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PUBLICATIONS ETUDIANTS
Sommaire BAS – RHIN ............................................................................................................................................... 1
STRASBOURG ....................................................................................................................................... 1
Emmanuel HETSCH, La vie. Faculté de Médecine. Mention spéciale « Université » du concours
de poésie Matiah Eckhard 2017 ..................................................................................................... 1
HERAULT .................................................................................................................................................. 2
MONTPELLIER ...................................................................................................................................... 2
Clémence Gualy, A travers toi ; Université Paul-Valéry Montpellier (L1 Philosophie) Mention
spéciale « Université » du concours de poésie Matiah Eckhard 2017 .......................................... 2
ILE DE FRANCE ......................................................................................................................................... 7
PARIS - LYCEE HENRI IV ........................................................................................................................ 7
Juliette Gueron-Gabrielle, On ne se jette pas d'un escalier 2°. Enseignante : Régine François. ... 7
Julie Lods, Abîme, 1ère. Enseignante : Régine François. ............................................................. 13
PARIS - LOUIS-LE-GRAND .................................................................................................................. 18
Esther Carraud , Disneyland , élève de classe préparatoire HK1 .................................................. 18
MOSELLE ................................................................................................................................................ 22
SARREBOURG .................................................................................................................................... 22
Esther MILON, Frissons. 1er prix étudiants du concours de poésie Matiah Eckhard2017 ........... 22
BAS – RHIN
STRASBOURG
Emmanuel HETSCH, La vie. Faculté de Médecine. Mention spéciale « Université » du
concours de poésie Matiah Eckhard 2017
Etoile filante dans un ciel de bonté : Offrande éphémère, cadeau de la nature Mais aussi un chemin orné de bosselures, Une épreuve ardente qu’il nous faut surmonter.
Las, source de malheurs, d’ouragans, de tristesses, Mais aussi de bonheur et de grands arcs-en-ciel, De zéphyrs délicats à la douceur de miel, Le tout dans un monde fait de belles promesses. La vie est un roman, l'auteur est le destin. La vie est une fête animée de festins, Un fauteuil de velours, apaisant et soyeux. C’est une parure délicate et précieuse, Elle est fugitive, bien souvent très joueuse, Le temps nous est compté, tâchons d’être heureux !
HERAULT
MONTPELLIER
Clémence Gualy, A travers toi ; Université Paul-Valéry Montpellier (L1 Philosophie)
Mention spéciale « Université » du concours de poésie Matiah Eckhard 2017
A travers toi
Je t'écris de la main de tous ceux qui ont su lire en toi:
Amour, Passion, Folie,
connaissance du bonheur.
Liberté...Liberté...Liberté...
Il y a des gens qui ont des yeux,
qui en disent long.
Des yeux, leurs yeux, ces yeux,
sont comme des miroirs fenêtres.
Qu'attendons-nous?
Liberté...Liberté...Liberté...
Coeur qui bat, trop fort, bien trop fort.
Est-ce contagieux? Est-ce amer?
Comment dire...si gangreneux!
La peur, la peur nous emprisonne,
empoisonne le plaisir en repère.
Écoutez! Écoutez! Proclamons:
Liberté...Liberté...Liberté...
Voir la peine, voir la paix.
La mort, la naissance.
Le doute, la foi.
Aggravent, transpercent, pénètrent
l'émotion secondaire à une blessure,
un manque, une frustration.
Liberté...Liberté...Liberté...
Tam-tam, Djembé, Tambour, Congas, Balafons,
Réveillez-vous! Que faites-vous?
Debout! Debout!
Enfin exprimez-vous!
Rendez-vous de l'autre coté.
Je serai là.
Liberté...Liberté...Liberté...
Étendard!
Noir, Rouge, Bleu, Vert, Jaune, Blanc,
Changeons les larmes en rires!
Éteignons ces hivers.
Brisons le silence qui nous fait froid
dans tout le corps.
Détruisons ces brûlures en nous.
Unissons-nous!
Pour eux, pour nous, pour tous!
Liberté...Liberté...Liberté...
Oh liberté!
Tombe, tombe la fièvre.
Bénissons le saut de l'ange.
Un cri! A présent un homme!
Donnons par amour, par défi,
parce que j'y crois!
Mes frères, mes sœurs!
Pardonnons les erreurs et les folies.
Liberté...Liberté...Liberté...
Danse là, Chante là.
Sent là, Respire là.
Propage là!
La foule te répondra:
Liberté...Liberté...Liberté...
Il n'y a qu'une seule et unique façon.
Brodons le ciel en bleu.
Le chemin le plus court, passant par l'amour.
Parcours du cœur, conduisant au bonheur.
Le courage fait les vainqueurs.
Un grand pas vers le chemin de la liberté!
Liberté...Liberté...Liberté...
Konstantinos Graham , Every now and then / De temps en temps. Prix spécial du jury (in
mémoriam) du concours de poésie Matiah Eckhard 2017
Every now and then, I need a counseling session from a King, De temps en temps J’ai besoin d'une séance pour consulter un Roi Imagination’s necessary, Dreams are proof, even bulletproof of it, As long as you don’t shoot at it, L'imagination est nécessaire Les rêves en sont la preuve et même des pare-balles tant que vous ne tirez pas dessus Je suis tombé de la montagne pour en escalader une plus haute Mes rimes sont simples utiles juvéniles If the hate of a mother towards her child can make a man Great, Imagine what love can do to him or her, Si la haine d'une mère envers son enfant peut rendre un homme grand imagine ce que son amour peut faire de lui ou d'elle La foule perd conscience car il n'y a pas de consistance dans sa persistance Inversement elle bricole du Futur en permanence se prétend connaisseur L'esprit s'est brisé d'autre part le flux de ma pensée est aussi unique que l'antilope verte et j'ai besoin de l'intelligence des autres pas d'un zombie cependant Certes J’ai choisi le chemin du poète Et je peux être le diable je peux être toi Alors serre ton esprit sinon il glissera et dérivera dans toi
Και όταν σου λέω ότι ξέρω κάτι Σημαίνει ότι δεν ξέρω κάν 19 ans Tel un sophiste j'étais dans mes pensées alors l'infanterie médicale m'a enfermé pour me soumettre à une stratégie de récupération stupide Je me sentais comme s'ils voulaient que je retienne que je maintienne un pet Pas de rires pendant que le système vous forme pour que vous deveniez personne Mais dans l'harmonie une âme peut s'élever devenir énergie synergie -comme un bébé-comète surgissant du ventre - Sérieusement historiquement parlant Me voici Je suis KonstanT. Je mange la douleur comme un comestible Lève-toi et travaille Comme l'incroyable K. Incorruptible crédible pratiquement inexplicable Le processus de traitement de l'intangibilité c'est cela c'est ce que je reçois quand je respire le respect Malgré le fait que je suis fragile J'espère toujours comme une ficelle attachée à une corde Et je me moque de ce que vous pensez de moi étant fragile et éclatant Car l'œil de l'aigle est le thème de ma bataille et mentalement je peux à peine voir comment ne pas être moi
moi et toi-même Donc pas de cordes attachées à T. Sauf Dieu tu me sens? Je dois m'exercer exorciser mon ingéniosité comme une douleur musculaire d'un scintillement tirer ma flamme mon flux Exposer la beauté les couleurs les rayures Comme un tigre audacieux je m'en irai C'est une attitude positive Une attitude mentale musicale Nous en avons besoin Tout comme de l'expérience de la négativité Ολα γίνονται για την προδοσία Tout advient pour la trahison J'ai trahi le diable C'est pourquoi je respire encore Je me suis retrouvé moi-même à travers de la belle poésie C'est pourquoi je remercie tout grand esprit Pour leur philanthropie et / ou leur philosophie Comme Mahatma Ghandi Ils peuvent penser que je suis arrogant Parce qu'ils m'appellent le Caucasien et c'est bien Trop d'amour pour l'humanité Peut conduire à la haine envers tout le monde Είναι σαν να χτίζω σε στίχους, Κοκκινίζω, Κάθε φορά που βρέχει, Θυμάμαι ότι είμαι ευλογημένος, Παλιά, Το σαξόφωνο μου ήταν το εργαλείο μου ενάντια στο άγχος,
Μαμά, είμαι διαφορετικός, Κανένα πτυχίο για μένα αυτό το Σαββατοκύριακο, μαμά Αν και το ξέρω, Είναι σημάδι επιμονής... C’est comme si je construisais avec les vers Je rougis Chaque fois qu’il pleut Je me souviens que je suis béni Une fois le saxophone était mon instrument contre l’angoisse Maman, je suis différent Aucun diplôme pour moi ce week-end, maman Même si je sais c’est un signe de persévérance
ILE DE FRANCE
PARIS - LYCEE HENRI IV
Juliette Gueron-Gabrielle, On ne se jette pas d'un escalier 2°. Enseignante : Régine
François.
1er prix Catégorie lycée du huitième concours de nouvelles ouvert aux élèves du secondaire et postbac des lycée Henri-IV et Louis le Grand ainsi que ceux de l'Ecole Estienne. Thème proposé : l'escalier
L'appréhension monte. Doucement.
Le sentiment d'être prise au piège aussi.
Mais elle ne devrait pas paniquer.
Une Delarince ne panique pas.
Non, elle fait ce qu'on attend d'elle.
Comme dirait sa mère, on se tient.
D'ailleurs c'est une bonne enfant; on le lui répète aux réunions familiales.
Et puis chaque année, elle trouve les bonnes réponses aux questions des invités : « mais oui
je continue le violon, oui je vais dans le même lycée que le cousin Charles et… (liste
interminable de prénoms qui sonnent bien) ».
La limousine arrive. Elle entre, s'assoit.
Le chauffeur lui parle.
Elle lui répond du bout des lèvres, comme elle a vu sa mère le faire.
Siège mou. Ceinture bien sanglée. Rues de Paris, grands boulevards Haussmanniens.
Ciel violet, moqueur.
Elle enfonce ses doigts à l'intérieur de ses paumes.
La peau, molle et résignée, cède.
Elle se calme.
Inspire, expire, son psy serait fière d'elle, dans la famille ils ont tous un psy, le plus cher de
Paris, selon son site Internet il est là pour aider ses clients à gravir les étapes importantes de
la vie.
Hum hum.
Dans les faits, il est le punching-ball des Delarince, le seul à qui ceux-ci puissent vraiment
parler. Le seul qu'ils puissent librement engueuler.
C'est un défouloir humain ; devant lui les masques tombent.
Et, patiemment, il observe ses patients se décomposer, puis recolle les bouts, pour qu'en
sortant leurs sourires semblent vrais et leurs envies de liberté, de tout plaquer, étouffées.
Jusqu'à la prochaine séance tout du moins.
C'est lui qui donne les médicaments, étouffe les hurlements, essuie les larmes.
Marie se détend, retire ses ongles de sa peau.
Cinq petits croissants rouges par paume.
Le visage de Jérôme ayant pris le dessus de ses pensées, elle sourit, vaincue.
Qu'est-ce qu'il est moche. Égocentrique. Comme elle le hait, elle le hait. Et pourtant, elle est
là, bordel de merde, voilà ce qu'elle ne pourrait jamais dire mais on ne peut pas lui interdire
de le penser, bordel de merde elle est dans une limousine qui à chaque instant menace de la
livrer aux bras de Jérôme, de ce plouc. Plouc en costard. Absurde. Quelle situation absurde.
Vite, elle agrandit son sourire, étire ses lèvres rouge vif, de loin c'est comme une plaie
béante qui s'ouvre entre son nez et son menton, comme un pétale de rose qu'on aurait
étouffé dans son poing, gratté avec l'ongle, et qui en mourant devient écarlate et se fend ;
vite vite, Marie se le répète intérieurement, un grand sourire, sinon elle va pleurer, Jérôme
ne peut pas la voir avec des yeux bouffis, rougis, ah ça non.
Le chauffeur la regarde discrètement à travers le rétroviseur.
Il pense, mais quel sourire de psychopathe elle a cette fille, Marie elle s'appelle si je me
souviens bien ; pourquoi est-ce que je tombe toujours sur les tarés, j'aimerais bien qu'on me
l'explique, n'empêche que bon, j'suis jamais tombé sur pire que le pauvre Jojo, quand il avait
dû emmener dans son taxi neuf une grand-mère et sa gerbille à la gare et qu...
Ça y est, le conducteur l'a oubliée.
Remâche vaguement son chewing-gum.
Chouin chouin chouin.
Le parfum de la menthe emplit la voiture, s'enfuit en vaguelettes par la fenêtre ouverte du
conducteur.
Si elle en avait le courage elle sauterait de la voiture. Elle serait enfin libre de ses
mouvements, et alors elle irait, elle irait… où elle irait n'a aucune importance finalement,
puisque la destination ne serait pas planifiée.
Elle respirerait, ouvrirait sa chemise et jetterait son soutien-gorge push-up une taille trop
petite - mais si c'est la bonne taille c'est normal que ça serre qu'elle avait dit la vendeuse, et
elle irait se nourrir directement au sein du ciel, du lait de la nuit et du miel des étoiles,
s'enivrant de l'odeur du crépuscule, de cette voûte qui explose en lumière, et sous les rayons
multicolores elle se roulerait dans l'herbe, grimperait le tronc d'un arbre jusqu'aux nuages,
tâtant du bout des doigts la barbe à papa rebondie, et une fois redescendue du toit du
monde elle fouinerait la terre comme un cochon à la recherche d'une truffe ; sans doute, elle
s’échapperait après dans un kebab, elle y est déjà allée une fois en douce, et s’il y a un
escalier qui mène au bonheur alors là, elle avait trouvé un moyen rapide d'y accéder :
enfourner une bouchée de ce pain chaud, de cette viande généreuse, puis une autre, jusqu'à
plus faim ; et aussi elle entrerait dans un bar underground, pas pour embrasser des inconnus
ni quoi que ce soit de ce style, non, elle a gardé depuis l'enfance ce dégoût du corps qui est
quasiment un trait héréditaire des femmes de sa famille : par exemple, elle ne peut pas se
mettre en maillot de bain, ce qui dépasse du tissu la dégoûte ; elle a aussi horreur des
contacts charnels, c'est comme ça, une habitude qu'elle n'arrive pas à casser, des années
d'humiliations qui remontent, des injonctions qu'elle ne peut oublier : Marie, ne me touche
pas avec tes mains sales ; tes mains pleines de verrues ; tes mains pleines d’eczéma, Marie,
ne t'approche pas trop près de mon visage, tu vas me transmettre tes boutons, Marie, rajuste
ta jupe, personne ne veux voir tes grosses cuisses, Marie TIENS TOI ! Non, si elle veut entrer
dans un bar underground c'est pour le bruit. Les discussions, le flux sonore, l'écoulement
pâteux des voix réveillant la salle. Parfois, quand elle étouffe tellement qu'elle n'arrive plus à
étouffer discrètement, c'est-à-dire étouffer dans le plus pur style Delarince, en pinçant les
lèvres et communicant sa détresse aux autres par des remarques perfides, elle sort, et court
n'importe où où elle peut entendre des voix - un parc, un centre commercial, un restaurant,
un bar - histoire d'inspirer les bouffées sonores qui s'y trouvent, parce qu'alors elle sait qu'il
y a d'autres personnes. Et que toute sa famille pourrait mourir, qu'il resterait toujours cette
Lili qui rit trop fort et cet Islem qui imite Trump, ma foi, pas si mal.
Une fois à l'intérieur de ce bar, en écoutant toute cette populace, elle prendrait des
décisions.
La première serait de ne pas aller voir Jérôme.
Jamais.
Mais bon, elle ira.
Le sait pertinemment.
Continuera de faire ce qu'on attend d'elle.
Indéfectiblement.
Chaque année il devient plus dur pour elle de dire non.
Au fil des ans elle est devenue une vraie Delarince, elle ne peut plus demander une trêve, ne
serait-ce qu'une journée pour pleurer et rire comme une hyène, une journée pour laisser son
ça prendre le dessus, et voir qui serait encore à ses côtés le soir venu.
Une journée, c'est trop, et jamais elle ne pourra jouer ou puer et pas se laver ; hurler
« j'encroûte les poissons » comme elle a entendu un jeune homme très bien habillé le faire à
la fin de la messe de Noël. (Ce fut, d'ailleurs, l’événement le plus fou, le plus inouï, le plus
désopilant qu'il lui soit jamais arrivé.)
Concrètement, elle pourrait le faire. (Pas hurler dans une église, non ; se rebeller par petites
touches plutôt.) Dans un premier temps, plus de make up, puis plus de sous-tifs, plus de
sourires forcés…Mais elle ne le fera pas parce que toute sa vie on lui a transmis la peur de
perdre, de perdre sa place dans la société, de perdre le respect que les succès et les
richesses de sa famille lui confèrent, de perdre sa popularité, de perdre la multitude d'objets
qu'elle possède et qui la possèdent en retour… Être libre, c'est pouvoir tourner le dos à ce
qu'on est devenu ; c'est pouvoir partir, Marie a entendu un mélancolique murmurer lors
d'un rallye.
A défaut de pouvoir partir elle ira voir Jérôme.
Elle ira voir Jérôme et validera cette étape, grimpera encore une marche dans l'escalier qu'a
emprunté toute sa famille. Cet escalier des devoirs et des pratiques qui fait la force de sa
famille. Qui consolide l'empire des Delarince. Les tue à petit feu, étouffe dans l'œuf toute
originalité, et plus on monte moins y'a d'air c'est connu, pour qu'à partir d'une certaine
altitude il ne reste d'eux qu'un nom, Delarince - le reste gît quelque part sur la route,
abandonné à la hâte, parfois on retrouve une lettre d'amour passionnée ou une vidéo
scabreuse, mais c'est rare. Arrivés en haut de l'escalier, les héritiers dirigent cette entreprise,
l'entreprise Delarince, éduquent de nouveaux Delarince, et meurent, fiers d'avoir contribué
à consolider la machine. Et puis, c'est tout.
Il n'y a pas de place pour le doute ; surtout ne rien questionner. Comme pour Dieu quelque
part. Parce que commencer à douter, c'est faire craquer les fondations de ce qu'on nous a
appris. Fissurer le moule qui forme soigneusement chaque Delarince.
C'est se jeter de l'escalier. Peut-être vivre, vivre la chute, et être libre ne serait-ce qu'un
instant, mais on ne se jette pas d'un escalier.
Donc elle gravira cette marche qui la dégoûte, riant avec Jérôme, embrassant Jérôme, se
soumettant encore un petit peu plus, s'asphyxiant de son plein gré ou presque, et aux
réunions familiales elle aura trois nouvelles réponses : oui, j'ai un copain, oui, c'est le fils des
Deroy et oui, j'ai gagné un prix à un concours de nouvelles.
Et allez hop, une marche.
Julie Lods, Abîme, 1ère. Enseignante : Régine François.
2ème prix Catégorie lycée du huitième concours de nouvelles ouvert aux élèves
du secondaire et postbac des lycée Henri-IV et Louis le Grand ainsi que ceux de
l'Ecole Estienne. Thème proposé : l'escalier
Il se souvenait parfaitement de ce rêve. De chaque détail, de chaque sensation. Le décor
n'était pas très complexe. Un escalier ou plutôt une suite de marches que rien ne reliait
descendait, entourée d'un halo incolore. Cette descente n'avait pas de fin, il le savait. Toutes
les lignes étaient droites, d'une rigidité angoissante. Les contours secs des marches, leur
trajectoire rectiligne. La longueur irréelle de ses jambes.
Cet escalier ne lui permettait pas de monter. En effet, au fur et à mesure qu'il avançait, les
marches qu'il avait foulées se désagrégeaient. Ne restait plus alors que le halo incolore. Il
aurait été inimaginable de rester sans bouger. Une force écrasante, propre aux rêves, le
poussait à descendre. A chaque marche, un malaise de plus en plus étouffant s'emparait de
lui. Quelque chose le terrorisait, mais il lui aurait été impossible de dire ce que c'était. Un
enfant apparut, monta des marches imaginaires sans lui accorder un regard. Puis il disparut.
Il aurait voulu l'interpeller. Finalement, il eut la force de se jeter dans l'abîme inexistant qui
entourait l'escalier. Il se réveilla.
S. resta longtemps devant son miroir, hébété. Aujourd'hui il avait 21 ans. Cette année encore,
par principe, il ne fêterait pas son anniversaire. Cette fête ne voulait rien dire pour lui, il
n'avait pas vraiment changé. Ses convictions restaient toujours les mêmes, à quelques détails
près. Il avait toujours une seule grande et unique passion, la peinture, même si en y
réfléchissant bien (ce qu'il n'avait pas très envie de faire), cette passion était plutôt devenue
une habitude. Même physiquement il était resté le même, c'était surprenant : toujours ce
demi-sourire légèrement enfantin, ces grands yeux ronds de fille, ces lèvres roses et
charnues qu'il mordillait avec une naïveté affectée. Le jeune homme revendiquait
ardemment cette absence de changement. Il ne devait surtout pas « grandir trop vite »,
voire pire, « mal tourner » comme disaient ses parents. Ses parents... Ils le comprenaient
vraiment, eux. S. n'aurait pas supporté de baisser dans leur estime. De toute manière, il était
toujours irréprochable.
8h05 ! Il dévala les escaliers, mais s'arrêta soudain, esquissant un sourire ironique. Amusé, il
remonta deux ou trois marches, réfléchit quelques secondes, rit d'un rire forcé et descendit à
toute vitesse.
Aux Beaux-Arts, il devait s'approprier une œuvre de son choix. Sans réfléchir, il pensa
immédiatement à l'escalier d'Escher, un trompe-l’œil où un défilé de soldats encagoulés
parcourt un escalier sans issue, qui ne va nulle part, qui monte et qui descend en même
temps. Cette gravure l'obsédait depuis qu'il avait seize ans. Il choisit de faire sauter ces
personnages aveugles dans l'abîme qui trouait cet escalier. Comme ça, ils iraient enfin
quelque part. Ils ne stagneraient plus.
Non, cette interprétation ne lui plaisait pas. D'abord, parce que les personnages ne «
stagnaient pas », ils étaient constamment en mouvement. Ça en devenait presque
oppressant. Oui, c'était cette oppression qu'il avait voulu combattre, ce mouvement
perpétuel qui lui donnait mal à la tête. Il réfléchit à une analyse qui lui convenait davantage :
les personnages arrêteraient enfin d'avancer. Ils ne seraient plus obligés de sans cesse gravir
des marches. C'était tellement fatiguant de toujours devoir bouger, évoluer, tellement risqué
aussi... Et surtout, devoir marcher pour aller nulle part, pour rester prisonnier d'un escalier
sans issue, n'y avait-il rien de plus terrible ? Sauter dans l'abîme apparaissait comme la
meilleure des solutions.
En arrivant devant chez lui, il vit une voiture de police garée devant son immeuble. Un voisin
(qu'il ne connaissait pas) était tombé dans la cage d'escalier cet après-midi. Après le visage
horrifié et les quelques paroles d'usage, il monta au cinquième étage. Sans vraiment savoir
pourquoi (le stress peut-être, sa journée aux Beaux-Arts avait été épuisante), S. resta
quelques minutes abruti sur le palier, n'osant pas introduire la clef dans la serrure. C'était
ridicule, mais ce sentiment de malaise persistait : il voulait s'enfuir. S. se força à rire.
Exaspéré contre lui-même, il ouvrit brutalement la porte. En entrant dans sa chambre, il
resta médusé devant son mur, le cerveau embué. Pendant qu'il était en cours, « on » avait
accroché entre son étagère d'intellectuel et sa lampe Ikéa une reproduction du dessin qu'il
venait de travailler : l'escalier d'Escher. Une chose cependant avait été modifiée ; un
personnage noir d'encre, au lieu de défiler aveuglément avec autres, se penchait
dangereusement vers l'abîme.
Qui avait la clef de chez lui ?? Personne... Non, c'était impossible. Sa sœur peut-être ?! Le
mois dernier, il lui avait prêté un double. Mais elle le lui avait rendu, non ? Apparemment
non. Voilà, tout s'expliquait. Quand même, il n'était pas si proche de Marie... et puis ce
n'était pas du tout son genre les surprises comme ça. Quoique... pourquoi pas après tout ? Il
pouvait l'appeler. Pour être honnête, il n'en avait pas très envie, craignant un : « Mais
qu'est-ce que tu racontes S. ? Moi, m'introduire chez toi ? Pour qui tu me prends ? Allez,
bonne nuit, je dois coucher les jumelles.» Oui, il lui téléphonerait demain. De toute manière,
ça ne pouvait être que Marie.
S. se coucha. Et il refit le même rêve. Les mêmes marches, la même descente infinie, la
même angoisse, le même abîme, la même obligation d'avancer. Sauf que là, il savait ce dont
il avait peur. Quelqu'un (qui bien entendu lui voulait du mal) allait venir à sa rencontre. Il en
était sûr. Il croyait entendre des bruits de pas. Pourtant personne ne peut monter cet
escalier... Et l'enfant du premier rêve? Oui, mais il marchait dans l'autre sens... S. ne savait
plus... N'était-ce pas absurde de chercher une logique à un rêve? Et puisque c'était un rêve,
l'autre pouvait arriver d'un moment à l'autre. Il guettait le fond infini de l'escalier. S.
continuait de descendre, ses jambes avançaient de plus en plus vite... Un jeune homme
apparut, monta quelques marches imaginaires toujours sans lui accorder un regard et
disparut.
Une fois encore, S. réussit à se projeter dans l'abîme. Une fois encore, il se réveilla.
Sa première pensée fut pour le dessin. Hésitant, il leva les yeux. Il était toujours là. Logique.
En descendant, il trouva une lettre : le jeune homme avait encore remporté un prix à
l'important concours Olymp'Arts. Il téléphona immédiatement à ses parents.
– Mon petit chéri, papa et maman ne sont pas du tout étonnés.
Au cours de la journée, rien de spécial. Ah si, à plusieurs moments, il eut le sentiment
désagréable de redire des choses qu'il avait déjà dites. Mais ça, ça n'était pas nouveau.
Quand on lui parlait, il n'avait pas besoin de beaucoup réfléchir avant de répondre : les
thèmes abordés lui étaient familiers et il avait des opinions élaborées et ancrées sur chacun
d'eux.
Le soir, il essaya de rester le plus longtemps possible hors de chez lui. Au bout d'un moment,
il fut quand même obligé de rentrer. En arrivant dans sa chambre, ses yeux furent attirés par
l'immense reproduction qui trônait, narquoise, sur le mur.
Non.
Si.
Non.
Et pourtant si.
Quelque chose avait changé.
Rien de spectaculaire, mais pour lui, c'était flagrant.
Un des soldats encagoulés dévisageait le personnage suicidaire. Il en était sûr. Normalement,
les personnages passaient leur chemin, ignorant presque la présence des autres. Mais là, un
soldat aveugle avait momentanément arrêté sa marche pour contempler le nouveau. Aucun
doute possible.
Il attendit, immobile, que quelque chose se passe. Quelque chose devait arriver, un
événement surnaturel, un dénouement, une explication ! Non. La pièce était calme, froide
et silencieuse, comme d'habitude. Il n'osait pas bouger. Un mouvement troublerait cette
normalité factice.
S. finit tout de même par avancer, calmant son souffle, vers la reproduction qu'il déchira le
plus vite possible. Comme s'ils allaient se métamorphoser entre ses doigts, il jeta
violemment les morceaux dans la corbeille. Rien ne se passa.
Toute la nuit, il lutta contre le sommeil. Il ne devait surtout pas s'endormir. La moiteur de son
lit l'appelait. Il hésitait à appeler la police, mais il imaginait déjà le rire gras ou le soupire
exaspéré au téléphone. Il voulait aussi s'empêcher de réfléchir, c'était trop angoissant.
Finalement, à l'aube, exténué il ferma les yeux juste quelques secondes.
Cette fois-ci, S. ne se réveillerait pas. Il descendait les marches d'un mouvement mécanique.
Le bruit des pas qui se rapprochaient devenait assourdissant. L'autre personnage allait
arriver. Lui, avait été recouvert de noir. Mais cet escalier ne formait pas une boucle. Non, il ne
pouvait que descendre. Il tenta désespérément de se jeter dans l'abîme. Inutile. Il revenait
au même endroit, comme dans un jeu vidéo. Il se demanda alors s'il avait plusieurs vies, si au
bout d'un moment il finirait par mourir. Mais il n'était pas censé mourir, il était juste censé
descendre. Au fur et à mesure que les marches s'effaçaient derrière lui, elles gagnaient en
hauteur Qu'est-ce qui lui arrivait ?? Ses mains devenaient de plus en plus potelées, ses pieds
de plus en plus petits... Les pas se rapprochaient toujours. S'il descendait encore, il... Non. Il
ne pouvait pas mourir. Mais les marches semblaient être de plus en plus hautes... de plus en
plus infranchissables. Il sentait ses jambes devenir molles sous lui. Elles lui faisaient mal. Sa
tête trop lourde penchait vers l'avant. Encore une marche. Une silhouette en noir et blanc
apparut devant lui. Un vieil homme proche de la mort. Il s'arrêta un instant. Le jeune homme
se reconnut dans ces traits flétris, comme il aurait pu se reconnaître dans ceux du petit
garçon ou de l'adolescent. « Bon anniversaire ». Puis il repartit, terminer la vie que S. ne
voulait pas vivre.
Il se mit à quatre pattes. C'était plus facile comme ça. Chaque marche lui prenait une éternité
qu'il n'avait pas. Il finit par se laisser rouler.
PARIS - LOUIS-LE-GRAND
Esther Carraud , Disneyland , élève de classe préparatoire HK1
Le cheval était blanc, et le prince était beau.
Derrière lui, la cape cramoisie claquait comme un drapeau. Toute brodée, qu’elle était, avec
ses étoiles d’or et ses pompons ardents ; elle en jetait pour sûr, et pas un moindre éclat, l’éclat
du pavillon agrippé à son mât, quand il revêt la lumière… Le ciel par devant dégageait ses
nuages, rougissant de leur laine, grossière, effilochée, époussetant les moutons que le
troupeau laissait ; une fois que l’azur était bien saturé, il déployait sa robe comme une
écolière.
C’ETAIT QUELQUE CHOSE DE LE VOIR SURGIR, DROIT COMME UN I, TAILLE EN V, LE CORPS D’UN
DIEU ET L’AME D’UN CHEVALIER ; JAMAIS EN RETARD, TOMBANT TOUJOURS A PIC, IL S’APPELAIT
GUEPARD, FERRARI OU SONIC.
Les ramures s’écartaient comme des photographes : c’est le son du galop qui annonce la star.
On sonne le gong, on s’active dans l’ombre, on dirige le soleil vers sa descendance blonde…
L’astre va tâtonnant, aveuglé par ses feux, il court après son crush d’adolescente en chien, la
tresse défaite, l’iris éclaté, pleurant des aurores par son orbite brûlée ; mais il n’a pas de bras
pour retenir son bien.
LES OISEAUX TROMPETAIENT, LA FORET EXTATIQUE PANIQUAIT COMME UNE FAN ; MAIS LE
PRINCE FONÇAIT, MAIS LE PRINCE PASSAIT : PAS UNE MECHE NE LUI COLLAIT AU VISAGE. SON
REGARD ETAIT DROIT COMME UN JAVELOT ANTIQUE ; UNE RAIE SUR SA TETE SCINDAIT LES
HEMISPHERES, LE CIEL ET LA TERRE, LE BIEN ET LE MAL, DICHOTOMIE CAPILLAIRE, MUR DE
BERLIN EN PLEIN MILIEU D’UN CRANE. POUR LE RESTE, C’ETAIT LE NEZ, CENTRE, LE MENTON,
CARRE, LE MUSCLE, DESSINE ; C’ETAIT LA FORCE ET L’HARMONIE, LA SYMETRIE ET… C’ETAIT
PARFAIT.
PARFAIT GALOPA PLUSIEURS HEURES DURANT, DIRECTION DONJON, DANGER, PRINCESSE A
SAUVER, HAPPY ENDING ET RECOMMENCER, JAMAIS FATIGUE, TOUJOURS LA PECHE ET LA
VICTOIRE FACILE…
UN PEU D’ACTION ? PARFAIT SORT SON EPEE. L’ACIER LUIT ; IL A SOIF. PARFAIT PREND SON
ELAN. PARFAIT POURFEND. LA SORCIERE TOMBE, COUPEE EN DEUX. SON CRI S’ELOIGNE. TROP
FORT, PARFAIT. LE BRUSHING EST RESTE IMPECCABLE. LA VOIE EST LIBRE : PLUS DE RONCES,
PLUS D’ORAGE, PLUS DE MAL SUR LA TERRE ; PARFAIT EST UN ASPIRATEUR QUI NE TOMBE
JAMAIS EN PANNE.
RESTE LE DONJON. ET ELLE. ET LE BAISER. PAUSE VANITE : PARFAIT INSPECTE SON REFLET
DANS LA MARE. PAS LE TEMPS DE SE MIRER ; L’IMAGE RESTE, MAIS LE PRINCE PART. SES
REGARDS SE POSENT SUR LA PRISON DE PIERRE : ELLE L’ATTEND, IL LE SAIT, SON CŒUR BAT SOUS
LE LIERRE QUI COUVRE LA FAÇADE. LES PAUMES ETENDUES, LES DOIGTS ECARTES, IL POUSSE LES
PORTES COMME UNE STAR DE THEATRE. LE JOUR ENTAILLE LA NUIT, ET LE BELIER SOLAIRE,
MUGISSANT SON TRIOMPHE, ENFONCE LES TENEBRES QUI SAIGNENT DES ETOILES.
FACE A LUI, UNE VOLEE DE MARCHES. PARFAIT LES GRAVIT QUATRE A QUATRE. LA CAPE
ONDULE, LA BOTTE IMMACULEE SURVOLE LES ETAGES ; CHAQUE PIERRE QUI S’AVANCE EST
COMME UN PIEDESTAL, EPHEMERE, UN TREMPLIN TEMPORAIRE QUI LE FAIT S’ELEVER, VERS ELLE,
VERS LE BAISER… LE DONJON EST TRES HAUT, MAIS PARFAIT GRIMPE VITE. LA NATURE FREMIT,
LE SOLEIL EBLOUI SE COLLE AUX MEURTRIERES, TOUT SE TAIT, TOUT SE TEND, TOUT SE HISSE SUR
LA POINTE DES PIEDS ; DANS LES MURS, PAS UNE FISSURE QUI NE SOIT COLMATEE PAR UNE
CHRYSALIDE, UNE FAMILLE DE FOURMIS, UNE CLOCHETTE TIMIDE, UN FAUCHEUX ATTENDRI…
PARFAIT S’EN FICHE – PLUS TARD LES AUTOGRAPHES ! IL EST ARRIVE ; IL N’EST PAS ESSOUFFLE ;
UNE NOUVELLE PORTE FAIT BARRAGE. SON BRAS, LONG ET SOLENNEL, SE TEND VERS LA
POIGNEE. LE METAL EST GLACE ; LA PEAU FRISSONNE, PARFAIT HESITE, UN DECLIC, LA PORTE
S’OUVRE ET…
LE CHEVAL ETAIT BLANC, ET LE PRINCE AVAIT CHAUD.
DERRIERE LUI, LA CAPE ALOURDIE PESAIT COMME UN FARDEAU. TOUTE FROISSEE, QU’ELLE
ETAIT, AVEC SES ETOILES JAUNES ET SES POMPONS TROP GROS ; ELLE AVAIT RETRECI POUR SUR,
ET ELLE ETAIT RAPEE, RAPEUSE COMME UNE CARPETTE TROP LONGTEMPS PIETINEE… C’ETAIT
INUTILE, ET PUIS ÇA TENAIT CHAUD, TRES CHAUD. LE CIEL TRAINAIT DANS SON PEIGNOIR TROUE ;
LES NUAGES S’ACCUMULAIENT, LA LAINE S’EMMELAIT, L’AZUR PRENAIT UNE ROUGEUR
AFRICAINE.
C’EST VRAI, ON LE VOYAIT PASSER, CE DIEU DECHU, UN PEU CHEVALIER, PLIE COMME UN L,
TAILLE EN B… JAMAIS EN RETARD, NON, JAMAIS. ON LE SAVAIT, C’ETAIT SON TIC D’ETRE
PONCTUEL, ET C’ETAIT OBSEDANT, CE TROT LOURD ET LANCINANT, ÇA VOUS BALLOTE LES
TYMPANS COMME UN VASTE VERTIGE…
LE DOS CASSE SUR LA BETE, IL BAISSAIT LA TETE POUR EVITER LES BRANCHES. IL FAISAIT CHAUD,
TRES CHAUD DANS CETTE FORET. LE PRINCE SUAIT, LES FEUILLES MORTES CRAQUAIENT SOUS
LES SABOTS CROTTES. LES VIBRATIONS DU SOL DERANGEAIENT TOUT LE MONDE, CETTE SIESTE
UNIVERSELLE DES CHOSES INSTITUEES… QUAND LE PRINCE PASSAIT, ON ENTENDAIT A PEINE
SONNER LE REVEIL. ON S’EBRANLAIT POURTANT, ET SANS TROP SE HATER, COMME UN LUNDI
MATIN QUI PUE LE CAFE, ON SE RANGEAIT EN SILENCE ET PUIS ON ATTENDAIT. PAR HABITUDE,
ON SECOUAIT LE SOLEIL. L’ASTRE VA KLAXONNANT, ALLUMANT TOUS SES FEUX, LA NUIT A ETE
BLANCHE, IL A RELU TWILIGHT SANS AUCUN ENTHOUSIASME ; IL A DES CERNES, LA TRESSE
DEFAITE, L’IRIS ECLATE : S’IL AIME ENCORE, C’EST SEULEMENT POUR NE PAS S’ENNUYER.
LE PRINCE FIXAIT UN POINT : ÇA CALMAIT LA NAUSEE. IL N’AVAIT PAS MIS DE GEL, ET LA RAIE
SUR SA TETE ZIGZAGUAIT COMME UN CONDUCTEUR IVRE. POUR LE RESTE, C’ETAIT LE NEZ,
ENRHUME, LE MENTON, AFFAISSE, LE MUSCLE, EFFACE ; C’ETAIT LA CRISE ET L’ALCOOLISME ET…
C’ETAIT IMPARFAIT.
IMPARFAIT CHEVAUCHA PLUSIEURS HEURES DURANT, DIRECTION DONJON, DANGER, BLONDASSE
A BAISER, QU’ON EN FINISSE AVEC CE CONTE DE FEES ; ALLEZ, DE L’ACTION… ON DEGAINE, ON
ENCHAINE, C’EST BON, C’EST TOUJOURS LE MEME BOSS, ET IL VA PERDRE, PARCE QUE C’EST SON
DESTIN. LA VOIE EST LIBRE ; PLUS DE RISQUE, C’EST LA CINEMATIQUE, MAIS COMME IMPARFAIT
EST UN PEU ASTHMATIQUE, IL FAIT UNE PAUSE A COTE DE LA MARE. LES TETARDS CROUPISSENT
DANS CETTE PISSE AQUEUSE, DERANGEANT LES TRAITS DE LA FACE PENCHEE, LA TRAVERSANT,
SANS CRIER GARE… RESTE LE DONJON. ET ELLE. ET LE BAISER. CES LEVRES ASSECHEES PAR UN
TROP LONG SOMMEIL… ON A BEAU L’ARROSER QUE TOUJOURS ELLE SE FANE, CETTE ROSE
OSSEUSE, EPINEUSE, QUE L’ON DOIT TRIMBALLER JUSQU’A LA SALLE DU TRONE.
PLUS LE TEMPS DE TRAINER ; L’IMAGE RESTE, MAIS LE PRINCE PART. IL N’A PAS UN REGARD
POUR LA PRISON DE PIERRE. LE LIERRE MANGE LA FAÇADE, COMME UNE TUMEUR METASTASEE.
SES ARTICULATIONS ROUILLENT PLUS VITE QUE LES PORTES ; LES GONGS GEMISSENT, LES
COUDES FLECHISSENT, C’EST LONG, TRES LONG DE LES OUVRIR, CES FOUTUES PORTES, QUI
PESENT PLUS LOURD QUE LA FATALITE. LE JOUR DEFONCE LA NUIT, ET LE SOLEIL GRIPPAL, SE
MOUCHANT DANS LES TENEBRES, CELEBRE SON TRIOMPHE AVEC 7000 DE FIEVRE.
FACE A LUI, UNE VOLEE DE MARCHES. IL COMMENCE A MONTER. LA VUE DU SOMMET, IL LA
CONNAIT PAR CŒUR. ALORS, IL S’ATTARDE. IL N’Y AVAIT JAMAIS FAIT GAFFE, AU GRAND
ESCALIER. LA POUSSIERE SE TASSE DANS LES ANGLES DES MARCHES, DES ARAIGNEES CREVEES
PENDENT AU BOUT DE LEUR TOILE, RIDICULES MOMIES SUSPENDUES COMME DES SACS... ON
DIRAIT UN SUICIDE COLLECTIF D’ACROBATES. PAR ENDROITS, LA PIERRE SE FISSURE. ON VOIT DE
LA MOUSSE ET DE LA MOISISSURE. CENT ANS QUE CETTE VIEILLERIE N’A PAS VU DE BALAIS… LES
MARCHES SONT DE HAUTEUR INEGALE ; CERTAINES BOMBEES, CERTAINES CREUSEES, DE
CRATERES LARGES COMME DES SEQUELLES D’ACNE… CENT ANS, DEJA, QUE CE CAIRN BRANLANT
SERT D’ABRI AUX MILLE-PATTES… ET PUIS, IL FAIT CHAUD, SI CHAUD DANS L’ESCALIER. POUR
LES PASSER, CES MEURTRIERES RADINES, LES COURANTS D’AIR EUX-MEMES DOIVENT ETRE
ANOREXIQUES. LE DONJON EST TRES HAUT, ET LE PRINCE EST TRES LENT. IMPARFAIT SE
CONSUME, IL HALETE ET TRANSPIRE. PLUS QUE DEUX MARCHES… PLUS QU’UNE… IL EST ARRIVE.
LA PORTE, LA DERNIERE PORTE… IL FAUT LE FAIRE, POUR ELLE, POUR LE BAISER… LE METAL EST
GLACE, LA POIGNEE TOURNE, LA PORTE S’OUVRE ET…
LE CHEVAL ETAIT BLANC, ET LE PRINCE EN LAMBEAUX.
LA CAPE… UNE LOQUE SUR UN DOS… C’ETAIT IDIOT, POUR SUR… CETTE LONGUE LARME… CETTE
LARME SECHEE QUI LUI COLLAIT AUX OS… LE CIEL ON S’EN FICHAIT, ON LE VOYAIT MEME PLUS…
SANS DOUTE QUE… MAINTENANT, HEIN… IL LUI RESSEMBLAIT A LA CAPE… A CETTE LARME
STUPIDE QUI LUI GLAÇAIT LES OS…
IL PASSAIT, ENCORE… JAMAIS, JAMAIS EN RETARD… JAMAIS, MAIS… MAIGRE, CREUSE, COMME
UNE FOSSE… IL N’Y AVAIT PLUS DE RAIE, SES YEUX ERRAIENT FANTOMES… C’ETAIT L’HIVER, OU
L’ETE, LA FORET… QUELLE FORET… QUE DES BRANCHES… DES CISEAUX… DES CISEAUX FOUS QUI
LUI TAILLAIENT LE DOS… ET LE NEZ… LE MENTON… JE SUIS LE TENEBREUX, HEIN NERVAL, LE
PRINCE D’AQUITAINE… LA TOUR ABOLIE… ET LE SOLEIL… TU T’EN SOUVIENS, NERVAL, DU
SOLEIL ? C’ETAIT LE SOLEIL NOIR DE LA MELANCOLIE…
C’ETAIT PARFAIT… IMPARFAIT… PLUS-QUE-PARFAIT… QU’EST-CE QUE ÇA FAIT… QU’EST-CE QUE
ÇA CHANGE… IL S’EGARE LE PRINCE, MAIS IL SAIT OU IL VA… IL VA AU PAS… AU DONJON… SANS
DANGER… IL N’Y A PLUS DE SORCIERE… A QUOI ÇA SERT… ON SAIT QU’ELLE MEURT, COMME
TOUS LES AUTRES… PLUS QU’UNE MARE, PLUS QU’UNE MARE AUX TETARDS, CREVES... EUX-
AUSSI, COMME TOUS LES AUTRES… MAIS C’EST PAS ASSEZ PROFOND… PAS ASSEZ POUR SE
NOYER… IL FAUT VIVRE, IL FAUT MONTER LES MARCHES… POUR ELLE… POUR LE BAISER… CENT
ANS QU’IL ATTEND, CENT ANS QU’IL POURRIT, LE SQUELETTE DE BARBIE DANS SA ROBE DE
POUPEE… SA STUPIDE ROBE DE BAL QUI LUI BOUFFE LES OS…
L’ESCALIER S’ENROULE COMME UNE MUE DE COULEUVRE… MARCHE APRES MARCHE…
MEURTRI… MEURTRIERES… ET DES MURS… ET DES MARCHES… DES ARAIGNEES QUI PENDENT…
MORTES, SUR LEURS TOILES… ON VOUDRAIT FAIRE COMME ELLES… CESSER D’EXISTER… VOIR
LE MONDE A L’ENVERS, ET REJOINDRE LE CIEL, MAIS LE CIEL POUR ELLES, C’EST TOUJOURS
L’ESCALIER… ALORS ON CONTINUE… CETTE MONTAGNE, CES PIERRES… CES FOSSILES
D’ENFANTS QUI CROYAIENT AUX SORCIERES… AUX PRINCES, AUX PRINCESSES… C’EST FINI…
PERSONNE NE REMBOBINE LA CASSETTE… PERSONNE NE MONTE L’ESCALIER… SAUF LE PRINCE…
SAUF LE SPECTRE DU PRINCE, DANS LA TOUR OUBLIEE… IL TREBUCHE, LES OS CASSENT UN PEU
PLUS A CHAQUE MARCHE RATEE… EST-CE LA BELLE AU BOIS DORMANT, OU LES NOCES
FUNEBRES ?
IL ARRIVE MALGRE TOUT, CAR IL N’A PAS LE CHOIX : IL EST LE SOUVENIR DE L’OMBRE
D’AUTREFOIS… LA PORTE EST DEVANT LUI, LE METAL EST GLACE, SES DOIGTS UN A UN SE
BRISENT SUR LA POIGNEE, LA PORTE S’OUVRE ET…
LE CHEVAL ETAIT BLANC.
C’EST TOUT CE QUE JE SAIS.
MOSELLE
SARREBOURG
Esther MILON, Frissons. 1er prix étudiants du concours de poésie Matiah Eckhard2017
C'est une ombre passante, un souvenir froissé,
Une rumeur innocente, le soupçon d'un baiser,
C'est un baume sonore, à l'oreille, un murmure,
Quand viennent vents du Nord, et bruissements des ramures,
C'est la mer qui soupire, l'écoulement des eaux,
Les remous du désir pour des matins plus beaux,
C'est un battement de cœur, lorsqu'il s'était éteint,
L'émouvante lueur de l'horizon lointain,
C'est la voix délicieuse d'un ange qu'on aperçoit,
La folie silencieuse, que l'on garde pour soi,
C'est le rythme effréné du temps qui s'éternise,
Les frayeurs émergées de nos vielles hantises,
C'est un feu dévorant, une fièvre farouche,
Le frisson qui nous prend quand s'étreignent nos bouches...
C'est l'étrange stupeur dans l'union des corps,
Le rêve qu'on effleure, auquel on croit encore,
C'est le secret caché tout au fond du poème,
C'est le chagrin d'aimer, le bonheur quand on aime,
C'est un festin nouveau, un chant que l'on savoure,
La musique et les mots, la poésie, l'amour.
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