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Identification d ’un marqueur prosodique de

l ’accent de banlieue: le cas d ’une banlieue

rouennaise

Iryna Lehka, David Le GacIryna Lehka, David Le Gac

Laboratoire DYALANG, Université de RouenLaboratoire DYALANG, Université de Rouen

Paris, 29-30/11/04

1. Problématique générale

Hypothèses :Hypothèses : Individuation sociolinguistique des jeunes des banlieues : spécificité lexicale et surtout phoniquephonique, appelée l’“ accent des banlieues “ accent des banlieues ””

IndividuationIndividuation : "l’ensemble des processus par lesquels un groupe social acquiert un certain nombre de particularités de discours qui peuvent permettre de reconnaître, sauf masquage ou simulation, un membre de ce groupe"

[MARCELLESI J.-B., GARDIN B., 1974, Introduction à la sociolinguistique. La linguistique sociale, Larousse, Paris, page 231].

• Cet “accent” serait un marqueur marqueur sociolinguistiquesociolinguistique important permettant aux jeunes de se reconnaître entre eux, et de se différencier des locuteurs non-banlieusards.

• Cet “ accent ” est considéré par les locuteurs non-banlieusards comme repérablerepérable.

Accent

- accentuation

- accent tonique

phénomène prosodique de saillance syllabique

- accent régional, dialectal

- accent social

spécificité phonique propre à un sujet ou à

un groupe

Accent  Ensemble de marques phoniques (phonématiques et

prosodiques), indexant la manière de parler d’un sujet ou d’un groupe

(Léon P., 1993, Précis de phonostylistique, Nathan, p. 217)

Accent de banlieue

- surtout la structure suprasegmentale qui véhicule les indices de l ’accent

Objectif

Etudier la spécificité prosodiquespécificité prosodique du parler des jeunes de banlieue, dans la mesure où celle-ci est

perçueperçue et exploitéeexploitée par les locuteurs dans des processus de catégorisation sociale et spatialecatégorisation sociale et spatiale.

- Quels sont les indices prosodiques de cet accent ?

2. Constitution du corpus

Terrain :Terrain : Les Hauts de Rouen, banlieue rouennaise Les Hauts de Rouen, banlieue rouennaise

SujetsSujets : critères de choix extralinguistiquescritères de choix extralinguistiques situation géographique, âge, milieu social, origine

CorpusCorpus : entretiens semi-directifs, conversations : entretiens semi-directifs, conversations de jeunes entre euxde jeunes entre eux

• Deux collèges des Hauts de Rouen • 8 filles et 10 garçons, 14 à 16 ans, d’origine

maghrébine, négro-africaine et française.

3. Pré-enquête

Comment dégager la spécificité prosodique commune à l’ensemble de sujets à partir d’un

corpus si hétérogène?

10 personnes extérieures à la banlieue ont évalué la manière de parler de nos sujets

Démarche choisie :Démarche choisie :

40 séquences sonores d’environ une minute, chaque sujet étant « représenté » par deux ou trois

séquences

Consigne aux sujets : • écouter attentivement chaque séquence, • évaluer la manière de parler de la personne

entendue • dire dans quel quartier de Rouen la personne

pouvait résider.

Résultats de la pré-enquête

Deux types de séquences dégagés :

une réalisation prosodique particulière, qualifiée d’« accent fortaccent fort » ou « agressifagressif »

Analyse comparative de ces deux types de séquences

• séquences évaluées comme réalisées avec un accent de banlieue

• séquences non marquées, évaluées comme neutres

4. Analyse acoustique du SAB(Schème Accentuel Banlieue)

Unité Prosodique

F0

8 de

mi-

tons

SAB Chutes abruptes de Fo, indiquant les frontières d ’unités prosodiques

Fig 1 : « (on parle pas vraiment un langage) que tout le monde parle, mais c ’est un langage normal »

198 Hz

107 Hz

-10,7 demi-tons

150 Hz

124 Hz

Fig. 2 : « (oui parce que les gens) les gens ils pensent ce qu’ils veulent, nous on s ’en fout »

551 Hz

250 Hz

-13,7 demi-tons

Durée

Tab. 1 – durée moyenne ( en %) de la syllabe portant le SAB et des 3 syllabes précédentes (non-accentuées).

Syll. 1 Syll. 2 Syll. 3 Syll. SAB

Durée Moy (%) 18,8 23,3 23,6 34,4

Ecart Type (%) 7,4 6,2 7,5 7,8

Durées des 4 dernères syllybes

0

100

200

300

1 2 3 4

Syll.

Ms

Série1

Syllabe SAB - pas d’allongement significatif

Le SAB se distingue de principaux objets prosodiques du français

SAB Acc. Focal, d’Insistance

Continuatif Interrogatif Conclusif Expressivité Emphase

Place +Fin Fin +Fin +Fin +Fin +Fin

Direction +Chute Chute Chute Chute +Chute +Chute

Ampleur +Ample Ample Ample +Ample Ample +Ample

Durée Long Long +Long +Long +Long +Long

Tab. 2 – comparaison du SAB avec les contours intonatifs du français standard 

Cette chute abrupte et ample de f0 serait particulière au parler des jeunes de banlieue, et surtout elle constituerait un indice prosodique essentiel pour l’identification de l’accent de banlieue.

5. Test d ’identification• Hypothèse : la présence dans un énoncé d’un ou

plusieurs SAB permet d’identifier l’accent de banlieue.

• Constitution du test : 9 locuteurs des Hauts de Rouen 3 types de séquences sonores:

- séquences marquées (« M »), - séquences non-marquées (« NM »),- séquences modifiées par synthèse (« MS »).

Total : 47 séquences de 4 à 11 secondes

Passation du test :

- 18 sujets, tous étudiants à l’Université de Rouen, âgés de 23 à 28 ans.

- Tâche : évaluer chaque séquence comme plus ou moins marquée par l’accent de banlieue : échelle graduée de 1 à 5 ;

(1= non marquée par l’accent de banlieue).

Résultats et discussion

Nbre Moyen. Dév. std. Err. std. Moy. des rangs

M 432 3,91 1,16 ,056 459,7 MS 36 4,02 1,06 ,176 476,1 NM 324 2,92 1,42 ,079 303,2

Analyse statistique

(test de Kruskal-Wallis)

Tab. 3 – moyennes des évaluations pour chaque catégorie d’énoncé (M, MS, NM).

Différence significative entre les évaluations des catégories d’énoncés M, MS, NM (p<0,001)

Observation détaillée des évaluations

• Corrélation entre le nombre de SAB et l’identification de l’accent de banlieue

Nbre Moyenne Ecart Type M1 198 3,61 1,24 M2 234 4,17 1,02 MS 36 4,02 1,06 NM 324 2,92 1,42

Tab. 4 – moyennes des évaluations des séquences avec plusieurs (M2) ou un seul SAB (M1), séquences MS et NM.

• Pas de différence significative entre la moyenne des scores des séquences M et des séquences MS

• 3 séquences sans SAB (M) ont été identifiées comme ayant un accent de banlieue (score moyen = 4,2)

A quoi est corrélée exactement la perception de l ’accent de banlieue

dans une séquences avec un SAB ?

- à l ’ampleur de la chute?

- à la durée relative de la syllabe SAB?

- quels sont les autres paramètres ?

Unité Prosodique

F0

SAB

X

Y

Z

Ecart tonal A

Ecart tonal G

- la durée totale de la séquence ;

- la durée du groupe prosodique ;

- les durées syllabiques,

- la durée de la chute de f0 dans la syllabe SAB ;

Analyse des corrélats de perception des SAB

La perception de l ’accent de banlieue dans une séquence avec un SAB est corrélée

principalement à 2 paramètres :

l’ampleur de la chute et/ou l’amplitude du geste.

Analyse statistique des variables « Ecart tonal A » et « Ecart tonal G »

y = -1,0355x - 0,4942

R2 = 0,6631

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

12,0

14,0

16,0

18,0

-16,0 -14,0 -12,0 -10,0 -8,0 -6,0 -4,0 -2,0 0,0

Ec.ton A

Ec

.to

n G

Série1

pointssupplémentairesLinéaire (Série1)

Conclusion• La pré-enquête et l’analyse acoustique de la parole des jeunes

de banlieue rouennaise, nous ont permis de dégager une proéminence accentuelle particulière spécifique à cette population.

• Le test d’identification a montré que cette proéminence constitue un indice prosodique suffisant pour identifier la personne qui la produit comme issue de la banlieue.

• Cet indice n’est cependant pas nécessaire pour la perception de l’accent de banlieue : outre certaines réalisations segmentales, un autre type de proéminence semble également entrer en jeu dans le processus d’individuation sociolinguistique des jeunes des banlieue

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