these fabien drey daubechies
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Thèse Professionnelle
Les pouvoirs publics face aux défaillances d'entreprises,
acteurs ou spectateurs?
Fabien DAUBECHIESMastère Spécialisé Droit et Management International
Responsable de Thèse :Monsieur François LENGLART
HEC PARIS - Promotion 2012
Remerciements
A titre liminaire, je tiens à remercier l'ensemble de la scolarité d'HEC PARIS, et particulièrement
Madame Claudine GUIMARAES, pour son soutien.
Je tiens aussi à remercier l'ensemble des collaborateurs et des salariés du cabinet Gide, pour m'avoir si
bien accueilli lors de mon stage. Je remercie tout particulièrement Madame Armelle DEBORD pour
m'avoir soutenu et aidé lors du passage de l'examen d'accès à l'école des avocats.
Mes remerciements vont à Olivier PUECH, associé au sein du département Procédures collectives du
cabinet, qui m'a donné toute latitude afin d'apprendre et de comprendre les enjeux et l'étendue des
problématiques inhérentes au Droit des entreprises en difficulté.
Je remercie aussi tout particulièrement Sylvain PAILLOTIN, ainsi qu'Alice GAILLARD,
collaborateurs au sein du département qui, par leur rigueur et leur professionnalisme, m'ont permis
d'améliorer ma pratique juridique.
Je remercie enfin tous les partenaires du Cabinet ainsi que ses clients qui ont su m’inspirer et qui
m'ont accorder leur confiance.
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Résumé de la thèse
Cette thèse a pour objet de présenter l'action que mène l'Etat, ainsi que l'ensemble des collectivités
publiques, afin de combattre le fléau que représentent les défaillances d'entreprises dans notre pays.
Après une brève présentation de l'action législative depuis plusieurs années, une analyse critique de
l'efficacité des procédures existantes sera dressée.
Sans aucun doute, l'année 2012 a été une année charnière dans l'évolution des défaillances
d'entreprises. En effet, depuis la crise de 2008, le nombre des défaillances d'entreprises a augmenté
d'environ 50% en 2009. Trois ans après ce choc, l'économie ne semble pas se relever, pire encore, il
semble que 2012 soit une année de mutation dans les difficultés rencontrées par les entreprises. En effet,
l'année passée a été le théâtre de faillites spectaculaires, il suffit ainsi d'évoquer les noms de
PETROPLUS, ou encore de SURCOUF, pour s'apercevoir qu'aujourd'hui les procédures collectives
touchent des entreprises de grande dimension. Ces faillites n'étaient pas envisageables il n'y a que quatre
ans.
Aujourd'hui, il semble donc que de grandes structures, réputées mieux structurées, ne soient plus
épargnées par les difficultés. Par conséquent, les faillites ont un impact social bien plus important
qu'auparavant. De plus, tout porte à croire que cette évolution va se poursuivre et s'intensifier lors de
l'année 2013.
Dans ce contexte, il est donc nécessaire d'analyser les moyens d'actions de l'Etat, seul capable de
mener une action globale et stratégique, pour ensuite tenter de déterminer si les outils actuels lui
permettent d'être acteur ou spectateur des défaillances d'entreprises.
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Lasciate ogni speranza, voi che'ntrate1
1. "Vous qui entrez, laissez toute espérance", Dante, La Divine Comédie
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Introduction
La crise, il s'agit de l'un des mots les plus utilisés depuis 2008. Cette expression n'est pourtant pas
nouvelle, de nombreuses générations se sont ainsi construites en opposition à une crise, on se souvient en
effet de "la crise de 1929" ou encore la crise du début des années 80. La crise encore, est une notion
protéiforme, qui permet d'une manière simple et efficace de donner un nom aux difficultés que la société
rencontre. La crise toujours, est évolutive, elle se transforme, s'adapte aux différents traitements que les
Etats tentent d'administrer à nos économies.
Ainsi, à l'été 2008, la crise était financière, on parlait alors de "crise des sub primes". La chute du
géant bancaire LEHMAN BROTHERS a par la suite transformé cette crise financière en une crise
économique, l'accès au crédit devenant de plus en plus difficile. Ainsi, les entreprises ne possédant pas la
rentabilité, la stratégie ou les réserves suffisantes ont été parmi les premières à tomber, provoquant de
nombreux plans sociaux. La crise devient alors concrète, de nombreuses personnes perdant leur emploi,
on parle aujourd'hui de crise sociale.
L'engrenage ne semble pas être au bout de sa course. Pis encore, il apparaît que derrière cette
horlogerie, la crise ait enclenché un ressort, ayant aujourd'hui atteint sa limite de resistance. En effet,
depuis maintenant quatre ans, les plans sociaux ont été retardés, les grandes entreprises ont aujourd'hui
épuisé leurs réserves, de nouvelles mutations technologiques ou stratégiques n'ont pas pu être menées,
limitant ainsi les marges de manoeuvres. Les décisions adéquates n'ayant pas été prises alors qu'il en était
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encore temps, rien n'a pas permis de désenclencher ce phénomène, dont les conséquences paraissent
aujourd'hui et à très court terme inéluctables.
Les difficultés d'entreprises ont toujours existé, le législateur n'a pas attendu la crise actuelle afin de
légiférer et de donner aux acteurs économiques les moyens de les prévenir et les traiter. Le Droit français,
en matière de difficultés d'entreprises, est ainsi un des plus complets et des plus encadrés au monde.
Aujourd'hui, la crise fait passer le plus difficile des tests de résistance qu'un dispositif législatif ait à
endurer.
En pleine tempête, l'Etat doit alors maintenir à flot son industrie, maintenir le cap, ménageant les
parties babord et tribord de son vaisseau. Le Droit des entreprises en difficulté est ainsi l'un des droits les
plus en phase avec cet océan mystérieux pour le juriste qu'est l'économie. Certains, préférant rester sur la
terre ferme, lui reprocheront un trop grand pragmatisme, en opposition aux canons de nos principes si
fortement ancrées. Mais peut-être, par gros temps, est-il nécessaire de lever l'ancre et de s'éloigner des
principes qui répondaient de manière certaine à une attente économique, mais une attente économique
d'autrefois. Le législateur l'a d'ailleurs déjà fait à plusieurs reprises, changeant même radicalement de cap
dans l'approche du traitement des difficultés d'entreprises. Cette thèse résumera ainsi de manière rapide
l'évolution du Droit des procédures collectives, qui a su changer de perspective afin d'être plus efficace.
Mais le rôle du Droit des procédures collectives n'est pas de répondre aux sources des difficultés
économiques, il n'a aucun pouvoir en ce domaine2. Le Droit des entreprises en difficulté ne permet que de
traiter et de prévenir les difficultés que rencontrent les acteurs économiques de manière concrète. Dans
2. En théorie, mais la pratique montre que le législateur permet aussi d'envisager une solution à longterme aux difficultés économiques
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cette tempête, le Droit des défaillances d'entreprises n'est qu'un radeau, chargé de récupérer ceux qui n'ont
pas été encore totalement noyés. Le Droit des entreprises en difficulté évite aussi que ce radeau ne soit
celui de La Méduse, à bord duquel créanciers et débiteurs seraient tentés de s'entre dévorer.
Il s'agit là de la principale crainte des chefs d'entreprises, ainsi peut-on souvent entendre : " pourquoi
demander l'aide de l'Etat alors que cette aide n'est pas efficace ? ". L'objet de cette thèse est alors aussi
de démontrer que les procédures collectives sont efficaces, malgré le flot des statistiques de réussite des
procédures collectives qui sont continuellement déversés, bien souvent par les acteurs des procédures
collectives eux-mêmes. On peut d'ores et déjà affirmer, en opposition à ce constat, que le taux de réussite
des procédures collectives est d'environ 60%, ce chiffre sera par la suite détaillé.
Ainsi, au lieu d'activer leur balise de détresse à temps , les chefs d'entreprises, méfiants, préfèrent bien
souvent tenter d'attendre la rive à la nage, seuls et en silence. Pourtant, force est de constater qu'au vu des
statistiques des défaillances d'entreprises, peu nombreux sont ceux ayant réussi cette odyssée.
Ainsi, bien que les outils existent et sont efficaces, les chefs d'entreprises, bien souvent seul maître à
bord, tardent à demander l'aide de l'Etat. Dans ce cadre, l'Etat et les acteurs de la procédure auront des
difficultés à véritablement devenir acteurs des défaillances d'entreprises. Afin que l'action des pouvoirs
publics se mette en place, il est impératif que le chef d'entreprise décide d'enclencher la procédure, et plus
cette procédure sera enclenchée tôt, plus elle sera efficace.
La prévention des difficultés irrigue donc la matière depuis la réforme de 1967. Toutefois les chefs
d'entreprises tardent toujours à déclencher à temps les procédures adéquates, qui sont pourtant les seules à
véritablement leur permettre d'éviter des difficultés irrémédiables. L'Etat a su changer de paradigme, il
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s'agirait maintenant pour les chefs d'entreprises de changer leur vision des procédures collectives afin que
ces dernières soient enfin pleinement efficaces.
Cette thèse possède ainsi un double objet. D'une part, elle se veut théorique quant à la définition du
rôle de l'Etat et des collectivités publiques dans le domaine des défaillances d'entreprises. D'autre part,
elle se veut pratique et à destination des chefs d'entreprises, en explicitant certaines notions de manière
pragmatique. Par essence, le Droit des entreprises en difficulté acquiert son efficacité dans la conjonction
de ces deux notions, il est alors nécessaire, pour que le Droit soit efficace, que le chef d'entreprise le soit
aussi.
La thèse présentera alors de manière pragmatique et résumée certains éléments importants, sous la
forme d'encadrés intitulés "ALERTE DIRIGEANT", dont la présentation est la suivante :
Ces "alertes" synthétiques et pratiques sont à destination des dirigeants d'entreprises, qu'ils soient en
position de défaillance, ou en position de créancier. En effet, le créancier a lui aussi un rôle important à
jouer. Le mot "créancier" provient du latin credere, signifiant "croire". Ce mot est à l'origine du mot
"crédit" mais aussi du mot "crédule", l'objet de cette thèse aura donc aussi pour objet de maintenir la
distinction entre ces deux notions.
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La présente thèse rappellera de manière synthétique l'évolution historique du Droit des
entreprises en difficulté, pour ensuite analyser l'évolution du rôle de l'Etat et ses conséquences au cours de
la période récente. Un bref rappel des procédures existantes sera alors dressé, pour ensuite présenter les
différentes actions que mène l'Etat de manière concrète dans le domaine des défaillances d'entreprises.
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Chapitre I - L'évolution historique de l'action étatique
Tout d'abord, il convient d'évoquer synthétiquement l'évolution du traitement des défaillances
d'entreprises, afin d'apporter un éclairage historique sur les réponses apportées par l'Etat aux difficultés
que connaissent les entreprises.
Section I - Brefs rappels historiques
Il convient de rappeler que les premières procédures juridiques mises en place sous l’Empire Romain
étaient extrêmement sévères et expéditives. Le chef d’entreprise était directement considéré comme fautif
quelque soit la cause des difficultés que rencontrait son entreprise. La procédure était directement aux
mains des créanciers, ils avaient ainsi tout pouvoir pour parvenir à un accord qui les arrangeait, il pouvait
même réduire le débiteur à l'esclavage ou le condamner à l'exil.
C’est ainsi que parmi les premières «procédures» mises en place, on comptait par exemple la fin de
l’activité par le saccage de l’outil de travail, c’est alors que l’on brisait les bancs du marchand qui avait
failli (banco ruptia, terme à l’origine de la banqueroute).
De nombreuses évolutions ont eu lieu au cours des siècles mais l’esprit de ces lois restait toujours le
même, le chef d’entreprise qui était en difficulté était fautif. Il était coupable d’avoir mal géré et devait
donc être déchu de toute capacité à créer une nouvelle entreprise.
Au XVIIème siècle, on commença à distinguer le débiteur de bonne foi de celui de mauvaise foi, le
premier pouvait ainsi espérer que son entreprise puisse continuer son activité.
Mais ces procédures restaient relativement rares et simples, notamment compte tenu du faible nombre
d’entreprises et de la simplicité des échanges économiques de l’époque.
En France, ce n’est qu’à partir des années 70 que ce droit a véritablement connu une révolution.
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Ainsi en 1967, une réforme importante a eu lieu, le Droit des entreprises en difficulté s’est
considérablement élargi. On a ainsi étendu les procédures aux personnes non commerçantes comme les
personnes morales de Droit privé. De plus, la procédure s’est alors basée sur des critères économiques et
non plus des critères moraux.
Cependant cette réforme s’est révélée inefficace, en effet seulement 2% des entreprises placées sous ce
régime arrivaient à poursuivre leur activité.
Au vu de l’augmentation constante du nombre d’entreprises en difficulté (11 800 procédures
collectives en 1970, 26 000 en 19853) et de la globalisation des échanges, le législateur se devait d’agir et
de donner une nouvelle inspiration à ce Droit qui n’était manifestement plus adapté aux exigences de
l’économie moderne.
C’est ainsi que le législateur de 1985 s’est efforcé d’insuffler une nouvelle philosophie, en ne
cherchant plus à punir le chef d’entreprise pour sa mauvaise gestion supposée, mais en essayant de
rapprocher des intérêts qui à première vue étaient contradictoires.
La Loi de 1985 sur le redressement des entreprises a mis au centre des débats la notion de sauvegarde
de l’entreprise. Cette réforme mettait dès lors tout en oeuvre pour tenter de sauver l’entreprise, en donnant
plus de force à la procédure et moins aux créanciers.
L’objectif indirect de cette loi était bien évidemment de sauvegarder l’emploi par tous les moyens,
dans une période où le chômage ne cessait d’augmenter.
Le Droit issu de cette réforme concilie donc dorénavant les intérêts de l’entreprise mais aussi ceux de
ses partenaires économiques.
Cette réforme vient aussi mettre en place les premières procédures de prévention des difficultés. C’est
ainsi que l’on impose pour la plupart des entreprises l’obligation de tenir une comptabilité prévisionnelle,
qui permettra de déceler si l’entreprise saura faire face à des difficultés futures et de déclencher des
3. et plus de 60 000 aujourd'hui...
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procédures avant même que la difficulté ne survienne. Dans ce cadre, la loi favorise la conclusion d’un
accord entre le débiteur et ses principaux créanciers, sous le contrôle du juge.
Les pouvoirs du Tribunal sont aussi considérablement augmenté avec la naissance du redressement
judiciaire. Après une période d’observation, le juge décide si l’entreprise est en mesure de continuer son
activité ou pas. Les créanciers sont mis à l'écart et devront ainsi se soumettre à la décision du juge.
Section II - La réforme du droit des entreprises en difficulté de 2005
Un nouveau bouleversement a été introduit par la loi du 26 juillet 2005, aussi dénommée «Loi de
Sauvegarde», du nom de sa mesure phare. Cette loi a été adoptée dans le cadre d’une procédure d’urgence
devant le manque d’efficacité chronique de la loi de 1985.
Cette loi est venue mettre en avant les procédures de prévention des difficultés des entreprises, créant
ou modifiant six types de procédures.
Une summa divisio dans les types de procédures peut être faite, ainsi il existe une différence entre les
procédures de prévention et les procédures de traitement des difficultés.
Afin de connaître quelle est la procédure à appliquer, les règles sont désormais simplifiées. Le moment
important est la cessation des paiements, c’est la barrière entre ces deux types de procédures.
La cessation des paiements est caractérisée par l’impossibilité de faire face à «son passif exigible avec
son actif disponible». Lorsque l’entreprise est en cessation des paiements depuis plus de 45 jours, une
procédure de traitement des difficultés doit être ouverte, dans le cas contraire, une conciliation peut
encore être ouverte.
Les procédures ont aussi été allégées, le débiteur est aujourd’hui sous la protection de la justice, ce qui
constitue un tournant historique, les créanciers n’ont presque plus aucun pouvoir.
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Section III - Evolutions récentes dans un contexte de crise économique
Une nouvelle réforme par l’ordonnance du 18 décembre 2008 est intervenue entre temps, cette réforme
est venue rendre encore plus attractive les procédures pour le débiteur.
En effet, le principal problème reste que les chefs d’entreprises évitent à tout prix de demander à ce
qu’une procédure soit ouverte, car cela pourrait nuire à l'image de leur entreprise. Par ailleurs, ces
procédures sont réputées peu efficaces (infra). De plus, ces derniers pensent qu’une autre solution peut
encore être trouvée. Le résultat est souvent que le débiteur saisit trop tard les juridictions, rendant
pratiquement impossible toute possibilité de sauvegarde de l’entreprise.
Ainsi, la réforme est venue élargir les critères d’ouverture de la procédure de sauvegarde tout en
renforçant la confidentialité des procédures de traitement amiable.
Le chef d’entreprise peut dorénavant demander à être placé sous sauvegarde alors même qu’il ne
justifie pas que son entreprise va être en cessation des paiements, cette procédure sera en sus totalement
confidentielle, ce qui n’altérera pas ses rapports avec ses partenaires.
Par la suite, le législateur a récemment souhaité répondre aux attentes d'un certain nombre d'acteurs
économiques connaissant des difficultés principalement d'ordre financier. C'est ainsi qu'est née la
Sauvegarde Financière Accélérée (infra), qui est destiné aux entreprises de taille importante qui
connaissent des difficultés avec leurs créanciers bancaires.
Cette nouvelle procédure met en avant la discussion préalable et la recherche d'un accord avec lesdits
créanciers, à l'occasion d'une procédure de conciliation. Une fois l'accord avec les principaux créanciers
financiers trouvé, le débiteur demande la mise sous sauvegarde financière accélérée de sa société au
Tribunal de commerce. Cette procédure se veut rapide car l'accord avec les créanciers concernant la
restructuration de la dette financière est déjà élaboré. Dès que le projet de plan recueille les 2/3 des
créances exprimées, le plan peut être adopté par le Tribunal, ce qui lui donne force exécutoire. Cela
permet donc de contraindre certains créanciers réfractaires à exécuter le plan de sauvegarde décidé par la
majorité des créanciers.
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Ainsi, le principal intérêt de la SFA est de permettre au débiteur de passer outre l'accord de certains
créanciers récalcitrants en leur imposant un accord négocié.
Cette nouvelle procédure est donc un élément important pour la restructuration de la dette financière
des grosses sociétés. Le débiteur est alors dans une situation favorable afin de restructurer sereinement sa
dette auprès de ses créanciers financiers.
Devant le peu de succès de cette nouvelle procédure (pour l'instant aucune société n'a déposé de
demande de sauvegarde financière accélérée), le législateur a décidé de changer les seuils applicables à la
SFA afin de permettre aux holdings créées à l'occasion de montages LBO de bénéficier de cette
procédure.
On constate donc depuis ces dix dernières années une forte inflation législative en la matière. Le
législateur tente ainsi de rendre le droit des procédures collectives plus attractif.
Aussi, il est à noter que la Cour de cassation tend à renforcer la responsabilité des organes de direction
et de contrôle de la société. En effet, même si la solution n'est pas entièrement novatrice4, la jurisprudence
sanctionne lourdement les différents organes de la société en cas de retard dans le dépôt de la déclaration
de cessation des paiements.
4. Cass. Com., 25 mars 1997, n° 95-10995 : Bull. civ. 1997, IV, n°85
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En effet, une décision récente5 est venue poser le principe selon lequel les membres du conseil
d'administration d'une société anonyme peuvent être qualifiés de dirigeants et se rendre coupable d'une
faute de gestion pour n'avoir pas incité le directeur général, seul compétent en la matière, à déposer la
déclaration de cessation des paiements de la société6. En l'espèce, les membres du Conseil
d'administration n'avaient pas réagi alors qu'un membre du Conseil avait démissionné, en dénonçant la
mauvaise gestion de la société, et que le commissaire aux comptes avait alerté les membres du Conseil
5. Cass. Com., 31 mai 2011, n° 09-13975
6. Responsabilité des administrateurs de SA, B. SAINTOURENS, Bulletin Joly Sociétés, 1 octobre2011, n° 10, p.817
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sur les difficultés que l'entreprise connaissait. Malgré ces éléments, les membres du Conseil
d'administration sont restés passifs.
C'est alors que dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société, le mandataire les a assigné en
paiement pour insuffisance d'actif, ce qui a été accueilli par la Cour de cassation7.
Les membres du Conseil d'administration ont tenté de se défendre en invoquant le fait qu'ils ne
disposaient pas d'un véritable pouvoir de direction de la société, mais simplement d'un pouvoir de
contrôle. Or le texte mentionnant la responsabilité pour insuffisance d'actif vise expressément "les
dirigeants"8.
La juges n'ont pas accueilli cette démonstration, élargissant ainsi la responsabilité des membres du
Conseil d'administration, au motif que les membres du Conseil pouvaient être qualifiés de "dirigeant de
droit" de la société. Cette notion est à différencier de celle de "dirigeant de fait", dont les critères restent
flous9, malgré le célèbre arrêt de principe, dit Banque WORMS, venant définir les bases de ce concept10.
Cependant, un membre du Conseil, indépendamment, n'a aucun pouvoir de gestion sur la société, ce
sont en effet les décisions du Conseil seules qui possèdent une autorité. L'article L 225-35 du Code de
commerce attribue en effet des compétences de direction de la société au Conseil qui "se saisit de toute
question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la
concernent". Ce texte, relativement imprécis, sert de fondement à la Cour afin de déclarer les membres du
Conseil d'administration responsable de l'insuffisance d'actif à l'issue d'une procédure de liquidation
judiciaire.
7. Cass. Com., 31 mai 2011, n° 09-13975
8. art. L. 651-2 du Code de commerce
9. Dangers de la qualification de dirigeant de fait pour les acteurs du Private Equity, José MARIAPEREZ, Florent MAZERON, JCPE, n°44-45, 1er novembre 2012, 1653, p. 17
10. Cass. Com., 27 juin 2006, n° 04-15831
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Une parade peut cependant être trouvée. Il est alors nécessaire d'adopter une structure de Société
Anonyme dite "à l'allemande", c'est-à-dire à Directoire et Conseil de surveillance. Dans ce cadre, les
membres du Conseil de surveillance prendront la place des membres du Conseil d'administration.
Ici, la qualification de "dirigeant" pour les membres du Conseil de surveillance n'est plus envisageable.
En effet, l'article L. 225-58 du Code de commerce est bien plus précis et désigne expressément le
directoire comme dirigeant de la Société anonyme. Ainsi, la confusion n'est plus possible et les membres
du Conseil de surveillance ne pourront pas être qualifiés de dirigeants, ces-derniers pourront donc
échapper aux poursuites prévues par l'article L. 651-2 du Code de commerce.
La jurisprudence retient donc une vision extensive de la notion de dirigeant de la Société anonyme, qui
s'inscrit dans un mouvement jurisprudentiel global de responsabilisation des dirigeants sociaux11. Il est
alors nécessaire de rappeler que chaque personne ayant un pouvoir de décision ou de contrôle de la
société, aussi infime soit-il, doit tout mettre en oeuvre afin que l'organe exécutif de la société mette en
oeuvre toutes les procédures à sa disposition afin d'éviter les difficultés de l'entreprise.
Section IV - 2013, l'année de nouvelles réformes?
Le nouveau gouvernement, lors de l'annonce d'un nouveau "Pacte national pour la croissance et la
compétitivité et l'emploi" a fait savoir qu'il était de nouveau temps d'améliorer les dispositifs destinés à
traiter les difficultés d'entreprises. Cette nouvelle étape a alors été définie selon trois axes
❑ une meilleure prévention des difficultés, en particulier en faveur des PME ;
❑ un changement de perspective dans le rôle du ministère public ;
❑ une réforme du fonctionnement de la justice commerciale.
11. Eclairage - Extension de la responsabilité des dirigeants sociaux, J-F. BARBIERI, Bulletin JolySociétés, n°4, avril 2012, §174, p. 286
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Ainsi, des propositions relatives à un nouveau dispositif de prévention des difficultés doit être annoncé
avant la fin de l'année 2012, après une concertation avec les acteurs du secteur.
Par ailleurs, la volonté du législateur semble être d'intégrer le ministère public dans les procédures de
prévention des difficultés, afin de renforcer l'action de l'Etat dans ce domaine et de coordonner de la
meilleure des façons les politiques publiques.
Pour ce qui est de la réforme de la justice commerciale, des concertations sont en cours et une
proposition de réforme devrait être faite avant le mois de mars 2013.
Il est cependant nécessaire que dans ce cadre, le législateur maintienne le dispositif existant dans ses
grandes lignes. En effet, les procédures de prévention et de traitement des difficultés sont relativement
efficaces, il est cependant nécessaire d'en assurer la diffusion, afin que le chef d'entreprise, mais aussi
tous les autres acteurs du monde de l'entreprise (y compris les salariés) aient connaissance des outils qui
sont à leur disposition.
Section V - L'évolution du rôle de l'Etat
L'Etat, au départ passif, a commencé à entrer dans le jeu des restructurations financières en modelant
le droit des entreprises en difficulté afin de le rendre plus attractif pour le débiteur (supra).
Le but de ces procédures est ainsi d'accompagner le chef d'entreprise dans toutes les étapes de la vie de
l'entreprise, afin de ne pas laisser s'installer une situation de difficulté. Mais au-delà de l'évolution des
outils mis à disposition du chef d'entreprise, l'Etat a aussi fait évoluer ses méthodes d'action.
Sous-section I - Un rôle de plus en plus important
Le rôle de l'Etat en matière de défaillances d'entreprises s'est donc considérablement accru au fil des
réformes successives qui ont touché la matière.
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Ainsi, le rôle de l'Etat est protéiforme. L'Etat peut ainsi se trouver à l'initiative, lorsqu'il est en mesure
d'anticiper des difficultés structurelles et stratégiques que les entreprises pourraient rencontrer à moyen ou
long terme.
Mais l'Etat est bien plus souvent dans une situation où il doit réagir à un fait d'actualité et tenter d'y
apporter une réponse appropriée, bien souvent sous la pression de l'opinion publique.
(A) Le législateur en action
L'Etat, dans une société démocratique, s'inscrit par nature dans une logique globale de développement
économique du pays. Bien souvent, le marché a démontré qu'il était efficace pour réguler les échanges et
les contraintes inhérentes à la vie des entreprises. Cependant, cela ne signifie pas que l'Etat n'a plus de
rôle à jouer dans le développement de l'économie, il doit en effet anticiper et réguler la vie des entreprises
en édictant des normes et en intervenant directement si le besoin s'en fait sentir.
1) L'Etat stratège
L'Etat se doit d'anticiper les évolutions et les mutations de l'économie à moyen terme et long terme, car
bien souvent les entreprises n'en sentent pas le besoin. L'Etat, en tant de garant de l'économie globale, est
le seul à disposer des moyens permettant d'avoir une vision suffisamment précise de l'économique telle
qu'elle sera d'ici dix ans.
Pourtant, l'Etat n'a pas, au cours de la décennie précédente, suffisamment tenu compte des mutations
du marché. Il dispose pourtant des ressources suffisantes : conseil de l'analyse stratégique, conseil de
l'analyse économique, remises de rapports publics émanant de commissions parlementaires toujours plus
nombreuses, ou encore initiatives privées...
Cependant, ces outils restent sous-employés et leur multiplication rend leur analyse complexe, en
somme l'Etat manque d'une vision claire et précise de la direction dans laquelle l'économie doit s'orienter.
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De plus, il est nécessaire, dès qu'une décision politique est prise, que celle-ci s'inscrive dans une volonté
d'action globale, de la formation des futurs créateurs d'entreprises, à la direction des aides qui peuvent
être octroyées afin d'aider le développement de tel ou tel domaine d'activité.
L'Etat se doit donc, afin d'apporter une réponse structurelle aux difficultés rencontrées par les
entreprises présentes ou à venir, d'anticiper les évolutions de l'économie, afin d'avoir une vision de
l'économie à l'horizon 2030. Pour cela, il est nécessaire que l'Etat se dote d'une politique stratégique claire
et fortement orientée vers les emplois et les entreprises de demain.
On retrouve cette volonté dans la création des pôles de compétences, qui déjà montrent leurs limites,
car ils peinent à s'inscrire dans une politique stratégique globale.
Par ailleurs, la seule volonté stratégique de production française, le fameux "produire français", n'est
pas en tant que telle une position stratégique forte. En effet, même si le "produire français" possède
certains avantages, notamment au niveau de la renommée de nos marques et de leur savoir-faire12, cette
stratégie semble manquer de consistance.
Il ne s'agit ainsi pas de produire français, mais de savoir ce que la France doit et peut produire pour
garantir le maintien et l'accroissement de sa compétitivité13.
2) L'Etat arbitre
L'Etat, dans une vision globale, est aussi en charge de fixer les règles du jeu et de les faire respecter.
12. Etude sur la fabriquer en France, TNS SOFRES, avril 2010
13. C'est en cela que s'inscrit, entre autres, le rapport GALLOIS récemment remis au Premier Ministre.
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Le législateur doit ainsi faire la balance entre la liberté de l'économie et la mise en place de garde-fous
afin de limiter les abus. Ainsi peut-on prendre en exemple la volonté de l'Etat de sauvegarder les intérêts
des salariés ou des consommateurs.
Cependant, afin d'être efficace, l'Etat arbitre doit, là-encore, avoir une position claire. Or, l'inflation
législative, dans tous les domaines, à laquelle nous avons assisté depuis plusieurs années, est en
contradiction avec cette nécessité. Il est alors nécessaire d'établir des règles claires et stables dans le
temps, afin d'assurer que les règles du jeu ne soient pas faussées par une trop grande complexité, ce qui
favoriserait bien évidemment les gros acteurs économiques, capables d'avoir connaissance et de s'adapter
avec célérité à la moindre évolution législative ou réglementaire.
Il est donc nécessaire que l'action de l'Etat se fasse plus rare, mais de manière plus forte et plus précise,
afin de garantir une politique et une vision stable sur lesquelles les entreprises pourront s'appuyer, afin de
pouvoir par la suite anticiper les mutations auxquelles elles auront à faire face.
3) La réponse par la création d'une nouvelle entité :l'EIRL
La loi 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL),
permet aux exploitants individuels, qui constituent la grande majorité des acteurs économiques, de
distinguer, sans créer de structure juridique ad hoc, leur patrimoine privé de leur patrimoine
professionnel. On parle alors d'affectation de patrimoine. Cela permet donc à l'exploitant de mettre à l'abri
son patrimoine privé du gage de ses créanciers, sans avoir à procéder à la création d'une société. Cette
nouvelle forme d'exploitation, suit la logique développée depuis une vingtaine d'années en faveur d'une
simplification et d'une sécurisation des modes d'exploitation d'une entreprise.
Ce nouveau dispositif s'inscrit aussi dans la volonté de sécuriser le patrimoine privé du débiteur, en cas
de défaillance. Il s'agit là du principal attrait de ce mode d'exploitation, conçu en réponse à la situation
dans laquelle se retrouvaient de nombreux exploitants individuels qui, du fait de la défaillance de leur
entreprise, pouvait voir saisir ses biens privés.
- 21 -
Cette nouvelle loi entre donc dans le cadre de la volonté affichée du législateur de protéger, là-encore,
le débiteur, afin d'encourager et de faciliter la création d'entreprises.
Il convient dès lors d'analyser cette nouvelle forme d'exploitation au regard des exigences du Droit des
entreprises en difficulté.
Tout d'abord, il convient de poser les principes. Ainsi, la procédure collective ne va avoir d'effet qu'en
faveur d'un patrimoine. La procédure ne s'appliquera donc plus à une société, mais à un patrimoine, qui
doit être identifié de manière précise, ce qui peut poser des difficultés. De plus, dans le cas où
l'entrepreneur possède plusieurs patrimoines affectés, ce qui sera possible dès 2013, le débiteur pourra
subir autant de procédures, qui s'appliqueront patrimoine par patrimoine14.
Il sera dès lors obligatoire de distinguer les flux qui existent entre ces patrimoines. Ainsi,
l'entrepreneur, dans le cadre de la procédure collective d'un de ses patrimoines, devra déclarer les
créances détenues sur lui par ses autres patrimoines, y compris son patrimoine privé. Si l'entrepreneur
possède plus de 4 ou 5 patrimoines, celà peut vite aboutir à une complexification de la procédure, sans
parler des cas où plusieurs de ses patrimoines auraient à subir des procédures collectives.
Il conviendra dès lors que l'entrepreneur distingue avec rigueur ses différents patrimoines, par des
comptes bancaires distincts, ainsi qu'une comptabilité précise ce qui, dans beaucoup de cas, relève de
l'utopie.
Cette distinction des patrimoines aboutira donc à ce que le patrimoine affecté à l'exploitation soit en
état de cessation des paiements, alors que le patrimoine personnel aurait permis de désintéresser les
créanciers professionnels. Cette distinction, en plus d'aboutir à une certaine déresponsabilisation du
débiteur, possède aussi des difficultés d'ordre pratique. Ainsi, dans le cadre d'une procédure et d'une
cession des éléments d'actifs touchant le patrimoine professionnel, que faire par exemple si les biens
professionnels sont incorporés dans les biens privés? On peut ainsi envisager le cas où le local
14. C. com. art. L. 680-1
- 22 -
d'exploitation est intégré dans la résidence privée du débiteur, ce local perdra ainsi toute valeur et le
créancier verra son gage diminué d'autant.
Toutefois, le débiteur ne peut en principe pas abuser de cette nouvelle forme d'exploitation dans le seul
but de diminuer le gage des créanciers professionnels ou privés. Ainsi, le législateur a prévu que les
créanciers retrouvent leur droit de gage général sur l'ensemble des patrimoines du débiteur en cas
d'infraction grave à la règle d'affectation des patrimoines. Le législateur n'ayant pas jugé bon d'expliciter
cette notion, il conviendra dès lors aux juges de définir cette notion.
De plus, il convient de s'interroger sur la réelle efficacité de cette distinction de patrimoine. En effet,
bien souvent, l'entrepreneur dans le cadre notamment des demandes de financement de son activité, doit
garantir les créanciers ce son entreprise au moyen de sûretés qui seront prises sur son patrimoine privé.
Dans ce cadre, la distinction entre les patrimoines ne sera plus d'aucune utilité. Ainsi, les partenaires
financiers de l'entreprise ne se priveront pas, lorsqu'ils seront face à une demande de financement, de
prendre les sûretés les plus larges possibles sur la patrimoine privé de l'exploitant. Cette situation rend
ainsi inefficace cette nouvelle forme d'exploitation.
Il s'agit dès lors d'une nouvelle forme d'entreprise facile à mettre en oeuvre, mais cette apparente
simplicité cache en réalité un véritable nid à contentieux, le législateur n'ayant pas pris la peine de définir
avec précisions certaines notions essentielles. Ainsi et pour exemple, il conviendra de se demander ce que
recouvrent les notions de "patrimoine nécessaire" et de "patrimoine utilisé".
Il s'agit donc d'une nouvelle forme d'exploitation, suivant l'évolution logique du Droit des entreprises
en difficulté, mais cette seule évolution n'est pour l'instant pas suffisante.
- 23 -
4) L'action par la création d'une nouvelle procédure : laSFA
Une nouvelle procédure dite de sauvegarde financière accélérée (SFA) a été créée par la loi de
régulation bancaire et financière (Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, JO du 23, art. 57), afin
d'améliorer la procédure de sauvegarde pour les entreprises en difficulté.
La nouvelle procédure de sauvegarde accélérée pourra s'appliquer aux procédures de conciliation
ouvertes à compter du 1er mars 2011.
Quelles sont les conditions d'ouverture de la procédure de SFA ?
Comme la procédure « classique » de sauvegarde, la procédure de sauvegarde financière
accélérée est ouverte sur décision du tribunal, sur demande de toute personne exerçant une activité
commerciale ou artisanale, de tout agriculteur, de toute personne physique exerçant une activité
professionnelle indépendante, ainsi que de toute personne morale de droit privé15 :
❑ qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en
mesure de surmonter 16 ;
❑ dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par
un expert-comptable et dont le nombre de salariés ou le chiffre d'affaires sont
respectivement supérieurs à 150 et 20 millions d'euros17.
Le débiteur concerné doit être engagé dans une procédure de conciliation en cours et avoir élaboré un
projet de plan visant à assurer la pérennité de l'entreprise susceptible de recueillir un soutien
15. C. com. art. L 620-2
16. C. com. art. L 620-1
17. C. com. art. L 626-29 et R 626-52
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suffisamment large de la part des créanciers pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai prévu
d'un mois à compter du jugement d'ouverture, avec une possibilité de prorogation d'une fois un mois.
Le tribunal statue sur l'ouverture de la procédure après rapport du conciliateur sur le déroulement de la
conciliation et sur les perspectives d'adoption du projet de plan par les créanciers concernés18.
Quelles sont les principales différences avec la procédure de sauvegarde « classique » ?
Cette mesure permet de ne pas altérer les relations de l'entreprise avec les autres créanciers. Ainsi,
seuls sont constitués le comité des établissements de crédit19 et, le cas échéant, l'assemblée des
obligataires20.
La procédure est dite accélérée car le délai de 15 jours accordé aux comités pour se prononcer sur le
projet, après discussion avec le débiteur et l'administrateur, est réduit à 8 jours21.
Ce formalisme simplifié est en faveur des créanciers ayant participé à la conciliation, il suffit pour
l'entreprise en difficulté d'établir une liste des créances certifiée par le commissaire aux comptes ou, à
défaut, par l'expert-comptable. Le dépôt de cette liste au greffe du tribunal permet de considérer que les
créances sont réputées déclarées22.
18. C. com. art. L 628-2
19. C. com. art. L 626-30
20. C. com. art. L 626-32
21. C. com. art. L 628-4
22. C. com. art. L 628-5, al. 2
- 25 -
5) L'application de la SFA aux holdings
Avec la parution du décret d’application de la loi du 22 mars 201223, les sociétés holding vont pouvoir
bénéficier de la procédure de sauvegarde financière accélérée. Cette évolution était demandée par les
professionnels afin que les principales sociétés dont les dettes sont constituées de dettes bancaires, à
savoir les holdings, puissent bénéficier de cette procédure accélérée.
Auparavant, ne pouvait bénéficier de la sauvegarde financière accélérée que la société dont les
comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et dont le
nombre de salariés est supérieur à 150 ou le chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros. Et, alors
que la constitution de comités de créanciers peut normalement être autorisée en deçà de ce seuil24, aucune
dérogation, s’agissant de l’éligibilité à la SFA, n’est prévue. Il n’en restait pas moins que l’application de
ces seuils risquait de fermer l’accès à des sociétés holdings, notamment celles qui portent la dette dans les
montages LBO, que cherchait précisément à inclure le législateur.
Le nouveau décret ouvre donc la SFA aux sociétés holdings, répondant à de nouveaux seuils plus
adaptés. Selon ce texte, qui crée un article D. 628-2-1, est réputé remplir la condition de seuil mentionnée
au premier alinéa de l’article L. 626-29 le débiteur dont le total de bilan est supérieur soit à 25 millions
d’euros, soit à 10 millions d’euros, seulement, lorsque ce débiteur contrôle ( au sens du 1° du I de l’art. L.
233-3), une société dont le nombre de salariés ou le chiffre d’affaires sont supérieurs aux seuils
d’éligibilité au régime des comités de créanciers (150 salariés et 20 millions d’euros) ou dont le total de
bilan est supérieur à 25 millions d’euros.
De nombreuses holdings, répondant à ces nouveaux seuils, pourront donc bénéficier de la procédure de
sauvegarde financière accélérée.
23. Décr. n° 2012-1071, 20 sept. 2012, JO 22 sept.
24. C. com., art. L. 626-29, al. 2
- 26 -
Reste à savoir si ce nouvel outil sera utilisé. En effet pour le moment aucune société n'a encore
bénéficié de cette procédure novatrice, il n'est donc pas encore possible d'en déterminer la réelle
efficacité.
(B) Le législateur en réaction
En matière d'action de l'Etat, nombreuses sont les formules employées face aux demandes légitimes
des salariés subissant un plan social. Cependant, il est nécessaire de s'interroger sur le réel pouvoir de
l'Etat dans le domaine économique25.
La campagne présidentielle récente a été le révélateur de ces attentes, les candidats rivalisant de
promesses et de déclarations, visitant chacun leur tour des usines en difficulté. Ainsi, nombreux sont ceux
ayant promis de lutter contre les délocalisations et de tout faire pour sauvegarder l'emploi en France.
Le président de la République a souhaité rappelé récemment que "l'alternance change le pouvoir, elle
ne change pas la réalité"26, nombreux sont ceux qui ont vu dans cette déclaration la preuve du manque de
pouvoir de l'Etat dans le domaine économique.
L'une des preuves de ce manque de pouvoir et d'anticipation peut se trouver dans la récente loi dite
"PETROPLUS"27. Cette loi, votée dans l'urgence et dont le décret d'application vient d'être publié28, a
traduit l'action de l'Etat dans une position de réaction par rapport à une action ayant ému l'opinion
publique. Cette loi montre aussi que le législateur multiplie les lois de circonstances qui, dans le passé,
n'ont eu que relativement peu d'effets.
25. L'Etat peut-il sauver les entreprises en difficultés?, Emilie Lévêque, actualité Francis Lefebvre
26. allocution du Président de la République, François HOLLANDE, le 13 novembre 2012
27. L. n° 2012-346, 12 mars 2012, relative aux mesures conservatoires en matiere de procedures desauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet
28. D. n° 2012-1190, 25/10/2012 : JO 27 oct. 2012, p. 16719
- 27 -
Il est alors nécessaire de rappeler rapidement les faits en cause, notamment lors de l'affaire
PETROPLUS. Ainsi, lors de cette affaire, une filiale française, appartenant à un groupe suisse, avait été
placée en redressement judiciaire. Cependant, tous les comptes de cette filiale avaient été vidés par les
banques de la société mère, ne laissant plus d'actif à la filiale afin de payer ses salariés et les frais dus au
titre de sa responsabilité environnementale. De plus, dans l'affaire PETROPLUS, la société mère avait
décidé de retirer l'un des principaux actifs de la filiale, à savoir le pétrole contenu dans les cuves de
l'usine.
Devant l'émoi de l'opinion publique29, le législateur a agit avec célérité afin de lutter contre le
phénomène qui vise à soustraire l'intégralité de la Trésorerie et des biens de l'entreprise détenus par la
société mère de l'entreprise débitrice, juste avant le dépôt de la déclaration de cessation des paiements.
Pour l'essentiel, cette loi permet au Président du Tribunal de commerce d'ordonner toute mesure
conservatoire sur les biens des dirigeants dont la responsabilité dans la cessation des paiements est
recherchée, même si la société ne subit pas encore une procédure collective. Cependant, il est nécessaire
pour celà que l'on soit en présence d'une confusion de patrimoines ou d'une action en réunion d'actifs lors
d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire30.
Par ailleurs, il est permis de douter que cette mesure soit réellement efficace dans le cadre où la société
visée par la confusion de patrimoine n'est pas située dans un Etat de l'Union Européenne, il sera en effet
nécessaire dans ce cadre d'obtenir l'exequatur, ce qui reste complexe et relativement lent par rapport à
l'objectif de cette mesure. De plus, cette nouvelle action n'est possible que dans le cadre d'une procédure
déjà ouverte, la société mère qui souhaitera y échapper n'aura qu'à vider les comptes et déménager les
stocks de la société, bien avant l'ouverture de la procédure, ce qui est très simple à faire, étant donné que
bien souvent, c'est la société mère elle-même, qui est en mesure de prendre l'initiative de l'ouverture d'une
procédure à l'encontre de l'une de ses filiales31. Ainsi, il ne semble pas judicieux de lier les mesures
29. Rapport de Mme Françoise GUEGOT sur la proposition de loi à l'Assemblée Nationale,, 28 février2012
30. Cette possibilité existait déjà, mais seulement dans le cas où l'entreprise est en liquidation judiciaire
31. La loi Petroplus : quelques reflexions... avec un peu de recul, Philippe Roussel Galle, Revue desprocedures collectives n° 3, Mai 2012, etude 16
- 28 -
conservatoires, qui sont par définition urgentes, à l'exercice d'actions en responsabilité et en extension qui
bien souvent ne sont envisagées qu'après de longues investigations.
Le législateur a aussi envisagé, de manière surprenante, la possibilité pour le juge d'ordonner la cession
des biens du dirigeant afin d'utiliser les fonds résultants de cette cession, lors de la procédure32. Cette
mesure, totalement novatrice, peut cependant laisser perplexe. En effet, même si seulement certains types
de biens sont concernés par ces mesures, il n'en demeure pas moins qu'il semble que ces biens pourront
être cédés avant même toute condamnation du dirigeant. Cette possibilité, même si le législateur s'en
défend, risque de porter atteinte au sacro saint principe de Droit de propriété, protégé par notre
Constitution ainsi que par la CEDH. Il est alors nécessaire d'attendre que ce texte soit appliqué afin que le
Conseil Constitutionnel se penche sur cette disposition, à l'occasion d'une hypothétique Question
Prioritaire de Constitutionnalité33. Cependant, le récent décret a tenté de limiter l'atteinte au Droit de
propriété du dirigeant, en encadrant le montant des mesures conservatoires que le Président du Tribunal
pourra décider. Ainsi, ce montant sera limité à la somme des montants déclarés dans l'action en extension
de la procédure ainsi que dans l'action en responsabilité34
Cette loi, bien qu'ayant fait montre de la réactivité de l'Etat afin de limiter les abus de certaines
entreprises, reste néanmoins d'une efficacité qui ne semble pas être à la hauteur des enjeux. Il est même
probable que cette loi ne survive pas à la saisine du Conseil Constitutionnel, chose qui lui avait été
épargnée lors du vote, la loi faisant l'objet d'un consensus de part et d'autre de l'échiquier politique35. Le
législateur a alors répondu à une attente de l'opinion publique, mais à l'analyse, cette réponse ne semble
pas adaptée. Cette loi peut toutefois être efficace dans certaines situations, relativement rares, et comble
ainsi un vide juridique.
L'action des différents gouvernements montre bien que malgré un certain volontarisme politique,
l'économie dicte sa propre loi36. L'Etat est alors contraint d'agir de manière sporadique et pragmatique.
32. article L. 663-1-1 du Code de commerce
33. Cette loi n'a en effet pas fait l'objet d'un contrôle a priori de la part du Conseil Constitutionnel, lesdispositions en cause ayant été votées à l'unanimité
34. Décret n° 2012-1190 du 25 octobre 2012 (JO 27 octobre)
35. De la mesure dite conservatoire à l'exécution sommaire anticipée, F. PEROCHON, Bull. JolyEntreprises en difficulté, 1 mars 2012, n°2, P. 73
36. Le droit des entreprises en difficulté par gros temps, G. TEBOUL, Petites Affiches, 15 novembre
- 29 -
Cet exemple démontre que les pouvoirs de l'Etat en matière de réactions aux difficultés d'entreprises est
encore assez limité.
Cependant, l'Etat conserve certaines prérogatives qui peuvent prendre plusieurs formes.
1) L'Etat comme partenaire
L'interventionnisme de l'Etat en matière économique résulte d'une longue tradition française. Appelée
Colbertisme, cette volonté de l'Etat de s'immiscer dans la vie économique a été très utile dans le
développement économique de la France mais ne joue aujourd'hui qu'un rôle infime. En effet, dans une
économie mondialisée, il est difficile aujourd'hui pour l'Etat de jouer pleinement ce rôle. L'Etat ne semble
plus avoir la légitimité et le pouvoir d'édicter des règles qui seront suivies par l'économie.
Le rôle de l'Etat est alors d'être seulement un interlocuteur, les chefs de grandes entreprises traitant
d'égal à égal avec les chefs d'Etats37. L'Etat n'a alors qu'une autorité limitée et ne possède plus la légitimité
nécessaire afin d'intervenir directement dans l'économie.
Cependant, il semble que l'interventionnisme de l'Etat en matière économique ne soit pas totalement
enterré38, comme en témoigne les divers rebondissements autour de la reprise de la raffinerie de Petit-
couronne, autrement désigné PETROPLUS. La solution de la nationalisation, créant un relatif consensus
entre la majorité et l'opposition39, apparaissant comme la seule solution dans le cas où les divers
investisseurs évoqués refuseraient d'investir.
Il reste dès lors à analyser cette possibilité au vu des exigences communautaires relatives aux aides
d'Etats. S'agissant de l'entree au capital de ressources publiques, cela ne constitue pas, en tant que tel, une
2012 n° 229, P. 3
37. Pour une illustration récente, il est nécessaire de se rappeler de la visite du CEO de Google à l'Elysée
38. Florange, STX, Petroplus. Le grand retour des nationalisations ?, http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Florange-STX-Petroplus.-Le-grand-retour-des-nationalisations-_39382-2138505_actu.Htm
39. Mais pour l'instant rejetée.
- 30 -
aide d'Etat. Ce qui constitue une aide d'Etat, c'est lorsque les ressources publiques sont utilisees de telle
sorte que le principe de l'investisseur prive avise dans une economie de marche n'est pas respecte c'est-a-
dire que les conditions sont plus favorables et que donc un avantage est consenti au beneficiaire. Il y a
donc une analyse economique a faire.
Il convient dès lors de patienter et d'observer si une telle politique est réellement possible dans le
climat actuel de réduction des dépenses publiques.
2) L'etat comme intermédiaire
L'Etat peut avoir un rôle subsidiaire à plusieurs titres.
Il est ainsi nécessaire dans un premier temps que l'Etat mette en oeuvre une politique législative axée
sur la prévention et le conseil -comme celà est inité depuis 2005 avec la loi de sauvegarde- et se défasse
de son image de contrôleur. Ainsi, les acteurs économiques retrouveront confiance dans les procédures
mises à leur disposition. En effet, c'est bien souvent par manque de confiance que la chef d'entreprise
décide de retarder au maximum le dépôt de la déclaration de cessation des paiements, ce qui a des effets
désastreux sur l'économie. Si l'Etat arrive à changer l'image sanctionnatrice des procédures collectives,
ces-dernières seront bien plus efficaces. Il est alors nécessaire que l'Etat mette en place une
communication forte dans ce domaine, afin de démontrer que l'ouverture d'une procédure collective est
parfois nécessaire et peut s'avérer efficace si elle est déclenchée à temps.
Pour ce faire, l'Etat doit être plus proche des acteurs économiques. Il est alors nécessaire que l'Etat
simplifie sa présence sur le territoire, afin que les entreprises n'aient qu'un seul interlocuteur. En effet,
pour le moment, il existe dans chaque région pas moins de 5 directions régionales s'occupant du suivi des
entreprises. Cette situation se retrouve au niveau départemental. Il est donc nécessaire que dans le cadre
de la révision générale des politiques publiques, initiée il y a quelques mois, que l'Etat procède à une
simplification du système de suivi des entreprises, tendant vers un guichet unique vers lequel le chef
d'entreprise se dirigera lorsqu'il aura besoin de réponses liées à la gestion de son entreprise.
- 31 -
Cette initiative permettra aussi un pilotage stratégique plus aisé et plus cohérent de l'action
économique de l'Etat sur l'ensemble du territoire.
Sous-section II - Le rôle de l'Union Européenne
Il n'existe pas en Droit français de dispositions relatives aux procédures internationales, il est donc
revenu à la Jurisprudence de forger un droit applicable à la matière, en dehors du Reglement (CE) n°
1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procedures d’insolvabilite et de quelques conventions
bilatérales prévoyant les conséquences d'une défaillance internationale.
L'un des principes majeurs de ce système est la reconnaissance des jugements étrangers en matière de
procédures collectives. Ainsi, une procédure ne peut être ouverte que par les tribunaux compétents dans le
ressort du siège de l'entreprise en question, ce qui doit être reconnu et accepté par tous les tribunaux des
pays dans lesquels l'entreprise possède une activité.
Toutefois, pour tenir compte de la spécificité et des problématiques liées à une procédure collective
internationale, le législateur a quelque peu aménagé le régime en faveur des créanciers étrangers,
notamment en allongeant la durée des différents délais de la procédure40.
Il existe par ailleurs un principe de reconnaissance des procédures collectives ouvertes à l'étranger.
Ainsi, si la procédure est décidé par le Tribunal d'un état non membre de l'Union Européenne ou au
Danemark, le jugement d'ouverture, pour être efficace, devra bénéficier de l'exequatur.
40. art. 643 du Code de procédure civile notamment, articles L. 622-24 & suiv. du Code de commercepour la déclaration de créance et L. 624-9 du Code de commerce pour la revendication d'un bien.
- 32 -
L’exequatur n’est accorde qu’aux conditions suivantes :
❑ l’autorite de chose jugee: l’absence d’un jugement ouvrant une procedure
collective en France ;
❑ le rattachement du litige au juge etranger saisi ;
❑ l’ordre public international francais de fond et de procedure ;
❑ la loi appliquee n’est plus l’objet d’un controle.
Dans le cadre d'une procédure collective communautaire, il convient de se référer au Reglement (CE)
n° 1346/2000, applicable à tous les pays membres, à l'exception du Danemark. Ce règlement met ainsi en
avant le principe de l'universalité, une procédure ouverte par le tribunal d'un Etat membre est compétent à
l'égard de tous les créanciers, situés sur le territoire communautaire. Le jugement sera donc applicable de
plein droit, sans besoin d'exequatur. Ce règlement s'applique pour la France à toutes les procédures
collectives. Cependant, les procédures de sanctions à l'égard du dirigeant ne sont pas comprises dans le
champ du règlement.
Pour ce qui est de la compétence, le juge devra alors vérifier le lieu des "intérêts principaux" du
débiteur41. Cependant, il existe une présomption simple de compétence en faveur du tribunal dans le
ressort duquel se trouve le siège de la société débitrice42.
41. Arret de la Cour de Justice des Communautes europeennes, 17 janvier 2006 (affaire C-1/04), Staubitz-Schreiber, précisé par l'arrêt Interedil : CJUE, 20 oct. 2011, aff. C-396/09 : Rev. proc. coll. 2011, comm.177
42. CJCE, 2 mai 2006, aff. C-341/04, Eurofood : JCP G 2006, II, 10089, note M. Menjucq ; BRDA 2006,n° 10, info. 10 ; D. 2006,p. 1286, note A. Lienhard ; D. 2006, p. 1752, note R. Dammann ; Bull. JolySocietes 2006, p. 907, note D. Fasquelle ; Rev. societes 2006, p. 360, note J.-P. Remery ; JCP E 2006, I,n° 2071, note J.-L. Vallens
- 33 -
Cependant, les institutions européennes ne possèdent pas de véritables pouvoirs dans le cadre des
difficultés des entreprises, les mesures inhérentes à ce domaine incombent donc à chaque Etat.
Toutefois, l'Union Européenne possède une mission de contrôle des aides accordées par les Etats.
Ainsi, dans son objectif de promotion de la libre concurrence, la Cour de Justice de l'Union Européenne
(CJUE) opère un contrôle a posteriori des opérations effectués par les Etats en faveur des entreprises en
difficulté. La Cour opère donc une balance entre d'un côté la légitime volonté de sauvegarde des
entreprises, et d'un autre côté la volonté d'assurer la libre concurrence au sein du marché européen. Cette
articulation s'avère bien souvent difficile à opérer, dans ces deux domaines ont des finalités différentes.
De plus, le régime des aides d'Etat est extrêmement complexe, du fait du foisonnement de normes
régissant le domaine. Il existe en effet pas moins de 37 textes différents entourant la matière. Par ailleurs,
il s'agit là de soft law, fixant les grandes principes du domaine, c'est donc au juge de définir les contours,
parfois, flous, des différentes notions relatives à ce dispositif, ce qui peut conduire à une certaine
insécurité juridique.
Une aide d'Etat se définit par quatre criteres cumulatifs. L'aide d'Etat est une aide qui est financee au
moyen de ressources publiques, qui confere un avantage au beneficiaire, qui est selective et qui fausse la
concurrence et affecte les echanges entre les Etats membres.
De manière synthétique, il est alors nécessaire de rappeler que par principe, les aides d'Etats sont
interdites, mais il existe bien évidemment des exceptions. Toutes sortes d'aides sont compatibles avec le
traite notamment pour le developpement regional, pour l'aide a la recherche et au developpement, a
l'environnement. Dans ce cadre, il existe aussi des aides destinées aux entreprises en difficulté.
Les règles européennes concernant les aides d'Etats constituent donc une limite à l'action des pouvoirs
publics. De plus, malgré l'évolution de la crise, le dispositif existant va être prorogé43. L'aide, en plus de
ne pas fausser la concurrence européenne, devra ainsi soutenir un objectif de croissance durable, il
43. Communiqué, N° IP/12/1042
- 34 -
conviendra alors au gouvernement de prouver que l'aide octroyée s'inscrit dans une politique à long terme
de croissance, ce qui parfois semble bien difficile, notamment dans le cadre du dossier PETROPLUS.
Il est de plus nécessaire pour le gouvernement d'obtenir dans ce cadre le soutien d'investisseurs privés,
et de respecter les règles du marché. L'Etat est donc assimilé à un acteur économique comme un autre,
limitant ainsi ses prérogatives.
Chapitre II - L'efficacité relative des procédures collectives
Le droit des procédures collectives, au vu des chiffres, semble être un Droit totalement inefficace afin
de sauver les entreprise françaises. Il est alors nécessaire d'analyser dans un premier temps l'évolution du
nombre de défaillances d'entreprises depuis ces dernières années, pour ensuite apporter une analyse
critique à ces chiffres.
Section I - Evolution du nombre de défaillances d'entreprises
L'augmentation du nombre des défaillances d'entreprises44 se fait ressentir depuis plusieurs années. La
crise de 2008 a accentué le nombre global de procédures, seulement ces chiffres doivent être analysés et
ventilés avec plus de précisions afin de définir une tendance. Par ailleurs, l'efficacité des procédures
collectives, qui est souvent dénoncée comme le point faible de l'action du législateur, mérite d'être
analysée avec plus de finesse afin d'en mesurer avec pragmatisme la réelle efficacité.
44. Une défaillance d'entreprise n'est pas une cessation de l'entreprise, il s'agit d'une entreprise ayantdemandé l'ouverture d'une procédure collective.
- 35 -
Sous-section I - Analyse de l'évolution des défaillances desentreprises
L'évolution globale du nombre de procédures collectives peut être représentée de la manière suivante
sur une longue période45.
45. Source INSEE, défaillances d'entreprises de janvier 1993 à mai 2012, statiques classées par mois
- 36 -
Sur une dizaine d'années, l'évolution des défaillances peut être représentée comme suit :
A l'aide de cette
représentation graphique, on
distingue clairement
l'augmentation du nombre de
défaillances due à la crise de
l'été 200846.
Par la suite, malgré un légère
46. source : COFACE
- 37 -
baisse, le nombre d'entreprises en difficulté peine à redescendre en dessous des 4.000 procédures par
mois.
La période 2007-2011 a clairement mis à l'épreuve la législation en matière de difficultés d'entreprises,
législation qui n'a cessé de s'adapter de manière pragmatique face aux demandes des acteurs
économiques.
Ainsi, après une forte augmentation du nombre des procédures de 2008 à 2010, une stagnation a été
constatée en 2011, aussi bien en termes de procédures amiables que de procédures collectives47.
Lors de cette période, il a été constaté que les nouveaux outils mis à disposition par le législateur afin
de préparer les difficultés de l'entreprise en amont, bien qu'encore sous-utilisés, connaissent ont une réelle
efficacité. Les procédures de conciliation et de mandat ad hoc, souvent utilisées, obtiennent des résultats
encourageants. Ainsi, seulement 30 % des sociétés ayant signé un accord de conciliation ont recours à une
procédure judiciaire par la suite.
La procédure de sauvegarde, bien que représentant un nombre infime de procédures (moins de 2%), se
révèle relativement efficace. Ainsi, lors de la période 2007-2009, environ 80% des plans de sauvegarde
mis en place ont permis à l'entreprise de poursuivre son activité de manière pérenne.
Cependant, l'année 2011 semble être une année de mutation du type d'entreprises visé par les
procédures collectives. En effet, on a assisté au début de l'année 2012 à une baisse globale du nombre de
procédures. Toutefois et dans le même temps, il a été constaté une augmentation du coût des défaillances,
les grandes entreprises subissant avec retardement les effets de la crise.
47. « L'entreprise en difficulté en France », dessiner la sortie de crise, Deloitte-Altares, Communiqué dePresse
- 38 -
Ainsi, une baisse des défaillances de l'ordre de 2% à été observée en 201148, par rapport à l'année
précédente. Le nombre total de défaillances sur une année était alors passé sous la barre symbolique des
60.000.
Mais malgré ce chiffre encourageant, il a été constaté un accroissement des défaillances des grandes
entreprises, de l'ordre de 10,3%. En plus de l'impact social de ces procédures, les défaillances des grosses
entreprises ont un coût plus important pour l'ensemble du secteur économique (clients, fournisseurs...). Il
est alors nécessaire de raisonner en fonction du coût des faillites, qui représente le réel impact
économique des défaillances sur le tissu économique global.
Ce montant avoisinait ainsi les 3,87 milliards d'euros cumulés sur l'ensemble de l'année 2011.
Cependant et paradoxalement, l'impact social de ces défaillances a été globalement moindre, le nombre
d'emplois menacés étant en légère baisse, autour de 186 000.
Toutefois, la fin de l'année 2011 était marquée par la chute de grandes sociétés, comme SECURITE
GENERALE AEROPORTUAIRE (650 salariés) ou encore PETIT JEAN SAS (environ 600 salariés).
48. Observatoire des défaillances 2011, COFACE
- 39 -
Cette évolution s'est poursuivie lors de l'année 2012. Alors que le nombre de défaillances tend à
diminuer49, en tout cas pour le début de l'année, la taille moyenne des entreprises en difficulté est quant à
elle en augmentation.
Ainsi, alors que l'on pourrait se réjouir de la baisse du nombre de défaillances -il est à noter que le
nombre de défaillances d'entreprises est revenu sous les 14.000, ce qui n'était plus le cas depuis 2009-, il
convient de rester vigilant.
En effet, les difficultés n'épargnent plus les sociétés plus anciennes et plus structurées, en particulier
les entreprises de 50 salariés et plus, dont les défaillances ont augmenté d'environ 50% en une année50. Il
s'agit là du nombre le plus élevé depuis le début de la crise.
49. Information rapides - Conjoncture, INSEE, 25 octobre 2012 - n° 265
50. Statistiques des defaillances d'entreprises au 2e trimestre 2012, Revue des procedures collectives n° 4,Juillet 2012, alerte 24
- 40 -
Cela se traduit mathématiquement par une hausse du coût des procédures pour l'économie. Ainsi, ce
coût a augmenté de 17% en une seule année51.
La majeure partie des défaillances d'entreprises touchent des entreprises jeunes, de moins de 5 ans. Il
est alors nécessaire dans ce cadre d'opérer une surveillance accrue de ce type de société, qui souvent ont
été constituées sans une étude de marché approfondie, et ne peuvent donc maintenir une activité pérennes
à moyen terme. De plus, les petites entreprises ont un accès restreint au financement, la nouvelle crise du
crédit qui se profile ne permettant pas d'espérer des perspectives favorables (infra).
51. PANORAMA, DEFAILLANCES D’ENTREPRISES Les publications economiques de Coface,Automne 2012
- 41 -
source : Etude ALTARES 2ème trimestre 2012
Ainsi, les TPE et les PME voient leur nombre de défaillances diminuer (respectivement de -1,9% et de
-3,9%) pour les premiers mois de l'année 2012, mais la tendance est totalement inverse pour les
entreprises employant plus de 20 salariés, et surtout pour les très grandes entreprises.
En effet, de nombreuses procédures ont encore récemment touché de grandes et anciennes entreprises
(Doux SA ou encore Marie Brizard, et d'autres sont encore à venir...) chose qui était extrêmement rare
auparavant. Ainsi, le concept ,souvent invoqué, du "too big to fall" semble aujourd'hui ne plus être de
vigueur.
De plus, malgré des chiffres encourageants jusqu'à août 2012, faisant état d'une baisse du nombre de
défaillances, les chiffres des 3 derniers mois de l'année sont particulièrement mauvais.
En effet, sur l'ensemble de l'année, il est désormais prévu que la hausse du nombre total du nombre de
défaillances sera de 3%. Cela est dû au fait que les acteurs économiques ont attendu les suites de la
campagne présidentielle afin de prendre certaines décisions difficiles. Ainsi, l'année 2012 s'inscrit une
nouvelle fois dans une évolution constante d'augmentation du nombre global de défaillances.
- 42 -
Les prévisions pour l'année 2013 ne sont pas plus réjouissantes.
Sous-section II - Prévisions des défaillances d'entreprises pourl'année 2013
Il existe peu d'études concernant les perspectives des défaillances d'entreprises en France. Seule une
étude récente52 tente d'analyser ce que pourrait être la situation des entreprises françaises à court terme,
c'est-à-dire lors de l'année prochaine.
Les analystes s'appuient sur diverses données macro-économiques, comme la stagnation du PIB
français sur une période de 5 ans ou l'évolution de l'investissement, qui subit une légère inflexion depuis
le début de l'année 2012.
%
Les
différentes prévisions de croissance du gouvernement, plutôt optimistes (0,3% pour 2013), ne permettent
toutefois pas d'envisager une reprise globale de l'économie, certains secteurs étant encore très exposés à la
conjoncture défavorable (notamment les investissements liés à la construction et à l'équipement).
52. Le changement, c'est pour quand?, Ludovic SENECAUT & Ludovic SUBRAN, EULER HERMES,27 septembre 2012
- 43 -
En effet, la confiance des ménages, principal moteur de notre économie tournée vers le marché
intérieur, tarde à revenir, et semble même encore chuter cette année. Dans ces conditions, il est très
difficile pour les entreprises de maintenir leurs marges. Selon les années, la consommation des ménages
représente entre 50 et 100% de notre économie, cet indice a encore reculé de 0.2% cette année et reste
mal orienté53 à terme.
L'économie française ne peut pas non plus compter sur le rebond des exportations qu'elle avait connu
en 2012, après une forte baisse consécutive à la crise de 2008. En effet, la majeure partie des exportations
françaises se font vers des pays européens, dont le marché est aussi déprimé.
Les analystes estiment ainsi que les sociétés exportatrices pourraient connaître une augmentation du
nombre de leurs défaillances de l'ordre de 10% en 2013, à cause d'une "Europe du sud particulièrement
sinistrée".
En termes de
financement des entreprises, il semble qu'après un rebond en 2010, les encours des crédits sont à nouveau
en chute libre, ce phénomène touchant de manière très forte les PME. Les entreprises françaises, et
principalement les PME, ont ainsi de plus en plus de difficulté à accéder à l'emprunt bancaire, les
partenaires financiers étant de plus en plus hésitant à apporter leur concours.
53. Défaillances d'entreprises 2012-2013, GROUPAMA
- 44 -
Cet état de fait force les sociétés à se tourner vers de nouveaux modes de financement, et en priorité
vers les emprunts obligataires. Cependant, ce type d'emprunt n'est pas destiné à toutes les sociétés, et
restent réservé aux grandes structures.
Mais cela n'empêche pas que les sociétés anciennes, et mieux structurées, se retrouvent confrontées à
des difficultés (supra). Ainsi, on assiste à une forte augmentation du nombre de défaillances de grandes
entreprises lors de la première moitié de l'année 2012, le mouvement s'est ensuite affaibli, dans l'attente
de l'élection présidentielle.
- 45 -
Ainsi, lors de la première moitié de l'année 2012,
le Chiffre d'affaires cumulé des 15 plus grandes
défaillances d'entreprises était 3 fois supérieur à celui
de l'ensemble de l'année 2011!
Cependant, ces chiffres sont à relativiser, les deux
plus grosses défaillances de l'année, à savoir le groupe
DOUX et PETROPLUS, représentant déjà à eux deux
4.8 milliards d'euros.
Les analystes, au vu des évolutions récentes, estiment que l'augmentation du nombre de défaillances
d'entreprises pourrait être de l'ordre de 2 à 4% en 2013. Cela revient à dire que le nombre de défaillances
pour 2013 pourrait dépasser les 65.000, un record54.
54. http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202292833245-euler-hermes-redoute-un-record-de-defaillances-d-entreprises-en-2013-366457.php
- 46 -
Sous-section III - Analyse de l'impact social des défaillances
L'évolution du nombre de chômeurs depuis la crise de 2008 peut être représenter de la manière
suivante :
Les entreprises se trouvant dans un état de défaillance étant de plus en plus importantes, cela induit
que ces procédures ont un impact social bien plus significatif qu'auparavant.
Cependant, c'est à la lecture et lors d'une analyse attentive des chiffres de l'emploi, que l'on s'aperçoit
que les procédures collectives ont une réelle efficacité.
- 47 -
Lors d'une l'ouverture d'une sauvegarde ou d'un redressement judiciaire, nombreux sont ceux à
rappeler le taux de succès infime de ces procédures. En effet, environ 95% des procédures aboutissent à
une liquidation judiciaire.
Ce chiffre, souvent avancé, n'incite nullement à l'ouverture d'une procédure judiciaire, et semble même
être la cause de la crainte du chef d'entreprise lorsque son entreprise éprouve des difficultés. Ainsi,
beaucoup de dirigeants pensent que l'ouverture d'une procédure collective aura un effet néfaste sur leur
entreprise. Ce retard dans la prise de décision du chef d'entreprise est alors l'une des principales causes de
l'impossibilité de maintenir son activité lors d'une procédure qui sera ouverte alors qu'aucun espoir de
redressement n'est envisageable.
A cette impression, il convient de confronter la réalité des chiffres. On peut d'ores et déjà rappeler, de
manière simple, que sans le Droit des procédures collectives, 100% des entreprises défaillantes seraient
liquidées.
Cependant, on ne pourrait bien évidemment se satisfaire d'un taux de réussite de 5%.
Il est alors nécessaire d'analyser les chiffres liées à la sauvegarde de l'emploi afin de mettre fin aux
idées reçues selon lesquelles les procédures collectives seraient inefficaces.
Ainsi, si l'on analyse les chiffres fournis par l'AGS, seuls 23 000 nouveaux dossiers ont été ouverts
l'années précédentes, ce qui signifie que sur les 55 000 sociétés subissant une procédure, seul 23 000
emploient au moins un salarié.
Ainsi, seul 1,7% des procédures ouvertes concernent, selon l'AGS, des entreprises employant 50
salariés ou plus.
De plus sur les 260 000 salariés bénéficiant de la garantie de l'AGS sur la dernière année, seul 112 000
en ont bénéficié au titre des soldes de tout compte et indemnités de départ.
- 48 -
Ces chiffres font donc ressortir qu'à l'issu d'une procédure, 58% des emplois sont maintenus55. Cela
signifie que plus l'entreprise est importante, plus ses chances de maintien d'activité sont grandes.
Il est alors nécessaire de rappeler aux différents acteurs économiques que les procédures collectives
ont un taux de réussite, en matière de sauvegarde de l'emploi, d'environ 60%. Cet indicateur, plus
encourageant, est aussi bien plus pertinent que celui s'arrêtant simplement à la constatation du nombre de
liquidation judiciaires.
Cependant, il semble qu'aujourd'hui, que même les entreprises de tailles importantes ne soient plus
épargnés par les difficultés (supra), ce qui pourrait faire évoluer cet indicateur à terme.
En effet, bien que la grande majorité des difficultés touchent les entreprises n'ayant qu'un seul salarié
(71% des défaillances touchent les entreprises comprenant de 0 à 1 salarié56, l'année 2012 s'inscrit dans
une tendance où les sociétés importantes ne sont plus épargnées.
55. Les chiffres trompeurs : halte aux idées reçues ! La boîte à outils du livre VI est performante, HélèneBourbouloux, Bulletin Joly Entreprises en Difficulté, 01 juillet 2012 n° 4, P. 206
56. Observatoire des défaillances COFACE 2011
- 49 -
Ainsi, lors de l'année 2012, le nombre d'emplois détruits par ces défaillances a augmenté de façon
alarmante (plus de 3% sur un an57). Ce chiffre est la résultante du plus grand nombre de PME (employant
au minimum 20 salariés) faisant face a des difficultés.
Les grandes entreprises, réputées mieux structurées, ne sont pas épargnées et l'actualité démontre
chaque jour que des entreprises dont la défaillance était il y a encore quelques années inenvisageable, se
retrouvent en situation de grande difficulté (Neo Security ou encore récemment l'enseigne SURCOUF).
De plus en plus de salariés ont donc a subir les conséquences des procédures collectives, d'autant que
les secteurs des services, du bâtiment ou de la distribution, autrefois réputés pour leur solidité,
représentent aujourd'hui un secteur à risques. Aucun secteur ne semble ainsi épargné, à part les entreprises
agissant dans un domaine ultra-spécialisé, comme par exemple les entreprises de création de services
dans le secteur électronique ou des télecoms.
L'augmentation cette année des difficultés visant les grandes entreprises peut s'expliquer de différentes
manières. En effet, la gestion d'une grande entreprise induit une certaine inertie dans l'approche liée à
l'impact des difficultés extérieures.
Ainsi, la crise de 2008 ayant touché l'ensemble du tissu économique international, seules les grandes
entreprises ont réussi à négocier des accords de financement avec leurs partenaires, destinés à décaler
l'exigibilité de certaines dettes, dans l'attente d'un retour à meilleure fortune. Ainsi, fin 2008, les grandes
entreprises ont négocié des accords avec leurs principaux créanciers, accords qui pour la plupart
s'étalaient sur une durée allant de 3 à 4 années. Par conséquent, à partir du début de l'année, ces créances
sont à nouveau redevenues exigibles alors que la situation économique ne s'est pas améliorée.
C'est ainsi que les effets de la crise ne se font ressentir qu'aujourd'hui pour beaucoup de grosses
structures, qui n'ont pas su anticiper de manière suffisamment forte que les difficultés liées à la crise se
feront ressentir durant de nombreuses années.
57. Panorama des défaillances d'entreprises COFACE 2012
- 50 -
Par ailleurs, les grosses sociétés qui avaient pu constituer des réserves importantes avant la crise de
2008 ont réussi à maintenir leur activité, mais leur réserve se sont aujourd'hui taries, c'est aussi une des
raisons pour lesquelles les défaillances des grosses entreprises ne surviennent qu'aujourd'hui.
L'endettement élevé de ces grosses sociétés les a aussi empêchées d'avoir les fonds nécessaire à un
changement de modèle économique qui s'avérait nécessaire dans un contexte de changement de la
demande. Ainsi, de nombreuses sociétés dites "historiques" connaissent de graves difficultés du fait de
leur impossibilité à s'adapter à la métamorphose de leur marché, qui requiert de lourds investissements.
Cette impossibilité à s'adapter aux exigences de leur marché, lié à une perte de confiance dans leur
modèle (cf. la FNAC dont la levée de fonds a échoué) a réduit les marges de manoeuvre de ces
entreprises.
Sous-section IV - Brève comparaison avec le "modèle allemand"
L'Allemagne représente en ce moment le modèle à suivre pour l'Europe, et en particulier pour la
France. Les médias rivalisent ainsi de comparaison afin de venter ce fameux "modèle" réputé comme
étant bien plus efficace que le notre dans tous les domaines.
Cette comparaison mérite alors d'être faite en comparant le système allemand de réponses aux
difficultés d'entreprises, réputé là encore bien plus efficace que le système français.
L'analyse s'arrête souvent à une comparaison des chiffres de défaillances, chiffres qui, il est vrai,
parlent d'eux mêmes. Ainsi, alors que le nombre de défaillances en France est d'environ 55.000 en France,
il n'est que d'environ 30.000 en Allemagne58.
58. Panorama défaillances d'entreprises COFACE 2012
- 51 -
Par ailleurs, le nombre de défaillances d'entreprises en Allemagne est en net repli depuis quelques
années (pour exemple : une baisse de presque 6% cette année). Cette situation, qui dure depuis environ
vingt ans, et le fait d'une différence structurelle entre nos deux pays. De plus, malgré l'encouragement du
législateur en faveur de la création d'entreprises, par diverses lois, le nombre d'entreprises est à peu près le
même entre les deux pays, avec toutefois un léger avantage pour la France59.
59. environ 3,8 millions d'entreprises en France, 3,5 millions en Allemagne.
- 52 -
Mais il est encore nécessaire de rappeler qu'en France, plus de 70% des défaillances touchent des
entreprises ne comprenant aucun salarié. En Allemagne, les procédures collectives ne sont destinées qu'à
des entreprises ayant un minimum d'actif, ce qui n'est pas le cas en France, où les procédures sont donc
destinées aux entreprises unipersonnelles, qui représentent d'ailleurs la grande majorité des défaillances.
Ainsi, si l'on reprend les chiffres fournis par l'AGS, on s'aperçoit que seules 23 000 entreprises
employant au minimum un salarié subissent une procédure collective. Si l'on retient ce chiffre, le nombre
de défaillance est comparable à la situation allemande.
Par ailleurs, alors qu'en France le coût des procédures est d'environ 14 milliards, il est de plus de 20
milliards Outre-Rhin. Globalement, le coût des procédures est de 1,1% du PIB pour l'Allemagne, alors
qu'il représente 0,8% du PIB français.
Ces chiffres s'expliquent par le fait qu'en moyenne, les entreprises françaises sont de plus petite taille
que les entreprises allemandes.
Malgré ces chiffres en faveur de la France, il n'en reste pas moins que la situation des entreprises reste
meilleure en Allemagne. Cela est due à plusieurs facteurs inhérents au modèle de gestion et du modèle
économique choisi par l'Allemagne, notamment grâce à une économie basée sur les exportations et grâce
à un financement des entreprises plus solide.
- 53 -
L'Allemagne diffère aussi du reste de l'Europe en ce que son Droit des procédures collectives est
orientée de manière différente. Ainsi, alors qu'en Europe, et principalement en France, le législateur
souhaite depuis de nombreuses années privilégier les intérêts de l'entreprise débitrice, dans un objectif de
maintien de l'emploi, la législation allemande reste très attractive pour les créanciers.
En conséquence, le rôle du juge est beaucoup moins important en Allemagne, ce-dernier joue en effet
un rôle d'arbitre alors qu'en France, la décision finale sur l'issue de la procédure lui appartient pleinement.
Par ailleurs, alors qu'en France le chef d'entreprise garde depuis de nombreuses années une grande partie
de ses prérogatives lors des procédures, ce n'est que dernièrement60 qu'en Allemagne le chef d'entreprise
n'est plus dessaisi de son entreprise dès lors que celle-ci est victime d'une défaillance importante.
Ainsi, les procédures en Allemagne sont globalement plus rigoureuses pour l'entreprise débitrice, ce
qui a notamment pour effet de forcer le chef d'entreprise à se conduire de manière plus diligente afin
d'éviter une situation de défaillance. Ce critère, allié à un meilleur financement des entreprises, ont pour
effet que les procédures sont en Allemagne moins nombreuses qu'en France.
60. amendement ESUG, “Gesetz zur weiteren Erleichterung der Sanierung von Unternehmen” (loi visanta faciliter la restructuration des entreprises), entré en vigueur en mars 2012 et inspiré du Droit français,prévoyant une protection du débiteur, qui ne peut se voir infliger de mesures d'exécution, profitant ainsidu Schutzschirm (bouclier de protection).
- 54 -
Cependant, les entreprises allemandes ne sont aucunement à l'abri et leur forte orientation vers
l'exportation risque de les exposer à la faiblesse de la demande mondiale et européenne. Ainsi, il est prévu
que, dès l'année à venir, l'Allemagne ait à faire face à une baisse de 10% de ses exportations, ce qui, selon
certaines analyses61, aurait pour effet d'augmenter le nombre de procédures d'environ 11%.
Sous-section V - Comparaison avec le Droit espagnol
Le législateur espagnol, devant l'échec de la précédente réforme du Droit des entreprises en difficulté,
a décidé d'agir de nouveau. Il est alors intéressant d'observer l'évolution juridique de nos voisins, eux-
aussi en prise avec la crise économique qui les touchent de manière encore plus violente62.
L'objectif de cette nouvelle réforme est empreint d'anticipation et de simplification tant au niveau de la
prévention qu'au niveau du traitement des difficultés des entreprises. Ainsi, le législateur espagnol semble
avoir suivi la voie ouverte par le législateur français, au niveau de la dédramatisation des procédures
collectives. Le caractère sanctionnateur de l'ancien droit espagnol a ainsi été estompé depuis de
nombreuses années63.
Seulement, ce changement de philosophie, trop méconnu, n'a pas été efficace et les débiteurs espagnols
préfèrent encore se tourner vers des méthodes alternatives de règlement de leur passif, procédures qui
bien souvent n'ont aucune efficacité en raison de leur manque d'encadrement juridique.
Il fallait donc que l'Etat espagnol se dote d'outils plus efficaces afin de répondre à cette problématique.
Ainsi, en 2003, une procédure unique, dénommée "concours des créanciers"64 a été instituée. Le chef
d'entreprise dont l'entreprise est en état de cessation des paiements, ou va l'être à court terme, doit en
61. Panorama des défaillances COFACE 2012
62. Loi du 10 octobre 2011- parachevé par un décret royal-loi du 21 septembre 2012, Droit espagnol
63. Ley concursal du 9 juillet 2003, Droit espagnol
64. "concurso de acreedores"
- 55 -
informer le tribunal. Cette procédure peut aussi être demandée par un créancier. Cette législation, d'une
simplicité d'apparence à toute épreuve, n'a pas eu les résultats escomptés.
La loi de 2011 a donc tenté d'améliorer cette procédure, tout en gardant son esprit. Ainsi, le législateur
espagnol a souhaité mettre en avant l'anticipation des difficultés, problème qui est au coeur du Droit des
entreprises en difficulté français65. Il a ensuite souhaité simplifier la procédure afin de la rendre plus
rapide et surtout plus efficace.
Pour ce qui est de l'amélioration du système permettant l'anticipation des difficultés, le législateur
espagnol a souhaité simplifier les outils offerts aux entreprises. Il a ainsi été prévu une liquidation
anticipée, sur le modèle de la liquidation simplifiée française, qui a pour objet de demander la liquidation
ou la cession de l'entreprise au tribunal, demande qui peut être assortie d'une offre de rachat auparavant
négociée et présentée par un tiers. Les délais sont alors plus courts que lors d'une procédure classique.
Cette possibilité est aussi offerte au débiteur lors d'une période d'observation, ce-dernier peut alors
présenter un repreneur au tribunal et demander à ce que la cession de l'entreprise se fasse de manière
accélérée.
Cela permet de réduire le temps de la procédure, qui induit bien souvent un coût important et une perte
de valeur des actifs de la société débitrice.
Au-delà de la cession de l'entreprise, le débiteur peut aussi présenter un plan de restructuration de son
entreprise de manière anticipée, cette fois-ci sur le modèle du prepack ou de la Sauvegarde Financière
Accélérée française. Ici, cette possibilité est ouverte à tous les débiteurs et la loi de 2011 a
considérablement assoupli les procédures inhérentes à cette demande de restructuration, souvent
financière. Le débiteur ayant valablement demandé l'ouverture de cette procédure, anticipant ainsi les
difficultés de son entreprises, ne pourra faire l'objet d'une procédure de sanction par la suite.
Tout est donc fait pour que le débiteur utilise les outils qui sont mis à sa disposition le plus tôt possible.
65. lui même inspiré par le Chapter eleven du Droit américain
- 56 -
Pour ce faire, le législateur espagnol a créé en 2011 la possibilité de procéder à un accord de
refinancement, calqué sur notre procédure de conciliation (infra). Ainsi, le débiteur, sous le contrôle du
juge, peut procéder à un accord d'apurement du passif avec ses créanciers de manière simplifiée. Pour être
conclu, l'accord doit en outre avoir un véritable effet sur la Trésorerie de l'entreprise et lui permettre de
continuer son activité de manière pérenne. Le législateur espagnol a aussi intégré dans son nouveau
dispositif un privilège de "new money", même sans que l'accord soit homologué, ce qui n'est pas le cas en
France.
Par ces deux exemples, il est alors démontré que le législateur espagnol souhaite privilégier, comme le
législateur français, le traitement des difficultés en amont, mettant en avant la possibilité pour le débiteur
de proposer une issue aux difficultés qu'il rencontre.
Section II - Le renouveau de l'approche des procédures collectives
L'Etat n'a pas qu'un rôle actif de soutien aux entreprises, il est aussi en charge de mettre en place les
outils permettant à une entreprise de se relever après la survenance des difficultés. Il est alors nécessaire
de rappeler rapidement quelles sont les procédures qui sont aujourd'hui en place.
Sous-section I - Brève synthèse des procédures à disposition dudébiteur
Il existe en Droit des entreprises en difficulté une summa divisio, opposant les procédures dites
"amiables", et les procédures collectives.
(A) Les procédures dites «amiables»
Ces procédures sont relativement légères et sont à destination des entreprises qui connaissent des
difficultés mais ne sont pas encore en état de cessation des paiements et n’ont pas de difficultés telles
qu’une procédure de sauvegarde soit nécessaire.
- 57 -
Il convient ainsi d’analyser rapidement quels sont les enjeux et les finalités de ces procédures.
Les développements suivants ont pour objet de présenter les diverses procédures de manière
synthétique, à destination de la véritable cible de ses procédures, c’est-à-dire les chefs d’entreprises.
La présentation de ces différentes procédures sera donc faite selon la forme suivante :
❑ Pourquoi ?
❑ Comment ?
❑ Pour qui ?
❑ Textes applicables ?
- 58 -
1) la procédure de Conciliation
- 59 -
❑ Pourquoi ?
La procédure de conciliation est une procédure préventive destinée aux sociétés qui éprouvent des
difficultés juridiques, économiques ou financières, avérées ou à venir.
❑ Comment ?
Cette procédure peut être demandée par un organe d'administration ou de direction ou tout associé.
Ces derniers peuvent désigner l’Administrateur provisoire qu’ils souhaitent, sous réserve d’acceptation
du Tribunal.
Pour ce faire, il est nécessaire de déposer une requête auprès du :
❑ Président du Tribunal de commerce pour les sociétés commerciales ou
artisanales ;
❑ Président du Tribunal de Grande Instance pour les sociétés dont l’activité est de
nature civile (SCI, etc.)
Cette requête doit exposer clairement quelles sont les difficultés rencontrées par la société et définir
quelle sera la mission de l’Administrateur provisoire.
Le cas échéant, la requête précise la date de cessation des paiements.
Le Tribunal compétent est celui du siège de la société.
- 60 -
❑ Pour qui ?
Cette procédure est destinée à toutes les formes de sociétés.
Cette procédure est destinée aux entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements depuis
plus de 45 jours.
Cette procédure est confidentielle.
❑ Mission du Conciliateur :
La durée de la mission du conciliateur est de 4 mois au maximum, durée qui peut être prorogée d’un
mois pour juste motif.
La mission du Conciliateur est de favoriser la conclusion d’un accord amiable entre la société et ses
créanciers, qu’ils soient publics (Trésor Public, URSSAF, etc.) ou privés (fournisseurs, assurances,
Mutuelles, etc.).
Cet accord peut avoir pour objet :
❑ une demande de remise ;
❑ une demande de cession de rang ;
❑ une demande de délais de grâce ;
❑ une demande d’échéanciers sur les durées les plus étendues possible.
- 61 -
Une fois l’accord amiable matérialisé, le Président du Tribunal, sur requête, constate l’accord et fait
apposer la formule exécutoire. Cette décision est confidentielle et n’est pas susceptible de recours.
Le Tribunal peut aussi homologuer cet accord si certaines conditions sont réunies.
❑ Textes :
L611-1 et suivant du Code de commerce.
2) la procédure du Mandat ad hoc
❑ Pourquoi ?
Le mandat ad hoc est une procédure de prévention des difficultés, qui peut avoir plusieurs finalités. Le
mandataire ad hoc peut alors avoir pour fonction de représenter un associé disparu, ou une personne
morale dissoute dans le cadre d'une instance. Il peut aussi représenter la société dans le cadre de ses
difficultés. La mission du mandataire ad hoc est librement fixée par le juge.
❑ Comment ?
Cette procédure peut être demandée par un organe d'administration ou de direction ou tout associé.
- 62 -
Pour ce faire, il est nécessaire de déposer une requête auprès du :
❑ Président du Tribunal de commerce pour les sociétés commerciales ou
artisanales ;
❑ Président du Tribunal de Grande Instance pour les sociétés dont l’activité est de
nature civile (SCI, etc.)
Le cas échéant, la requête précise la date de cessation des paiements.
Le Tribunal compétent est celui du siège de la société.
❑ Pour qui ?
Cette procédure s’adresse aux sociétés n’étant pas encore en état de cessation des paiements, ou l’étant
depuis moins de 45 jours.
Cette procédure est destinée aux sociétés qui connaissent des difficultés de gestion, comme par
exemple :
❑ Difficultés dans le cadre d’une négociation ;.
❑ représentation d'un actionnaire à une assemblée ;
❑ contrôle de la gestion ;
❑ convocation d'une assemblée générale ;
❑ négociation de délais de paiement avec les principaux créanciers.
- 63 -
Cette procédure est confidentielle.
❑ Mission du Mandataire ad hoc :
Les prérogatives du Mandataire ad hoc sont ponctuelles et limitées.
La durée de la mission est généralement courte (environ 3 mois avec possibilité de prorogation).
❑ Textes :
L611-3 du Code de commerce.
3) la procédure d’Administration provisoire
❑ Pourquoi ?
L’administrateur provisoire est chargé de gérer momentanément la société dans le cadre de difficultés
graves empêchant son fonctionnement.
L’administrateur provisoire peut être nommé :
❑ avec tous les pouvoirs pour gérer la Société ;
❑ avec une mission d’assistance de la gérance ;
❑ Avec mission de représenter un associé.
- 64 -
❑ Comment ?
Cette procédure peut être demandée par un organe d'administration ou de direction ou tout associé.
Pour ce faire, il est nécessaire de déposer une requête auprès du :
❑ Président du Tribunal de commerce pour les sociétés commerciales ou
artisanales ;
❑ Président du Tribunal de Grande Instance pour les sociétés dont l’activité est de
nature civile (SCI, etc.)
Cette requête doit être accompagnée des documents sociaux et doit exposer clairement quelles sont les
difficultés rencontrés par la société et définir quelle sera la mission de l’Administrateur provisoire.
Le Tribunal compétent est celui du siège de la société.
❑ Pour qui ?
Cette procédure est destinée à toutes les formes de sociétés.
Cette procédure est destinée aux entreprises qui ne sont pas état de cessation des paiements depuis plus
de 45 jours.
Cette procédure est soumise à publicité.
- 65 -
❑ Mission de l’Administrateur provisoire :
L’Administrateur provisoire est nommé dans des situations de blocage entre les associés nuisant au
bon fonctionnement de l’entreprise.
Dans ce cas, l’Administrateur aura une mission de conciliation entre les associés afin de parvenir à un
accord, faute de quoi le retrait d’un associé ou la dissolution de la société sera inéluctable.
Dans le cas où les organes sociaux fonctionnent régulièrement, l’Administrateur peut être nommé par
un associé minoritaire en désaccord avec la politique menée par les autres associés.
Toutefois, cette demande n’est accueillie par les juges que si des faits précis commis par les autres
associés mettent objectivement en péril les intérêts de la société (abus de pouvoir, détournements, etc.).
❑ Textes :
L611-1 et suivants du Code de commerce
4) la procédure Liquidation amiable
❑ Pourquoi ?
La liquidation amiable est destinée à réaliser l’actif d’une société après sa dissolution.
- 66 -
❑ Comment ?
Cette procédure peut être demandée :
Par les associés (au cours d’une Assemblée Générale Extraordinaire qui décide de la dissolution de la
société) ;
Par le juge suite à une requête déposée par tout intéressé, le Tribunal compétent étant celui du lieu du
siège de la société.
❑ Pour qui ?
Cette procédure est destinée à toutes les formes de société.
Cette procédure est soumise à publicité.
❑ Mission du Liquidateur amiable :
Le plus souvent, le liquidateur amiable est chargé de :
❑ convoquer les associés pour faire un état de la situation ;
❑ vendre les biens appartenant à la société ;
❑ régler les dettes de la société ;
❑ éventuellement distribuer le boni de liquidation ;
❑ établir les comptes liquidatifs.
- 67 -
❑ Textes :
L237-1 et suivant du Code de commerce.
- 68 -
(B) Les procédures collectives
- 69 -
Les procédures collectives représentent le véritable coeur du Droit des entreprises en difficulté, c'est
dans ce cadre que l'autorité judiciaire exerce pleinement son rôle de protection du débiteur.
1) la procédure de sauvegarde
❑ Pourquoi ?
La sauvegarde est une procédure judiciaire récente destinée à prévenir les difficultés économiques et
financières d’une entreprise.
Cette procédure a pour objet la continuation de l’entreprise tout en facilitant une réorganisation
opérationnelle et l’apurement du passif.
❑ Comment ?
La procédure peut être ouverte :
❑ Sur demande du représentant légal de la société débitrice ou par le débiteur
personne physique au greffe du Tribunal de Commerce compétent ;
❑ Par décision du Tribunal.
La demande expose la nature des difficultés rencontrées et les raisons pour lesquelles la société n'est
pas en mesure de les surmonter.
Elle précise si le débiteur s'engage à établir l'inventaire du patrimoine, ainsi que le délai nécessaire à
son établissement.
- 70 -
Le débiteur peut proposer le nom d’un Administrateur, si tel est le cas, il doit le préciser dans sa demande.
Le juge n’est pas tenu de choisir l’administrateur proposé par le débiteur.
❑ Pour qui ?
Cette procédure est destinée à l’entreprise qui « sans être en état de cessation des paiements, justifie de
difficultés qu'elle n'est pas en mesure de surmonter ».
Il n’est pas nécessaire de démontrer que les difficultés auxquelles fait face l’entreprise sont de nature à
la conduire à la cessation des paiements. Il suffit dorénavant de démontrer que l’entreprise ne sera pas en
mesure de surmonter des difficultés à venir. Cette nouvelle définition laisse donc plus de liberté au
débiteur afin de pouvoir déclencher plus tôt une procédure collective.
Cette procédure est soumise à publicité.
❑ Déroulement de la procédure :
La procédure de sauvegarde comporte deux phases :
❑ Une phase d’observation ;
❑ Une phase de sauvegarde.
Pendant la procédure, le gérant n’est pas dessaisi de ses pouvoirs, il continue à gérer pleinement
l’entreprise. Les organes de gestion de la société sont maintenus.
La période d’observation a une durée maximale de 6 mois, qui peut être prorogée une fois.
- 71 -
Le débiteur doit établir dans les 8 jours la liste de ses créanciers et l’objet des principaux contrats en
cours.
Dans ce délai, il est dressé un bilan économique, social et environnemental. Ce bilan précise l’origine
et la nature des difficultés de l’entreprise.
A la fin de la période d’observation, il est élaboré un projet de plan de sauvegarde, ce projet expose les
perspectives d’avenir de l’entreprise au niveau économique, financier et social.
Lorsqu’une continuation de l’activité est envisageable, le Tribunal arrête un plan de sauvegarde dont la
durée ne peut excéder 10 ans.
❑ Textes :
L620-1 et suivants du Code de commerce
- 72 -
2) la procédure de redressement judiciaire
❑ Pourquoi ?
Le redressement est une procédure judiciaire destinée à traiter les difficultés économiques et
financières de l’entreprise.
- 73 -
❑ Comment ?
La déclaration de cessation des paiements doit être déposée au Tribunal dans les 45 jours suivant ladite
cessation des paiements.
S’en suit une période d’observation concernant les opérations entreprises par la société.
La période suspecte, période courant entre la date de la cessation des paiements et la date de la mise en
redressement, peut être étendue jusqu’à 18 mois en arrière afin de définir avec précision la date réelle de
la cessation des paiements.
En cas de déclaration tardive ou de défaut de déclaration, les dirigeants peuvent être tenus pour
responsables de la situation et encourent des peines pouvant aller jusqu’à l’interdiction de gérer.
❑ Pour qui ?
La procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute personne exerçant une activité
commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité
professionnelle indépendante, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé en état de cessation des
paiements.
La cessation des paiements est reconnue lorsque le débiteur est dans l'incapacité de faire face à son
passif exigible avec son actif disponible.
Au cas où la procédure de sauvegarde aurait échoué, et si les difficultés à venir de l’entreprise vont la
conduire à la cessation des paiements, la procédure de sauvegarde peut être convertie en procédure de
redressement judiciaire.
- 74 -
❑ Déroulement de la procédure :
La procédure comporte deux phases principales :
❑ La période d’observation ;
❑ La période de redressement.
La période d’observation sert principalement à établir un bilan économique, financier et social de la
société. Ce bilan dresse un état de la situation de l’entreprise. A la fin de cette période, il est proposé par
l’administrateur un plan de redressement. Ce plan est soumis au Juge et peut revêtir plusieurs formes :
❑ plan de cession totale ou partielle de l’activité ;
❑ plan de continuation ;
❑ liquidation judiciaire.
Lorsque le redressement de l’entreprise est possible, il est institué un plan de redressement.
Ce plan, dont la durée ne peut excéder 10 ans, peut prévoir :
❑ la continuation de l’activité avec ajout ou cession de branches d’activités ;
❑ la cession totale ou partielle de l’entreprise.
❑ Textes :
L631-1 et suivants du Code de commerce.
- 75 -
- 76 -
Section III - Présentation des interlocuteurs publics
Le Trésor public est un interlocuteur, privilégié du fait de sa situation. Cependant, il est aussi et surtout
bien souvent un créancier de l'entreprise.
En effet, même si la loi de sauvegarde a diminué les pouvoirs du Trésor public, elle a institué une
possibilité pour le Trésor de participer activement au redressement de l'entreprise, notamment par la voie
de l'abandon de créances ou de remises de dettes. Ainsi, l'Etat agit ici directement en faveur de
l'entreprise débitrice, mais cette aide est cependant très encadrée.
(A) L'URSSAF et le Trésor Public
Le Trésor public a la possibilité nouvelle de consentir des abandons de créances ou des remises de
dettes lors d'une procédure de sauvegarde66 ou d'une conciliation67. Il est alors possible pour le Trésor
d'accorder des facilités de paiement pour autant qu'il s'agisse d'un impôt direct. De cette façon, les impôts
indirects, et notamment la TVA, sont exclus de ce dispositif. Seuls les intérêts de retard et autres
majorations accessoires aux impôts indirects peuvent faire l'objet d'une remise.
Il est aussi possible pour le Trésor de procéder à une cession de rang de privilèges68, d'hypothèque ou
encore de sûretés. Cependant, ces possibilités sont rarement mises en oeuvre car elles ne permettent pas
d'apurer le passif, et surtout de réduire le coût de la dette pesant sur l'entreprise à court terme. En effet,
l'objectif, lors d'une procédure de sauvegarde ou lors d'une conciliation, et de retarder l'exigibilité de la
66. article L. 626-6 du Code de commerce
67. article L. 611-7 du Code de commerce
68. dans ce cadre le Trésor ne sera plus payé en priorité sur les autres créancier dans le cadre d'un planvisant à apurer le passif
- 77 -
dette de l'entreprise ou tout simplement, lorsque cela est possible, de purement et simplement en effacer
une partie.
Cependant, le Trésor n'a pas une totale liberté dans le choix et dans le quantum de l'aide qu'il va
décider d'offrir au débiteur en difficulté. En effet, l'article L. 626-6 al. 1 prévoit que l'aide du Trésor ne
peut être accordée qu'à deux conditions cumulatives :
❑ que l'aide du Trésor soit octroyée concomitamment à l'effort consenti par d'autres
créanciers ;
❑ que cette aide soit consentie dans des conditions similaires à celles que lui
octroierait, dans des conditions normales de marché, un opérateur économique
privé placé dans la même situation.
Le Trésor doit donc, même s'il possède certains privilèges, se placer dans la même optique qu'un
partenaire privé69. Il est donc inutile d'espérer que l'Etat consente des aides disproportionnées, l'Etat est
donc devenue un créancier comme les autres70.
(B) La Commission des Chefs des Services Financiers (CCSF)
La COMMISSION DEPARTEMENTALE DES CHEFS DES SERVICES FINANCIERS ET DES
REPRESENTANTS DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE ET DE L'ASSURANCE
CHÔMAGE (CCSF ou COCHEF) représente l'une des procédures les plus anciennes et les plus utilisées
mettant en oeuvre l'action de l'Etat en faveur des aides aux entreprises en difficulté. Elle est aujourd'hui
définie par les articles D. 626-9 & suivants du Code de commerce.
69. Pour une explication plus approfondie de cette condition, voir infra
70. Le trésor public : un creancier comme les autres, Bernard LAGARDE, Gazette du Palais, 10septembre 2005 n° 253, P. 28
- 78 -
En effet, la commission a pour mission d'accorder des remises ou abandons de créances publiques.
Depuis l'Ancien régime, les créanciers publics bénéficient en effet de privilèges exorbitants du droit
commun. En effet, les créances publiques possèdent un rang particulier du fait de leur objet et de leur
finalité, assurer le financement de l'Etat, et ainsi faire prévaloir l'intérêt général71. Ce privilège s'applique
alors au détriment des autres créanciers, qui ne possèdent alors qu'un mince espoir de se voir désintéresser
à l'issu de la procédure.
Cette règle est restée relativement inchangée au cours de siècles, jusqu'à ce que le législateur décide de
quelque peu modérer le privilège du Trésor, faisant prévaloir des intérêts autres, comme par exemple
l'intérêt des salariés.
Ainsi, la loi de 1967 a fait perdre aux créanciers publics leur privilège. Par la suite, la loi de 1985 a mis
fin à la distinction entre les créanciers publics et privés. Cette évolution permettait alors de "réunir les
différences entre deux mondes qui s'ignorent ou se méconnaissent"72.
Les créanciers publics se voyaient donc contraints par la procédure, sans possibilité d'accord avec le
débiteur. En effet, il n'était alors pas prévu de dispositif permettant au créancier public de s'accorder avec
son débiteur afin de lui accorder des facilités de paiement, destinées à éviter les difficultés à terme et ainsi
ne pas être soumis à la rigueur d'une procédure subséquente.
Ce n'est qu'à la faveur de la loi du 26 juillet 2005 que le législateur a octroyé aux créanciers publics la
faculté de consentir des remises au profit des entreprises en difficulté.
Le décret fondateur dans le domaine a été le décret du 5 février 2007, réformé depuis, créant dans
chaque département une CCSF.
La composition de la CCSF n'a pas évolué depuis ce décret.
71. Les abandons de créances publiques, R. VALLIOT, Gazette du Palais, 14 avril 2007, n° 104, P.9
72. Le fabuleux destin des dettes publiques, B. LAGARDE, Gazette du Palais, 14 avril 2007, n°104, P.3
- 79 -
Ainsi, la CCSF comprend :
❑ le trésorier-payeur général ou, pour Paris, le receveur général des finances de
Paris, président ;
❑ le directeur des services fiscaux ;
❑ le directeur régional des affaires sanitaires et sociales, le directeur interrégional de
la sécurité sociale ou le directeur départemental de la sécurité sociale ;
❑ les directeurs des organismes de sécurité sociale des divers régimes obligatoires
de base chargés du recouvrement des cotisations dans le département ;
❑ le représentant des institutions prévues à l'article L 351-21 du Code du travail ;
❑ le directeur du travail, chef du service régional de l'inspection du travail, de
l'emploi et de la politique sociale agricoles, si la personne dont la situation doit
être examinée est débitrice de cotisations envers les caisses de mutualité sociale
agricole et les organismes visés à l'article 731-30 du Code rural ;
❑ le directeur régional des douanes, si le redevable est débiteur envers
l'administration des douanes et droits indirects.
- 80 -
- 81 -
La CCSF répond à une double finalité. Elle permet d'une part d'accorder des remises à l'ensemble des
créanciers publics, sauf exceptions (infra) et d'autre part d'éviter que le passif public, qui généralement
représente la majeure partie des dettes de l'entreprise, ne soit trop important, ce qui obérerait la possibilité
d'un redressement de l'entreprise.
En effet, afin d'éviter que le débiteur ne creuse un passif public trop grand, espérant profiter d'un
accord CCSF par la suite, le décret de 2007 prévoit deux plafonds :
❑ un plafond quant au montant de la remise pouvait être effectuée, celle-ci ne doit
pas excéder trois fois le montant des remises des dettes privées ;
❑ un plafond en taux, correspondant au fait que le taux de remise accordé par les
créanciers publics ne peut excéder le taux de remise consenti par les créanciers
privés. L'effort des créanciers publics doit alors se faire concomitamment à l'effort
consenti par les créanciers privés. Dans ce cadre, les créanciers publics doivent se
mettre à la place d'un créancier privé, ceci afin de ne pas se heurter aux règles du
droit de la concurrence.
Au-delà des remises, la CCSF peut aussi accorder de simples moratoires, pouvant s'étaler sur une
durée maximum de 36 mois.
Le choix d'accorder tantôt des remises, tantôt des moratoires, tient en l'analyse de l'entreprise et à sa
capacité à faire face, à terme, à ses difficultés. Ainsi, dans le cadre d'une conciliation, qui est exclusive
d'une cessation des paiements73, la CCSF aura tendance à accorder des moratoires. A l'inverse, lors d'une
procédure collective, la CCSF envisagera des remises, qui parfois pourront s'avérer substantielles pour
l'entreprise débitrice.
73. sauf à présenter une demande de conciliation dans le cas où la cessation des paiements durerait depuismoins de 45 jours
- 82 -
Lors de l'octroi par la CCSF de remises, il était alors prévu que les pénalités et intérêts de retard
seraient écartés du quantum, et pouvaient faire l'objet, si le plan de règlement avait été scrupuleusement
respecté, d'une remise totale. Le plan de règlement portait alors d'abord sur le principal de la dette, avec
une possibilité d'annuler purement et simplement les pénalités et intérêts de retard dans le cas où le
débiteur avait été diligent.
Par la suite, et devant le regain d'activité des CCSF, divers ajustements ont été apportés à son
fonctionnement par le décret du 6 avril 2009.
Ce décret a opéré un changement de philosophie dans le cadre des remises accordées par les créanciers
publics. En effet, il est désormais prévu que les "remises de dettes sont consenties par priorité sur les frais
de poursuite, les majorations et amendes, puis sur les intérêts de retard et les intérêts moratoires, et enfin
sur les droits et les sommes dus au principal"74. Ainsi, les remises portent dorénavant en premier lieu sur
les accessoires de la dette, puis par la suite sur le principal, à noter que le plan de règlement ne peut
prévoir aucune remise totale du principal de la dette.
Ce changement de philosophie a pu être perçu comme un recul de la part des créanciers publics75. En
effet, le fait que la remise porte en premier lieu sur les pénalités et autres intérêts de retards anéantit
l'espoir du débiteur de voir ces dettes remisées totalement. Auparavant, le fait que les remises ne portent
bien souvent que sur le principal de la dette, et l'espoir du débiteur de voir les accessoires de celle-ci
remisés totalement, avaient des effets bénéfiques.
En effet, l'espoir de remise totale des pénalités et autres accessoires à la fin du plan de règlement
incitait fortement le débiteur a respecter le plan de règlement qui lui été soumis. Dorénavant, il n'existe
plus d'incitation ayant un impact financier réel en faveur du débiteur. La procédure est alors plus
rigoureuse, et le décret laisse ainsi moins de liberté à la CCSF, même s'il n'est aucunement interdit de
réaliser une remise totale des accessoires de la dette dès l'accord de règlement.
74. Art. D. 626-10 du Code de commerce
75. Du nouveau sur les abandons de créances par les créanciers publics : le décret du 6 avril 2009, G.TEBOUL, Petites Affiches, 20 avril 2009, n°78, P.6
- 83 -
Par ailleurs, une évolution voulue par la doctrine n'a pas vu le jour, il s'agit de la possibilité de remise
des dettes futures. En effet, le débiteur peut avoir à saisir la CCSF dans le cadre des difficultés qu'il a
d'ores et déjà constatées, mais aussi des difficultés qui sont à venir, à court ou moyen terme. La CCSF ne
peut dès lors lui accorder son aide que sur les difficultés qu'il éprouve déjà et reste incompétente sur les
dettes à venir.
Ce statu quo est regrettable car une société, dans le cadre de ses difficultés, peut se retrouver à
nouveau dans une situation où elle ne pourra pas, malgré le plan de règlement, honorer l'intégralité de ses
dettes. Il aurait été alors préférable de permettre une remise comprenant les dettes publiques futures,
contractées à terme dans le cadre des difficultés. Cela aurait aussi été une nouvelle incitation forte,
notamment en faveur des procédures amiables.
Le fait que le législateur refuse de permettre à la CCSF d'accorder des remises pour les dettes futures,
combiné au fait que le plan de règlement peut être dénoncé à tout moment au cas de nouveau passif fiscal
ou social, tend à affaiblir l'efficacité de ce plan de règlement, qui reste incertain tant que la société ressent
des difficultés.
Afin de prendre une décision motivée économiquement, comme l'y oblige le droit de la concurrence, il
est prévu que le débiteur, dans sa saisine fasse état de l'ensemble des créances détenues par les créanciers
privés, ainsi que si cela est le cas, de l'ensemble des remises ou délais de paiements que ces derniers lui
ont octroyés. Mais le fait de porter à la connaissance de la CCSF les remises consenties par les créanciers
privés n'est plus imposé (ancien article R. 626-12 du Code de commerce). Il s'agit désormais d'un élément
"utile" à l'information de la CCSF.
En pratique, il est conseillé d'informer la CCSF le plus largement possible, et de lui indiquer
l'ensemble des créances privées et des remises consenties. Il sera aussi nécessaire de présenter un plan de
trésorerie prévisionnel et un état prévisionnel des commandes, il est aussi conseiller d'apporter divers
renseignement comptables prévisionnels comme un prévisionnel de capacité d'autofinancement sur une
période de trois années.
Malgré sa relative efficacité, la CCSF n'est pas exempt de défauts.
- 84 -
En premier lieu, la CCSF reste soumise à un formalisme lourd et désuet. En effet, la procédure, qui
n'est pas véritablement encadrée par les textes, reste totalement discrétionnaire, sans possibilité pour le
débiteur de s'y faire entendre. Ainsi, il convient de porter une attention toute particulière à la saisine, qui
doit nécessairement être claire, précise et complète.
De plus, les décisions de la CCSF sont nécessairement prises à l'unanimité. Ainsi, il suffit qu'un seul
représentant des créanciers publics n'accorde pas son concours pour que la possibilité d'une remise de
l'intégralité des créances publiques disparaisse.
Au surplus, la CCSF ne se réunit qu'une fois par mois. De cette façon, et devant la forte hausse de son
activité, la CCSF ne peut plus matériellement faire face aux multiples demandes qui lui sont soumises
dans un délai raisonnable au regard des difficultés de l'entreprise. Cette procédure est alors totalement
déconnectée de l'urgence relative aux situations qu'elle a à traiter.
(C) Les comités
Les comités représentent la véritable force de frappe de l'Etat en matière d'intervention économique.
Ces comités d'aides aux entreprises en difficulté ont une compétence stratégique élargie afin d'accorder
des fonds aux entreprises qui en ont besoin. Il existe pour le moment deux grands comités, à savoir le
CODEFI et le CIRI.
1) L'octroi de fonds publics par les CODEFI
Les Comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI) ont
été créés par la circulaire du 17 juillet 1974, en pleine crise économique, il s'agit donc d'une institution
ancienne. Ces comités ont par la suite été réformés par la circulaire du 25 novembre 2004.
- 85 -
Ils sont présidés par le Préfet de département et comprennent le Trésorier payeur-général, le directeur
de la Banque de France et les représentant des services déconcentrés intéressés de l'Etat.
Afin que le CODEFI accorde son aide, il est nécessaire que le Chef d'entreprise en fasse la demande.
Cette possibilité est ouverte depuis 2004 à toutes les sociétés de moins de 400 salariés.
La mission du CODEFI est de trois ordres. Il est en charge de l'accueil et de l'orientation des
entreprises. Il est aussi en charge de la détection et de la prévention des difficultés, reste à savoir
comment cette prérogative s'accordera avec l'émergence des nouveaux "commissaires au redressement
productif". Il possède enfin une mission de traitement des difficultés, là-encore il semble que la mission
des commissaires au redressement productif soit de même nature, il sera alors nécessaire, au fil du temps,
d'observer de quelle manière ces deux entités partagent leurs compétences.
Le CODEFI a ainsi le pouvoir d'octroyer à l'entreprise des fonds publics afin de surmonter ses
difficultés. Il s'agit alors de prêts de l'Etat, qui ne doivent pas être de nature à fausser la concurrence.
Ainsi, ces aides doivent respecter les règles communautaires en matière d'aide d'Etat. Ces prêts ont ainsi
vocation à préparer le futur de l'entreprise, il est donc nécessaire que l'activité de cette dernière présente
une certaine pérennité à moyen terme. Le CODEFI aura ainsi pour mission d'analyser le potentiel
stratégique de l'entreprise, afin de lui accorder son aide, qui ne doit jamais être systématique. Il est donc
nécessaire, pour l'entreprise souhaitant faire appel à ce comité, de démontrer dans un premier temps la
viabilité de son modèle économique. En cas de doute sur le potentiel de l'entreprise, le Préfet peut
ordonner un audit de l'entreprise. De plus, il sera procédé à un suivi annuel des aides consenties par l'Etat.
Ce mécanisme possède donc de grands avantages, mais relève plutôt d'une aide stratégique au
développement que d'une réelle aide de l'Etat aux entreprises en difficulté. De plus, il s'adresse aux
entreprises de moins de 400 salariés, il est donc nécessaire d'analyser les compétences d'un autre comité
souvent méconnu, le CIRI.
2) L'accompagnement de l'Etat par le CIRI
- 86 -
Les diverses crises traversées par le pays depuis les années 70 ont mis en évidence le besoin d'une
structure permettant le financement des grandes entreprises ayant une valeur stratégique et sociale
évidente.
C'est dans ce cadre qu'a été créé le Comité interministériel pour le restructuration industrielle (CIRI),
par arrêté du 6 juillet 1982, remplaçant le Comité pour l'aménagement des structures industrielles
(CIASI), créé en 1974.
- 87 -
Ce comité est composé de 12 personnes représentant les principaux secteurs de l'économie et possède
une compétence sur tout le territoire.
Son mode de saisine est original, il peut être saisi par les comités départementaux d'examen des
difficultés d'entreprises mais peut aussi se saisir d'office. Il est ainsi compétent pour les entreprises
employant plus de 400 salariés.
Il est intéressant de remarquer que par une erreur de rédaction, aucun comité n'est compétent pour les
entreprises employant 400 salariés...
Après une instruction et un audit de la société confidentiel, le CIRI met en place une négociation
publique avec le débiteur afin de trouver une solution viable économiquement sur le long terme.
Le CIRI peut alors octroyer des prêts du fonds de développement économique et social ou d'autres
formes de prêts stratégiques mis en place par l'Etat, souvent de manière ad hoc. Il est alors nécessaire que
le redressement de l'entreprise soit ausi soutenu par des investisseurs privés. L'intervention de ce comité a
donc souvent pour utilité de donner confiance aux investisseur, l'Etat agissant en quelques sortes en tant
que garantie de la pérennité et du suivi de l'entreprise à terme.
Bien que destiné essentiellement aux grandes entreprises, l'activité du CIRI reste intensive. Ainsi, en
2011, le CIRI est intervenu auprès d'environ 70 entreprises, représentant plus de 92 000 emplois76.
(D) Un nouveau partenaire, le médiateur du crédit
Dans le prolongement des mesures prises pour assurer la stabilité du systeme bancaire et le soutien a
l’activite des entreprises anticipant les consequences economiques de la crise financiere, le President de la
Republique, a nomme le 23 octobre 2008, un mediateur du credit aux entreprises pour eviter un resserre-
76. Source : site du ministère de l'économie, et rapport d'activité 2012 du CIRI
- 88 -
ment du credit et identifier avec les etablissements de credit des solutions adaptees aux besoins des
entreprises confrontees a des problemes de financement du fait de la crise.
La mission de mediation du credit aux entreprises a ete etablie initialement pour une periode courant
jusqu’au 31decembre 2010. A defaut de prorogation, il avait ete prevu qu’un dispositif allege de
mediation du credit aux entreprises soit maintenu en veille, qui s’appuierait essentiellement sur les
services de la Banque de France. Mais la prorogation du dispositif a ete annoncee le 15 juin 2010.
Le mediateur du credit a pour mission de faciliter le dialogue entre les entreprises et les etablissements
de credit et de recommander des solutions en cas de difficultes pour l’obtention et le maintien de credits
ou de garanties. Il peut egalement, en cas de difficulte en matiere de credit interentreprises, faciliter le
dialogue entre ces entreprises et les assureurs-credits ou les societes d’affacturage et recommander des
solutions. Cette mission est encadree par un accord de place du 27 juillet 2009.
Le mediateur du credit peut etre saisi par toutes les entreprises non financieres qui rencontrent des
difficultes de financement, y compris les entreprises en creation ou en reprise et les auto-entrepreneurs.
Les chefs d’entreprise peu- vent saisir directement le mediateur du credit en constituant leur dossier sur le
site www.mediateurducredit.fr, ou choisir de se faire accompagner dans leurs demarches par un Tiers de
Confiance de la Mediation en contactant le numero azur de la Mediation du credit, le Mediateur territorial
ou le Mediateur national.
Le mediateur du credit s’engage a orienter vers le Comite inter- ministeriel de restructuration
industrielle (CIRI) les entreprises de plus de 400 salaries qui le saisissent, et qui presentent des difficultes
structurelles sortant du champ d’action de la mediation du credit.
Le mediateur du credit s’engage a orienter vers les tribunaux de commerce les entreprises qui le
saisissent, lorsqu’elles se trouvent en cessation de paiement manifeste ou lorsqu’il estime qu’une
procedure collective est plus adaptee a la resolution de leurs difficultes.
- 89 -
L’ouverture d’un mandat ad hoc, d’une conciliation, d’une sauve- garde, voire d’un redressement
judiciaire, n’exclut pas l’action de la mediation, dont le mandataire social peut demander la poursuite,
sous reserve de l’accord du mandataire de justice, notamment de l’administrateur judiciaire.
Cependant, le médiateur du crédit n'est qu'une institution ad hoc, mise en place pour deux ans à la fin
de l'année 2008, et prorogée une fois pour un délai de deux années supplémentaires. Sa mission doit donc
prendre fin le 31 décembre 2012. La suppression de cet organe, qui reste un interlocuteur privilégié des
entreprises en difficulté, pose de nombreux problèmes.
Il n'existe en effet pas de textes législatifs ou réglementaires définissant avec précision la mission du
médiateur du crédit, il s'agit d'une "simple convention" signée principalement par le ministre de
l'Economie, le gouverneur de la Banque de France et la Fédération bancaire française.
Ainsi, sa structure et ses pouvoirs sont relativement faibles et ne correspondent pas aux besoins des
entreprises en difficulté, surtout dans un contexte dans lequel de plus en plus de grandes entreprises
connaissent des défaillances.
Il est donc nécessaire que le médiateur du crédit se voit doté de nouvelles prérogatives, afin de
véritablement devenir un outils de médiation pour les entreprises, dès la naissance des difficultés.
Cependant, rien n'est prévu pour l'instant quant au sort du médiateur du crédit, peut-être verra-t-il
quelques unes de ses prérogatives attribuées à une toute nouvelle entité, le commissaire au redressement
productif.
(E) La création d'une nouvelle entité par temps de crise, lecommissaire au redressement productif
Il n'existe pour l'instant que très peu de littérature au sujet des commissaires au redressement productif,
qui ont vu le jour en juin 2012.
Cette nouvelle entité, voulue par le Gouvernement, possède une mission de prévention et de traitement
des difficultés des entreprises et s'inscrit dans la volonté de simplification de l'action de l'Etat en matière
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économique. Ainsi, les commissaires au redressement productif ont pour vocation de devenir
l'interlocuteur unique et privilégié du chef d'entreprise.
Ainsi, 22 commissaires au redressement productif ont été nommés dans les régions métropolitaines
depuis le 13 juin 2012. Ils viennent compléter les ex-commissaires à la réindustrialisation qui avaient été
nommés en 2009 dans 6 régions seulement. Ces-derniers ont été nommés sur avis de chaque Préfet de
région au vu de leur connaissance du maillage économique régional.
Ils sont ainsi placés sous l'autorité des préfets de région et sont en relation constante avec les présidents
des conseils régionaux.
Cependant, les commissaires au redressement productif n'ont à connaître que des entreprises
employant moins de 400 salariés. Pour les entreprises dépassant ce seuil, ils seront alors les interlocuteurs
privilégiés du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI). Ils auront alors pour mission
de formuler des recommandations lors de l'octroi d'une aide publique, bien que dans l'esprit du législateur
cette-dernière doit rester exceptionnelle.
1) Une mission de prévention des difficultés
Les commissaires ont la charge d'animer une cellule régionale de veille et d'alerte précoce, en
coordination avec les principaux services de l'Etat, notamment les CCSF.
De plus, certains ordres régionaux des experts-comptables, notamment à Paris, ont mis en place un
système pour identifier les difficultés des entreprises en amont.
Ainsi, la cellule veillera à ce que soient prises les mesures d'aides aux entreprises destinées à mettre fin
aux situations de difficulté dès leur origine.
2) Une mission de traitement des difficultés
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Le commissaire au redressement productif peut aussi intervenir dans le cadre de la résolution des
difficultés de l'entreprise, en appui des mandataires de justice. Ils seront ainsi en charge de jouer un rôle
de médiateur entre l'entreprise débitrice et ses partenaires locaux.
Cette nouvelle institution possède donc des prérogatives relativement étendues, cependant le succès de
cet organe dépendra grandement des premières mesures qu'il aura à mettre en oeuvre. Il s'agira aussi de ne
pas rajouter un organe compétent en matière de difficultés d'entreprises à ceux qui existent déjà, au risque
d'encore complexifier les procédure, ce qui aboutira à rendre ce dispositif totalement inefficace.
Section IV - Approche critique de l'efficacité des procédures collectives
Alors que la France est dotée du meilleur arsenal législatif dans ce domaine et de pouvoirs publics
mobilisés pour sauver les entreprises, la France reste le mauvais élève de l'Europe dans le domaine des
défaillances d'entreprises.
Faisant ce constat, le législateur a décidé de prendre de nouvelles mesures, notamment visant à
professionnaliser les tribunaux de commerce77. En effet, devant la complexification du tissu économique
et devant l'inflation législative en matière de droit des affaires, il est nécessaire que le premier acteur de la
procédure, qui est bien souvent le juge, possède des compétences de plus en plus spécialisées.
Ainsi, le juge d'aujourd'hui doit posséder de solides connaissances théoriques en matière de Droit des
affaires, mais aussi une solide culture économique. Ainsi, la doctrine se demande aujourd'hui si le
pragmatisme économique ne pourrait pas devenir un nouveau fondement juridique à part entière78. Cette
approche pragmatique a déjà été appliquée à de nombreuses reprises à l'occasion notamment de
77. " Faillites en France : tout ça pour ça ? ", Par Stéphanie Chatelon et Arnaud Pédron, Tribune
78. Le pragmatisme economique est-il un nouveau fondement juridique ?, Christophe DELATTRE,Revue des procedures collectives n° 1, Janvier 2012, alerte 1
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procédures médiatiques. Les concepts et la rigueur juridiques sont alors mis au second plan, afin de
favoriser l'émergence d'une décision viable et acceptable économiquement.
Il n'est plus rare de voir des délais prolongés sous la pression politique79, ou des décisions liées à la
compétence territoriale des juridictions défiant toute logique juridique80. Ces méthodes, même si elles
facilitent les procédures, ont aussi pour conséquence de nuire à la sécurité juridique des décisions rendues
dans leur cadre. Il s'agit donc là d'une solution pratique, pragmatique, répondant à des impératifs à court
terme, seulement ces décisions juridiquement boiteuses ne permettent pas d'offrir la sécurité qui doit
commander l'ensemble des procédures. A long terme en effet, une remise en cause des décisions prises
illégalement auront des conséquences autrement désastreuses que celles qui aurait du être prises dès le
départ.
Il convient donc de combattre cette solution de facilité, afin d'encadrer les procédures de la meilleure
des façons et d'offrir une sécurité juridique à l'entreprise débitrice, à ses salariés, mais aussi à tous ses
partenaires.
Il est souvent reproché au Droit des entreprises en difficulté de ne plus être aussi sanctionnateur que
chez nos voisins81. En effet, depuis la réforme de 1985, le mouvement vise à protéger le débiteur de ses
créanciers, ce qui peut conduire à certains abus, le débiteur pouvant utiliser la menace d'ouvrir une
procédure, limitant les possibilités pour ses partenaires de recouvrer leurs créances.
Ainsi, même si les procédures gardent un certain pouvoir coercitif, notamment envers le dirigeant
d'entreprise, lors d'une action en responsabilité (procédures de banqueroute ou encore de faillites
personnelles), il faut reconnaître que le mouvement initié par le législateur depuis une vingtaine d'années,
et concrétisé par la loi du 26 juillet 2005, tend vers une certaine deresponsabilisation du dirigeant. En
79. récemment dans le dossier PETROPLUS, http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/11/13/petroplus-la-libye-obtient-trois-mois-de-plus-pour-preparer-son-offre_1789918_3234.html
80. CA Paris, 3e ch. A, 21 sept. 2004, RG n° 2004/5513 : RTD com. 2005, p. 176, obs. J.-L. Vallens
81. Que reste-t-il du caractere sanctionnateur des procedures ?, Philippe Roussel Galle, Revue desprocedures collectives n° 3, Mai 2012, dossier 17
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effet, pendant longtemps, l'ouverture d'une procédure elle-même était perçue comme une sanction
(supra), elle est aujourd'hui perçue comme un outil.
Le changement d'objectif des procédures, qui a pour finalité de sauvegarder l'activité et du patrimoine
privé du dirigeant, a abouti à une certaine immunité, notamment lors des procédures anté-cessation des
paiements. Il n'y a guère que lors de la mise en oeuvre d'une procédure d'extension pour confusion de
patrimoines ou de fictivité que la procédure peut recouvrir une certaine forme de sanction, mais celle-ci
reste encore très limitée.
Lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, le caractère sanctionnateur semble
être relativement plus présent, notamment avec la possibilité pour la mandataire judiciaire de poursuivre
le dirigeant de droit ou de fait (supra) en responsabilité pour insuffisance d'actif. Cependant, cette
sanction reste relativement rare et le principe reste celui de la protection du patrimoine du dirigeant,
exerçant bien souvent à titre personnel. C'est d'ailleurs dans cette évolution qu'a été créé l'EIRL, sous
l'impulsion, là-encore de Monsieur Xavier DE ROUX.
L'objectif de cette évolution est simple, le législateur souhaite aussi faciliter la création d'entreprise et
éviter d'effrayer les personnes souhaitant s'investir dans ces dernières. Par ailleurs, le législateur a
souhaité mettre en avant une certaine "culture du rebond"82.
En effet, la France a longtemps souffert du caractère extrêmement sanctionnateur des procédures
collectives. Ainsi, le dirigeant d'une entreprise en faillite avait, aux yeux de l'opinion, lui-même été fautif.
La procédure venant par la suite le sanctionner, ne lui laissant aucun espoir de pouvoir un jour créer à
nouveau une entreprise.
Ce mal français avait alors été mis à l'index par de nombreux observateurs lorsqu'on leur demandait
pourquoi les entreprises françaises avaient moins de succès que les entreprises étrangères.
82. Que reste-t-il du caractere sanctionnateur des procedures ?, Philippe Roussel Galle, Revue desprocedures collectives n° 3, Mai 2012, dossier 17
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Ainsi, en 1984, lors d'une visite en France, l'un des plus célèbre créateur d'entreprises au monde, Steve
Jobs, faisait le constat suivant en parlant de la France :
"... Ce que nous appelons le développement, c'est rarement les grandes entreprises qui le font, c'est
plus les petites ou les moyennes entreprises. Ce qu'il faut, c'est beaucoup de petites entreprises avec des
étudiants doués, des capitaux à risque plus efficaces entre les mains du secteur privé. Et aussi des
champions que l'on prenne pour modèle, en disant l'innovation c'est ça. Mais il y a quelque chose de plus
subtil, c'est le facteur culturel. En Europe, l'échec c'est très grave. [...] En Amérique, on passe son temps
à échouer, et à recommencer. [...] Il faut des centaines de mini entreprises de logiciel. Ce que nous
devons faire, c'est encourager des jeunes à créer des entreprises de logiciel. Nous, nous ne voulons pas
mettre la main dessus, le gouvernement ne doit pas non plus le faire, elles doivent appartenir à ceux qui
prennent des risques."
Le législateur a alors abondé dans le sens d'une procédure collective accompagnant le débiteur, lors de
ses difficultés, abandonnant son caractère sanctionnateur. On est alors passé d'une système de prévention
des difficultés et de sanction, à un système d'accompagnement lors des difficultés favorisant le rebond
économique du débiteur.
Ce changement de cap s'est fait en faveur du débiteur, à tel point que les procédures collectives sont
souvent appréhendées comme un moyen habile et légalement justifié de ne plus avoir à payer ses dettes83.
En effet, dans le cadre d'une procédure collective, rare sont les créanciers ayant eu la volonté de s'assurer
aux moyens de sûretés, ce sont pourtant ces-derniers qui ont la possibilité de garder l'espoir de récupérer
un jour leur créance, même si eux aussi doivent subir la rigueur de la procédure. Les créanciers n'ayant
pas constitué de sûreté, dit créanciers chirographaires, n'ont alors que de très infimes chances d'être
payées.
La procédure est alors à la fois une protection, les allemands parleront de "bouclier", et une arme à la
disposition du débiteur, qui peut alors menacer ses partenaires de recquêrir l'ouverture d'une procédure
collective, ce qui anéantirait leur chance de se voir un jour payés.
83. Faut-il encore payer ses dettes dans le droit des entreprises en difficulte ?, Pierre-Michel LECORRE,Petites affiches, 29 mars 2006 n° 63, P. 9
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L'Etat ayant à faire face aujourd'hui à un chômage de masse, il est important de sauvegarder les
intérêts du débiteur, au mépris parfois des intérêts des créanciers. Il y a donc bien un changement de
perspective dans l'action des pouvoirs publics.
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Chapitre III - Le changement de perspective de l'action des pouvoirs
publics
L'Etat, dans sa volonté d'endiguer les défaillances d'entreprises et donc de réduire au maximum
l'impact social du climat économique, a souhaité changer de perspective en donnant les outils aux chefs
d'entreprises afin qu'ils prennent à temps les mesures visant à endiguer en amont les difficultés.
Le législateur a mis en place des outils simples, afin d'aider le chef d'entreprise dès la création de sa
société. Il l'accompagne par la suite avec l'émergence de nouvelles mesures d'aides particulières. Ensuite,
le législateur a décidé de donner toute latitude au dirigeant afin de mettre en oeuvre des procédures
efficaces de règlement des difficultés dès leur origine.
Tout est donc fait pour que le chef d'entreprise prenne en compte le plus rapidement possible les
mesures qui s'imposent, si besoin est avec l'aide de procédures protectrices de ses intérêts. Par la suite, si
l'entreprise se trouve en défaillance, l'Etat peut aussi jouer un rôle important, et ce à plusieurs niveaux.
Section I - L'aide à la création et à l'implantation des entreprises
L'Etat accompagne donc les chefs d'entreprises avant même la création de leur société.
En effet, le gouvernement a mis en place, avec l'aide de l'INSEE, un outil performant permettant de
réaliser de manière extrêmement simple et gratuit une étude de marché. Cet outil d'aide au diagnostic
d'implantation locale (ODIL) est accessible facilement sur un site dédié (http://creation-
entreprise.insee.fr).
Il permet, en plusieurs étapes, de sélectionner le type d'entreprise que l'on souhaite créer, de renseigner
quelques informations, comme le lieu d'implantation de la future société et ses activités principales, et
- 97 -
l'outil va alors réaliser une étude de marché détaillée en s'appuyant sur les données récoltées par les
tribunaux de commerce et par l'INSEE.
Il est alors possible d'obtenir de précieux renseignements, comme les concurrents potentiels ou encore
le type, l'âge et les revenus de la population qui constituera la clientèle de l'entreprise. Il est même
possible de savoir combien d'argent dépense en moyenne chaque habitant dans notre secteur d'activité, ce
qui permet de réaliser simplement un prévisionnel de chiffre d'affaires.
Cet outil est donc principalement destiné aux créateurs de petites entreprises, qui ne disposent pas des
ressources nécessaires afin de réaliser une véritable étude de marché, souvent onéreuse.
Cet outils a été mis en place afin d'aider les chefs de petites entreprises qui, faute d'avoir connaissance
du marché, ne trouve pas leur clientèle et ne peuvent donc pas créer une activité pérenne. Ces entreprises
ont alors une durée de vie extrêmement limitée.
Mais encore faut-il que les potentiels créateurs d'entreprise aient connaissance d'un tel outil, ce qui
n'est pas réellement le cas. Il est donc là encore nécessaire que l'Etat élargisse sa communication autour
de cet outil, qui peut s'avérer extrêmement efficace dans certains cas, et éviter que le chiffre des
défaillances des jeunes TPE ne continue de croître.
Section II - La création de l'assurance-santé entreprise
L'assurance santé entreprises n'est pas un dispositif créé par l'Etat. En effet, cette institution a été créée
grâce à l'action des experts-comptables et des avocats, afin de favoriser la prévention des difficultés des
entreprises.
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Il s'agit d'un dispositif jeune, lancé le 19 juin 2012, qui a pour objectif de rendre les procédures de
prévention accessibles aux chefs d'entreprises. Ainsi, cette assurance permet de financer les honoraires
des experts (conciliateur, conseils, etc.) avec l'aide de compagnies d'assurances partenaires84.
La création de cette assurance suit l'évolution amorcée par la création du Centre d'information sur la
prévention des difficultés d'entreprises (CIP). Créé en 1999, il s'agit d'un organe encore méconnu, est
constitué d'experts (avocats, experts-comptables, juges consulaires à la retraite, etc.) spécialisés en Droit
des entreprises en difficulté. Ils agissent ainsi en toute confidentialité, à la demande d'un dirigeant, et a
souvent été qualifié de "médecin de famille" de l'entreprise85. Seulement, cet aide reste bénévole et ne
saurait se substituer aux conseils et aux organes compétents.
C'est ainsi que dans le même état d'esprit, a été décidé la création de l'assurance santé entreprise, afin
de mutualiser les risques et les frais afférents à l'ouverture d'une procédure amiable ou judiciaire. Ainsi,
en contrepartie d'une cotisation s'élevant à quelques centaines d'euros par mois, les chefs d'entreprises
peuvent bénéficier, en cas de difficulté, d'un capital allant de 3 000 à 50 000 euros afin de rémunérer les
intervenants de la procédure.
Les créateurs de cette assurance souhaitent ainsi qu'elle devienne obligatoire, car elle permettrait aux
dirigeants d'entreprises de ne plus avoir à se soucier du coût, souvent élevé, de l'ouverture d'une
procédure. En cotisant chaque mois à cette assurance, le chef d'entreprise aurait ainsi moins d'hésitations
à utiliser cette assurance, qui lui permettrait de ne pas mobiliser de la Trésorerie à un moment où il en
manque cruellement.
Cette aide est ouverte à tous les types d'entités, qu'elles soient des sociétés commerciales ou des
associations. Il est cependant nécessaire que l'entité en question cotise à cette nouvelle assurance. De plus,
lors de l'ouverture d'une procédure collective, l'assurance devra donner son accord afin de financer les
frais de procédure.
84. Experts-comptables et avocats lancent l’assurance santé entreprise, Bulletin Joly Entreprises enDifficulté, 01 juillet 2012 n° 4, P. 267
85. Les professionnels libéraux, solidaires des chefs d’entreprise en difficulté, LES ECHOS
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Section III - Les procédures d'alerte
La procédure d'alerte s'inscrit dans la continuité des exigences nouvelles d'information et de
prévision dans le gestion des entreprises. Dans ce cadre, les entreprises sont tenues de diffuser
leurs comptes sociaux et, pour les grandes entreprises, de tenir une comptabilité prévisionnelle.
C'est en effet cette opacité et ce manque de prévisibilité dans la gestion des entreprises qui
avaient été dénoncés par le législateur de 1985.
Des outils ont ainsi été mis en place afin de ne plus laisser le chef d'entreprise seul destinataire des
informations liées à la gestion de son entreprise. En effet, de nombreuses personnes peuvent aussi être
qualifiées de "personnes intéressées" à la bonne gestion de l'entreprise, et en premier lieu les salariés.
C'est dans ce cadre que le législateur a mis en place une procédure d'alerte. Cette procédure a pour
objectif de donner à des personnes extérieures à la gestion de l'entreprise de nouvelles prérogatives.
Sous-section I - L'alerte par le commissaire aux comptes
Concernant le déclenchement de l’alerte, il résulte des articles L234-1, L234-2 et L612-3 C.Com. que
le Commissaire aux Comptes (CAC) est tenu de déclencher une procédure d’alerte lorsqu’il relève des
faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. Ces faits doivent avoir été relevés par le
commissaire à l’occasion de l’exercice de sa mission, il n’a pas à procéder à des investigations spéciales
pour déceler de tels faits.
La mission du CAC n’est pas limitée à un contrôle a posteriori, elle est permanente et continue.
La procédure d’alerte est différente selon le type de la personne morale. Le plus complet est celui
prévu en matière de SA. Cette alerte s’exerce dans deux directions, tout d’abord il y a une alerte interne
qui comporte trois phases ;
- 100 -
❑ demande d’explication au président du Conseil d'administration ou du directoire,
l’alerte est confidentielle ;
❑ provocation d’une délibération du CA ou de surveillance, on sort donc de la
confidentialité car les résultats doivent être communiqués au Comité d’Entreprise.
❑ Le commissaire aux comptes doit établir un rapport spécial destiné aux
actionnaires.
Le CAC peut provoquer lui-même la tenu d’une assemblée spécialement réunie pour entendre ses
conclusions. L’Assemblée peut émettre des suggestions, mais elles sont généralement assez peu
contraignantes. La théorie des incidents de séance, la règle est qu’il est possible de délibérer seulement
sur les points qui figurent à l’ordre du jour, avec la théorie des incidents de séances, il y a une limite à
savoir que si la décision fait apparaître la nécessité de délibérer sur un autre point, dans la mesure ou cette
délibération a pour base un point qui était à l’origine à l’ordre du jour, elle peut intervenir. C’est le cas par
exemple de la révocation des dirigeants, qui ne sont pas à l’ordre du jour.
Le CAC est tenu de déclencher l’alerte, de suivre les 3 phases et à défaut c’est sa responsabilité
professionnelle qui se trouve engagée.
Pour les autres sociétés commerciales, le processus commence par une demande d’explication au
gérant, lequel doit répondre dans le mois, à défaut le commissaire établit un rapport destiné aux associés
et au comité d’entreprise. Il n’a pas le pouvoir de convoquer l’assemblée des associés.
D’un autre côté, il y a une information externe, celle de l’information du Président du Tribunal. En
effet depuis cette loi, le président du Tribunal doit être informé lors des deux étapes essentielles du
processus d’alerte. Tout d’abord lorsque des dirigeants ne répondent pas aux demandes d’explications du
CAC ou lorsque leurs réponses sont insuffisantes.
Egalement il doit être informé lorsque les décisions prises en AG ne répondent pas aux atteintes du
CAC. Le Président du Tribunal est investi d’un pouvoir de sanction, de convocation du dirigeant.
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Sous-section II - L'alerte par les associés
Les associés ont le droit de poser par écrit des questions au gérants et aux dirigeants sociaux
(L223-36 C.Com pour les SARL, et L225-32 pour les SA).
Ce droit d’alerte ne peut s’exercer que deux fois par exercice, alors que s’agissant du CE et du CAC, il
n’y a aucune limitation de la fréquence de leurs consultations. Cela résulte d’une question écrite posée au
dirigeant.
Lorsqu’une question est posée, le dirigeant est tenu de répondre dans un délai d’un mois. Un copie de
la question mais aussi de la réponse doit être adressée au CAC.
A quoi s’ajoute la possibilité pour un associé de demander la désignation d’un expert de gestion.
Sous-section III - L'alerte par le Président du Comité d'entreprise
Le comité d'entreprise dispose du droit de mettre en oeuvre une procédure d'alerte des dirigeants
sociaux s'il a connaissance « de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation
économique de l'entreprise »86.
S’agissant du déclenchement de l’alerte par les salariés, cette compétence appartient en premier lieu au
Comité d’entreprise (CE), il est donc nécessaire que l’entreprise emploie plus de plus de 50 salariés.
Dans l’hypothèse où une entreprise n’a pas constitué de CE alors qu’elle y était tenu, alors le droit
d’alerte du CE va être exercé par les délégués du personnel. Dans les entreprises comportant moins de 50
salariés, en l’absence de CE, les délégués ne disposent pas du droit d’alerte.
86. C. trav. art. L 2323-78
- 102 -
Le critère légal est le suivant, le comité peut déclencher l’alerte lorsqu’est constitué l’existence de faits
de nature à affecter de nature préoccupante la situation de l’entreprise. Ce droit est cependant encadré par
le juge, afin de limiter les abus de certains comités mettant en oeuvre une procédure d'alerte dans le seul
but d'obtenir des informations sur la gestion de l'entreprise87.
Le CE bénéficie de certaines sources d’informations, ils bénéficient des informations qui doivent lui
être communiquées par le CAC ou les informations recueillies directement auprès des salariés.
Le déroulement de cette procédure d’alerte, dans un premier temps le CE peut demander à l’employeur
de lui fournir des explications, qui sera fixé à l’ordre du jour de plein droit de la prochaine réunion du CE.
Ensuite, si le CE n’obtient pas de réponse satisfaisante ou si le caractère préoccupant de la situation se
confirme, le comité établit un rapport qu’il peut communiquer aux associés, aux membres du
groupements et aux organismes de surveillance.
Pour l’établissement de ce rapport, le CE peut se faire assister d’un expert comptable rémunéré par
l’entreprise, il peut également convoquer le CAC et il lui est encore possible de s’adjoindre deux salariés
en raison de leurs compétences.
Sous-section IV - L'alerte par le Président du Tribunal
Les entreprises visées sont les sociétés commerciales, les groupements d’intérêts économiques, les
entreprises individuelles, artisanales ou commerciales. Cette alerte peut intervenir dès lors que le
Président a connaissance de difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation88.
87. L’alerte du comité d’entreprise : une liberté surveillée, Bulletin Joly Entreprises en Difficulté, 01 juillet2012 n° 4, P. 259
88. Prévue par L. 611-2 C.Com. ainsi que par R. 611-10 à R. 611-17
- 103 -
Quant à la procédure, elle consiste en une convocation du Chef d’entreprise. Cette convocation vise à
obtenir une demande d’explication sur la situation de l’entreprise et d’autre part cette convocation doit
permettre d’envisager les mesures propres à redresser la situation de l’entreprise.
Le Président peut de façon directe provoquer la saisine du Tribunal de Commerce pour l’ouverture
d’une procédure judiciaire de traitement des difficultés des entreprises.
Outre ce pouvoir de convocation, il est investi d’un pouvoir d’investigation. Il peut obtenir
communication par le CAC, membres et représentants du personnel, des administrations publiques, des
organismes sociaux et bancaires, des renseignements de toute nature nécessaire à lui donner une exacte
information sur la situation économique et financière du débiteur.
Le chef d'entreprise n'est donc pas le seul à décider du sort de son entreprise, il est entouré, ou plutôt
contrôlé, par tous les acteurs intéressés à la gestion de l'entreprise. Cependant, la procédure d'alerte est
très peu utilisée en pratique, la gestion de l'entreprise et son état de cessation des paiements n'étant
réellement connu en temps réel que par le chef d'entreprises et quelques membres du top management,
seuls capables d'avoir une vision à terme des difficultés que l'entreprise va connaître.
- 104 -
Chapitre IV - L'accompagnement de l'Etat lors de la survenance des
difficultés
Dans le cadre des difficultés d'entreprise, il est de moins en moins rare que l'Etat joue un rôle de
partenaire financier89. Il s'agit même bien souvent de la dernière chance de survie de l'entreprise.
(A) L'Etat accordant des subventions
Le manque de cohérence de l'action de l'Etat (supra), rend le système de subvention de l'Etat lourd et
en somme inefficace. En effet, l'Etat est bien souvent dans un état d'urgence, sous la pression des
partenaires sociaux, afin de décider d'une subvention afin de sauver telle ou telle entreprise. Ces aides
semblent donc accordées au coup par coup, sans véritable vision stratégique à long terme. Rien ne
garantit en effet que les conditions fixées par l'Etat lors de l'octroi d'une aide, soient par la suite
respectées90. Dans ce cadre, ces aides semblent donc inefficaces.
Dans le cadre d'une évolution du rôle de l'Etat, en tant que stratège (supra), il semble nécessaire que
les différentes aides accordées soient accompagnées d'un système d'évaluation et de suivi des des
conditions fixées en amont. Ainsi, dès les premiers signes d'abus ou de non-respect des conditions, l'Etat
en sera informé et pourra coordonner son action de manière plus efficace, en mettant sous surveillance la
société.
Cependant, il existe un autre système d'aide, où l'Etat intervient directement en tant qu'investisseur
mais aussi en tant que contrôleur des conditions de l'aide, c'est ainsi que l'Etat peut aussi décider de
devenir actionnaire de la société en difficulté.
89. Pour un exemple récent, voir l'affaire PRESSTALIS
90. Pour un exemple récent, voir l'exemple de la reprise de l'usine de Florange et les accords conclus avecArcelor-Mittal
- 105 -
(B) L'Etat actionnaire
L'Etat actionnaire est là encore une réminiscence des actions passées, notamment lors des grandes
vagues de nationalisations de la libération ou encore de celles survenues au début des années 80.
Cependant, les nationalisations de l'époque s'inscrivaient dans une volonté de pallier aux défaillances de
l'entrepreunariat privé ou de coordonner de manière plus efficace et sûre des filières économiques
entières.
Les conséquences de ces actions se font encore ressentir aujourd'hui, l'Etat étant encore actionnaire de
nombreuses sociétés. L'Etat souhaite ainsi veiller à la bonne gestion des grandes entreprises françaises par
ce biais. Seulement, son pouvoir de contrôle reste très limité, car il ne possède qu'une part infime de
décision du fait de sa participation qui bien souvent est minime.
De plus, cela immobilise une quantité considérable de fonds publics et ne semble plus, comme c'était
le cas auparavant, rassurer les investisseurs.
Il semble donc que ce mode d'aide aux entreprises soit aujourd'hui désuet, même si nombreux sont
ceux à appeler de leurs voeux une nouvelle vague de nationalisation. Il semble que l'Etat n'en est
aujourd'hui ni la volonté, ni les moyens.
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Chapitre V - Mesures d'ordres fiscales d'accompagnement des entreprises
en difficulté
L'Etat tient aussi compte des difficultés des entreprises dans le domaine fiscal. En effet, le législateur a
tenté de mettre en place des mesures d'ordre fiscal ayant pour objectif de favoriser la création et le
maintien des entreprises. Cependant, son action est encadrée par le Commission européenne, qui contrôle
de manière stricte que ces dispositions particulières (supra).
Il existe de nombreux exemples de ce contrôle par la Commission européenne. Ainsi pourrait-on citer
l'exemple du dispositif fiscal tendant à exonérer, sur une période de vingt-quatre mois, les repreneurs
d'entreprises en difficulté91. La Commission européenne a considéré que cette aide d'Etat était
incompatible avec l'exigence de libre concurrence du marché communautaire. L'Etat français a donc été
condamné à réformer ce texte et à procéder au recouvrement des sommes afférentes à ce dispositif.
Ce contrôle induit donc une certaine insécurité juridique dans le domaine de l'accompagnement fiscal
des entreprises. Il existe aussi un risque concernant une possible rectification fiscale, dans le cas où
l'administration conteste l'application d'un texte à une situation, alors que l'entreprise l'appliquait bien
souvent de bonne foi. Cette insécurité, combinée à la complexité croissante du Droit fiscal, sont autant
d'obstacle à l'efficacité des dispositifs mis en place par l'Etat.
Cependant, un dispositif, récemment reconduit, semble avoir une certaine efficacité92. Il s'agit de la
déductibilité des aides accordées aux entreprises en difficulté. Ainsi, dans le cadre d'un abandon de
créance consenti au bénéfice d'une entreprise en conciliation ou faisant l'objet d'une procédure collective,
l'entreprise ayant accordé cet abandon pourra le déduire de son bénéfice imposable93, à la différence des
autres abandons de créances à caractère financier. Toutefois, cet abandon n'est déductible qu'à
91. CGI, art. 44 septies
92. Maintien de la deductibilite des aides accordees aux entreprises en difficulte, Editions Legislatives -Difficultes des entreprises, 12 septembre 2012
93. CGI, art. 39, 13 cree par L. fin. rect. pour 2012, no 2012-958, 16 aout 2012, art. 17, I, 1°
- 107 -
concurrence de la situation nette négative de l'entreprise bénéficiaire, et pour le montant excédant cette
situation négative, à proportion des participations détenues par des tiers dans cette entreprise.
Ce dispositif permet donc d'éviter que l'entreprise accordant cet abandon, souvent la société mère,
décide d'accorder des abandons déductibles plutôt que de recapitaliser la filiale en difficulté.
En outre, alors qu'auparavant ce dispositif n'était applicable qu'aux entreprises faisant l'objet d'un plan
de sauvegarde ou de redressement, ce dispositif a été élargi par la loi de finances rectificative pour 2012
aux entreprises soumises à l'ensemble des procédures collectives, mais aussi à une conciliation dont
l'accord a été homologué. Il s'agit donc là d'un nouvel avantage accordé aux accords de conciliations
homologués, l'accord simplement constaté n'ayant aucun effet.
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Conclusion
Au vu des diverses analyses présentées au sein de cette thèse, il ressort que le rôle de l'Etat a
considérablement évolué depuis une quinzaine d'années. Le rôle de l'Etat s'est ainsi intensifié depuis la
crise de 2008, qui a eu un effet considérable sur l'économie.
L'Etat a donc souhaité, à raison, mettre en avant la prévention des difficultés d'entreprises, afin de
limiter en amont l'impact des difficultés que ces-dernières peuvent connaître. Le législateur a donc décidé
d'aller vers une plus grande protection du débiteur, lui permettant de garder un certain contrôle et en
limitant sa responsabilité. Ces procédures, au spectre étendu, permettent d'apporter une réponse efficace
aux défaillances d'entreprises.
Seulement, ces procédures doivent être diffusées plus largement, afin que le Chef d'entreprise, premier
acteur de la défaillance que connaît son entreprise, puisse les mettre en oeuvre sans tarder.
Par ailleurs, le droit des procédures collectives n'a pas pour objet de faire perdurer une entreprise qui
par essence ne possède pas une activité pérenne, il ne permet que d'accompagner les entreprises qui, du
fait d'un événement extérieur, se retrouvent dans une situation difficile. Seulement aujourd'hui, les
difficultés que connaissent les entreprises s'inscrivent dans un contexte global de crise économique, ce qui
rend plus difficile leur sauvetage.
L'Etat, actuellement, joue difficilement son rôle de sauveur des entreprises, lui préférant bien souvent,
contraint, un rôle de fossoyeur compatissant.
Dans la séquence actuelle, l'Etat est donc bien un acteur des difficultés connues par les entreprises, ne
reste plus qu'à savoir qui en est le metteur en scène.
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" Jamais on obtient de meilleurs résultats que lorsque tout le
monde trouve son compte dans une affaire. "
Euripide
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BibliographiePar type et par ordre de citation
Ouvrages
• Dante, La Divine Comédie
• Droit et pratique des Procédures collectives, P-M LE CORRE, DALLOZ ACTION, Ed. 2012-2013
• Entreprises en difficulté, P. LE CANNU, GLN JOLY
• Rapport de Monsieur Xavier DE ROUX sur la réforme des procédures collectives par la loi desauvegarde
• Droit des entreprises en difficulté, Corinne SAINT-ALARY-HOUIN, Montchrestien, 2012
• Bases de données du Cabinet GIDE LOYRETTE NOUEL
articles de doctrine
• Responsabilité des administrateurs de SA, B. SAINTOURENS, Bulletin Joly Sociétés, 1 octobre 2011,n° 10, p.817
• Dangers de la qualification de dirigeant de fait pour les acteurs du Private Equity, José MARIA PEREZ,Florent MAZERON, JCPE, n°44-45, 1er novembre 2012, 1653, p. 17
• Eclairage - Extension de la responsabilité des dirigeants sociaux, J-F. BARBIERI, Bulletin Joly So-ciétés, n°4, avril 2012, §174, p. 286
• Etude sur la fabriquer en France, TNS SOFRES, avril 2010
• L'Etat peut-il sauver les entreprises en difficultés?, Emilie Lévêque, actualité Francis Lefebvre
• D. n° 2012-1190, 25/10/2012 : JO 27 oct. 2012, p. 16719
• La loi Petroplus : quelques reflexions... avec un peu de recul, Philippe Roussel Galle, Revue des proce-dures collectives n° 3, Mai 2012, etude 16
• De la mesure dite conservatoire à l'exécution sommaire anticipée, F. PEROCHON, Bull. Joly Entrepris-es en difficulté, 1 mars 2012, n°2, P. 73
• Le droit des entreprises en difficulté par gros temps, G. TEBOUL, Petites Affiches, 15 novembre 2012n° 229, P. 3
• L'entreprise en difficulté en France, dessiner la sortie de crise, Deloitte-Altares, Communiqué de Presse
• Statistiques des defaillances d'entreprises au 2e trimestre 2012, Revue des procedures collectives n° 4,Juillet 2012, alerte 24
- 111 -
• PANORAMA, DEFAILLANCES D’ENTREPRISES Les publications economiques de Coface, Au-tomne 2012
• Les chiffres trompeurs : halte aux idées reçues ! La boîte à outils du livre VI est performante, HélèneBourbouloux, Bulletin Joly Entreprises en Difficulté, 01 juillet 2012 n° 4, P. 206
• Le trésor public : un creancier comme les autres, Bernard LAGARDE, Gazette du Palais, 10 septembre2005 n° 253, P. 28
• Les abandons de créances publiques, R. VALLIOT, Gazette du Palais, 14 avril 2007, n° 104, P.9
• Le fabuleux destin des dettes publiques, B. LAGARDE, Gazette du Palais, 14 avril 2007, n°104, P.3
• Du nouveau sur les abandons de créances par les créanciers publics : le décret du 6 avril 2009, G.TEBOUL, Petites Affiches, 20 avril 2009, n°78, P.6
• " Faillites en France : tout ça pour ça ? ", Par Stéphanie Chatelon et Arnaud Pédron, Tribune
• Le pragmatisme economique est-il un nouveau fondement juridique ?, Christophe DELATTRE, Revuedes procedures collectives n° 1, Janvier 2012, alerte 1
• Que reste-t-il du caractere sanctionnateur des procedures ?, Philippe Roussel Galle, Revue des proce-dures collectives n° 3, Mai 2012, dossier 17
• Que reste-t-il du caractere sanctionnateur des procedures ?, Philippe Roussel Galle, Revue des proce-dures collectives n° 3, Mai 2012, dossier 17
• Faut-il encore payer ses dettes dans le droit des entreprises en difficulte ?, Pierre-Michel LECORRE,Petites affiches, 29 mars 2006 n° 63, P. 9
• L’alerte du comité d’entreprise : une liberté surveillée, Bulletin Joly Entreprises en Difficulté, 01 juillet 2012n° 4, P. 259
• Maintien de la deductibilite des aides accordees aux entreprises en difficulte, Editions Legislatives -Difficultes des entreprises, 12 septembre 2012
Articles de presse et d'institutions
• Florange, STX, Petroplus. Le grand retour des nationalisations ?, http://www.ouest-france.fr/actu/ac-tuDet_-Florange-STX-Petroplus.-Le-grand-retour-des-nationalisations-_39382-2138505_actu.Htm
• Information rapides - Conjoncture, INSEE, 25 octobre 2012 - n° 265
• Le changement, c'est pour quand?, Ludovic SENECAUT & Ludovic SUBRAN, EULER HERMES, 27septembre 2012
• Défaillances d'entreprises 2012-2013, rapport GROUPAMA
• Experts-comptables et avocats lancent l’assurance santé entreprise, Bulletin Joly Entreprises en Diffi-culté, 01 juillet 2012 n° 4, P. 267
• Les professionnels libéraux, solidaires des chefs d’entreprise en difficulté, LES ECHOS
- 112 -
Jurisprudence communautaire
• Cour de Justice des Communautes europeennes, 17 janvier 2006 (affaire C-1/04), Staubitz-Schreiber
• arrêt Interedil : CJUE, 20 oct. 2011, aff. C-396/09 : Rev. proc. coll. 2011, comm. 177CJCE, 2 mai 2006,aff. C-341/04, Eurofood : JCP G 2006, II, 10089, note M. Menjucq ; BRDA 2006, n° 10, info. 10 ; D.2006,p. 1286, note A. Lienhard ; D. 2006, p. 1752, note R. Dammann ; Bull. Joly Societes 2006, p. 907,note D. Fasquelle ; Rev. societes 2006, p. 360, note J.-P. Remery ; JCP E 2006, I, n° 2071, note J.-L.Vallens
Jurisprudences de la Chambre commerciale
• Cass. Com., 25 mars 1997, n° 95-10995 : Bull. civ. 1997, IV, n°85
• Cass. Com., 31 mai 2011, n° 09-13975
• Cass. Com., 27 juin 2006, n° 04-15831
• CA Paris, 3e ch. A, 21 sept. 2004, RG n° 2004/5513 : RTD com. 2005, p. 176, obs. J.-L. Vallens
Textes
• C. com. art. L. 651-2
• C. com. art. L. 680-1
• C. com. art. L 620-2
• C. com. art. L 620-1
• C. com. art. L 626-29 et R 626-52
• C. com. art. L 628-2
• C. com. art. L 626-30
• C. com. art. L 626-32
• C. com. art. L 628-4
• C. com. art. L 628-5, al. 2
• Décr. n° 2012-1071, 20 sept. 2012, JO 22 sept.
• C. com., art. L. 626-29, al. 2
- 113 -
• L. n° 2012-346, 12 mars 2012, relative aux mesures conservatoires en matiere de procedures de sauveg-arde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet
• Rapport de Mme Françoise GUEGOT sur la proposition de loi à l'Assemblée Nationale,, 28 février2012
• C. com. art. L. 663-1-1
• Décret n° 2012-1190 du 25 octobre 2012 (JO 27 octobre)
• C. de proc. civ. art. 643
• C. com., art. 622-24 & suiv.
• Loi du 10 octobre 2011- parachevé par un décret royal-loi du 21 septembre 2012, Droit espagnol
• Ley concursal du 9 juillet 2003, Droit espagnol
• C. com, art. L. 626-6
• C. com, art. L. 611-7
• C. com, art. D. 626-10
• C. trav. art. L 2323-78
• CGI, art. 44 septies
• CGI, art. 39
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Table des matières
Index des Alertes dirigeants :
◇ Que faire en cas de cessation des paiements de mon entreprise? p. 15
◇ Que faire si mon entreprise éprouve des difficultés de trésorerie? p.59
◇ Que faire si j'ai une créance à l'encontre d'un débiteur défaillant? p. 69
◇ Que faire si je détiens un bien appartenant à mon débiteur défaillant? p. 73
◇ Que faire si mon débiteur défaillant détient un bien dont je suis propriétaire? p. 76
◇ Que faire si mon entreprise n'arrive plus à régler mes créanciers publics? p. 81
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Table des matières générale :
Remerciements 2........................................................................................................................
Résumé de la thèse 3...................................................................................................................
Introduction 5.............................................................................................................................
Chapitre I. L'évolution historique de l'action étatique 10................................................
Section I. Brefs rappels historiques 10...........................................................................
Section II. La réforme du droit des entreprises en difficulté de 2005 12....................
Section III. Evolutions récentes dans un contexte de crise économique 13................
Section IV. 2013, l'année de nouvelles réformes? 17....................................................
Section V. L'évolution du rôle de l'Etat 18....................................................................
Sous-section I. Un rôle de plus en plus important 18.................................................
A. Le législateur en action
1. L'Etat stratège 19....................................................................................
2. L'Etat arbitre 20......................................................................................
3. La réponse par la création d'une nouvelle entité : l'EIRL 21..................
4. L'action par la création d'une nouvelle procédure : la SFA 24...............
5. L'application de la SFA aux holdings 26................................................
B. Le législateur en réaction
1. L'Etat comme partenaire 30.....................................................................
2. L'etat comme intermédiaire 31................................................................
Sous-section II. Le rôle de l'Union Européenne 32...................................................
Chapitre II. L'efficacité relative des procédures collectives 35........................................
Section I. Evolution du nombre de défaillances d'entreprises 35................................
Sous-section I. Analyse de l'évolution des défaillances des entreprises 36...............
Sous-section II. Prévisions des défaillances d'entreprises pour l'année 2013 43......
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Sous-section III. Analyse de l'impact social des défaillances 47...............................
Sous-section IV. Brève comparaison avec le "modèle allemand" 51........................
Sous-section V. Comparaison avec le Droit espagnol 55..........................................
Section II. Le renouveau de l'approche des procédures collectives 57.......................
Sous-section I. Brève synthèse des procédures à disposition du débiteur 57...........
A. Les procédures dites «amiables»
1. la procédure de Conciliation 59............................................................
2. la procédure du Mandat ad hoc 62........................................................
3. la procédure d’Administration provisoire 64........................................
4. la procédure Liquidation amiable 66....................................................
B. Les procédures collectives
1. la procédure de sauvegarde 70...............................................................
2. la procédure de redressement judiciaire 73...........................................
Section III. Présentation des interlocuteurs publics 77................................................
A. L'URSSAF et le Trésor Public
B. La Commission des Chefs des Services Financiers (CCSF)
C. Les comités
1. L'octroi de fonds publics par les CODEFI 85........................................
2. L'accompagnement de l'Etat par le CIRI 86...........................................
D. Un nouveau partenaire, le médiateur du crédit
E. La création d'une nouvelle entité par temps de crise, le commissaire au redressement
productif
1. Une mission de prévention des difficultés 91..........................................
2. Une mission de traitement des difficultés 91...........................................
Section IV. Approche critique de l'efficacité des procédures collectives 92...............
Chapitre III. Le changement de perspective de l'action des pouvoirs publics 97..........
- 117 -
Section I. L'aide à la création et à l'implantation des entreprises 97.........................
Section II. La création de l'assurance-santé entreprise 98..........................................
Section III. Les procédures d'alerte 100........................................................................
Sous-section I. L'alerte par le commissaire aux comptes 100....................................
Sous-section II. L'alerte par les associés 102.............................................................
Sous-section III. L'alerte par le Président du Comité d'entreprise 102.......................
Sous-section IV. L'alerte par le Président du Tribunal 103.........................................
Chapitre IV. L'accompagnement de l'Etat lors de la survenance des difficultés 105.....
A. L'Etat accordant des subventions
B. L'Etat actionnaire
C. Mesures d'ordres fiscales d'accompagnement des entreprises en difficulté 107.
Conclusion 109............................................................................................................................
Bibliographie 111........................................................................................................................
Table des matières 115................................................................................................................
- 118 -
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