312143xrr nycta cs6 pc - french pulp éditions · 2018-12-20 · hackeuses ! bisous ! je...
Post on 19-May-2020
3 Views
Preview:
TRANSCRIPT
NYCTA
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 3 22/11/2018 10:27:12
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 4 22/11/2018 10:27:12
Delacorta
Nycta
POLA
R
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 5 22/11/2018 10:27:12
© French Pulp éditions, 2018
49, rue du Moulin-de-la-Pointe
75013 Paris
Tél. : 09.86.09.73.80
Contact : kim@frenchpulpeditions.fr
www.frenchpulpeditions.fr
ISBN : 979-1-0251-0463-7
Dépôt légal : Janvier 2019
Couverture : © French Pulp éditions
Maquette intérieure : © Nord Compo
Le Code de la propriété intellectuelle et artistique interdit toute copie ou
reproduction destinée à une utilisation collective. Toute représentation
ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une
contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la
propriété intellectuelle.
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 6 22/11/2018 10:27:12
1.
Alba venait d’être reçue première dans la plus prestigieuse
école d’hackers éthiques, la Karl Académie de Budapest. Elle
avait prêté serment de n’utiliser sa science que pour défendre
le bien, mais bien et mal sont des concepts flous. Pour Alba,
le bien ne se trouvait pas forcément dans les institutions qui
prétendaient l’exercer.
Depuis qu’elle était partie à Budapest, elle était un peu en
froid avec son amour-mentor, Serge Gorodish, qui ne voyait
pas d’un bon œil qu’elle lui échappe. Un peu déprimé, il s’était
lancé dans l’étude des six partitas de Bach pour piano et refu-
sait de partir de Los Angeles, le lieu de leurs derniers méfaits.
De sa pagode située sur la plage de Venice Beach, il ne quittait
son piano que pour aller nager vigoureusement dans l’océan
toujours très frais. Il guettait les SMS d’Alba qui allait avoir
18 ans et qui lui donnait parfois des nouvelles :
« Réussite totale, sortie première. Je suis la reine des
hackeuses ! Bisous !
Je m’installe à Paris. Pas envie de revenir à LA. Tu viens ou
tu fais la gueule ?
Bientôt 18 ans, tu pourras enfin me baiser sans avoir mau-
vaise conscience. De toute manière je ne t’ai pas attendu pour
ça. Trois amants à Budapest. »
7
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 7 22/11/2018 10:27:12
Alba avait rencontré Serge Gorodish quand elle avait 13 ans.
Il avait débarqué dans sa petite ville, à cinquante kilomètres
de Paris. Un pianiste classique qui n’avait pas réussi mais était
devenu une sorte de justicier escroc. Tout ce qu’il fallait pour
enthousiasmer Alba. Elle se sentait à l’étroit dans une famille
qui l’étouffait. Serge, la quarantaine, lui apportait le rêve, l’exo-
tisme, la folie russe et la possibilité d’explorer la vie sous tous
les angles. Il l’avait enlevée. Alba était belle, intelligente, ambi-
tieuse, à la recherche du sans-limites. Leur passion réciproque
et chaste, enfin, pas tout à fait, car Alba avait mis en scène toute
sa sensualité pour faire craquer son Russe mais il était resté
inébranlable. À croire qu’il avait des principes. Serge était un
gangster éthique. Ensemble, ils avaient dévalisé des banques,
ils avaient établi leur justice, ils avaient rencontré une Diva, une
super rockeuse, une tueuse jazzy de la Mafia, un gang d’aveugles
fous et un psychanalyste qui avait eu la fantaisie d’enlever Alba
pour la transformer en libellule. Les méchants avaient payé.
Serge et Alba avaient fait fortune tout en défendant les oppri-
més, et surtout, ils s’étaient éclatés au-delà de toutes limites
raisonnables. Leur passion leur avait permis de tout traverser1.
Arrivée à Paris, Alba s’installa à la brasserie Terminus Nord,
elle ouvrit son Mac et chercha un attique à louer, le temps de
voir venir et de mettre en place sa stratégie de communication.
Elle but trois chocolats chauds, deux heures plus tard, en com-
pagnie d’une chasseuse d’appartement qui avait à peine 20 ans,
elle sillonnait Paris.
1. Voir les aventures de nos héros dans : Nana, Diva, Luna, Lola, Vida, Alba, chez French Pulp éditions.
8
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 8 22/11/2018 10:27:12
– Ton budget, c’est quoi ?
– Pas de limite, il suffit que ça me plaise.
– Profession libérale ? Tu veux bosser dans l’appart ?
– Profession libertaire…
– Tu as des garanties ?
– Je peux payer un an d’avance.
– Alors je crois avoir ce qu’il te faut. Un cinq pièces, dernier
étage, terrasse, jardin, carreau du temple.
– Il faut qu’on puisse monter un piano de concert.
– Pas de problème, les baies vitrées sont larges.
– Tu prends combien ?
– Normalement, trois mille, mais si tu décides, étant donné
que c’est la première visite, deux mille. Ça te va ?
– Parfait.
– Tu donnes des concerts ?
– Je compose.
– Classique ?
– Avant-garde.
L’appartement était baigné de lumière, exposé sud-ouest,
la terrasse magnifique, arbres et fleurs, arrosage automatique,
Alba flottait dans les fragrances. Jacuzzi, décor minimaliste,
design italien. Meublé avec goût. Une cuisine rouge d’enfer.
Tout en état de marche.
– Je le prends.
– Je contacte le proprio. Il est à Paris. Un architecte de
Turin.
– Invite-le. Je descends acheter six bouteilles de cham-
pagne rosé.
9
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 9 22/11/2018 10:27:12
Le lendemain Alba, en string, prenait son café sur la ter-
rasse. Elle pouvait commencer à penser stratégie. Depuis cinq
ans, elle avait avec Serge commis toutes sortes de forfaits,
amassé une fortune suffisante pour voir venir. Aujourd’hui,
elle voulait du gros afin d’exercer ses talents sans restriction.
Elle avait choisi le nom de son agence très spéciale : Nyctalope,
qui définissait bien sa capacité à entrer dans les réseaux les
plus sombres et d’y voir clair sans la moindre trace de lumière.
Il lui fallait un site bien construit qui dise en quoi elle pouvait
pénétrer l’opacité des grandes structures, surfer au plus pro-
fond des abysses tout en évitant les clients qui la consulteraient
pour des affaires banales. Elle n’était pas un détective privé à
l’ancienne, avec bouteille de bourbon, secrétaire sexy et salaire
minable. Sa science lui permettait de plonger dans les entrailles
de n’importe quelle structure, même les mieux protégées.
Elle choisit une photo gros plan du regard d’une starlette
russe qu’elle transforma avec Photoshop en ajoutant un peu
d’or dans le cristallin, elle la mit sur un fond bleu nuit, sous le
nom du site hébergé en Australie, ensuite elle rédigea un teaser
qui devait être à la fois mystérieux, intrigant, unique. Après
une journée de travail, elle écrivit, sous le regard, dans le bleu :
IMPOSSIBLE ? DANGEREUX ? EXTRÊME ?
Nycta@nyctalope.com
Elle mit le site en ligne. Elle était prête à refuser autant
de clients qu’il le faudrait, prête à attendre L’AFFAIRE, mais
comme elle tardait à arriver, Alba décida d’aller explorer le
Darknet pour voir si elle pouvait dénicher quelque chose. Elle
10
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 10 22/11/2018 10:27:12
plongea dans les entrailles profondes de la perversité humaine.
Décapitations, tortures, expériences ultimes, snuff movies,
offres de tueurs, armes, poisons, drogues, tous les méandres
les plus obscurs, les instincts les plus bas. Elle passait rapide-
ment, regardait les sujets, quelques secondes de films parfois.
Certains étaient truqués, d’autres pas. Il fallait avoir le cœur
bien accroché mais Alba, pendant ses études, avait vu certains
de ses camarades se délecter dans cette noirceur. Les films
d’horreur ne leur suffisaient plus, ils voulaient du réel. Elle
tomba sur un site dont l’intitulé l’intrigua : Los Eradicators.
Elle plongea et se retrouva sur un site colombien de justiciers
d’un style particulier. Ils semblaient s’en prendre à des syndi-
calistes dont on montrait les enlèvements en live, les tortures et
la mort. On voyait des manifestations. Les charges de la police
et l’apparition d’hommes cagoulés qui cernaient un manifes-
tant, le poussaient dans un 4 × 4, sous les yeux de la police qui
laissait faire. Alba regarda quelques enlèvements. Un visage se
retrouvait sur plusieurs films. Une belle jeune femme brune,
la trentaine, qui semblait guider les manifestants. Alba isola
le visage de la passionaria et le prit en photo. Elle continua
à visionner jusqu’au moment où elle assista, dans une autre
manifestation, à l’enlèvement de la jeune femme. Aussitôt elle
ouvrit un dossier parallèle, rechercha « Colombie/enlèvement/
femme » et trouva un visage, un nom qui correspondait, un
article aussi : « Raphaëlle Prieur, une jeune médecin membre
de Médecin sans frontières, enlevée par les FARC, disparaît en
Colombie. » Los Eradicators ne semblaient pas être des FARC
qui n’avaient pas publié de tortures et d’enlèvements sur le Net.
Ils étaient plutôt discrets pour échapper à l’armée colombienne.
11
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 11 22/11/2018 10:27:12
Los Eradicators étaient un groupe parallèle, une milice de la
mort. Ils ne semblaient s’attaquer qu’aux syndicalistes. Alba
ouvrit la vidéo qui faisait suite à l’enlèvement de Raphaëlle.
Le 4 × 4 arrive dans un hangar. Raphaëlle est suspendue
par les poignets à une poutrelle de métal. Elle est cagoulée, elle
hurle. Un homme petit et trapu, cheveux noirs longs, s’appro-
che. Il enlève la cagoule. Raphaëlle cesse de hurler, comme
hypnotisée par celui qui lui fait face.
– Tu te croyais à l’abri ?
– Je suis médecin, je suis française. Vous pouvez tuer impu-
nément des syndicalistes colombiens parce que vous jouissez
de protections de la police et de certains hommes politiques
corrompus, mais ça ne se passera pas comme ça avec la France.
– On n’en a rien à foutre de la France. On t’a prévenue deux
fois. Tu laisses tomber ou tu meurs, comme les autres. Tu as
entendu parler de moi ?
– El Diablo… Vous êtes tristement célèbre…
– Tu sais que nous faisons disparaître les corps à tout
jamais. Pas de traces, pfuit, envolés…
La caméra bouge sur le côté, on découvre le visage terri-
fiant d’El Diablo. Il s’approche de Raphaëlle. Il sort un couteau
de l’étui qu’il porte sur le côté gauche. Il découpe lentement
sa chemise, d’un coup de lame il fait sauter la ceinture qui
tient le jean. Il s’accroupit pour ôter les chaussures et le slip
de Raphaëlle puis il se redresse et découpe les manches de la
chemise. Raphaëlle est pétrifiée. Elle ne crie plus.
– Tu sais qu’on m’appelle aussi le confesseur ?
Raphaëlle fait un mouvement affirmatif de la tête.
12
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 12 22/11/2018 10:27:12
– Les gens se confient facilement à moi, mais toi, c’est un
peu différent. Tu n’as rien à m’apprendre.
– Alors libérez-moi !
– Tu es là juste pour mon plaisir, ma mignonne. J’aime les
seins. Les tiens sont très jolis.
El Diablo sort un porte-clés qu’il brandit sous le nez de
Raphaëlle.
– Tu vois, c’est mon porte-bonheur. Ça éloigne les mau-
vais esprits. Des seins séchés. Mais ce sont des seins de
Colombiennes. Ils étaient jolis aussi mais des seins bien clairs
de gringos, ça, c’est le luxe. Tu ne souffriras pas trop, mon
couteau est très affûté. Ensuite je les ferai sécher et ils seront
à l’honneur sur mon porte-clés.
– On m’identifiera, vous serez capturé, condamné à mort.
– J’ai des amis bien placés.
– Je sais, les messieurs très corrects qui sont à la tête de
Nasty.
– Tu vois, tu en sais déjà trop. Mais on ne t’identifiera pas.
On va faire passer ça sur le dos des FARC. Un enlèvement. Une
disparition.
– Ils retrouveront mon corps.
– Sans mains, sans pieds, sans tête, un corps ne parle pas
facilement.
El Diablo bondit, deux coups de lames, les seins se
détachent.
Fin de la vidéo.
Alba se rua vers les toilettes, vomit. Elle se rinça la bouche.
Une rage glaciale s’empara d’elle. Une rage comme jamais elle
13
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 13 22/11/2018 10:27:12
n’en avait éprouvé. Elle trouva la force de revenir à son ordina-
teur. Ses doigts couraient sur le clavier. Alba ne voit plus rien,
elle ne peut arrêter de pleurer. Elle sort la bouteille de vodka
du congélateur, s’en sert un grand verre. Elle retrouve la force
de revenir à l’ordinateur.
Elle trouva l’adresse des parents de Raphaëlle Prieur sur le
Net, elle les appela, leur expliqua son plan.
– Inutile, mademoiselle, nous avons tout essayé, nous
sommes ruinés. Laissez-nous en paix.
Alba expliqua calmement en quoi elle était différente. Il lui
fallut une demi-heure pour convaincre les parents de venir la
voir. Elle leur donna rendez-vous dans un café désert.
Un couple d’une cinquantaine d’années, épuisé, désespéré,
prit place sur les chaises bistrot. L’homme était trop ému pour
parler, les yeux tirés par les nuits sans sommeil, il laissa sa
femme exposer l’affaire. Alba prenait des notes.
– Il y a deux ans, notre fille Raphaëlle venait de finir ses
études de médecine. Elle voulait faire de l’humanitaire. C’était
une jeune femme extrêmement intelligente, généreuse, idéa-
liste. Elle a commencé à travailler pour une ONG au Nicaragua.
Tout s’est bien passé. Elle était enthousiaste, son travail était
reconnu. Elle nous envoyait souvent des photos avec les enfants
qu’elle soignait. Tenez, regardez…
Alba vit ce beau visage, cet œil brillant, ce sourire généreux.
– Elle est magnifique. Que s’est-il passé ensuite ?
– Raphaëlle a été envoyée en Colombie. Il y avait beau-
coup de blessés dans le cadre d’opérations menées par des
mercenaires contre des ouvriers syndicalistes qui se battaient
14
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 14 22/11/2018 10:27:12
pour défendre leurs droits. Un à un, ils étaient assassinés, sans
aucune suite légale. Il faut vous dire que notre fille était aussi
très engagée politiquement et qu’elle défilait avec les veuves
et les familles des syndicalistes assassinés. Vous la voyez sur
ces photos. Elle se croyait protégée par son statut de médecin
humanitaire. Un jour, nous n’avons plus eu de nouvelles. Nous
sommes partis en Colombie. Au début, tout le monde se tai-
sait, la population était terrorisée mais finalement, l’une de ses
amies syndicalistes a parlé. On avait retrouvé son corps affreu-
sement mutilé. Ils l’avaient décapitée, amputée des mains et
des pieds pour rendre l’identification impossible. On lui avait
coupé les seins.
La mère de Raphaëlle éclata en sanglots. Alba posa sa main
sur son épaule.
– Elle avait été enterrée dans la forêt par la population,
ils avaient gravé son nom sur une pierre. Nous l’avons lais-
sée là-bas, sur les lieux de son combat. Plus de cinquante per-
sonnes ont été assassinées sans qu’on s’en préoccupe. Nous
savions que les syndicalistes travaillaient tous pour l’un des
géants mondiaux de l’agroalimentaire, la firme suisse Nasty.
– Ils portent bien leur nom, dit Alba en évitant de parler
de la vidéo vue sur le Darknet.
– Nous avons engagé un détective privé, un brave homme,
qui nous a fourni un dossier bien fait sur les crimes et les opé-
rations de terreur menées par ces commandos et parfois même
par la police qui les couvre, et nous avons attaqué Nasty auprès
du Tribunal fédéral suisse mais leurs avocats sont extrême-
ment habiles, pour finir, nous avons perdu. Tout perdu. Enfin,
15
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 15 22/11/2018 10:27:12
presque tout, mais rassurez-vous, nous avons encore de quoi
vous payer.
– Pardonnez-moi, mademoiselle, dit l’homme enfin sorti
de son silence, mais vous me semblez bien jeune pour vous
attaquer à la firme la plus puissante du monde dans l’agro-
alimentaire.
– En cinq ans, j’ai amassé une fortune en étant de l’autre
côté de la barrière mais avec un petit côté éthique tout de même.
Je n’ai jamais été prise. Je suis aujourd’hui l’une des meilleures
hackeuses du monde. Je peux pénétrer n’importe où. Donnez-
moi le nom d’une institution, je vous fais une démo !
– Le ministère de l’Intérieur.
Alba les invita à s’installer à droite et à gauche de son ordi-
nateur.
– Il me faut un moment, soyez patients.
Les jolis doigts d’Alba couraient sur le clavier. Le couple
voyait les codes défiler, les écrans changer à grande vitesse.
Alba, totalement concentrée, semblait les avoir oubliés. Elle
restait calme. Il lui fallut plus d’une heure pour déjouer tous
les systèmes de sécurité et entrer dans le site le mieux protégé
de France.
– Et voilà !
– Impressionnant !
– Comment pensez-vous procéder ?
– Beaucoup de grandes multinationales sont des organisa-
tions criminelles. Elles ont des complicités au plus haut niveau
de l’État. Les meilleurs avocats. Inutile de les attaquer sur ce
terrain. Laissez-moi quelques jours. Je vais mettre en place
16
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 16 22/11/2018 10:27:13
une stratégie de l’ombre, mais à partir de maintenant, plus de
contact direct. Nous ne nous sommes jamais rencontrés.
– Et pour les règlements ?
– Vous êtes mes premiers clients. La cause est belle.
Raphaëlle sera vengée.
– Mais, vos dépenses ?
– Ne vous inquiétez pas, vous avez vu, j’ai pénétré le réseau
du ministère de l’Intérieur et cela ne m’a rien coûté.
– Comment saurons-nous ce que vous avez fait ?
– Regardez les journaux télévisés suisses, vous aurez les
informations les plus importantes.
– Nous croyons en vous, dit la femme qui reprenait espoir.
– Je vais me transformer en dragon !
Une fois installée, elle se dit qu’il était temps d’appeler Serge
en Californie. Elle attendit 17 heures pour ne pas le réveiller.
– Mon amour !
– Tu es à Paris ?
– Un super appart, il ne manque que le Steinway. Tu me
manques.
– Toi aussi.
– Tu viens ?
– On garde le loft ou je vends ?
– Garde-le pour nos vacances et peut-être comme planque.
Je suis sur un super gros coup.
– Déjà ?
– Je brûlais d’exercer mes talents.
– Pas de copain en ce moment ?
– C’est toi que j’aime !
17
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 17 22/11/2018 10:27:13
– Donne-moi deux ou trois jours, j’arrive !
– Je suis à toi !
Alba n’avait pas vu Serge depuis un an. Le désir était à son
apogée. Presque cinq ans qu’elle flirtait comme une folle avec
lui, qu’elle le provoquait, qu’elle utilisait toutes les ruses ima-
ginables pour le faire craquer, mais en bon russe, il avait tenu
vaillamment. Mais là, elle le sentait mûr.
Elle alla sur le site de Nasty. Il lui fallait un organigramme
des têtes pensantes de la multinationale. En surfant sur le Net,
elle en trouva cinq, sans problème. Elle imprima leurs por-
traits et les disposa sur le mur, y compris le directeur de Nasty
pour la Colombie. Puis l’Afrique et le cacao connexion, l’escla-
vagisme d’enfants, la main mise sur l’eau et tous les autres
scandales qui minaient la firme sans pour autant réduire sa
puissance tentaculaire.
À la fin de la journée, Alba avait cinq portraits, cinq biogra-
phies complètes, études, famille, postes, promotions, adresses,
hobbies, implication dans des affaires, etc. Elle s’intéressa à
l’avocat de la firme et aux protections politiques et juridiques.
Deux jours plus tard, le mur Nasty était bien fourni en cri-
minels respectables, braves pères de famille qui occasionnel-
lement soutenaient la culture, participaient à l’ouverture de
crèches et finançaient parfois des projets utiles. Elle n’eut pas
de peine à obtenir toutes les photos des syndicalistes tués ou
disparus. Alba sentait la puissance monter en elle.
Quand on sonna à 8 heures du matin et qu’elle vit la tête
réjouie de Serge, elle comprit que quatre jours et quatre nuits
venaient de passer.
312143XRR_NYCTA_CS6_pc .indd 18 22/11/2018 10:27:13
top related