alvin lucier, empty vessels : l’art sonore à la recherche ... · à mi-chemin entre la physique...

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mac LYON /COLLECTION/CHRONIQUE 05 juillet 2012 Alvin Lucier, Empty Vessels : l’art sonore à la recherche de l’harmonie. Avec Empty Vessels, le mac LYON explore quelques uns des grands thèmes de l’oeuvre d’Alvin Lucier et donne à voir son travail sur le son, les ondes qui le composent et l’espace qu’il occupe en se propageant. Les explorations de l’artiste, à mi-chemin entre la physique et la composition musicale, font de lui un pionnier de l’art sonore des années 1960. Alvin Lucier, Empty Vessels 1997 Alvin Lucier et l’expérimentation sonore : Né en 1931 à Nashua, aux Etats-Unis, Alvin Lucier fait ses études musicales à Yale et à Brandeis. C’est toutefois à Rome qu’il se familiarise avec le travail à partir de bandes magnétiques. Progressivement, il s’oriente vers la recherche de sons qui « jamais – dans des circonstances ordinaires – n’atteindraient nos oreilles ». L’entreprise est d’abord scientifique : en s’appuyant sur les expérimentations du physicien Edmond Dewan et sur les découvertes d’Hans Berger, il utilise les ondes alpha – soit un rythme cérébral – comme matériau pour une de ses pièces majeures : Music for solo performer (1965). A l’aide d’un équipement hi-fi classique, les sons captés par toute une batterie d’électrodes posées sur le crâne de l’artiste sont restitués pour le public présent. Le dispositif donne ainsi à voir une oeuvre pour ondes cérébrales amplifiées, jouée par un artiste totalement immobile. En 1966, Alvin Lucier fonde, avec Robert Ashley, Gordon Mumma et David Behrman la Sonic Arts Union, un collectif assurant la promotion de leurs oeuvres respectives, de même qu’un premier studio d’enregistrement de l’électronique musicale. Il s’agit moins, pour les quatre artistes, de créer des pièces collectives que de réunir leurs moyens techniques et leur équipement. Enseignant à Brandeis entre 1962 et 1970 où il dirige la Brandeis University Chamber Chorus, puis à la Wesleyan University, Alvin Lucier consacre une grande partie de son temps à la recherche et à l’expérimentation de nouvelles techniques musicales ; en participant à de nombreux périodiques et ouvrages sur le sujet, il se fait aussi théoricien de l’art sonore. Les oeuvres d’un pionnier de l’art sonore : Véritable pionnier dans divers domaines de la composition et de la performance musicale, Alvin Lucier s’intéresse aussi bien au son en lui-même qu’à ses manifestations physiques. Travaillant à partir de tôles, de feuilles de verre ou de peaux de tambours qu’il enduit de limaille de fer, de sucre ou de granules, il observe les effets visuels des sons sur des substances différentes. A partir de ses recherches en physique, il transforme les ondes et le rythme cérébral en instruments pour ses performances musicales ; et souvent, il exploite les configurations acoustiques des pièces dans lesquelles il s’installe pour proposer des expérimentations sonores qui tiennent compte de toutes les potentialités du lieu.

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macLYON/COLLECTION/CHRONIQUE 05 juillet 2012

Alvin Lucier, Empty Vessels : l’art sonore à la recherche de l’harmonie. Avec Empty Vessels, le mac LYON explore quelques uns des grands thèmes de l’œuvre d’Alvin Lucier et donne à voir son travail sur le son, les ondes qui le composent et l’espace qu’il occupe en se propageant. Les explorations de l’artiste, à mi-chemin entre la physique et la composition musicale, font de lui un pionnier de l’art sonore des années 1960.

Alvin Lucier, Empty Vessels 1997

Alvin Lucier et l’expérimentation sonore : Né en 1931 à Nashua, aux Etats-Unis, Alvin Lucier fait ses études musicales à Yale et à Brandeis. C’est toutefois à Rome qu’il se familiarise avec le travail à partir de bandes magnétiques. Progressivement, il s’oriente vers la recherche de sons qui « jamais – dans des circonstances ordinaires – n’atteindraient nos oreilles ». L’entreprise est d’abord scientifique : en s’appuyant sur les expérimentations du physicien Edmond Dewan et sur les découvertes d’Hans Berger, il utilise les ondes alpha – soit un rythme cérébral – comme matériau pour une de ses pièces majeures : Music for solo performer (1965). A l’aide d’un équipement hi-fi classique, les sons captés par toute une batterie d’électrodes posées sur le crâne de l’artiste sont restitués pour le public présent. Le dispositif donne ainsi à voir une œuvre pour ondes cérébrales amplifiées, jouée par un artiste totalement immobile. En 1966, Alvin Lucier fonde, avec Robert Ashley, Gordon Mumma et David Behrman la Sonic Arts Union, un collectif assurant la promotion de leurs œuvres respectives, de même qu’un premier studio d’enregistrement de l’électronique musicale. Il s’agit moins, pour les quatre artistes, de créer des pièces collectives que de réunir leurs moyens techniques et leur équipement. Enseignant à Brandeis entre 1962 et 1970 où il dirige la Brandeis University Chamber Chorus, puis à la Wesleyan University, Alvin Lucier consacre une grande partie de son temps à la recherche et à l’expérimentation de nouvelles techniques musicales ; en participant à de nombreux périodiques et ouvrages sur le sujet, il se fait aussi théoricien de l’art sonore. Les œuvres d’un pionnier de l’art sonore : Véritable pionnier dans divers domaines de la composition et de la performance musicale, Alvin Lucier s’intéresse aussi bien au son en lui-même qu’à ses manifestations physiques. Travaillant à partir de tôles, de feuilles de verre ou de peaux de tambours qu’il enduit de limaille de fer, de sucre ou de granules, il observe les effets visuels des sons sur des substances différentes. A partir de ses recherches en physique, il transforme les ondes et le rythme cérébral en instruments pour ses performances musicales ; et souvent, il exploite les configurations acoustiques des pièces dans lesquelles il s’installe pour proposer des expérimentations sonores qui tiennent compte de toutes les potentialités du lieu.

macLYON/COLLECTION/CHRONIQUE 05 juillet 2012

Qu’il s’agisse de ses pièces pour orchestre ou de ses œuvres les plus expérimentales, Alvin Lucier est constamment à la recherche de l’accord parfait, qu’il cherche à étudier dans ses manifestations sonores comme dans son déplacement dans l’espace. C’est notamment là, l’idée qui préside à la pièce présente dans les collections du Musée d’art contemporain de Lyon : Empty Vessels. Empty Vessels (1997) En 1999, lors de l’exposition Installations sonores, organisée dans le cadre du Festival Musique en scène, Alvin Lucier recrée pour le Musée d’art contemporain de Lyon son installation Empty Vessels. Il dispose au sein d’une pièce vide une série de récipients, de taille et de volume différents ; dans chacun est placé un micro, relié à un système d’amplification sonore de l’autre côté de la salle. Le spectateur, face aux vases, se trouve alors entouré par le son capté à l’intérieur des bocaux. Avec Empty Vessels, Alvin Lucier cherche à déceler l’accord parfait au sein du silence, un accord fait de vibrations. La pièce est une quête d’harmonie et vient faire écho au sein de la collection du Musée, à des pièces comme celle de La Monte Young et Marian Zazeela : la Dream House. Avec l’environnement sonore que Lucier extrait de ses vases comme dans l’expérience hypnotique à la fois sonore et lumineuse que mettent en forme Young et Zazeela, le spectateur est Alvin Lucier, Empty Vessels 1997 invité à écouter, dans un espace où le son l’enveloppe. Proche des travaux d’autres artistes de la collection comme Terry Riley ou Morton Feldman, préparant les travaux d’artistes comme Stephen Vitiello et son exploration de l’environnement sonore des parois vitrées du World Trade Center, Alvin Lucier s’inscrit dans la quête d’un dépassement de la musique traditionnelle, pour faire du son une onde de vie.