les gastrites chez les felins en parcs zoologiquesgastritis in felines held in zoos is of...
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LES GASTRITES CHEZ LES
FELINS EN PARCS
ZOOLOGIQUES
Gastritis in wild felids in zoological parks
Mathilde GLUNTZ
Travail de fin d’études
en Médecine Vétérinaire
présenté à l’Université de Liège
ANNÉE ACADÉMIQUE 2016/2017
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LES GASTRITES CHEZ LES
FELINS EN PARCS
ZOOLOGIQUES
Gastritis in wild felids in zoological parks
Mathilde GLUNTZ
Tuteur : Professeur Mainil J.
Travail de fin d’études
en Médecine Vétérinaire
présenté à l’Université de Liège
ANNÉE ACADÉMIQUE 2016/2017
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LES GASTRITES CHEZ LES FELINS
EN PARCS ZOOLOGIQUES
OBJECTIF DU TRAVAIL
L’objectif de ce travail est d’évaluer la place que les gastrites occupent dans le panel de
pathologies rencontrées en médecine zoologique, plus particulièrement chez les Félidés. Il
s’agit d’abord de définir ce qu’est une gastrite et d’en identifier les causes. Les gastrites à
Helicobacter étant les plus présentes en zoos, il convient ensuite d’évaluer les espèces cibles
et les signes cliniques présentés, et enfin les traitements associés. Les données
bibliographiques sont comparées aux données trouvées sur le terrain.
RESUME
Au début des années 1980, la bactérie Helicobacter pylori est décrite en médecine humaine,
considérée comme le pathogène dominant dans l’estomac humain. D’autres espèces du genre
Helicobacter sont décrites par la suite chez les mammifères domestiques et sauvages.
Les gastrites chez les félins détenus en zoos sont d’une importance non négligeable, en
particulier lorsqu’il s’agit de gastrite à Helicobacter. Dans une étude rétrospective menée sur
69 guépards captifs, principale espèce touchée, 40 % des mortalités sont associées à une
gastrite sévère induite par une infection à Helicobacter. Dans ce contexte, la connaissance de
cette pathologie devient essentielle. Les signes cliniques dominants lors de gastrite sont les
vomissements et la diarrhée, bien que d’autres symptômes puissent affecter l’animal. Le
diagnostic repose tout d’abord sur un examen macroscopique de la muqueuse stomacale via la
gastroscopie. Celle-ci est suivie de la réalisation de biopsies, dont les prélèvements servent de
supports aux examens menés en bactériologie et en histologie. La culture bactérienne et le test
à l’urée mettent en évidence la présence de bactéries du genre Helicobacter. L’histologie,
examen complémentaire de choix, permet de visualiser les changements tissulaires au sein de
la muqueuse lors de gastrites et d’établir un score. Le traitement consiste en une trithérapie :
la combinaison de deux antibiotiques et d’un inhibiteur à protons résulte en une amélioration
notable des gastrites dans la littérature. La gestion des gastrites sur le terrain est toutefois
moins aisée. En effet, même en cas d’apparition de signes cliniques, les gastrites sont peu
investiguées.
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GASTRITIS IN WILD FELIDS
IN ZOOLOGICAL PARKS
PURPOSE OF THE WORK
The objective of this work is to evaluate the place that gastritis occupies in the range of
pathologies encountered in zoological medicine, particularly in the Felidae. The first step is to
define what gastritis is and to identify its causes. Since Helicobacter gastritis is most present
in zoos, it is then necessary to evaluate the target species and the clinical signs presented, and
finally the associated treatments. The bibliographic data are compared with the data found in
the field.
SUMMARY
In the early 1980s, the bacterium Helicobacter pylori is described in human medicine,
considered to be the dominant pathogen in the human stomach. Other species of the genus
Helicobacter are described later in domestic and wild mammals.
Gastritis in felines held in zoos is of considerable importance, particularly in the case of
Helicobacter gastritis. In a retrospective study of 69 captive cheetahs, the main affected
species, 40% of mortalities are associated with severe gastritis induced by Helicobacter
infection. In this context, knowledge of this pathology becomes essential. The dominant
clinical signs in gastritis are vomiting and diarrhea, although other symptoms may affect the
animal. The diagnosis is based first of all on a macroscopic examination of the stomach
mucosa via gastroscopy. This is followed by the production of biopsies, the samples of which
serve as supports for the examinations carried out in bacteriology and histology. The bacterial
culture and the urea test demonstrate the presence of bacteria of the genus Helicobacter.
Histology, a complementary examination of choice, makes it possible to visualize the tissue
changes within the mucosa during gastritis and to establish a score. The treatment consists of
triple therapy: the combination of two antibiotics and a proton inhibitor results in a notable
improvement in gastritis in the literature. However, the management of gastritis in the field is
less easy. Indeed, even in the event of clinical signs, gastritis is little investigated.
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Je remercie mon promoteur de Travail de Fin d’Etudes, le Professeur Jacques Mainil, pour
m’avoir laissé le libre choix de mon sujet, pour ses conseils, sa disponibilité et son écoute,
sans lesquels ce travail n’aurait pu être réalisé.
Je remercie sincèrement le Docteur Thierry Petit, vétérinaire au Zoo de La Palmyre, grâce à
qui j’ai fait mes premiers pas dans le monde de la faune sauvage il y a sept ans déjà, et qui
m’a apporté toute son aide pour la réalisation de ce travail au cours de mon stage.
Je remercie l’ensemble de mes maîtres de stage qui m’ont permis, d’années en années,
d’aventures en aventures, de toucher du bout des doigts mon rêve et qui m’ont tant appris.
Je les remercie de leur accueil, de leur attention et de leurs conseils.
Je tiens à remercier tout particulièrement les Docteurs Nicolas Goddard et Amélie Nicolau,
sans qui cette année n’aurait pas eu le même goût… Merci pour vos fous-rires, vos clins
d’œil, et votre soutien !
Je remercie mes parents, ma sœur et mon frère, ainsi que le reste de ma famille du plus
profond de mon cœur pour leur soutien et leur amour.
Un grand merci à toi Ellie, pour tout ce que tu es et tout ce que nous sommes, malgré la
distance et le temps qui passe.
Merci à mes amis, les potes et les colocs, d’ici ou d’ailleurs, pour tout ce qu’ils m’ont apporté
au cours de ces six années.
Merci aux équipes de Yaboumba Junior Liège, pour avoir rythmé mon quotidien au cours des
dernières années.
Je remercie toutes les personnes que j’ai pu croiser sur mon parcours, vétérinaire ou non, pour
tous ces moments partagés, du plus anodin au plus important. J’en suis là grâce à vous.
Et enfin, je tiens à te remercier Papa, en tant que père et en tant que vétérinaire, pour tout ce
que tu m’as apporté. « L’essentiel est d’y croire et de le vouloir ! ».
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Table des matières
1 Introduction ........................................................................................................................ 7
2 Les gastrites ........................................................................................................................ 8
2.1 Définition et classification des gastrites ...................................................................... 8
2.2 Gastrites à Helicobacter ............................................................................................ 10
2.3 Propriétés de virulence des Helicobacter (Joens et al, 2010) .................................... 11
2.3.1 Colonisation ....................................................................................................... 11
2.3.2 Pathogénicité ...................................................................................................... 12
3 L’importance des gastrites chez les félins en parcs zoologiques ..................................... 13
3.1 Espèces cibles ............................................................................................................ 13
3.2 Tableau clinique ........................................................................................................ 14
3.3 Prévalence de la pathologie au sein des populations captives ................................... 14
4 Evaluation des gastrites par l’examen endoscopique ....................................................... 18
4.1 Préparation du patient ................................................................................................ 18
4.1.1 Anesthésie générale ............................................................................................ 19
4.1.2 Positionnement et monitoring ............................................................................ 20
4.2 Méthodologie de l’examen endoscopique (Taws et Rawling, 2011) ........................ 20
4.3 Anomalies macroscopiques ....................................................................................... 21
5 Le diagnostic et la gestion médicale des animaux atteints de gastrite ............................. 22
5.1 Méthodes de diagnostic ............................................................................................. 22
5.1.1 Bactériologie ...................................................................................................... 22
5.1.2 Histopathologie .................................................................................................. 23
5.2 Gestion et traitement médical .................................................................................... 26
6 Conclusion ........................................................................................................................ 28
7 Annexes ............................................................................................................................ 30
8 Références bibliographiques ............................................................................................ 34
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1 Introduction
Le management des espèces sauvages détenues en captivité constitue une tâche majeure pour
le vétérinaire de parc zoologique. En effet, la captivité et le stress associé ont un impact non
négligeable sur la santé et le bien-être des animaux. Les traumatismes physiques causés lors
de conflits ou lors de réaction de fuite dans un espace réduit ne sont pas rares et constituent
une part importante du travail du vétérinaire. La modulation des fonctions physiologiques et
immunologiques induites par le stress de la captivité peut entraîner l’apparition de
pathologies. Par exemple l’association entre une gastrite sévère et l’infertilité des femelles
peut avoir de sérieuses implications dans les programmes de reproduction.
Les félins représentent un groupe diversifié de carnivores, constitué de trente-sept espèces.
Cette famille est divisée en deux sous-familles, Pantherinae et Felinae. La première regroupe
les grands félins, appartenant majoritairement au genre Panthera. La panthère nébuleuse
(avec la panthère nébuleuse de Bornéo) ainsi que le guépard possèdent leur propre genre,
respectivement Neofelis et Acinonyx. Le genre Puma s’y trouve également. La seconde
comprend les petits félins, appartenant aux genres Felis, Leopardus, etc.
Les gastrites, majoritairement les gastrites chroniques lymphoplasmocytaires, constituent une
pathologie importante chez les félins, en particulier chez les guépards. Dans une étude menée
dans seize parcs d’Amérique du Nord, plus de 90 % des guépards présentaient une gastrite, et
95 % d’entre eux atteints par cette maladie étaient porteurs d’Helicobacter, un résultat
inquiétant pour la santé de la population américaine de guépards. Considérée comme un
micro-organisme commensal de l’estomac par certains auteurs, elle se révèle cependant
pathogène opportuniste (Camargo et al. 2011), ce qui illustre l’importance de l’aspect
multifactoriel de la pathologie. De plus, les gastrites à un stade avancé constituent l’une des
principales causes de mortalité chez les guépards captifs : ce taux est estimé à 40 % en
Afrique du Sud (Citino et Munson 2005 ; Camargo et al. 2011). Chez les félins sauvages
captifs, le stress et les facteurs de susceptibilité individuelle sont des éléments importants dans
le développement des gastrites associées à une infection par Helicobacter. La présence de
cette bactérie dans l’estomac de félins sauvages ou captifs a été rapportée dans plusieurs pays.
Cependant, le rôle des hélico-bactéries dans l’apparition d’une gastrite clinique reste incertain
(Eaton et al. 1993 ; Camargo et al. 2011), même si une forte corrélation entre la présence de
la bactérie et la gastrite a été démontrée (Neiffer et al. 2000).
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Un bon management des félins, autant au niveau éthologique que thérapeutique et préventif,
est nécessaire pour lutter contre cette pathologie et est essentiel pour leur assurer une santé et
une vie correcte en captivité. Là se trouve un des points clés du travail de vétérinaire en parc
zoologique.
2 Les gastrites
2.1 Définition et classification des gastrites
Une gastrite, dont l’étymologie provient du grec « gastros » signifiant estomac, associé au
suffixe « -ite », est une inflammation de la muqueuse gastrique, caractérisée par la
modification d’éléments histologiques. Elle peut être aiguë ou chronique, d’étiologie variable,
laquelle, dans la majorité des cas, ne peut être déterminée de manière précise.
Les causes de gastrite rapportées chez nos carnivores domestiques, qui servent de modèles en
médecine zoologique, sont les suivantes (Eaton et al. 1993 ; DeNovo 2003 ; Lecoindre et al.
2010) :
Origine alimentaire : intolérance, allergie, ingestion d’aliments avariés
Origine mécanique : corps étranger, obstruction, torsion
Origine toxique : médicaments (anti-inflammatoires), plantes, produits chimiques
Maladies systémiques : insuffisance rénale, maladies hépatiques, pancréatite aigüe,
choc septique, etc.
Maladies infectieuses : parasites (Ollulanus, Physaloptera), bactéries (toxines,
Helicobacter), infections virales et fongiques
Etat de stress
Reflux (gastro)duodénal
Néoplasme gastrique
Les gastrites aiguës sont diagnostiquées sur base de l’apparition brutale des signes cliniques et
la rémission après une mise à jeun ou un traitement symptomatique. Le pronostic est bon, sauf
si la gastrite est secondaire à une maladie systémique ou métabolique ou à une intoxication
grave.
Malgré leur fréquence importante, les gastrites chroniques sont plus difficiles à
diagnostiquer ; l’étiologie est rarement trouvée et les signes cliniques sont discrets au début et
significatifs seulement à un stade avancé de la pathologie. Certaines sont idiopathiques :
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gastrites lymphocytaire, lymphoplasmocytaire, éosinophilique, atrophique et hypertrophique
(ces deux dernières étant rares). L’endoscopie et la biopsie, suivie d’examens histologiques et
bactériologiques, s’avèrent nécessaire pour poser un diagnostic mais aussi pour évaluer le
type et la sévérité de l’atteinte (DeNovo 2003 ; Lecoindre et al. 2010).
Ces données peuvent être appliquées aux félidés sauvages. Leur détention en captivité et la
surveillance qui en découle, réduit la prévalence de certaines causes (par exemple l’ingestion
de produits chimiques ou de corps étrangers). Le reflux gastroduodénal est sporadique dans la
nature et ne constitue pas un élément déclencheur de gastrite. L’ingestion d’aliments avariés
reste une cause fréquente de gastrite aiguë, résolue après mise à jeun durant vingt-quatre à
quarante-huit heures. Des prédateurs comme les guépards, au vu de leur comportement dans
la nature, ne mangent que de la viande fraiche. Certains individus tolèrent mal la viande
décongelée ou bien trop grasse, ce qui entraine l’apparition de gastrite et/ou colite aiguë
(source personnelle, Dr. T. Petit). Les trichobézoards, provenant de la formation de boules de
poils dans l’estomac ou les intestins, sont une cause rare de gastrite chez les félins. Ils peuvent
toutefois provoquer des vomissements, une constipation et une occlusion intestinale. Wack
(1999) rappelle qu’une obstruction gastro-intestinale haute entraîne des vomissements
importants, bien qu’il n’y ait aucun lien direct avec une gastrite. L’urémie, causée par
l’insuffisance rénale chronique, maladie fréquente chez les félins âgés, en particulier chez les
guépards, peut mener au développement d’une gastrite (Wack, 1999).
Les gastrites chroniques ont une prévalence importante chez certaines espèces de félins
sauvages et ont essentiellement pour cause les agents infectieux cités ci-dessus ou les
maladies systémiques. Les bactéries du genre Helicobacter, associées à un état de stress non
négligeable, sont le principal agent incriminé et seront développées dans la suite de ce travail.
Un autre agent pathogène cité comme responsable de gastrite chronique hypertrophique chez
le chat, a également été décrit chez le tigre, le lion, le puma et le guépard : le nématode
Ollulanus tricuspis (Eaton et al. 1993 ; Collett et al. 2000). Il est cependant rarement
diagnostiqué chez les guépards captifs (Eaton et al. 1993 ; Lane et al, 2012). Ce petit
trichostrongle gastrique est toutefois toujours à considérer comme étiologie lors de
vomissements et perte de condition physique, associé ou non à de la diarrhée. Un parasitisme
fréquent et/ou récurrent peut entraîner une inflammation plus ou moins chronique de
l’estomac et mener à l’apparition de signes cliniques de gastrite, tels que vomissements et
diarrhée dans lesquels des vers gastro-intestinaux peuvent être observés.
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2.2 Gastrites à Helicobacter
Les gastrites associées à des hélicobactéries sont rapportées comme des cas particuliers de
gastrite chronique.
De nombreuses études ont démontré que la bactérie Helicobacter pylori joue un rôle
prépondérant dans la gastrite chez l’Homme. Elle est présente chez plus de la moitié de la
population humaine mondiale et constitue un facteur de risque majeur dans le développement
de gastrite, d’ulcères gastriques et duodénaux, d’adénocarcinome gastrique et de lymphome
des MALT (mucosa-associated lymphoid tissue) (Hermanns et al, 1995 ; Citino et Munson,
2005 ; Camargo et al, 2011). Selon une étude génétique (Dailidiene et al, 2003), les
Helicobacter sp. font preuve d’une grande diversité génétique leur permettant de s’adapter à
leur hôte, sans que le niveau de spécificité n’ait été déterminé.
L’identification et la classification des différentes hélicobactéries retrouvées dans l’estomac
des animaux domestiques et sauvages ne sont d’ailleurs pas aisées, dû au manque de
connaissances générales et spécifiques.
Le genre Helicobacter est divisé en deux sous-groupes. Les « Helicobacter pylori - like
organisms » (HpLO) regroupent les espèces partageant des propriétés semblables à H. pylori,
en termes de morphologie et de localisation dans l’environnement gastrique. Les HpLO sont
de petites bactéries mesurant de deux à trois micromètres de long et 0.5 micromètre de
diamètre, pouvant être retrouvées dans l’ensemble des régions de l’estomac, en étant toutefois
absentes du duodénum. A l’échelle microscopique, elles sont trouvées isolées ou en groupes,
dans la couche de mucus, en contact étroit avec les cellules épithéliales, dans la lumière des
villosités ou dans la partie proximale des glandes gastriques. L’interface entre la cellule et la
bactérie se présente sous la forme d’une structure pédiculée ou d’une invagination du
cytoplasme des cellules épithéliales. Elles ne se positionnent jamais en intracellulaire (Jakob
et al, 1997).
Le second sous-groupe, « Helicobacter - like organisms » (HLO), également appelé
« Gastrospirillum – like organims » selon l’ancienne nomenclature, regroupe un panel
d’espèces bactériennes appartenant au genre Helicobacter, sans toutefois qu’une identification
précise n’ait été définie actuellement. Ce sont de larges bactéries spiralées, mesurant en
moyenne huit micromètres de long pour 0.5 micromètre de diamètre et possèdent une
quinzaine de tours d’hélices. Ces organismes se retrouvent en groupe à la surface gastrique,
dans la lumière des villosités et en profondeur dans la lumière des glandes. On les retrouve en
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intracellulaire, au sein des cellules pariétales, ce qui les différencient des bactéries HpLO. Le
principal représentant de ce groupe trouvé chez les félins sauvages porte le nom de
Helicobacter heilmannii, organisme également présent chez l’Homme et chez l’ensemble des
mammifères, domestiques et sauvages (Jakob et al. 1997 ; Lane et al. 2004 ; Camargo et al.
2011).
Cette classification varie selon les auteurs, en particulier pour H. acinonyx, principale espèce
retrouvée chez le guépard (Acinonyx jubatus) et décrite chez certaines sous-espèces du tigre,
telle que le tigre de Sumatra (Panthera tigris sumatrae) qui appartient soit aux HpLO (Eaton
et al.1993 ; Jakob et al.1997 ; Schroder et al.1998) soit aux HLO (Citino & Munson 2005 ;
Lane et al. 2004).
Aucune expérience n’a permis de déterminer lequel de ces sous-groupes est le plus pathogène,
bien que les HpLO semblent être les principaux responsables des modifications tissulaires de
l’estomac, chez les grands félins tels que le tigre et le lion (Jakob et al.1997) et sont associés
aux grades de gastrite les plus sévères chez les guépards, contrairement aux HLO (Eaton et
al.1993).
2.3 Propriétés de virulence des Helicobacter (Joens et al, 2010)
En fonction de leur localisation dans le tractus digestif, les bactéries du genre Helicobacter
peuvent être classées en deux groupes : les Helicobacter gastriques et les Helicobacter
entérohépatiques. Ces dernières ne peuvent pas survivre dans l’environnement stomacal, car
elles ne produisent pas d’uréase à quelques exceptions près. Nous discuterons donc ici que des
hélico-bactéries gastriques.
2.3.1 Colonisation
La colonisation à long terme de l’estomac par les Helicobacter résulte d’une combinaison de
plusieurs facteurs : structure hélicoïdale, motilité due aux flagelles, production d’uréase et
autres facteurs bactériens. Ainsi, ces micro-organismes peuvent traverser la couche de mucus,
adhérer aux cellules épithéliales et contrer la réponse immune de l’hôte.
Toutes les espèces d’Helicobacter gastriques produisent de l’uréase, enzyme permettant
l’hydrolyse de l’urée en ammoniac et CO2. L’ammoniac neutralise l’HCl stomacal, créant un
microenvironnement neutre pour la bactérie. Cette enzyme joue également un rôle dans
l’inflammation.
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La motilité permet aux hélicobactéries de se mouvoir au travers de la muqueuse gastrique (à
pH neutre). Les flagelles, au nombre de deux à une vingtaine, se trouve en position unipolaire,
bipolaire ou sur l’ensemble de la membrane. Le corps du flagelle, transmembranaire, contient
des protéines essentielles pour la rotation et le chimiotactisme. Le filament en hélice est
recouvert par une enveloppe, laquelle pourrait jouer un rôle dans la protection contre l’acidité
et le masquage des antigènes. Les HLO adhèrent en profondeur à la muqueuse gastrique,
jusqu’à pénétrer les canalicules. L’adhérence résulte de la formation d’un pédicule dû à un
réarrangement du cytosquelette.
On retrouve chez H.pylori des adhésines variées : BabA (la plus caractéristique d’H.pylori),
des lipoprotéines A, des adhésines liant l’acide sialique et des lipopolysaccharides (LPS). Peu
d’information sont trouvées sur les autres facteurs d’adhérence chez les HLO.
Les hélico-bactéries, en persistant dans l’estomac de l’hôte durant toute sa vie, doivent faire
face à une réponse inflammatoire significative et échapper à la phagocytose par les
macrophages et les cellules polymorphonucléaires (PMN). La catalase est impliquée dans la
résistance bactérienne face aux différentes substances sécrétées par les PMN. D’autres
enzymes permettent de contrer le stress oxydatif.
Dans la réponse immune innée, le Toll-like récepteur 2 (TLR2) semble être dominant dans la
reconnaissance des Helicobacter gastriques. Il reconnait les lipoprotéines ainsi que les
peptidoglycans bactériens. Ce récepteur n’est pas exprimé au sein de la muqueuse gastrique,
ainsi la bactérie échappe à la détection par l’organisme et donc à son élimination, tant qu’une
cellule exprimant le TLR2 (par exemple les PMN) n’infiltre pas la muqueuse gastrique.
2.3.2 Pathogénicité
Les gastrites à Helicobacter sont caractérisées par l’infiltration de PMN et de cellules
mononucléaires. H.pylori produit une protéine (neutrophil-activating protein) induisant la
migration transendothéliale des PMN et la production de formes réactives de l’oxygène. Les
taux d’interféron gamma sont augmentés et induisent une réponse de type Th1. L’inoculation
expérimentale d’H.pylori à des souris met en évidence la corrélation qu’il existe entre
l’amplitude de la réponse Th1 et la sévérité de la pathologie gastrique.
Deux types de souches de H.pylori sont décrites : celles qui produisent la protéine Cag A
(cytotoxin-associated protein) et celles qui ne la produisent pas. Cette protéine est codée par
l’îlot de pathogénicité cag. Les souches positives sont associées à des gastrites sévères, avec
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un risque élevé de développer des ulcères chez l’Homme, et sont responsables d’apoptose des
cellules pariétales. La toxine vacuolisante VacA joue un rôle dans le développement de
vacuoles dans les cellules épithéliales, entrainant leur nécrose, voire leur apoptose. Ces gènes
n’ont pas été retrouvés chez les HLO.
Cependant, on retrouve chez ces derniers la gamma-glutamyl-transpeptidase, associée à
l’apoptose des cellules épithéliales et à l’inhibition de la prolifération des cellules T.
La pathogénicité des Helicobacter est donc très variée et il est difficile d’évaluer, d’une part,
l’espèce bactérienne trouvée dans l’estomac des félins sauvages et, d’autre part, le mécanisme
pathogène mis en place par cette bactérie.
3 L’importance des gastrites chez les félins en parcs zoologiques
Des cas de gastrite sont répertoriés de manière fréquente chez les félins détenus en captivité.
Celles-ci peuvent être plus ou moins sévères, récurrentes selon les espèces et les individus
et/ou associés à des agents infectieux.
3.1 Espèces cibles
Les gastrites d’origine non infectieuse sont décrites de manière sporadique chez l’ensemble
des espèces de félidés détenues en zoos, tout comme chez les carnivores domestiques.
Bien que moins étudiées chez les animaux que chez l’Homme, les hélico-bactéries gastriques
touchent de nombreuses espèces de mammifères domestiques, telles que les chiens, les chats,
les furets, les cochons, les veaux, et sauvages, comme les primates ou les félidés (Eaton et al,
1993 ; Hermanns et al, 1995).
Par espèces cibles, nous parlons ici des différentes espèces de félidés chez lesquelles des cas
de gastrite à Helicobacter ont été rapportés. Il s’agit principalement de guépards (Acinonyx
jubatus), sur lesquels plusieurs études ont été menées (Eaton et al, 1993 ; Neiffer et al, 2000 ;
Citino et Munson, 2005). Des cas de gastrites chez les grands félins détenus en captivité, tels
que tigres (Panthera tigris), lions (Panthera leo), pumas ou cougars (Puma concolor),
léopards (Panthera pardus), servals (Leptailurus serval), et tigres de Sumatra (Panthera tigris
sumatrae), ont également fait l’objet d’études (Jakob et al, 1997 ; Schroder et al, 1998).
D’autres cas ont été observés chez des individus vivant en liberté : guépards, tigres, cougars.
Les guépards sauvages sont fréquemment infectés par les HLO sans toutefois souffrir
d’inflammation gastrique (Lane et al, 2004). Plus récemment, Camargo et son équipe (2011)
14
ont travaillé sur des félins d’Amérique du Sud, des oncilles (Leopardus tigrinus) et des
ocelots (Leopardus pardalis), démontrant pour la première fois la présence de H. heilmannii
chez ces espèces.
3.2 Tableau clinique
Vomissement et diarrhée sont les principaux signes cliniques rencontrés lors de gastrite,
quelle qu’en soit l’étiologie.
Une étude menée sur 127 chats et 122 chiens domestiques a répertorié les signes cliniques
présentés par ces animaux (Hermanns et al, 1995). Plus d’un individu sur deux présente des
vomissements (51.2% des chats et 57.3% des chiens) alors que « seulement » un individu sur
quatre (26.8% des chats et 29.5% des chiens) présente de la diarrhée, deuxième signe clinique
le plus communément rencontré en cas de gastrite. Une baisse d’appétit, une perte de poids, et
moins fréquemment de la fièvre et de la polyphagie ont été notées (Hermanns et al, 1995).
Eaton et al (1993) ont investigué un groupe de vingt-cinq guépards captifs sur seule base de
vomissement chronique et chez 100 % desquels l’équipe a diagnostiqué une gastrite
chronique lymphoplasmocytaire associée à Helicobacter. Chez les félidés, la perte de poids ne
reflète toutefois pas la sévérité de la gastrite (Lane et al. 2004).
Lors de gastrite aiguë, les vomissements apparaissent soudainement et sont constitués de
mucus gastrique, blanc ou jaunâtre, éventuellement mousseux, et sont souvent accompagnés
du contenu alimentaire puisqu’ils suivent dans la majorité des cas la prise d’un repas. Lorsque
le cas devient chronique, des vomissements intermittents de sucs gastriques apparaissent,
associés ou non à une prise de repas, et accompagnés d’une perte d’appétit/anorexie, d’une
perte de poids progressive allant jusqu’à la cachexie, et des poils ternes (Lecoindre et al.
2010).
De la diarrhée peut également être présente, associée à de l’hématémèse ou du méléna en cas
d’ulcération de la muqueuse gastrique (Wack, 1999).
Dans la majorité des études portant sur les gastrites chez les félins sauvages, aucun tableau
clinique n‘est cependant décrit (Jakob et al, 1997 ; Camargo et al, 2011 ; Schroder et al,
1998).
3.3 Prévalence de la pathologie au sein des populations captives
15
Evaluer la prévalence des gastrites au sein des populations de félins captifs n’est donc pas une
tâche aisée. Les signes présentés par les animaux sont généralement vagues et résolus
rapidement (après diète), ce qui a pour conséquence que l’investigation des gastrites n’est pas
réalisée en routine, d’où la difficulté d’obtenir une prévalence réelle.
En pratique, seuls les animaux autopsiés font l’objet d’investigation en cas de lésions
caractéristiques de la muqueuse gastrique, avec prélèvements d’échantillons et analyses en
laboratoire. Dans le cadre de ce travail, la prévalence de ce qui pourrait être une gastrite,
c’est-à-dire l’apparition de signes cliniques classiques de la pathologie, à savoir vomissement
et diarrhée, est évaluée. Il ne s’agit donc pas de la prévalence des gastrites chez les félins au
sens strict. Afin de donner un contexte pratique à ce travail, la population étudiée dans la
première partie de ce chapitre comprendra certaines espèces de félins détenus au Zoo de La
Palmyre. Les dossiers des tigres (Panthera tigris), lions (Panthera leo), et guépards (Acinonyx
jubatus) actuellement présents ou ayant séjourné au parc entre 1993 et 2016 sont pris en
compte dans l’étude. Les données relatives à cette population sont reprises dans le tableau I.
Dans un second temps, la prévalence de la présence des hélico-bactéries trouvées dans
l’estomac de félins sauvages captifs sera évaluée à l’aide de données bibliographiques.
La prévalence des anomalies macroscopiques visibles à la gastroscopie sera discutée au point
4.3.
La population provenant du Zoo de La Palmyre est constituée de six tigres, dix lions et
quarante-trois guépards (Tableau I). Seuls deux individus, des guépards femelles âgées de
douze ans, ont été diagnostiquées avec une gastrite. Ces cas seront discutés tout au long de ce
travail, en comparaison avec les études menées dans ce domaine. Les informations reprises
dans le tableau I concordent avec les données trouvées dans la bibliographie (Eaton et al,
1993 ; Jakob et al, 1997), à savoir que les gastrites, qu’elles soient associées ou non à
Helicobacter, apparaissent de manière aléatoire, peu importe le sexe ou l’âge de l’animal.
Le tableau II répertorie par espèces le nombre d’individus ayant présenté au moins un épisode
de vomissement, ou au moins un épisode de diarrhée. Le nombre de cas de parasitisme est
également noté. En effet, si celui-ci est important et/ou récurrent, il peut constituer une cause
de gastrite. La comorbidité vomissement/diarrhée, associant les deux principaux signes
cliniques associés à une gastrite, est évaluée. En effet, comme discuté précédemment, la
prévalence de la comorbidité nous permet d’évaluer approximativement sur le terrain la
prévalence des gastrites.
16
La première remarque porte sur la différence de taille des échantillons représentant les trois
espèces de félins, laquelle constitue un biais dans l’analyse des données répertoriées.
L’espèce Panthera leo présente les signes cliniques de manière uniforme et un animal sur
deux présente les deux symptômes. Dans l’espèce Panthera tigris, la diarrhée est
prépondérante, présente chez 83% des individus dont 40% ont eu plus de dix épisodes de
diarrhée. Le parasitisme est moins important que chez les lions, alors que la comorbidité
s’élève à 67% des individus. Les tigres semblent donc plus prédisposés à développer une
gastrite, bien que cette donnée ne corresponde pas avec les informations bibliographiques
trouvées.
Dans l’espèce Acinonyx jubatus, 74 % des individus ont présenté au moins un épisode de
vomissement, dont 6 % ont présenté plus de dix épisodes et 72 % d’entre eux ont présenté au
moins un épisode de diarrhée. La comorbidité s’élève à 51 % dans cette espèce. Ces données
correspondent à la littérature, le vomissement est le signe clinique prépondérant en cas de
gastrite, suivi de près par la diarrhée. Dans cet échantillon de taille significative, plus d’un
tiers de la population a présenté les deux symptômes, confirmant à priori que les guépards
sont plus prédisposés aux gastrites par rapport aux autres grands félins. Cependant, la
prévalence des signes cliniques est évaluée dans cette partie, et non celle des gastrites.
Lady et Nandi les deux guépards diagnostiqués post-mortem avec une gastrite, n’ont présenté
aucun épisode de vomissement, et seule Nandi a présenté de la diarrhée (4 épisodes) au cours
de sa vie. La présence de signes cliniques ne signe donc pas la présence de la pathologie, et
inversement l’absence de signes cliniques ne permet pas d’exclure la gastrite.
Soixante pourcents des guépards ont présenté un épisode de parasitisme (suffisamment
important pour être détecté) et 15 % d’entre eux ont présenté plus de dix épisodes. Ces félins
sont régulièrement parasités en captivité. En effet, ils sont de manière générale détenus dans
des enclos extérieurs exclusivement, ce qui rend le nettoyage moins aisé, d’où un parasitisme
récurrent. Le lien entre parasitisme et vomissement/diarrhée est illustré dans le tableau III.
L’individu 4 démontre le lien de cause à effet qu’il peut exister entre une infestation
parasitaire et l’apparition de signes cliniques. A contrario, les individus 1, 5, 6 et 7 permettent
d’exclure l’étiologie parasitaire (Tableau III).
Nous allons maintenant discuter de la prévalence des HpLO et des HLO sur base de données
bibliographiques. L’équipe d’Eaton (1993) a travaillé sur un groupe de vingt-cinq guépards
captifs présentant des vomissements chroniques. L’équipe de Jakob (1997) a, quant à elle,
17
travaillé sur des grands félins, évaluant la prévalence des hélico-bactéries sur base de
prélèvements réalisés lors d’autopsies. La gastrite n’est jamais la cause de la mort ou de
l’euthanasie de ces animaux. Il en est de même pour Lady et Nandi, euthanasiées pour
insuffisance rénale chronique sévère.
Afin de quantifier la présence des hélico-bactéries présentes au sein des estomacs des félins,
et donc de catégoriser les individus en fonction de leur densité de colonisation bactérienne,
une échelle de grade bactériologique est nécessaire. Ce grade bactériologique peut être semi
quantitatif, représenté par quatre catégories : non existant, faible, modéré, élevé (Jakob et al.
1997) ; ou quantitatif, où le nombre de bactéries par champs au fort grossissement (*1000) est
compté. Camargo et son équipe (2011) ont défini un grade bactériologique comme suit :
GRADE 0 : absence de bactéries
GRADE 1 : 1-10 bactéries
GRADE 2 : 11-30 bactéries
GRADE 3 : 31-50 bactéries
GRADE 4 : >50 bactéries
De même il existe un grade histologique, évaluant la sévérité de l’inflammation de la
muqueuse gastrique. Celui-ci sera discuté au point 5.1.2.
Chez les guépards, les HpLO sont présents chez 71 % des individus, associés à un grade 3
chez 47 % d’entre eux. Quant aux HLO, ils sont présents chez 88 % des guépards, associés au
grade 3 chez 59 % des individus (Eaton et al.1993). Les HLO ont la prévalence la plus élevée
chez les guépards et semblent coloniser plus facilement la muqueuse stomacale.
Bien qu’aucune étude n’ait démontré une différence significative de pathogénicité entre les
deux sous-groupes d’Helicobacter, les HpLO en quantité importante (grade bactériologique 3)
entraîne toujours l’apparition d’une gastrite de grade 3, contrairement aux HLO dont le grade
bactériologique n’est pas en corrélation avec le grade histologique de la gastrite. Pour
exemple, la comparaison entre les individus n°3 et n°5 montre que les HLO entraîne une
gastrite moins sévère que les HpLO, à grade bactériologique identique (tableau 2, Eaton et al.
1993). En comparant l’ensemble des individus, aucune corrélation n’existe entre les grades
bactériologiques des HpLO et des HLO et la sévérité de la gastrite. L’évolution de la gastrite
ne dépend pas non plus des grades bactériologiques. Les HpLO ne sont pas détectés chez les
individus détenus en quarantaine, hors de la collection (Eaton et al. 1993).
18
Chez les grands félins, les HpLO sont détectés chez 42 % des tigres et 90 % des lions. Chez
ces derniers, les HLO coexistent avec les HpLO (30 % des individus). Les HLO sont les seuls
pathogènes retrouvés chez les pumas et le serval. Toutefois ces espèces ne sont représentées
en nombre suffisant dans l’étude pour pouvoir conclure. Il est à noter que chez le léopard et
chez certains tigres (42 %), la présence d’Helicobacter n’a pas pu être démontrée, malgré la
présence de lésions histologiques (Jakob et al. 1997).
Il semblerait donc que les deux sous-groupes d’Helicobacter puissent se trouver de manière
uniforme chez les guépards, ainsi que chez Panthera leo. Les autres espèces de grands félins
ont une sensibilité différente aux diverses hélico-bactéries. Les « petits » félins semblent plus
sensibles aux HLO, particulièrement à H. heilmannii, seul pathogène détecté chez les félins
tropicaux (Camargo et al. 2011).
4 Evaluation des gastrites par l’examen endoscopique
Lors de gastrite aiguë, le désordre est résolu en vingt-quatre à quarante-huit heures sans
traitement et ne nécessite donc pas d’examens complémentaires. Si les signes cliniques
persistent ou si l’état général se détériore, le praticien peut suspecter une gastrite chronique et
un examen plus approfondi est alors réalisé.
L’examen endoscopique, appelé gastroscopie, permet d’une part de visualiser l’estomac et,
d’autre part, de réaliser des prélèvements de la muqueuse gastrique. Ces prélèvements
serviront de supports aux examens histologiques et bactériologiques, nécessaires pour poser le
diagnostic de gastrite : la nature et la sévérité (via le système de score) de la gastrite seront
connues et la présence d’Helicobacter pourra être détectée.
Ces manipulations ont été réalisées au Zoo de La Palmyre en janvier 2017 sur quinze
individus, dont neuf guépards (Acinonyx jubatus), deux panthères des neiges (Panthera
uncia), une panthère du Sri Lanka (Panthera pardus kotiya), un lynx (Lynx lynx) et un jaguar
(Panthera onca). Aucun animal ne présente des signes cliniques de gastrite au moment où ces
manipulations sont programmées, à l’exception du jaguar dont un vomissement a été rapporté
trois jours avant la gastroscopie. Après anesthésie, chaque animal est pesé et suit le protocole
décrit dans ce chapitre.
4.1 Préparation du patient
19
Lorsqu’une gastroscopie est programmée, l’estomac de l’animal doit être vide et propre, ce
qui est rendu possible par une mise à jeun d’au moins douze heures (Camargo et al, 2010).
Tams et Rawlings (2011) recommandent une mise à jeun de douze à dix-huit heures et un
retrait de la boisson trois à quatre heures avant l’examen. En pratique, la mise à jeun varie de
vingt à quarante-huit heures précédant l’endoscopie (source personnelle, Dr. T. Petit).
4.1.1 Anesthésie générale
L’anesthésie d’animaux sauvages doit être rapide et efficace, pour le bien-être de l’animal et
la sécurité du personnel travaillant. Elle requiert donc que les phases de tranquillisation et
d’induction soient couplées et que les produits soient injectables en intramusculaire via le
fléchage. Les protocoles trouvés dans la littérature et utilisés couramment sur le terrain pour
l’anesthésie des félidés sauvages sont les suivants.
Ce sont principalement des doubles associations, où un anesthésique de dissociation est
combiné à, soit un agoniste alpha-deux adrénergique, soit une benzodiazépine. La kétamine
est utilisée à la posologie de 4 - 5 milligrammes par kilogramme (mg/kg), avec une fourchette
allant de 2 à 10 mg/kg. Elle peut être associée à la xylazine (1 mg/kg), à la médétomidine
(0,05 mg/kg) ou au midazolam (0,1 mg/kg). Le Zolétil® (association de tilétamine et de
zolazépam) à la posologie de 2 - 4 mg/kg est un protocole indiqué mais peu utilisé par les
praticiens sur le terrain (source personnelle, Dr. B. Mulot). Il peut également être utilisé en
triple association avec de la médétomidine (0,030 – 0,035 mg/kg) (Citino et Munson, 2005 ;
Carmago et al, 2011 ; Lane et al, 2004).
Un autre protocole de triple association combinant du butorphanol, de la médétomidine et du
midazolam a fait l’objet d’un suivi au Zoo de La Palmyre en janvier 2017. Cette combinaison
d’anesthésiques, nommée BMM, présente l’avantage d’être entièrement réversible grâce à
l’injection d’antagonistes. Lafortune & al. (2005) ont utilisé ce protocole sur des guépards et
en ont tiré plusieurs avantages. Les phases d’induction et de réveil sont rapidement atteintes et
se font « en douceur ». L’absence de kétamine constitue une indication lors de dysfonctions
rénales et/ou hépatiques. Cependant, testé sur le terrain, le protocole est plus efficace sur les
canidés que sur les félidés (source personnelle, Dr. T. Petit). En pratique, les temps
d’induction et de réveil varient de dix à douze minutes sur la grande majorité des individus, ne
rendant pas ces phases plus rapides que lors de protocoles dits classiques.
Des molécules antagonistes sont utilisées pour la réversion des anesthésies. La naltrexone
réverse le butorphanol, dans un rapport 1/1 ; l’atipamézole antagonite les alpha-2
20
adrénergiques (5 mg d’atipamézole par milligramme de médétomidine et 0,1 mg par
milligramme de xylazine) ; et le flumazénil réverse les benzodiazépines à la posologie de 0,01
mg/kg.
4.1.2 Positionnement et monitoring
L’animal est couché sur le flanc gauche, afin que la portion terminale de l’estomac (antre
pylorique et pylore) soit éloignée de la surface de la table de consultation (Photo 1). Ce
positionnement facilite l’avancée de l’endoscope lors de l’examen (Tams et Rawling, 2011 ;
Lane et al, 2004). L’animal est ensuite intubé avec une sonde endo-trachéale (Photo 1),
améliorant les chiffres de saturation en oxygène chez certains individus (vu en pratique).
Les auteurs recommandent de perfuser le patient au Ringer Lactate® en veillant à corriger la
déshydratation éventuelle avant l’anesthésie. Dans le cadre des manipulations réalisées en
janvier 2017 au Zoo de La Palmyre, la perfusion a été réalisée au Ringer Lactate® à la
posologie de trois millilitres par kilogramme par heure, afin de suivre un protocole identique
entre individus (Photo 1).
Le monitoring de l’anesthésie repose sur la prise des valeurs de la fréquence cardiaque (FC),
la fréquence respiratoire (FR), la température et la saturation en oxygène (Photo 1). Tams et
Rawlings (2011) complètent le monitoring en prenant les valeurs de la pression artérielle
sanguine, des gaz artériels et du débit cardiaque. Il est également possible de réaliser un
électrocardiogramme (ECG).
4.2 Méthodologie de l’examen endoscopique (Taws et Rawling, 2011)
L’examen endoscopique nécessite une dilatation plus ou moins importante de l’estomac, en
fonction de la région observée. Il repose donc sur un équilibre entre l’insufflation et la succion
d’air au cours de la manipulation. Une insufflation d’air continue pendant la traversée de
l’œsophage est recommandée (Photo 2), permettant l’avancée de l’endoscope ainsi qu’un
premier examen du tractus digestif antérieur. Une dilatation minimale de l’estomac est requise
pour séparer les plis de la muqueuse et les rendre observables. Lors de sur-distension, les plis
ne sont plus distincts, la muqueuse apparait blanchâtre et les vaisseaux sanguins superficiels
sont apparents. Il convient alors d’aspirer l’air en surplus.
L’examen initial permet d’évaluer l’apparence macroscopique des plis de la paroi et de la
muqueuse gastrique, de détecter la présence de lésions, d’ulcères, ou de corps étranger, ainsi
21
que la présence de fluides. La facilité de distension de l’estomac est également évaluée,
excluant alors les troubles de motilité du diagnostic différentiel si la distension est aisée.
L’estomac est ensuite examiné région par région et trois points repères sont à identifier, à
savoir le cardia, l’angulus et le pylore. L’angulus est défini comme un pli épais de la
muqueuse qui s’étend transversalement dans l’estomac depuis la petite courbure. Il sépare la
partie proximale de l’estomac, le fundus et le corps, de la partie distale, l’antre pylorique.
Une fois la jonction gastro-œsophagienne passée, on visualise l’estomac proximal : la grande
courbure caractérisée par des plis longitudinaux se situe en bas à gauche de l’écran, la petite
courbure se localisant à droite du manipulateur. Une vue panoramique du corps est obtenue
avec un minimum de mouvements de déviation de l’embout de l’endoscope. L’examen se
poursuit par l’avancée progressive de l’endoscope le long de la grande courbure, jusqu’à
atteindre l’angulus. Une fois atteint, les auteurs recommandent de réaliser une rétroversion,
appelée aussi « manœuvre J », avant de poursuivre par l’examen de l’estomac distal.
La rétroversion consiste en une déviation d’abord partielle de l’embout de l’endoscope afin
d’obtenir une vue de face de l’angulus, puis en une déviation complète. On observe alors le
dôme du fundus et le cardia (Photo 3). En tirant l’endoscope vers l’arrière et en gardant cette
position, on examine de plus près la muqueuse de la région. Deux manœuvres sont alors
possibles : soit le retour à la position neutre dans l’estomac proximal, soit un retour en
rétroversion partielle pour observer la muqueuse de la petite courbure. En poursuivant
l’avancée de l’endoscope depuis l’angulus, on visualise l’estomac distal puis l’antre
pylorique, caractérisée par l’absence de plis et la présence de péristaltisme, et le pylore (Photo
4).
4.3 Anomalies macroscopiques
Comme expliqué au paragraphe précédent, l’examen endoscopique permet de visualiser les
anomalies macroscopiques présentes au sein de l’estomac. Les principales lésions observées
en cas de gastrite sont de l’érythème et de l’érosion, présentes chez 100% des chats
domestiques ayant subi une gastroscopie dans l’étude de Hermanns (1995). L’érythème est la
seule anomalie macroscopique trouvée chez 30 % des félins tropicaux étudiés par Camargo et
son équipe (2011). L’équipe d’Eaton (1993) a réalisé une endoscopie chez huit des 25
guépards de leur étude et a autopsié trois individus. L’hypertrophie de la muqueuse ainsi que
l’érosion épithéliale sont les lésions dominantes, observées chez 90% des onze individus
étudiés.
22
Des ulcères peuvent également être observés, accompagnant les gastrites de grade élevé
(Citino et Munson, 2005). Ils ont été retrouvés chez un tiers des chats domestiques (Hermanns
et al, 1995) et chez trois des vingt-cinq guépards (27%) étudiés par Eaton et son équipe
(1993).
Neuf pourcents des individus n’ont aucune lésion macroscopique (Eaton et al.1993). Il en est
de même pour la population de félins du Zoo de La Palmyre, dont l’estomac est examiné par
endoscopie en janvier 2017. Seule Nandi, guépard femelle de 12 ans euthanasiée en décembre
2016 pour insuffisance rénale chronique sévère, a présenté des zones d’ulcération de la
muqueuse gastrique (Photo 5).
Aucune étude ne rapporte la présence de processus tumoraux.
5 Le diagnostic et la gestion médicale des animaux atteints de gastrite
5.1 Méthodes de diagnostic
Les échantillons prélevés proviennent des différentes régions de l’estomac, à savoir le cardia,
le fundus et l’antre pylorique. Ils sont réalisés à l’aide de pinces à biopsies de 2 à 2,5
millimètres de diamètre, sous contrôle visuel d’un endoscope flexible. Deux à six biopsies par
site sont réalisées (Eaton et al.1993 ; Jakob et al.1997 ; Schroder et al.1998 ; Camargo et
al.2011). Lors de certaines études, le duodénum proximal (15 cm en arrière du pylore) est
aussi prélevé (Jakob et al.1997). Diverses techniques de diagnostic sont utilisées : culture
bactérienne, test à l’urée, inoculation, sérologie, « polymerase chain reaction » (PCR) et
microscopie électronique afin de caractériser les agents pathogènes détectés. La microscopie
optique permet de visualiser les modifications histologiques associées ou non à la présence
d’Helicobacter.
5.1.1 Bactériologie
Dans l’espèce humaine, H.pylori est communément identifié à l’aide de l’histologie, de la
culture bactérienne, du test à l’urée et de la sérologie.
La culture bactérienne est réalisée sur des boites de gélose au sang de lapin ou sur gélose
chocolat, suivie d’une incubation à 37°C dans des conditions micro-aérobies, durant 5 à 8
jours. Les colonies sont identifiées comme appartenant au genre Helicobacter sur base leurs
caractéristiques : souche GRAM négative, croissance micro-aérobie, production d’uréase, de
catalase et d’oxydase (Eaton et al. 1993 ; Schroder et al. 1998). Les HLO ne sont pas détectés
23
in vitro. Des examens bactériologiques complémentaires sont nécessaires pour évaluer leur
présence, à savoir l’inoculation à des souris et la microscopie (Eaton et al. 1993). La
coloration de Warthin-Starry (ou coloration argentique) permet de visualiser les HpLO en
microscopie : les bactéries apparaissent brun foncé à noir à l’image, tandis que les cellules
adjacentes sont colorées en jaune doré. Les noyaux des cellules apparaissent également brun
foncé.
Le test à l’urée est réalisé en plaçant les prélèvements de muqueuse gastrique dans 50 µL d’un
bouillon contenant des indicateurs d’uréase. Un changement colorimétrique, de l’orange foncé
au rouge cerise, endéans les deux heures, est considéré comme une réaction positive. Le test à
l’urée, indicateur de la présence de bactérie, est positif chez 21 des 22 guépards testés par
Eaton et son équipe (1993). Ce test possède un intérêt dans le diagnostic d’infection ou de
gastrite à Helicobacter mais ne permet pas de distinguer les différents sous-groupes bactériens
(Eaton et al. 1993).
Seule l’équipe d’Eaton (1993) a réalisé l’inoculation à des souris dans le cadre de leur étude.
Les échantillons de l’ensemble des sites prélevés sont homogénéisés avec 0,5 à 1,0 mL d’un
bouillon de Brucella (Difco Laboratories, Detroit, MI) contenant 10 % de sérum fœtal de
veau. Deux à quatre souris pour chacun des guépards testés sont inoculées oralement avec 0,2
mL de l’homogénat (10^9 cfu/mL). Quatre souris sont inoculées avec des hélico-bactéries
provenant de guépards hors de l’étude et servent de contrôle. Les HLO sont détectés chez
l’ensemble des souris, en étant absents du groupe contrôle. Helicobacter est non pathogène
chez les souris inoculées oralement avec les prélèvements de muqueuse gastrique des
guépards atteints (Eaton et al. 1993).
Un test ELISA est réalisé afin de déterminer les titres en anticorps contre Helicobacter de la
population de guépards (Eaton et al. 1993). Des chatons, exempts de la bactérie gastrique,
sont utilisés comme groupe contrôle. Seulement trois guépards sur les neufs testés possèdent
un titre élevé en anticorps contre Helicobacter bien que les titres ne soient pas corrélés avec la
sévérité des lésions gastriques ni avec les signes cliniques. L’examen sérologique n’est donc
pas considéré comme utile pour poser le diagnostic de gastrite à Helicobacter (Eaton et al.
1993).
5.1.2 Histopathologie
Après prélèvement, les biopsies gastriques sont fixées dans du formol 10 % et incorporées
dans des blocs de paraffine. Des sections de six micromètres sont colorées à l’hématoxyline et
24
éosine pour l’établissement des scores de gastrite. Les coupes sont observées en microscopie
optique.
L’histopathologie est la méthode de diagnostic utilisé pour les gastrites, permettant d’évaluer
la nature et la sévérité de celle-ci, via l’établissement d’un score. Celui-ci est basé sur le
« updated Sydney System » utilisé en médecine humaine (Stolte et Meining, 2001). Le score
de gastrite est déterminé sur les coupes colorées à l’hématoxyline éosine, à partir des sections
les plus touchées, pour chaque individu sans connaissance des résultats bactériologiques
(Eaton et al. 1993 ; Camargo et al. 2011 ; Citino et Munson, 2005). Le score est établi comme
suit (Eaton et al. 1993 ; Lane et al. 2004 ; Citino et Munson, 2005) :
GRADE 0 : absence de cellules inflammatoires, en surface de l’épithélium ou dans la
lamina propria ou moins de cinq lymphocytes par champ au fort grossissement (*400)
(Citino et Munson, 2005).
GRADE 1 : légère infiltration de lymphocytes et de plasmocytes dans la lamina
propria, avec éventuellement un nombre modéré de leucocytes intra-épithéliaux
(Eaton et al. 1993).
GRADE 2 : infiltration lymphoplasmocytaire modérée de la lamina propria, avec
présence éventuelle de cellules épithéliales nécrosées (Lane et al. 2004), sans
destruction des glandes gastriques, ni distorsion de l’architecture tissulaire.
GRADE 3 : infiltration lymphoplasmocytaire sévère s’étendant dans la lamina propria
et oblitérant les glandes gastriques, avec dilatation de celles-ci par accumulation de
cellules épithéliales nécrosées.
Hermanns et son équipe (1995) ont établi un score microscopique, observé au high powered
field (HPF), non basé sur le « updated Sydney System ». Ils classifient l’infiltration en bas
grade ou haut grade, en fonction du nombre de cellules inflammatoires visibles. La limite
correspond à la présence de dix lymphocytes par champ et/ou de cinq plasmocytes,
mastocytes ou PMN par champ.
L’un des principaux changements tissulaires relevés lors de gastrite chez l’ensemble des
espèces étudiées est l’apparition de follicules lymphoïdes dans la lamina propria, présents
sous la forme de petits agrégats de lymphocytes jusqu’aux grands nodules, avec formation
d’un centre germinatif. Dans les cas les plus sévères, les follicules distordent l’architecture
histologique en déplaçant les glandes gastriques (Eaton et al.1993 ; Schroder et al.1998). Ils
sont principalement présents dans la région du fundus et du corps de l’estomac mais peuvent
25
se retrouver au niveau de l’antre pylorique (Jakob et al. 1997). L’importance de la taille des
follicules est variable selon les espèces, les individus et non selon la région de l’estomac
étudiée.
L’apparition de follicules lymphoïdes est peu observée chez les félins tropicaux (Camargo et
al. 2011), mais se retrouve chez plus d’un tiers des guépards (Eaton et al.1993) et constitue la
principale modification histologique chez les grands félins (Jakob et al. 1997). En effet, elle
est retrouvée chez l’ensemble des individus porteurs d’un Helicobacter (HpLO et/ou HLO).
Cette modification est la seule présente chez les pumas et le serval (Jakob et al. 1997),
espèces chez lesquelles seule la présence des HLO a été démontrée. A l’inverse, ce
changement tissulaire est démontré chez les tigres, porteurs de HpLO uniquement.
Trois tigres présentent également cette anomalie histologique sans que la présence
d’Helicobacter n’ait été démontrée, tout comme chez les léopards.
Une infiltration lymphoplasmocytaire superficielle de la muqueuse, locale à diffuse, et une
infiltration de neutrophiles, généralement peu marquée, sont fréquemment présentes chez les
félins atteints de gastrite. Elle est observée chez quatre lions et quatre tigres (Jakob et al.
1997), ainsi que chez deux tigres de Sumatra (Schroder et al.1998). A nouveau, deux tigres
sur douze présentent cette modification sans que la présence d’Helicobacter n’ait été
démontrée. Les infiltrations restent très irrégulières et sont principalement observées dans la
région du cardia et du fundus (Jakob et al. 1997 ; Schroder et al.1998). L’infiltration
lymphoplasmocytaire est la lésion la plus constamment retrouvée chez les guépards, touchant
80 % des individus. Elle est caractérisée par une infiltration marquée et étendue de
lymphocytes et plasmocytes dans la lamina propria et la sous-muqueuse. Chez ces mêmes
individus, tous atteints par une gastrite de grade 3, une érosion et une ulcération de
l’épithélium superficiel sont également notées, accompagnées de leucocytes intra-épithéliaux
et de nombreux plasmocytes. Dans les cas sévères, l’infiltration distord et efface l’architecture
normale (Eaton et al.1993).
Une infiltration de neutrophiles et d’éosinophiles est rarement observée chez l’ensemble des
félins étudiés (Eaton et al.1993 ; Jakob et al. 1997 ; Schroder et al.1998).
Une fibrose de la lamina propria est observée chez dix guépards, deux lions et deux tigres.
Elle est peu sévère et peut entraîner une dégénérescence de l’épithélium glandulaire (Eaton et
al.1993 ; Jakob et al. 1997).
26
Lady, Nandi et un guépard étudié par Eaton et son équipe (1993) constituent les cas les plus
sévèrement atteints. Une gastrite ulcérative lymphoplasmocytaire diffuse sévère est
diagnostiqué chez ces individus, caractérisée par une infiltration lymphoplasmocytaire
neutrophilique modérée à sévère, entreprenant toute l’épaisseur de la muqueuse, avec une
fibrose modérée de l’interstitium chez Lady ainsi que des glandes gastriques présentant une
accumulation de neutrophiles et de débris cellulaires (abcès des glandes). Des nodules
lymphoïdes proéminents sont observés chez Nandi, et une perte des cellules pariétales par
apoptose dans la région du fundus est notée chez Lady, ajoutant une atrophie multifocale
extensive de la muqueuse au diagnostic.
Lors de gastrite, l’inflammation est multifocale ou diffuse, principalement retrouvée dans la
région du cardia et du fundus, et caractérisée par la présence de follicules lymphoïdes, par
l’infiltration de lymphocytes et de PMN et par la fibrose de la lamina propria. La sévérité de
l’inflammation varie entre les différentes zones de l’estomac, des zones dites normales se
juxtaposent aux zones d’inflammation (Eaton et al.1993 ; Schroder et al.1998 ; Citino et
Munson 2005 ; Camargo et al. 2011).
5.2 Gestion et traitement médical
Les informations reprises dans ce paragraphe n’ont été trouvées que dans des études réalisées
chez des guépards.
Le succès du traitement est évalué grâce à des biopsies stomacales répétées. En effet, les
lésions de gastrite étant multifocales, il est nécessaire de faire les biopsies plusieurs fois et en
prélevant différentes zones de l’estomac. En fonction des auteurs, il est recommandé de faire
des prélèvements selon le protocole suivant : juste avant l’instauration du traitement, une
semaine post – traitement et un à trois mois post – traitement. Lorsque les gastrites
représentent un problème chronique important, il est possible de réaliser des biopsies chaque
année après l’instauration du premier traitement, afin d’établir un suivi de la population
concernée.
Le traitement des gastrites se base sur la combinaison d’une antibiothérapie avec des
inhibiteurs des pompes à protons, permettant de lutter contre l’agent bactérien d’une part, et
d’inhiber la sécrétion d’acide gastrique d’autre part. Ce protocole est considéré comme le plus
efficace pour éradiquer H.pylori en médecine humaine. Il semble cependant inapproprié pour
les guépards. Les caractéristiques et la distribution des gastrites retrouvées chez ces animaux
27
est plus typique de la gastrite atrophique multifocale décrite en médecine humaine chez une
faible portion de la population mondiale (Citino et Munson, 2005).
Depuis des années, la thérapie de base repose sur l’utilisation des substances suivantes :
tétracycline, métronidazole, amoxicilline et subsalicylate de bismuth. Une réduction de la
sévérité des signes cliniques est alors observée sur le court terme, mais cette thérapie
n’éradique pas Helicobacter, ni ne fournit une amélioration à long terme. D’autres protocoles
offrent également un soulagement clinique à court terme, sans toutefois résoudre
définitivement la gastrite (Citino et Munson, 2005).
Citino et Munson (2005) ont mené une étude sur un groupe de trente-deux guépards, ayant
pour but d’évaluer l’efficacité de onze traitements antibiotiques et anti-inflammatoires
différents dans la réduction de l’inflammation gastrique et la colonisation par Helicobacter, et
de suivre l’évolution de la maladie au cours du temps.
Les guépards sont attribués au hasard aux différents groupes, sans connaissance du score de
gastrite, et reçoivent un à trois traitements sur la période de l’étude. Une période de six mois
sépare la mise en place d’un nouveau protocole. Un groupe contrôle est créé, ne recevant
aucun traitement durant vingt-un jours. L’étude et son suivi se déroulent sur dix ans. Cinq
protocoles reposent sur l’utilisation d’une seule molécule (antibiotique, anti-inflammatoire ou
antiacide), un protocole utilise deux molécules et les cinq autres protocoles utilisent trois
molécules. La tylosine est utilisée en tant qu’agent antimycoplasmique car la présence de
Mycoplasma sp. sur des biopsies gastriques de guépards a déjà été décrite. La prednisone est
utilisée pour déterminer si une modulation de la réponse immune réduirait l’inflammation,
sans toutefois que sa posologie ou la durée du protocole ne soient immunosuppressives.
Au début de l’étude, l’ensemble des individus sont atteints d’une gastrite : 31 % des guépards
présentent un grade 1, 44 % un grade 2 et 25 % présentent un grade 3. Sur base du dernier
examen histologique de la muqueuse gastrique, provenant d’une biopsie ou d’une autopsie, 37
% des guépards présentent un grade 1, 22 % un grade 2 et 41 % un grade 3. Pour chaque
animal pris individuellement, les grades de gastrite varient au cours du temps.
Lorsque chaque traitement est comparé au groupe contrôle, seule la combinaison
lansoprazole/clarithromycine/amoxicilline entraîne une réduction significative de
l’inflammation et seuls les protocoles notés F et G (Table I, Citino & Munson, 2005)
combinant oméprazole/clarithromycine/amoxicilline et
tétracycline/métronidazole/subsalicylate de bismuth réduisent la colonisation d’Helicobacter
28
sans toutefois éradiquer la bactérie sur le long terme. En effet, chez 65 % des guépards,
Helicobacter n’est plus trouvé sur les biopsies un mois post-traitement. Cependant onze
guépards sur les vingt-trois non colonisés par Helicobacter à la fin de l’étude, sont à nouveau
atteints sept mois post-traitement, soit par réinfection à partir de l’environnement, soit après
recolonisation par la bactérie à partir d’un foyer non détecté. Lorsque les changements
inflammatoires des différents groupes comprenant l’ensemble des grades de gastrite sont
comparés, aucun traitement n’a un effet significatif. De plus, aucun traitement n’améliore
significativement la clinique lorsque seuls les grades 2 et 3 sont inclus dans l’analyse.
Il est établi que l’utilisation d’une seule molécule n’est pas adéquate dans l’éradication
d’Helicobacter, qu’une bithérapie est également insuffisante et que seule la trithérapie est
efficace. L’éradication à court terme d’Helicobacter est rendue possible par les traitements
suivants : oméprazole/clarithromycine/amoxicilline et
tétracycline/métronidazole/subsalicylate de bismuth. La combinaison d’antibiotiques et
d’inhibiteurs de pompes à protons résulte en une amélioration notable des gastrites dans
l’étude de Citino et Munson (2005), la combinaison
lansoprazole/clarithromycine/amoxicilline étant la plus efficace. Le lansoprazole semble être
plus efficace que l’oméprazole par son effet bactéricide direct.
Sur le terrain, l’apparition de signes cliniques entraîne rarement une investigation plus
poussée et donc un diagnostic de gastrite. Les traitements sont ainsi peu employés en parcs
zoologiques. Une mise à la diète est fréquente en cas de troubles gastro-intestinaux, à
condition que ceux-ci soient remarqués. Un traitement antiparasitaire est administré si des
nématodes sont repérés dans les vomissures ou les matières fécales.
6 Conclusion
Les gastrites à Helicobacter sont fréquentes chez les humains et chez de nombreuses espèces
animales. Par conséquent, une meilleure compréhension de cette pathologie chez les animaux
peut également être utile en tant que modèle en médecine humaine. Bien que H. pylori soit
accepté comme le pathogène bactérien dominant dans l’estomac humain, un faible
pourcentage d'infections humaines a été associé à H. heilmannii, plus fréquent chez les
animaux domestiques que sauvages, suggérant un risque pour la santé publique. Cependant,
les sous-types de H.heilmannii colonisant les estomacs des humains et des animaux diffèrent
29
suffisamment pour rendre le risque de transmission faible pour l'Homme (Camargo et al,
2011).
Selon la littérature, la présence d'Helicobacter dans les estomacs de félins sauvages et captifs
a été signalée dans plusieurs pays. Il est toutefois difficile à ce stade d’identifier quelles
espèces bactériennes colonisent les différentes espèces de félidés captifs et sauvages. Au
cours de ce travail, nous avons décrit deux sous-groupes de bactéries appartenant au genre
Helicobacter ; les HLO et les HpLO. Le premier groupe, dont le principal représentant est H.
heilmannii semble coloniser un plus grand nombre d’espèces, alors que les HpLO sont
essentiellement retrouvés chez les lions (Panthera leo) et les tigres (Panthera tigris).
Des cas de mortalité associés à une gastrite sévère à Helicobacter sont décrits chez les grands
félins, bien que peu fréquents, contrairement aux cas rapportés chez les guépards. En effet,
Acinonyx jubatus est la principale espèce de félidés touchée par les gastrites. Le taux de
mortalité associée à cette maladie est évalué à 40 % en Afrique du Sud et à plus de 90 % de la
population nord-américaine des guépards détenus en zoos. Cette pathologie est une cause
majeure de mortalité ou de raison d’euthanasie (Citino & Munson, 2004 ; Wiley & Sons,
2014).
Camargo et son équipe (2011) nuancent toutefois en rapportant que les gastrites
accompagnées de vomissement et de perte de poids sont une cause majeure de décès chez les
guépards captifs, mais que l’association avec une infection à Helicobacter reste controversée.
L’un des objectifs de ce travail était de comparer les données trouvées dans la littérature à
celles du terrain. Les études menées dans ce domaine se basent sur des populations de félins
pour lesquelles un diagnostic de gastrite est posé chez l’ensemble des individus étudiés. Les
données associées à ces études ne reflètent donc pas la réalité de la pratique en médecine
zoologique. En effet, l’apparition de signes cliniques tels que vomissements et diarrhée qui
caractérisent le tableau clinique d’une gastrite, ne sont pas assez pertinents et spécifiques pour
investiguer au quotidien une éventuelle gastrite débutante.
Il est connu que le stress engendré par la captivité module les fonctions physiologiques des
espèces détenues en parcs et est responsable du développement de pathologies telles que les
gastrites. Le management devient une part essentielle du travail de vétérinaire de zoo car la
connaissance des espèces et de leurs besoins éthologiques associée aux compétences
médicales permet de leur assurer une santé et un bien-être en captivité.
30
7 Annexes
Tableau I : Population non exclusive des félins détenus au Zoo de La Palmyre entre 1996 et
2017
Le nombre d’individus actuellement présents correspond au nombre d’individus présents en
janvier 2017.
Tableau II : Nombre d’individus, par espèce, ayant présenté un des signes cliniques de gastrite
ou du parasitisme, au cours de son séjour au Zoo de La Palmyre.
Tableau III : Données sur la population de guépards présente au sein du Zoo de La Palmyre en
octobre 2016.
* = présence d’Ascaris dans les vomissures ou les matières fécales liquides.
31
Photo 1 : Préparation d’un guépard avant une gastroscopie. L’animal est en décubitus latéral
gauche, intubé et perfusé par du Ringer Lactate®. Le monitoring est assuré par le moniteur
(PETIT T., Zoo de La Palmyre).
Photo 2 : Œsophage d’un lynx, visible lors d’insufflation d’air lors de la gastroscopie (PETIT
T., Zoo de La Palmyre).
32
Photo 3 : Cardia et fundus d’un estomac de guépard visible après rétroversion de l’embout de
l’endoscope (PETIT T., Zoo de La Palmyre).
Photo 4 : Antre pylorique et pylore d’un estomac de jaguar, vue par endoscopie (PETIT T.,
Zoo de La Palmyre).
33
Photo 5 : Estomac de guépard, observé à l’autopsie. Des zones d’ulcération de la muqueuse
sont visibles (PETIT T., Zoo de La Palmyre).
34
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