les lois et décrets qui concernent l’eau et les milieux aquatiques. Toutcela vaut instruction pour les services.

Un problème difficile à résoudre pour un administrateur c’est le déséquilibre très important entrelui et les services puisqu’un dossier peut être travaillé par 30 personnes qui sont dans leur monde professionnel.Souvent les administrateurs ne regardent que les documents qui les intéressent et qui concernentleur catégorie professionnelle, ou leurs préoccupations communales.Là où les choses importantes se passent, c’est quand les débats portent sur les règles qui fixent lesredevances et les aides, ainsi que les actions prélèvement de l’eau par exemple. Mais les règles enquestion sont toujours conformes à la loi…et la loi est bien douce à qui sait l’apprivoiser dans sa période de jeunesse. Ensuite sur le terrain, il reste à la faire respecter, mais les services de policede l’eau ont bien peu de pouvoir.

Comment faire évoluer ces règlements, et ces règles de composition des Comités de Bassin ?Cela nécessite une réflexion difficile et approfondie sur : quel rôle pour le comité de bassin ?

Actuellement le secteur économique est dominant, son influence est renforcée par de nombreuxélus qui tous ne sont pas agriculteurs ou conservateurs. Faut t-il réduire ce poids au profit de lasociété civile en mettant des garde-fous. Il faudrait aussi ménager des temps de débats où le poidsde la structure Agence soit moins prégnant. Renforcer la culture technique, scientifique,financière des administrateurs, leur inventer du temps libre pour qu’ils puissent être aussidisponibles que les représentants du secteur économique : payés par leurs organisations ou leursentreprises pour être administrateurs.Et l’on se souviendra que, pour l’industriel, moins il paie de redevance, mieux il se porte, et plusil oriente l’utilisation de toutes les redevances vers les secteurs des activités industrielles, plus il pense que l’impôt est utile.

Comment renforcer la représentation de la société civile, étant entendu que cette orientation seracombattue par le secteur économique ? Une seule solution : la loi. Il faudra donc une majoritéacquise à ces idées. 

 _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 

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 8 février 2010

Audition de Henri SMETS, membre de l’Académie de l’eau et Président de l’ADEDE(association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement)

Article 1 de la loi du 30 décembre 2006 sur la préservation des ressources en eau et des milieuxaquatiques :« L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le

développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt 

 général.

« Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de

l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le

droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.

« Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources

elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales,

environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques. »

Un unique article dans cette loi qui vise à renforcer la solidarité des communes dans le domainede l'alimentation en eau et de l'assainissement des personnes en situation de précarité et qui vienten discussion au Sénat le 11 février.http://www.senat.fr/cra/s20100211/s20100211_7.html#par_691

Henri Smets : Maintenant qu’il y a le droit à l’eau dans les textes, que proposez-vous de faire ?Si tous les gens précaires ont droit à une aide, dans les faits ce droit n’est pas appliqué car lesdispositions qui en découlent ne sont pas financées. D’où la proposition de loi Cambon, députéUMP, relative à « la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et del'assainissement des particuliers ». Une espèce de correctif que l’on essaie de mettre pour que ledroit prévu depuis 1990 soit mis en œuvre, c’est-à-dire le droit à une aide spécifique,indépendamment que l’on ait des dettes et que l’on ait un contrat avec une compagnie dedistribution d’eau. C’est donc un système qui aurait dû être la base de l’action. Tout ce que l’on adit c’est que le FSL serait financé par les distributeurs et par le Conseil général. Ceux qui sont

aidés, ce sont uniquement ceux qui ont un contrat et des dettes sur ce contrat d’eau. Ce ne sontdonc pas des personnes en immeuble collectif, dans de grands ensembles, ce sont seulement ceuxqui ont un contrat individuel.Mais que voit-on comme système de financement réel ? Les distributeurs d’eau privés ont lancéune vaste campagne pour que tous les départements contribuent, jouent leur jeu et, eux-aussi y participent en mettant obligatoirement une petite aide par abonnés, pour que le FSL finance cedroit à l’eau.

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15Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Mais il y a beaucoup de départements, et surtout dans le sud, qui ne signent pas de conventionavec les distributeurs privés, qui n’ont rien. La ville de Paris n’a rien, elle ne prévoit pas de droità l’eau sous cette forme là sous prétexte qu’il n’y a pas de contrats individuels. En ce quiconcerne les régies, je n’en ai trouvé que très peu qui contribuent à un tel fonds d’aide.Finalement, paradoxalement, ce sont les distributeurs privés qui poussent le plus pour fairefonctionner ce système. Système, je le rappelle, limité à tous ceux qui ont des contrats. Lesdistributeurs privés soutiennent un système par lequel ils abandonnent des créances mais sont payés pour partie par les usagers endettés. Cela aide un peu à alléger la facture eau des usagersqui ne peuvent pas payer mais cela n’aide en rien les usagers sans contrat individuel.

Lab - Sur les problèmes d’impayés concernant des contrats individuels, le délégataire (Suez,Saur, Veolia…) qui a passé des accords, saisit la collectivité qui saisit le CCAS, à charge pour celui-ci d’actionner le FSL. Or de nombreux FSL n’ont pas de département eau, il n’y aaujourd’hui que 2/3 des FSL qui abondent ce département eau. Donc le système est trèsimparfait, d’autant que nombre de personnes échappent au radar : celles qui ne sont pas titulairesd’un contrat eau car elles sont en collectif ; au delà de cela, un nombre important de gens, pour des raisons que l’on peut qualifier d’éthiques ou morales, ne vont pas vers les services sociaux.C’est quelque chose de largement sous-estimé. Certains se saignent aux quatre veines pour payer tout ce qu’ils ont à payer et ne peuvent donc être bénéficiaires du dispositif actuel.Tout le monde s’accorde pour dire que les dispositions actuelles ne sont pas satisfaisantes et la proposition de loi qui va passer après-demain au Sénat n’apporte aucune réponse véritable. Elleajoute seulement la possibilité optionnelle pour une collectivité de mobiliser 0,5 % de son budgetà un financement complémentaire du dit système totalement imparfait. Donc, cela ne peut enaucun cas constituer une réponse pertinente.

H.S. - Je ne suis pas d’accord. La nouveauté c’est de permettre aux assainisseurs de contribuer,

car les distributeurs et les collectivités pouvaient déjà le faire. L’autre nouveauté est que le FSL pourra intervenir avec les moyens financiers des distributeurs pour aider à payer les charges etnotamment l’eau.

Lab - La novation de la proposition Buffet, reprise par le PC, c’était de dire que l’on modifiaittotalement l’approche en abandonnant l’idée de rustines, et que l’on reprenait la question enamont.Sur la base d’un travail d’investigation conduit en région parisienne, il est apparu que pour les  personnes en situations les plus précaires, le montant des charges d’eau pouvait représenter aujourd’hui 5, voire 7 ou 8 % de leur capacité contributive. Ce qui est absolument énorme. Face à

cela, l’idée était de changer radicalement l’approche et de mettre en place un système préventif en s’appuyant sur la technologie des CAF et le système des APL, de déposer une proposition deloi qui dise très clairement que dès que le montant des charges d’eau et d’assainissement excède3 % des ressources du foyer concerné, ce qui peut être calculé sans difficulté, c’est le système del’APL, via une contribution qui sera versée au foyer sous réserve de la constitution d’un fondsrégional ou national qui devrait impérativement être abondé par les délégataires privés. C’est làque cela a achoppé. Il faut trouver le financement.

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Les études réalisées en région parisienne font état de 600 000 foyers concernés : celareprésenterait 17 millions d’euros / an. Ce qui n’est pas exorbitant.

H.S.- Attention, les chiffres sont susceptibles de varier.Où est le vrai problème ? Il n’y a toujours rien qui indique un consensus sur « qui paie ». La  proposition de l’Obussas1 et la proposition Buffet ne sont pas suffisamment élaborées pour définir qui paie. C’est trop facile de dire « c’est le privé qui va payer ». Cela n’a pas de sens et ne passera pas. On a deux solutions qui ne marcheront pas : c’est de dire c’est l’État qui paie ouc’est le privé qui paie. Il n’y a pas que le privé dans le système. Que fera-t-on dans les zones où ily a des régies ? Sont-elle prêtes à payer ? Silence total ! Si l’on demande aux régies ce qu’ellessont prêtes à faire pour les plus démunis de leur région, elles ne répondent pas. L’image demarque des régies est désastreuse ! Cependant, en insistant, j’ai réussi à avoir certains chiffresque j’ai donnés dans mon livre, et certaines régies font des choses très bien. Par exemple, la régiede Vannes. Il y a des départements qui ont des actions très solidaires, comme la Gironde. Celaexiste mais ce n’est pas connu.Il y a des fonds qui sont abondés. En général les régies font des abandons de créances plus oumoins importants, au cas par cas. C’est au niveau des CCAS et des maires que l’on est plus oumoins coulants et que certaines recettes ne sont pas recueillies, avec des volumes significatifs.

Lab - Il semble qu’il y a des problèmes entre ce que veut décider une régie et ce que va dire leTPG, ou le régisseur des recettes ; il y a des problèmes qui sont apparus sur le manque decohérence des décisions de la collectivité et la doctrine qu’a élaborée le TPG dans un espèce devide juridique.On butte sur un autre problème : il y a davantage de petites régies en France que de contrats gérés  par le privé. C’est une donnée très importante. En termes d’usagers desservis, le privé c’est80 % ; il y a à côté 60 ou 70 % de régies, dont une myriade de petites régies ; le reste sont des

contrats de délégation.En terme institutionnel, il faut intégrer cette composante. A moins d’une législation trèsautoritaire, c’est très difficile, quand cela repose sur le volontariat, de fédérer un aussi grandnombre de petites régies, pour lesquelles il existe cependant une cartographie.Mais que peuvent réellement faire ces petites régies ? Elles sont en position d’attente, pieds et poings liés, elles n’ont pas d’avenir car elles n’ont pas de taille suffisante.En termes de structures, on a majoritairement des régies, mais sont intégrés dans ce schéma lessyndicats, SIEP etc. C’est leur addition qui numériquement atteint 60 à 70 % du nombre deservices. Les présidents des SIEP sont élus, et sont rémunérés – ils ne seront pas les plus chauds partisans pour les abandonner…

Un autre élément clochemerlesque : ce sont les achats d’eau sur une territoire donné. C’est sur une zone précise que se situe le captage. On peut entendre « c’est mon eau », cela explique aussil’attachement.

H.S. La régie de Vannes, ce sont 30 000 abonnés. Elle gère ses arriérés d’eau dans le seul cadredu CCAS et ne s’occupe pas du FSL. Ils ont réussi, dans le cadre municipal, à donner une aide de

1Obussas : observatoire des usagers de l’assainissement d’Ile de France

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1,5  € par abonné pour l’abondement d’un fonds (abandon de créance en pratique). Par personneaidée, cela représente 50  € en moyenne sur l’année (différence payée par l’abonné) et ce sontquelques 800 foyers qui bénéficient de cette aide fournie par le CCAS.C’est extraordinaire quand ça marche. C’est le système à l’ancienne. Ensuite on a inventé unsystème où c’est le département qui fait la même chose ; certains font les choses bien.

Lab - Le problème, c’est d’identifier précisément la problématique « je ne peux pas payer l’eau »et les populations concernées. Quand cela passe par le système CCAS / FSL, et c’est une critiquesur les fondements du système actuel, cette dette eau participe généralement d’un endettementqui cumule l’énergie, le loyer…On est dans une démarche de service social curatif ou seront pris en charge les impayés d’eau parmi d’autres impayés affectant des gens en situation de précarité. Sur un plan sémantique, le  principe posé de la légitimité d’un droit à l’eau est un principe de droit irréfragable – leraisonnement est à reprendre dans ce sens.C’est pour cela qu’il faut sortir du schéma actuel pour trouver un autre schéma conceptuel del’eau. On souhaite une maîtrise démocratique, de l’information notamment. Il y a des aspectstechnologiques à étudier et prendre en compte

H.S.- Parlons d’un cas où c’est fait et adopté par les populations, c’est l’exemple de la Belgique où coexistent 3 régimes de tarification de l’eau : bruxellois, flamand, wallon.

•  Le système flamand : principe suivant lequel chaque habitant a droit à 15 m3 /an gratuits(ce qui en fait revient à une réduction de 27 % car il faut quand même payer les frais fixeset l’assainissement). Les pauvres sont exonérés de la taxe d’assainissement, sur décisiond’un organe municipal type CCAS et ils ont ainsi quasiment l’eau gratuite.

•  Le système bruxellois instaure une tarification progressive : plus on consomme, plus le prix du m3 augmente. Variation calculée par habitant et non par abonné, les famillesnombreuses ne sont donc pas pénalisées. Il y a également une taxe régionale destinée àalimenter un fonds social de l’eau : 0,01  € par m3 distribué.

•  Le système wallon : tarifs progressifs mais par ménage et non par personne - et taxe de0,0125  € par m3 pour les fonds sociaux (une taxe supplémentaire avait été étudiée, de0,0125  € par m3 pour l’aide au développement, mais n’a pas pu être créée ainsi, lacotisation existe cependant).

Quelle différence avec la France ? La Belgique n’est pas très grande. Mais il est possible de procéder à de semblables tarifications, progressives, par personne... On peut avoir 15 m3 gratuits.La loi française l’autorise.Le maire de Libourne a ainsi lancé une opération de ce style, distribution gratuite de 15 m 3,l’assainissement étant payant. Le coût de ces 15 m3 est réparti sur les autres m3distribués.

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Lab - Mais faisons attention à la sémantique et au terme gratuité ! Il y a bien quelqu’un qui paie.D’ailleurs les gens sont méfiants quand on leur parle de gratuité, elle est souvent refusée. On fait  payer symboliquement (valeur de maintien du lien social, ex. croix rouge, restos du cœur).Parlons plutôt de participation.

H.S. - Autre facteur à prendre en compte : il est évident que si la consommation personnelle baisse, le prix du m3 va augmenter, de même pour les factures. Il faut savoir qu’en Flandres le prix du m3 a augmenté de 50 % et au delà. Mais les gens ont trouvé cela très bien et ne veulent pas revenir en arrière.Quel est le mode de tarification qui paraît adapté à la France ? La solution belge paraît adaptée.Et est tout à fait réalisable car on prend déjà en compte le nombre de personnes au foyer pour lestaxes municipales et le calcul du quotient familial.

Lab - Si le système se comprend dans les petites villes, dans les grandes le contrôle est beaucoup plus difficile et le nombre de personnes vivant au foyer de l’abonné ne correspond pas forcémentau nombre de personnes figurant sur sa feuille d’impôt.

Sur la facture d’eau :•  Toute la communication « écologique » tournée vers une baisse des consommations

n’entraînera-t-elle pas de fait une augmentation de la facture ? Ce n’est pas leconsommateur qui gagnera.

•  Le montant de la facture globale ne changera pas si on consomme moins d’eau, il resterastable mais le prix du m3 d’eau lui augmentera.

•  Par contre, le coût des installations, d’assainissement notamment, va être de plus en pluslourd et sera répercuté sur les factures qui augmenteront de ce fait.

 Ni la Belgique ni la Hollande n’ont notre étalement urbain. Le modèle belge peut-il s’appliquer même à de petites communes ? Nous avons 17 000 stations d’épuration (STEP) alors que laHollande en a 400, c’est plus facile d’intervenir à cette échelle-là.

Mais on est en train d’essayer d’émettre des propositions pour avoir une approche sociale del’eau, alors que sur le modèle économique il faudrait essayer de faire des propositions politiques.L’eau, c’est la santé et c’est l’argent, on est sur un vecteur extrêmement porteur. Les gens sont prêts à entendre et écouter aujourd’hui tout ce que l’on a à leur dire sur l’eau : c’est une réponse politique extrêmement pertinente qu’il faut faire.

H.S. - Dans la proposition portée par l’OBUSSAS, qui à mon avis n’a résolu que la moitié du  problème, inspiré directement de mon livre « l’eau potable à prix abordable », qui n’a rieninventé de nouveau, c’est le modèle que les Anglais ont inventé il y a 10 ans et ont mis en avantmais qu’ils n’ont pas mis en pratique. Je n’ai pas fait œuvre de novation ! Il s’agit simplementque l’eau ne coûte pas plus de 3 % du budget. Message fort qui a été repris par Madame Jouanno(secrétaire d’État chargée de l’écologie), ce qui m’a surpris. 3 %, c’est aussi le chiffre de TonyBlair au début de sa période de gouvernement.C’est également quasiment le chiffre qu’utilise les municipalités américaines : 4 %.

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Donc, il y a quelque chose autour de ce thème qui est porteur ; c’est également ce que défend legouvernement français pour l’énergie, 10 % par ménage. Il y a un caractère attractif. Si on a 3 %comme plafond cela implique automatiquement que l’on doive consacrer environ 1 % del’ensemble des factures d’eau à aider ceux qui dépassent la limite de 3 %. Cela dépendévidemment du niveau de prix de l’eau, et si celui-ci explose il faudra plus qu’1 %, mais c’estl’ordre de grandeur.Le 3 % est une bonne référence et il est repris pas tous : plus personne n’ose dire 3 c’est trop  petit, mais personne ne dit qui paiera le 1 %. J’ose : ce ne peut être que par une taxe, oul’équivalent, sur le mètre cube, ce n’est pas possible autrement. Dans les exemples où cela a étémis en œuvre, cela a toujours été financé sur les factures d’eau. Il ne s’agit pas de discuter dumodèle économique, mais de répartir la dépense entre les citoyens. On n’a que deux techniques :au prorata de la consommation ou au prorata du revenu et je ne vois pas comment faireautrement. Au prorata des bénéfices indus des grosses compagnies capitalistes ? C’est bien gentil,mais on a plein de régies qui, elles, n’entrent pas dans la catégorie.

On ne peut pas faire le coup de Total pour le pétrole : la prime à la cuve, c’est Total qui l’a payée. Mais on n’a pas l’équivalent eau de Total. Il n’est pas possible de dire que 2 ou 3 grossesentreprises seront taxées alors que 10 000 régies ne le seront pas. Ce n’est pas défendable.

Lab - Le débat en ce moment sur le périmètre des missions, l’effondrement du modèleéconomique, « l’eau doit payer l’eau » (même si c’est avec le budget général que l’on doit payer l’eau pluviale…) nous renvoie à un débat qui va surgir dans les années qui viennent : il faudratrouver une nouvelle péréquation entre le montant de la facture et l’impôt qui traditionnellement aassuré de début du financement de construction des infrastructures. Les 850 000 kms de tuyauxd’aujourd’hui ont été financés sur un siècle par l’impôt, pas seulement par le montant de lafacture. De même pour l’assainissement, chaque année les conseils généraux continuent à

financer à hauteur de 700 millions d’euros les petites collectivités rurales (un problème si celles-ci perdent la clause de compétence générale). Avec le fond de crise dans lequel nous noustrouvons, ne serait-il pas utile de réfléchir d’autres modes d’alimentation d’un fonds social sur une base fiscale ? – quoique de ne plus avoir les droits de mutation pénalise fortement lescollectivités locales. Mais quelque chose comme cela, cela peut être une piste de réflexion.

H.S. - Pourquoi pas ? Nous avons 3 impôts : l’impôt sur le revenu, l’impôt local et l’impôt sur lem3. Le plus mauvais de tous, que tout le monde met en avant, c’est l’impôt sur le m 3. Mais c’estle plus injuste car la consommation par ménage varie très peu selon le revenu et c’est donc laméthode la plus régressive qui soit de répartir la facture d’eau. Il ne faudrait pas le mettre au m3 

si on prend l’aspect progressivité de l’impôt.L’impôt local, c’est mieux ; mais ce serait les finances locales qui devraient le payer. L’impôt sur le revenu c’est encore mieux. On n’a pas d’autre choix. Mais, alors que l’État se désengage dusocial complètement, aller lui demander de prendre sur l’impôt sur le revenu pour financer l’eau,c’est aller à contre-courant. Donc, il ne reste plus que le local ou le m 3.

La tarification sociale, c’est relativement simple : on prend 1 % des factures d’eau, on le fait payer par chacun, et on arrive à un grand débat qui va porter sur 120 millions d’euros (chiffre

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d’affaires annuel de l’eau, 12 milliards). Il faut 120 millions d’euros pour résoudre tout le  problème social. Le montant de la tarification sociale de l’énergie, tout confondu, c’est275 millions par an. Puisque l’eau représente, dans la facture des ménages, le ¼ de l’énergie, on pourrait prendre comme indicateur qu’on va faire un fonds social de l’eau qui sera ¼ du fondssocial de l’énergie. On arrive alors à 70 millions pour le fonds social de l’eau.Le fonds social de l’énergie est abondé par EDF et Total.

Aujourd’hui, en étant positif, j’arrive à 3 ou 4 millions près, à 15 millions d’euros mobilisés par les FSL et CCAS sur l’eau. Il faudrait arriver à 75 millions, si l’on veut faire l’équivalent de cequi est fait pour l’énergie. Il faut donc 60 millions de plus, ce qui représente 0,5 % du chiffred’affaires de l’eau, c’est exactement la proposition de loi Cambon. Si on a un 0,5 % ou 1 % pour le social on peut le répartir sur les autres, et les autres ce sont les usagers. On peut avoir une taxede 1% sur la facture d’eau puisqu’on a une taxe du même ordre pour les factures d’énergie. Si onne veut pas cela, qu’est ce qu’on propose ? Quelle est la solution ? L’une des solutions, c’est detaxer les bénéfices indus des délégataires… La proposition Obussas, c’est obligatoire sur les bénéfices des délégataires et volontaire sur les régies, une telle discrimination n’est pas possible !

Du côté de l’Europe. On a cru pendant longtemps que la création de 2 tarifs, un tarif pour les« gens normaux » et un tarif pour les « pauvres », que la dichotomie de prix était unediscrimination au sens de la législation européenne.Or l’U.E. a adopté des directives qui autorisent explicitement des différences de prix suivant lescatégories sociales et un protocole du traité de Lisbonne dit expressément que le caractèreabordable des services publics est une valeur commune de l’Union européenne. Ce qui veut direque c’est un des objectifs de l’Union et cela autorise toute solution de tarif social – en termesgénéraux.Le traité de Lisbonne s’impose à la cour de Luxembourg qui sera obligée de s’aligner.

Un autre argument, l’eau est un monopole : on n’a pas le choix du distributeur, on n’a pas lechoix de la qualité, on n’a pas le choix du prix. On n’a le choix de rien. Il faut bien s’en sortir encréant des solutions. Car que font les gens pauvres ? Ils vont chez les « hard discounts ». Où sontles « hard discounts » de l’eau ?Mais faire attention à cette notion de l’entreprise « low cost » de l’eau !

Une meilleure solution ne serait-elle pas d’introduire la concurrence sur la partiecommercialisation de l’eau ? C’est-à-dire l’encaissement, la facturation, l’entretien des réseaux –  pas sur les investissements.

Il s’agirait de segmenter les contrats, de sortir la partie commerciale de la partie réseaux et de la partie production ; comme pour l’électricité, segmenter.La concurrence se ferait sur le secteur de la commercialisation et pas le secteur du réseau. Lesréseaux c’est une seule entreprise, la production quelques-unes et sur la commercialisation il peuty en avoir beaucoup. C’est envisageable - cela a d’ailleurs été envisagé en Angleterre. Si ledégroupement se fait dans le secteur de l’énergie, on peut le faire également dans le domaine del’eau. Les réactions de Suez et de Veolia ne se sont pas faites attendre quand j’an ai parlé à

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l’Académie. Mais c’est une idée, par exemple, que l’AFD propose pour les pays endéveloppement. Mais ce n’est pas encore mûr.

Le problème du tarif social est un problème tout petit de 1 % du chiffre d’affaires et l’intérêt desdistributeurs privés c’est justement de pousser leur projet en disant qu’ils faisaient du social alorsqu’en réalité cela ne compte pas dans l’économie de leur contrat ; 1% ce n’est rien.Fonds social de 75 millions ou de 120 millions d’euros ? Les calculs sur 120 millions donne un  plafond, et si l’on met en place le système en faisant du mieux qu’on peut, on s’aperçoit que beaucoup de personnes ne bénéficient pas de leurs droits parce qu’ils ne le demandent pas.

Lab - On résume là la question du droit à l’eau à un problème de prix. Qui dit le bon prix,

comment se compose le prix ?

 Ne doit-on pas partir des besoins et considérer l’eau comme étant un bien commun et sortir de ce

rapport totalement marchand et consumériste ? Revoir à la base comment, de ce fait, compte

tenu de l’ingénierie existante, des moyens d’accès à l’eau existants, on peu travailler pour un

accès à l’eau de qualité le plus large possible à toute la population ? C’est une question de prix ?

ou alors c’est une question coût ? et dans ce cas comment se compose le coût et qui fait les

meilleures propositions ?

H.S. - Si on part de votre point de vue, 99 % des ménages français ont l’eau courante. Il y aseulement 300 000 ménages qui ne l’ont pas d’après l’INSEE (puits ou autre…). Il y a environ75 000 ménages qui sont aidés. Ce qui compte, c’est qu’il y a 500 000 ménages qui ont vraimentdes problèmes économiques et qui ne reçoivent rien. Au delà de 500 000 / 1 million, pour lesautres, il n’y a pas vraiment de problème l’eau n’étant pas particulièrement chère. C’est cettefrange là qui est la seule en cause. Il y a, en plus, tous ceux qui n’ont pas une bonne eau dont onne parle jamais.

C’est incroyable : en Seine et Marne il y a 200 villages où l’eau n’est pas bonne depuis desannées, que fait-on pour eux ? Je trouve étonnant que l’on n’en parle pas.

Le sujet dont on ne parle pas, c’est le droit à la qualité, qui n’est pas négociable. Mais pour  bonne qualité on est prêt à monter les prix et on rentre encore plus dans le système. On entre làdans le problème curatif/préventif.Cela renvoie sur la négociation de la PAC en 2013.

Quelles sont les réflexions possibles pour une nouvelle politique ?Système flamand, système irlandais : premiers m3 d’eau gratuits pour chaque habitant,

compensés par le prix des m3 des tranches supérieurs, plus chers (+ de 50 %). Les factures sontréparties autrement. C’est logique et défendable, mais il y a-t-il une demande ? Il faut alorscompter le nombre d’habitants.

Lab -  Les industriels, les agriculteurs bénéficient de tarifs dégressifs, mais qui est-ce qui  paye ? L’usager ordinaire, trois fois de suite … Un exemple : la moitié de la consommationannuelle de la ville de Landernau, ce sont les industriels de l’agro-alimentaire qui bénéficient detarifs dégressifs et paient 50 fois moins cher que l’usager lambda. Donc ce sont les citoyens de

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22Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Landernau qui, péréquation, financent l’industrie agro-alimentaire locale. Second point, quand ilsont utilisé cette eau, ils rejettent leurs effluents dans les circuits d’assainissement, deuxième peine.Au total le consommateur lambda aura payé 3 fois pour financer, sans le savoir, l’industrie agro-alimentaire locale. Comment sera mise en place la tarification sociale ?

Discussion : négociation des contrats, du cas par casAlors que pour les consommations domestiques, les tarifs sont publics, les tarifs pratiqués auprèsdes industriels et des agriculteurs ne le sont pas. Négociés dans des contrats non rendus publics. Iln’y a pas de règles.Pourquoi les HLM ont ou n’ont pas un tarif différent des simples citoyens ?Ex. Prison de Fresnes, tarifs dégressifs à partir de 6 000 m3. Qu’en est-il pour les hôpitaux ?Il y a des particuliers immobiliers qui ont des contrats.Tout est du cas par cas.

Aujourd’hui, le grand problème c’est l’assainissement.Dans le Val de Marne, il y a le siège social Aventis. Le laboratoire européen de recherched’Aventis, depuis 30 ans, rejette dans les collecteurs départementaux et dans les collecteurs duSIAAP2 des quantités phénoménales de substances chimiques - personne ne sait précisément cequi est rejeté. On en est arrivé à une situation ou, depuis 15 ans, il y a eu des missions quasimentclandestines de la mairie de Paris, du CRECEP3, de la préfecture. Aujourd’hui à partir de cecollecteur, on est obligé de faire faire à ces rejets, à partir de la tour de contrôle du SIAAP, uncircuit particulier de 18 kms pour les diluer, avant de les balancer dans le réseau. Qui paie ? C’estl’usager bien sûr, d’autant qu’il n’y a jamais eu de convention de raccordement. On en est arrivéà une situation telle que ni le SIAAP ni le Val de Marne ne font plus descendre leurs égouttiers,on fait appel à une boîte privée spécialisée avec des combinaisons spéciales. Mais chantage à

l’emploi : si vous m’embêtez, je pars…Aventis donne des statistiques lissées sur un mois. Les pics sont ainsi dissimulés.

Discussion :  Normalement, on met des bassins de rétention (ex. Samsung). Comment n’y a-t-il pasd’obligation faite à Aventis ?Le problème, c’est qu’il n’y a pas de réglementation générale mais des contrats privés. C’est làque la loi paraît indispensable pour harmoniser les réglementations et veiller à leur respect sous peine de sanction.Avoir un texte qui dit qu’aucune dérogation de prix ne peut être donnée sans information

 publique, par exemple.

Est-il possible d’imposer un prix moyen national (avec une fourchette) ?L’harmonisation des prix au niveau d’un département est-elle possible déjà ? Mais les bonsgestionnaires vont payer pour les autres !

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2SIAAP : syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne3 CRECEP : centre de recherche d'expertise et de contrôle des eaux de Paris

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18 février 2010

Audition de Paul RAOULT, sénateur, maire du Quesnoy, président du SIDEN-SIANSyndicat intercommunal de distribution d’eau du Nord - Syndicat intercommunal

d’assainissement du Nord.

  La question de l’échelon territorial pour la gestion de l’eau est-elle pertinente aujourd’hui ?

Quels sont les problèmes les plus urgents d’une politique publique de l’eau, les priorités ?

Comment faire évoluer les pratiques, comment faire de l’eau le bien commun que les communes

 peuvent se réapproprier ?

Paul Raoult : Je préside un syndicat intercommunal dans le Nord. Son histoire remonte en 1950.La création du SIDEN (Syndicat intercommunal de distribution d’eau du Nord) correspondait ausouci des élus du département d’assurer l’adduction en eau potable, avec un objectif de travaux à20 ans. A l’origine, ses statuts sont ceux d’un syndicat de fonctionnement et d’investissement. Lachance du SIDEN est d’avoir été, dès le départ, sur ces 2 volets.Les communes qui adhèrent abandonnent complètement la gestion de l’eau au profit du syndicat.Il s’agit d’une mutualisation complète, le prix de l’eau est le même partout, quelle que soit lasituation des communes. Quand la commune adhère, ces règles lui sont connues.En 1971, tous les réseaux communaux et intercommunaux sont achevés, ce sont 400 communesqui sont desservies par la SIDEN.

Cependant, une autre étape a déjà été enclenchée avec la préoccupation liée à l’augmentationconstante des consommations et des rejets des eaux usées, à l’accroissement des besoins

industriels : la protection des nappes phréatiques conduit à créer le Syndicat intercommunald’assainissement du Nord, SIAN qui voit le jour en avril 1971.Des difficultés ont été rencontrées dans la procédure : il s’est agi en effet de diviser le travail desdeux syndicats à partir du même personnel et dans les mêmes locaux – ce qui a fait l’objet d’uneconvention.Mais la loi Sapin (janvier 1993) ne permettait plus de maintenir une telle construction. Plusieursévolutions ont alors été proposées, acceptées par le ministère et le préfet :

1.  Création d’un syndicat de service, le SESEA. Mais le syndicat des services privés de l’eaua attaqué, le Conseil d’État l’a suivi et a cassé la création du syndicat de service (au motif du champ de la concurrence).

2.  Le personnel a dû être divisé entre les deux syndicats dotés chacun d’une régie pour l’exercice de leurs compétences.

3.  L’unification des deux syndicats a pu être mise en œuvre à la suite de la loi sur l’eau et lesmilieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 : un important travail parlementaire de  persuasion a conduit à adopter la législation qui permet qu’un syndicat mixte dit« fermé » puisse adhérer à un autre syndicat mixte en matière d’alimentation en eau potable, d’assainissement collectif et non collectif.

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Depuis le 1er  janvier, les 2 syndicats ont été unifiés : le SIDENFrance et sa régie ont étédissous après avoir transféré l’ensemble de leurs compétences au SIAN désormaisdénommé SIDEN-SIAN et à sa régie, Noréade.Le SIDEN-SIAN est compétent sur l’alimentation en eau potable, l’assainissementcollectif et non collectif, les eaux pluviales ; Noréade exploite les services à caractèreindustriel et commercial du syndicat mixte.Une redevance par habitant alimente un budget payé par l’ensemble des communes pour l’eau pluviale.

Ce sont près de 670 collectivités (communes, syndicats intercommunaux et EPCI), la plupartdans le Nord, mais également une centaine dans l’Aisne et une centaine dans le Pas de Calais, quisont regroupées dans le SIDEN-SIAN, concernant ainsi 750 000 habitants. Il s’agitessentiellement de communes rurales (beaucoup de bourgs centres, de petites communes). Elles  peuvent, quelle que soit leur taille et la dispersion de leur habitat, disposer ainsi de capacitéstechniques et financières.

Les villes ont le plus souvent une compagnie d’eau en délégataire (Veolia, Suez…). Parmi lesexceptions, Saint-Amand des Eaux qui a adhéré il y a quelque temps (Alain Bocquet, maire de StAmand – 17 500 habitants), mais la ville est toujours en DSP ; le syndicat contrôle le délégataire.Ont été réalisés par le SIDEN-SIAN à St Amand :

-  une station d’épuration-  la réfection du réseau d’assainissement

La facture d’eau a baissé…En général, les communes ont très peu investi et un lissage est nécessaire pour venir au prix partagé.

Organisation du SIDEN-SIAN

Le comité syndical comprend 90 personnes environ, qui élisent le conseil d’administration.Les communes de + 5 000 habitants ont un délégué. Les délégués des petites communes sont élusau 2ème degré. Il est important à ce niveau d’avoir une répartition qui prenne en compte lesreprésentations géographique et politique.Une AG par arrondissement se tient chaque année, avec tous les maires de l’arrondissement. Cequi donne lieu à 7 ou 8 réunions annuellement. La programmation des travaux est annoncée enAG de maires, et remonte ensuite.

Capacités du SIDEN-SIANCe sont 20 à 25 millions d’euros d’investissement en eau et en assainissement chaque année, prèsde 500 personnes réparties sur 8 centres d’exploitation.La production de l’eau potable comprend les étapes de prospection, d’extraction, de stockage, decontrôle et de traitement de l’eau. La distribution désigne l’acheminement de l’eau potable jusqu’au robinet, ainsi que l’extension et la maintenance des réseaux.Les ouvrages : 230 réservoirs, 212 captages.

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Actuellement, il est procédé à la mise en place d’une « colonne vertébrale » qui part du sud duDunkerquois et descend sur 200 km jusqu’à l’Avesnois. Il s’agit par là de sécuriser leravitaillement en interconnectant l’ensemble des champs captants.

En ce qui concerne l’assainissement, Noréade a construit son propre réseau collectif de plus de4 000 km et recueille à la fois les eaux usées domestiques et les eaux pluviales (près de160 stations d’épuration, une trentaine de stations de lagunage). Le marché des micro-stations aété lancé par la régie.

Une politique de protection des champs captants est menée avec l’aide de l’Agence de l’Eau etdes différentes structures comme le Parc Naturel Régional de l’Avesnois.Quelle stratégie pour les boues ? Nous avons recours à l’épandage, pour lequel un accord a été passé avec la Chambre d’Agriculture.Les techniciens de Noréade sont à la pointe et peuvent concurrencer sans problème les grandescompagnies (par exemple, nous disposons d’hydrogéologues pour la recherche de nappesaquifères).

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 8 mars 2010

Audition de Anne LE STRAT, présidente d’ « Eau de Paris »et de « Aqua Publica Europa »

L’eau est un bien public. Sa ressource doit donc être maîtrisée et préservée par une gestionsolidaire et responsable. Repasser en régie municipale signifie se donner les moyens de contrôler la totalité de la chaîne de valeur pour garantir un meilleur suivi de sa gestion et de sa qualité enintégrant des problématiques de long terme, peu compatibles avec une logique de marché quirecherche des résultats de court terme. Cela signifie également un réinvestissement des gainsdans le service et une gestion transparente et démocratique.

Depuis le 1er  mai 2009, l’eau de Paris est gérée par une régie municipale. Son objet : gérer leservice public de l'eau à Paris, production, transport, distribution et facturation aux usagers etabonnés en assurant notamment les missions de protection des masses d’eau souterraine et desurveillance de la qualité de l’eau.« Eau de Paris » est un établissement public de la Ville de Paris, à caractère industriel etcommercial. Ce sont 2,2 millions d’habitants qui sont concernés, plus de 3 millions deconsommateurs quotidiens.

Sur l’historique de l’eau à Paris

Jusqu’en 1985, il existait un dispositif de gestion du service en régie directe sur les parties

 production, transport et distribution. La partie commercialisation était confiée à la Générale desEaux, situation qui perdurait depuis 18634 .Pour de multiples raisons, essentiellement politiques, le maire de l’époque, Jacques Chirac,décide de déléguer la gestion au privé. La Compagnie des Eaux est déjà sur place ; il fait venir,sans avoir procédé à un appel d’offre préalable, la Société Parisienne des Eaux, intégrée augroupe Eau et Force, filiale du groupe Lyonnaise des Eaux, dont le PDG Jacques Monod est un proche politiquement.

Au 1er janvier 1985, Paris se trouve ainsi coupée en 2 pour la distribution de l'eau potable et non potable :‐  rive droite de la Seine, gestion déléguée à la Compagnie des Eaux de Paris (filiale de

Vivendi, Veolia aujourd’hui)‐  rive gauche, gestion déléguée à la Société Parisienne des Eaux (filiale de la Lyonnaise des

Eaux, groupe Suez aujourd’hui).

4 cf. travaux de Eugène Belgrand sous le Second Empire, chargé par Haussmann de l’approvisionnementen eau de la ville de Paris en 1852 puis nommé directeur des eaux et égouts de Paris en 1867

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Les contrats passés par la Ville sont des contrats d’affermage pour une durée de 25 ans. La Villemet ainsi à disposition de la CGE et de la Lyonnaise le réseau d’alimentation en eau et le réseaudes égouts, les travaux d’entretien ou de renouvellement étant à leur charge.Les deux délégataires ont également en charge l’entretien des réservoirs et des postes dechloration. Les postes de livraison en eau restent tenus par la régie municipale.

La partie commerciale et la facturation sont administrées par un GIE (Groupe d’IntérêtEconomique), la CEP, gérée essentiellement par la Générale des Eaux (elle possède déjà lefichier clients de par sa position antérieure). Une totale opacité règne.

En 1987, une SEM est créée, la Société Anonyme de Gestion des Eaux de Paris (SAGEP), afind'engager rapidement un programme de modernisation et de renforcement des moyens de production et de transport des eaux : les installations techniques et les usines de production d’eaude la ville de Paris sortent de la régie municipale. Le patrimoine reste la propriété de la Ville,mais son exploitation est cédée à la SAGEP dont la ville détient 70 % du capital, 4 SEM de laVille 2 %, la Compagnie Générale des Eaux et la Lyonnaise des Eaux chacune 14 %. Les deuxdélégataires, en entrant dans le capital, avaient clairement comme objectif de racheter la SEM.Ainsi, actionnaires de la SAGEP, Veolia et Suez revendent l’eau aux délégataires Veolia et Suez ;de plus, la SAGEP s’est vu confier le mandat de contrôle des distributeurs –qui sont ses propresadministrateurs privés…Par ailleurs, les contrats étant signés entre la Ville et les délégataires, la SEM pouvait faireremonter des rapports, signaler des insuffisances ou des manquements, les services de la Ville enfaisaient ce qu’ils voulaient…

Plusieurs rapports ont critiqué l’organisation du service, notamment celui de l’Inspectiongénérale de la Ville de Paris en 2000 qui pointe l’absence d’état des lieux par la Ville et

l’incapacité en conséquence de fixer des objectifs d’entretien et de travaux précis, l’impossibilitéde tout contrôle, l’opacité quasi-totale dans la gestion et la facturation en ce qui concerne le GIE,etc. La situation parisienne illustre également totalement les travers dénoncés dans un autrerapport public, produit par la Cour des Comptes en 2003.

Autre point à souligner : les ventes d’eau n’apparaissent que pour une part dans les recettestotales des distributeurs. En effet, ils ne reversent la part due sur les factures à certainsorganismes tels la Ville, la Sagep ou l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, etc. qu’avec undécalage de plusieurs mois. Ce que confirme le rapport de la Cour des Comptes de 2003 quisignale que les très importants produits financiers générés par cette trésorerie indue n’apparaît

même pas dans leurs comptes…

La Ville ne s’était dotée d’aucun moyen de contrôle et n’avait pas de budget annexe (totalementillégal).

Enfin, il est établi que le prix de l’eau à Paris a augmenté nettement plus fortement qu’ailleurs :un rapport de la DGCCRF établit qu’alors que la moyenne des augmentations de 1991 à 1997était de 51,5 % dans les communes de plus de 100 000 habitants, elle était de plus de 90 % à

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Paris. Et la facture d’eau a augmenté de 260 % entre 1985 et 2009. Ces augmentations ne sontque peu perçues chez les usagers, locataires et co-propriétaires, qui pour la plupart à Paris, ontleurs charges répercutées par les syndics d’immeubles au prorata des millièmes des copropriétéset non en fonction des consommations.

En 2001, nouvelle donne. Élection de Bertrand Delanoë comme maire de Paris. Anne Le Strat estnommée PDG de la SAGEP. La partie de bras de fer est engagée par le maire et la Ville de Parisavec Veolia et Suez pour revenir à une gestion municipale. L’engagement politique très clair deBertrand Delanoë s’est montré essentiel dans ce combat.

Vers la remunicipalisation 

Bertrand Delanoë, opposé à cette situation d’affrontement direct, ne choisit pas la résiliation. Car la faute de contrôle et de maîtrise incombait à la ville, il s’agissait d’une défaillance de lacollectivité qui n’était pas imputable au privé :‐  les provisions étaient légales,

‐  le contrat avait été rédigé par les délégataires, et il n’y avait pas de faillite contractuelle sur leurs prestations.Que faire ? De quels moyens se doter ?

Le constat est rapidement tiré que tout ce qui rapportait de l’argent allait au privé, tout ce quiconcernait les gros investissements était à la charge de la SEM. Il faut noter une mobilisation trèsforte des équipes de la SEM afin de démontrer l’utilité de la structure SEM, l’intérêt de sa pérennité pour le service.

Lors de la 1ère communication en 2001, 3 axes sont annoncés :

‐  la reconstitution d’un pôle de compétences eau au sein des services municipaux‐  la création d’un budget annexe de l’eau‐  la reprise du contrôle des délégataires

Plusieurs audits sont commandés, notamment un audit demandé par le maire de Paris sur le GIEchargé de la facturation, rapport remis fin 2002 et rendu public fin 2003.

Ce qui se concrétise en 2003 - lors de la renégociation prévue avec les délégataires, la Ville deParis passe un avenant qui les oblige à moderniser leur réseau par :‐  un effort d’investissement de 153 millions d’euros‐  le remplacement par les deux entreprises de cinquante mille branchements en plomb d’ici

2009 (au lieu de 2013)Est également actée la sortie des deux distributeurs du capital de la SEM.

Par ailleurs :‐  le GIE de facturation commun à Vèolia et Suez est supprimé‐  un budget annexe de l’eau est rétabli‐  un compte prévisionnel d’exploitation est annexé au contrat‐  un programme prévisionnel des travaux est annexé aux avenants.

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 Un regret exprimé par Anne Le Strat qui trouve insuffisante la somme de 153 millions d’euros : ilne s’agit que d’une partie des sommes ponctionnées de 1985 à 2003 sur les factures des abonnés parisiens qui ont généré des intérêts importants sur ces fonds placés (cf. abstention des Verts etdes communistes lors du vote de la délibération).

En 2005, nouvel élément dans cette guerre de l’eau en Ile-de-France : la Lyonnaise des Eaux et leSEDIF (Syndicat des eaux d’Ile de France qui regroupe 144 communes) sont condamnés pour leurs pratiques de non-respect de la concurrence et des règles du marché dans le secteur de l’eau  potable en Ile-de-France. Décision qui met en relief les pratiques illicites du SEDIF afind’empêcher la SAGEP de faire une offre à la société en charge du marché d’intérêt national deRungis.

En 2006, toute une batterie d’études est mise en place, les opposants minoritaires d’unegestion publique n’ayant pas désarmé :‐  analyse comparative des différents modes d’organisation possibles pour la gestion du futur 

service‐  enquête comparative nationale et internationale sur les aspects d’organisation et de

fonctionnement des services d’eau‐  étude sur les fins de délégations actuelles‐  schéma directeur de l’eau potable 2010-2025‐  assistance pour l’accompagnement du processus de choix du futur mode de gestion‐  etc.

Des benchmarkings sont lancés avec la FNCCR et en Europe avec European BenchmarkingCooperation (EBC) à l’initiative de Vewin.L’observatoire municipal de l’eau est créé.

La bataille n’est pas facile à mener car les services étaient favorables à la DSP. Le cahier descharges était fait par eux.Il a fallu organiser une contre-expertise menée au sein de la SEM avec des groupes de travailthématiques – ce qui a permis de faire une proposition au maire.Il s’agissait aussi de convaincre les personnes qui travaillaient à la SEM qu’elles devaient se"transformer" en régie.

En 2007, une délibération de la Ville de Paris décide de sortir les deux distributeurs de la SEM -ex SAGEP renommée Eau de Paris - et d’introduire la Caisse des Dépôts et Consignations qui a

accepté, dans ce cadre, de racheter intégralement les 28 % d’actions des 2 groupes privés.Par ailleurs, le conseil d’administration d’Eau de Paris est ouvert au monde des usagers etassociations acteurs de l’Eau. C’est ainsi que France Nature Environnement devient censeur entant que personne qualifiée avec voix consultative.

Une nouvelle étape est enclenchée : celle de rendre publique, sous contrôle municipal,l’exploitation du service de l’eau à Paris, de la production à la distribution. Une nouvellegouvernance de l’eau dans une logique d’intérêt général et non pas de profit.

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30Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

 La création d’un véritable service public de l’eau

En novembre 2008, le Conseil de Paris vote la réforme du service public de l’eau. La création  juridique de l’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) est effective en  janvier 2009, et la SEM transfert ses activités à l’EPIC en mai. Le 1er  janvier 2010 marque la

conclusion du processus de création d’un opérateur unique du service public de l’eau à Paris avecla fin des contrats de Suez et Veolia Eau et la reprise des activités de distribution d’eau par Eaude Paris.

Le retour à une gestion publique comportait de gros dossiers, notamment :1.  les fichiers informatiques de gestion clientèle2.  la reprise des compteurs et autres biens3. l’intégration du personnel dédié

1- La grosse difficulté sur Paris a été d’avoir 3 opérateurs différents, avec des systèmes

d’information incompatibles entre eux. Il était impossible de tout récupérer correctement en unan. Les systèmes Veolia et Suez sont exploités pour une durée temporaire avant la création par Eau de Paris de son propre système d’information. Un appel d’offre a été lancé pour constituer un système d’information propre à Eau de Paris opérationnel en 2012.

2- Les compteurs doivent faire l’objet d’un rachat, à un tarif relativement élevé maiscontractuellement arrêté lors de la signature de la DSP.

3- Eau de Paris a repris 228 personnes, en contrat de droit privé, la structure de l’EPIC permettant d’avoir, avec une même convention collective, à la fois des agents de la Ville et des

salariés relevant du droit privé. Il y a eu une déperdition d’une cinquantaine de personnes, avecune forte proportion dans le personnel d’encadrement.La question du personnel a été un problème important : quel contrôle des effectifs peut-on avoir ?La ville peut entrer dans la comptabilité générale si elle le veut. Un audit social a été fait en 2008  pour identifier les personnels (accords, statuts, effectifs…), mais il y avait une grandehétérogénéité des contrats et des statuts au sein des distributeurs. 

In fine, au 1er  janvier 2010, on a :‐  une régie à personnalité morale‐  une structure d’environ 900 personnes sur les missions de production, transport, distribution

et facturation‐  un budget annexe, dont la présidente d’Eau de Paris est responsable en tant qu’adjointe‐  un schéma directeur de l’eau potable 2010-2015‐  avec un engagement à stabiliser le prix de l’eau jusqu’à la fin de la mandature en euros

courants

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La question de la gouvernance 

Un contrat d’objectifs a été signé entre la Ville et la Régie, listant 10 grands objectifs et une  batterie d’indicateurs de performance. Un rapport annuel d’activités est soumis au Conseil deParis.

Le conseil d’administration est ouvert à des représentants des usagers à travers des représentantsassociatifs (France Nature Environnement, l’UFC Que Choisir et l’Observatoire de l’Eau) qui ontvoix consultative.

L’Observatoire municipal de l’eau (commission extra-municipale) a été créé en 2006, sesattributions revues en 2008. Son objectif est d’accompagner la Ville dans la mise en œuvre de sa  politique Il est composé de représentants des usagers (bailleurs sociaux, syndics, locataires,consommateurs), de représentants associatifs, d'élus et de partenaires du service public de l'eau.C’est un lieu d’information et de débat sur le service public de l’eau et de l’assainissement. Il estdoté d’un Bureau et ses réunions sont ouvertes au public.

Une démarche interne et participative « Eau de Paris demain » associe l’ensemble du personneldepuis 2006.

Le prix à l’usager 

Ville de Paris : 2,2 millions d’habitants concernés, 3 millions de consommateurs quotidiens, pour 94 000 abonnés, c’est là une configuration toute particulière. Car il n’y a pas de contact directavec l’usager. L’instauration d’une tarification sociale de l’eau est rendue impossible. Seulesolution : l’abondement du FSL et des aides sociales à l’eau de la ville.

Les coupures d’eau ne sont pas pratiquées.La question des squats a été résolue par l’instauration de conventions particulières qui leur autorisent l’approvisionnement en eau. Ce pour garantir un accès à l’eau en évitant la réouverturesauvage des réseaux et les dégradations possibles s’en suivant.

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7 avril 2010

Audition de Jacques TCHENG,La Régie des Eaux de Grenoble (REG)

Note préalable

L’eau de Grenoble est l’une des meilleures de France, surabondante, très pure, naturellementminéralisée, non chlorée. Et l’une des moins chères également (la 2ème). Elle est distribuée par laRégie des Eaux de Grenoble dont Jacques Tcheng est le directeur depuis sa création, en 2001.Ses compétences et son savoir-faire sont largement reconnus.

L’eau est un sujet extrêmement sensible localement : épisode Dubedout qui avait créé le« syndicat des usagers de l’eau » et pris la municipalité - puis « affaire Carignon », procès de1995-96 avec l’implication de la Lyonnaise des eaux sur l’attribution du marché de l'eau àGrenoble en 1989, le renflouement du groupe de presse Dauphiné News qui avait soutenu lacampagne électorale d'Alain Carignon en 1989, les dépenses personnelles d'Alain Carignonassurées par la société Whip…

L’une des batailles du 1er  mandat de Michel Destot a été sur l’eau. C’est par étapes successivesque l’on a abouti à la création de la REG. La Régie a en charge la gestion et la surveillance des périmètres de captages, la maintenance de l’outil de production et la distribution de l’eau.

Une réserve naturelle régionale a été créée pour améliorer la protection des champs captants.

2 300 hectares au sud de Grenoble bénéficient d'un statut privilégié. Toute industrie utilisant des produits chimiques y est interdite, et dans un périmètre plus restreint rien ne peut être construit.Le cœur de ce dispositif : le site de Rochefort, 500 hectares, propriété intégrale de lamunicipalité.

L’audition de Jacques Tcheng qui, sur le terrain, a été présent durant tout le combat deremunicipalisation de l’eau, s’imposait au groupe.

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Audition de Jacques TCHENG, Directeur de la Régie des Eaux de Grenoble

Jacques Tcheng rappelle son parcours professionnel5 qui explique comment il a pu faire face àla complexité du dossier sur l'eau à Grenoble. A l'époque de l'affaire Rivier en 1990 qui touchaitAlain Carignon (fausses factures du sud-est dans laquelle l'OPAC HLM de la ville de Grenobleétait impliqué), Jacques Tcheng siégeait à l'époque à la CGLS (caisse de garantie du logementsocial, structure interministérielle qui étudie des plans de redressement pour des organismes oudécide de leur liquidation. Louis Besson, alors ministre de l'Équipement et du Logement, luidemande d'aller à Grenoble où il (Jacques Tcheng) est nommé directeur de l'OPAC HLM de laville - la question se posant d'avoir sur place un garant et que les si problèmes trop importants)Il a donc ainsi travaillé avec Alain Carignon de 1990 à sa chute en 1995.

En arrivant à la mairie de Grenoble, Michel Destot choisit de marquer une rupture nette avec lemandat de son prédécesseur et de changer les directions de toutes les structures satellites de laville. Dans ce cadre de renouveau, il fait appel à Jacques Tcheng sur le dossier particulièrementdélicat de l’eau sur lequel Raymond Avrillier avait été très actif au niveau associatif, avec leconcours de M. Mas, décédé depuis.

A l'origine de l’affaire Carignon, c’est le "droit d’entrée" : La Lyonnaise avait négocié encontrepartie de l'octroi du contrat de service de l'eau, une aide à la ville de Grenoble 300 millionsde francs versés par tranche pour alimenter le budget général de la collectivité, évitant ainsil’accroissement de l’endettement de la ville et donc le prélèvement d'impôt supplémentaire.En réalité, ce sont les frais annexes liés aux négociations qui ont pénalisé M. Carignon. Lesarrêtés du jugement sont très clairs, et avant 1995, on peut rappeler que les « droits d’entrée » pour obtenir une DSP n’étaient pas encore interdits ».

Jusqu’en 1989, il y avait un service municipal de l'eau et de l'assainissement.

En novembre 1989, 2 contrats sont signés entre la ville de Grenoble et la COGESE, CompagnieGénérale du Sud-Est, filiale à 50 % SDEI et 50 % SEREPI, elles-mêmes filiales à 100 % de laLyonnaise - devenue Suez. Par assimilation on peut dire que c'était Lyonnaise-Suez qui étaitfermière à 100 %.Il est très instructif de regarder de près le rôle des filiales : les services d'eau travaillent souventavec des entités dont la dépendance à un groupe n’apparaît pas toujours. En l’espèce laSOGECOM qui apparaît en tant que centrale d'achat, la SCM société financière et d’autressociétés du BTP. Ainsi, les politiques d’achat menées par des acheteurs nationaux sont d’abord

  5  Issu du ministère de l'Équipement, Jacques Tcheng est commissaire du gouvernement jusqu'en 1990, et a acquis

une expérience diversifiée dans les services de l'État, notamment au sein des services d'études techniques del'Équipement où il a exercé à l'Inspection générale HLM ; puis a effectué un passage dans le privé, directeuradministratif et financier d'un groupe de 4 sociétés privées, ce qui l'a amené à connaître la comptabilité privée defaçon précise ; revenu au ministère de l'Équipement, il a été amené en qualité de chef de bureau des organismesconstructeurs à rédiger une instruction comptable pour les sociétés anonymes d'HLM, ce qui lui a permis derenforcer ses connaissances de la comptabilité privée, avant de rejoindre le poste de directeur de l'OPAC HLM dela ville de Grenoble

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34Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

guidées par les remises obtenues au détriment de la qualité et de la durabilité des produits. Cela pose une vraie question sur l’avenir de nos réseaux.

Le comportement de ces agents économiques privilégie la politique industrielle du groupefinancier auquel elles appartiennent plutôt que l’intérêt propre de leur co-contractant. Ainsi, àl’époque, le cash flow du service d’eau délégué s’élevait à 70 millions de francs alimentant en  produits financiers les caisses du groupe. Devenu SAEML société d’économie mixte souscontrôle de la collectivité, le même cash flow a été ramené à 30 millions en l’espace de 4 mois,moyennant une gestion appropriée. Dans le même temps une ligne de trésorerie équivalente a éténégociée avec une grande Banque dans des conditions beaucoup plus économiques divisant ainsiles frais financiers imputables aux usagers par un facteur quatre....

Nuances ou différences entre gestion publique et gestion privée ?

Les capitaux privés placés en abondance dans les structures d'eau présentent des coefficients derentabilité souvent supérieurs à 15 %. A cet égard, les contrats anciens, signés sur ces bases n'ont

 pas été renégociés lors de la crise financière malgré la baisse des taux qui a suivi. Les capitauxétaient placés en général dans une fourchette de 9 à 10 % ; auxquels il faut rajouter la rentabilitédu contrat (environ 5 à 10% hors consolidation). Ces fonds combinés à des emprunts peuvent,avec un peu d'ingénierie financière, voir leur rentabilité augmenter de 50%. Il est clair que cestechniques ne sont pas enseignées dans les centres qui forment les agents des collectivités.Sur la durée complète d’un contrat, la rentabilité constatée est très importante et permet dedégager des marges de renégociation utilisables lors du renouvellement des contrats, de sorte quesouvent les nouvelles conditions offertes peuvent s’afficher à des niveaux inférieurs à ceux pratiqués dans le cadre du contrat arrivé à échéance !

Les collectivités, autorités délégantes, organisatrices du service public, sont dotées decollaborateurs, agents de la fonction publique territoriale ou fonctionnaires d'État dont peu ontune expérience du privé. Or la comptabilité privée et la comptabilité publique présentent desfondamentaux très différents, tout autant dans l'état d'esprit que dans la lecture des documentsfinanciers. Sur le fond le premier d’entre eux est que l’opérateur public fonctionne selon le principe de « l’équilibre budgétaire » donc sans marge, alors que l’opérateur privé a le devoir dedégager du résultat vis-à-vis de ses actionnaires. Sur la forme, les rapports financiers remis par les fermiers privés aux collectivités sont difficiles à décoder par des fonctionnaires non aguerrisà l’analyse financière de la comptabilité privée. Il en est de même pour les liasses fiscalesdéposées auprès du tribunal, lorsque, et c’est rarement le cas le fermier a créé un société dédiée pour exploiter le service d’eau.

Donc, en 1996 le Maire Michel Destot déclare le « retour du service public de l’eau souscontrôle municipal»

Pour la COGESE, cette étape marque une fin  et il est décidé de créer la Société des Eaux deGrenoble. Cet affichage public permet de dire : "je reprends le pouvoir, je municipalise le service public de l’eau"

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 Nommé en 1996 par Michel Destot, J. Tcheng a vécu toute cette période du retour en gestion  publique, tant sur les aspects techniques, économiques et juridiques que, "les mains dans lecambouis", sur le terrain. La structure a été réorganisée pour la remonter dans une autreconfiguration plus adaptée au service public.Comment négocier un contrat passé depuis quelques temps déjà entre un fermier et une grandeville comme Grenoble ? C’est d’autant plus délicat que ces contrats ont été conçus et construits par des équipes d’experts de qualité indéniable tant dans les domaines économique, et juridiqueque technique, voire relationnel. Il est souvent difficile pour une collectivité qui organise uneDSP tous les 10 à 20 ans d’être aussi affutée qu’un fermier candidat qui répond à plusieurscontrats par an !

La Lyonnaise d'accord pour vendre 51 % du capital de la COGESE : Ainsi la villedeviendra actionnaire principal et le service redeviendra public : il s'agit de passer ainsi d'une SAà une société d'économie mixte. Michel Destot pour la ville de Grenoble apporte un immeublereprésentant 51 % des parts du nouveau capital de la SAEML, dans lequel il est décidé d'installer le service des eaux.

D’autres scénarios que la renégociation conventionnelle ont été envisagés telle que la ruptureunilatérale du contrat. Pourquoi cette solution n'a-t-elle pas été choisie ? A cause du montantexorbitant de la clause d'indemnisation (près de 390 millions de francs). Casser un tel contratsignifiait 390 millions d’indemnisation ou, dans le meilleur des cas, selon l’appréciation du juge peut-être la moitié seulement…soit 200 millions de francs ! Le fermier pouvait en effet, à justeraison, défendre la thèse de l’enrichissement sans cause puisqu’il avait déjà versé à la collectivité près de 200 millions de francs. La collectivité, en qualité de puissance publique, aurait pu mettrefin au contrat usant du « fait du prince », mais même dans ce cas, le juge aurait demandé uneindemnité qui pouvait être de l’ordre de 130 à 150 millions de francs. C’est dans ce contexte

complexe que le Maire a choisi la voie la plus raisonnable, celle de la négociation.

En contrepartie de son accord pour que la ville entre au capital avec l’apport d’un immeublereprésentant 51 % du capital de la SEG (nouvelle appellation de la COGESE transformée enSAEML société anonyme d’économie mixte locale), le fermier négocie un pacte d'actionnairesau terme duquel il revendique 49 % d'actions à dividende préciputaire, ce qui signifie l’octroi dedividendes majorés (80% au lieu de 49% ) jusqu’au seuil de 45 millions de francs au delà duquelle régime de droit commun (51%- 49%) sera rétabli.

En deuxième point, le fermier crée une nouvelle structure, la Société Grenobloise d'Eau et

d'Assainissement (SGEA), à capitaux 100 % Lyonnaise, à laquelle la nouvelle société des eauxde Grenoble sous-traite 100 % des travaux de renouvellement et confie la gestion des abonnés cequi lui assure environ 45 millions de francs de chiffre d'affaires annuel. Un des articles du contratde sous-traitance passé entre les 2 structures privées prévoit en cas de dénonciation de celui-ci, pour quelque cause que ce soit, une indemnité à régler au sous traitant de l’ordre de 45 millionsde francs.L’existence même de ce contrat et des accords sus mentionnés induisent des contraintes fortes degestion pour réussir la stratégie lancée de retour du service de l’eau sous maîtrise municipale.

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 La question sensible du personnel a été prégnante durant toute cette période. En effet àl’origine près de 120 personnes travaillaient dans la COGESE. Puis lors de la création des 2sociétés, le personnel a eu le choix de rejoindre en fonction et dans la limite de son métier l’unou l’autre employeur : la S.E.G. (structure mixte publique privée) ou la SGEA, structuretotalement privée portée par le fermier. La quasi-totalité (95%) des collaborateurs ont choisi derejoindre la SGEA, sous traitant de la SEG.

Cela signifiait-il que la S.E.G. était une coquille vide ?…Non, c’était une étapeindispensable.

En effet, tous les flux financiers transitaient par la SEG. Cette « coquille » était détentrice ducontrat de sous-traitance avec la SGEA. Cela lui a permis d'effectuer des contrôles pointus sur les factures à régler, de suivre et influer sur tous les flux financiers.Avec le recul, on peut dire que cette phase transitoire a permis, sur différents registres, de trouver une transition nécessaire avec le fermier, alors qu’une rupture brutale et non préparée aurait pu

être préjudiciable à la bonne continuité de la qualité du service.

Un temps de « murissement » était indispensable pour le personnel vu la diversité des situationsindividuelles. Notamment les coexistences d’un double statut juridique (60 % de fonctionnaires,40% de privés) mais également d’une double culture (publique d’un côté, et fermière d’autre  part) ont créé des incertitudes sur les emplois et l’avenir et nécessite des explications pédagogiques.

Vers la fusion des deux structures

Fin 1999, le fermier accepte la fusion des 2 structures, évitant de ce fait les 45 millions

d'indemnités de rupture. Cela permet de retrouver une cohérence fonctionnelle dans une structureunique qui réunit désormais tous les salariés sous une seule main, privés et publics. Durant toutesles phases de ce montage, la permanence des équipes techniques est essentielle pour préserver leservice vis-à-vis des abonnés, car c’est bien sur le terrain que se mesure la réussite ou non d’untel retour à l’opérateur public. Il est souhaitable que les personnes clés restent à leur poste, et ce point a pesé dans le choix du statut juridique retenu pour la nouvelle structure.

Vers la création de la Régie des eaux de Grenoble

Par ailleurs, M. Raymond Avrillier a engagé un recours contre le contrat passé entre la S.E.G. etla SGEA, au motif que ce contrat de sous-traitance était une délégation de service public

déguisée. Sur ce point, en 1ère instance, les tribunaux ont effectivement estimé qu'il y aurait dû yavoir mise en concurrence conformément à la loi Sapin et demandé que les conséquences ensoient tirées.Ce jugement a compliqué la relation avec les abonnés. Leur méfiance attisée par l'affaireCarignon, ils refusaient de payer leurs factures d'eau, demandant à "payer le juste prix de l'eau"et consignant l'argent à la CARPA.Le Maire Michel Destot fait alors appel au Président du TGI pour qu’il nomme des experts judiciaires et statue sur le « juste prix » de l'eau sur la période de 1990 à 1999. Il s’avérera que, le

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contrat ayant été renégocié durant sa première moitié de vie, le prix de l’eau n’avait pas encore permis de récupérer la totalité des sommes avancées par le fermier. Les experts ont conclu au faitque le juste prix sur la période considérée aurait dû être supérieur de 0,20 F au prix payé par lesabonnés. Ce résultat est logique puisque la rentabilité du contrat était assurée sur la duréecomplète et donc principalement sur la seule deuxième moitié de la période d’exécution ducontrat (2002 à 2014).Au sein de la nouvelle majorité municipale plurielle, certaine tendance dénonçait le fait que lecorrompu avait été condamné mais que le corrupteur Lyonnaise ne l’avait pas été et n’acceptait pas le principe de continuer à travailler avec elle. Une nouvelle structure juridique excluant laLyonnaise est alors recherchée.

Quelles alternatives ?

Soit on confie le service d'eau et d'assainissement à la nouvelle structure, la Société des Eaux deGrenoble dont la ville est actionnaire à 67,05 % et la Lyonnaise encore à 32,95 %, mais lecorrupteur apparaît toujours. De plus, il devait être procédé en même temps à une mise en

concurrence, comme demandé par le tribunal. Cela signifiait que si le marché avait été donné à laS.E.G., les risques de recours pour délit de favoritisme étaient patents.Soit décider une gestion directe en régie. Ensuite, le choix se posait entre une régie à personnalité morale ou à seule autonomie financière. Pour faciliter la gestion du personnel, lechoix s’est porté sur une régie à personnalité morale qui permettait de maintenir la prime dedétachement des fonctionnaires et également, (étant de régime de droit privé), de garder plusaisément le personnel de la Lyonnaise avec des rémunérations équivalentes.

Bien qu’au niveau réglementaire, l'article L1214.1 prévoie que le personnel suit le contrat et n'adonc pas d'inquiétude à avoir sur la pérennité de son emploi, la période de négociation fut

évidemment très délicate…En effet la pratique courante des employeurs est de dénoncer l’accordd’entreprise ; ils disposent alors d’un an pour en négocier un nouveau, ce qui a été fait. Dans lesgrands groupes (Veolia, Suez etc.) le personnel est rattaché à une convention collective de  branche qui facilite les migrations. Dans le cas d’une remunicipalisation, la coexistence de 2statuts (privé et FPT) rend l’harmonisation des métiers et des conditions salariales pluscomplexes.

A partir de 1999, en même temps que l'on procédait à une fusion absorption de la SGEA par laSEG, la nouvelle entité devenait structure d’hébergement du personnel. Mais il fallait solder lesdernières factures et les impayés clients, ce qui explique la durée de la transmission. Dès 2001 la branche économique eau de la SEG a rejoint la REG, Régie des Eaux de Grenoble et la brancheéconomique assainissement a été délestée vers la communauté d'agglomération qui en avait prisla compétence.

La convention de fin de gestion passée entre la ville et la S.E.G. est transférée au nouvelopérateur (100% public) la REG. La SEG se vide de son personnel et reste simplement propriétaire de l'immeuble qui héberge la nouvelle régie de l'eau.

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La rupture des contrats liant la SEG à la Ville, entérinée par la convention de fin de gestion précitée s’est réalisée moyennant une indemnité transactionnelle ramenant la situation nette de laSEG à zéro. En effet, la S.E.G. avait inscrit à son passif le fameux « droit d'entrée »versé à laVille en 1989, en contrepartie du contrat. Cela correspondait à une avance sur des recettesfutures générées par les contrats et chaque année une partie de ce droit était amortie par lesfactures des usagers. Il restait 87 millions de francs de passif que la Ville, autorité concédante, aremboursé à la SEG. Mais la Ville, devenue entre temps actionnaire majoritaire, détenait 2/3 ducapital. Ainsi la Ville a pu équilibrer son opération grâce au droit d’entrée encaissé et aux bénéfices distribués.

La régie est créée en mai 2000. Physiquement, le transfert des activités et du personnel a eu lieuen janvier 2001 tout comme la nomination de Jacques Tcheng à la direction du nouvelétablissement public.

L’équilibre d’un contrat de DSP se fait sur la durée… les bénéfices aussi !

C’est sur la base de ce principe connu que le maire de Grenoble a pu demander, sans prendre derisque sur les conclusions qu’ils apporteraient, la nomination d’experts judiciaires pour statuer sur le juste prix de l’eau …

Dans toutes les DSP, l’amortissement des investissements est pratiqué par les fermiers sur ladurée totale du contrat – or le plus couramment seules les 5 premières années d’exploitation sontsimulées et examinées avec sérieux. Les années suivantes sont forcément entachéesd’incertitudes. En fait les collectivités devraient non seulement raisonner sur toute la durée ducontrat, lorsqu'elles négocient un contrat mais surtout exercer un suivi serré de l’exécution et dela réalisation des simulations initiales. En effet, au fil des années les conditions économiques

changent et les dérives faibles prennent vite des proportions importantes grâce aux effets decumul et de levier. C’est bien ce mouvement d’optimisation permanent exercé année après annéeque le fermier, doué d’un professionnalisme certain, va mettre en œuvre, au fil d’avenants judicieux ou de transfert de charges, pour gagner quelques points de marge.

Aujourd'hui, on constate qu'un certain nombre de villes renégocient leur contratapparemment fort avantageusement (Bordeaux, Lyon, Région Ile de France…).Cela confirmeque la durée représente pour ces contrats une opportunité de « marger fortement ». En tenantcompte de l'inflation et des conditions économiques initiales les contrats rémunèrent courammentles capitaux privés à 9 ou 10 %... On peut constater aujourd’hui que les simulations initialesreposent sur des formules d'actualisation, à une époque où les taux et l'inflation étaient élevés,avec des indices à progression forte et des paramètres-cliquets qui permettent de protéger lesrémunérations des baisses de consommation, des fluctuations des marchés financiers.Aujourd'hui, la crise financière et la chute des taux n’ont pas conduit à une révision massive dela quasi-totalité des DSP.

Comment améliorer la réglementation actuelle pour aider les collectivités à suivre l’économiedes contrats de DSP sur toute leur durée avec des clauses de revoyure périodique par exemple ?Comment faciliter la lecture et le dépouillement de pièces comptables agrégées, de fraisgénéraux ou de siège en l’absence de comptabilité analytique accessible ? La loi sur l'eau impose

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désormais la fourniture d’un prévisionnel et d’un plan pluriannuel d’investissement, est cesuffisant?.Les outils manquent pour accroître la transparence de la gestion des fermiers et pour faciliter lalecture des mouvements financiers. La sous-traitance en cascade, le rôle des filiales, des sociétéssœurs…ou des procédures techniques « systèmes propriétaires » rendent les collectivitésmalvoyantes et dépendantes sans possibilité de mise en concurrence réelle.

Le coût de l'eau à Grenoble

En général, l'équilibre du contrat est assuré pour dégager une rentabilité forte quant on arrive àson terme. Cela correspond d’ailleurs à 2 objectifs constants : limiter la « notion de risque et  péril » du fermier et préserver les actionnaires de l’entreprise dont les capitaux privés sontnécessaires à son existence même. La durée du contrat permet d’identifier des gisements de profits par une connaissance approfondie de l’outil de distribution. Cette connaissance est aussimise à profit par le fermier pour réaliser des économies invisibles par rapport à des engagementsinitiaux soit en les différant soit, pire en ne les réalisant pas. Le challenge du fermier est la

satisfaction du « client » adossé à une montée en puissance constante de ses recettes propres.L’objectif pour lui est d’atteindre au plus tôt le « point mort » du contrat, c'est-à-dire l’instant oùtous les capitaux ayant financé les investissements initiaux ont été récupérés et amortis.

A Grenoble le contrat signé en 89, d’une durée 25 ans, avait un point mort théorique proche de2001 : Le contrat dénoncé en 1998, ne semblait pas avoir atteint son équilibre économique. Eneffet, la chambre régionale des comptes et ultérieurement les experts judiciaires nommés par lePrésident du Tribunal de Grande instance ont constaté que le prix de l'eau pratiqué était encore20 centimes au-dessous de ce qu'il aurait dû être par rapport à l'argent investi par le fermier.C’est ainsi que les abonnés qui avaient bloqué leurs paiements ont été conduits à régulariser 

rapidement leur situation au risque de voir leur facture majorée d’autant.

Point sur les aspects juridiques, économiques et comptables 

Contractuellement, il est important de définir le périmètre d’exploitation et les biensrattachés à la DSP selon leur nature:‐  « Les biens propres » : l'exploitant est propriétaire de certains outils, de certains matériels qu'il

utilise dans le cadre de l'exploitation du service d'eau. La plupart du temps, ces biens ont étéamortis dans le cadre du contrat donc finalement payés par les abonnés, mais en fin de parcours, ces matériels ne restent pas à la collectivité.

‐  « Les biens de retour » : traditionnellement, canalisations, équipements de production etouvrages hydrauliques, confiés à l'opérateur reviennent à la collectivité à titre gratuit à la findu contrat.

‐  « Les biens de reprise » sont les équipements confiés en gestion à l’opérateur, rénovés ouachetés dans le cadre du contrat (installation de compteurs, renouvellement des branchementsou canalisation…). Amortis dans le cadre du contrat ces biens payés par les usagers, sontsouvent repris par la collectivité soit à leur valeur nette comptable (résiduelle) soit à leur valeur d’usage ou à dire d'expert (équivalent d'une valeur argus), cela pose question?

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Le constat de ces pratiques révèle combien chaque détail est constitutif d’enjeux financiersnon négligeables. Dans un contrat de DSP les mots utilisés ont leur importance et doivent être précisés au départ dès son élaboration.C’est ainsi que les compteurs sont en général payés au moins 2 fois, la première par lesabonnés parce qu’ils les louent, une deuxième fois parce qu’il arrive que, achetés, ils soientamortis dans les dépenses prévues du contrat, et une troisième fois quand ils sont rachetés par la collectivité au terme du contrat, car considérés comme biens de reprise !

Les opérateurs publics et privés évoluent dans des environnements différents 

Parmi les plus notables soulignons que le gestionnaire public est soumis au code des marchéspublics. La mise en concurrence obligatoire, lorsqu'il a recours à des entreprises pour destravaux, pour s’assurer d’obtenir l’offre du mieux disant. Une telle exigence ne pèse pas àl’opérateur privé qui par facilité peut faire appel sans mise en concurrence et par le jeu de lasous-traitance en cascade (déjà évoquées) à des sociétés appartenant au même groupe que le siensans négocier les prix. Ces dernières peuvent aussi utiliser des matériels plus économiques ou qui

leur procurent plus de marge dans le cadre d’accord de groupe ou de convention d’omniumfinancier.

L’opérateur public a l’obligation de voter les budgets en équilibre. Cela conduit dès la première année, à amortir les dépenses de l'exercice en les divisant par les consommations del'année pour en tirer le prix de revient réel de l'eau. En gestion privée, il est possible de pratiquer un prix au m3 apparent inférieur, la première année, puisque l'on peut lisser pertes et bénéficessur toute la durée du contrat. La récupération se fait par des formules d'actualisation du prix del’eau qui garantissent pour l’opérateur le niveau des recettes futures sur des durées longues.

Autre paramètre : le principe de transparence et l’influence des instructions comptablesapplicables. En comptabilité publique, chaque service d’eau regroupe l’ensemble de sesdépenses dans un compte administratif unique, le cas échéant il peut même exister des sous-comptes ou un détail par opération. Cette contrainte n’existe pas pour l’opérateur privé qui gère plusieurs contrats et agglomère les résultats dans une comptabilité unique qui ne détaille ni lesclés de répartition entre contrats ni ses dépenses internes de frais de siège ou fraisgénéraux…Elles sont même susceptibles d’être assimilées à des secrets industriels.

Selon les comptabilités appliquées, les dotations et amortissements sont traitéesdifféremment. La notion de dotation aux provisions dans le privé n’existe pas dans le public. Chez ces derniers,les investissements s’amortissent de manière linéaire sur des durées longues. La comptabilité privée pratique à l’inverse sur des durées courtes et en mode dégressif à un rythme rapide pour des raisons économiques et fiscales. Cela permet d’afficher, en début de DSP, des pertes quigénèrent un avoir fiscal. Grâce à celui-ci qui est consolidé au niveau de la holding, lesdividendes sont distribués sans supporter l’impôt.

De même sur la durée, le contrat supporte outre l’amortissement financier des capitaux privéségalement des amortissements dits de caducité sur les investissements. Le prix de l’eau supporte

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ces charges qui n’existent pas en comptabilité publique. Mécaniquement les premières années, lerapport du délégataire présenté au maire apparaît déficitaire alors que dans la durée il estlargement positif. Cela présente l’effet pervers de conforter la collectivité dans l’idée qu’elle a bien négocié sa DSP…Les exemples récents de Lyon ou Bordeaux ainsi que de nombreux autresdémontrent que l’expérience et l’expertise permettent de tirer des profits élevés.

La chance de Grenoble réside dans le fait que le Maire a exigé que le service d’eau soitassuré par une société dédiée la COGESE qui devait déposer ses comptes au greffe dutribunal. Cela a facilité des rapprochements année par année entre les comptes présentés auMaire au titre du contrat d’affermage et les comptes sociaux déposés au greffe du tribunal. Lecontrat était bien sûr déficitaire au début, la 1ère année - 20 millions, la 2ème - 15 millions, … etc.La COGESE a ainsi apparemment perdu 36 millions de francs entre 89 et 96 puisqu’elle a opéréune augmentation de capital de 9 millions de F., ses apports s’élevant alors à environ 45 millionsde F, en fait un peu moins grâce aux coûts récupérés par des filiales. Après fusion entrestructures, le résultat du contrat de gestion s’est amélioré quasi instantanément, moyennantquelques arbitrages de gestion : la COGESE ne perdait plus que -1 ou– 2 les premières années puis atteignit rapidement l’équilibre les années suivantes. En fait le « raccordement » entre lerendu contractuel au Maire et les comptes sociaux ont permis de reconstituer une colonne« invisible » de prestations dites « hors contrat », les équipes travaillant alors pour d’autresclients qui permettent de rentabiliser le 1er  contrat qui apparaît déficitaire. Et pour cause toutesles charges lui sont affectées ! .

Réversibilité juridique et dépendance technique… 

Si la réversibilité des modes de gestion publique / privée apparaît « facile »…Il en va toutautrement sur le plan technique. En effet, interrompre juridiquement un contrat est aisé. Assurer 

la continuité du service est plus délicat et nécessite une forte anticipation et une organisation sansfaille surtout au niveau de la facturation des abonnés ! Par exemple, pour le contrat de Grenobleinterrompu en 2000, les abonnés ont payé leur consommation jusqu’en décembre 2000 àl’opérateur privé, et à partir de janvier 2001 la charge de la facture des consommations relève del’opérateur public. Mais en pratique, les consommations de janvier à juin 2001 seront facturéesaux abonnés seulement à partir de juillet 2001 tandis que sur cette période-là, ce sont lesanciennes factures de l’opérateur privé qu’il faut recouvrer. Ainsi l’opérateur privé est obligé decontinuer à suivre ou de passer un accord avec le nouvel opérateur ou à défaut de se coordonner avec lui. A Grenoble, les créances ont été titrisées, c'est-à-dire, rachetées à l’opérateur privé avecun rabais qui tient compte de l’espérance de recouvrement en fonction de l’ancienneté et dumontant de la dette, mais également en tenant compte des impayés définitifs : liquidations decommerces, d’entreprises, familles en surendettement ou pour lesquelles des plans d’apurementet échéanciers ont été passés sur 2 ans, voire 3 ou 5 ans, et qui donc, au lieu de se terminer en2001, vont se terminer en 2006 voir au-delà s’il y a des recours. Et la famille en difficulté vadevoir avoir à faire un jour à un huissier privé et le lendemain à celui du trésor public. Tout celadoit être géré dans la cohérence vis-à-vis des abonnés en général et de l’usager en difficulté en particulier.

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Il y a donc une dépendance administrative évidente liée au changement de statut des opérateurs.Mais la dépendance technique est plus pernicieuse, moins flagrante, et plus gênante pour organiser les mises en concurrence. La réversibilité technique recouvre principalementl’informatique, les systèmes de relève de compteurs.

L’exemple de GrenobleLe logiciel informatique utilisé jusqu’alors était un logiciel dédié de la Lyonnaise, assezcomplexe. Nous avons pu procéder assez rapidement à un appel d’offre, mais pasimmédiatement. Cet appel d’offres a porté ses fruits. Remporté par une filiale de Suez-Veolia(50/50) cela a permis d’économiser environ 30 % sur la prestation antérieure, et d’être rassurésur la reprise de l’historique qui peut être plus ou moins laborieuse et retarder le processustechnique de transfert d’exploitation sur un nouveau système. Ces programmes qui doivent  pouvoir traiter des dizaines de milliers d’abonnés (plus de 50 000 à Grenoble) classée encatégorie d’usagers associée chacune à un tarif spécifique. Les logiciels traitant les index à partir de portables de saisie répondent à des logiques constructeurs et concepteur logiciel de facturationassocié qui lie les techniciens sur des périodes longues. C’est un poste de dépenses important dela sous-traitance qui lui-même représente une part significative des dépenses d’exploitation.Télégestion des alarmes, radio ou télé relève, système de transmission avec cible et logiciels« attachés »…sont des systèmes dits « propriétaires ». En effet ces chaînes techniquesd’équipements matériels et logiciels ne sont pas interchangeables par portion, car chaqueconstructeur, fournisseur et concepteur travaille selon ses propres normes.La télé relève est très prisée car elle permet pour l’opérateur des économies de personnel maiselle rend la collectivité prisonnière d’une technologie. Ainsi l’apparente réversibilité juridiqueest contrainte par la dépendance technique.

Les services d’eau et d’assainissement comparables à des icebergs ?

L’action quotidienne de l’opérateur en constitue la partie émergée visible du public et que l’onretrouve dans le prix de l’eau. L’UFC Que choisir et les médias dénoncent régulièrement le prixde l’eau et sa cherté. Mais la partie immergée est la plus lourde pour l’avenir des collectivités etdes générations futures car souvent peu connue et mal surveillée. C’est l’entretien du patrimoine

(tuyaux, réservoirs, équipements hydrauliques, compteurs) L’état du patrimoine hydrauliquecommunal est le fruit du prix de l’eau et du travail de l’opérateur. Le montant de l’actif diminuéde celui du passif figurant au compte de gestion du comptable public a une valeur, celle de l’outilde production, révélatrice de la richesse détenue par la commune. Cette donnée existe dansd’autres domaines comme celui des transports, des ordures ménagères…et du monde industriel. 

Après les 2 dernières guerres mondiales, la France s’est reconstruite dans les années 50. Leséquipements hydrauliques, tuyaux et branchements datent majoritairement de cette époque. Or de tels réseaux ont une durée de vie physique d’environ 80 ans, soit jusque dans les années 2030.Cette date marque pour ces équipements, à de rares exceptions près une approche de fin de vie.Pour maintenir ce réseau avec le même niveau de performance qu’en 1950, il aurait fallu qu'onl'ait entretenu tous les ans à hauteur d’1/80ème de sa valeur en Euros courants par an. Or cet actif  patrimonial « enterré » et invisible échappe à la vigilance générale. Les fuites ou les casses ne

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sont que des « symptômes » de leur fragilité et vétusté croissante. Rares sont les collectivités quiconnaissent l’état physique réel et la valeur économique de leur réseau de distribution.Est ce qu’une épargne de précaution a été constituée pour renouveler l’outil de production /distribution ? Certes les comptes administratifs enregistrent une valeur de cet actif communal,mais quel crédit lui accorder ? Est-ce que la collectivité amortit tous les ans ses installations demanière à constituer des provisions financières ?– Le comptable public se préoccupe-t-ild’affecter des montants de dotation aux amortissements qui correspondent à la réalitééconomique de leur remplacement ? Quelles sommes la collectivité affecte-t-elle à l’entretiencourant et aux grosses réparations ? L’autofinancement constitué à ce jour existe-t-il et sera-t-ilsuffisant pour faire face aux travaux du réseau de distribution sans devoir recourir massivement àl’emprunt en cas de casses multiples ?Cet enjeu majeur de service public est encore plus gravement dissimulé en cas de DSP car alors,le fermier assurant le renouvellement du patrimoine pour le compte de la collectivité, celle-ciignore l’état réel de son outil de production distribution. Le plus souvent en fin de contrat ellehérite d’un réseau dont elle ne maîtrise pas le tracé, l’âge des conduite, ni les matériaux qui lescomposent.A Grenoble, on a la chance de disposer aujourd’hui des plans des réseaux et des paramètresessentiels qui les composent ce qui permet une gestion plus fine. Cette connaissance a étéfacilitée du fait que 50 % de son patrimoine date des années 70 (année des jeux olympiques), etdonc on sait que dans les années 2050 la courbe de vieillissement des canalisations présente une« bosse » et des provisions sont à constituer en conséquence.

Consommation et qualité de l’eau

Aujourd’hui, nous sommes dans une logique écologique vertueuse de consommation. Mais lefait de consommer de moins en moins d’eau pose problème au gestionnaire :

   par la fragilisation mécanique de l’équilibre des dépenses par le prix de l’eau ;‐    par l’augmentation du risque sanitaire lié aux temps de séjour de l’eau dans les

canalisations et la question du redimensionnement de certaines conduites.‐  La concentration des effluents à traiter augmente, et devient aussi un élément à prendre en

considération‐  Par contre, les besoins en accès physiques, au développement urbain près, demeurent

stables.

Malgré la forte attention portée par les associations au prix de l’eau en France, son accèsn’est pas régulé, le prix de l’eau est libre et relève du secteur marchand,

D’autres secteurs comme le logement, le travail, les carburants et les énergies sont régulés ...Pour l’eau qui est une ressource vitale pour la vie des hommes, ce n’est pas le cas. Chaquecollectivité se débrouille. L’article 1 de la loi sur l’eau du 30 décembre 2006 spécifie en effet «l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et sonhygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous »

En France plus de 70 % des services de l’eau sont privatisés (alors que même aux Etats-Unis, cesecteur est public à de rares exceptions près). Ce constat se passe de commentaires.

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La spécificité française est que chaque collectivité ou syndicat d’eau est maître d’ouvrage sur son territoire et peut organiser son réseau de distribution d’eau ainsi que d’adduction comme ill’entend sans se référer à une logique de fonctionnement globale à l’échelle d’un bassin versant.Cela conduit parfois à des doublons dans les investissements et des coûts de fonctionnementinutiles alors que des économies d’échelle auraient pu être mis en place dans l’intérêt desusagers. Dans un esprit de rationalisation, la REG a ainsi demandé au Président du syndicatmixte du schéma directeur d’étudier l’adjonction d’un volet « eau » au schéma directeur sur le bassin d’agglomération Grenobloise .

Du côté des opérateurs privés, 3 grandes entreprises spécialisées dans l’eau mènent des actionsde recherche scientifique et de représentation communes alors que, côté public, plus de 36 000services de l’eau fonctionnent de manière indépendante. Chacun, maître sur son territoires’organise selon les exigences qui ressortent moins de cohérence fonctionnelle globale ethydraulique que de logiques territoriales politiques locales. Il parait aujourd’hui important defaire évoluer le comportement des autorités délégantes selon des modes de managementrépondant aux logiques de fonctionnement technique des bassins versants, de les inciter àmutualiser leurs moyens pour faire des économies d’échelle, de n’investir qu’après avoiroptimisé la gestion et les installations existantes en gardant prioritaires les objectifs depréservation de l’environnement et de l’économie sociale.

Le désarroi de nombreuses collectivités…

En termes de moyens, il y a également un grand désarroi des petites collectivités qui ne bénéficient plus d’une ingénierie publique gratuite et disponible. Cette question a fait l’objetd’une question adressée à notre ministre Christine Lagarde afin que la MAPPP (mission d’appuiaux partenariats publics privés) du ministère de l’Economie propose des solutions alternatives

qui n’omettent pas le rôle des opérateurs publics au bénéfice des seuls opérateurs privés. Lecourrier fait l’objet d’une réponse d’attente. Dans le même esprit les réformes actuelles quiréduisent le rôle des services techniques décentralisés de l’Etat en fusionnant les effectifs desDDE et DDAF affaiblissent l’ingénierie publique au bénéfice de la seule ingénierie privée. Or cette dernière est coûteuse et souvent inaccessible aux petites collectivités ce qui signifie que leservice public n’est plus rendu. Les finalités de l’ingénierie publique relèvent du service et del’accompagnement sans lier la prestation rendue à un coût économique direct tandis que celles del’ingénierie privée relèvent des nécessités économiques et du marché avec des exigencesd’entreprises dont les études doivent d’abord « satisfaire le client ».

Dans ce contexte, la proposition d’une structure d’accueil des acteurs publics de l’eau(notamment au niveau des grandes régies et collectivités en France) aurait du sens, pour partager les savoirs faire, tester les techniques, mutualiser les moyens en bénéficiant de réelles économiesd’échelles. Une structure spécifique ou connexe à la FNCCR mettant à disposition un pôled’expertise et conseils à la disposition des collectivités comblerait un besoin réel. Le  positionnement d’une telle structure est délicat pour que son fonctionnement soit reconnucomme « autorité technique » indépendante sans être une véritable institution …

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Une réflexion sur des dispositions à toiletter, aussi bien par rapport aux opérateurs privés que publics.Au-delà de ces questions de fond, une action de  toilettage de certains textes est à mener, dansune double perspective : lever certaines contraintes de gestion propres aux opérateurs publics(placement de leur trésorerie, etc.) et corriger certaines anomalies ouincohérences réglementaires mineures (la loi Oudin applicable aux collectivités, pas aux régies./l’harmonisation des régimes indemnitaires des présidents d’EPCI et de Régies / un outil juridique permettant la gestion « in house »).

Il est indispensable que les collectivités disposent d’un Centre Technique National de l’Eau qui les représente.

Le regroupement des majors (SUEZ, VEOLIA, SAUR) au sein de la Fédération professionnelledes entreprises de l’eau, est exemplaire. La FPEE héberge des experts présents dans toutes lesinstances « qui comptent » au niveau mondial, européen, national, régional, départemental, localainsi que dans des associations scientifiques de haut niveau et autres structures significatives.

Les Collectivités pourraient utilement s’inspirer de ce modèle pour créer   un centre techniquenational de l’eau doté d’experts pour expliquer les enjeux et difficultés des opérateurs publics :‐  la gouvernance publique‐  la notion de patrimoine public‐  le concept d’économie sociale et durable‐  le service public et l’intérêt général

Les collectivités pourraient aussi proposer que l’eau ne soit plus un produit commercial. Acontrario, ses qualités indispensables à l’hygiène et à la vie de l’homme (boisson etnourriture) actuelle et future incitent à réguler le secteur de l’eau ou à défaut, à le contrôler

tant dans son fonctionnement que dans son accessibilité à tous par un prix harmonisé.Une telle orientation permettrait de tirer toutes les conséquences de l’article 1 er de la loi surl’eau et les milieux aquatiques Loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 - art. 1 JORF 31décembre 2006 : 

  L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le

développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt 

 général.

  Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de

l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a ledroit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.

 Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources

elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales,

environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques.

 _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 

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10 mai 2010

Audition de Pascal POPELIN, vice-président du Syndicat des eaux d’Ile-de-France etprésident des Grands lacs de Seine

En observation liminaire, Pascal Popelin regrette que les élus socialistes et républicains n’aient  pas réussi à construire, dans la période récente, un outil que leur permettant de mieux secoordonner. Face aux décisions des gouvernements de droite en direction des collectivités locales(transfert du RMI aux Conseils généraux, acte 2 de la décentralisation, commission Balladur,réforme territoriale…), il y a rarement une position commune, notamment en ce qui concerne lesréponses à apporter (émission de titres de recettes à l’encontre de l’Etat, présentation des budgetsen déséquilibre…). Chacun va dans le plus grand désordre, en fonction de considérations la plupart du temps exclusivement locales.

C’est malheureusement la même chose dans le domaine de l’eau. Cette question est souvent malconnue des élus et ceux qui en parlent le plus ne sont pas forcément ceux qui maîtrisent le mieuxle sujet. Lorsque la distribution de l’eau, compétence communale, est déléguée à un syndicat etnotamment si ce syndicat est une grosse structure comme le Syndicat des eaux d’Ile-de-France(Sedif), les maires ne sont pas toujours sensibilisés aux enjeux.

La mauvaise réputation de la gestion de l’eau tient à deux éléments historiques

-  Les abus de position dominante des principaux opérateurs privés historiques (partage desterritoires, sociétés à participations croisées de nature à empêcher toute concurrence,

contrats léonins et parfois anciens portant sur des durées très longues)-  Les liens entre les majors de l’eau et le financement des organisations politiques, dont ils

ont longtemps été de gros bailleurs de fonds.

Même si des cadres juridiques ont mis un terme à ces pratiques (encadrement des procédures demise en concurrence et des procédures de délégation de service public, lois sur le financement dela vie politique et des campagnes électorales), le monde de l’eau reste frappé de l’opprobre decette histoire et de la queue de comète d’affaires anciennes, dont certaines font toutefois encorel’actualité judiciaire. Il demeure encore également des pratiques en vigueur, héritées de cettehistoire sulfureuse. Par exemple, les sociétés à participations croisées sont seulement en cours de

démantèlement aujourd’hui. Quant au Sedif, il renouvelle seulement aujourd’hui un contratconclu avec la Compagnie générale des eaux, sans mise en concurrence, en 1962 ! Pour cesyndicat -le plus important de France- qui a choisi, sous l’impulsion de sa majorité de droite, dereconduire le principe d’une délégation au privé, le prochain contrat sera donc le premier résultant d’une véritable compétition entre les deux principaux opérateurs que sont aujourd’huiVeolia et Suez-Lyonnaise.

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Sur la question de la marchandisation de l’eau

Fournir à la population une eau de qualité et autant que de besoin, a un coût. La ressource nemanque pas dans notre pays. Elle est toutefois la plupart du temps dégradée. La gratuité n’estdonc pas une solution réaliste, d’autant qu’il faut considérer l’eau comme un bien rare, qu’il nefaut pas gaspiller. De ce point de vue, l’exemple de Berlin est éclairant. Après la réunification, la

consommation d’eau de Berlin-est a considérablement diminuée, tout simplement parce que safourniture était facturée à un tarif qui n’était plus symbolique.

Puisque produire de l’eau a un coût, qui a d’ailleurs vocation à augmenter (en raison de l’étatdégradé de la ressource, des exigences environnementales qui se durcissent en particulier s’agissant de l’assainissement), il faut donc trancher la question de savoir qui paie. Lecontribuable ou l’usager. Pascal Popelin pense que c’est à l’usager de payer l’essentiel, seulmoyen de le responsabiliser dans ses pratiques de consommation. Le contribuable n’a vocationqu’à intervenir de façon subsidiaire, au titre par exemple d’un système de tarification sociale quireste à mettre en place, puisque ce type de dispositif n’a pas de fondement juridique aujourd’hui.

Que doit-on faire payer à l’usager ? Quelle prise en charge de la collectivité ?

Aujourd’hui, on a tendance à faire payer à l’usager des dépenses qui peuvent être considéréescomme indues, parce qu’il est plus facile de les financer par la facture d’eau que par l’impôt.

Il y a tout d’abord l’aberration de certaines normes, comme la directive européenne sur le plomb.Alors qu’il n’a jamais été démontré que le saturnisme pouvait être imputé aux canalisations en  plomb, on a contraint les distributeurs d’eau à engager des millions d’euros de travaux pour remplacer ces conduites. C’est d’autant plus idiot que l’intervention de remplacement s’arrête à lalimite de propriété et que les propriétaires, en particulier dans l’habitat ancien, conservent leurs

anciennes canalisations, pour la partie qui serait à leur charge !  Il y a ensuite ce qui ne devrait jamais être facturé à l’usager de l’eau, mais qui l’est aujourd’hui, parce que les textes sont inadaptés. C’est le cas de tous les dévoiements de réseaux, nécessaires  par exemple à la création des tramways ou autres aménagements de voirie. Quand une telleopération est décidée par une autorité publique, c’est la facture d’eau qui paie le déplacement descanalisations, au motif que le service de l’eau dispose d’une autorisation précaire d’utilisation dudomaine public !

Il y a enfin que ce qui est « limite », en matière de lien entre le consommateur d’eau et l’objetfinancé. Par exemple, la redevance perçue par Voies navigables de France, chargé de l’entretien

des cours d’eau.

Par ailleurs, il y a ce qui ne figure pas sur la facture d’eau, mais a vocation à apparaître demain.Prenons l’exemple des Grands lacs de Seine. L’entretien de ses ouvrages, qui contribuent ausoutien d’étiage et sont à ce titre indispensables au bon approvisionnement en eau del’agglomération parisienne, repose aujourd’hui exclusivement sur des financements des quatredépartements de la petite couronne. Ces ouvrages vieillissants justifient des travaux trèsimportants dans les toutes prochaines années, à des niveaux financiers hors de mesure desmoyens alloués par les Conseils généraux financeurs. Ceux-ci ne sont pas en situation

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d’augmenter leur contribution et, en outre, dans le principe, ils n’ont pas vocation à payer l’intégralité de ces travaux. Les Grands lacs de Seine, comme plusieurs Etablissementsterritoriaux de bassin (EPTB) travaillent donc à l’instauration d’une redevance pour servicerendu, au titre du soutien d’étiage. Ces redevances, seules source financières nouvelles juridiquement possibles à ce jour pour les EPTB, ont vocation à se généraliser dans les années àvenir sur les factures d’eau.

Sur l’organisation et la gouvernance actuelles du service de l’eau

Des disparités de taille importantes existent dans les services de l’eau. Le Sedif, qui est le plusimportant, dessert 143 communes, soit plus de 4 millions d’usagers. L’extrême inverse, c’est la petite commune, qui assume seule son service de l’eau.

Il y a là un vrai problème de cohérence territoriale sur lequel il convient de se pencher. Pour autant, il n’est pas sain d’autoriser les communautés d’agglomérations qui se constituent à prendre la compétence eau (qui est facultative) si elles ne l’exercent pas réellement. A ce jour, on

observe des situations ubuesques, une communauté chargée de la compétence eau ayant parfoisde manière durable des opérateurs publics ou privés différents, selon l’histoire des communes quila composent.

Par ailleurs, le statut des régies publiques est complexe. Il gagnerait à être simplifié. Ladistinction entre régie avec ou sans personnalité morale est-elle vraiment souhaitable ? Pourquoiune autorité organisatrice telle que le Sedif ne pourrait-elle pas organiser en son sein unfonctionnement en régie, sans passer par la création d’une entité distincte ?

S’agissant des délégations de service public, les modalités devraient être plus explicites dans les

textes, notamment sur les modalités de contrôle du délégataire, l’exigence que le périmètre de ladélégation soit circonscrit dans les comptes d’une société filiale dédiée, les modalités de mise enconcurrence pour les marchés de travaux lancés par le délégataire… De tels aspects ne peuventêtre laissés à l’appréciation des autorités organisatrices locales, qui n’ont pas toujours lesressources techniques, juridiques et financières suffisantes pour discuter avec les grands groupes.

En résumé, une meilleure organisation et une bonne gouvernance nécessiteraient qu’il soitrépondu à 4 points :

1-  Quel est le territoire pertinent pour le service de l’eau ?

2-  Quelles sont les bonnes cohérences territoriales ?

3-  Comment simplifier l’organisation des régies publiques ?4-  Comment mieux garantir les possibilités de contrôle des élus sur les délégations de

service public ?

Pascal Popelin considère, en effet, qu’il n’est pas réaliste de trancher au plan national la questiondu mode de gestion.

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Les réformes à envisager

La loi dit que l’eau est un service public dont la charge de l’organisation incombe aux communes.Cette responsabilité communale doit-elle être maintenue ou faut-il aller vers un grand service public national ?

Pascal Popelin estime l’idée d’un grand service public national peu réaliste. En revanche,l’échelon communal est sans doute inadapté, en particulier pour les petites communes. Il faudraittrouver un cadre territorial pertinent, ce qui est complexe. Il s’agit en effet de prendre en compteà la fois :

-  l’hydrographie,

-  l’histoire

-  le découpage administratif (à chaque fois que l’on crée une nouvelle structure, c’est sur un territoire différent ! Or, il faut être pragmatique : un élu s’intéresse un territoire dont ilest élu ou bien à un territoire plus vaste, dans lequel il ambitionne de se faire élire !).

La question de la recherche et du développement doit aussi être prise en compte dans cetterecherche de la bonne taille : une petite régie publique qui dessert 10 000 habitants va êtrerapidement dépassée par les événements. Par ailleurs, les collectivités territoriales vont bien êtreobligées de se saisir de champs qui ont été désertés ces dernières années par l’Etat, dans le cadrela RGPP. Il apparaît nécessaire de refonder une véritable ingénierie publique.

Les EPTB peuvent être des opérateurs pour les collectivités locales.

Il serait aussi bon de garantir que les régies publiques se situent bien en dehors du champ de laconcurrence. Si l’opérateur public décide d’être en régie publique, il ne doit pas être mis en

concurrence avec des opérateurs privés.

Il n’est pas non plus normal que différents services publics puissent être mis en concurrence sur un même territoire. A titre d’exemple, il est dangereux pour la notion de service public de l’eauque le Sedif ait pu être condamné par le Conseil de la concurrence pour abus de positiondominante quand il défendait sa capacité à alimenter le marché de Rungis, sans mise enconcurrence avec Paris. Si le rentable est au marché et le reste au service public, il n’y a plus deservice public économiquement viable.

Les outils publics doivent donc être sortis clairement, dans notre droit, du secteur concurrentiel,

en particulier dans le domaine de l’eau.

L’eau n’est pas une marchandise comme les autres : il faut dire clairement que la distribution del’eau est une compétence supra-communale qui doit être organisée en fonction des seuils de  population et des bassins naturels ; il y a là un monopole de la distribution sur lequel laconcurrence n’a pas à intervenir, sauf si l’autorité organisatrice décide d’en déléguer l’organisation à une société privée.

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50Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

La question de la tarification sociale de l'eau devra également faire l’objet d’une législationclaire.

Sur la question du défi posé aux collectivités de la disparition de l’ingénierie publique

Un opérateur public pour les activités d’ingénierie, de recherche et de développement est

nécessaire.

Quel rôle pour le politique, le technicien, l’usager ?

Le politique doit rester l’autorité organisatrice, responsable, qui doit être en situation de pouvoir rendre des comptes aux citoyens.

Le technicien est force d’analyse et de proposition, qu’il soit agent public ou salarié d’uneentreprise privée.

L’usager doit être associé de façon souple, on doit lui rendre des comptes, pas seulement aumoment des élections. Mais il faut se garder d’instances lourdes et artificielles, qui ne sont quetrès rarement véritablement représentatives.

Sur la gouvernance par rapport aux Comités de bassin

Le législateur gagnerait à clarifier les structures. Une bonne gouvernance pourrait s’appuyer :

-  à l’échelle du bassin, sur le comité de bassin

-  à l’échelle de chaque sous-bassin versant, sur les EPTB

-  au plan local, sur les syndicats de rivière.

Il conviendrait aussi de réformer la gouvernance des Comités de bassin et des Agences de l’eau :

-  en réduisant le poids des lobbies (industriels et agriculteurs, par exemple, qui freinent lamise en œuvre du principe pollueur-payeur)

-  en confiant la direction de ces instances à des élus, plutôt qu’à des représentants de l’Etat.

Il est aussi indispensable de réformer leur composition, pour l’alléger et rendre ces instances plusopérationnelles.

 _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 

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12 avril 2010

Audition de Patrice GARIN, CEMAGREF6 Montpellier

Patrice Garin dirige une équipe de recherche pluridisciplinaire à Montpellier, « Gestion de l’eau,acteurs et usages » (G-EAU). L’essentiel des activités a porté d’abord sur la gestion quantitativede la ressource, plutôt l’irrigation, avec à la fois des parties techniques, aspects purement maîtrisede l’irrigation, et des enjeux purement hydrauliques pour la gestion des canaux, rivières, et barrages. Il y a eu ensuite un gros développement de la partie économique et un développementmoindre de la partie sciences humaines et sociales avec des anthropologues et Sciences Pomaintenant. Le (petit) laboratoire « Gestion des services d’Eau et d’Assainissement »d’AgroParisTech de Montpellier a été intégré à G-eau

La moitié des activités de recherche de l’unité de 50 chercheurs, 20 ingénieurs, sont àl’international, plutôt pays du Sud et Maghreb (l’unité est composée d’agents du Cemagref, maisaussi d’agents de l’IRD7 et du CIRAD8) .Les interventions au Sud se font surtout sur l’aspect quantitatif, les aspects qualitatifs étantencore considérés comme très secondaires, et sur les questions de services d’eau et d’accès àl’eau des populations les plus pauvres. Les problématiques des tensions quantitatives seretrouvent régulièrement.

Face à l'appauvrissement des ressources, quelle gestion ?

Lab -  Nous sommes confrontés dans certains coins de France (à l’exemple de la Vendée ou de

certains coins de la Charente), à l’appauvrissement des ressources que l’on ne sait pas gérer de

 façon pratique et immédiate. Quels sont les exemples au sud de la France, quelles interventions

intéressantes à connaître ? 

P.G. - On a commencé à gérer la question de l'eau par une politique d’offre, essentiellement. Il ya beaucoup d’endroits en France où les tensions sont nées du fait d’un développement malcontrôlé, non limitant, en rapport avec la ressource, de l’irrigation. C’est essentiellement cela,notamment en Charente avec par exemple une expansion du maïs irrigué sur des zones à solextrêmement superficiel, à rétention d’eau très faible. Dans beaucoup d’endroits, on a développél’irrigation de façon déraisonnable. C’est l’État qui, à travers ses services, a accordé lesautorisations de prélèvement d’eau de manière beaucoup trop laxiste dans les années 1980,

méconnaissant la réalité des pratiques d’irrigation, donc la demande et sans assurance sur laressource disponible. On est maintenant face à une situation très difficile à gérer, avec desagriculteurs qui ont investi dans l’irrigation, des territoires qui se sont organisés autour de ces

6 Le Cemagref est un organisme de recherche spécialisé en sciences et technologies pour l'environnement.Il fonde sa stratégie sur une double compétence dans les domaines de l'eau et des agro procédés. Sesapproches scientifiques permettent d'étudier les écosystèmes complexes, l'eau, les territoires et labiodiversité et leurs interrelations avec les activités humaines.7 IRD « institut de recherche pour le développement »8 CIRAD « la recherche agronomique pour le développement »

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52Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

  productions, à qui maintenant on demanderait de faire machine arrière. Cela fait vraimenttension. Or la responsabilité initiale réside dans l’incapacité des pouvoirs publics à dire non aumonde agricole à un certain moment. Pour atténuer les déséquilibres, on a construit des barragessupplémentaires, des retenues, des bassines en contre partie d’engagements de la profession àréduire ses consommations.… Mais, l’ampleur des déséquilibres est souvent trop importante et enCharente, lorsque la ressource a été créée, elle a été tout de suite entièrement mobilisée… Unecourse sans fin que l’on observe dans beaucoup d’autres régions du monde.

Comment revenir en arrière ? 

P.G. - C’est extrêmement difficile, et il n’est pas possible d’avoir un discours homogénéisant sur ce qui se passe en France. Il faut vraiment repartir des territoires agricoles croisés avec les bassinsde l’eau (le bassin versant), et le plus souvent avoir un diagnostic différencié en fonction dessituations. C’est ce qui se passe actuellement sur Niort qui a failli manquer d’eau en 2005 et pour laquelle un programme de recherche très vaste a été lancé (hydrologie, étude sols, agronomie,aspects économiques, sociologiques…).

Un 1er  principe : sur le plan agricole, revenir à des principes anciens mais tout à fait valables quiconsistent à réfléchir à ce que l’on peut faire dans un territoire : alors que l’on est beaucoup  passer par l’artificialisation des milieux, faire en sorte que le développement agricole tiennecompte des potentialités réelles des territoires. Ce qui ne doit pas jouer que sur la quantité maisaussi sur la qualité.A savoir que le réservoir sol, la qualité des sols, c’est quelque chose que l’on peut maîtriser, maisavec une certaine limite.

Un 2ème principe : des agriculteurs ont investi, il faudrait aller vers du soutien jusqu’àl’amortissement de l’investissement. L’essentiel du problème va peser sur cette période« intermédiaire », comment fait-on, maintenant, pour passer d’une situation critique à unesituation apaisée ?

Les solutions seront donc variables selon les spécificités locales. Il pourra s’agir parfois d’unsoutien à la création de stockage (bassines, recharge de nappe) pour assurer une irrigation decomplément, à justifier par un impact global bénéfique sur les milieux par rapport à la situationactuelle à un coût économique et social acceptable. Mais il faudra envisager aussi des incitationsà la désirrigation pour certains systèmes de production et/ou dans certaines zones déficitaires.

Les conséquences de l'évolution climatique

L’irrigation va s’imposer de plus en plus, notamment sur la partie sud de la France avecl’évolution climatique que l’on peut brosser dans un schéma rapide pour les 20 ou 30 prochainesannées (beaucoup d’aléas bien sûr dans ce type de prévision) :- plus de pluie au nord de la Loire, qui deviendra plus agricole,- moins de pluie au sud de la Loire qui va souffrir de sécheresse avec une hausse destempératures entraînant une augmentation de la demande en eau des plantes et donc desdemandes d’irrigation.

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Ce qui rend les choses très compliquées à terme dans la partie sud de la Loire où il y aaujourd’hui des situations de crise difficiles à gérer. Il faut trouver d’autres modèles agricolesdans ces zones et ne pas exclure, localement, la création de ressources supplémentaires quandc’est possible, car on va arriver à des zones de tension y compris dans des endroits aujourd’huiassez calmes.

Une nouvelle gestion des tensions agricoles appelle une vraie volonté politique

Il y a des endroits où il y a des tensions en terme quantitatif, mais ce n’est pas un diagnosticgénéral sur l’ensemble de la France. Les outils sont là, mais ce qui manque c’est la décision, lavolonté politique de réduire les tensions face au monde agricole. Ce qui ne sera pas facile. Il yaura des territoires sur lesquels il faudra lancer des diagnostics sereins, considérer qu’il faut créer de la ressource parce c’est effectivement possible. Du point de vue environnemental, ce n’est pasforcément préjudiciable pour l’environnement de stocker de l’eau à un moment et de laredistribuer. Il y a d’autres endroits où cela s’avérera économiquement non justifié, socialementinacceptable, écologiquement une erreur, techniquement une aberration… Les hydrobiologistes

ne sont pas contre par principe, dans l’absolu, à la solution de la bassine qui stocke de l’eau enhiver, éventuellement par pompage quand il n’y a pas d’enjeu spécifique sur des milieux à préserver. Après, il y a la question des modalités du relargage de l’eau, dans le milieu naturel oudirectement sur les parcelles, parce que celle-ci n’a pas une bonne température pour les milieuxaquatiques, de mauvais taux d’oxygène, et peut-être dangereuse du point de vue hydrobiologique.D’un point de vue économique, qui paye ces aménagements ? Pour faire quoi ? Qu’est ce quirevient au monde agricole en terme d’investissement à travers le prix de l’eau ?

L’intérêt d’implanter de nouvelles activités est souligné dans les débats qui suivent – Lab : si, à défaut de parler de développement durable, on s’inscrit dans des principes d’agronomie il estfacilement imaginable qu’il y a des territoires aujourd’hui agricoles qui ne le seront plus dansl’avenir. On ne devra plus répondre alors à une demande accrue en eau mais à une transformationde ces territoires avec d’autres systèmes agricoles, mais également d’autres activitéséconomiques. Il est important de trouver des modalités de mise en œuvre de ces politiques qui sefassent sans regret.

Quels moyens, quels nouveaux outils ? Qui les mettraient en œuvre ?

Pour Patrice Garin, la mise en œuvre apparaît comme devant être régionale. Il y a peu de probabilités aujourd’hui que la PAC prenne en compte ce dossier.Mais il pourrait y avoir des incitations européennes.

Il souligne qu’un soutien politique et financier des agriculteurs sera indispensable pour prendreen charge au moins ce qui leur reste d’annuités par rapport aux investissements sur irrigation.C’est ce que confirme d’ailleurs la réunion qui s’est tenue au niveau national sur ce sujet le 1 er  avril dernier, avec la FNSEA et tout le gotha de l’agriculture française, d’où il ressort que lesagriculteurs sont prêts à faire du développement durable, mais à condition d’être soutenus.

Relancer les démarches d'analyses prospectives

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Il peut y avoir des tensions très fortes en matière de régulation, même avant 2020. Localement,on peut le voir : lorsqu’il y a eu la flambée sur les prix agricoles en 2007/2008, les tentations dumonde agricole ont été très fortes de repartir sur de l’intensification. Tout aurait sauté.

Dans le monde agricole, quel qu’il soit, il y a peu de capacités réflexives et de développementsréflexifs sur « que sera notre profession dans 5 ans, dans 10 ans ? ». Les différents groupesd’agriculteurs qui sont en lien avec le Cemagref, dans le Roussillon ou en Beauce par exemple,font état d’une profession agricole qui porte peu de réflexions sur la question du devenir de leur territoire à moyen et long terme, donc très mal à l’aise dans les exercices prospectifs pour desvisions de l’eau à 10 ans (type SDAGE ou SAGE). Face aux tensions actuelles, immédiates, sur les prix, sur les incertitudes mêmes à exercer le métier d’agriculteur, ils sont dans l’immédiateté àchaque fois. C’est une position de résistance à toute évolution, une position défensive pour essayer de limiter la casse. La planification de l’eau ne doit pas être une contrainte de plus dansun environnement très incertain à court terme

De l’expérience développée en Roussillon et en Beauce, Patrice Garin retient que le mondeagricole attend d’organismes tel que le Cemagref un appui pour qu’on les amène vers ce type deréflexions. Pas seulement une réflexion pour travailler à l’horizon 2020/2030, mais pour voir, à partir des scénarios actuels, ce qu’il est possible de mettre en place aujourd’hui pour aller versquelque chose qui pourrait être piloté.

Au manque de lisibilité s’ajoute, dans les chambres d’agriculture, le fait qu’il n’y a plus les  personnes idoines capables de faire de l’analyse. On y trouve souvent des gens extrêmement  pointus d’un point de vue technique, extrêmement pointus au niveau réglementaire - desadministrateurs de l’agriculture en lieu et place de la DDA (il est clair, qu’ils prennent le relais).Mais des agronomes de terrain, il y en a de moins en moins …

Plus que dans la formation, le problème se situe dans le métier que les gens exercent et dans lesfonctions qu’on leur donne. Et donc, cette capacité de prospective manque.

L’expérience en Beauce illustre la question. Il s’agit d’aider les agriculteurs à avoir une image plus juste de leur territoire :

-  en repartant sur les typologies des exploitations, des indices de pratiques, etc…-  en faisant avec eux des exercices de simulation, à l’horizon de 5 ans en général, des

conséquences que peut avoir la réduction des quotas d’eau, de voir alors quellesalternatives peuvent exister en termes de productions,

-  en explorant les différents scénarios,

-  et en simulant cela d’un point de vue technique et économique puisque aujourd’hui il y ades outils pour le faire.

Lorsqu’on fait ce travail d’analyse et de prospective avec la profession agricole, et sans a priori au départ, il y a des voies de progrès et des voies de gestion politique de la ressource trèsimportantes qui se dégagent, dans un climat apaisé. Le Cemagref n’est pas là pour faire passer lemessage d’une réduction d’eau de tel ou tel pourcentage, mais pour étudier les conséquences et lafaisabilité de telle ou telle évolution.

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C’est en mettant les responsables d’exploitation et les responsables de filières autour de la tableque l’on peut arriver à explorer le futur proche, mais aussi faire des projections à 20 ans.

Une des propositions à faire est bien de dynamiser ce type de démarches prospectives-accompagnement à l’échelle d’un territoire (interface entre le territoire de l’eau et les zonesagricoles), sachant que les capacités d’adaptation sont très localisées.

Sur l'arc méditerranéen, les réflexions commencent à se mettre en place. 50 à 60 000 hectares deterre vont être libérés par arrachage de la vigne.Le groupe de travail est en train d’être constitué.Il y aura des choix difficiles compte tenu des contraintes spécifiques de cette zone: extrêmemorcellement de la propriété foncière et taille des exploitations.

Quel territoire de l'eau ? Quelle maîtrise d'ouvrage ? 

Il faut éviter le mille-feuilles, mais le territoire de l’eau n’est pas le territoire administratif. Ainsi,

 pour Patrice Garin le département n’est pas la structure qui convient.

Il s’inscrit sur ce qui a été dit sur les services publics et la question de la disparition de la maîtrised’ouvrage. Le gros problème des agences de l’eau est de ne pas avoir de maître d’ouvrage. Pour réaliser les objectifs, il faut des gens qui aient une vision du territoire, et l’équivalent de la CLE9 du SAGE10 (Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux) paraît pertinent : il y auradifférentes zones agricoles mais une telle structure aurait la capacité de maîtriser l’hétérogénéitéinterne du territoire. Pour la mise en œuvre d’un SAGE, il faut une structure qui ait une capacité

9 La CLE, Commission Locale de l’Eau, est chargée de l'élaboration puis du suivi du SAGE. Sa composition :- des élus du territoire (pour moitié au moins)- des représentants des usagers (un quart au moins)- des représentants de l'Etat (un quart au plus).Elle est présidée par un élu désigné par ses pairs.  10 Le SAGE, Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux, est un document de planification élaboré de manière collective,  pour un périmètre hydrographique cohérent. Il fixe des objectifs généraux d'utilisation, de mise en valeur, de protectionquantitative et qualitative de la ressource en eau. Il doit être compatible avec le SDAGE. Le périmètre et le délai dans lequel il estélaboré sont déterminés par le SDAGE.Le SAGE est établi par une Commission Locale de l'Eau (CLE) représentant les divers acteurs du territoire, soumis à enquête publique et est approuvé par le préfet. Il est doté d'une portée juridiqueLe SDAGE, Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux, créé par la loi sur l'eau de 1992, fixe pour chaque bassinles orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau" (art.3). Cette gestion s'organise à l'échelle desterritoires hydrogéographiques cohérents que sont les six grands bassins versants de la métropole : Adour-Garonne, Artois-

Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-Corse et Seine-Normandie ainsi que les quatre bassins des DOM :Martinique, Réunion, Guyane et Guadeloupe. Les dix SDAGE ont été réalisés par les comités de bassin à l'initiative des préfetscoordonnateurs de bassin.Le SDAGE est un document d'orientation qui définit :

* des orientations de portée réglementaire. En effet, les décisions de l'Etat en matière de police des eaux (autorisations,déclarations, rejets, etc.) et les décisions des collectivités et établissements publics, dans le domaine de l’eau doivent êtrecompatibles avec le SDAGE ;

* des actions structurantes à mettre en œuvre pour améliorer la gestion de l'eau au niveau du bassin ;* des règles d'encadrement des SAGE qui doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les SDAGE

source : http://www.gesteau.eaufrance.fr/sdage.html

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de maîtrise d’ouvrage avec des gens qui soient capables de parler d’un point de vue technique etde faire de l’ingénierie, au moins sous l’angle de l’appui à maîtrise d’ouvrage.

Car il faut noter aujourd’hui de nombreux témoignages de professionnels qui voient, depuis ladisparition de l’ingénierie publique, des choses ahurissantes sur le terrain. Trop de stupiditéstechniques sont constatées depuis que les DDA et les DDE ne sont plus là pour aider lescollectivités et assurer une mission d’appui à la maîtrise d’ouvrage.

Si on doit essayer de trouver des territoires pertinents, c’est vrai que les EPTB11 paraissentintéressants. Ils semblent suffisamment grands pour avoir un portefeuille d’actions correctementétendu leur permettant d’avoir ainsi un service technique compétent ; car il leur faut un territoired’action suffisamment grand pour ne pas avoir à traiter un type d’ouvrage une fois tous les 10 ou20 ans…

EPTB, territoire pertinent ?

Lab –  La proposition d’André Flajolet, adoptée dans le Grenelle 2, va conférer aux EPTB lafaculté de lever une nouvelle redevance, et donc leur permettre de trouver une nouvelle source definancement. Mais cette nouvelle redevance va voir le jour dans un contexte financier tendu, puisqu’elle sera perçue sur les ressources des Agences… L’idée c’est de mobiliser des ressourcesafin d’avoir des maîtres d’ouvrage pour porter les CLE, les SAGE… Cela ne va-t-il pas générer des tensions, ou bien le nouvel outil EPTB, redynamisé, va-t-il incarner un nouvel échelonterritorial d’intervention pertinent ?

Pour Patrice Garin, cela apparaît comme la moins mauvaise des solutions. Car, à cette échelle,on retrouve les enjeux de relation ville-campagne, auxquels il faut re-réfléchir. Grosso-mododans le territoire d’un EPTB, on retrouve le territoire de la grande métropole, et/ou la mégapole,

11Les EPTB (Établissements Publics Territoriaux de Bassin) s’inscrivent dans la logique de la loi sur l’eaudu 16 décembre 1964, qui avait imaginé un dispositif cohérent reposant sur trois grands types d'acteursde l'eau : les comités de bassin, les agences financières de bassin (renommées "agences de l'eau ") et desétablissements publics pouvant se porter maître d'ouvrage d'opérations à l'échelle du bassin versant oud’un sous-bassin.La circulaire du 19 mai 2009 relative aux Etablissements publics territoriaux de bassin après l'adoption dela LEMA (Loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques du 2006-1772 du 30 décembre 2006) a été publiée au

 journal officiel du MEEDDM du 25 juin 2009.Le projet de loi Grenelle 2 devrait conforter le rôle des EPTB dans l'élaboration et l'animation des schémasd'aménagement et de gestion des eaux.

Article L. 213.12 du code de l'environnement relatif à la création d’un EPTB :« Pour faciliter, à l'échelle d'un bassin ou d'un sous-bassin hydrographique, la prévention des inondations

et la gestion équilibrée de la ressource en eau ainsi que la préservation et la gestion des zones humides,les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent s'associer au sein d'unétablissement public territorial de bassin.Cet organisme public est constitué et fonctionne, selon les cas, conformément aux dispositions du codegénéral des collectivités territoriales régissant les établissements constitués en application des articlesL. 5421-1 à L. 5421-6 ou des articles L. 5711-1 à L. 5721-9 du même code.Le préfet coordonnateur de bassin délimite, par arrêté et après avis du comité de bassin et des collectivitésterritoriales concernées et, s'il y a lieu, après avis de la commission locale de l'eau, le périmètred'intervention de cet établissement public. (…)Source : http://www.eptb.asso.fr/les-eptb-dans-la-loi 

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le territoire de l’eau, les différents territoires agricoles qui jouent de complémentarité (ce quin’existe plus aujourd’hui) soit un espace agricole suffisamment large pour pouvoir réfléchir (ce peut être 2 EPTB côte à côte !). C’est un territoire pertinent, ni trop petit, ni trop grand.L’échelle de l’agence est trop vaste aujourd’hui. Elle nie la diversité et la capacité à mettre enœuvre localement. L’EPTB doit être le maître d’ouvrage tandis que l’agence garde ses enjeux, etraisonne à l’échelle d’un grand bassin (amont, aval). Mais quand elle se trouve à devoir mettre en  place une politique publique, qu’elle définit un programme de mesures sans avoir la maîtrised’ouvrage, que peut-elle faire au-delà des incantations ?

L’EPTB pourrait avoir une mission de maîtrise d’ouvrage pour une politique décidée à l’échelled’un bassin, notamment l’interaction avec l’agence, alors que la relation avec la région serait unerelation de négociation des politiques d’aménagement du territoire. Mais quelle est la capacitéd’un EPTB à contrer des projets qui pourraient être portés par un territoire, si on veut une relationéquilibrée entre gestion de l’eau et gestion du territoire ? Les régions sont très portées par des politiques très favorables à de l’activité économique, il faudrait un contre-pouvoir qui pourraitêtre l’EPTB avec une commission forte de gestion et de mise en compatibilité des ressourcesnaturelles dont l’eau. Contre-pouvoir pour protéger l’eau. Théoriquement, c’est l’agence qui avaitvocation à constituer ce contre-pouvoir.On peut imaginer que les gens qui se feraient élire dans les EPTB devraient avoir une sensibilité plus marquée pour les enjeux liés à la protection du cadre de vie au sens large.

Quels sont les critères permettant de préciser le territoire pertinent ?

Si pour l’eau il apparaît certain que ce soit le sous-bassin, est-ce vraiment partout évident ? Leterritoire pertinent n’est pas toujours le même pour les eaux souterraines et les eauxsuperficielles. Il faut prendre la dimension territoire de vie.

Sur la zone Languedoc-Roussillon par exemple, l’arc méditerranéen qui va de Perpignan jusqu’àla 1ère rive du Rhône (sans la Lozère), on voit bien qu'il y a une certaine communauté de problèmes, d’enjeux socio-économiques entre les zones amont et les zones touristiques C’est unterritoire qui a une certaine identité. Bien sûr, on peut gérer département par département,Hérault, Aude… Mais il y a des décisions qui n’auront de portée, de sens, que si on transcende :les enjeux touristiques doivent être abordés un peu partout de la même façon, de même pour lesenjeux viticoles ou le devenir de ces zones de piémont…Par rapport à ces enjeux, le projet Aqua domitia12 n'est rien d'autre qu’un gros tuyau…

Par rapport à la Beauce, quel territoire apparaît le plus pertinent pour la gestion de l’eau ?

La nappe de Beauce est trop grande dans son intégralité. Il faut descendre un cran en dessous. Par rapport à l’enjeu agricole, on peut avoir une gestion de la nappe de Beauce en tant que telle, uneinstitution gestion de la nappe de Beauce en soi. Mais après, pour négocier, interagir avec le

12Aqua Domitia, projet d’extension du début de réseau hydraulique régional construit dans les annéescinquante : recours à l’eau du Rhône dont le transfert, à terme, irait jusqu’aux portes de Béziers et deNarbonne. Il s’agit de desservir des territoires à ressources déficitaires, identifiés dans le cadre d’une vastedémarche prospective, initiée en 2005 avec les 5 départements du Languedoc-Roussillon, appelée « Aqua2020 »..

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monde agricole et redescendre les quotas, redéfinir les modes de gestion, il faut descendre par grandes zones de production au sein de cet ensemble. Zones de production à définir aujourd’huisur l’existant, mais en tenant compte des réelles potentialités agricoles, car aujourd’hui il y a unetrès grande homogénéisation qui va bien au-delà des frontières agronomiques. En fait, les margesde manœuvre que vont avoir les agriculteurs, c’est de savoir ce que les sols permettent de fairesur ces zones, avec peu ou sans irrigation (hypothèses de régulation : si on coupe l’irrigation d’étéet que l’on ne fait que de l’irrigation de printemps, et si…). Il faut pouvoir rejouer sur les margesde manœuvre qui sont territorialement assez localisées selon les types de sol.

C’est le constat d’un échec d’une politique de l’eau qui serait seulement impartie auministère de l’écologie et de l’environnement.

Politique agricole, développement des territoires et politique de l’eau doivent être impérativementliées. L’enjeu urbanisation et expansion évoqué plus haut est également aujourd’hui fondamental.Il est très visible, dans le sud notamment, que la politique de développement des territoires,d’urbanisation, se fait sans s’occuper des enjeux eau – autant sur les aspects quantitatifs que

qualitatifs.Une nouvelle politique, si elle paraît facile à priori et fondamentale, est en réalité très difficile àmettre en œuvre. Il n’en est que de voir la protection de la ressource sur les périmètres decaptage. Des zones toutes petites sont concernées, mais c’est extrêmement compliqué en raisondes prérogatives foncières, du droit des propriétaires, et cela a un coût. Cet enjeu, dont tout lemonde considère qu’il est indispensable de protéger la ressource qu’on boit, est très difficile àmettre en place au-delà du périmètre strictement rapproché.

Lab - Il y a t-il une réflexion sur les circuits de distribution ?

Il semble que les circuits de la grande distribution, qui casse les prix, fait pression sur le monde

agricole non seulement sur les marges mais aussi sur les modes de culture, soient devenus des prescripteurs de la politique agricole, ce qui est un vrai scandale. Comment pourrait-on au moinsdiminuer, si ce n’est supprimer, leur rôle ?

P.G. - Si, en raison des missions dont il relève, le Cemagref ne peut s'attaquer à ce problème, ilest vrai qu'il s'y trouve à chaque fois confronté. Le constat que l'on peut faire, c'est que même laFNSEA est démunie face aux pouvoirs de ces filières. A part pour la viticulture où c'est un peumoins vrai, pour toutes les autres filières, ce sont la grande distribution, les centrales d'achat quiexercent des contraintes extrêmement fortes. Quand on regarde sur le Roussillon, il y a descapacités de réduction assez fortes pour tout ce qui va être utilisation d'intrants sur les pêchers,les abricotiers, etc. Il suffirait qu'à chaque fois les agriculteurs gagnent 10 ou 15 centimes d'eurosde plus par kilo de fruit. Éthiquement, ce n’est pas acceptable…

Lab - Comment se fait-il que cette problématique ne soit pas portée dans les débats publics,comment y remédier ?

P.G. - Il y a eu un Yalta de la recherche agricole sur les thèmes à l’interface eau-agriculture-environnement qui fait que c'est l'INRA qui traite de la partie eau-agriculture et le Cemagref de la partie eau-environnement, (en raison au départ du côté technique de l'irrigation).

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Effectivement, il faudrait travailler plus étroitement avec l'INRA, les fonctionnements sont tropcloisonnés alors qu'il faudrait aborder les questions de recherche plus sous l'angle des enjeuxsociétaux. Il faudrait avoir un ensemble d’équipes qui aborde les questions de façon collective,chacun avec son angle d'attaque. Ce qui permettrait d'être beaucoup plus efficaces sur lesterritoires.Il y a eu des initiatives très intéressantes, sur le programme Eaux et Territoires par exemple.On travaille également de façon insuffisante avec les gens de l'urbanisme. Par définition, on aaussi fait la séparation entre l'eau des territoires ruraux et la ville. Or, jusqu'à preuve du contraire,la ville va chercher son eau sur les territoires ruraux et elle a d'autres attentes aujourd'hui vis à visde ceux-ci que simplement la question agricole. Comment fait-on se ré-interpénétrer maintenantla ville et son territoire ? C'est une vraie question.

Il ne s'agit pas de remettre à plat toutes les structures, ce serait une perte d’énergie, trop dur derevenir en arrière. Maintenant, tout la recherche fonctionne par appels d'offre… Ce qu’il faudrait,c’est aider à définir des programmes de recherche pour inciter à décloisonner.L’interconnexion des réseaux d’eau potable L'interconnexion des réseaux d’eau potable, c’est une solution technique, du même type que celled’abandonner les forages où l’eau est trop polluée : on soigne les symptômes, on ne soigne pas lemal ! C’est une solution qui a l’avantage de pouvoir fermer un captage lorsqu’il y a un accident àun endroit et de pouvoir travailler avec les autres– c’est bon pour la continuité de service.L’interconnexion peut être pas mal pour faire quelques économies d'échelle – encore faut-il yregarder de près, cas par cas. C’est pourquoi un service d’ingénierie publique à une échelle  pertinente qui serait l’équivalente d’un EPTB, plus large qu’un département donc car undépartement manquerait d’assise territoriale. L’interconnexion peut être réfléchie par ce type deservice pour savoir ce que l’on y gagne. Mais cela ne doit pas se traduire par l’abandon de zone :on sanctuarise quelques zones, on en abandonne d’autres – c’est ce qui se passe aujourd’hui.

C’est une politique de court terme, qui peut permettre effectivement à des élus de satisfaire auxobligations de service.

Lab - Trame bleue – trame verte, et même le concept de parc naturel hydrogéologique, est-ceque, en caricaturant, à terme ce n’est pas source de danger, à savoir que l’on prendrait desdispositions afin de sécuriser a minima l’alimentation de la population en laissant peu ou proutomber ce qui se passe ailleurs ?

P.G. – C’est le procès que l’on peut faire. Mais d’un autre côté, il ne faut pas s’interdire ce genrede chose. Cela permettra de garder des endroits où seront préservées la ressource, la biodiversité,

etc. Si on le limite à ça…

De multiples intervenants, une gestion disparate

Lab –   Des institutions du type ASA13  , SCP 14  , BRL15  , etc. qui ont une configuration particulière

liée à tout un historique, ne peuvent-elles pas poser problème à un moment donné en terme

13ASA : association syndicale autorisée. Les ASA sont des établissements publics, permettant l'exécutionet l'entretien à frais commun de travaux d'aménagement d'un périmètre composé des parcelles despropriétaires intéressés.

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d’harmonisation de gestion ? N’y a-t-il pas des situations acquises qui pourraient contrecarrer 

tout ce qui a été évoqué plus haut ?

P.G. –  Oui, certainement. Pas les associations d’irrigants en tant que telles car celles-ci sontappelées à être plus les interlocutrices des politiques de l’eau et à permettre justement de réduireles coûts de transaction car elles sont capables de mobiliser leurs adhérents et aussi d’exercer uncertain contrôle social. Ces collectifs d’irrigants que l’on retrouve dans le monde entier sont plusdes partenaires à mobiliser que des instances qui vont poser problème dans la gestion territorialede l’eau. Ils ont un lien social avec le monde irrigant et une vraie capacité à représenter le mondeagricole.

Sur les transferts d’eau

Les transferts d’eau se font déjà de façon générale. Les grandes infrastructures peuvent êtreintéressantes. Ainsi, sur toute la zone de l’est, notamment sous dépendance de la SCP,  s’il n’y aque très peu de pénurie d’eau sur toute la zone littorale alors qu’il n’y a pas d’eau naturellement,

c’est bien parce qu’il y a eu d’énormes infrastructures qui ont dérivé l’eau du Verdon et de laDurance sur toute la zone littorale et toute la zone depuis Marseille jusqu’à Nice. Le principestrict « pas d’eau au-dehors du bassin versant », ne tient pas.

Là où par contre se pose un problème, c’est que l’on n’a pas donné conscience aux gens de larareté de la ressource, des infrastructures continuent à se développer sur ces zones (golfs, etc.). Ily a encore une fois un équilibre à trouver entre ce qu’on veut développer sur le territoire et lesressources en eau. Ce qui est la thèse contraire de la SCP  qui considère que les élus doiventdécider d’une politique territoriale, sans être contraints par l’eau, car leur ingénierie (savoir faireet technologie) est là pour mettre l’eau au service des territoires.

Partenarait public/privé – l’exemple du Maroc à Agadir

On peut avoir une inquiétude sur les partenariats public/privé. Une formule qui se développe auSud.Au Maroc, la zone d’Agadir est ainsi totalement concernée par ce nouveau type de gestion.L’État n’a pas les moyens de reconstruire un nouveau barrage et de financer toute l’adductiond’eau jusqu’à Agadir et a choisi de passer par un partenariat public/privé. L’eau est alorsrevendue aux producteurs qui veulent bien se relier au réseau, aux agriculteurs qui ont la capacitéde payer. Dans toute la zone traversée, il y avait beaucoup de petits agriculteurs familiaux et lesystème tarifaire proposé ne leur est pas favorable. On se dirige vers une concentration en grands

domaines, d’exploitations d’orangeraies et maraîchères – soit vers des entreprises très14SCP : société du canal de Provence15BRL : Crée en 1955, sous forme de Société d'Aménagement Régional (société d'économie mixte dont lamajorité du capital est détenue par des collectivités locales du Languedoc Roussillon), BRL est aujourd'huiun groupe . La maison mère, holding du groupe, intervient dans la logique de la mission "d'aménageurrégional", en appui des projets de développement des collectivités locales régionales. Elle estconcessionnaire de la Région Languedoc-Roussillon pour l'aménagement du réseau hydraulique régional. BRL Exploitation, certifié ISO 9001, gère et exploite, en Languedoc-Roussillon, d'importants ouvrages deproduction et de distribution d'eau : eau potable, eau agricole, eau industrielle, etc... en particulier desouvrages concédés par la Région Languedoc-Roussillon.

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capitalistiques qui vont employer les anciens petits exploitants comme employés agricoles. C’estun choix politique qui mérite débat.

L’eau virtuelle16 – l’exemple de la politique dite du « Maroc vert »

Comment accéder à une alimentation de base à prix acceptable pour les zones urbaines du sud de

la Méditerranée ?L’eau virtuelle est un concept bien assimilé par le lobby des céréaliers d’Europe de l’ouest, leur  permettant de pérenniser notre modèle agricole :

- on doit produire les céréales en Europe et les exporter au sud, mettant en pratique leconcept de l’eau virtuelle

- contre tomates, poivrons, melons, etc. produits au Sud en fin d’hiver. Et le tourisme.Une certaine pertinence du point de vue économique et de gestion de la ressource. Mais ilfaudrait certainement que ce soit pensé en fonction de tous les critères pour dépasser le modèle dedomination des gros producteurs. En particulier, que faire des petits producteurs familiaux à basede céréales pluviales du Maghreb ?

Cela s’est traduit, au Maroc, par la politique dite du « Maroc vert », avec 2 agricultures qui vontêtre mises en œuvre :

-  l’agriculture commerciale, de grands domaines, pour l'exportation en certaines saisons(fruits…), qui va recevoir l’essentiel des soutiens techniques et financiers de l’État pour  pouvoir se développer et appuyer le développement des filières,

-  les céréales étant produites à l'extérieur et rapatriées sur le pays. La culture céréalière, quiest la culture de base de l’essentiel du paysannat marocain, va se retrouver complètementouverte sur le marché mondial et ce ne sera plus vivable pour ces petits exploitants. Il vadonc falloir mettre en place pour eux :

-  une agriculture "sociale", de subsistance, avec quelques petits financements pour maintenir la population dans les territoires ruraux et qu’elle puisse survivre.

C’est typiquement un des résultats possibles d’une mise en politique de la théorie de l’eauvirtuelle. Des rapports de force économiques et marchands.

Points divers

Sur la pollution industrielle

P.G. - Ce qui est assez difficile, c’est la gestion du passé, les héritages, notamment pour lesPCB17 par exemple. Héritage difficile beaucoup plus flagrant dans les zones des mines.

16Le concept d’eau virtuelle associe à quelques biens de consommation ou intermédiaires la quantitéd’eau nécessaire à leur fabrication. « Consommer un kilogramme de blé, c’est aussi, dans les faits,consommer le millier de litres d’eau qu’il a fallu pour faire pousser cette céréale » : Daniel Zimmer,directeur du Conseil mondial de l’eau à la session du forum intitulée « Échanges et géopolitique de l’eau

virtuelle », au Forum mondial de l’eau de 2003 à Kyōto.17 PCB : ou polychlorobiphényls sont des dérivés chimiques chlorés, regroupant 209 substancesapparentées. Entre 1930 et le début des années 80, les PCB ont été produits pour des applications liéesaux transformateurs électriques et aux appareils hydrauliques industriels, appréciés pour leurs propriétésremarquables en matière d’isolation électrique et de stabilité thermique, leur lubrification excellente etleur résistance au feu. Leur production a été interdite en 1985 lorsqu’il est apparu qu’ils présentaient un

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Aujourd'hui, l’action publique sur un industriel donné, ou sur une zone industrielle, ne pose pasde problème majeur. On a les outils.Ce qui pose le plus problème ce ne sont pas les gros sites industriels avec la surveillance exercée,notamment par les ICPE18 ; ce sont plus les petits ateliers industriels, artisanaux, dispersés, pour lesquels on n’a pas les mêmes moyens de surveillance. C’est plus difficile d’exiger, du point devue économique, que ces petits artisans, industriels, fassent beaucoup de surveillance et beaucoupd’analyses car, à leur échelle, cela coûte relativement cher. Cela produit un bruit de fond de pollution que l’on peut retrouver dans les stations d’épuration des collectivités.On retrouve sur cette pollution industrielle diffuse le même enjeu que sur la pollution agricolediffuse. Mais on peut aussi déplorer l’absence de l’Etat et son manque de moyens pour assurer ses fonctions régaliennes de base.

Une politique de contrôle déficiente

Peu de changements se font sentir. On a une reconfiguration au niveau national qui fait que sur leterrain, il y a nettement moins de personnes, de contrôle et d’efficacité. Une loi sur l’eau qui n’a

  pas de moyens effectifs de contrôle et de sanction, on peut vraiment se poser la question del’effectivité de la politique.Le rapport de la cour des comptes est très clair là-dessus. Il n’y a pas de crédibilité sans contrôle.Si l'État doit rester quelque part, c'est bien dans ces fonctions de contrôle et de police.

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danger pour l’homme et pour l’environnement. Ils doivent être éliminés de manière contrôlée par desentreprises agréées de destruction des déchets ; leur utilisation doit être définitivement arrêtée pour 2010.

18ICPE : Installation classée pour la protection de l'environnement

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11 octobre 2010

Audition de Pierre ETCHART, président d'AGUR et président de la Fédération desdistributeurs d'eau indépendants

Pierre Etchart se félicite de ce que le Parti socialiste donne droit aux PME en le recevant.Président d'AGUR qu'il a créé il y a 12 ans, il pu mesurer toutes les difficultés qu'il y avait pour   progresser dans ce domaine. A la présidence de la Fédération des distributeurs d’eauindépendants (FDEI), il a en effet pris la succession de Michel Ruas qui a vendu son entreprise(150 000 abonnés) à Veolia. C'est un regret marquant que les élus locaux n’aient pas toujours crudans le savoir-faire des indépendants qui participent pourtant à faire baisser les prix de l’eau.

Pierre Etchart précise qu'il est également membre du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise(CJD).

I- Etat des lieux

Les PME françaises représentent environ 1,5 % du marché de l’eau et de l’assainissement. Ellesétaient montées à 2 % de ce marché, mais leur part a diminué récemment et au nombre de 12PME il y a 5 ans, elles ne sont plus que 9 aujourd'hui. Leur rôle cependant se révèle beaucoup plus important que ne le laisse supposer ces chiffres : elles estiment avoir participé à réguler le prix de l'eau depuis plusieurs années. Ce qui se trouve validé par l'Observatoire de la loi Sapin.Mais si rien n'est fait les PME risquent de disparaître alors qu’elles ont un rôle important sur leplan de la régulation, bien que faibles sur le plan économique. 

L’ambition de la FDEI est de voir la part des PME sur le marché de la délégation privée croîtreet se faire une place au sein d’un marché contrôlé à près de 99 % par VEOLIA, SUEZ et laSAUR  (objectif de 25 % des parts de marché des DSP). La concurrence crée émulation etcompétition ce qui entraîne une meilleure régulation. Dans les départements où il n'y a pas dePME, les alternatives possibles pour les élus sont très limitées… 

Pierre Etchart souligne l'intérêt et les retombées intéressantes du colloque19 organisé en 2009 par les PME, colloque qu'il qualifie de première véritable occasion d’évoquer les « vraies » questionsliées à la problématique de l’eau. Il a permis un renouvellement du regard sur ce sujet et une prisede conscience du pouvoir de communication des PME.

La fédération des distributeurs d’eau indépendants (FDEI) espère désormais que la disparitiondes PME du marché représentera pour les grands groupes un inconvénient plus grand que leur inclusion : l’enjeu majeur pour les PME est désormais de se rendre indispensables. Lesresponsables des PME ont ainsi pris le parti d'aller rencontrer un certain nombre de pouvoirs(associations, élus…) pour expliquer leur rôle essentiel de contre-pouvoir et d'utilité publique.19Le colloque intitulé « Pour une régulation des services de l'eau en France » était organisé par la

Fondation France Libertés, la Fédération des Distributeurs d'Eau Indépendants (FDEI) et Arpège, laFédération des Entreprises publiques locales de l'eau (Epl) ; il s'est tenu en mars 2009 dans le cadresymbolique de l'Assemblée nationale.

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64Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

 II- Les mécanismes de la domination activés par les grands groupes

P.E.- Les « petits » sont tenus écartés du marché de l’eau par le biais de plusieurs mécanismes.Certains acteurs produisent malheureusement dans des objectifs stratégiques pas toujourssains, des offres très inférieures au coût réel de la fourniture du service. Le principe, voulu par 

la loi Sapin de libre choix de l’entreprise délégataire est rendu de fait inapplicable. Aussi, lesdirigeants des PME de l’eau doivent faire le tour des élus afin de les convaincre du bien-fondédes coûts et prix demandés par leurs entreprises.

Une autre pratique dénoncée par les PME de l’eau est celle qui voit des investissements réaliséspar l’entreprise à seule fin de prolongation de son contrat de concession. Cette technique  permet d’éviter les consultations et dessert au bout du compte l’image du métier et  des élusconcernés. Les îlots concessifs parfois pratiqués donnent également un avantage à l’entreprisedéjà en place : celle-ci a notamment connaissance du cahier des charges et peut ainsi freiner les potentiels nouveaux entrants. A ce sujet, constat est dressé de l’échec du triptyque lois Sapin-Vaillant-Barnier qui ne peut éviter une reconduction de contrat de délégation dans 90 % des

cas.

Il estime la taille minimale des lots d’abonnement pour voir amortis les coûts matériels ethumains de la fourniture du service (notamment le bureau "back office") à environ100 000 foyers. En dessous, les PME font des pertes que les grands groupes peuvent par contre se  permettre d’assumer, ce qui leur donne un avantage supplémentaire. Les PME peuvent être beaucoup moins chères que les régies, et même moins chères que les grands groupes. La questionde la performance des services doit être stratégique pour les élus et les citoyens. Les indicateursONEMA devraient être suivis et contrôlés pour tous les services (dsp et régies) afin de sortir desdébats idéologiques et d’être pragmatique avec comme unique objectif : donner aux usagers lemeilleur service au meilleur prix. Malheureusement aujourd’hui ce sont les acteurs eux-mêmes

qui remplissent ces indicateurs et qui leur fait perdre une crédibilité nécessaire. L’ONEMAdevrait disposer de davantage de moyens afin de mener à bien cet objectif en indépendance.

 Lab- Qu'est-ce qui paraît davantage souhaitable entre l’îlot concessif et le contrat d’affermage ?  La délégation traditionnelle a-t-elle un avenir ? Les collectivités ont-elles les moyens, les

capacités de passer en régie ? N'est-il pas envisageable que d’autres prestations et compétencesdont les collectivités peuvent avoir besoin soient assurées par les PME (métrologie, mesures…) ?

P.E.- Les contrats de concessions ne se font pratiquement plus, les collectivités souhaitent rester   par principe propriétaires de leurs ouvrages, ce qui est tout à fait logique. La formule la plus

couramment pratiquée reste la délégation de service.

Les ilots concessifs transfèrent une partie des investissements sur le délégataire. Il ne faudrait pasque la pratique trop abusive des ilots concessifs nous fasse revenir en arrière et que les entreprisesde l’eau soient accusées de pratiquer de la concession déguisée.

Pour les PME de l’eau, la DSP à partir du moment où elle est bien contrôlée, et où chaque acteur reste à sa place, est la formule la plus équilibrée.

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65Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Pour P.Etchart, beaucoup de pré requis seraient nécessaires pour qu’une régie fonctionne,notamment des investissements (ingénieurs, plateformes…) avec des objectifs de performanceattendus par les usagers. Une régie n'est envisageable que sur de très grandes collectivités, telleParis dont le nombre d'abonnés permet de rentabiliser l'ensemble des investissements.

A ce sujet, la FDEI regrette la disparition des DDA qui avaient un langage de neutralité et avaient

acquis un immense savoir-faire en des domaines variés : jurisprudence, conseils, expertises,compétences, entraide…Les bureaux d'étude qui se sont constitués ne peuvent, par essence,apportés de services équivalents. Il faudrait remettre les DDA en place, tout au moins leurscompétences.

 Lab - Il y a-t-il un schéma de structure idéal pour prendre le relais des DDA ?

Au niveau des départements ? D'une discussion générale, il ressort l'exemple du Lot-et-Garonne(47) : les élus se sont organisés en un syndicat mixte « Fédération départementale d’adductiond’eau potable et d’assainissement » qui regroupe tous les syndicats d’alimentation en eau potable

et/ou d’assainissement, ainsi que les communes autonomes du Lot-et-Garonne. Les syndicatsrestent ainsi en place à l’intérieur de la structure avec des élus responsables assumant le lien avecles territoires et leurs habitants. Différentes formes de contrat peuvent exister avec une diversitédes acteurs.

Par contre l’ingénierie est mutualisée, ce qui permet de donner à l’ensemble des collectivités le  pouvoir et les compétences pour les investissements et le contrôle des délégataires. La bonneformule réside dans l’équilibre que le « 47 » a trouvé.

** *

Les propositions de la FDEI pour une concurrence saine et un meilleur service

•  Lutter contre les baisses de prix abusives au cours de la négociation : le sortant possèdel’information et donne le prix qu’il veut. Aussi, les baisses de prix doivent-elles recevoir des justifications et être incluses dans le cahier des charges.

•  Limiter temporairement les abus de position dominante (malgré les principes de libreconcurrence en Europe) : le département représente un espace pertinent pour procéder àcette limitation. Il s’agirait d’interdire à tout opérateur possédant plus de 50 % de part demarché dans un département, de prétendre répondre à un appel d’offre.

•  Interdire la pratique des prix prédateurs aux fins d’élimination d’un concurrent : il s’agitd’élargir l’article L.420-5 (du code du commerce) aux délégations de service public.

•  Rémunérer les frais d’études pour encourager les entreprises à répondre à une offre etéviter les positions dominantes.

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66Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

 24 novembre 2010

Audition de Loïc FAUCHON, président du Conseil Mondial de l'Eau, président de laSociété des Eaux de Marseille

Loïc Fauchon assure la présidence du Conseil Mondial de l'Eau (CME) depuis 6 ans, mais ila été dès le départ impliqué sur sa création, effective en 1996, aux côtés des 3 membresfondateurs Dr Abu Zeid, Dr Aly Shady et René Coulomb. Il a été réélu en octobre 2009 pour unmandat de trois ans, à l'unanimité des 36 membres du conseil d'administration. Le vice-présidentdu CME est le brésilien Benedito Braga. C'est en 2012 que Marseille, siège du CME, accueille le6ème forum mondial de l'eau.

La SEM

Loïc Fauchon est par ailleurs président directeur général de la Société des eaux deMarseille (SEM), désormais filiale de Veolia Eau (traitement et distribution de l'eau,assainissement).

A l’origine la SEM était une filiale commune (50/50) de Veolia et Suez, à l’image de la douzainede filiales communes qu’elles détenaient en France et dans les Dom-Tom. Le Conseil de laconcurrence a enjoint les deux majors de décroiser leurs filiales, en saisissant Mme ChristineLagarde du problème en 2008. Le processus a abouti en 2010, au terme d’un partage des ex-filiales communes entre les deux groupes. A Marseille la SEM, aujourd’hui filiale de Veolia, aconservé l’eau potable, l’assainissement étant géré par la SERAM, ancienne filiale de la SEMfaisant partie désormais de Lyonnaise-Suez. Deux contrats qui arrivent à échéance

respectivement en 2013 et 2012.

Le contrat d’affermage pour la gestion des services publics de production et de distribution d’eauentre la SEM et la ville de Marseille, (avec alors à sa tête Gaston Defferre), et désormais avec lacommunauté Urbaine Marseille Provence Métropole depuis le transfert de compétences, a étésigné en 1960, et prend fin le 31 décembre 2013. Une particularité de cette structure est que lemaire de Marseille exerce un droit de veto sur la nomination du Président.

Plus de 80 collectivités des alentours de Marseille sont clientes de la SEM et une péréquation sur les coûts peut être effectuée de manière à ce que les usagers n'aient pas de différences de prix trop

importantes d'une commune à l'autre – c'est souvent Marseille qui soutient en ce sens (supporttechnique, soutien financier) les nombreuses petites communes des alentours.

La SEM a mis en place un ensemble d’entreprises formant le Groupe des Eaux de Marseille quigère une grande partie des services publics locaux (assainissement, déchets, éclairage public,informatique).Elle s'est également développée à l'international en concluant ces dernières années au Maghreb eten Amérique latine plus d’une centaine de contrats qui portent sur de l’assistance technique, laréfection et l’extension des réseaux d’eau potable et d’assainissement et leur gestion informatisée.

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67Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

A Marrakech par exemple, la Société des Eaux de Marseille était en concurrence avec ses deuxgrands actionnaires historiques, Suez et Veolia.Elle intervient également à l’étranger grâce à sa cellule d’intervention d’urgence et dedéveloppement « Waterhelp » (experts travaillant au sein du Groupe prêts à intervenir et matérield’urgence) à la suite de catastrophes.

Le Conseil Mondial de l'Eau (CME)

Le CME est une organisation internationale (association loi 1901) qui rassemble près de400 organisations à travers le monde. L’adhésion en est ouverte à toute organisation ayant unintérêt dans le domaine relié à l’eau, à tout niveau administratif de gouvernance (national,  provincial ou municipal) : les organisations des Nations-Unies ; les associations professionnelles ; les instituts de recherche et les universités ; le secteur privé et l’industrie ; lesagences de développement et les institutions financières internationales ainsi que les ONGs.

A la suite de la conférence des Nations Unies sur l'eau de Mar del Plata (Argentine), en 1977, une  prise de conscience s'est progressivement opérée de la nécessité de disposer d'un espace de

rencontres et de réflexion : constat qu'un certain nombre de conférences internationalesrassemblant des "professionnels de l'eau" se tenaient sans que les politiques y aient vraiment leur  place. C'est au début des années 1990 (conférence des Nations unies pour l'environnement et ledéveloppement de Dublin et Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en1992) que le projet s'estconstruit. La nécessité de disposer d'un lieu où puissent se rassembler et se rencontrer lacommunauté internationale, et notamment les décideurs dans un cadre qui ne soit pasintergouvernemental afin de garder de forts moyens d'action aboutit à la création juridique duConseil Mondial de l'Eau en 1996, par plusieurs institutions internationales - Unesco, Programmedes Nations-Unies pour le développement (P NUD), Banque mondiale, Association internationalesur les ressources en eau (IWRA), Commission internationale des irrigations et du drainage (CIID),Association internationale de l’eau (IWA), notamment.

Une forte appétence pour un siège sur la Méditerranée permet à Marseille de remporter lechallenge.

Loïc Fauchon rappelle que la mission du CME est d'être la voix de l'eau en direction de ceuxqui décident, une plate-forme de dialogue avec pour objectif principal de mettre l’eau etl’assainissement en haut de l’agenda politique et d’en faire une priorité pour les décideurs.

D'autre part, il souligne que le système onusien est très lourd et très complexe. Un besoin réelexiste pour les agences de travailler avec les communautés de l'eau et les communautés politiques, que celles-ci leur fassent remonter des propositions. Il est regrettable que l'eau nesoit pas dans l'agenda du Rio + 2020, et le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, que Loïc

Fauchon a rencontré récemment en octobre 2010, souhaite que, préalablement à ce sommet, des propositions sur l'eau soient travaillées de manière à ce qu'elles puissent y être présentées. Il ademandé au CME de s’associer à la préparation du Sommet de Rio + 20 et de contribuer àl’émergence d’une croissance verte lors du 6ème Forum mondial de l’eau. (Le Conseil

20L'Assemblée générale des Nations Unies a décidé d'organiser un suivi de la Conférence des Nations

Unies de 1992 sur l'environnement et le développement tenue à Rio de Janeiro (communémentappelé le " Sommet de la Terre "). Le Brésil sera de nouveau hôte de la " Conférence des NationsUnies pour le développement durable 2012 ", appelée Rio +20.

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économique et social des Nations Unies a délivré un statut d'observateur au CME, ce qui lui permet d'y disposer de représentants officiels.)

L'organisation du CME

Le Conseil mondial de l'eau compte près de 400 membres, l'adhésion est ouverte à toute

organisation ayant un intérêt pour les problèmes liés à l'eau. Tous les membres actifs ont lesmêmes droits et les mêmes obligations, chaque membre détenant une voix. 70 états ont adhéré auCME, la Chine et la Corée l’ont rejoint récemment, l'Inde ne devrait pas tarder. Dans le conseild'administration figurent les plus grands, ce qui permet un tour de table des plus intéressants.Aucun des états n'a jamais demandé la transformation de la structure en organisationintergouvernementale, tout le monde se félicitant de la liberté de ton et d'échanges, de laflexibilité qu'elle autorise, l'objectif commun étant d'améliorer l’accès à l’eau dans lesdifférentes régions du monde, de proposer des recommandations en ce sens, et de générerl’action.

Le CME est organisé en cinq collèges :

-  Institutions intergouvernementales-  Gouvernements et autorités nationales et locales-  Entreprises-  Organisations de la société civile et associations de consommateurs-  Associations professionnelles et institutions académiques

Il y a un quota minimum d'élus par collège au conseil des gouverneurs (conseild'administration), chaque collège est ainsi sûr d'avoir une représentation. L'élection se fait ausuffrage de tous les membres disposant d'un droit de vote aux assemblées (fondateurs,constituants et adhérents), à bulletin secret. Les agences onusiennes se présentent elles-aussi ausuffrage universel, elles ne sont pas membres de droit.

Font partie du conseil des gouverneurs pour la partie française le Cercle français de l'eau,l’académie de l’eau, l'Agence de l'eau Seine-Normandie, la ville de Marseille (siège statutaire car ville-siège du Conseil), la Société des Eaux de Marseille.

Tous les trois ans, le conseil co-organise avec un couple Ville-Pays, le Forum Mondial de l’Eau(FME). Le 1er  forum a été organisé à Marrackech en 1997, puis il y a eu La Haye, Kyoto,Mexico. Le dernier FME s'est tenu à Istanbul en mars 2009. Il s'agit d'œuvrer ensemble enimpliquant un maximum d'acteurs dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour ledéveloppement fixés par les Nations Unies.

Lab- Quelle analyse de l'expérience résultant de toutes ces années d'implication sur laquestion de l'eau ?

 Le temps de l’eau facile est révolu. Loïc Fauchon estime qu'il faut partir de la situation faite àl'eau, globalement pas très bonne et qui ne s'améliorera pas. Non pas tant à cause du climat maisde l’explosion démographique, de l’urbanisation excessive et anarchique dans des méga-cités de plus en plus grandes avec des besoins croissants en eau, du phénomène de littoralisation croissantqui exerce lui-aussi des pressions croissantes, de l’augmentation du niveau de vie et de manière

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générale la croissance, qu’elle soit industrielle ou domestique, source de pollutions de toutessortes.

La mauvaise qualité ou l’absence d'eau tue 10 fois plus que les guerres. Elle est un obstacleaux politiques de santé et d'éducation.

Le président du CME estime par ailleurs que les solutions lient sans cesse l'énergie et l'eau.

Or la situation est très préoccupante : on ne sait pas si l'on aura suffisamment d'eau pour toutle monde dans les années qui viennent, et notamment aussi car la ressource est mal répartie.Première consommatrice d’eau : l'agriculture. Nul n'est à l'abri de problèmes concernant l'eau :c’est l’exemple de la Californie où le fruit de décennies d'imprévoyance a conduit à une pénuried'eau exigeant des mesures drastiques d'économie : une baisse de 15 % de la consommation a étédécidée. Celle-ci aurait de fait atteint 12 % mais au prix de gros efforts, entraînant du chômage(agriculture).

Loïc Fauchon dénonce ainsi le fait que depuis des années on ait privilégié des politiques

d'accroissement de l'offre en eau et se montre favorable à des politiques de régulation de lademande afin d'encourager comportements citoyens et économies d'eau. Ce qui signifie revoir les politiques agricoles, changer les habitudes alimentaires. La France ne peut échapper à unetelle politique de régulation de la demande.

Dans les pays en voie de développement, il a été bien compris qu'il fallait en même temps réguler la demande, en priorité vers l'agriculture (80 à 90 % des consommations d'eau concentrées sur l'agriculture). L’Algérie, par exemple, a mis en place l’un des plus importants programmes aumonde par habitant pour sécuriser la ressource en eau et la distribuer à la population. Mais il luifaut maintenant gérer correctement cette distribution. Le Maroc fait partie, parmi les paysémergents, du peloton de tête dans la course à l'accès à l'eau, avec des moyens très importants

consacrés à l'eau et à l'assainissement depuis 20 ans. Le pays a eu une politique des ressources,mais aussi une politique de distribution et d'accès à l'eau qui ont permis en une quinzained'années, à la quasi-totalité de la population marocaine d’avoir accès à l'eau.

Cependant, dans certaines régions, comme Agadir au Maroc ou le sud de l’Espagne, les choixhydrauliques qui ont été faits ne sont pas toujours judicieux. Leurs ressources ne suffisent pas pour les besoins qu’ils ont créés. Le programme hydrologique national espagnol (PHN) voulaitainsi transférer des quantités d’eau très importantes de la région de l’Ebre, via un gigantesqueaqueduc, vers l’extrême sud de l’Espagne.La raréfaction de l'eau doit aussi amener à réfléchir sur le concept d'eau virtuelle, autrement ditl'évaluation de la quantité d'eau nécessaire pour produire un bien en prenant en compte toute la

chaîne de production. Un kilo de bœuf équivaut à 1 350 litres d'eau, 1 kilo de volaille à4 100 litres. Les stratégies de développement économique et de coopération devraient s’élaborer en tenant compte de cette donne.

Lab – Si l’eau et l’énergie vous semblent désormais devoir être liés, qu'en est-il desrapprochements induits entre Veolia / EDF ?

Pour Loïc Fauchon, c'est là une vision très franco-française.

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Cela fait plusieurs décennies que les appels à l'attention, les avertissements ont été lancés. Leclimat sert de bouc émissaire – ce qui ne veut pas dire que le climat ne va pas aggraver le  problème. Le GIEC a été et reste extrêmement prudent. Il est certain que la 1ère ressourceimpactée est l'hydraulique.

La solution à l'échelle du monde, c'est par l'action publique. Il faut faire cheminer les politiques

hydrauliques et énergétiques ensemble, qu’elles avancent de façon coordonnée. Il s’agitaujourd’hui de ne plus parler d’un paquet  eau-climat mais d’un  paquet eau-énergie dans lanégociation climatique.

Pour le développement, il faut mettre autant d’argent sur l’eau que sur l’énergie. Proposer quetous les plans climats, nationaux comme locaux, qui sont essentiellement énergétiques, soientdésormais des plans énergie et eau, et plus largement ressources rares. Ce sont bien les politiques publiques qui élaborent les plans.

Lab – Mais si c’est pour avoir deux sociétés multinationales qui se renforcent pas ce biais,n’est-ce pas dommageable ?

Ce ne sont pas seulement 2 sociétés multinationales qui se renforcent. Il y a énormémentd’initiatives de PME dans le secteur de l’énergie (les économies d’énergie, l’éolien, le solaire…).Il y a là un formidable gisement pour les entreprises, de toutes tailles.

Un exemple intéressant avec le Maroc : les Marocains sont tout à fait capables de gérer leursaffaires eux-mêmes. La gestion privée n’y est présente qu’en délégation de service. Le directeur des régies et services concédés au ministère de l’Intérieur , Hamid Kadiri, a récemment déclaréque le Maroc avait bien appris du privé et travaillé avec plaisir avec lui, mais qu’il était temps defaire seuls maintenant. C’est déjà vrai pour l’éolien.

Lab- N’y a-t-il pas une impéritie des états ?

L.F.- Notre regard est parfois un peu trop néocolonial, il y a également des avancées qu’il fautsouligner.

Le droit international fait de petits pas. Il faut avoir beaucoup de modestie. En France, il y aun million de personnes qui ne sont pas à égalité d’accès à l’eau.

En 2003, à Kyoto, lors du Conseil national de l’eau qui milite pour que le droit à l’eau soitreconnu comme un élément essentiel de la dignité humaine, le jour de la déclaration pour lareconnaissance de l’accès à l’eau potable comme un droit humain nécessaire, se sont déroulés les

  bombardements des stations d’eau et d’épuration à Bagdad. Le droit à l’eau commence là. En  juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution reconnaissantl'accès à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit humain.

Il est nécessaire de prendre des mesures symboliques telle l’inscription du droit à l’eau dans laconstitution.

Et des mesures concrètes : un accroissement significatif des ressources financières affectées àl’accès à l’eau potable et à l’assainissement est indispensable. Il faudrait de 50 à 100 milliards de

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dollars par an au cours des sept prochaines années (paquet eau-énergie) pour atteindre, en 2015,les objectifs du Millénaire. Cela, en fait, ne représente que de 7 à 15  € par personne par an. C’est beaucoup moins que le téléphone portable que l’on retrouve, lui, jusqu’au nord du Mali. Faisonsautant pour l’un que pour l’autre !

Les financements innovants ne sont qu’une petite partie de la question. Pour les grandes

structures internationales, il faut que ce soit la communauté internationale qui mette del’argent sur les investissements. La péréquation entre les pays les plus riches et les plus pauvresest indispensable, ces derniers n'ont pas les moyens de financer leurs infrastructures. Qu’ils  paient le fonctionnement de celles-ci serait un premier pas. Car la gratuité n’est pas unesolution. Et les gens sont prêts à payer lorsqu’ils connaissent la gestion et sont sûrs du bonfonctionnement.

Lab- Faudrait-il créer de nouvelles clauses de conditionnalité pour le financement de l’eau?

L.F.- Une petite avancée des banques depuis le Forum de Mexico : clause de reconnaissance d’un

certain nombre de collectivités locales qui peuvent avoir des garanties de paiement, ce que l’onappelle la sous-souveraineté. A commencer par le Maroc. En effet, les banques commerciales etles investisseurs internationaux ont des interventions très limitées dans les pays émergents, dontles économies ne sont pas encore stabilisées et les investissements sur de longues périodes sontexposés à des risques politiques et financiers multiples. Très souvent, les autorités en charge de ladistribution de l’eau ou de l’assainissement sont des villes ou des collectivités locales dont lesinvestissements dans ce secteur n’obtiennent pas toujours des garanties gouvernementalessusceptibles de limiter les risques politiques et de permettre l’intervention d’institutionsfinancières internationales.

Echec de Copenhague : on n’a pas voulu voir les réalités, et on s’est laissé porter par un élan

très généreux de protection de la planète. Copenhague a été une humiliation totale pour denombreux gouvernants.On dit que la solution c’est une diminution des effets de serre et un fonds pour les pays pauvres.Mais personne n’apporte d’argent. On est dans un processus où ce qui passe en premier sont lesaéroports et le téléphone.

Le discours « le public n’est pas à la hauteur, le privé pourrait faire » est un discours en perte devitesse. C’est l’investissement public qui est nécessaire. C’est ensuite à la puissance publiqueaussi de déterminer son mode de gestion.

Sur la question des mégalopoles

Sur le plan de l’urbanisation, les mégalopoles des pays en développement sont des bombessanitaires. Et le problème va en s’aggravant. Il s’agit d’une question un peu plus de l’ordre del’épuratoire que de la ressource, un problème de production de la qualité. On est très désarmé.

Les émergents on le revolver sur la tempe. Ainsi, il y a 3 000 kilomètres de canalisations pour amener l’eau à Pékin. Les Algériens font de grands transferts d’eau actuellement. Mais quefaire ? Quelles autres solutions que de pomper plus profond ou d’effectuer des transferts d’eau ?

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Lab- Le CME n’est pas la totalité des pays, il véhicule un esprit néo-colonial. Il nereprésente pas l’ensemble des usagers, même s’il s’est un peu rééquilibré ces dernièresannées. Mais il y a trop d’institutionnels. Est-ce que pour 2012 il sera possible d’avoir desdébats plus contradictoires, représentant mieux le spectre international ?

Loïc Fauchon rappelle que le CME est organisé en 5 collèges. Il y a 17 % d’ONG et 25 %

d’entreprises publiques et privées au conseil d’administration. Les entreprises privées ne détenantque 3 sièges.

Sur le financement du CME :-  les entreprises privées représentent 2 % du financement-  les entreprises publiques 5 %-  les gouvernements et autorités locales, 80 %

S’agissant du Forum mondial de l’eau, celui-ci est co-organisé par le CME et le couple France-Marseille. Loïc Fauchon a souhaité se tenir en retrait concernant la structure d’organisationdédiée, le Comité International du Forum, en ne la présidant pas. Le Forum est présidé par le

vice-président brésilien du CME, Benedito Braga.

Marseille 2012 sera un « Forum des solutions ». Appellation qui a interpellé un certain nombrede personnes au départ, mais qui est aujourd’hui plébiscitée : chacun, partout, doit être porteur desolutions. Il s’agit tout à la fois de formuler des propositions concrètes, de favoriser l’émergenced’actions et de solutions tout en suscitant un engagement politique réel et durable. Il y a d’ores etdéjà une grande richesse des débats.

En France

Ce n’est pas la question public/privé qui est prioritaire, c’est un faux débat. Le problème majeur,c’est la menace quantitative et qualitative.

On assiste à un désengagement de l’État. 

Notre modèle à bout de souffle ? 1-  Agences de l’eau : l’ensemble du système des bassins vit au dessus de ses moyens, et ceci

est une réalité pour la totalité des bassins. On note par ailleurs des déficits très importants,notamment dans le bassin Adour-Garonne. On ne fait plus de stockage d’eau depuis desannées. Il y a un problème de pollution des nappes. L’État fait la réponse : ça ne marche pas bien ? On va donc vers la disparition des bassins.

2-  Le vieillissement de l’ensemble du réseau demande des investissements dont on n’a pas le premier centime. En matière d’infrastructures de l’eau, il faut travailler à 50 ans et non à20 ans, etc.

En France, nous comptons 30 000 communes de moins de 1 000 habitants. L’intercommunalitéva aider en permettant de mieux mutualiser.

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L’ingénierie publique a malheureusement peu à peu disparu. On regrette les DDE et les DDA.Mais on a une bonne ingénierie privée. Pourquoi ne pas mutualiser des villes qui ont unestructure d’ingénierie solide vers l’extérieur, le département ?

Le cas de Marseille : deux groupes privés pour une grande ville, c’était une très belle formule,qui fonctionnait très bien. Le P-DG est désigné par le maire, il n’appartient à aucun de ces

groupes. On peut noter d’ailleurs qu’il y a quelques années, la Chambre Régionale des Comptesavait constaté l’illégalité du système mais n’a pas souhaité sa disparition, reconnaissant quec’était un facteur d’équité, favorable aux usagers. Cela permet une maîtrise du prix et desinvestissements, essentielle pour la collectivité. C’est la capacité managériale qui est laissée au privé. La marge de manœuvre est laissée au délégataire à discrétion des élus.

Concernant le nouveau statut des SPL, Loïc Fauchon considère qu’il s’agit là d’un scandale.C’est le faux nez d’une régie sans avoir à en respecter aucune des règles (blanc seing donné à lacollectivité), mais le maire est plus exposé que dans une régie.

Où doit se situer la régulation ? Doit-elle être nationale dans un pays décentralisé ? Ce n’est pas

sûr.

Il y a un vrai problème d’égalité de l’accès à l’eau concernant un million de personnes. LoïcFauchon estime qu’il faut que l’aide qui leur est apportée se fasse au niveau du CCAS descommunes et intercommunalités et non du FSL. Le CCAS est au plus près du terrain et permetune meilleure analyse des situations personnelles et plus de justice. Il se dit favorable à un effortsocial fort et à une allocation minimale par habitant pour ceux qui ne peuvent pas payer.

Comment faire évoluer notre technostructure ? On constate :-  un déficit de compétences,-  un déficit de technostructure – la disparition des corps d’État prive les élus locaux d’un

appui important,-  il y a-t-il ou pas un déficit de démocratie ? Les élus font-ils suffisamment d’efforts par eux-mêmes ? Font-ils le chemin nécessaire vers les citoyens pour leur expliquer lesdossiers ? Mieux le citoyen est informé, mieux il défendra notre modèle de gestion.Il faut que les élus portent le service public.

Quel nouveau modèle économique ? Nous avons une baisse de la consommation des usagers.D’un autre côté, les exigences normatives avec des pressions de l’Union européenne notamment,ne cessent d’augmenter.Il y a un choix de société à faire. La marge de manœuvre financière d’un gouvernement n’est pas

simple. N’en fait-on pas trop dans ce domaine de l’épuration qui nécessite des investissementstrès importants, alors que pendant ce temps notre système éducatif, notre système hospitalier sonten train de se détériorer complètement ? Il faut faire des choix. Faisons-nous les bons ?

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17 janvier 2011

Audition de Guy PUSTELNIK, directeur d’EPIDOR (EPTB Dordogne)

Guy Pustelnik : En préambule, il faut s’accorder sur le fait que la situation qualitative etquantitative de l’eau en France n’est pas satisfaisante, comme le montrent l’état des lieux réalisé  pour mettre en œuvre la directive cadre sur l’eau ou les rapports scientifiques produits sur cethème. L’un des problèmes réside d’ailleurs dans la négation de certaines réalités concernantl’état des eaux ou dans la posture largement répandue considérant que des efforts étant faits, le problème est maitrisé, confondant par là-même moyens et résultats.

Une meilleure prise en compte de la question de l’eau en France relève d’une décision du politique : une forte volonté politique doit être affichée    pour donner la priorité à ces problématiques.

Observons d’ailleurs, que par bien des aspects, la gestion de l’eau doit être envisagée au niveauinternational et dépasser le point de vue franco-français trop souvent considéré, par nous-même,comme un modèle intangible et qui donc, in fine, se révèle parfois être un carcan. Unrenouvellement des idées, passant peut-être par un renouvellement des générations, doitcertainement être impulsé en France, comme dans les forums mondiaux.

Il faut noter, c’est intéressant, que les problèmes dont nous débattons sont partagés.

L’un des problèmes majeurs, réside dans le lien étroit entre gestion de l’eau et aménagementdu territoire. Il est regrettable que l’on continue à ne pas le considérer à la bonne hauteur. Lagestion de l’eau reste un débat réservé aux spécialistes ; ce que l’on appelle aujourd’hui la« waterbox ». Or, l’eau que nous utilisons tous, que l’on peut caractériser par les paramètresquantité et qualité, est le résultat de toutes les activités qui se développent sur les bassinsversants, agricoles, industrielles, urbanistiques....

Tant que l’on n’aura pas réussi à instaurer une transversalité forte et obligatoire entre lesdifférentes composantes de l’aménagement du territoire, qui doit conduire à réexaminer lefondement même de ces politiques à travers le prisme de l’eau, on n’aura pas de politique de

l’eau digne de ce nom. Cette séparation des débats et des décisions aboutit à des effets perverscomme l’externalisation de certains coûts liés, par exemple, à la réparation des impacts desactivités : certaines pratiques polluent l’eau (politique agricole par exemple), mais c’est leconsommateur qui paye la potabilisation (politique « alimentation en eau potable »)… Tant quel’on a de l’énergie et de l’argent, la technique permet de s’en sortir ; mais est-ce une solutiondurable et équitable ?

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Il est dommage que le lien entre l’aménagement du territoire, le développement d’activitésdiverses et le potentiel du territoire à les accueillir durablement, se soit affaibli en même tempsque disparaissait le commissariat général du Plan. Au contraire, il faudrait, comme l’a demandé à  plusieurs reprises M. Bernard CAZEAU, président de l’Association Française des EPTB,instaurer une loi Fleuves qui compléterait les lois Montagne et Littoral, qui existent déjà.

En l’absence d’un tel texte, la politique de l’eau se fera donc, de mon point de vue, à l’extérieur de l’eau, en travaillant sur les politiques agricoles ou industrielles ; mais ce sera plus difficile.

Il existe une confusion récurrente entre milieux aquatiques et ressource en eau. Qu’est-cequ’une ressource ? C’est la partie d’un milieu aquatique dont on peut faire un usagequelconque. Si l’on a des milieux aquatiques en bonne santé, il est clair que l’on pourra identifier une partie utilisable – par des usages consommateurs, par d’autres qui ne le sont pas, par desusages qui auront un impact sur la qualité, d’autres qui n’en auront pas. L’objectif étant pour legestionnaire de maintenir les compatibilités. Dans des milieux affaiblis, dégradés, la ressourcesera inutilisable car de mauvaise qualité ou inexistante.

Il faudrait ainsi instaurer une politique des milieux aquatiques allant bien au-delà d’une seule politique de la ressource en eau. Ce serait beaucoup plus efficace pour obtenir de l’eau de qualitéet en quantité. A noter aussi que la technique ne peut résoudre tous les problèmes, par exempleceux posés par les polluants dits émergents !

A partir du moment où on dispose d’une ressource, on peut la gérer. Gérer la ressource en eaurevient à organiser les usages de l’eau. C’est pourquoi, il est essentiel de réussir la gestion desfleuves, des rivières et des nappes.

La question de l’agriculture et des pollutions qu’elle engendre est très cruciale. Un sol n’est pas un simple substrat que l’on doit drainer, amender, irriguer. Cette vision simpliste a abouti,via l’usage intensif d’intrants de toutes sortes, à une situation périlleuse pour nos sols qui ne sont  pratiquement plus en état de produire de façon spontanée. Cela aboutit également à favoriser localement le développement de cultures inappropriées au regard de leurs besoins en irrigation etde la disponibilité de la ressource en eau.

Ces logiques conduisent les consommateurs à surpayer une ressource simplement parcequ’on la surexploite et la pollue d’une façon irréversible. Le pire est peut-être devant nous,car ce sera dans 20, 30 ou 40 ans, que l’on aura atteint le pic « d’efficacité » de toutes les

  pollutions que l’on a mis et que l’on met encore dans nos nappes. Elles accélèrentl’enrichissement de tous nos cours d’eau en fertilisants ; on voit apparaître des phénomènescomme l’eutrophisation avec des cyanobactéries qui empêchent finalement le développementd’autres activités, comme le tourisme.

Il ne s’agit pas d’attaquer l’agriculture mais de mesurer lucidement les effets d’une certaineforme d’agriculture qui a des impacts écologiques et sociaux. Le rapport Lefeubvre21 le montre :21Rapport du Museum d’Histoire naturel dirigé par Jean-Claude Lefeuvre en 2005

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on n’a plus sur le territoire Français une seule nappe qui soit exempte de pollutions. L’atteintedes objectifs de la directive cadre sur l’eau est jugée très difficile. Il ne faut pas se tromper desujet en cédant par exemple aux sirènes du moment qui mettent en avant la « continuitéécologique ». Il faut s’intéresser au développement d’une agriculture qui soit compatibleavec la réalité de nos ressources22. L’intérêt collectif doit prévaloir sur des intérêts individuels,court terme ou corporatistes. La politique européenne doit en la matière montrer le chemin.

Les agences de l’eauLes agences de l’eau sont des acteurs importants en particulier parce qu’elles mobilisent le levier financier. Mais, elles ne sont pas seules à le faire. Sans la participation des départements, desrégions et des communes, il n’y aurait plus de politique de l’eau en France. Ces contributionsdoivent être mises en avant plus qu’elles ne le sont aujourd’hui, car c’est une composante dumodèle français de gestion de l’eau. C’est aussi une forme efficace de décentralisation.Il faut aussi remarquer que les agences de l’eau sont installées à l’échelle de vastes districts quine sont des bassins hydrographiques.

Pertinence de l’agence de l’eau, de son fonctionnement

-  Sur l’aspect conceptuel

•  Le principe pollueur-payeur est louable mais son application laisse à désirer notamment pour ce qui concerne l’agriculture. Le coût d’une matière première aussi importante quel’eau n’est pas intégré à la bonne hauteur dans les coûts de production.

•  Le système actuel de redistribution n’est-il pas finalement une prime aux mauvaisélèves, les pollueurs touchant plus que les pollués ? A minima, les aides à la

dépollution devraient être accompagnées d’une  application stricte du droit de l’eau  basée sur une police de l’eau efficace.

•  Les politiques financières des agences de l’eau ont-t-elles vraiment donné leur mesure enincitant ceux qui polluent à dépolluer, ceux qui consomment trop à économiser laressource ? Les débats qui se développent aujourd’hui autour de la mise en place des organismesuniques (l’État veut créer sur chaque territoire un organisme unique qui répartit lesvolumes d’eau pour l’irrigation agricole entre irrigants) illustrent que le prix très peuélevé de l’eau prélevée pour l’irrigation n’incite pas à gérer cette ressource avec la

 parcimonie qui s’impose partout mais même dans les bassins « déficitaires ».

22 Aujourd’hui, 100 % des eaux souterraines utilisées pour l'alimentation en eau potable en Artois Picardie sontclassées à risques. Les eaux du bassin Loire Bretagne sont atteintes à plus de 35 %, celles du bassin Rhin Meuse à45 %. Les eaux souterraines du bassin Seine Normandie sont polluées à 83 %.

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Marc Laimé- fait remarquer que lorsque le ministère envoie à Bruxelles une proposition auxtermes de laquelle on va continuer à financer les retenues collinaires, non pas pour faire del’irrigation mais au titre de la préservation de la qualité du milieu, cela n’est pas acceptable.

G.P. - confirme et évoque le fait que Ségolène Royal, présidente du conseil régional Poitou-Charentes, a réagi très vigoureusement auprès de l’agence de l’eau Adour Garonne qui souhaitefinancer jusqu’à 70% certaines retenues collinaires, ce qui revient finalement à pousser ledéveloppement de la maïsiculture et à externaliser certains coûts de production.

Dans l’organisation de la société, il y a une balance théorique entre trois piliers : leréglementaire, le financier, le contractuel.

‐  le réglementaire peine à s’appliquer, en France, comme il le devrait. La police de l’eauétait déjà très affaiblie et l’ONEMA risque de beaucoup se mobiliser pour faire dureporting vis-à-vis des politiques européennes au lieu d’être sur le terrain.

‐  le financement, on vient d’en voir les limites.‐  le contractuel ne peut produire des résultats suffisants s’il ne s’appuie pas sur des leviers

financiers et réglementaires performants.

Les agences de l’eau devraient orienter leur politique sur du prospectif et du préventif au lieu demobiliser beaucoup de moyens sur des actions curatives et la résorption d’impacts qui sont trèscoûteuses. Il vaudrait mieux accompagner les projets qui vont plus loin que la réglementation.

Sur l’organisation :

Les agences de l’eau, qui animent les comités de bassin, ne se mettent pas en situation demieux impliquer les élus. Le fonctionnement des comités de bassin ne permet pas la formation

d’un projet politique maturé au sein des collectivités territoriales et son expression dans lesinstances de bassin.

Pendant un temps, l’agence de l’eau Adour-Garonne a ciblé, à la demande de l’Etat, ses aides sur la politique ERU, mettant ainsi les collectivités rurales dans de grandes difficultés financièressans qu’un réel débat se soit tenu au sein du comité de bassin. Cet exemple montre que, dans lecontexte actuel, pour un élu, un mandat au sein des instances de bassin n’est pas trèsvalorisant.

M.L.- Remarque que des signes d’une meilleure concertation entre associations et élus se

dessinent toutefois dans certains comités de bassin. 

G.P.- La méthode de consultation adoptée pour la préparation du SDAGE, la prise en compte desavis recueillis ont été décevantes. Le pouvoir financier ne suffit pas à faire adhérer. Pour faciliter les échanges avec les organismes extérieurs, les agences de l’eau devraient favoriser un brassage plus grand au sein de leur personnel. La démocratie de l’eau, le parlement de l’eau devraient êtremieux organisés par les agences. Pourtant, avec Bernard Barraqué, je pense que le schéma

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théorique qui repose sur le principe pollueur-payeur, le levier financier pour orienter, le comitéde bassin pour représenter, est bon. Cela pourrait marcher.

Pascal Bonnetain- fait remarquer que les deux instances CLE (commission locale de l’eau) etcomité de bassin, fonctionnent sur des schémas identiques, mais avec des répartitions différentessur leurs collèges : dans la CLE, 50 % d’élus, il est obligatoire que le président soit un élu et iln’y a que les élus qui votent pour sa désignation. Alors que dans le comité de bassin, les élus nesont qu’un tiers et les usagers votent pour la présidence ce qui change totalement l’équilibre.C’est une instance compliquée à gérer pour un politique qui doit se bagarrer ou composer avectout le monde, fermiers, associations d’usagers, associations de consommateurs, EDF,… ce n’est pas très bon pour lui politiquement. Pourquoi ne pas calquer le fonctionnement du comité debassin sur celui de la commission locale de l’eau qui marche très bien. Les élus décident, lesusagers donnent leur assentiment, c’est politiquement correct car l’eau est financée à 85 % par lesusagers.

M.L.- Mais peut-on vendre cela aux usagers ? Pour eux les élus se sont disqualifiés.

G.P.- Un autre aspect est à prendre en compte : au départ, la loi de 1964 prévoit une agence del’eau et un comité de bassin séparés. Il y a, aujourd’hui, un rapprochement voire uneconfusion complète entre le comité de bassin et la technostructure de l’agence de l’eau qui prépare les dossiers pour le compte de ce même comité. On aurait pu imaginer qu’une DRÉAL,en tant qu’organisme animant une réflexion structurante en termes d’aménagement du territoire,serve de conseil au comité de bassin plutôt que la technostructure de l’agence qui serait plutôt là  pour appliquer les décisions du comité de bassin. Cela ne s’est jamais fait ainsi. Ce qui faitqu’aujourd’hui il y a une prégnance totale de la technostructure de l’agence sur lesorientations du comité de bassin. Renforçant cette réalité, plus le président est un élu de haut

niveau, plus cela donne de poids à la technostructure de l’agence.

On pourrait fort bien imaginer : ‐  un comité de bassin qui réfléchit réellement sur les besoins, via une capacité de

réflexion autonome et avec un effort important pour démocratiser son fonctionnement,‐  un conseil d’administration qui exécute.

Dans la loi de 1964, la séparation des pouvoirs était parfaitement limpide. Le rapport récent de laCour des comptes sur les instruments de la gestion durable de l’eau montre clairement les limitesdu fonctionnement actuel.

Les EPTB (Établissement Public Territorial de Bassin)

La loi de 1964 prévoyait trois niveaux : une agence financière, un comité de bassin et unétablissement public de l’État. Pour différentes raisons, l’État n’a jamais voulu s’engager dans lamaîtrise d’ouvrage. L’idée de décentralisation devait certainement être déjà sous-jacente. Cesétablissements publics maîtres d’ouvrage sur l’eau n’ont finalement jamais été créés.

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 Les EPTB jouent ce rôle de maître d’ouvrage. Ils sont nés de façon très hétérogène, et surdifférents sujets.La gestion des fleuves et rivières était à cette époque peu prise en considération et il a fallumonter, convaincre, pousser dans un domaine qui n’était pas une priorité. Les EPTB se sont créésen réponse à une vraie commande, à une vraie réalité de terrain. Certains sont nés à la demandedes agences de l’eau, parce qu’il y avait besoin de faire des barrages ou de mettre en place dessolidarités financières à grande échelle. D’autres sont nés sur des thèmes divers : l’EPTB de laLoire s’est constitué pour faire face aux inondations, celui de la Dordogne (EPIDOR) est né del’idée qu’il fallait se mettre en situation de gérer les usages plutôt que d’avoir à gérer les conflits.EPIDOR a été mobilisé sur de multiples thématiques, et touche tous les domaines de la gestion del’eau : les étiages, les inondations, les poissons migrateurs, les zones humides… . Il aborde tousles aspects liés à la gestion de l’eau.

Chaque EPTB a son histoire. La philosophie de départ est une notion de travail à grandeéchelle : l’eau coule, et on ne peut pas traiter des étiages, ni des inondations, ni des poissonsmigrateurs, qui sont par définition des questions interdépartementales, en travaillant à l’échellelocale. Il fallait vraiment aborder ces thèmes à l’échelle de la réalité des phénomènes. C’est làque le thème du bassin versant s’est imposé comme une évidence. La Dordogne traverse sixdépartements et quatre régions. Or spontanément les départements ne travaillent pas entre eux, lesrégions ont des difficultés pour bâtir des programmes de travaux interrégionaux ; la carte politique est un obstacle majeur. C’est toujours l’État qui a réussi à imposer des plans fleuve. Ona eu un plan Garonne, un plan Rhône, un plan Loire…, mais il devrait y avoir des plans sur latotalité des grands fleuves et des rivières. Les régions ne se sont jamais suffisamment engagéessur ces questions. Or, elles en ont la compétence. Bien que les régions investissent énormémentdans les retenues collinaires, les poissons migrateurs et qu’elles sont des partenaires importants

 pour les EPTB, elles n’ont jamais vraiment pu s’accorder pour bâtir des projets interrégionauxconcernant l’eau. A travers les EPTB, nous réussissons à faire que tous ces élus se rencontrent, etdiscutent de la même chose.

Les EPTB sont encore des outils récents, qui ont acquis depuis peu une autonomie et unereconnaissance législative. Ils font de la politique au sens interdépartemental, interrégional. Ilsont pris de l’importance, peut-être du fait de la recentralisation et de la technocratisation desagences de l’eau mais surtout parce qu’ils sont au service et administrés par des élus. Il n’y aaucune ambiguïté là-dessus.Les EPTB sont des institutions interdépartementales et des syndicats mixtes dans lesquels il

y a les régions et les grosses agglomérations. On compte 24 EPTB en France.EPIDOR est formé par six départements, les quatre régions concernées étant invitées commemembres cooptés. L’EPTB Loire quant à lui s’est monté sous forme syndicat mixte et l’avenir serait plus à cette forme administrative, gage de stabilité, notamment dans le cadre d’une réformeterritoriale. Cette forme administrative permet de regrouper toutes les collectivités territorialesintéressées par l’eau, l’aménagement du territoire en lien avec l’eau, la solidarité amont-aval...C’est un outil d’avenir en matière de territoire de l’eau, outil décentralisé et tenu par lesélus, disposant d’une ingénierie technique et financière autonome tout à fait conséquente

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avec des spécialistes dans tous les domaines (ingénieurs chimistes, géographes,hydrobiologistes… Par exemple, EPIDOR compte 23 personnes. Ces établissements publics  permettent de concentrer une grande richesse d’informations et de données avec laconnaissance immédiate des expériences qui viennent de partout - du Vidourle, de la Brêle,de la Loire…

Le financement des EPTB

Ce sont des outils assumés par les élus. Le fonctionnement des EPTB est assuré par lescollectivités, pour des raisons d’autonomie. A EPIDOR, la totalité des salaires est prise encompte par les six départements. Pour nos actions, décidées de manière tout à fait autonome par nos conseils d’administration, nous bénéficions des aides des agences, parfois de l’État et del’Europe.

 Nous travaillons avec les agences de l’eau. Les EPTB revendiqueraient d’être, encore plus, lebras armé de certaines politiques nationales – sur les inondations, sur la DCE par exemple...

L’impact des EPTB sur la facture d’eau est faible. Les élus financent un investissement qu’ils jugent important et pour lequel on démontre une convergence entre les politiques publiquesnationales et régionales. La gestion de l’eau est une politique publique qui est donc, en partie,financé par l’impôt. 

M.L.- L’EPTB est donc en capacité aujourd’hui d’assurer des missions que l’agence n’effectue  pas, ou mal, et de proposer aux élus et aux collectivités locales ce que les services de l’Étatn’offrent plus aujourd’hui ? Avec la notion d’indépendance beaucoup plus grande vis-à-vis desdonneurs d’ordre et de l’État ?

G.P.- L’activité de l’EPTB vient en complément des politiques départementales. Il devient le bras armé d’une politique interdépartementale. La « bunkerisation » d’un département est ce qui pourrait y avoir de pire. La décentralisation a du sens car départements et régions sont capablesde s’associer à l’échelle d’un problème à régler, de travailler à l’échelle interdépartementaleet de traduire les exigences de bassin dans leur politique départementale. On travaille avecles services agricoles, les services eau des départements pour essayer d’orienter les politiquesdépartementales en fonction des analyses qu’on leur propose et qui sont faites à plus grandeéchelle. L’EPTB est un lieu de débat pour toutes les collectivités. Les analyses réalisées par l’EPTB à l’échelle du bassin bénéficient à toutes les collectivités, dans le cadre de projets locaux,de PLU, de SCOT…. La pertinence de l’analyse augmente par ces allers-retours entrel’approche globale et l’approche locale.L’EPTB n’apparaît-il pas ainsi comme un agent avancé d’un Acte III de la décentralisation ?

Si la compétence générale des départements tombait ce serait grave pour le politique del’eau. Car avec des taux directeurs d’aide de 30/40%, les agences ne « font » pas seules la  politique de l’eau en France. La politique de l’eau en France, ce sont aussi les collectivités (régions, départements, communes).

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Les EPTB ont besoin de ressources propres pour remplir les missions que leur confie le code del’environnement. Deux types de redevances existent : 

1.  Une redevance pour services rendus – mais elle est extrêmement compliquée à mettreen place (il faut identifier précisément les bénéficiaires, valoriser le service rendu etcollecter le produit de la taxe…). Lorsqu’on intervient sur les milieux aquatiques(animation, prévention, protection, connaissance…), quel est le service direct, comment lechiffrer ?

2.  Lorsqu’un SAGE est adopté (après 5 à 10 ans d’étude) et qu’il est porté par un EPTB,celui-ci peut mettre en place une redevance collectée par l’agence de l’eau qui la luireverse. Elle couvre le fonctionnement de l’EPTB dans le cadre de la mise en œuvre duSAGE. C’est une mesure récente, que l’on est en train d’analyser. Est-ce pour payer l’animation du SAGE ? A ce moment-là, cela n’est pas suffisant. Si c’est pour financer certaines mesures du SAGE, pourquoi pas ? Mais cela va prendre 10 ans !

Guy Pustelnik ne croit pas que la « mesure Flajolet » soit susceptible de permettre une nouvelleemprise des grandes entreprises dans ce secteur de l’eau, malgré le schéma : EPCI – syndicatmixte – EPTB – nouvelle DSP. Car la redevance, c’est l’EPTB qui peut la percevoir, et elle nepeut pas représenter plus de 50 % du budget de fonctionnement de l’EPTB . Et pas deVeolia, même s’il délègue ce qu’il veut.

D’autres inquiétudes seraient à prendre en compte :-  Cas d’un syndicat qui porte un SAGE sur un bassin versant couvert par un EPTB. Le syndicat

ne peut pas mettre en place la redevance car ce n’est pas l’EPTB qui va porter le SAGE.-  Risque de substitution de l’aide de l’agence de l’eau, qui collecte la redevance pour le compte

de l’EPTB, par le produit de cette redevance.

-  Risque de substitution de la participation des départements, qui connaissent des difficultésfinancières, par cette redevance.

M.L.- Est-ce que la montée en puissance des EPTB, dans un dispositif déjà fragilisé ne risque pasd’accroître l’asymétrie territoriale ?

G.P.- Il faudrait une cinquantaine d’EPTB pour couvrir le territoire d’une façonintéressante. La question a été travaillée avec le Ministère en charge de l’écologie. Il ne faut pas  balkaniser le territoire en multipliant les « petits » EPTB ; c’est un vrai risque, car l’intérêtmajeur d’un EPTB c’est de garantir la cohérence de l’action publique et la mutualisation de

moyens à l’échelle de grands territoires.

Il faut aussi parler des syndicats de rivière. Il a beaucoup été question des ÉPAGE« Établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau », qui est un concept récent.Beaucoup de départements, poussés par les agences de l’eau, ont créé et soutenu des syndicats derivière à l’époque des emplois aidés (CES, emplois jeunes…). A cette époque, le dogme étaitqu’il fallait « entretenir les rivières ». En fait, il faut privilégier le contraire: il ne faut quasiment

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rien faire sur une rivière, tout biologiste s’inscrit contre l’intervention sur les cours d’eau. Enterme d’écologie, plus le cours d’eau est inaccessible, plus il est protégé. C’est le principe de« non-intervention ».

Aujourd’hui, plus personne ne croit sérieusement qu’il faut « entretenir » les rivières ; mais cedogme sert à sauver le « soldat syndicat » qui connaît de graves difficultés de financement et quiest inquiet des conséquences de la réforme territoriale à venir. Pour survivre, les syndicatstentent de s’institutionnaliser, de trouver le moyen de toucher des redevances (alors que lasituation actuelle permet déjà de toucher des redevances). Mais la DGCL (Direction générale descollectivités locales) ne voulait pas d’un échelon supplémentaire, et la tentative a fait long feu.Il faudrait maintenant réfléchir à partir des besoins réels des cours d’eau et créer les articulationsentre tous les acteurs de bassin.

De plus, il ne faudrait pas institutionnaliser la substitution de la responsabilité privée du riverain par l’action publique. Ou alors il faudrait envisager de changer le statut des cours d’eau afin queles cours d’eau non domaniaux deviennent publics. La déclaration d’intérêt général (DIG) estsouvent détournée pour pouvoir intervenir chez un privé. Finalement, l’action des syndicatsrepose aujourd’hui sur un socle très fragile, en termes techniques, juridiques et financiers. Ou onchange le statut des cours d’eau, ou on révise nos positions vis-à-vis de tous les syndicats encommençant par préciser l’intérêt des cours d’eau. 

Lorsque le bassin versant est assez significatif, il peut être utile de disposer de maîtresd’ouvrage locaux. Leur action doit être articulée avec les schémas de bassin versant développés par les EPTB. Il faut donc développer une organisation verticale qui promeuve la coordinationdes actions, la mutualisation de l’ingénierie technique et financière disponible au sein des EPTB.Les départements qui financent les EPTB et les syndicats doivent amener ces acteurs à

passer des conventions de coopération. Si l’EPTB est syndicat mixte et si les syndicats locauxadhèrent à l’EPTB, les moyens peuvent être partagés sans entrer dans le domaine concurrentiel(prestations « in house »).

De la même manière, la complémentarité entre les agences de l’eau et les EPTB doit êtrerecherchée. L’EPTB qui agit sur le bassin hydrographique compris dans le district d’une agencedevient alors, tout naturellement, le porteur des projets structurants et un agent de la solidarité deterritoire via la péréquation financière que permettent les fonds que collectent et redistribuent lesl’agence. Cela n’a pas été toujours facile entre les EPTB et les agences de l’eau qui ont pu avoir des difficultés à voir émerger un nouvel acteur. Cela se passe mieux aujourd’hui car il est évident

que les EPTB apportent une véritable plus-value à la gestion de l’eau.

 _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 

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 26 janvier 2011 

Audition de Dominique LORRAIN, Directeur de recherche au CNRS

Résumé.

Dans la société d'aujourd'hui pour vivre et pour être tout simplement citoyen du monde nous

devons avoir accès à certains biens et services : ce sont des biens essentiels23. Ne pas y accéder entraîne de facto une situation de quasi exclusion. Ils doivent aussi être fournis à des conditionsde continuité et de qualité constante.

Pour ces raisons depuis la fin du 19e siècle et dans tous les pays au monde l'organisation de ces biens n'a pas été confiée à des marchés libres, pas plus qu'à des entités totalement administratives.Les choix faits comprennent partout une dose d'intervention publique et le recours à descompagnies municipales ou à des grandes firmes, publiques ou privées, intervenant dans un cadreréglementé (dans l'espace anglo-américain il est question de régulation). Tout l'enjeu de l'action publique est de trouver le bon dosage ; il varie selon les secteurs, les pays et les époques. Ce quisignifie qu'il n'existe pas UNE solution, un prêt à penser de la bonne gouvernance des biens

essentiels, qu'il serait possible de déplier une fois pour toute, partout et pour tous. Au-delà decertains principes les solutions doivent être soigneusement adaptées à chaque cas ; cela supposeune certaine prudence dans la démarche et une capacité d'analyse.

Pour sortir des solutions toutes faites ce texte propose de considérer cette question dans plusieursde ses dimensions.

23

La définition des biens essentiels utilisée dans ce texte ne prend pas en compte la santé, l'éducation oula gestion bancaire, tous aussi essentiels. Cette limitation choisie permet d'avoir une unité d'industrie,d'acteurs, de méthodes de régulation et une unité de pilotage par les élus locaux. Mon souci était dediscuter d'un champ et de déboucher sur des recommandations opératoires.

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 Il faut d'abord prendre en compte l'impact sur les individus, ; il faut être en mesure de sortir desmoyennes générales pour saisir les effets concrets sur les cas limites. Cela plaide pour ledéveloppement d'une économie politique du détail, c'est à dire une analyse de la fourniture des biens essentiels à partir de ce que perçoit l'usager. En terme de régulation cette approche invite àmettre au point des dispositifs concrets par lesquels le consommateur/usager puisse se faire

entendre. A l'opposé cela suggère une prudence vis à vis des dispositifs de régulation à distance(trop souvent copiés), qui fonctionnent par reporting, abstraction et manquent très souvent lesdysfonctionnements qui pèsent sur le quotidien des usagers

Cette lecture doit être équilibrée par la dimension industrielle de ces mêmes questions. Derrièreles biens essentiels on trouve une industrie de la ville. Avec la montée des préoccupationsd'environnement, l'accélération de l'urbanisation dans les pays émergents, cette industrie serecompose au niveau mondial. La concurrence y est vive : entre les firmes, entre les modèles. Sion admet l'argument du rôle premier joué par les institutions la puissance publique doit veiller à prendre en compte la justice sociale (pour les individus) ET les enjeux mondiaux qui se jouentautour de l'industrie de la ville.

En France cela suppose de sortir d'un cycle de défiance et de renouveler la pensée politique sur le choix entre faire ou faire-faire, faire en direct ou déléguer. Le pays vit dans une étrangedichotomie qui étonne à plus d'un titre à l'étranger. Les compétences réunies par les grandesfirmes privées ou publiques, la haute administration et la recherche sont du meilleur niveauinternational. Le niveau de qualité dans la fourniture de tous ces services classe notre pays dansles bons "élèves" de la maison Europe. Mais tel est le paradoxe français, seules les critiquesdominent. C'est une situation incompréhensible et certainement malsaine. Aucun peuple n'écritune belle histoire à partir du soupçon. Puisque dans les démocraties la fonction supérieure du politique est de définir les règles, il incombe aux élus d'assumer leurs choix de délégation. Ilsdoivent prendre des initiatives pour définir les termes d'un partenariat renouvelé pour les biens

essentiels.

Pour agir la puissance publique dispose d'une large palette d'instruments. Le statut public de lafirme n'est pas nécessairement le gage de plus de responsabilité et de performance. Le pilotage par les contrats, la coproduction d'objectifs, les critères d'une politique tarifaire sont des outilstout autant opératoires. Cela plaide à nouveau en faveur d'une économie politique du détail. Icil'action de réforme passe aussi par l'impact des instruments utilisés.

L'impact sur les individus.Une première dimension de ces biens tient à leur impact sur les individus (usagers, ménages).

Ces biens incarnent le principe d'égalité, central dans la République. Considérons leur importancedans le budget moyen des ménages ; il peut être mesuré grâce aux enquête de l'Insee ; l'exerciceaide à caler les choses. Il en ressort que globalement plus d'un tiers du budget d'un ménagemoyen se trouve contraint. Il faudrait y ajouter le coût des services bancaires (autre serviceessentiel en réseau).

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85Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Proportion des biens essentiels dans le budget des ménages en 200124.Bien public, commodity, bien de marché

Logement 18.5% * * * Doublement 1999/07 du prix/m² Transport 8.2% * * Hausse essence, productivité capturéeElec. & Gaz 2.9% * Hausse contenue, prix régulésChauffage 1.2% * Hausse de 52% entre 2002 et 2005

Téléphone 1,9% * Baisse prix, très forte hausse des consommationsEau 1,0% * Croissance, 1990s, liée à la dépollutionDéchets 0,6% * Encore faible, coût de dépollution à venir 

Les chiffres présentés par secteur correspondent à des moyennes. Le logement peut représenter autour de 30% pour des jeunes accédants ou des locataires à revenus modestes. Le budgettélécommunications lui aussi augmente car les ménages s'équipent, consacrent de plus en plus detemps à communiquer, à circuler sur la toile etc… (2,5% correspond à une donnée probable). Dece fait le budget contraint semble plus prêt des 40% que du tiers pour une bonne partie desfrançais. Pour progresser dans le débat public, il serait bon de sortir des lectures par moyenne

 pour discuter à partir de types de ménages; selon que l'on est dans le décile supérieur, dans ceuxdu centre, au niveau du Smic, ou dans le décile inférieur les chiffres sont très différents. Or lesuccès de l'action de redistribution tient aux détails ; elle se joue aux voisinages de seuils. Il fautdonc disposer de connaissances à ce niveau là.

Dans les grandes villes où l'immobilier a connu les plus hautes progressions, le budget logementest élevé mais ceci est compensé par le poste transport largement subventionné dans lestransports en commun. Inversement, dans les petites villes, l'immobilier se détend mais en contre partie les gens doivent se déplacer en voiture et les plus modestes se logent loin de la ville. Toutse passe comme s'il existait un mécanisme invisible de capture du revenu des ménages se faisantau bénéfice des propriétaires immobiliers ou de l'industrie automobile/pétrole.

L'organisation de chacun de ces marchés n'a pas été sans conséquences sur l'évolution des prix aucours de dix dernières années. Les postes qui ont le plus progressé relèvent des biens de marché(le logement, l'automobile) ou des commodités (l'essence, le fuel, les télécommunications). Lesautres postes (électricité, gaz, eau et l'assainissement, déchets), organisés comme des biens  publics, connaissent des hausses raisonnables. Pour le cas de l'eau la distinction entre l'eau potable et l'assainissement montre que l'essentiel de la progression s'explique par les efforts dedépollution.Dans plusieurs cas - logement, essence, fuel – les hausses ne s'expliquent pas par uneamélioration du produit mais parce qu'un groupe d'acteurs a les moyens d'accaparer une partie dela rente. Dans d'autres cas le poids plus élevé dans le budget des ménages résulte d'une hausse de

la consommation qui elle même s'explique par plus de volume à qualité inchangée (le temps sur internet ou au téléphone), ou bien une consommation d'un produit de meilleure qualité (la montéeen gamme dans l'industrie automobile). Ici les stratégies d'offre jouent un rôle considérable dansl'organisation des pratiques consommatoires.

24

Source: Le budget des familles en 2001, Société, n° 29, INSEE, p. 10-11, après retraitement par l'auteur (voir méthode) in Lorrain D., 2007. L'action publique pragmatique (la gestion des biens publics etses passions), Revue Politique et Parlementaire, n° 1043, spécial sur l'eau, avril-juin 2007, pp. 95-104.

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La puissance publique (Etat, collectivités territoriales, régulateurs) a des responsabilités dansl'organisation de chacun de ces secteurs. Selon que ces marchés s'organisent au niveau mondial(pétrole, gaz) ou national-local, l'intervention ne se conçoit pas de la même façon. En toutelogique on ne peut que recommander de concentrer les efforts là où les dysfonctionnementssont les plus criants et où une amélioration aura le plus grand impact. La comparaison entrele secteur de l'eau qui concentre tant de débats et celui du logement est de ce point de vue sans

appel. Dans le secteur de l'eau une gestion améliorée de 10% représente en moyenne uneéconomie de 36  € par an, par ménage. Les gains potentiels dans des marchés du logementmaîtrisés se situent en dizaines de milliers d'euros.

Cette question du logement pour les revenus modestes et les classes moyennes ne manque pasd'interroger. Le doublement des prix, enregistré en moins de dix, ans pénalise de nombreuxménages ; tout en correspondant pour les bénéficiaires à un enrichissement sans cause dans lamajorité des cas. Or les élus locaux ont la responsabilité de la définition des zones constructibles par les plans d'urbanisme. Ils disposent d'outils opérationnels par des SEM d'aménagement, desSEM de construction, des Offices de HLM. Les outils sont rodés. Et ils ont laissé s'introduire unedécalage funeste entre demande et offre.

Le politique ne peut tout faire.Dans le contexte actuel de fonctionnement de la vie politique, marqué par l'urgence, la placeaccordée à la com. on peut comprendre qu'un élu local stratège préfère envoyer des messages deréforme sur des dossiers faciles – reprendre un contrat d'eau, d'éclairage public ou de distributionélectrique, et qu'il s'investisse moins dans des dossiers qui supposent un effort discret de longterme, sans garantie de résultat. Mais c'est un jeu dangereux. Les français attendent de leursleaders qu'ils s'attaquent aux vraies questions. Logement et transport sont deux sujets majeurs ; ils pèsent dans les budgets, ils impactent sur la stratification sociale et commandent l'accès à l'école.La politique d'évitement utilisée dans le passé qui consistait à dire que l'on voudrait bien agir mais que ce n'est pas possible car c'est un domaine d'Etat, n'est plus soutenable aujourd'hui.

Trente ans après la décentralisation les français se rendent bien compte qu'il y a eu uneredistribution du pouvoir et que si des dossiers n'avancent pas la responsabilité en incombedirectement aux élus de premier rang.

Dans ces conditions les partis politiques ont obligation comme tout acteur qui agit souscontraintes et ressources limitées de faire des choix et de les hiérarchiser. A côté de la gestionordinaire qui absorbe une bonne partie de l'agenda des maires (et autres collectivités locales) lesélus doivent établir des priorités, dégager des ressources humaines et financières et consacrer dutemps. Ils peuvent le faire en direct ou s'appuyer en partie sur des partenaires externes (opérateursde services, sociétés d'économie mixte, office).

Cette nécessité de choix fait d'autant plus sens que l'on considère l'action des mairies. Que produisent les mairies ? Elles interviennent dans de nombreux domaines allant de l'état civil auxcimetières, des réseaux urbains au logement, des politiques de la petite enfance aux personnesâgées, des interventions économiques aux politiques culturelles. Bref ce sont des spécialistes dela diversité. Dans un monde concurrentiel où le principe de spécialité sur un cœur de métier guide les firmes les collectivités locales ne peuvent prétendre tout faire en direct tout en étant performantes. Par conséquent bien gérer les biens essentiels implique d'accepter une architectureinstitutionnelle qui distingue celui qui détient l'autorité et celui qui exerce la mission. Ce moded'organisation qui a guidé depuis ses origines le modèle français de services urbains (faire ou

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faire-faire) est aujourd'hui reconnu mondialement avec la formalisation dite du "principal agent".Il serait tout de même étrange qu'à ce moment là, la France fasse machine arrière sur dessolutions qu'elle a contribué à élaborer. Cette ligne de réforme fait d'autant plus sens que l'onconsidère d'autres propriétés des biens essentiels.

La dimension industrielle : biens essentiels, environnement, réseaux, hub

Les biens essentiels doivent aussi être considérés du point de vue de leur importance dans lefonctionnement de l'économie. Il s'agit de tenir un équilibre entre le point de vue de l'individu etcelui de l'économie du pays en longue durée. Les réseaux (réseaux techniques urbains et grandssystèmes techniques) qui constituent une bonne partie des biens essentiels, participent à l'ossaturedes villes et à l'organisation des territoires. Dans une économie globalisée dans laquelle lesmarchandises, les hommes et les informations circulent la qualité de ces infrastructures estessentielle.

Au cours des cinquante années passées la composante réseautique des villes a augmenté. Lesgrandes métropoles mondiales et régionales sont des hub à haute densité réseautique. A cesréseaux et aux grands équipement urbains correspond une industrie nouvelle - l'industrie de la

ville. Elle s'organise en plusieurs composantes – opérateurs, ingénieristes, constructeurs et promoteurs, industriels, financiers. Le poids de ces différents acteurs, dans la chaîne de la valeur varie d'un pays à l'autre. Tous les grands pays industriels ont une industrie de la ville. Entre cesdifférents modèles de services urbains, qui ne sont que des manières de combiner des règles, desacteurs publics et des firmes, la concurrence est vive.

De ce fait la puissance publique doit organiser les biens essentiels en considérant l'impact sur lesindividus ET sur l'industrie. Rappelons que dans les privatisations britanniques, par ailleursdiscutables sur bien des points, les missions des régulateurs prévoyaient cette double composante: protéger les usagers et veiller que les firmes puissent dégager assez de résultats pour investir.En la matière les choix d'architecture institutionnelle ont des impacts sur la dynamique des

marchés. Ils peuvent ouvrir ou fermer le marché. Les règles peuvent contribuer à rendre pluslisible notre modèle à l'international ou brouiller les messages.

La prise en compte de l'environnement (raréfaction des ressources, changement climatique,nécessité de décarboner l'économie) renforce aussi le caractère stratégique de ce secteur. Lessystèmes techniques constitutifs des biens essentiels se trouvent directement concernés par cestendances : sobriété énergétique, énergies renouvelables, dépollution des eaux usées et recyclage.Les enjeux à terme sont très importants

Si l'on considère l'industrie de la ville comme un secteur au même titre que l'agro-alimentaire,l'aéronautique, l'automobile, la France dispose dans l'industrie de la ville d'un ensemble industriel

complet et de qualité : groupes de services urbains, constructeurs, ingénieristes, recherche. Il y aun lien entre la santé de cet ensemble – ses succès internationaux, ses innovations nationales etles bénéfices pour l'individu final. Cette équation ne se joue pas à court terme mais sur des cycles  plus longs : règles locales/nationales qui permettent d'innover, exportation de ces références,résultats d'exploitation, partages et réinvestissement25. Vouloir assécher immédiatement lesrésultats, que ce soit au bénéfice d'actionnaires gourmands (le cas britannique dans les utilities)

25

La stratégie de la Chine conduite depuis le début des années 1990 est exemplaire de ce lien entrerègles, initiatives des acteurs et enrichissement.

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ou au bénéfice de l'usager (au nom d'un principe d'égalité absolu) conduit à la même impasse. Onne peut redistribuer que ce qui est d'abord accumulé.

De la régulation.Puisque ces biens sont essentiels ils ne peuvent être auto-régulés par des mécanismes de marché.Reste à préciser par quels mécanismes ils peuvent l'être. Ici le terme de marché qui revient sans

cesse dans toute la littérature est largement inapproprié. Ces secteurs ne relèvent pas de marchésau sens de l'économie orthodoxe. Ils s'organisent avant tout à partir de grandes firmes quiinterviennent en situation de monopole ou d'oligopole ; les situations de marchés libres sontextrêmement rares. Les quelques expériences de dérégulation absolue engagées aux Etats-Unis(gaz, électricité en Californie) ou en Grande Bretagne (les bus ou l'électricité) se sont traduites par des échecs (Enron et crise électrique en Californie), ou ont donné lieu à la reconstruction demarchés de type oligopolistique (concentration dans le secteur des bus, réintégration desfonctions de production et de distribution dans l'industrie électrique britannique)

Une fois acceptée la firme comme une catégorie complémentaire aux marchés (et différente) on peut progresser d'un pas supplémentaire en reconnaissant les différences entre les firmes. Cela

  permettrait de rendre moins tendus de nombreux débats. En regard d'autres firmes étrangères(ingénieristes américains, conglomérats familiaux des pays émergents, promoteurs constructeursdiversifiés, groupes industriels, fonds d'investissement) les grands groupes français, comme lesutilities allemandes d'ailleurs, partagent une certaine culture du service public. A l'intérieur denotre espace national nous ne retenons que les différences, mais la prise de distance par l'international fait ressortir tout ce qui est semblable entre ces firmes et les acteurs publics.Autrement dit, ces firmes ne sont pas de pures organisations marchandes, tournées vers lamaximisation du profit (et à court terme), elles ont aussi un sens de l'intérêt général, du longterme, du partage du surplus entre les différentes parties prenantes. Ici l'argument d'HerbertSimon contre les économistes orthodoxes sur le comportement des acteurs à partir d'un principede satisfaction et non de maximisation se trouve parfaitement illustré. Les simplifications

habituelles ne prennent pas en compte ces propriétés essentielles, tout simplement parce que lafirme reste encore un objet mal identifié.

Les grandes firmes françaises de construction et de réseaux urbains sont des organisations àcomposante institutionnelle. Partir de ce constat a des conséquences sur la manière d'envisager la régulation. Si les firmes étaient des déviants potentiels (take the money and run) alors unerégulation stricte s'impose, à la limite il faudrait même se demander – est-il raisonnable de leur confier des missions de service public ? En revanche, si elles ont des propriétés institutionnelles – ce que je soutiens - on peut mettre au point des formules nouvelles de régulation : des partenariats souples et maîtrisés.

Pour intervenir la puissance publique dispose de nombreux moyens.- Le statut de l'entreprise (nationale ou municipale) en est un parmi d'autres et pas nécessairementle plus efficace. Il a été longtemps considéré qu'au statut public de l'opérateur correspondait desvertus particulières. Ce postulat est discutable. Le problème de la gestion de toute firme est detrouver un équilibre entre plusieurs parties prenantes : les propriétaires/actionnaires, lesconsommateurs/usagers, les salariés, les managers, le développement de l'entreprise, les intérêtsde la ville ou du pays. Le capitalisme financier a fait la promotion de la "valeur pour l'actionnaire". A l'inverse, la moindre vigilance des propriétaires (représentés par l'Etat dans desentreprises nationalisées), le mélange des missions ont parfois conduit à des dysfonctionnements:

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sous investissement, politique de recherche insuffisante, autonomisation des entreprises reposantsur une alliances d'intérêts entre managers et salariés.- Ceci étant, il est important et utile d'avoir des compagnies publiques, ou des petits acteurs quine font pas partie de l'oligopole quelque soit le secteur (voir le tableau p. 3). Premièrement, ilscontribuent à exercer une menace. Deuxièmement ils permettent d'avoir accès à l'information. Lechoix politique qui se pose est de savoir si ces expériences font partie d'une respiration normale

de la vie des affaires, ou si elles s'inscrivent dans un projet politique global deremunicipalisation26.- La puissance publique peut s'appuyer sur d'autres techniques de suivi des firmes. Elle peutdéfinir les missions. Cela passe par le contrat (dans le cas de délégation), ou des conventions avecles entreprises publiques. La puissance publique peut aussi utiliser des dispositifs de suivi ; lesoptions possibles sont très larges allant de la régulation par coup de projecteur au régulateur indépendant.- La politique tarifaire correspond à une technique très importante. Par le niveau des tarifs etl'imputation des coûts entre les différents usagers la puissance met sa marque et peut, ou non,distinguer les biens essentiels des biens de marché. L'examen des faits en France fait cependantressortir quelques paradoxes politiques.

Dans les secteurs de l'eau, du gaz et de l'électricité, des entreprises privées ou cotées en bourse  pratiquent une tarification égalitaire : prix unique dans un même territoire, hausses de prixnégociées avec la puissance publique. A l'inverse, dans les transports les deux monopoles publicsfont un usage extensif de la tarification marginale. Dans les TGV le prix varie selon le jour etl'heure en appliquant un principe qui revient à dire "puisque vous êtes nombreux à voyager les prix augmentent". Dans le RER en région parisienne l'introduction d'une tarification marginale aconduit à fortement renchérir le prix du transport, rapporté au kilomètre de réseau accessible.Ainsi avec 2 euros un habitant de lointaine banlieue pourra parcourir trois ou quatre stations.Avec la même somme le parisien, ou le banlieusard dont la commune est desservie par le métro,ont accès à plusieurs centaines de kilomètres de lignes. Cette inégalité massive est le produit de

l'application d'une tarification au coût marginal : l'extension d'un actif fixe voit son coût imputé principalement à ceux qui en sont les bénéficiaires.

Si le même principe était introduit dans la tarification du secteur de l'eau, le financement du coûtdes nouveaux réseaux dans le péri-urbain à faible densité serait principalement supporté par lesnouveaux habitants, alors que le tarif unique en vigueur conduit à faire un transfert des habitantsde la zone centrale au bénéfice des périphéries. Si les compagnies d'eau appliquaient les mêmesrègles que pour le TGV elles augmenteraient leurs tarifs aux périodes de pointe : en été, dans lesstations balnéaires et lorsque la ressource devient plus rare.

  Nous voulons dire que l'expression du caractère "essentiel" de certains biens se manifeste de

  plusieurs manières. La question du statut public ou privé a longtemps concentré l'attention. Ilsemble que certains élus municipaux en fassent à nouveau un étendard de leur modernité. Al'expérience il ressort premièrement que le statut de la firme ne vaut pas vertu. Deuxièmementque la puissance publique dispose de nombreux autres outils pour guider des opérateurs privés de  biens essentiels : le contrat, les obligations de rendre compte (reporting et indicateurs), lestechniques de tarifications.

26

Par extension on pourrait voir des villes reprendre la distribution électrique et finir par gérer tout celacomme des Stadtwerk. Mais quel est le coût collectif de défaire ce que l'on a construit en cinquante ans?

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En mettant l'accent sur les instruments, ces institutions de second rang (pour reprendre descatégories de l'économie institutionnelle) je veux dire que le changement social s'obtient aussi enagissant à ce niveau là. Une très ancienne culture politique française a conduit à privilégier lesactes symboliques et visibles. L'observation de notre propre histoire comme la manière deconduire le changement dans les pays voisins conduit à recommander de s'intéresser à "uneéconomie politique du détail ". La perception de l'usager passe par le prix, la qualité du service, le

temps d'attente pour payer une facture ou obtenir un renseignement. Donc si l'on veut faire des biens essentiels, un espace de qualité qui n'est pas piloté par le seul marché, alors la puissance publique doit accorder de l'attention à cette dimension là.

Cette orientation en faveur d'une économie politique du détail et d'une atténuation du débat sur lestatut des opérateurs va à l'encontre des thèmes du moment. Mais on peut soutenir quel'électeur/consommateur de ce pays a atteint une culture économique qui lui permet decomprendre et de soutenir une stratégie discrète mais se concentrant sur les points essentiels. On peut même soutenir qu'il y a une lassitude de l'acteur à qui on demande d'être en permanence enéveil, capable de faire des choix. Je crois que le temps est venu de sortir de la rhétorique de la  performance universelle, pour définir un espace efficace et stable. Puisque ces biens sont

essentiels ils doivent être organisés d'une manière différente que le marché ouvert à tous les flux,tous les entrants et toutes les variations. Trente ans après la décentralisation, trente ans après ladérégulation britannique et alors que se profilent des défis urbains et environnementauxnouveaux, je pense qu'il est temps de définir une nouvelle architecture dans l'action publique pour les biens essentiels. Est-ce un nouveau partenariat ? Un nouveau pacte contractuel ? Qu'importeles mots. L'important est que les élites politiques françaises s'accordent sur un programme quiouvre un espace d'action, donc de progrès.

Recommandations.Ce texte plaide pour une révision de la pensée des socialistes sur les firmes. La grande firme n'est  pas nécessairement le déviant potentiel, l'acteur nécessairement opportuniste que beaucoup

imaginent. Le succès de cette forme d'organisation dans les pays industriels (et maintenant dansles pays émergents) doit beaucoup à des compétences réelles. Et même lorsque desdysfonctionnements existent rentrer dans ces dossiers par ce seul prisme est contre productif.

Dans le cas français et pour les biens essentiels, l'enjeu n'est pas de redire le passé et ce qui aurait pu être fait. Il est de se préparer au mieux pour les prochaines décennies. Nos firmes urbaines ontdes qualités, à défaut d'être parfaites ; les élus locaux ont devant eux un agenda bien chargé. Toutl'exercice est de parvenir à faire des compétences des uns un facteur positif qui puisse soutenir l'action des seconds.

Il faut considérer la situation telle qu'elle est avec d'un coté des pouvoirs locaux morcelés (36 500

communes, des intercommunalités nombreuses) aux missions variées et grandissantes et del'autre des firmes qui ont le standard international.Si l'on admet que les maires gèrent un large spectre de missions, ils ne peuvent tout faire. Enrevanche leur responsabilité est de faire des choix. Ils arbitrent entre plusieurs secteurs et dansquelques domaines ils délèguent.

Lorsqu'ils délèguent à de grandes firmes (publiques ou privées) sur des sujets complexes ils ont le préjudice d'une asymétrie d'information. Afin de réduire cette asymétrie les premières solutions

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se sont tournées vers plus de concurrence et plus de contrôle. Si la première est nécessaire il n'est pas certains que les moyens de contrôle mis en place soient effectifs.

Il faut inventer des formes nouvelles de partenariat et de suivi des contrats pour l'ensemble des biens essentiels, sans doute en les situant dans les territoires, là où se déroule l'action et où lesusagers et les élus peuvent faire un suivi effectif. L'idée d'un rééquilibrage des compétences par 

des intercommunalités larges responsables de plusieurs secteurs est une piste à étudier.

Il n'est pas certain qu'il faille poursuivre sur la voie des rapports annuels. Cette techniques'impose pour une régulation nationale et faire remonter les informations vers l'agence derégulation. Dans une organisation à partir des contrats locaux, il faut impliquer les usagers (n°vert, internet) comme capteur des pannes au quotidien. Pour le reste et puisque les grandesdécisions suivent des cycles pluri-annuels la production d'un rapport approfondi (enremplacement de rapports annuels) devrait se caler sur ces cycles. On y gagnerait l'économie encoûts de transaction et la production de documents à contenu, venant nourrir des décisionsimportantes.

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15 décembre 2010

Audition de Germinal PEIRO, député, secrétaire national aux territoires ruraux,l'agriculture et la mer

Germinal Peiro, vice-champion du monde de canoë-kayak en 1981, en mixte, a développé unhobby pour la préservation de l'environnement tout au long de son parcours. Cet intérêt s'esttraduit dans ses mandats de député par des avancées législatives : crédit d’impôt incitant àl’installation de citernes récupérant l’eau pluviale pour préserver les ressources en eau potable ;organisation des sports de pleine nature dans la loi de juillet 2000 ; amendement permettantd’élargir aux piétons la servitude de marche pied sur les rives des plans et cours d’eau domaniaux(débats sur la loi sur l'eau).

Son enracinement local politique (maire de Castelnaud-la-Chapelle depuis 1983, conseiller 

général depuis 1988) lui a permis d'être l'un des co-fondateurs d'EPIDOR, l’établissement publicterritorial de bassin (EPTB) de la Dordogne, dont il est toujours aujourd'hui administrateur.

Il siège également au Comité national de l’eau (CNE).

Eau et agriculture

On peut difficilement envisager certaines productions agricoles sans une maîtrise de l'eau. La principale difficulté : le besoin le plus important en eau se situe dans la période où celle-ci seraréfie, est à son niveau d'étiage le plus bas. Deux principes importants :

-  il faut adapter les cultures 1- à la pluviométrie 2- au sol ;

La culture du maïs était rendue possible dans le Sud-ouest par le climat pluvio-orageux. Cetteculture s'est généralisée vers le nord du Sud-ouest sur des sols inadaptés, dans des zones à pluviométrie décalée. C'est un grand problème aujourd'hui.

Il est bien entendu possible de mener une politique de stockage de l'eau, mais c'est compliqué. Lestockage peut ainsi se faire sous forme de retenue collinaire27, soit sur un mode individuel, soit en petit collectif.Mais ce ne sont pas les agriculteurs qui financent.

Des retenues sont possibles sur toute une partie du territoire, et Germinal Peiro insiste sur le faitqu'elles sont intéressantes pour des apports d'eau épisodiques l'été : par exemple pour 

l'arboriculture dans le Lot-et-Garonne – la culture des noyers dans le Périgord… Mais elles nesont pas souhaitables pour des irrigations plus soutenues, telle celle du maïs irrigué.

27 Ouvrage de stockage de l'eau de taille variable, la retenue collinaire peut être assimilée à un micro-barrage.Constituée d’une digue en terre, elle permet de retenir l’eau dans une cuvette et de stocker des eaux excédentairesdurant la période hivernale. Mais ces retenues ne sont pas sans impact (dégradation de la qualité des eaux due à leur stagnation, altération du régime hydrologique, etc). Ces ouvrages sont soumis à procédure et doivent être réalisés enconformité avec les exigences de la Loi sur l’Eau.Les retenues collinaires sont également utilisées dans d’autres domaines que l’irrigation (protection incendie, loisirs, pisciculture…).

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Il faut penser au stockage d'eau pour supprimer les forages. Mais ne pas l'utiliser pour les culturesgrandes mangeuses d'eau, à faible valeur ajoutée, économique et sociale.

Pour la protection de l'environnement et des ressources en eau, il est essentiel d'éviter de pomper à des fins agricoles dans les rivières ou dans les nappes phréatiques. Les prélèvements d’eau dansla nappe phréatique à des fins agricoles sont ainsi interdits en Dordogne, très surveillés en ce qui

concerne les prélèvements dans la rivière. Beaucoup de pompages d'eau potable sont par contreeffectués dedans (ou à 500 m. ce qui revient au même).

Cinq grands barrages ont été érigés sur le fleuve Dordogne, ce qui permet d'assurer des débitsd'étiage. Des accords ont été passés avec EDF qui exploite ces barrages. Des prélèvements peuvent se faire dans les cours d'eau, ce jusqu'à la limite d'étiage nécessaire. L'autorisation oul'interdiction des prélèvements sont gérés en Dordogne par arrêtés préfectoraux.

Le développement durable de la vallée de la Dordogne est étroitement intriqué à celui du bassinhydrographique du fleuve.

  Nous avons par exemple créé au début des années 90 un réseau d'irrigation agricole sur 7 communes, qui concerne 60 exploitations sur 200 ha, on pompe en rivière pour irriguer jusqu'à13 km à l'intérieur des collines.

La culture du maïs irrigué a supplanté celle du maïs sec : à l'époque, 50 % d'aides étaient perçuesde la PAC : celle-ci a encouragé l'irrigation en encourageant la production. En effet, si l'oncompare les primes à l’hectare :- pour le de maïs sec, c’était 1 900 francs.- pour le maïs irrigué, 3 000 francs…

L'irrigation concerne également le tabac, les noix. Mais, si l'on étudie les ratios :

-  1 500 m3

d'eau nécessaire pour 1 ha de tabac ?-  1 000 m3 d'eau pour 1 ha de noyers ?-  1 500 m3 pour 1 ha de maïs-  2 000 à 2 500 m3 pour 1 ha de fraises.

Comment sortir de cette impasse maïs ? Par le tournesol ? le soja ? ou d'autres cultures encore ? Ilfaut de plus noter que 25 ans d'affilée de culture de maïs a très fortement détérioré les sols. Il y aune obligation de rotation des cultures. Le "verdissement de la PAC" va dans le bon sens.

On peut noter la baisse significative de l'utilisation des produits phytosanitaires : moins 50 %d'utilisation sur ces dernières années.

Le Grenelle de l'environnement a un retentissement tout à fait positif.

EPIDOR 

EPIDOR a été officiellement créé en 1991 par les conseils généraux du Puy-de-Dôme, de laCorrèze, du Cantal, du Lot, de la Dordogne et de la Gironde, l’établissement public territorial de bassin. Il a pour objet de faciliter et harmoniser les interventions de ces conseils généraux sur l’eau et les rivières du bassin de la Dordogne. Germinal Peiro et Guy Pustelnik sont tous deux à

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94Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

l'origine de cette démarche : il s'agissait pour eux de développer des solidarités entre l’amont etl'aval, d'avoir des politiques coordonnées en terme de qualité, de quantité. Les collectivitésterritoriales se sont ainsi engagées dans la voie d’une gestion globale des cours d’eau du bassinde la Dordogne, conciliant préservation des ressources en eau, préservation de l'environnement etdéveloppement économique dynamique.

Le bassin versant de la Dordogne, c'est un territoire de 24 000 km², 150 cours d'eau, 1 500communes réparties sur 11 départements et 5 régions.

Aujourd'hui, l'agence de l'eau, EDF, les régions sont membres du conseil d'administration.L'EPTB a été reconnu, par arrêté du préfet coordonnateur du bassin Adour Garonne en novembre2006.

EPIDOR est membre fondateur de l'association française des EPTB (AFEPTB) créée en 1999.L'association regroupe aujourd'hui 26 collectivités territoriales de bassin versant et est leur interprète auprès des pouvoirs publics. Le président en est le président du CG de Dordogne,Bernard Cazeau, et Guy niknik le délégué général.

A côté d'EPIDOR, l'autre grand EPTB est EPALA. Tout d'abord créé, en 1983, sous la formed'un syndicat mixte, l’Etablissement public Loire (EP Loire) est composé de 50 collectivités ougroupements : 7 régions, 16 départements, 18 villes et agglomérations, 9 SICALA. Il a étéreconnu comme EPTB en 2006.

Lab- Quelle valeur ajoutée de l'EPTB ?

Les EPTB n'ont pas de pouvoir réglementaire, contrairement aux Agences de l'Eau.

Ils mènent des actions coordonnées à l'échelle d'un bassin et pour cela essaient de coller au mieuxaux spécificités du bassin. Ce sont les élus qui dirigent l'EPTB, les services de l'Etat n'y sontqu'invités. Germinal Peiro souligne qu'il s'agit ainsi d'un outil extrêmement démocratique,défenseur de l'intérêt général.

EPIDOR n'est jamais maître d'ouvrage. Mais "maître des études". Il s'agit pour l'établissement public de mettre en cohérence la politique de l’eau et les autres politiques menées sur les bassinsversants (agriculture, urbanisation, industrie, tourisme…) et de trouver les moyens nécessaires pour mettre en œuvre des politiques ambitieuses. EPIDOR dispose d'une aptitude technique etscientifique à la planification qui lui permet de penser l'avenir à l'échelle du bassin versant de laDordogne. Son expertise est aujourd’hui prise en compte par les collectivités territoriales, les

services de l'État, l'agence de l'eau et les ONG environnementales.

Germinal Peiro met en exergue cette fonction démocratique de l'EPTB de Dordogne qui apportedes informations objectives aux parties prenantes sur l’état de la ressource en eau, des rivières etdes milieux aquatiques. EPIDOR organise le travail commun d'échelons institutionnels différentsen assurant la participation des citoyens à la gestion des rivières du bassin versant de laDordogne.

Ainsi, l'EPTB a demandé la gestion du domaine public fluvial.

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 Autre exemple : la correction des carences de l'organisation institutionnelle. L'accent a été mis par le collectif sur l'assainissement. Le taux de nitrates dans la Dordogne est ainsi en moyenne de7 mg/l. C'est très important pour le tourisme, facteur fort de développement de la région, la protection des eaux de baignade (qualité, quantité) est un objectif prioritaire au niveau du comitéde bassin. Ce sont 400 000 personnes chaque année qui font de la randonnée nautique sur la

Dordogne : il s'agit d'avoir une politique coordonnée pour toutes les collectivités. D'avoir unaménagement des berges selon un schéma directeur pour une politique commune et réfléchie.

EPIDOR instruit les dossiers des SAGE, porte des dossiers NATURA 2 000, des projets deréintroduction de l'esturgeon. L'EPTB assure l'animation de 4 contrats de rivière sur la HauteDordogne, la Cère, le Céou et la Dordogne Atlantique.

Le problème de l'ingénierie publique

Pour récapituler :

Disparition des laboratoires publics départementaux d'analyses : les DDASS sous-traitentaujourd'hui au privé, l'État ne contrôle plus l'assainissement.

Les SATESE, services d'assistance technique aux exploitants de stations d'épuration, ont étéégalement touchés par les récentes mesures du gouvernement, plus d'un tiers ont déjà disparu…

De même pour les DDAF28 (direction départementale de l'agriculture et de la forêt), autre servicedéconcentré de l'État. La DDAF adoptait et mettait en œuvre, au niveau départemental, les  politiques publiques relatives aux productions agricoles et forestières, à la protection et à lagestion de l'eau et de l'environnement, à l'aménagement et au développement de l'espace rural.Elle effectuait également des missions d'ingénierie publique à la demande des communes et de

leur groupement.

Idem pour les DDE (directions départementales de l'Équipement), autre service déconcentrédépendant celui-ci du ministère de l'écologie, de l'Energie, du Développement durable et de laMer.

28Dans le cadre de la révision générale des services publics, a été décidée la fusion progressive des directionsdépartementales de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF) avec les directions départementales de l'Équipement (DDE).Ces deux services ont formé alors dans un premier temps la direction départementale de l'Équipement et del'Agriculture (DDEA). Au 1er janvier 2010, les DDAF et DDE, dans les départements non encore fusionnés, et lesDDEA dans les départements ayant fusionné, ont fusionné avec le service environnement des préfectures pour former la DDT : Direction départementale des territoires.Élément majeur de la réforme de l’administration territoriale de l’Etat lancée en 2007, la fusion des services existantaujourd’hui forme les nouvelles composantes de l’administration départementale de l’Etat, placées sous l’autorité des préfets de département, dont les directions départementales des territoires - et de la mer (DDT-M) constituent desdirections clés pour la mise en œuvre des politiques du ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développementdurable et de la Mer (MEEDDM). Elles seront le relai des DREAL pour le déploiement de la politique du ministère.Depuis le 29 juin 2009, la DREAL remplace la DIREN, la DRE et la DRIRE dont elle reprend les missions (hormisle développement industriel et la métrologie ). La DREAL est désormais le service régional qui porte la politiquenationale de lutte contre le changement climatique, de préservation de la biodiversité, de lutte contre les risques, maisaussi la politique nationale du logement et de renouvellement urbain, dans une approche intégrée d’aménagement etde développement durable. 

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Aujourd'hui, il reste quelques attributions au niveau départemental au niveau des DDTM(direction départementale des territoires et de la mer), mais l’essentiel des missions est passé au privé, du moins les missions rentables...

Localement les situations sont très contrastées : dans le sud-ouest, la compagnie des Coteaux deGascogne est une ancienne « société d’aménagement », qui regroupe les conseils généraux du

Gers, des Landes, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées pour un aménagementconcerté du Bassin de l'Adour. Elle assume un certain nombre de missions d’ingénierie qui luisont dévolues du fait du désengagement de l'État.

L'EPTB, quels moyens ?

Les EPTB sont reconnus mais n'ont pas de moyens.L'amendement que le député André Flajolet a fait voter dernièrement va leur permettre de  bénéficier d'une redevance qui sera perçue par les Agences de l'eau sur l'eau potable. Mais laquestion est complexe, car parallèlement les EPCI vont pouvoir créer un syndicat mixte qui

  pourra se doter d'un EPTB. Quel avenir d'un EPTB de taille aussi réduite ? Quelle finalitérecherchée ?

Il y aurait une piste intéressante qui pourrait permettre d'alimenter le fonds des EPTB : la mise enconcurrence des concessions hydroélectriques historiques d’EDF : pourquoi une redevance neserait-elle pas négocier en faveur des EPTB (et non des Agences comme certains le demandent) ?

Quelle(s) compétence(s) supplémentaire(s) seraient intéressantes pour les EPTB ?

Certainement, la gestion du domaine public fluvial pour éviter son morcellement. Une premièreétape a été franchie en 2003 : les EPTB ont été reconnus par le code de l'environnement comme

des acteurs opérationnels de la gestion de l'eau et des rivières.

Il s'agit pour les EPTB de pouvoir agir sur :-  les cours d'eau domaniaux,-  les cours d'eau non domaniaux.

De gros problèmes existent sur les cours d'eau non domaniaux : le sol est privé, il est la propriétéde centaines de milliers de riverains. La qualité de riverain confère au maître du fonds un droit de propriété et des droits d'usages. En cas de pluralité de riverains, un partage du lit par moitié se faitsuivant une ligne supposée tracée au milieu du cours d'eau. Le riverain est tenu à certainesobligations : curage, entretien de la rive, bonne tenue des berges, respect du bon fonctionnement

des écosystèmes aquatiques.

Mais il n'y a pas de servitude le long des berges, les propriétaires privés peuvent installer desouvrages sur les cours d'eau, en réduire le débit de façon importante, empêcher ainsi la continuitéécologique sans avoir de compte à rendre. De multiples petits ouvrages existent ainsi depuis dessiècles (moulins par ex.), d'autres sont très récents, c'est le fait des micro-barrageshydroélectriques par exemple. N'est-il pas scandaleux de permettre à un propriétaire privé desaccager une vallée pour son intérêt particulier ?

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97Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Les cours d'eaux non domaniaux sont ainsi l'objet de multiples convoitises, de nombreux usages parfois concurrents, souvent contradictoires : l'agriculteur s'en servira pour irriguer ses champs,les pêcheurs et pratiquants de sports d'eaux vives pour s'adonner à leurs plaisirs, le particulier   pour revendre à bon prix des kw à EDF : autour du cours d'eau peuvent se cristalliser denombreuses tensions.

Quelles sont les limites au droit d'usage ? Cela tient de la jurisprudence des tribunaux judiciaires(litiges d'ordre privé), qui n'est pas ordonnée. Certaines décisions ont admis un droit d'usagequasi absolu de l'utilisateur. Pourtant les mesures prises par la loi sur l'eau, au premier rangdesquelles figure " la protection, la mise en valeur et le développement de la ressourcehydraulique " devraient infléchir ce cours.

Afin d'encourager un entretien régulier des cours d'eau non domaniaux, la loi du 2 février 1995 a prévu la mise en place de plans simples de gestion. Programmes pluriannuels d'entretien et degestion, ils peuvent être soumis à l'agrément du représentant de l'Etat dans le département par tout propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial et toute association syndicale de propriétairesriverains. Ils permettent d'obtenir le bénéfice d'aides de l'Etat et des ses établissements publics

attachées au curage, à l'entretien et à la restauration des cours d'eau.

Mais, de plus en plus fréquemment, on constate que les collectivités sont appelées à se substituer aux riverains défaillants.

Sur les cours d'eau domaniaux, des travaux importants sont également à envisager. Exemple duLot sur lequel de premiers travaux ont été lancés en 1990, pour un projet de remise en navigationqui intéresse 5 départements. Barrages, remise en état des écluses : les travaux sont trèsimportants, la remise en navigation se fait tronçon par tronçon et devrait aboutir à la jonction desdépartements du Lot et du Lot et Garonne avec l'aménagement des écluses de Fumel(franchissement du barrage hydroélectrique) et St-Vite. Il est beaucoup attendu du

développement du tourisme fluvial.

Les barrages hydroélectriques

Leur utilité dans la production électrique n'est pas à redémontrer. Leur appoint dans les momentsde tension énergétique est des plus essentiel. Ils peuvent être en production immédiate à pleine puissance en moins d'une minute (46 s).

Les lâchers d'eau sont intéressants en soutien d'étiage. Mais il est essentiel qu'ils soient biencontrôlés, l'eau arrive brutalement, à une température froide, et peut provoquer des hauteurs tropimportantes dans les lits des cours d'eau. Réguler ces lâchers d'eau, dans le temps comme dans

leur quantité, en informer la population, est primordial. Une nuisance importante peut se produirelorsqu'un barrage effectue une vidange : eau boueuse et froide qui se déverse, ce qui peut, entreautre, gâcher une saison touristique. Une convention a été signée avec EDF au niveau national pour ces lâchers et atténuer les effets des éclusées et EPIDOR travaille avec EDF au lissage deces lâchers.

Il faut appliquer le principe pollueur-payeur à EDF – et l'appliquer à l’avenir auxconcessionnaires privés.

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98Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

 28 février 2011 

Audition de UFC-Que choisir,Daniel Bideau et Grégory Caret

Daniel Bideau : administrateur national de l’UFC-Que Choisir, référent sur les questions liées àl’eau, animateur de la commission santé

Grégory Caret : Directeur du département desétudes de l’UFC-Que Choisir 

 Présentation de l’UFC-Que Choisir 

Le rôle de l’UFC-Que Choisir : association de consommateurs avec un agrément judiciaire, santéet environnement

•  Une rédaction avec des publications avec une très large diffusion

•  160 Associations locales

o  Qui traitent plus de 100 000 litiges par an

•  Deux réseaux environnement et santé

Une expertise dans le domaine de l’eau qui se concrétise par plusieurs dossiers et des

 participations aux niveaux des instances de l’eau en qualité de représentant des usagers.

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99Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

A. Les combats et positions de l’UFC-Que Choisir sur l’eau

Une approche à la fois sur les problématiques liées :

•  Au grand cycle de l’eau gestion et préservation de la ressource

•  Au petit cycle de l’eau utilisation par l’homme

Sur le premier thème, nous avons lancé une campagne en 2006 pour une politique dedéveloppement durable de l’eau intégrant des dispositifs incitatifs fort à la préservation de laressource notamment à destination du monde agricole.Sur le second thème, en 2006 une première fois puis en 2007, nous avons dénoncé les mauvaises  pratiques s’agissant de la gestion de la distribution de l’eau aux particuliers et del’assainissement.

1. La gestion de la ressource

a) Notre analyse

34 M m3 prélevés et/ou consommés chaque année 28 extraits des précipitations, 6 des nappes.(57% pour l’énergie).

6 m3 consommés 70% de la ressource consommés par l’agriculture, 20% par l’industrie, 10 à15% par les ménages.

La France est parmi les pays européens les plus souvent pénalisés au niveau européen pour leur (mauvaise) gestion de la ressource-eau (cf. Directive-Cadre sur l’eau).Problématiques de gestion qualitative (la pollution par les nitrates notamment) et quantitative

(avec des risques de pénuries localement)A la prévention, la France privilégie l’assainissement pourtant plus coûteux (PB, All). S’agissantde la gestion quantitative, l’idée de réserves artificielles stratégiques est même parfois évoquée.

b) Pour construire une autre politique agricole de l'eau (2006)

Les chiffres sont alarmants : 5 millions de Français ont été exposés au moins une fois à une eau polluée en 2003, 20 départements ont été gravement touchés par la sécheresse en 2005, 80% de laconsommation nette estivale de l'eau est imputable à l'agriculture en raison de la politiqueactuelle de subvention qui a orienté les agriculteurs vers des choix de monoproduction intensiveet spécialisée peu favorables à la protection de l'eau. Dans le même temps, les consommateursacquittent en moyenne 89 % de la redevance pollution et 72% de la redevance consommation

collectées par les agences de l'eau !Les consommateurs ne peuvent accepter cet effort financier disproportionné qu'en contrepartie de pratiques agricoles plus respectueuses des ressources aquatiques.Dans cet esprit, l'UFC-Que Choisir a élaboré une réforme de fond opérationnelle « Eau-Réconciliation 2015 » proposant le développement des mesures agroenvironnementales grâce àun circuit de financement vertueux : de l'argent est prélevé sur des modes de productionsagricoles intensifs et polluants avant d'être redistribué à des productions favorisant la préservationde la ressource aquatique.

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100Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

« L'UFC-Que Choisir ne part pas en guerre contre les agriculteurs. La bataille engagée est pour l'eau, elle ne sera pas gagnée sans l'implication de tous les usagers et la détermination des politiques... ».

c) Nouvelles sources d’inquiétude en 2011

En 2011, de nouvelles sources d’inquiétudes se font jour s’agissant de la préservation de la

ressource eau. Les pouvoirs publics ont accordé dernièrement des permis d’exploration pour l’exploitation des gaz de schiste. Or ces exploitations font peser 2 types de menaces majeurs sur l’eau : le risque de contamination des sources souterraines (par les produits chimiques employéscomme par les fuites de gaz directement) et la consommation d’eau pour le forage (chaque puitsnécessite une quantifié importante d’eau, ce pour une durée d’exploitation courte).

2. Le circuit domestique de l’eau

a) Analyse

Particularité nationale : le marché de l’eau confié à des acteurs privés (situation de duopoles sur les grandes villes)Organisation Distribution Assainissement

Affermage (DSP) 79% 53%Régie 21% 47%

Marché de l’eau : 12 milliards d’euros (2007) ;•  42% pour les collectivités•  40% pour les délégations•  18% pour les agences

Coûts

Fortes variations locales (2 € à 4 € le m3

)Diagnostic :

•  Surfacturation dans les villes de plus de 300 000 hab•  Des contrats systématiquement renouvelés avec même cocontractant•  Des durées de contrat trop longues : 15-20 ans•  Une situation de duopole avec pour conséquence une entente (DGCCRF)•  La régie offre le meilleur rapport qualité-prix•    Nos propositions : la création d’un haut-Conseil de l’eau, un avis du Conseil de la

concurrence, envisager la solution de la régie.

b) Jackpot dans les grandes villes (2006)

L'étude menée par l'UFC-Que choisir sur 31 communes de France met en évidence que les prixde l'eau pratiqués dans les grandes agglomérations urbaines sont parfaitement abusifs. Lesentreprises ou les régies publiques en charge de cette activité constituent des bénéficesfaramineux puisque les taux de marge nette sur chiffre d'affaires oscillent entre 26 et 42 %.

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101Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

L'eau distribuée par le Syndicat d'Ile de France est facturée 2,5 fois plus chère que ce qu'ellecoûte. Le prix facturé est 1,7 fois plus élevé que le prix de revient à Lyon et à Reims, 1,5 fois plus élevé à Strasbourg, Angers et Nantes, 1,4 fois plus élevé à Paris et à Lille.

Si l'ensemble des grandes villes étudiées surfacturent l'eau, le Syndicat des eaux d'Ile de France(SEDIF) atteint des sommets inouïs avec une marge nette de 59% (1). L'UFC-Que Choisir a ainsi

évalué que le préjudice des 4 millions de consommateurs du SEDIF atteignait 230 millionsd'euros sur l'année 2004. Au vu de ces chiffres, il est évident que le SEDIF doit renégocier immédiatement son contrat avec son délégataire.

A l'inverse, dans la plupart des petites et moyennes villes de notre panel, les prix facturés sontassez proches du prix de revient que nous avons calculé. En effet, il apparaît que l'industrie del'eau est très structurée par des économies d'échelles et de densité : plus l'agglomération estdense, plus le nombre d'habitants par kilomètre de tuyau est élevé et plus le syndicat peut amortir le coût du renouvellement du réseau sur un chiffre d'affaires élevé. Ces éléments expliquent pourquoi le coût réel de l'eau est faible dans les grands centres urbains et assez élevé en milieurural.

L'UFC-Que Choisir constate que deux entreprises se partagent le marché des grandes villes. Cetteconcentration extrême, associée à une surfacturation du prix et à des marges abusives, indiqueque le jeu concurrentiel est défaillant sur le secteur de l'eau. Par conséquent, à chaquerenouvellement de contrat, les maires doivent envisager sérieusement l'opportunité d'un retour enrégie publique. La menace de ce retour reste en effet le seul moyen immédiat d'accroîtrel'intensité de la concurrence.

L'UFC-Que Choisir appelle à une réforme de la politique industrielle de l'eau et demande que:

- le projet de loi sur l'eau rende obligatoire l'avis du Conseil de la concurrence pour chaque

renouvellement de contrat des villes de plus de cent mille habitants

- le projet de loi sur l'eau crée un haut conseil de l'eau qui établira des normes de prix et descomparatifs entre les villes.

- le Parlement mette en place une mission d'information qui étudiera les moyens de mettre fin à laconcentration industrielle du secteur de la distribution et de l'assainissement de l'eau.

c) Profits de l'eau Jackpot sur les grandes villes ! (2007)

L'eau distribuée par les syndicats de Marseille et de la presqu'île de Gennevilliers (92) est 2,2 fois

 plus chère que ce qu'elle ne coûte. Le prix facturé est 1,8 fois plus élevé que le prix de revient àMontpellier, 1,7 fois plus élevé à Toulouse, 1,6 fois plus élevé à Nice et 1,5 fois plus élevé àBordeaux.

A l'inverse, les agglomérations de Chambéry, Clermont-Ferrand, Annecy et Grenoble, qui sontgérées en régie municipale, présentent des prix facturés assez proches de notre calcul de coût.L'UFC-Que Choisir adresse donc un franc satisfecit à ces quatre collectivités.

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102Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

A partir d'un modèle de calcul rénové, la deuxième étude menée par l'UFC-Que Choisir sur 9nouveaux syndicats met en évidence que les prix de l'eau pratiqués dans les grandesagglomérations urbaines sont souvent très abusifs.

Les résultats révisés des dix villes déjà étudiées en 2006 varient peu : le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF) continue de détenir la palme de la surfacturation, avec un taux de marge de

58,7 % (1), suivi des villes de Lyon (47,8 %) et de Reims (45,7 %). Seules Angers et Nantes(26,6 %) connaissent une relative baisse de leur taux de marge calculé.

Ces résultats mettent en lumière les bénéfices faramineux réalisés par les deux entreprises, Veoliaet Suez, qui se partagent l'essentiel du marché, et témoignent des inefficiences du service. Lafacture est aussi tirée à la hausse par des pratiques budgétaires irrégulières. Par exemple, dans plusieurs syndicats d'assainissement, tels que le SIAAP en Ile-de-France, la coûteuse gestion deseaux pluviales est financée par la facture d'eau alors que, selon la Cour des comptes, ce posterelève du budget général des collectivités locales.

Pour sortir de l'impasse, l'UFC-Que Choisir lance un appel aux maires : plus que d'éventuelles

modifications législatives, la clé d'une meilleure gouvernance de l'eau reste dans les mains desélus locaux qui, à l'instar de Bordeaux ou Lyon, doivent renégocier leur contrat, initier, comme à Nantes, des baisses de prix et régulariser leurs affectations budgétaires.

Surtout, le moment crucial reste le renouvellement du contrat, qui engage la collectivité pour plusde dix ans. Lors de cette renégociation, les maires doivent envisager sérieusement l'opportunitéd'un retour en régie publique. La menace de ce retour reste en effet le seul moyen immédiatd'accroître l'intensité de la concurrence.

Afin de poser un débat contradictoire sur des bases factuelles, l'UFC-Que Choisir met à ladisposition des municipalités une rubrique de son site internet www.quechoisir.org qui, face aux

calculs de notre étude, leur permet de proposer leur version détaillée du compte de leur service.

d) Nouvelles sources d’inquiétude en 2011

•  Coût et utilisation des eaux pluviales

•  Le renouvellement des réseaux (1 millions de km de canalisation avec tauxrenouvellement <1%)

•  Les questions autour de l’Eau et de l’alimentation (aluminium et autres polluants)

•  Les compteurs intelligents

B. Pour un partage raisonné de la ressource en eau

En tant que consommateurs, nous sommes préoccupés par plusieurs aspects de l’évolution decette ressource naturelle qui nous concerne tous :

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103Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Le prix de l’eau dont l’évolution pose problème car on essaye de faire payer à l’eau et auxconsommateurs de nombreux éléments qui n’appartiennent pas au traitement de l’eau.Les problèmes de santé liés à l’emploi de produits phytosanitaires dans l’agriculture (pour lesagriculteurs eux-mêmes et pour les consommateurs), à la présence de produits présents dans l’eaucomme l’aluminium ou les résidus de médicaments.

Aujourd’hui, j’ai choisi d’aborder un autre sujet et de vous présenter une proposition de partageraisonné de la ressource en eau pour l’agriculture.

Comme vous le savez, lorsqu’en été la  pluviométrie est faible et que le débitdes cours d’eau diminue, une périoded’étiage s’ouvre. Ce phénomènenaturel récurrent fait néanmoins peser un risque de pénurie d’eau qui est demoins en moins contrôlé. Ce problème

n’est pas propre à des régions sèches,comme la carte de la France, établie  par la direction de l’Eau, le montre :de nombreuses parties du territoireconnaissent des déficits en eauréguliers et nous constatons que cettecarte recoupe celle des zones degrandes cultures.

Les redevances en eau ont étécréées en 1964 et la loi a chargéchaque agence de l’eau de les fixer et de les répartir entre lescatégories d’usagers (je profite decette occasion pour regretter que si  peu de Français connaissent ledécoupage de la France opéré par les agences de l’eau).

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104Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Les agriculteurs et les industriels, qui étaient très bien représentés au sein de ces organismes, ontcontribué à faire porter la quasi-totalité de la charge financière sur les usagers domestiques,absents de ces agences dirigeantes. Le financement actuel de l’eau est ainsi intégralement basésur le poids des lobbies, nullement sur des enjeux objectifs touchant à l’eau, malgré des mesuresrécentes destinées à répondre aux injonctions des instances européennes consécutives à desdérapages. Je tiens d’ailleurs à féliciter l’Europe, car la législation et la réglementation françaises

ont évolué grâce à certaines directives européennes. Rappelons-nous la campagne menée par QueChoisir face à la difficulté d’obtenir la publication des résultats d’analyse de l’eau de baignade oude l’eau potable : la France diffuse toujours avec peine les informations sur des actions qu’ellemène pourtant avec efficacité.

Le financement actuel du prix de l’eau se base en totalité sur le poids des lobbies alors quechaque consommateur d’eau est responsable, à commencer par le secteur de l’énergie, premier utilisateur avec 25 milliards de mètres cubes par an. Avec six milliards de mètres cubes, lesconsommateurs occupent la deuxième place, suivis des agriculteurs (cinq milliards) et l’industrie(quatre milliards). Mais l’impact de ces prélèvements dépend de l’usage et non des volumes. Eneffet, seule compte la consommation nette de chaque catégorie, c’est-à-dire la différence entre le

volume prélevé dans les cours d’eau ou les nappes et celui qu’elle renvoie après usage. Sur ce plan, le secteur de l’énergie est proche de l’impact nul, car l’eau utilisée repart à la rivière (si cen’est qu’elle est réchauffée, ce qui perturbe la faune et la flore des cours d’eau). L’industrierestitue aujourd’hui 90 % des volumes soutirés et je tiens à saluer les progrès accomplis par lesentreprises : l’eau prélevée retourne à la rivière sans altération de sa qualité.

L’agriculture, en revanche, consomme la quasi-totalité de ses prélèvements et, si les autressecteurs lissent leur consommation sur l’ensemble de l’année, l’agriculture concentre ses  prélèvements sur la période estivale ; en plein été, sa part est portée de 68 à 90 % du totalconsommé dans les régions de grandes cultures (le solde se répartit entre l’eau potable etl’industrie). L’irrigation du maïs en particulier est en cause : la pénurie d’eau et les arrêtés

 préfectoraux de restriction qui en découlent sont dus à l’accaparement de la ressource par cetteculture qui, malgré cela, ne cesse de progresser, tout comme les restrictions. Pour faire face àl’augmentation incessante de ces besoins, les « bassines » – des réserves de substitutionimplantées au sein de ces grandes cultures – se multiplient, avec cette idée a priori pleine de bonsens : stocker l’eau lorsqu’elle est abondante et la restituer lorsqu’elle devient rare.

Malheureusement, le bon sens recule face au coût prohibitif de ces équipements. De plus, leur financement constitue un scandale, car les ménages les payent à la place de leurs utilisateurs, viala facture d’eau et les impôts. Ces outils destinés à l’irrigation sont financés par les particuliers,notamment sur le territoire de l’agence de l’eau Loire Bretagne qui a accordé plusieurs millionsd’euros à l’aide à la création de ces retenues ; cette politique d’aide à l’irrigation nous pose

  problème, d’autant plus que les agences de l’eau doivent financer la dépollution de l’eaucontaminée par les nitrates et les pesticides issus de ce type de cultures.

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105Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Les plans Sécheresse maintiennent les agriculteurs dans une impasse environnementale. Noussouhaitons dialoguer avec ces professionnels, car ils ne bénéficient d’aucune aide en vue d’unereconversion partielle de leurs cultures propre à réduire la production irriguée dans les zonestouchées par la pénurie. Les exploitants ne sont pas responsabilisés, car le plan Sécheresse ne prévoit pas d’appliquer aux activités agricoles une redevance significative sur la consommationd’eau, ce qui contraint les agriculteurs à pratiquer une irrigation intensive qui constitue uneréponse économiquement rationnelle à la politique proposée.

Face à cette situation, l’UFC Que Choisir a élaboré une réforme de fond, opérationnelle,  proposant le développement de mesures agro-environnementales grâce à un circuit definancement vertueux : de l’argent est prélevé sur des modes de production agricole intensifs et  polluants avant d’être redistribué à des productions favorisant la préservation de la ressourceaquatique. Ainsi, l’agriculture financerait l’agriculture, ce qui constituerait une nouveauté, étantdonné qu’aujourd’hui le consommateur fournit ce financement.

Rappelons que la construction de barrages en vue de lutter contre la sécheresse est une aberrationéconomique : le budget public et la facture des usagers domestiques subventionnent de coûteuxinvestissements à la seule culture de plantes irriguées. Ces subventions viennent s’ajouter aux

 primes déjà très élevées que la PAC leur accorde (cette situation pourrait bientôt changer). C’estégalement une aberration environnementale, car la construction de barrages perpétue le recours àl’irrigation intensive, n’envoie aucun signal d’économie d’eau aux paysans et ne les incite pas àreconvertir leurs cultures. Dans un tel contexte, les réserves créées par les nouveaux barragesseront épuisées dans quelques années et nous devrons de nouveau solliciter les finances desusagers domestiques pour envisager de nouvelles solutions.

C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour l’adoption d’un plan d’aide agro-environnementale qui favoriserait la reconversion des cultures et qui amènerait les agriculteurs à

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106Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

diminuer leur consommation d’eau. Ce schéma pourrait être appliqué à des zones fragiles (par exemple autour de certains captages). Nous prônons également l’instauration d’une écotaxe antisécheresse par le triplement de la redevance que payent les irrigants aux agences de l’eau et le produit de cette écotaxe viendrait abonder un plan d’aide agro-environnementale. Cette logiquede solidarité entre agriculteurs retournerait le cercle vicieux par lequel nous investissons pour créer de nouvelles réserves pour approvisionner une culture qui réclame des quantités d’eau en

constante augmentation et qui réclame chaque année son dû.

  Je tiens à insister sur le fait que les agences de l’eau sont peu connues et je leur suggère delancer une campagne de publicité nationale afin de favoriser la consommation d’eau du robinet 

et de mettre en avant les agences de l’eau : « Buvez l’eau du robinet grâce à l’agence de l’eau Loire Bretagne. (ou d’un autre bassin) »

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107Auditions–Notes/GTEau,lesbonnespratiques/LaboratoiredesidéesduPartisocialiste/2010‐2011

Note - L'émergence de la question de l'eau dans les collectivités localesPlace et rôle de la FNCCR 

(Fédération nationale des collectivités concédantes et régies)

Note résultant de différentes rencontres avec des élus membres de la FNCCR 

La FNCCR 

La FNCCR, association nationale d'élus locaux créée en 1934, a été créée à l'origine dans ledomaine de la distribution d'électricité. Elle fédérait les syndicats départementaux de distributionde l'électricité. La quasi-totalité de ces syndicats départementaux adhèrent à la FNCCR. Dans lesannées 30, la situation du secteur de l'énergie était assez comparable à ce que l'on vit aujourd'huidans le domaine de l'eau puisque la distribution était assurée par des sociétés privées. Le secteur eau a commencé à se développer à partir de 1993.

En 1946, la décision de nationaliser l'électricité entraîne la centralisation de la gestion de laressource. Ce schéma ne s'est pas reproduit sur l'eau, une des raisons essentielles étant que l'eauest une ressource locale alors que la production d'électricité est, dans une large mesure,centralisée. Un grand service public national de l'eau, bien que proposé par certains partis politiques, n'a ainsi jamais vu le jour.

Dans son activité eau et assainissement, la FNCCR représente environ 400 adhérents de toutetaille et de tout type. Elle a un rôle de diffusion d'information sur toutes les lois, décrets, arrêtés…Composée d'une petite équipe, 5 cadres depuis avril 2010, elle reçoit et traite les questions posées  par les collectivités. La FNCCR est membre du Comité national de l'eau et bénéficie d'une

certaine reconnaissance nationale : elle est régulièrement consultée par les ministères et sert delien entre les collectivités et les décideurs au niveau national.

La FNCCR vient d'achever une étude comparative sur 31 services d'eau potable (voir en annexede la note) concernant 13 millions d'habitants (des collectivités importantes sont concernées,telles Paris, Nantes, Lyon, Lille, Strasbourg…), des régies et des délégations.

L'émergence du débat sur les modes de gestion, son hybridation

Il y a encore une quinzaine d'années, peu de personnes s'interrogeaient sur les services d'eau etd'assainissement, il n'y avait que peu de personnel affecté sur ces sujets dans les collectivités. Il

était difficile de trouver un interlocuteur compétent dans les services : sur les questionstechniques, tout était délégué à l'extérieur pour les DSP ; en régie, on faisait complètementconfiance au directeur des services techniques.

Aujourd'hui, la situation est très différente. Même si toutes les collectivités ne traitent pas laquestion de la même façon, toutes s'interrogent et considèrent qu'il y a là un enjeu important. Desaudits sont commandés, les régies souhaitent partager les informations entre elles, nombre decollectivités ont ainsi participé à l'analyse comparative de la FNCCR.

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 L'esquisse d'un regroupement spécifique régie au sein de la FNCCR date de la montée de cesquestionnements qui émergent depuis une quinzaine d'années. Au départ, les services rurauxétaient les plus intéressés, les villes adhèrent en plus grand nombre à la FNCCR depuis 5 à10 ans. Les demandes des collectivités moyennes et petites sont plus nombreuses que celles desgrandes car elles n'ont pas les capacités d'expertise de ces dernières qui peuvent s'adresser à des bureaux d'étude avec de bonnes capacités d'expertise.

De nouvelles contraintes de gestion, mais des structures trop cloisonnées

La gestion de l'eau s'est extrêmement complexifiée sur le plan réglementaire, au niveau européencomme au niveau national. Les élus constatent un problème récurrent à la base : l'essentiel desdécisions prises au niveau communautaire comme au niveau national émane le plus souvent de  personnes qui ne connaissent que très mal le fonctionnement des services, de ce que lescollectivités peuvent faire ou pas.

Par exemple, en matière de substances dangereuses, on s'oriente dans une direction où lesservices d'assainissement vont avoir beaucoup de mal à suivre puisqu'on leur demande, dans les2 ans qui viennent, de faire des listes faramineuses d'analyses qui vont coûter cher. Il est estiméque cela va représenter 1 ou 2 % supplémentaires par rapport aux budgets actuels des servicesd'assainissement. Une fois que l'on aura le résultat de ces analyses, il y aura certainement àdécider de mettre en place certaines mesures.Mais qui financera quoi ? Les personnes en charge de ce dossier au niveau national comme auniveau européen ne veulent pas savoir. Elles avancent sur leurs dossiers techniques de substancesdangereuses qui sont déversées dans l'environnement, c'est tout à fait normal, mais l'aspectéconomique et répercussion sociale est considéré comme négligeable alors qu'il est primordial

 pour les élus.

La loi ne peut pas rentrer dans tous les détails techniques, la LEMA (loi sur l’eau de 2006)renvoie très fréquemment à des décrets d'application, et une grande part de la complexité provientde ceux-ci - c'est l'administration qui a la main. Un des problèmes constaté est le cloisonnemententre les ministères, les agences de l'eau et les collectivités : il n'y a pas suffisamment decirculation entre ces structures. Chacun raisonne à son niveau, poursuit son objectif propre. LaFNCCR tente de répondre au mieux aux interrogations de ses adhérents.

Quels moyens pour les collectivités ?

Sauf exceptions, les élus, seuls, ne peuvent pas arriver à gérer correctement les services de l'eauet de l'assainissement et demandent des techniciens qualifiés, assez proches, pour lesaccompagner. Il y a alors un vrai problème concernant l’appui qu'ils peuvent recevoir qu'ils ontde plus en plus de mal à trouver auprès les services déconcentrés de l’État.En effet, aujourd'hui l'État perd de sa substance, notamment au niveau du terrain. D'une part, lesservices de l'État d'eau et d'assainissement étant plus ou moins en voie de disparition, lesministères ont tendance à considérer les collectivités quasiment comme des services de l'État. D'autre part, au niveau des collectivités, des instructions claires existent pour que l'ingénierie  publique ait disparu en 2011 au plus tard. Cette disparition pose des problèmes à toutes les

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collectivités, notamment rurales. Les élus locaux dans certains départements sont en train dereconstituer des structures sous l'égide de la collectivité territoriale pour reprendre ce que DDA etDDE faisaient avant. Certains départements montent ainsi une structure, un syndicat, ou fontappel au syndicat d'électricité qui prend des compétences dans le domaine de l'eau et del'assainissement pour faire de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage.

On décompte plus de 35 000 services et syndicats de l’eau avec un maillage invraisemblable : dessyndicats départementaux historiques, des regroupements intercommunaux, les EPTB... Il estindispensable d'aboutir à une meilleure harmonisation. Quels sont les types de rapprochements -fusions, regroupements, structures tierces… à envisager ?Car si la FNCCR joue un rôle en termes de mutualisation, de travail de réseau, d’information, etc.en matière d’ingénierie au sens large, le problème reste entier : quelle forme nouvelle trouver afinde répondre à l’avenir aux besoins pressants ?

Distinguer maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'œuvrePour la maîtrise d'œuvre, de l'avis général, avec un dossier bien monté, des missions peuvent sans problème être confiées au privé : il s'agit de monter un dossier de consultation des entreprises, puis de suivre le chantier.Les difficultés rencontrées se situent au niveau de la maîtrise d'ouvrage, c’est-à-dire de laconception des ouvrages les mieux adaptés aux besoins de la collectivité. De nombreusescollectivités disent que le privé n'est pas forcément bien adapté. Il est parfois préférable de mettre  plus d'argent pour avoir une conception bien faite, avec des ouvrages bien dimensionnés et lameilleure solution technique, que d'avoir des ouvrages moins chers mais plus coûteux dans leur construction ou leur fonctionnement. Or, il y a une tendance du privé à aller vite, à ne passuffisamment pousser l'étude de la maîtrise d'ouvrage, à la différence des études réalisées par lesservices techniques de l'État. Il s'agit souvent, pour des économies de temps, de "copiés-collés"

de projets existants. De nombreux témoignages de collectivités vont en ce sens.

Des structures au niveau départementalEn ce qui concerne les zones rurales, certaines collectivités ont commencé à se regrouper auniveau départemental – pas forcément pour transférer toutes les compétences à un syndicatdépartemental mais pour avoir un appui technique à la maîtrise d'ouvrage.Certains départements ont créé des structures à leur niveau. Ils développent, un appui auxservices d’eau et d’assainissement des collectivités, appui tant administratif que technique (dontnotamment la maîtrise d’ouvrage). La FNCCR considère le niveau départemental commeeffectivement assez bien adapté - ce n’est pas un hasard si l’État avait placé son ingénierie

  publique à ce niveau. Dans la grande majorité des cas, cela semble satisfaire les élus : ledépartement, c’est à la fois pas trop loin des collectivités locales et cela permet de regrouper desmoyens assez substantiels pour avoir une structure qui tient la route ainsi que des compétencessuffisantes pour conseiller les collectivités.Dans les départements où cela existe, cela fonctionne bien (Bas-Rhin, Vienne, Charente-Maritime, etc.). En amont du choix du mode de gestion, il faut que la collectivité territoriale aitune capacité de réflexion sur son organisation et une capacité de maîtrise d'ouvrage, quitteensuite à déléguer au privé si elle le souhaite.

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Mais il y a de fortes réticences politiques des élus à se regrouper et à transférer les compétences àun niveau plus large, des inquiétudes à se trouver dépossédés d’un certain nombre de leurscompétences (contrôle, pouvoir, rémunérations…). Ceux qui essaient de monter desregroupements au niveau d’un département ont de grosses difficultés, même les structuresanciennes. Ainsi le syndicat de l’eau et de l’assainissement du Bas-Rhin, qui a une fortecompétence appréciée par ses membres, n’a réussi en 2-3 ans à n’obtenir que 50 % de transfertdes compétences de ses adhérents – il y a beaucoup de résistance, même dans ce département oùil y a une forte tradition de gestion publique (syndicat départemental qui existe depuis 70 ans).Dans les départements où il n’existe rien ou quasiment rien, on sent qu’aujourd’hui il faudraitcontraindre les élus, ce qui n’est pas positif.

Il faut savoir que de conseils généraux ont baissé les bras après la LEMA et se désengagent : àl'époque, ils avaient mis la pression pour qu'il y ait, dans la loi, un article leur permettant de créer un fonds départemental mais ils ont perdu la bataille. La disposition législative de 2006n'encourage pas, bien au contraire, les aides directes à la gestion directe. Si les Landes ont décidéd'accorder une bonification de 10 % du CG pour la gestion en régie, cette aide est portée depuisson régime général, pas d'un budget spécifique.Bon an, mal an, les conseils généraux subventionnent pour 700 millions d'euros l'eau etl'assainissement. Si la clause générale de compétence saute, cela sera catastrophique.

Les EPTBDans certains endroits, il peut y avoir une concurrence entre les structures départementales et lesEPTB (établissements publics territoriaux de bassin). Ces compétitions peuvent être larvées et ily a déperdition d’énergie dans de telles querelles. Il ne faut pas superposer les structures et doncfaire un choix. Si la structure EPTB n'est pas retenue par la FNCCR, elle est cependant plébiscitée par d'autres.

Les grandes entreprises favorisées au niveau nationalAu niveau national, quelque soit le gouvernement, on constate une politique pour favoriser lesgrandes entreprises "nationales" (dont le capital n’est plus national) et c'est toujours présentécomme une priorité aujourd'hui. C'est ce qui ressort du dernier Comité national de l'eau, où l'on a  parlé de la recherche dans le domaine de l'eau, la 1ère priorité indiquée étant de conforter auniveau mondial le rôle des entreprises françaises et de développer les pôles de recherche et decompétitivité. Il est clair que la priorité n’est pas le service des collectivités mais ledéveloppement des grandes entreprises françaises. Si le programme de recherche concerne lescollectivités, ce n’est que pour que celles-ci servent de faire valoir au savoir faire de nos grandes

entreprises. 

Interrogation sur la pérennité du modèle économique historique (rémunération au m3 deconsommation) Les réflexions ne sont encore qu’embryonnaires et prises essentiellement sous l'angle de larémunération du délégataire. La consommation baissant, ceux-ci cherchent à se faire rémunérer autrement que par les m3 d'eau consommés. Les adhérents de la FNCCR se sont retournés verselle pour pouvoir faire face à des propositions des délégataires, mais aussi des bureaux d’étude

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qui s’engouffrent dans cette brèche, y compris Service public 2000 (qui dépend en partie de laFNCCR). Mais la FNCCR n'a pas, à ce stade, proposé de réponse. Car le problème fondamentalest l’équilibre du budget global des services d’eau et d’assainissement. Rémunérer autrement le délégataire, sur la  performance ou autre chose, ne fait que transférer le problème sur le budgetde la collectivité sans rien résoudre.Certains évoquent le retour à un financement par l’impôt. Avant les instructions de 1960,effectivement, le service d’assainissement était financé sur le budget général, souvent égalementsur celui de la voirie.Si les délégataires privés ont avancé sur la question, on peut constater qu'il y a peu, ou pas, deréflexion de la part des élus.

Sur les questions de procédure

 N’y a-t-il pas une mise à jour à effectuer par rapport à la loi Sapin au vu de ce qui peut êtreidentifier du bon et du mauvais fonctionnement de la procédure ?Sur le choix du mode gestion, il apparaît que les élus sont sous-informés des conséquences de la

délibération de leur assemblée adoptant le principe de la DSP (loi Sapin) qui empêche ensuitetoute option sur une régie (sauf annulation de la délibération précédente). En 2009, sur les 989contrats de DSP remis en jeu, 95 % sont ainsi restés aux mains des délégataires.Par ailleurs, il apparaît des facilités d'offres anormales dans ces procédures quand on voit que lesentreprises peuvent faire une première offre, 1er  coup pour voir, puis revenir sans problème à un2ème, 3ème ou 4ème tour, et sous-renchérir avec des offres à - 30 %, - 40 % : cela tue le principemême de concurrence.L’interdiction d’offre anormalement basse n’est-il pas du ressort du Conseil de la concurrence ?Mais comment peut-on définir une offre anormalement basse, qu’elle est en dessous de son coûtde revient ?

La FNCCR présente les résultats de l'analyse comparative de 31 services d'eau potablePublié le 30.03.2010 - http://www.fnccr.asso.fr/articles.php?id=13

Cette analyse comparative, réalisée sur une durée d’un an (mars 2009 – mars 2010) par ledépartement « eau et assainissement » de la FNCCR, vient de s’achever. Elle a été réalisée en partenariat avec 31 collectivités adhérentes (sans lesquelles l’opération n’aurait pas été possible)et avec le concours financier de l’ONEMA (Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques).

C’est la première fois qu’une telle analyse comparative est réalisée en France. Elle répond à des  besoins d’évaluation, de transparence et de meilleure connaissance du fonctionnement desservices d’eau potable, qui sont ressentis de plus en plus fortement par de nombreusescollectivités.

Six aspects de l’activité des services d’eau potable, correspondant à leurs principales missions etdomaines de compétence, ont été examinés dans ce cadre : la qualité de l’eau, la qualité duservice à l’usager, la gestion du patrimoine, la sécurisation quantitative de l’alimentation, les

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relations avec l’environnement et les aspects économiques et financiers. Les données recueilliesconcernent l'exercice 2008.

Les travaux ont été supervisés par un comité de pilotage, constitué par les représentants des 31collectivités participantes, un représentant de l’ONEMA et (à titre consultatif) des représentantsde la Fédération professionnelle des entreprises de services d’eau (FP2E).

A la fin de l’analyse comparative, chaque collectivité dispose d’un rapport constitué de deuxdocuments :

•  une présentation générale de l’analyse comparative, qui explique l’ensemble de ladémarche et expose une sélection d’indicateurs de performance sous forme de graphiqueset tableaux anonymes (les collectivités ne sont pas identifiées), accompagnés decommentaires généraux sur les résultats de l’échantillon des 31 collectivités participantes(téléchargeable ci-dessous);

•  un rapport spécifique à chaque collectivité, qui en est propriétaire, et dans lequel unrécapitulatif des données fournies par le service de l’eau potable, le positionnement duservice sur des histogrammes présentant chacun un indicateur et des commentaires personnalisés sont fournis (ces rapports sont confidentiels mais un exemple anonyme esttéléchargeable ci-dessous).

En 2010, le comité de pilotage a décidé de poursuivre la démarche compte tenu de son intérêt. Lasession 2010, qui portera sur les données de l’exercice 2009, sera lancée lors d’une réunion à laFNCCR, le mercredi 14 avril au matin, de 10h00 à 13h00. L’analyse comparative sera ouverte àde nouvelles collectivités qui souhaiteront y participer, au-delà des 31 collectivités « pionnières »de 2009.Il est également prévu d’entreprendre une analyse comparative de même nature concernant les

services d’assainissement collectif.

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Contribution de Marguerite CULOT, Collaboratrice au groupe socialiste de l’Assembléenationale

Enjeux de protection des zones humides et sensibles

DEFINITION 

Une zone humide est une région où le principal facteur d’influence sur le biotope et sa biocénoseest l’eau. K. Turner (spécialiste des zones humides) a défini la zone humide comme « continuumreliant l’environnement aquatique à l’environnement terrestre ».

Plus spécifiquement et selon l’article 2 de la loi sur l’eau française de 1992 (article L.211-1 ducode de l’environnement), on entend par zone humide « les terrains exploités ou non,habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente outemporaire ». Y poussent une végétation particulière dominée par des plantes hygrophiles.

Il existe deux grands types de zones humides :‐  Les eaux humides continentales, elles-mêmes pouvant être subdivisées en quatre grandes

catégories : eaux dormantes (étangs, mares, mouillères, etc.), eaux courantes (fleuves,rivières, ruisseaux et leurs sources), zones inondables (bois marécageux, forêts alluvialesou humides, marécages, prairies alluviales, etc.), zones hygromorphes végétalesremarquables (aulnaies, rizières, tourbières, landes paratourbeuses, etc.).

‐  Les zones humides des domaines littoraux et océaniques (archipel, baies, lagunes, duneslittorales, plages de sable, deltas et estuaires, marais côtiers, salants, salés ou saumâtres,mangroves, etc.).

FONCTIONS DES ZONES HUMIDES 

On distingue deux grandes catégories d’enjeux pour les zones humides :  Les fonctions qu’elles remplissent (régulations physico-chimiques nécessaires au bon

fonctionnement des écosystèmes qu’elles regroupent) ;  Les services qu’elles nous rendent (caractère d’ « utilité » suite à l’intervention de

l’homme sur ces espaces.

Même si leur complexité implique une compréhension encore toute relative de leur 

fonctionnement, nous savons que les zones humides jouent un rôle fondamental au vu desdifférentes fonctions qu’elles assurent.

1.  Fonctions épuratrices et hydrologiques

Les zones humides réalisent le recyclage et stockage de l’eau, améliorant sa qualité tout enassurant sa quantité. Elles permettent le stockage à court terme des eaux de pluie prévenant ainsiles inondations ainsi que le stockage à long terme des précipitations et des eaux superficiellesconduisant à « recharger » les nappes souterraines par infiltration.

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2.  Fonctions biologiques

Les zones humides sont des milieux de vie extraordinaire, véritable réservoir de biodiversité dufait de la variété des écosystèmes qu’elles abritent, de la grande variété d’habitats et de leursconnexions. En France métropolitaine, les zones humides ne couvent maintenant plus que 3% duterritoire. Ceci étant elles hébergent encore aujourd’hui 1/3 des espèces végétales remarquables,la totalité des amphibiens et de nombreuses espèces piscicoles tandis que la moitié des oiseaux endépendent. Ce sont des lieux d’abri, d’alimentation, de reproduction, de croissance, d’hivernageet encore de repos (étapes migratoires).

3.  Dimension culturelleLes zones humides forgent l’image d’une région et sont, en conséquent, un élément fondateur du  patrimoine local. De nombreuses activités traditionnelles locales (saliculture, élevage,exploitation de roseau, conchyculture) et récréatives (pêche, chasse) sont également associées àces espaces. Dans le même temps, de nombreuses inimitiés les caractérisent également (odeurs pestilentielles et maladies).La forte interdépendance qui existe alors entre les milieux, l’eau, ses usages et sa gestion participe dès lors beaucoup à la construction des sociétés locales.

4.  Dimension économique (tourisme, agriculture, et autres services écosystémiques)Les zones humides sont très souvent le lieu d’activités économiques (voir ci-dessus). Précieuseressource en eau, elles ont également permis à l’agriculture de se développer aux alentours. En2000, l’agriculture et le pâturage concernent respectivement 83% et 80% des zones humidesenquêtées par l’IFEN29, faisant de l’agriculture un secteur fortement dépendant de cet espace etayant un rôle important dans la gestion de ses ressources et services. L’agriculture amalheureusement utilisé abusivement les zones humides et, de façon générale, les malentretenues. De fait, il est reconnu aujourd’hui que l’accélération de la dégradation des zoneshumides à la fin des années 60 est liée au développement d’une mise en valeur agricole non

raisonnée et du développement de l’agriculture intensive. Le secteur agricole a en effet asséché bon nombre de ces espaces sensibles en les drainant ; ce qui a eu pour conséquence de modifier les écoulements et de bouleverser la composition chimique des sols. En outre, certainsagriculteurs ont, après avoir pris possession et utilisé ces espaces asséchés, abandonné cesderniers en raison des difficultés de leur entretien ou du manque de rentabilité de l’exploitation ;ce qui a eu pour conséquence un enfrichement progressif, la fermeture du milieu et un importantappauvrissement biologique30. Ce qui nous permet d’affirmer que la conservation de certainsmilieux humides est directement liée au maintien d’une activité agricole.Reste à définir les contours d’une politique agricole soucieuse du respect de ces zoneshumides évidemment …

Un certain nombre de travaux ont été conduits dans le but d’évaluer les fonctions assurées par leszones humides et les services qu’elles nous rendent. Parallèlement à ce qu’a fait l’équipe dePavan Sukhdev pour évaluer la valeur économique de la biodiversité et des servicesécosystémiques au niveau international (TEEB), ces études ont été réalisées pour mettre enexergue les gains économiques d’une zone humide en bonne santé afin dans un second temps, de

29M.C.XImenes,C.Fouque,G.Barnaud,«Etat2000etévolution1900‐2000deszoneshumidesd’importance

majeure»,DocumenttechniqueIFEN‐ONCFS‐MNHN‐FNC,Orléans:Ifen,200730L.Guerin,«PNRenzoneshumides:Lesenjeuxdeszoneshumidesdépassent‐ilslesmoyensdesPNR?»,

Projetdefind'études,Ecolepolytechniquedel'UniversitédeTours,2009‐2010

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conscientiser les acteurs économiques et de les amener à reconnaitre la valeur certes non-marchand de ces espaces sensibles mais ô combien indispensable à la dynamique des territoires.

 R EMARQUE :

 

  L’équipe de recherche dirigée par P. Mérot de l’INRA de Rennes a proposé une approche

novatrice pour rendre compte de la variabilité fonctionnelle des zones humides. Cette démarchedifférencie, et si possible délimite les zones humides dites « potentielles », « effectives » et 

« efficaces ».Une zone humide « potentielle » est une surface susceptible d’héberger une zone saturée en eau

 

  pendant une période suffisamment longue pour qu’elle lui confère des propriétés

d’hydromorphie ».

Une zone humide « effective » est une zone dans laquelle la saturation en eau atteint 100 % en

 

 période hivernale ».

Une zone humide « efficace » est une surface jouant un rôle significatif pour une fonction

 

donnée.

Ces différentes zones humides s’imbriquent les unes dans les autres (dans l’ordre de ladescription) ou se superposent selon le chercheur.

ETAT DES LIEUX

Du fait de son image parfois assez médiocre dans la conscience populaire (les zones humides sont  parfois considérées, comme susmentionné, comme des zones insalubres et pestilentielles),l’homme a cherché, pour ses activités économiques ou sociales, à assécher, drainer et remblayer les zones humides. L’industrialisation, l’urbanisation et les pollutions qui s’en suivirent ontcontribué à réduire fortement ces lieux sensibles allant même parfois jusqu’à les détruire.

Ainsi, deux tiers des zones humides françaises ont disparu au cours du XXème siècle, et plus  particulièrement entre 1960 et 1990. L’homme est en grande partie responsable de cettedisparition (urbanisation, agriculture, dérivation d’un cours d’eau, etc.). Depuis la fin du siècledernier, cette régression s’est quelque peu ralentie du fait d’une impulsion législative (lelégislateur a, en 1992, déclaré la préservation des zones humides d’intérêt général) et du fait desefforts des collectivités territoriales, des associations et du secteur privé. Malgré cette prise deconscience, les zones humides demeurent parmi les milieux naturels les plus dégradés et les plusmenacés en France, tant en terme de surface qu’en terme d’état de conservation.

Selon la convention Ramsar et la DCE (directive cadre sur l’eau), la restauration, la protection, lagestion et l’utilisation rationnelle de ces zones riches mais sensibles sont un devoir civique dans

l’intérêt des générations présentes et à venir.

La France a listé environ 80 grandes zones humides dont la conservation est jugée prioritaire. Enfévrier 2010, le nouveau Plan national d’actions pour la sauvegarde des zones humides a étélancé. Doté d’un budget global de 20 M  € sur trois ans pour l’Etat et ses établissements publics31.

31http://www.ramsar.org/pdf/wurc/wurc_actionplan_france_2010.pdf

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Les conséquences de la régression des zones humides, milieux remarquables de par les fonctionsqu’elles assurent, sont nombreuses et non négligeables : augmentation de la fréquence et del’amplitude de crues dévastatrices, dégradation de la qualité des eaux, diminution des ressourceshalieutiques, réduction de la faune aviaire, etc.

Les enjeux de la protection des zones humides sont comme nous le voyons très multiples.

Fortement liés à une question spatiale (les différents enjeux des zones humides impliquentl’élargissement du périmètre que constitue le bassin versant, unité de base à traiter 32), les zoneshumides sont des espaces en évolution constante dont la valorisation et la préservation dépendent beaucoup de l’activité humaine. Les instruments de protection actuels et le manque de volonté  politique empêchent la prise en compte de leurs dynamiques et en conséquent, de leur recapitalisation33.Ces différents enjeux nécessitent, en plus de revoir la règlementation, de supprimer les aides publiques d’investissement aux activités et aux programmes de nature à compromettre l’équilibre biologique de ces zones sensibles, notamment celles qui encouragent le drainage et l’irrigation.

Il est temps de prendre à bras le corps cette problématique avant qu’il ne soit trop tard...

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32L.Guerin,ibid.33A.Stenger,«Leszoneshumides:lepointdevuedel’économie», Maraisetzoneshumides,Cordemais:

Aestuaria,1997