action sociale et espace public: l'Église catholique et
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KATHÉRY COUILLARD
ACTION SOCIALE ET ESPACE PUBLIC: l'Église catholique et les associations musulmanes à
Ouagadougou (Burkina Faso) (1983-2010)
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l‟Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en histoire
pour l‟obtention du grade de maître ès arts (M.A)
DÉPARTEMENT D'HISTOIRE
FACULTÉ DES LETTRES
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2013
© Kathéry Couillard, 2013
ii
Résumé
Depuis 1983, des problèmes économiques récurrents ont amené le gouvernement
burkinabé à solliciter l'aide de divers acteurs dans l'arène du développement. Impliqués à
maints degrés dans les secteurs de l‟éducation et de la santé, les religieux catholiques et
musulmans poursuivent leurs actions à Ouagadougou avec plusieurs objectifs de nature
humanitaire, prosélyte, socio-économique et politique. Ces visées permettent d‟observer
la capacité ou non d‟agency de ces groupes religieux et de mesurer leurs dynamiques
dans l'espace public. L'enseignement secondaire et les établissements de soins de santé
confessionnelle nous permettent aussi d‟appréhender la complexité des enjeux et des
relations avec l'État. L'implication sociale des religieux influence le pouvoir de
négociation qu'ils disposent au sein de l'espace public vis-à-vis de l'élite politique.
Toutefois, chaque confession tire profit de ses activités différemment : l'Église catholique
étant avantagée par une position établie dans l'action sociale, alors que les associations
islamiques tentent de faire reconnaître davantage leur implication auprès du
gouvernement.
iii
Avant-Propos
La réalisation de ce mémoire n'aurait pas été possible sans l'aide du Conseil de
Recherches en Sciences Humaines du Canada (CRSH) et celui du Bureau international de
l'Université Laval, qui m'ont fourni un soutien financier lors de mes recherches.
Mes plus sincères et chaleureux remerciements vont à ma directrice Muriel Gomez-
Perez, qui, par ses nombreux encouragements et commentaires, m'a aidée à améliorer
grandement ce mémoire. Elle m'a sans aucun doute inspirée à devenir une meilleure
étudiante et une meilleure chercheuse. Je remercie vivement également Aïssétou
Sawadogo, qui m'a aidée, orientée et guidée tout au long de mon séjour, ainsi qu'Hélène
Kabe et Danielle Fokam pour leur généreuse hospitalité.
Merci également à Ludovic Kibora, Adama Ouédraogo et Maxime Compaoré, du
Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) à Ouagadougou, à
Issa Cissé, Moussa Willy Batenga et Magloire Somé, du département d'histoire de
l'Université de Ouagadougou, à Honoré Ouedraogo de l'Université Saint Thomas d'Aquin
de Ouagadougou, ainsi qu'Hamidou Diallo du Centre national d'Archives, pour leurs
conseils. Je remercie également les membres du personnel du SNEC, des archives du
ministère de la Santé, de l‟Enseignement secondaire, supérieur et de la Recherche
scientifique et de l'IRD pour leur travail.
Ce mémoire étant basé en partie sur des enquêtes orales, je tiens à exprimer ma
gratitude envers tous les participants et établissements qui ont pris de leur temps pour
participer à ce projet, qui n'aurait vu le jour sans eux. J'espère que la réalisation de ce
travail pourra leur être utile.
Enfin, j'aimerais remercier ma famille pour son support. Un merci tout spécial à
Francis, mon conjoint, qui est toujours là à mes côtés dans mes différents projets, me
supportant dans les meilleurs moments, comme dans les plus difficiles.
iv
À mon grand-père, Bertrand Couillard
v
Tables des matières
RÉSUMÉ .......................................................................................................................... II
AVANT-PROPOS ........................................................................................................... III
TABLES DES MATIERES ............................................................................................. V
GLOSSAIRE ................................................................................................................. VII
LISTE DES ACRONYMES ........................................................................................ VIII
INTRODUCTION............................................................................................................. 1
Cadre historique................................................................................................................ 1
Historiographie ................................................................................................................. 3
Concepts ........................................................................................................................... 11
Problématique et hypothèses ......................................................................................... 13
Cadre géographique et thématique ............................................................................... 15
Plan ................................................................................................................................... 20
CHAPITRE I, SOURCES ET MÉTHODES ............................................................... 23
CHAPITRE II, DYNAMIQUES RELIGIEUSES SOUS THOMAS SANKARA
(1983-1987) : ENTRE CONFLITS IDÉOLOGIQUES ET NÉGOCIATIONS
ARDUES .......................................................................................................................... 33
A- Implantation des structures confessionnelles : quelle visibilité dans l’espace
urbain? ............................................................................................................................. 35
B- Financement et réseau international : avantage catholique? ................................ 42
C- Les objectifs de la révolution avant tout : des religieux circonspects ................... 47
a. Revendications dans le domaine social : négociations ardues .................................. 47
b. Au-delà des structures sociales : religion et espace public ....................................... 54
vi
CHAPITRE III, BLAISE COMPAORÉ, LES RELIGIEUX ET L’ESPACE
PUBLIC : VERS UNE RÉCONCILIATION POLITIQUE? (1988-1998) ................ 61
A- Établissements privés: structuration importante et nouveaux acteurs ................ 63
B- Face à l’État : Des pressions tout azimut… ............................................................. 68
a. Les structures sociales catholiques : une pierre d‟achoppement entre l‟Église et
l‟État. ............................................................................................................................. 68
b. Structures musulmanes : lutte pour une reconnaissance dans l‟espace public .......... 73
c… à des revendications politiques davantage marquées? ............................................ 78
CHAPITRE IV, L’APRÈS 1998, QUELLES TRANSFORMATIONS POUR
L’ESPACE PUBLIC RELIGIEUX? ............................................................................. 89
A- Accélération de la privatisation des établissements scolaires et sanitaires: des
besoins nouveaux ............................................................................................................. 90
B- Vers un renforcement du partenariat religieux-État? ........................................... 98
C- Limitations des religieux dans la sphère de décision politique ............................ 110
CONCLUSION ............................................................................................................. 120
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................ 128
Sources ........................................................................................................................... 128
A. Sources écrites ........................................................................................................ 128
B. Sources orales ......................................................................................................... 133
Bibliographie ................................................................................................................. 135
ANNEXES .......................................................................................................................... I
vii
Glossaire
École franco-arabe: Institution d'enseignement où les enfants reçoivent une formation, en
français et en arabe, combinant les matières scientifiques et les sciences religieuses.
Deux formules sont particulièrement utilisées, soit 75% de temps d‟enseignement en
arabe pour 25% de français, ou le contraire.
Imâm : En islam, guide de la communauté. Dans son utilisation la plus courante, désigne
celui qui dirige la prière.
Médersa (fr) (Madrasa, pi. madâris): Institution d'enseignement où les enfants reçoivent,
généralement en arabe, une formation combinant les matières scientifiques et les sciences
religieuses, au contraire des écoles coraniques traditionnelles, basées sur la mémorisation
du Coran.
Talibés: Également appelés garibous. Il s‟agit d‟un surnom donné aux enfants éduqués à
l‟école coranique et qui souvent mendient pour subvenir à leurs besoins. Ce nom
viendrait de leur appel à la générosité des passants : "dala garibou".
viii
Liste des acronymes
AEEMB : Association des Étudiants et Élèves Musulmans du Burkina
AMA: Agence des musulmans d‟Afrique (connue aussi sous le nom de Direct-Aid)
BACC: Baccalauréat
BEPC: Brevet d‟études de premier cycle
CAN: Centre d'archives nationales
CDR : Comités de Défense de la Révolution
CEP: Certificat d'études primaires
CERFI : Cercle d'Étude, de Recherche et de Formation Islamique
CIALIS: Coordination islamique des actions pour la lutte des ist/sida
CM: Centre médical
CMA: Centre médical avec antenne chirurgicale
CMBF : Communauté Musulmane du Burkina Faso
CMHV : Communauté Musulmane de Haute-Volta
CNEC: Conseil national de l‟enseignement catholique
CNR : Conseil National de la Révolution
CRL: Center for Research Librairies
CSM: Conseil supérieur des médersas
CSPS: Centre de santé et de promotion sociale (CSPS)
FAEFA: Fédération des associations des établissements franco-arabes
FAIB : Fédération des Associations Islamiques du Burkina
FICC: Fondation islamique internationale de Charité
FMI: Fonds monétaire international
IRD: Institut de recherche pour le développement
JNP : Journée Nationale du Pardon
ix
LMI: Ligue mondiale islamique
MEBA: Ministère de l'Éducation de Base et de l'Alphabétisation
MESSRS: Ministère de l‟Enseignement secondaire, supérieur et de la Recherche
scientifique
MS: Mouvement sunnite
OCI: Organisation de la coopération islamique
OIIS: Organisation internationale de secours islamique
PAS: Programmes d‟ajustement structurel
RAF: Réforme agro-foncière
SNEC: Secrétariat national de l‟éducation catholique
UNEC: Union nationale des établissements catholiques
URCB/sida: Union des religieux et coutumiers du Burkina contre le sida.
1
Introduction
Cadre historique
Depuis le début des années 1980, la ville de Ouagadougou, capitale du Burkina
Faso, a changé de façon considérable. En 1984, le président Thomas Sankara instaure un
nouvel aménagement urbain en remplaçant les quartiers traditionnels par 30 nouveaux
secteurs. Ces derniers sont regroupés en cinq communes : Baskuy, Bogodogo,
Boulmiougou, Nongremasson et Sig-Noghin. Avec cette rupture, Sankara souhaite
reprendre en main la gestion urbaine. La population de la capitale croît également à un
rythme rapide. Le taux annuel d‟accroissement moyen est passé de 7,5% de 1960 à 1975
pour atteindre 10% pour les 10 années suivantes1. Depuis, une croissance naturelle
élevée, un recul de la mortalité infantile et un exode rural ont fait passer la population de
Ouagadougou de 441 514 habitants en 1985 à 1 066 082 en 20062.
L‟expansion et l‟étalement urbain impliquent de nouveaux besoins à satisfaire pour
la population et ce, à différents niveaux dont l‟emploi, les logements, la santé et
l‟éducation. On observe des disparités d‟accès aux services urbains entre les quartiers
centraux et périurbains de Ouagadougou. Bien que la périphérie abrite certaines familles
nanties, une grande partie de la population qui y réside vit dans des espaces peu ou non
lotis ayant un accès difficile aux commodités urbaines3. Les problèmes économiques dans
lesquels le pays s‟embourbe depuis les années 1980 rendent difficile la satisfaction de ces
besoins par les seuls acteurs gouvernementaux. Durant les années 1990, l‟État est soumis
à différentes pressions financières : « The relaxation of fiscal policies trigerred an
accumulation of payment arrears, so that by 1990 domestic and external arrears had
mounted to nearly $300m. […] Meanwhile, national income was hit by a sharp decline in
1 Georges Compaoré et Ousmane Nebié, « Croissance démographique et espace urbain à Ouagadougou
(Burkina Faso) », Études urbains à Ouagadougou, Bordeaux, Centre de recherche sur les espaces tropicaux
(CRET), 2003, p. 10-17. 2 Florence Fournet, Aude M-Nikiema et G. Salem, Ouagadougou (1850-2004), Une urbanisation
différenciée, Marseille, IRD éditions, 2008, p. 22, « Petit Atlas urbain ». 3 Compaoré et Nebié, loc. cit., 2003, p. 19. Pour plus de détails sur les accès aux différents services, on peut
se référer aux cartes présentes dans l‟ouvrage de Fournet, Nikiema et Salem, op.cit., 2008, 143 p.
2
remittances from Burkinabè migrant workers in neighbouring Côte d‟Ivoire »4. Cela
amène le gouvernement à accepter en 1991 les Programmes d‟ajustement structurel
(PAS)5 initiés par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, mais
également à accélérer la privatisation de son économie.
Les secteurs scolaire et sanitaire sont deux domaines qui voient un accroissement
important de l‟offre privée. L‟État encourage ce « relais » de la part des acteurs privés.
En 2001 par exemple, le gouvernement cherche à promouvoir la construction de
structures privées scolaires en mettant sur pied le Plan décennal de développement de
l’éducation de base 2001-2010: « À ce titre, les congrégations religieuses, qu‟elles soient
musulmanes, catholiques ou protestantes, sont invitées, dans un cadre réglementaire, à
créer leurs établissements confessionnels et à participer à l‟œuvre de scolarisation »6.
Dans le secteur de la santé, le ministère cherche aussi à inclure ces acteurs de façon plus
active:
« Face à l‟insuffisance des moyens de l‟État et à la faiblesse de notre système de santé, les
objectifs sanitaires du millénaire pour le développement semblent être un défi de plus en
plus insurmontable pour le gouvernement, si celui-ci n‟imagine pas des approches
novatrices à même de renverser durablement les tendances […] Or s‟il est maintenant
reconnu que le secteur privé joue un rôle important et croissant dans la fourniture des
services de santé, l‟on doit admettre que les politiques gouvernementales n‟en tiennent pas
encore suffisamment compte […] »7.
Il existe différentes catégories d‟acteurs impliqués dans l‟offre scolaire et sanitaire
privées au Burkina Faso. Les structures à but lucratif côtoient celles à but non lucratif.
Ces dernières peuvent appartenir à des associations, des Organisation Non-
Gouvernementales (ONG), ou à des groupes religieux. Le présent mémoire s‟intéressera
particulièrement à l‟action sociale des acteurs religieux catholiques et musulmans à
Ouagadougou. Les religieux ont un certain pouvoir politique au Burkina Faso de par leur
4 Ernest Harsch, « Burkina Faso in the Winds of Liberalisation », Review of African Political Economy, vol.
25, no 78 (1998), p. 629. 5 Les PAS sont des programmes initiés dans le but de réduire le déficit budgétaire des pays du Sud comme
condition à la poursuite d‟un soutien financier des institutions financières internationales. Pour arriver à cet
objectif, ils ont privilégié un désengagement de l‟État de l‟activité économique et sociale, ainsi que
l‟ouverture des économies à la concurrence internationale. 6 Stéphanie Baux, « L‟Église catholique, l‟État et le fait scolaire au Burkina Faso: les processus de
scolarisation des populations lobi », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 5 (2006), p.
288-289. 7 Ministère de la Santé, États généraux 2010, Ouagadougou, 2010, p. 272.
3
nombre de fidèles, leurs impacts auprès de la population, leurs moyens financiers et leurs
ressources internationales. L‟éducation secondaire et les soins de santé sont des éléments
intéressants qui nous permettent d‟observer ces différents processus sociopolitiques.
Historiographie
L‟action sociale est un lieu où se disputent différents enjeux politiques, religieux et
économiques entre l‟État et les acteurs religieux. L‟offre scolaire et sanitaire en milieu
urbain a souvent été sous-estimée dans les travaux universitaires au profit du monde
rural, alors que plusieurs logiques internes se bousculent pour les citadins au point de
parler de « villes dans une ville »8. La gestion urbaine, l‟évolution des espaces
périurbains, ainsi que l‟offre de services en ville est un champ de recherche assez récent
en Afrique qui intéresse les historiens, dont C. Coquery-Vidrovitch et O. Goerg depuis
les années 19809. L. Fourchard démontre que le concept de périphérie et de mise à la
marge dans les villes africaines n‟est pas nouveau, puisque les colonisateurs ont imposé,
dans les villes africaines, un modèle inspiré des thèses hygiénistes : espace du centre-ville
réservé aux Blancs, espace intermédiaire réservé aux « semi-évolués » et espace en
périphérie pour les Noirs10
.
Le pouvoir centralisé du royaume Mossi influence l‟urbanisation de Ouagadougou,
alors que les lieux de culte s‟installent à proximité des chefs coutumiers11
. F. Fournet et
A. Ouattara s‟entendent pour dire que de 1960 à 1983, il y a un laisser-faire important de
la part du pouvoir politique en matière de gestion urbaine à Ouagadougou12
. Selon F.
Fournet et S. Jaglin, le président Thomas Sankara tente d‟installer un schéma directeur de
8 Emmanuelle Cadot et Maud Hareng, « Offre de soins et expansion urbaine, conséquences pour l‟accès
aux soins. L‟exemple de Ouagadougou (Burkina Faso) », Espace et populations, société [en ligne], no 2-3
(2006), http://eps.revues.org/index1739.html (page consultée le 10 mars 2011). 9 Laurent Fourchard, De le ville coloniale à la cour africaine : espaces, pouvoirs et sociétés à
Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso (Haute-Volta) fin XIXe siècle-1960, Paris, L‟Harmattan, 2001, 427p;
Catherine Coquery-Vidrovitch (dir.), Processus d’urbanisation en Afrique, Paris, L‟Harmattan, 1988, 2
volumes; Odile Goerg, Pouvoir colonial, municipalités et espaces urbains, Conakry et Freetown des
années 1980 à 1914, Paris, L‟Harmattan, 1997, 2 volumes. 10
Fourchard, op. cit., 2001, p.16 et 27. 11
Fournet, Nikiema et Salem, op. cit., 2008, p. 26. 12
Fournet, Nikiema et Salem, op. cit., 2008, p. 35; Ardjouma Ouattara, « Les processus d‟urbanisation et
l‟aménagement urbain à Ouagadougou », M. Compaoré et P. Hien (dir.), Histoire de Ouagadougou, des
origines à nos jours, Ouagadougou, DIST/CNRST, 2004, p. 289-290.
4
développement urbain en 198313
. Il initie plusieurs déguerpissements de quartiers, afin de
remodeler la ville et dissiper l‟autorité des pouvoirs coutumiers. La décentralisation se
poursuit sous la présidence de Blaise Compaoré dans les années 1990. J-P. Palm nous
rappelle toutefois qu‟il s‟agit avant tout d‟un « moyen de contrôle du pays », puisque les
administrateurs de la capitale sont très près du pouvoir présidentiel14
.
L‟étalement de la ville se poursuit dans les années 2000 et certaines situations
problématiques sont exposées par la population. Des projets d‟urbanisation, dont le projet
ZACA en 2001, forcent plusieurs familles à déménager vers la périphérie. Selon L-A
Gosselin, il s‟agissait pour l‟État de déplacer les populations de divers quartiers centraux
(Zangouettin, Tiedpalogo, Peuloghin, une partie de Koulouba et de Kamsaoghin et le
Camp fonctionnaire) afin de pouvoir réaménager et soigner l‟image du centre-ville.
Aujourd‟hui relocalisés à la périphérie de la capitale, les habitants ont d‟abord lutté
contre ce projet. Toujours selon Gosselin, les représentants islamiques ont alors joué un
rôle non-négligeable de « relais » entre la population et l‟État15
.
Plusieurs écrits tels que ceux d‟A. Biehler, d‟É. LeBris, de G. Compaoré et d‟O.
Nebié, soulignent que les quartiers non-lotis ouagalais abritent surtout des citadins moins
nantis ayant peu ou pas d‟accès aux commodités urbaines16
. G. Compaoré et O. Nébié
insistent toutefois sur le fait que certains quartiers ciblés, tels que Ouaga 2000 ont été
appropriés par des familles très aisés17
. Les déguerpissements ont eu plusieurs effets
négatifs sur la population dont la destruction du tissu social et l‟accentuation des
disparités entre les quartiers centraux et périphériques18
.
La volonté de contrôle et l‟autoritarisme du pouvoir politique ne s‟observent pas
que dans la gestion urbaine, mais transcendent tous les domaines de la société. Plusieurs
13
Fournet, Nikiema, Salem, op. cit., 2008, p.39-48; Sylvy Jaglin, Gestion urbaine partagée à
Ouagadougou. Pouvoirs et périphéries (1983-1991), Paris, Karthala et ORSTOM, 1995, 659 p. 14
Jean-Marc Palm, « Le dynamisme institutionnel endogène de 1960 à nos jours », M. Compaoré et P.
Hien, (dirs.), Histoire de Ouagadougou, des origines à nos jours, Ouagadougou, DIST\CNRST, 2004, p.
221-241. 15
Louis-Audet Gosselin, Le projet ZACA, Marginalisation, résistances et reconfigurations de l’islam à
Ouagadougou, 2001-2006, Québec, Presses de l‟Université Laval, 2012, p. 7-8. 16
Compaoré et Nébié, loc. cit., 2003, p. 9-27; Alexandra Biehler, « Renouveau urbain et marginalisation.
Le cas d‟habitants du centre-ville de Ouagadougou-Burkina Faso », Tiers-Monde, 47, 185 (2006), p. 57-78;
Alexandra Biehler et Émile Lebris, « Les formes d‟oppositions aux politiques de la ville à Ouagadougou »,
M. Hilgers et J. Mazzocchetti, (dirs.), Révoltes et oppositions dans un régime semi-autoritaire, le cas du
Burkina Faso, Paris, Karthala, 2010, p. 133-150. 17
Banlieue huppée située au sud de la ville. 18
Compaoré et Nébié, loc. cit., 2003, p. 9-27; Biehler, loc. cit., 2006, p. 57-78.
5
politologues se sont intéressés vers la fin des années 1980 aux mécanismes de l‟État
africain. Sans verser dans l‟essentialisme, certains écrits donnent des outils pour
comprendre des tendances générales sous-tendant le fonctionnement des systèmes
politiques. J-F. Bayart, A. Mbembe et J-F. Médard ont émis des théories sur les
fonctionnements de l‟État africain en insistant sur l‟importance de l‟accaparement des
ressources et de leur redistribution pour le développement d‟un réseau de clientèle.
L‟entretien de ce réseau devient nécessaire en vue de l‟obtention du pouvoir politique et
son maintien19
. J-F. Bayart est un des premiers qui réfléchit à cette question lorsqu‟il
élabore sa théorie sur la « politique du ventre ». Selon celle-ci, l‟obtention d‟un poste
près du pouvoir politique permet un accès aux ressources économiques et sociales de
l‟État. Ces relations sont « comme un rhizome de réseaux personnels et assure la
centralisation politique par le truchement des liens de la parenté, de l‟alliance et de
l‟amitié »20
. J-F. Médard poursuit cette idée en développant sur la patrimonialisation des
ressources. Il souligne que la confusion entre les sphères publiques et privées en Afrique
rend « la compétition pour les ressources beaucoup plus immédiate et directe »21
. A.
Mbembe, quant à lui, vient compléter ces théories en faisant un pont avec le temps
colonial en insistant sur le fait que plusieurs éléments du politique, tels que la limite floue
entre le public et le privé, les régimes d‟exemptions et de privilèges sont des
réappropriations coloniales par l‟État africain22
.
La confusion des secteurs public et privé et la personnalisation du pouvoir sont
prégnantes dans la vie politique au Burkina Faso. P. Labazée soutient que le président
Thomas Sankara, en poste de 1983 à 1987, se garde l‟exclusivité de la production de
nouveaux paradigmes sociaux et juge les différentes couches sociales selon ses critères
révolutionnaires23
. Il faut toutefois départager la volonté de faire appliquer ces politiques
19
Achille Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine,
Paris, Karthala, 2000, 293p. ; Jean-François Bayart, L'État en Afrique. La politique du ventre, Paris,
Fayard, 1989, 439p; Jean-François Médard, « Autoritarismes et démocraties en Afrique noire », Politique
Africaine, 43 (oct. 1991), p. 92-104. 20
Bayart, op. cit., 1989, p. 318. 21
Médard, loc. cit., 1991, p. 92-104. 22
Mbembe, op. cit., 2000, p. 72. 23
Pascal Labazée, « Discours et contrôle politique : les avatars du sankarisme », Politique africaine, 33
(mars 1989) «Retour au Burkina », p. 17.
6
et leurs impacts réels, notamment du point de vue économique24
. L‟arrivée au pouvoir de
Blaise Compaoré en 1987 amène une diminution de la répression politique ouverte, selon
A. Loada, mais cela n‟empêche pas le président de maintenir un régime semi-autoritaire.
Ce type de régime se distingue par la tolérance d‟une certaine opposition tout en la
surveillant étroitement25
. Pour M. Hilgers et J. Mazocchetti, les régimes semi-autoritaires
laissent une sphère d‟épanouissement pour l‟espace public, mais utilisent des dispositifs
non-officiels qui rendent l‟alternance politique impossible26
. Ces stratégies de maintien
au pouvoir sont diverses, comme le mentionne S. Hagberg. Elles sont tirées
principalement du clientélisme politique et de la culture de l‟impunité27
. Bien que le
Burkina Faso ne soit pas le pays ayant le plus important problème de corruption en
Afrique subsaharienne, cela entraîne des conflits importants comme le souligne le E.
Harsh :
« Some scholars concur, arguing that corruption remains fairly minimal in Burkina,
especially set against the staggering scale in some neighbouring West African states. That
is probably true. Burkina‟s meagre state coffers provide much smaller opportunities for
embezzlement, theft, and other abuses, while the country‟s often-cited culture of frugality
sets some social constraints. However, by the same token, cases of even small-scale
corruption can provoke considerable public outrage »28
.
Le maintien des politiques autoritaires se poursuit malgré les apparences de
privatisation et de « retrait » de l‟État à partir du début des années 1990. Cette situation
est accélérée dans les années 2000. Selon B. Hibou, la privatisation des fonctions
autrefois réservées à l‟État ne signifie pas pour autant une perte de souveraineté pour ce
dernier29
. Le gouvernement burkinabé continue d‟exercer un contrôle indirect, résultat
24
René Otayek, « Après le coup d‟État du 15 octobre 1987, Retour à la case départ au Burkina Faso »,
Année Africaine 1987-1988, CEAN, Bordeaux, 1990, p. 244. 25
Augustin Loada, « Contrôler l‟opposition dans un régime semi-autoritaire, le cas du Burkina Faso de
Blaise Compaoré », M. Hilgers et J. Mazzocchetti, (dirs.), Révoltes et oppositions dans un régime semi-
autoritaire, le cas du Burkina Faso, Paris, Karthala, 2010, p. 269. 26
Mathieu Hilgers et Jacinthe Mazzocchetti, « Introduction : semi-autoritarisme, perceptions et pratiques
du politique », M. Hilgers et J. Mazzocchetti, (dirs.), Révoltes et oppositions dans un régime semi-
autoritaire, le cas du Burkina Faso, Paris, Karthala, 2010, p. 5. 27
Sten Hagberg, « Démocratie à double façade », M. Hilgers et J. Mazzocchetti, (dirs.), Révoltes et
oppositions dans un régime semi-autoritaire, le cas du Burkina Faso, Paris, Karthala, 2010, p. 296. 28
Harsch, loc. cit., 1998, p. 635-636. 29
Béatrice Hibou, La privatisation des États, Paris, Karthala, 1997, p. 13-16.
7
d‟une coalition entre les sphères politique, militaire et financière, soutient A. Loada30
.
Ce fait n‟est pas spécifique au Burkina Faso, ni à l‟Afrique. F. Weyer mentionne que la
décentralisation doit plutôt se voir comme une redistribution des pouvoirs à des acteurs
nouveaux, sans qu‟il n‟y ait de désengagement de l‟État. Celui-ci continue de fournir
plusieurs ressources matérielles et financières à ces acteurs31
.
Les acteurs religieux présents sur le sol burkinabé sont à l‟affût des changements et
des décisions politiques. De par leur implication importante à divers points de vue dans la
société, ils entretiennent avec l‟État des relations de nature complexe et parfois
contradictoire. H. Diallo explique que la pénétration de l‟islam à partir du XVIIe siècle
mène à des tensions importantes entre la chefferie Mossi et les imams, car l‟autorité
grandissante de ceux-ci l'inquiète32
. B. Savadogo confirme que les « Hamawiyya »33
sont
toujours surveillés dans les années 1920 et 1930 par le pouvoir colonial, méfiant envers
l‟islam34
. À l‟époque coloniale, mentionne M. Somé, le christianisme est un vecteur que
veulent utiliser les colonisateurs pour asseoir leur pouvoir, mais l‟Église catholique
entretient parfois des relations houleuses avec ces derniers35
. Selon R. Otayek, dès les
premières années de la mission catholique, les religieux investissent dans la formation
d‟une élite locale, ce qui est confirmé par la fondation du petit séminaire de Pabré en
1925. Cela influence durablement les relations entre le pouvoir politique et l‟Église
catholique, celle-ci formant plusieurs hommes politiques dans ses établissements36
.
Les auteurs notent l‟apparition rapide de différences dans les relations entre le
pouvoir politique et les chefs religieux musulmans et catholiques. I. Cissé indique que,
30
Augustin Loada, « Blaise Compaoré ou l'architecte d'un nouvel ordre politique », René Otayek et al.,
(dirs.), Le Burkina entre révolution et démocratie, Paris, Karthala, 1996, p. 290. 31
Frédérique Weyer, Éducation et insertion professionnelle au Mali, jeu des trajectoires, enjeu familial et
inégalités, Paris, Karthala, 2011, p. 154-159. 32
Hamidou Diallo, « Introduction à l‟étude de l‟histoire de l‟islam dans l‟ouest du Burkina Faso : des
débuts à la fin du XIXe siècle », Islam et société au sud du Sahara, 4 (1990), p. 37-38. 33
« Le terme hamallisme est un néologisme forgé par l‟administration coloniale française pour désigner le
mouvement […] de nombreux fidèles ne s‟y reconnaissent pas et utilisent des termes dans leur langue pour
se désigner » dans Boukary Savadogo, « L‟islam confrérique au Burkina Faso, la Tidjaniyya Hamawiyya
au Moogo central », Islam et sociétés au sud du Sahara, cahiers annuels pluridisciplinaires, 10 (nov.
1996), p. 7. 34
Savadogo, loc. cit., 1996, p. 7-23. 35
Magloire Somé, La christianisation de l'ouest-Volta, action missionnaire et réactions africaines, 1927-
1960, Paris, L'Harmattan, 2004, 516p. 36
René Otayek, « L'Église catholique au Burkina Faso. Un contre-pouvoir à contretemps de l'histoire? »,
François Constantin et Christian Coulon, (dirs.), Religion et transition démocratique en Afrique, Paris,
Karthala, 1997, p. 222-225.
8
dans les années 1960-70, les musulmans sont vus par l‟État comme une clientèle
électorale importante ou un truchement par lequel les dirigeants pourraient obtenir un
appui du monde arabo-musulman. Le pouvoir politique cherche à subordonner l‟islam à
ses projets, mais les musulmans répliquent en se structurant pour créer un meilleur cadre
de discussion. C'est dans ce contexte qu'est mise sur pied la Communauté musulmane de
Haute-Volta (CMHV) en 196237
. R. Otayek de son côté souligne que l‟Église catholique
entretient des relations complexes avec l‟État, parfois conflictuelles, principalement au
sujet du financement de ses écoles38
.
La prise de pouvoir de Thomas Sankara en 1983 électrise les positions des religieux
sur les changements politiques et inaugure de nouvelles relations entre les partis
religieuses et politiques. Selon A. Kouanda le président souhaite avoir un droit de regard
sur le développement des lieux de culte et reprendre le contrôle de leur implantation à
Ouagadougou avec la Réforme agro-foncière (RAF) en 198439
. Alors que les imams et
marabouts40
pouvaient auparavant avoir une mosquée individuelle, le gouvernement leur
demande de s‟affilier avec une des trois grandes associations -la Communauté
musulmane du Burkina Faso (CMBF), le Mouvement sunnite (MS) ou l‟Association
Islamique de la Tidjaniyya- et il restreint le nombre de parcelles allouées aux lieux de
culte. Selon R. Otayek, l‟Église catholique opte pour une position plus neutre envers le
projet révolutionnaire, en collaborant avec le gouvernement, mais les associations
islamiques choisissent une variété d‟attitudes: insubordination religieuse et symbolique,
rapprochement prudent et relations cordiales41
.
On observe à partir des années 1990 un changement dans l‟attitude des religieux
envers l'État, puisque la décompression des régimes autoritaires leur laisse un espace
37
Issa Cissé, Islam et État au Burkina Faso : de 1960-1990, Thèse de Doctorat, Paris, Université de Paris
VII, 1994, p.12 et 102. 38
Otayek, loc. cit., 1997, p. 230. 39
Assimi Kouanda, « La lutte pour l‟occupation et le contrôle des espaces réservés aux cultes à
Ouagadougou », René Otayek et al. (dirs.), Le Burkina entre révolution et démocratie, Paris, Karthala,
1996, p 96. 40
Maître investi d‟un fort pouvoir spirituel. 41
René Otayek, « L‟islam et la révolution au Burkina Faso : mobilisation politique et reconstruction
identitaire », Social Compass, 43, no 2 (1996), p. 244; René Otayek, « Une relecture islamique du projet
révolutionnaire de Thomas Sankara », Jean-François Bayart (dir.), Religion et modernité politique en
Afrique noire. Dieu pour tous et chacun pour soi, Paris, Karthala, 1993, p. 101-127.
9
d‟expression plus important sur la scène publique42
. L‟espace « religieux », selon G.
André et M. Hilgers, devient un interstice dans lequel se développe une certaine
contestation du pouvoir politique43
. F. Boillot avance que l‟Église catholique, bien qu‟elle
conserve une autocensure, possède un discours qui peut concurrencer celui de l‟État44
. F.
Bourdarias mentionne qu‟au Mali les religieux sont sollicités par la population comme un
remède au désordre urbain créé par le gouvernement dans les années 200045
. J-F Bayart
n‟est toutefois pas du même avis en ce qui concerne la possibilité des religieux de
prendre la parole pour contester l‟État. Il soutient que l‟aide financière obtenue empêche
l‟Église catholique de se dresser contre lui 46
.
Les positions complexes et parfois contradictoires des religieux envers l‟État
gagnent à être étudier empiriquement. Les négociations au sujet des enjeux scolaires et
sanitaires est un terreau de recherche intéressant. Selon Marc Pilon, peu d‟études ont été
réalisées sur la question de l‟éducation au Burkina Faso. Cette situation serait
vraisemblablement due à un problème de sources, principalement du point de vue de leur
ancienneté, de leur conservation et de l‟exactitude des statistiques47
. Pour S. Baux qui a
étudié l‟implantation d‟écoles catholiques chez les Lobi, les acteurs religieux et étatiques
sont liés par le soutien, mais aussi l‟abandon et le rejet réciproque48
. En Haute-Volta, H.
Ouedraogo écrit que l‟enseignement catholique a été un « facteur déterminant » dans la
scolarisation secondaire et la formation d‟une élite nationale. En s‟intéressant aux
établissements secondaires, les missionnaires souhaitent prodiguer une éducation
religieuse, mais aussi humaine et professionnelle49
. Ses relations avec la nouvelle élite
42
Géraldine André et Mathieu Hilgers, « Entre contestation et légitimation, le religieux en contextes semi-
autoritaires en Afrique », Civilisations, LVIII, 2 (2009), p. 7-19; Florence Boillot, « L‟Église catholique
face aux processus de changement politique du début des années 1990 », Année africaine 1992-1993,
Bordeaux, CEAN, 1993, p. 115-144. 43
André et Hilgers, loc. cit., 2009, p.17. 44
Boillot, loc. cit., 1993, p.138. 45
Françoise Bourdarias, « Constructions religieuses du politique; Aux confins de Bamako (Mali) »,
Civilisations, LVIII, 2 (2009), p. 22. 46
Jean-François Bayart, « Les Églises chrétiennes et la politique du ventre », Jean-François Bayart, (dir.),
Religion et Modernité en Afrique Noire : Dieu pour tous et chacun pour soi, Paris, Karthala, 1993, p. 129-
160. 47
Marc Pilon et Madeleine Wayack, « La démocratisation de l‟enseignement au Burkina Faso : que peut-on
en dire aujourd‟hui? », Cahiers d’études africaines, 43, 169-170 (2003), p. 64. 48
Baux, loc. cit., 2006, p. 73. 49
Honoré Ouédraogo, Les défis de l‟enseignement secondaire en Haute-Volta (Burkina Faso); Acteurs,
expansion et politiques scolaires, 1947-1983, Thèse de doctorat, Paris, Université Paris Denis Diderot,
2010, p. 165.
10
nationale n‟empêcheront pas l‟Église catholique, mentionne M. Compaoré, d‟avoir des
rapports financiers houleux avec l‟État de 1969 à 198050
. C‟est à cette époque que l‟on
voit un plus grand développement de l‟enseignement arabe en Afrique subsaharienne. M.
Verlet s‟est penché sur les raisons qui ont mené à la création d‟écoles anglo-arabes au
Ghana. Pour lui, ces établissements ont été popularisés afin de concurrencer les écoles
publiques et catholiques et ainsi offrir un « savoir moderne » aux étudiants musulmans
sans pour autant mettre de côté la formation religieuse51
. Selon M. Verlet et I. Cissé qui
ont travaillé sur un sujet similaire au Burkina Faso, ces écoles arabes sont variées tant
dans leur programme que dans la qualité de l‟enseignement dispensé, certaines ayant
d‟importants problèmes financiers52
. L‟appui de l‟État varie selon les types d‟écoles et
selon les confessions. Ce soutien vient, comme le mentionne E. Lanoue remettre en
question la division public/privé dans les analyses sur l‟éducation en Afrique53
. Il faut
dépasser cette dichotomie et voir le soutien financier comme pierre d‟achoppement dans
les relations entre État et religieux.
Pour l‟implication des acteurs confessionnels dans le secteur de la santé, la
littérature est plus récente. R. Monné note que le développement des centres de santé
confessionnelle est devenu une des solutions aux problèmes de financement des soins
publics, principalement depuis les années 1990, ce qui fait des religieux des partenaires
importants de l‟État54
. K. Langewiesche soutient qu‟on observe depuis les années 1990
au Burkina Faso, des demandes provenant des pouvoirs publics envers les acteurs
religieux afin que ces derniers s‟investissent davantage dans les domaines de la vie
publique, notamment dans les secteurs de la santé et l‟éducation. Les acteurs religieux de
leur côté en retirent également des bénéfices « de reconnaissance sociale et d‟image
50
Maxime Compaoré, « La refondation de l‟enseignement catholique au Burkina Faso », Cahiers d’études
africaines, 169-170 (2003), p. 87-98. 51
Martin Verlet, « L‟expérience des English-Arabic schools (Nord Ghana) », Cahiers de la recherche sur
l’éducation et les savoirs, no 3 (2004), p. 120. 52
Verlet, loc. cit., p.119-131; Issa Cissé, « Les médersas au Burkina : l‟aide arabe et la croissance d‟un
système d‟enseignement arabo-islamique », Islam et sociétés au sud du Sahara, no 4 (novembre 1990), p.
57-72. 53
Éric Laoue, « Les écoles catholiques et la construction des « identités scolaires » en Côte d‟Ivoire »,
Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, no 3 (2004), p. 75-91. 54
Raymond Monné, « Secteurs sanitaires confessionnel et public, quelle articulation? », René Otayek (dir.),
Dieu dans la cité. Dynamiques religieuses en milieu urbain ouagalais, Bordeaux, CEAN, 1999, p. 57-59.
11
positive du groupe »55
. Pour E. Cadot et M. Hareng, les relations entre ces partenaires
sont de plus en plus complexes, principalement depuis l‟intégration de certains centres
confessionnels dans le système public par le biais d‟ententes56
. A. Nikièma nuance les
types d‟alliances existant entre le gouvernement et les acteurs privés, en mentionnant que
l‟État opte pour une formule peu décentralisée dans les faits et très « contrôlante »57
. Pour
comprendre les enjeux complexes de l‟action sociale confessionnelle, nous utiliserons
deux concepts : l‟espace public et la religious agency.
Concepts
Les réflexions sur le concept d‟espace public sont amorcées par Jürgen Habermas
dans son ouvrage Strukturwandel der Öffentlichkeit58
. Il insiste sur l‟usage public de la
raison par des personnes privées, ce qui constitue un « modèle de communication sans
contrainte entre personnes libres »59
. Le concept d‟espace public ne s‟applique donc pas
exclusivement aux sociétés démocratiques, mais traite d‟idées qui transcendent les
pratiques politiques60
. Cette définition est soumise à plusieurs critiques, soit les
restrictions des acteurs pouvant s‟exprimer dans la sphère publique selon Habermas,
l‟importance de la raison, ainsi que l‟absence des relations de domination et de la lutte
pour la reconnaissance61
. Les chercheurs qui ont repris l‟œuvre d‟Habermas utilisent
deux termes : sphère publique et espace public. Le premier concept suggère, comme le
note S. Eisenstadt, l‟existence de sphères distinctes : « Public sphere must be regarded as
a sphere between the official and the private. [...] as a sphere that expands and shrinks
according to the constitution and strength of those sectors of society that are not part of
55
Katrin Langewiesche, « Le dialogue interreligieux au service du développement : élites religieuses et
santé publique au Burkina Faso », Bulletin de l'APAD [En ligne], 33 (2011), http://apad.revues.org/4087
(page consultée le 19 décembre 2012), paragraphes 1-2. 56
Cadot et Hareng, loc. cit., 2006, p. 25. 57
Abdoulaye P. Nikiema, Valéry Ridde et Jacques Girard, « L‟efficacité des politiques publiques de santé
dans un pays de l‟Afrique de l‟Ouest : le cas du Burkina Faso », International Political Science Review, 24,
no 2 (2003), p. 241-249. 58
Jürgen Habermas, The structural transformation of the public sphere: an inquiry into a category of
bourgeois society, MIT Presse, Cambridge, 1989, 301 p. 59
Olivier Voirol, « L‟espace public et les luttes pour la reconnaissance de Habermas à Honneth », Claudia
Barril et al. (dirs.), Le public en action : usages et limites de la notion d’espace public en sciences sociales,
Paris, L‟Harmattan, 2003, p. 119. 60
Voirol, loc. cit., 2003, p. 117-137. 61
Voirol, loc. cit., 2003, p. 126 et 131-133 et Craig Calhoun, « Introduction : Habermas and the Public
Sphere », Craig Calhoun (dir.), Habermas and the Public Sphere, Cambridge, MIT press, 1992, p. 1-48.
12
the rulership »62
. De notre côté, nous utiliserons plutôt le terme espace public puisque,
comme le soutiennent A. Diaw et C. Calhoun, la division entre les sphères privée et
publique est floue, alors qu‟il y a une redistribution de plus en plus marquée des pouvoirs
publics au sein des organismes privés63
. L‟espace public rend davantage compte de
l‟entrelacement des acteurs publics et privés.
Nous définissons l‟espace public comme un lieu ouvert de discussions, de
confrontation d‟idées et de représentations. Un des enjeux principaux est d‟obtenir une
reconnaissance de ses actions et de ses particularités: « L‟espace public est alors envisagé
comme une scène de régulation des tensions entre les acteurs et comme un lieu de lutte
pour la reconnaissance de son identité, de son image, ou des droits à vivre ensemble tout
en respectant la différence »64
. On peut y rendre publics des problèmes, ou demander des
justifications aux institutions politiques sur certaines situations.
Selon notre regard, les religieux font partie de cet espace public, puisqu‟on assiste
depuis le début des années 1980 à travers le globe à une revitalisation des mouvements
religieux. Cela conteste les théories de la sécularisation et le confinement de la religion
au domaine privé, voire intime65
. L‟augmentation des champs d‟actions des acteurs
religieux entraîne un entremêlement inévitable, selon J. Haynes, des religieux et de
l‟État66
. Pour Chris Hann, qui cite l‟exemple de l‟Église catholique de Pologne, certains
acteurs confessionnels n‟ont jamais été exclus du domaine public : «It is hardly
appropriate to speak of deprivatization in this case, for this hegemonic church was never
private to begin with »67
. On remarque dans plusieurs pays africains, comme le
mentionne M. N. LeBlanc pour la Côte d‟Ivoire68
et M. Gomez-Perez pour le Sénégal et
62
Shmuel N. Eisenstadt, « Concluding Remarks : Public Sphere, Civil Society, and Political Dynamics in
Islamic Societies », Miriam Hoexter, Shmuel N. Eisenstadt et Nehemia Levtzion (dirs.), The Public Sphere
in Muslim Societies, New York, State University of New York Press, 2002, p. 141. 63
Calhoun, loc. cit., 1992, p.21; Aminata Diow, « Nouveaux contours de l‟espace public en Afrique »,
Diogène, vol. 206, no 2 (2004), p. 41. 64
Claudia Barril et alii, « Introduction », Claudia Barril et alii (dir.), Le public en action : Usages et limites
de la notion d’espace public en sciences sociales, Paris, L‟Harmattan, 2003, p.16. 65
José Casanova, Public Religions in the Modern World, Chicago, The University of Chicago Press, 1994,
p. 3. 66
Jeff Haynes, Religion in Third World Politics, Boulder, Lynne Rienner Publishers, 1994, p. 2. 67
Chris Hann, « Problems with the (De)Privatization of Religion », Anthropology Today, 16, no 6 (Dec.
2000), p. 16. 68
Marie Nathalie LeBlanc, « L‟orthodoxie à l‟encontre des rites culturels. Enjeux identitaires chez les
jeunes d‟origine malienne à Bouaké (Côte-d‟Ivoire) », Cahiers d’études africains, 182, no 2 (2006), p. 417-
436.
13
le Burkina Faso, une volonté des acteurs de déterminer les nouveaux paradigmes sociaux
par la religion. On parle alors de « remoralisation de l‟espace public » : « les jeunes
musulmans ont pris des initiatives et multiplié les lieux d‟expression pour rendre compte
de leur engagement dans l‟espace public et y affirmer leur identité islamique,
concurrençant ainsi les lieux créés par les instances étatiques »69
.
Pour traiter de l‟impact des religieux à travers l‟espace public, nous avons décidé
d‟utiliser le concept de religious agency. Celui-ci peut être défini comme les choix et
actions entrepris par les institutions religieuses, qui donnent forme et modifient les
structures sociales dans un processus graduel. Une mesure de ce concept est l‟effet du
groupe comme agent du changement (la capacité d‟agency), influencé par maints
éléments : ressources matérielles, nombre de membres, financement et respect social dont
ils sont l‟objet70
. La capacité d‟agency des groupes se transforment au fil du temps selon
leur capacité à combler ces différents critères. Ce concept est particulièrement important
dans notre recherche, puisqu‟il nous permet de mesurer l‟influence des religieux dans
l‟espace public, et de comprendre comment les structures sociales peuvent fournir des
ressources qui influenceront leur pouvoir de négociation.
Problématique et hypothèses
Dans ce mémoire, nous souhaitons nous pencher sur l‟action scolaire et sanitaire de
l‟Église catholique, d‟associations musulmanes dans les arrondissements de Bogodogo et
Baskuy à Ouagadougou de 1983 à 2010, afin d‟analyser les relations du religieux avec
l‟État burkinabé et ainsi de comprendre comment cet engagement se traduit en pouvoir de
négociations de la part des acteurs religieux au sein de l‟espace public. Le terme
« religieux » est utilisé ici autant pour désigner les imams et membres/employés des
associations musulmanes que le clergé séculier et régulier de l‟Église catholique.
69
Marie Nathalie LeBlanc et Muriel Gomez-Perez, « Jeunes musulmans et citoyenneté culturelle : retour
sur des expériences de recherche en Afrique de l‟Ouest francophone », Sociologie et sociétés [En ligne],
vol. 39, no 2 (2007), http://www.erudit.org/revue/socsoc/2007/v39/n2/019083ar, (page consultée le 3
janvier 2011). 70
Laura M. Leming, « Sociological Explorations: What is Religious Agency? », The Sociological
Quarterly, no 48 (2007), p. 74-75; Laura M. Leming, « Church as a Contested Terrain: Voice of the
Faithful and Religious Agency », Review of Religious Research, vol. 48, no 1 (September 2006), p. 56-71;
Sharon Erickson Nepstad, « Culture, Agency, and Religion in Social Movements », Convictions of the Soul
[En ligne], Oxford, Oxford University Press, 2004, http://www.oxfordscolarship.com/view/10.1093/
0195169239.001.0001 (page consultée le 10 juin 2012).
14
Toutefois, certains établissements que nous avons visités sont dirigés par les laïcs. Cette
situation s‟est principalement rencontrée pour quelques écoles franco-arabes et centres de
soins islamiques. N‟ayant pas ou peu reçu de formation religieuse, les responsables
détiennent des formations et expériences diverses. Ces acteurs et leurs structures entrent
tout de même dans une logique « religieuse », dans la mesure où ils associent leurs
actions à une confession, à une association islamique et à l‟idéologie qui la sous-tend.
L‟État classe aussi ces établissements comme étant confessionnels. Pour établir une
distinction, nous utiliserons le terme « promoteur laïcs ».
Nous tenterons de défendre quatre hypothèses. Premièrement, les pratiques
politiques de Thomas Sankara nuisent à la prise de position des religieux dans l‟espace
public, alors que ceux-ci cherchent à obtenir une visibilité dans le champ de l‟action
sociale. Deuxièmement, à partir du début des années 1990 on assiste à une volonté accrue
des religieux de prendre part au débat social. La construction d‟établissements et la
volonté de voir reconnaître leurs actions comme officielles conduisent les religieux à
consolider leur capacité d‟agency et obtenir une nouvelle visibilité dans l‟espace public.
Troisièmement, vers la fin des années 1990, on note une volonté importante de la part des
structures confessionnelles de s‟implanter dans les quartiers peu lotis. Bien que les
acteurs religieux investissement durablement l‟espace public, il n‟en demeure pas moins
que les relations qu‟ils entretiennent avec l‟État jouent dans divers registres : négociation,
cooptation, confrontation. Enfin, du point de vue confessionnel, on perçoit des
trajectoires particulières chez les catholiques et les musulmans. Les établissements des
premiers jouissent d‟une bonne réputation auprès de l‟État, ce qui influence leur pouvoir
de négociation au sein de l‟espace public. Les structures musulmanes, plus récentes,
doivent faire leur preuve devant un gouvernement méfiant, ce qui marque leur volonté
d‟être reconnu. Avant de procéder au développement de ces hypothèses, il nous faut
présenter brièvement le cadre géographique et thématique de cette recherche.
15
Cadre géographique et thématique
Arrondissements Population
1985
Population
1996
Pourcentage de la
population- 1985
Pourcentage de la
population- 1996
Baskuy 193 048 172 223 41,9% 24.2%
Bogodogo 96 443 200 922 20,9% 28,3%
Boulimougou/Nongr-
Masson/Sig-noghin
170 216 336 592 36,98% 47,2%
Source : Georges Compaoré et Ousmane Nebié, « Croissance démographique et espace urbain à
Ouagadougou (Burkina Faso) », Études urbains à Ouagadougou, Bordeaux, CRET, 2003, p. 16.
L‟importante population qui réside dans les arrondissements de Baskuy et
Bogodogo, qui représente près de la moitié de la population de la capitale, la composition
diverse des secteurs, faite d‟anciens quartiers comme d‟espaces urbains peu lotis, nous a
fait sélectionner ces deux arrondissements pour notre recherche. La population est
également assez répartie selon ses croyances religieuses, ce qui a influencé notre choix.
Ainsi, à Baskuy 57,8% de la population se disent musulmans, contre 36,9 % catholiques.
Les chiffres sont respectivement de 57% et 34,5% pour Bogodogo. Pour l‟ensemble de la
ville, on trouve 57,4% de musulmans pour 34,9% de catholiques71
. Les centres scolaires
et sanitaires confessionnels dans les deux arrondissements sont également nombreux.
Plus précisément, Baskuy est composé des secteurs 1 à 12. Il comprend des anciens
quartiers : Hamdalaye, Kologh-Naba, Ouidi, Paspanya, Dapoya, Nemnin, Koulouba, les
Quartiers Saints, Bibalogo, Goughin, Samandin, ainsi que des cités mises en place par le
pouvoir sankariste (Cité An II et III). L‟aéroport, plusieurs zones industrielles, les palais
des Moro et Ouidi Naba72
, de même que maints sièges de groupes religieux se trouvent
dans cet arrondissement73
. Bogodogo, de son côté (secteurs 14, 15, 28, 29, 30) comprend
les quartiers suivants : 1200 logements, Kalgondin, Wentenga, Patte d‟oie, Sanyiri,
Dassasgo, Bendo74
. Le nouveau quartier Ouaga 2000 fait également partie de cette zone,
mais nous l‟avons exclu de notre recherche, compte tenu de ses caractéristiques
différentes. Il s‟agit d‟un quartier bourgeois qui comprend plusieurs sièges ministériels,
71
Laure Leila Bayala Ariste, Recensement général de la population et de l’habitation de 2006,
monographie de la commune urbaine de Ouagadougou, Ouagadougou, Bureau central de recensement,
2009, p. 32. 72
Chefs coutumiers chez les Mossi. 73
Institut Géographique du Burkina Faso, Carte de Ouagadougou, juin 2004. 74
Ibidem.
16
ambassades, ainsi que le nouveau palais présidentiel. Il nécessite une analyse différente
de celle que nous proposons ici, axée sur les quartiers centraux et périphériques. De plus,
une partie non négligeable de la population de Ouaga 2000 est composée de travailleurs
en provenance des pays occidentaux et du Golfe, ayant un mode de vie différent.
Les secteurs de la ville de Ouagadougou75
75
Mapaction, « Burkina Faso Inundation Ouagadougou Administration », [En ligne], 2009
www.mapaction.org/?option=com_ mapcat&view=mapdetail&id=1684, (page consultée le 10 septembre
2011).
17
Les centres confessionnels gravitent autour du système public. Au plan scolaire,
nous nous concentrerons sur l‟enseignement du second degré (secondaire) de type
général et technique. L‟enseignement secondaire général se divise en deux cycles : le
premier est de quatre ans et se termine par le Brevet d‟études de premier cycle (BEPC),
alors que le deuxième dure trois ans et est sanctionné par le Baccalauréat (BACC),
ouvrant la voie à des études universitaires. L‟enseignement secondaire technique et
professionnel se divise aussi en premier et deuxième cycles. Du côté sanitaire, hormis les
hôpitaux, les centres médicaux avec antenne chirurgicale (CMA) sont les centres les plus
importants au point de vue du matériel médical. Viennent ensuite les centres médicaux
(CM)76
, puis les Centres de santé et de promotion sociale (CSPS) : « Établissement de
soins préventifs et curatifs dans lequel sont dispensés les soins dévolus aux cabinets de
soins infirmiers et ceux des cliniques d‟accouchement »77
. On retrouve par la suite les
dispensaires et les cabinets de soins infirmiers, établissements de premier contact. Le
ministère de la Santé définit les dispensaires comme des : « Établissement de soins tenu
par un médecin spécialiste ou non, dans lequel les malades sont suivis en ambulatoire
(non hospitalisés) »78
.
Au total, nous avons visité 10 centres catholiques, soit 7 écoles et 3 centres de santé
et un nombre identique chez les musulmans. Lors de ces visites, il nous a été possible
d‟associer l‟établissement au groupe ou à la personne qui le gèrent. Dans le secteur de
l‟éducation catholique, le diocèse de Ouagadougou s‟occupe de trois écoles : le collège
Saint-Jean Baptiste de La Salle, le collège Notre-Dame de Kologh-Naba et le lycée
technique Charles Lavigerie. Dès l‟implantation de la première mission catholique des
Pères Blancs, ceux-ci « s‟investissent dans le secteur social avec l‟éducation et la santé
comme domaines privilégiés »79
et fondent une première école en 1901. Avec l‟arrivée de
différentes congrégations religieuses extérieures et par le biais d‟un recrutement local,
l‟Église catholique prend de l‟expansion rapidement. Dès 1925, c‟est le début de
76
Un centre médical est un : « Établissement de soins offrant le paquet minimum d‟activités et le paquet
complémentaire d‟activités », Ministère de la Santé, Répertoire des établissements privés de soins du
Burkina, Ouagadougou, juin 2009, p. 5. 77
Ibidem. 78
Ibidem. 79
Maxime Compaoré, « L‟œuvre sociale de l‟administration coloniale et des « nouvelles religions » à
Ouagadougou », Maxime Compaoré et Pierre Clavier Hien (dirs.), Histoire de Ouagadougou des origines à
nos jours, Ouagadougou, Dist/CNRST, 2004, p. 210-217.
18
l‟enseignement dit secondaire avec le petit séminaire à Pabré, qui forme des candidats au
sacerdoce tout en promulguant un enseignement post primaire. L‟extension de
l‟enseignement secondaire privé catholique suit dans la capitale, au début des années
195080
, avec les écoles diocésaines citées plus haut.
Le fait que ces établissements soient gérés par le diocèse n‟empêche pas différentes
communautés religieuses d‟y enseigner ou de diriger l‟établissement, comme c‟est le cas
pour les Frères des Écoles chrétiennes, une communauté française enseignante fondée par
Gabriel Taborin, qui s‟occupe en autres du Collège La Salle, ainsi que de l‟établissement
Lassalien Bandenya. Ce dernier établissement entre dans une autre catégorie d‟écoles
catholiques, soit celles gérées par des congrégations locales ou internationales. Les Clercs
de Saint-Viateur, une congrégation qui a vu le jour en France, sont venus fonder une
mission au Burkina Faso en 199981
. Ils chapeautent le Groupe scolaire de Saint-Viateur
depuis 2000. Le collège Notre-Dame des Victoires de Saaba, établissement technique
pour jeunes filles, est une autre école gérée par la congrégation des Sœurs de
l‟Immaculée conception. Enfin, nous avons visité une école para-catholique : le collège
Wend-Manegda. Des promoteurs laïcs ont choisi de participer au projet éducatif de
l‟Église catholique, en demandant aux Frères de la Sainte-Famille, congrégation issue de
la fusion en 1959 entre la congrégation de la Haute-Volta et celle de Belley en France,
d‟en prendre la direction.
Lors de nos recherches sur l‟enseignement secondaire musulman, nous avons visité
des établissements variés dont il est important de dresser une typologie : madrasa, école
franco-arabe et école non confessionnelle gérée par des musulmans. Les madâris sont
« une transplantation en Afrique sub-saharienne des méthodes d‟enseignement arabe par
la nouvelle intelligentsia musulmane ayant fait des études à l‟extérieur. Ces élites
musulmanes ont été les témoins des réformes de l‟enseignement effectuées dans les pays
arabes qui voulaient faire face à la domination de l‟Occident »82
. L‟arabe est
généralement plus utilisé que le français et le niveau des cours de cette langue varie
80
Compaoré, loc. cit., 2004, p. 205-207. 81
Ce sont toutefois quatre Canadiens et un Haïtien qui ouvrent la mission. 82
Cissé, loc.cit., 1990, p. 57.
19
beaucoup d‟une école à l‟autre83
. Les écoles franco-arabes ont été instaurées pour mieux
intégrer le français à l‟éducation des musulmans et ainsi éviter une marginalisation du
marché de l‟emploi formel et de la fonction publique84
. Bien que plusieurs structures
cadrent dans cette définition, maints éléments varient d‟un établissement à l‟autre, tels
que le cursus scolaire et la proportion d‟enseignement en français et en arabe85
. Enfin, il
existe des écoles privées non confessionnelles, mais gérées par des musulmans,
associations islamiques ou ONG. L‟arabe y tient la place de seconde langue et les cours
de religion sont donnés en dehors des heures des cours réguliers.
Les écoles dites islamiques peuvent appartenir à des ONG, à des promoteurs privés
ou à des associations islamiques locales. Pour les associations, nous nous sommes
concentrés sur la CMBF, le MS et la Tidjaniyya hamawiyya (Tidjaniyya 11 grains) pour
leur implication dans les secteurs ciblés et l‟ancienneté de leurs structures. Leurs actions
sont représentatives des relations complexes entre les religieux et l‟État. Compte tenu du
fait que la majorité des associations possèdent leur bureau dans les quartiers centraux de
l‟arrondissement de Baskuy, plusieurs écoles leur étant affiliées s‟y trouvent. Au secteur
10 par exemple, se trouve le siège de la Tidjaniyya hamawiyya. Branche confrérique de
la Tidjaniyya née à Nioro (Mali actuel) dans les années 1920-1930, elle est fidèle aux
enseignements de Cheick Hamah Allah (mort en 1943) réclamant davantage de rigueur
dans la pratique religieuse. Le Cheick a une autorité prédominante au sein du groupe86
.
Implanté à partir des années 1920 en Haute-Volta, le foyer mis sur pied par Abdoulaye
Fodé Doukouré87
en 1932 est actuellement dirigé par son fils, Cheick Aboubacar
83
« On remarque que le français est appris comme seconde langue dès le primaire. […] Les cours de
français sont médiocres, voire souvent inexistants dans les medersas de troisième catégorie [Madrasa
privées en milieu ruraux] », Cissé, loc. cit., 1990, p. 68-69. 84
Issa Cissé, Introduction à l‟étude des médersas au Burkina Faso : des années 1960 à nos jours, Mémoire
de maîtrise, Ouagadougou, Université de Ouagadougou, 1989, p. 8. 85
Deux formules sont particulièrement utilisées, soit 75% de temps d‟enseignement en arabe pour 25% de
français, ou le contraire. 86
Boukary Savadogo, « La communauté "Yacouba Sylla" et ses rapports avec la Tidjâniyya hamawiyya »,
Jean-Louis Triaud et David Robinson (dirs.), La Tijâniyya. Une confrérie musulmane à la conquête de
l'Afrique, Paris, Karthala, 2000, p.69. 87
Commerçant né vers 1885 au Sénégal, Abdoulaye Fodé Doukouré se consacre à la religion dès 1929 et
s‟installe à Djibo (Nord du Burkina Faso actuel) en 1932 où il diffuse la Tidjâniyya hamawiyya. Hamidou
Diallo, « Le foyer de Wuro-Saba au Jelgooji (Burkina Faso) et la quête d‟une suprématie islamique (1858-
2000) », Muriel Gomez-Perez (dir.), L'islam politique au sud du Sahara. Identités, discours, enjeux, Paris,
Karthala, 2005, p. 400-403.
20
Doukouré88
. Près de leur mosquée se trouve l‟institut El-Ilmi (El-Elmi), qui leur est
associé.
Le Mouvement sunnite (MS), qui possède son siège dans l‟arrondissement de
Baskuy, a une école secondaire non loin de sa mosquée. Ce mouvement fut formé à la
suite de différentes dissensions au sein de la CMHV. Les « Wahabiyya » s‟en sont
détachés en 1973 pour former le MS. La CMHV de son côté, première association
islamique de la Haute-Volta fondée en 1962, est connue aujourd‟hui sous le nom de
Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF). Elle possède son bureau central à la
Grande Mosquée (secteur 1). La CMBF gère directement trois écoles89
. Pour ce qui est de
l‟enseignement musulman dans l‟arrondissement de Bogodogo, on remarque que les
écoles sont liées à des fondateurs privés ou à des ONG dont l‟Agence des musulmans
d‟Afrique (AMA), œuvrant au Burkina Faso depuis les années 1980.
Nous avons dans un deuxième temps effectué des recherches auprès des structures
sanitaires catholiques et islamiques des arrondissements de Baskuy et Bogodogo. Les
centres de santé sont moins nombreux que les écoles secondaires, ce qui explique
pourquoi nous en avons moins visités. Les centres sanitaires catholiques sont gérés en
grande partie par des communautés religieuses, accompagnées de personnels laïcs. Le
centre médical Saint-Camille, tenu par la communauté camilienne, un ordre italien, a été
fondé en 1967 et est devenu un centre médical en 1980. Le CSPS Juvénat fille, le
dispensaire Louis Goarnisson, ainsi que l‟ancien cabinet de soins infirmiers Saint-Michel
sont ou ont tous été tenus par des religieuses. Le portrait des établissements de santé
islamique est différent, car ce sont plutôt des ONG qui détiennent ces centres ou ils ont
été récemment repris à des ONG par des promoteurs nationaux.
Plan
Dans un premier temps, nous exposerons les sources et méthodes employées pour
mener à bien cette recherche tout en prenant le soin de discuter de leurs avantages et des
limites de leur utilisation. Dans un second chapitre, nous nous intéresserons à l‟évolution
de l‟action sociale confessionnelle sous le régime révolutionnaire de Sankara (1983-
88
Savadogo, loc.cit., 1996, p. 7-23. 89
Nous en avons visité deux sur trois, la troisième étant plus éloignée des arrondissements visés par
l‟enquête.
21
1987). Cela nous donnera l‟occasion de démontrer que les religieux des deux confessions
ont souvent des relations tendues avec le pouvoir révolutionnaire, tout en maintenant un
dialogue avec lui. Dans un troisième chapitre, nous aborderons le développement des
structures confessionnelles sous le nouveau président Blaise Compaoré (1988-1998) et la
situation de privatisation qui prévaut. Nous discuterons de l‟impact de ce contexte sur les
relations État/religieux et la visibilité de ceux-ci dans l‟espace public. Enfin, dans un
quatrième chapitre, nous présenterons les avancées de l‟implication sociale
confessionnelle depuis 1998 et les impacts encourus sur la capacité d‟agency des
religieux.
22
Les structures visitées lors de nos enquêtes
i. Il s‟agit de l‟année où l‟école coranique a déménagé et est devenue une madrasa.
ii. Il s‟agit de l‟année où l‟école a ouvert une 6e, avant il ne s‟agissait que d‟une école primaire.
iii. Il s‟agit de l‟année où l‟école a été reconnue par le ministère de l‟Éducation.
iv. Le cabinet est maintenant fermé, mais la fondatrice continue son œuvre auprès des jeunes filles
démunies, commencée avant l‟ouverture du centre de soins.
v. Un dispensaire de fortune a été installé dès 1912 par les Sœurs Blanches.
vi. Le dispensaire a ouvert ses portes en 1967, mais n‟est devenu que centre médical en 1980.
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23
Chapitre I
Sources et méthodes
Nous avons retenu quatre types de sources à exploiter pour répondre à nos
questionnements: les articles de presse, les sources écrites privées, les sources
ministérielles et les enquêtes orales. L‟utilisation de plusieurs types de données
historiques est commune pour les chercheurs qui s‟intéressent à l‟histoire de
l‟Afrique : « Le problème de sources pour l‟historien de l‟Afrique est réel, mais loin
d‟être incontournable. […] Il impose seulement un effort d‟imagination et un certain
« bricolage » pour adapter méthodologie et sources disponibles »90
. Dans le cas
particulier du Burkina Faso, l‟insuffisance de moyens pour la conservation des archives,
l‟instabilité politique, l‟interdiction de consultation et les catastrophes naturelles sont
autant d‟éléments qui rendent le travail de l‟historien plus difficile et entraînent la perte
de document91
. Nous dresserons d‟abord une brève description des sources utilisées, en y
joignant nos considérations méthodologiques, avant de discuter de notre séjour de
recherche à Ouagadougou.
L‟utilisation des journaux s‟avère intéressante pour l‟étude d‟un passé récent
comme c‟est le cas ici. Devant des archives incomplètes, cela nous permet d‟obtenir des
éléments factuels précis, qui ne ressortent généralement pas lors des enquêtes orales. De
plus, les lettres d‟opinion et les entretiens qui paraissent dans la presse nous permettent
d‟avoir accès aux positions des religieux sur diverses questions. Ces acteurs ont une
couverture intéressante dans les médias : « Les appartenances ethniques, les solidarités
familiales, la force des sentiments religieux -voire leur renouveau- ont toujours été et
restent si prégnants que leur influence demeure prépondérante et se retrouve dans les
médias »92
. Pour construire notre corpus, nous avons dépouillé deux journaux
burkinabé soit Sidwaya et l‟Observateur Paalga, pour retenir 209 articles.
90
Jean-Hervé Jezequel, « Écrire l‟histoire comme les autres, l‟historiographie africaniste de langue
française et la question de l‟histoire sociale », S. Awenengo, P. Barthélémy et C. Tshimanga, (dirs.), Écrire
l’histoire de l’Afrique autrement, Paris, L‟Harmattan, 2004, p. 252-253. 91
Moussa Batenga, « La production historique au Burkina Faso (sciences, politique et affaires) », S.
Awenengo, P. Barthélémy et C. Tshimanga (dirs.), Écrire l’histoire de l’Afrique autrement, Paris,
L‟Harmattan, 2004, p. 90-91. 92
Annie Lenoble-Bart et André-Jean Tudesq (dirs.), Connaître les médias d’Afrique subsaharienne :
problématiques, sources et ressources, Paris, Karthala, 2008, p.11.
24
Sidwaya est un quotidien93
fondé en 1984 dont la parution se poursuit encore
aujourd‟hui. Ses positions sont souvent perçues comme étant calquées sur celles du
gouvernement, mais il demeure intéressant, car il relate l‟action gouvernementale94
. Nous
avons dépouillé les numéros allant de 1984 à 2010 avec quatre méthodes différentes.
Premièrement, nous avons consulté les numéros de 1984 à 1988, disponibles sur
microfiches conservées par le Center for Research Librairies (CRL) à Chicago. Les
journaux n‟ont pas été dépouillés selon un découpage particulier, mais plutôt numéro
après numéro selon leurs liens avec trois thèmes larges : 1. Structures confessionnelles
dans l‟espace urbain et fonctionnement, 2. Relations entre les religieux et le pouvoir
politique, 3. Prise de position des religieux dans l‟espace public.
Dans un second temps, le dépouillement des numéros de 1989 à 1995 s‟est fait avec
un dossier de presse sur les questions religieuses monté sous la direction de René Otayek
que l‟on retrouve à l‟Institut de recherche pour le développement (IRD) à
Ouagadougou95
. Les articles recueillis dans cet ouvrage proviennent des journaux
Sidwaya, l‟Observateur Paalga et dans une moindre proportion du Carrefour Africain.
Tous les articles parus de 1984 à 1995 qui concernent la religion ont été placés dans ce
recueil à l‟intérieur d‟une de ces cinq rubriques : vie intérieure des Églises, aspects socio-
économique, religions et politique, Yagma96
, divers. Chacune des trois sections a été
divisée en trois sous-rubriques : catholicisme, protestantisme, islam. Les catégories sont
néanmoins biaisées, puisqu‟une seule fête religieuse, Yagma, est mise en évidence alors
qu‟il existe plusieurs autres fêtes religieuses importantes au Burkina Faso97
. Il est aussi
impropre de classer des articles portant sur des associations islamiques sous la
93
Durant ses premières années de parution il n‟est pas un quotidien, puisqu‟il n‟y a parfois que trois ou
quatre numéros par semaine. 94
Serge Théophile Balima et Marie-Soleil Frère, Médias et communications sociales au Burkina Faso;
approches socio-économique de la circulation de l’information, Paris, L‟Harmattan, 2003, p. 19 et 25. 95
René Otayek, Anne Marie Zoure, Daouda Diallo et Théodule Sankara. Dossier de presse sur les
questions religieuses, Volume 1 : mars 1984-décembre 1990, 1995; René Otayek, Anne Marie Zoure,
Daouda Diallo et Théodule Sankara, Dossier de presse sur les questions religieuses, Volume 2 : janvier
1991-décembre 1995, 1995. 96
Yagma, situé à une quinzaine de kilomètres de Ouagadougou, est le lieu d‟un pèlerinage populaire depuis
1968. Un sanctuaire marial, le sanctuaire Notre-Dame de Yagma, s‟y trouve. Catholiques suisses, « Des
milliers de fidèles du Burkina Faso attendus au pèlerinage national de yagma les 11 et 12 », [En ligne],
www.cath.ch/detail/des-milliers-de-fidèles-du-burkina-faso-attendus-au-pélerinage-national-de-yagma-les-
11-et-12, (page consultée le 25 février 2012). 97
Plusieurs autres fêtes ou évènements religieux importants ne font pas l‟objet d‟une catégorie à part tels
que Noël, Pâques, la Tabaski ou le Ramadan pour ne nommer que ceux-là.
25
rubrique « vie intérieure des Églises ». Malgré ce problème de classement, le recueil
permet un dépouillement rapide d‟articles portant sur le religieux.
Troisièmement, nous avons dépouillé les numéros de Sidwaya allant de 1996 à
2000 grâce aux exemplaires papiers conservés à l‟IRD. Survolés l‟une après l‟autre, les
pages couvertures nous indiquent si des articles peuvent correspondre à nos axes de
recherche. Enfin, nous avons utilisé le site www.allafrica.com qui possède les archives de
plusieurs journaux africains en ligne, pour avoir accès aux numéros couvrant la période
2001-2010. Sur ce site, il est possible de faire une recherche par mot-clé. Voici ceux
utilisés : privatisation, santé, éducation, santé/éducation et confessionnelle, franco-arabe,
médersa, Église/catholique, islam/musulman, Communauté musulmane, interreligieux,
Mgr Jean-Marie Compaoré, El hadj Oumarou Kanazoé. Ces deux derniers personnages se
sont grandement impliqués dans la vie religieuse de la capitale depuis les années 1980.
Le premier agit comme évêque de Ouagadougou à partir de 1973, puis en tant
qu‟archevêque en 1995, l‟autre comme trésorier, président et membre influent de la
CMBF.
Le deuxième journal que nous avons utilisé est l‟Observateur Paalga. Quotidien
fondé en 1973, sous le nom de l’Observateur, ses bureaux sont incendiés en 1984. Il
reparait en 1991 comme L‟Observateur Paalga. Ses positions face aux décisions
étatiques sont généralement plus nuancées que Sidwaya et plusieurs groupes, tels que les
religieux, envoient régulièrement des lettres ouvertes qui y sont publiées. Nous avons
aussi choisi ce journal pour son ancienneté, la place accordée aux différents acteurs de
l‟espace public et l‟importance de son lectorat ouagalais98
. Nous avons utilisé quatre
méthodes pour dépouiller ce journal. Les numéros portant sur les périodes 1983-1984 et
1991-1999 ont été dépouillés à l‟IRD avec les journaux d‟origine en regardant d‟abord
les pages couverture. Nous avons complété notre corpus avec quelques articles présents
dans le recueil de René Otayek, dont nous avons précédemment fait état, pour les
numéros des années 1984, 1991-199599
. Pour ce qui est du reste de la période (2000-
2010), nous avons utilisé deux ressources en ligne, soit le site www.allafrica.com où nous
avons employé les mêmes mots clés que pour le journal Sidwaya, puis le site
98
Balima et Frère, op. cit., 2003, p. 21 et 37. Il possède un tirage de 5 000 à 12 000 éditions par jour. 99
Otayek et al., op. cit., 1995.
26
www.lobservateur.bf où nous avons visité les archives du journal en ligne. Nous avons
consulté les éditions une après l‟autre pour trouver des articles.
Pour l‟analyse des articles composant notre corpus, nous avons choisi une
méthode qualitative. Nous avons construit un classement s‟inspirant en partie de celui de
C. Adélakoun qui a travaillé sur la presse béninoise. Après une première lecture, nous
avons classé les articles dans un tableau où l‟on retrouve le nom du journal, le numéro, le
titre de l‟article, la date de parution, l‟auteur, les mots-clés et un résumé avec des
citations. Cela nous a permis, à l‟instar de C. Adélakoum, de repérer des sujets récurrents
qui sont devenus des éléments importants de notre argumentation. Nous avons cherché à
recouper ces thèmes avec le contenu de nos autres sources. Comme cette auteure, nous
avons tenté de retracer les prises de position des acteurs dans l‟espace public sur
différents sujets. Nous avons adapté l‟analyse en ajoutant la confession et des détails
historiques sur les évènements100
. Lorsque l‟article n‟incluait pas une prise de position,
nous avons seulement noté les informations historiques repérées. Cette méthode permet à
la fois de dresser une évolution des dynamiques religieuses sociales et de voir les
changements dans les prises de position des religieux dans l‟espace public burkinabé.
Il faut rappeler que l‟utilisation des articles de journaux comme source présente
certaines limites. Ils sont d‟abord écrits pour accrocher le lecteur et le garder captif, ce
qui en affecte le contenu101
. Dans plusieurs régimes semi-autoritaires, comme c‟est le cas
au Burkina Faso, la presse est également censurée par le pouvoir politique ou fait
ouvertement preuve de partialité : « Les quotidiens représentent des entreprises tenues à
une certaine rigueur pour éviter les poursuites du pouvoir politique »102
. Nous avons
particulièrement remarqué ce comportement pour le journal Sidwaya, considéré comme
associé aux positions de l‟État par une grande partie de la population. Il faut garder ces
éléments à l‟esprit lors de l‟analyse et comparer les arguments avancés, notamment ceux
émis par des représentants du gouvernement, avec les résultats obtenus dans le reste du
corpus.
100
Corinne Adélkoum, Les enjeux de la démocratisation au Bénin, le regard de la presse privée béninoise,
Mémoire de maîtrise, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2009, 100 p. 101
Lise Chartier, Mesurer l’insaisissable, méthode d’analyse du discours de presse, Sainte-Foy, Presses de
l‟Université du Québec, 2003, p. 44, 48 et 86. 102
Lenoble-Bart et Tudesq, op. cit., 2008, p. 23.
27
Le deuxième type de sources que nous avons utilisé est les sources écrites
« privées ». Nous avons décidé d‟employer ces sources puisqu‟elles nous permettent
d‟analyser directement le point de vue de religieux alors que les journaux, bien qu‟ils
publient des lettres ouvertes, présentent majoritairement le point de vue de l‟État ou des
journalistes. De plus, les documents écrits offrent des précisions factuelles sur le
déroulement des événements qu‟il est difficile d‟avoir avec seulement des entretiens.
Nous classons dans cette catégorie les archives en provenance du diocèse de
Ouagadougou, de l‟école Notre-Dame de Kologh-Naaba, du Secrétariat national de
l‟éducation catholique (SNEC), de l‟Union nationale des établissements catholiques
(UNEC)103
et d‟archives personnelles qui nous ont été remises par des directeurs d‟écoles
franco-arabes et un professeur.
Dans tous les cas, les documents n‟étaient pas classés. Ils sont de types variés :
statistiques scolaires, bulletins scolaires, actes de congrès, correspondance,
retranscription de discours. Au total, nous avons retenu 93 documents selon nos trois axes
de recherche : 1. structures confessionnelles dans l‟espace urbain et fonctionnement, 2.
relations entre les religieux et le pouvoir politique, 3. prise de position des religieux dans
l‟espace public. Nous avons modifié la grille utilisée pour compiler les articles de
journaux : source, titre donné au document (s‟il y a lieu), type de document, date, auteur,
destinataire (si connu), mots-clés et un résumé avec des citations. Cette construction nous
a permis de comparer facilement les données recueillies avec les autres types de sources.
Le fait de se questionner sur le destinataire facilite les observations sur les relations entre
les religieux et le gouvernement : type de demande, attitudes envers les décisions de
l‟État et objets des correspondances.
L‟utilisation des sources privées comporte toutefois quelques obstacles, tels que le
manque de classement des archives et les fonds incomplets. Ainsi, on peut se retrouver
avec une demande de l‟UNEC au ministère de l‟Éducation, sans avoir la réponse. Dans le
cas de l‟UNEC, nous avons eu accès à plusieurs dossiers, mais pas à l‟entièreté du fonds.
De plus, il nous faut spécifier qu‟il y a un déséquilibre dans les sources écrites privées.
Celles portant sur l‟éducation sont assez importantes, alors que celles ayant pour sujet la
103
Les archives de l‟UNEC sont situées en majeure partie au Collège Saint-Jean Baptiste de La Salle de
Ouagadougou.
28
santé sont quasi-inexistantes. Il nous faut compenser avec d‟autres sources, notamment
les entretiens et les archives ministérielles. Plusieurs structures catholiques possèdent
également des archives que nous avons pu consulter, alors que la situation est différente
pour les groupes musulmans. Certains n‟ont pas d‟archives à proprement dites, tandis que
d‟autres associations ne nous en ont pas donné l‟accès. Nous croyons toutefois que l‟ajout
d‟archives ministérielles vient partiellement pallier ce problème.
Ce troisième type de sources inclus plusieurs fonds d‟archives que l‟on retrouve au
ministère de l‟Enseignement secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique
(MESSRS)104
, au ministère de la Santé principalement situés au département des études
et de la planification (DEP), ainsi qu‟au Centre des archives nationales (CAN). À ce
dernier endroit sont versés en vrac plusieurs fonds ministériels: présidence, ministère de
la Santé, ministère de l‟Éducation, ministère de l‟Intérieur. Pour ces archives nous avons
choisi de dépouiller les fonds selon leur thématique : santé (7V490, 7V786), éducation
(7V473, 7V468, 7V454, 7V456, 7V154, 11V101, 9V902, 22V411, 28V136), finances et
relations internationales, car les dossiers contenaient des documents sur des budgets de
l‟État ainsi que sur la coopération avec les pays du Golfe (35V6) et enfin relations entre
l‟État et les confessions religieuses (7V485)105
.
L‟utilisation de ces sources nous a particulièrement permis d‟obtenir des éléments
sur les dynamiques des structures confessionnelles urbaines. Ainsi, les rapports et
répertoires statistiques du MESSRS et du Ministère de la Santé nous ont aidés à dresser
une évolution de l‟implantation des structures depuis 1983. Les archives du Centre
national contiennent de leur côté plusieurs autorisations, budgets et correspondances qui
nous éclairent sur les relations entre les religieux et l‟État dans les domaines social et
politique. La méthode d‟analyse demeure la même que pour les archives privées.
L‟utilisation de ces documents comporte toutefois des limites. Plusieurs auteurs ont mis
en doute la précision de statistiques ministérielles :
« L‟analyse secondaire des données existantes de recensement et d‟enquêtes […] a de son
côté montré ses limites et les erreurs d‟interprétation auxquelles elle peut conduire. Des
analyses approfondies sont à entreprendre pour une connaissance plus affinée de
104
Archives de la direction des archives et de la documentation (DAD). 105
Vous pourrez retrouver les titres complets des fonds d‟archives dans la bibliographie.
29
l‟évolution des catégories socioprofessionnelles au Burkina Faso, et pour le poids qu‟elles
représentent au niveau des enfants en âge scolaire »106
.
En dépit du fait que certaines statistiques soient incomplètes, nous ne les enlevons
pas complètement de notre analyse, car elles donnent des indications quantitatives pour
construire notre argumentation. Il faut relativiser ces données en leur donnant un rôle
indicatif plutôt que de premier plan du point de vue de l‟argumentation. Un des autres
inconvénients majeurs à l‟utilisation de ces sources est que les écoles franco-arabes et les
madâris ont longtemps fonctionné hors du cadre de l‟État et n‟apparaissent donc pas
pendant une longue période dans les statistiques. Cela rend l‟analyse de leur évolution
plus difficile, il faut alors reposer l‟analyse sur les entretiens oraux.
Les enquêtes orales, permettent de combler les espaces laissés par les sources
écrites, notamment en ce qui a trait au domaine informel. L‟apport important de l‟oralité
est majoritairement accepté dans le secteur des études africaines107
. Les enquêtes orales
permettent d‟avoir accès aux perceptions d‟un groupe, d‟étudier le discours de plusieurs
acteurs et non seulement celui dont la voix est dominante, soit l‟État dans ce contexte108
.
Cela nous permet de mieux connaître les expériences des acteurs religieux et de nuancer
nos hypothèses. Au total, nous avons conduit 34 entretiens lors d‟un séjour de recherche à
Ouagadougou qui s‟est déroulé de mai à juillet 2011.Les personnes rencontrées peuvent
être classées dans trois catégories : acteurs œuvrant pour les structures confessionnelles,
travaillant pour l‟État et journaliste. Sélectionnées selon différents critères, nous avons
d‟abord cherché à rencontrer des personnes occupant un emploi au sein des structures
confessionnelles et étatiques qui leur permet d‟être au courant des politiques sociales
religieuses. Ensuite, nous avons voulu nous entretenir, dans la mesure du possible, avec
des personnes qui étaient en place depuis plusieurs années, pour être en mesure de dresser
un portrait des dynamiques sociales religieuses à partir des années 1980. Enfin, nous
avons tenté de rejoindre des personnes qui ont des contacts et des connaissances sur les
structures confessionnelles à Ouagadougou.
106
Marc Pilon et Madeleine Wayack, « La démocratisation de l‟enseignement au Burkina Faso : que peut-
on en dire aujourd‟hui? », Cahiers d’études africaines, 43, 169-170 (2003), p.83. 107
Odile Goerg, « Bilan et perspectives », S. Awenengo, P. Barthélémy, C. Tshimanga, (dirs.), Écrire
l’histoire de l’Afrique autrement, Paris, L‟Harmattan, 2004, p. 270. 108
Martine Roberge, Enquête orale : trousse du chercheur, Laboratoire d’ethnologie urbaine, Québec,
CÉLAT, 1995, p. 5; Barbara W. Sommer, Mary Kay Quinlan, The Oral History Manual, Walnut Creek,
Altamira Press, 2002, p. 1 et 5.
30
Au total, nous avons rencontré 12 personnes qui travaillent pour le secteur social
catholique : 8 en enseignement secondaire et 4 en santé. Ce déséquilibre s‟explique par le
fait qu‟il y a plus d‟écoles secondaires que de centres de soins dans les arrondissements
que nous avons ciblés. Pour ce qui est des musulmans, nous avons discuté avec 7
personnes au sujet de l‟enseignement islamique et 8 pour la santé. Bien que nous ayons
rencontré plus de musulmans que de catholiques, nous avons visité le même nombre de
structures. Ce décalage se justifie par le fait qu‟il nous a parfois fallu rencontrer un
premier responsable avant de parler à un second qui avait souvent une position plus haute
dans la hiérarchie de l‟établissement ou de l‟association. Enfin, nous avons eu des
entretiens avec trois responsables étatiques de l‟enseignement et trois de la santé, ainsi
qu‟avec un journaliste qui s‟intéresse à l‟éducation islamique.
Pour nos enquêtes orales, nous avons privilégié des entrevues semi-dirigées au lieu
d‟entrevues ouvertes pour limiter la latitude des réponses des participants, tout en ayant
une formule plus souple que le questionnaire dirigé109
. Nous avons pu aborder nos grands
thèmes et sous-thèmes de recherche tout en demandant des précisions sur ceux-ci. Nous
avons d‟abord demandé aux personnes interrogées de se présenter, ainsi que discuter du
type d‟emploi qu‟ils exercent ou ont exercé dans la structure religieuse ou étatique
(depuis quand ou pendant combien d‟années?) et quelles tâches y sont reliées. Nous
avons poursuivi l‟entretien avec le premier thème : histoire des structures
confessionnelles et leurs stratégies d‟implantation. Il se décline en différents sous-
thèmes : historique d‟implantation (par qui, depuis quand), raisons de l‟implantation de
l‟établissement dans ce quartier (stratégies d‟implantation), populations visées par le
service (nombre, confessions, statut socio-économique et professionnel) et types
d‟activités proposées. Par la suite, nous abordions un deuxième thème sur les relations
entre les établissements sociaux confessionnels et l‟État: modalité des relations
(existence, nature, fréquence), enjeux des relations (soutien économique, politique),
activités communes (réunions, colloques, invitations diverses) et évolutions de 1983 à
2005 (nature, fréquence, effets). Enfin, nous discutions des relations interconfessionnelles
109
Sommer et Quinlan, op. cit., 2002, p. 13-14; pour des précisions sur les plans d‟entretiens voir Alain
Blanchet et Anne Gotman, L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan, 1992, p. 61-65.
31
en posant des questions sur le type et la fréquence des relations, les circonstances des
activités communes, les projets communs (type).
Nous avons préféré utiliser des questions très ouvertes du type : pouvez-nous parler
de votre établissement? De vos relations avec l‟État? D‟un point de vue administratif?
Financier? Afin d‟influencer le moins possible les personnes interrogées dans leurs
réponses. Les entretiens ont duré en moyenne de 45 minutes à 1 heure. Deux entrevues
n‟ont toutefois duré que 35 minutes, les personnes étant très prises par leurs obligations
ou étant peu loquaces sur leurs établissements. À nos entretiens s‟ajoute une observation
non-participative. Nous avons assisté à l‟ouverture d‟une conférence sur le devenir des
écoles coraniques au Burkina Faso après avoir été invitée par un responsable de la
CMBF. Cette observation nous a permis de recueillir des données sur les acteurs
musulmans impliqués dans l‟enseignement islamique, mais également sur les positions de
l‟État sur cet enseignement de par les discours des représentants ministériels présents.
L‟ouverture de la conférence a duré environ deux heures. Certains discours et prières
d‟ouverture n‟étant qu‟en arabe ou mooré, il nous a été impossible d‟en faire l‟analyse.
Dans l‟ensemble, nos entrevues se sont bien déroulées. Un seul entretien sur 34 a
requis une traduction mooré/français. Comme nous étions accompagnées d‟une
traductrice, les personnes rencontrées avaient le choix de parler français ou mooré. Ils ont
en grande majorité choisi la première option et la langue ne nous a pas semblé leur causer
des contraintes. Deux représentants catholiques avaient également une autre langue
maternelle que le français, mais l‟usage de cette langue ne leur a pas causé de problèmes,
ceux-ci travaillant en français la plupart du temps. Cinq entretiens individuels sur quinze
conduits en milieu musulman se sont déroulés en présence d‟observateurs non
participants. Il s‟agissait généralement de jeunes membres à l‟intérieur de l‟association
qui assistaient à la rencontre pour savoir « comment répondre » aux chercheurs. De plus,
leur présence d‟observateur dénote la position hiérarchique de l‟aîné, celui-ci retirant un
prestige de sa position d‟autorité. Dans un cas, le responsable d‟une école avait amené
quelqu‟un pour l‟aider à répondre aux questions, mais ce dernier n‟est finalement pas
intervenu. Nous sommes conscients de ce biais dans notre recherche, mais cette situation,
normale pour plusieurs associations musulmanes, semble avoir peu affecté nos résultats,
les personnes interrogées ayant parlé librement de plusieurs éléments.
32
Pour ce qui est du matériel d‟enregistrement, nous avons préféré ne pas en utiliser,
puisque cette barrière technologique aurait pu susciter de la méfiance chez plusieurs
interviewés. Certaines personnes, surtout dans le milieu des ONG, auraient accepté sans
problème de se faire enregistrer, mais pour ne pas créer de déséquilibre avec les autres
entretiens, nous avons privilégié une prise de notes active. Afin de conserver l'anonymat
des informateurs dans notre travail et de respecter les conditions du comité d‟éthique de
l‟Université Laval, ils seront identifiés dans le texte par des prénoms fictifs. Nous leur
donnerons tous également le titre général de « responsable » puisque la mention de leur
fonction précise rendrait illusoire toute prétention à conserver leur anonymat.
L‟usage des entretiens oraux comporte plusieurs biais que l‟on doit connaître.
L‟oubli et l‟autocensure sont quelques-uns des problèmes avec lesquels il faut conjuguer.
Les détails dont se souviennent les acteurs interrogés s‟amenuisent lorsqu‟on remonte le
temps, ce qui laisse parfois des trous à combler dans notre interprétation : « puisque la
mémoire est faillible, le conteur encourait toujours le risque d‟oublier un détail, un motif,
voire un épisode. Ces deux propriétés de la transmission orale ont pour conséquence la
multiplicité des versions »110
. Il faut également être attentif à la maîtrise du discours par
les acteurs rencontrés, à ce qui est dit, ce qui est caché et pourquoi111
. Pour remédier à ces
situations, il est primordial de croiser les résultats des enquêtes avec nos autres sources
ou avec les travaux d'autres auteurs. Pour l‟analyse de nos entretiens, nous avons
privilégié une analyse thématique : « Elle ignore ainsi la cohérence singulière de
l‟entretien, et cherche une cohérence thématique inter-entretiens »112
. Ce type d‟analyse
sera exécuté de façon verticale pour faire ressortir les thèmes présents dans chaque
entretien pour ensuite les comparer. Cela nous permet de mettre de l‟avant les pratiques
et les représentations attachées aux structures sociales confessionnelles.
110
Nicole Belmont, « Lacunes, altérations, lapsus dans le récit oral », Topique, 75, 2 (2001), p. 171. 111
Thomas Gomart, « Quel statut pour le témoignage oral en histoire contemporaine?», Hypothèses, 1
(1999), p.103-111. 112
Blanchet et Gotman, op. cit., 1992, p. 98.
33
Chapitre II
Dynamiques religieuses sous Thomas Sankara (1983-1987) : entre
conflits idéologiques et négociations ardues
Le capitaine Thomas Sankara prend le pouvoir à la suite d‟un coup d‟État le 4 août
1983113
. À la tête de quelques officiers, Sankara entreprend la mise en œuvre d‟un projet
révolutionnaire à tendance marxiste au profit de la classe ouvrière et agricole burkinabé.
Il s‟agit d‟une rupture importante dans le paysage politique du pays. Plusieurs moyens
sont utilisés pour asseoir l‟autorité de l‟État et contrôler l‟espace public, dont la gestion
de l‟information et l‟instauration de campagnes de mobilisation et de conscientisation
populaire. Les Comités de défense révolutionnaire (CDR) jouent un rôle important dans
la diffusion du projet révolutionnaire. L‟idéologie sankariste caricature les groupes de la
société burkinabé en les classant dans un système où s‟affronte deux entités, « ennemis
du peuple » et « peuple » :
« il [Comité national révolutionnaire] s‟impose en tant que seul producteur légitime d‟une
idéologie où les classes sont rangées à l‟intérieur d‟une échelle de valeurs menant du
« peuple » aux « ennemis du peuple ». La culpabilité de chaque individu est établie par ses
conditions sociales d‟existence; en ce sens elle est originelle »114
.
Selon l‟échelle normative du CNR, les détenteurs du pouvoir religieux sont classés dans
la catégorie « patriarches, gardiens de la tradition » et considérés de ce fait comme des
« ennemis du peuple », car ils reproduisent un ordre social inégalitaire et une culture
dévalorisée. Dès 1986, on perçoit toutefois un certain relâchement dans la politique
sankariste, plus ouverte aux alliances avec les différentes confessions115
.
De par sa nature autoritaire, le pouvoir sankariste souhaite avoir un contrôle
important dans les diverses sphères de la société, y compris en éducation et en santé. Le
président est préoccupé par les manques du secteur public et entreprend une série de
113
Louis-Audet Gosselin, Le projet ZACA, Marginalisation, résistances et reconfigurations de l’islam à
Ouagadougou, 2001-2006, Québec, Presses de l‟Université Laval, 2012, p. 26. 114
Pascal Labazée, « Discours et contrôle politique : les avatars du sankarisme », Politique africaine, 33
(mars 1989) «Retour au Burkina », p. 13. 115
Labazée, loc .cit., 1989, p. 14 et 21.
34
réformes pour renforcer l‟offre d‟établissements. Le président délègue une partie de ses
pouvoirs aux CDR situés dans les villages et dans les secteurs de la capitale : « Ces
comités jouaient un rôle important dans les prises de décision jadis exercées par les chefs
de village et autres chefs coutumiers et religieux »116
. En 1985, le régime se lance dans le
programme « Un village, un PSP ». Ces postes de santé primaires entre dans une logique
d‟établir plus d‟établissements de santé, les rendant plus accessible géographiquement117
.
Par l‟ajout de centres de soins maternels et infantiles aux postes de santé, le président
créé les Centres de santé et de promotion sociale (CSPS)118
.
En éducation, le bilan présenté par le régime politique est critique. Il reproche à
l‟école d‟être néocoloniale, c‟est-à-dire héritée d‟un système exogène ne répondant pas
aux besoins de la population burkinabé : « Ils nous ont arraché d‟un univers logique et
harmonieux et nous ont poussés vers un monde qui, nous le savons, restera inadapté pour
nous »119
. Le président lui reproche son contenu « d‟asservissement et d‟exploitation de
l‟homme par l‟homme conçu pour exalter la supériorité de la culture française[…] »120
.
Sankara souhaite mettre sur pied une école « au service de la Révolution », mais plusieurs
réformes n‟ont pu voir le jour, confrontés aux critiques populaires, ainsi que par leur coût
important121
. L‟État entame quand même des politiques, dont l‟érection de nouvelles
classes et l‟uniformisation des frais de scolarité, passant de 60 000 à 80 000 FCFA pour
le secondaire général à 40 000 et 45 000 FCFA122
.
Le gouvernement essai aussi de contrôler la prolifération des établissements privés,
qui demeure soutenue. Les religieux tentent, tout au long des années 1980, de se
116
Abdoulaye P. Nikiema, Valéry Ridde et Jacques Girard, « L‟efficacité des politiques publiques de santé
dans un pays de l‟Afrique de l‟Ouest : le cas du Burkina Faso », International Political Science Review, 24,
no 2 (2003), p. 240. 117
Ibidem. 118
Emmanuelle Cadot et Maud Hareng, « Offre de soins et expansion urbaine, conséquences pour l‟accès
aux soins. L‟exemple de Ouagadougou (Burkina Faso) », Espace et populations, société, [En ligne], no 2-3
(2006), http://eps.revues.org/index1739.html (page consultée le 10 mars 2011), paragraphe 11. Au cours de
cette période, 17 nouveaux centres sont ouverts dont la moitié relèvent du secteur public. 119
Thomas Sankara, Appel de Gaoua, archives du Ministère de l‟éducation, document H2713, 17 octobre
1986, p.44-45. 120
Marc Pilon et Madeleine Wayack, « La démocratisation de l‟enseignement au Burkina Faso : que peut-
on en dire aujourd‟hui? », Cahiers d’études africaines, 43, 169-170 (2003), p. 65. 121
Pilon et Wayack, loc. cit., 2003, p. 66. 122
« De 1982-83 à 1987-88, quarante-quatre établissements supplémentaires furent créés dans le public,
parmi lesquels quinze lycées, et le nombre de classes passa de deux cent cinquante-six à sept cent soixante-
sept ». Marc Pilon, « L‟évolution du champ scolaire au Burkina Faso : entre diversification et
privatisation », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, no 3 (2004), p.154.
35
positionner dans l‟espace public face aux politiques du CNR. Leur volonté de s‟y faire
reconnaître les amène à négocier avec l‟État, ce qui provoque quelques mésententes. Les
religieux des diverses confessions puisent dans le même registre afin de trouver des
supports matériels à leurs activités, mais les résultats divergent. Cette action sociale
différenciée se reflète dans l‟espace public, sur des sujets de nature politique.
A- Implantation des structures confessionnelles : quelle visibilité dans l’espace
urbain?
La faiblesse de l‟offre publique au niveau des structures sociales à Ouagadougou
dans les années 1980 laisse une place à prendre pour les structures privées et notamment
pour les confessionnelles. En s‟investissant dans l‟éducation secondaire par exemple, les
religieux obtiennent une certaine visibilité grâce à ces centres urbains, une des portes
pour entrer dans l‟espace public : « […] nous entrons dans l‟espace public par la rivalité,
les essoufflements pour devenir les favoris du Prince, le désir, l‟espoir de se faire voir,
d‟entendre, de goûter »123
. Cette visibilité peut être de deux types, d‟abord physique, mais
également légale. L‟étude de l‟implication urbaine est intéressante pour comprendre la
façon dont les religieux cherchent à être des acteurs à part entière de l‟espace public
burkinabé. Ils ne se cantonnent pas dans des rôles d‟observateurs :
« Fortes de leurs capacités de quadrillage du territoire urbain au travers de leurs paroisses,
de leurs réseaux de socialité, de leurs infrastructures sociosanitaires et scolaires, et de leur
tissu d‟ONG caritatives et développementales, les institutions qui gèrent le sacré
s‟imposent donc, de facto, comme des pièces importantes de ce dispositif de soins
palliatifs, se substituant à l‟État défaillant, se posant en interlocuteurs privilégiés des
administrations centrales des communes, et revendiquant le statut d‟intermédiaire entre
celles-ci et les populations » 124
.
Dans les années 1980, on perçoit néanmoins des différences dans la façon dont les
catholiques et les musulmans transforment la légitimité tirée de leurs ressources sociales
pour accroître leur capacité d‟agency. L‟agency réfère ici aux choix et actions entrepris
123
Jean-Godefroy Bidima, « Le corps, la cour et l‟espace public », Politique africaine, no 77 (mars 2000),
p.104. 124
René Otayek, « Dynamiques religieuses et gestion communale par temps de décentralisation : le
religieux comme analyseur de la politique urbaine », René Otayek (dir.), Dieu dans la cité. Dynamiques
religieuses en milieu urbain ouagalais, Bordeaux, CEAN, 1999, p. 19.
36
par les institutions religieuses, qui donnent forme et modifient les structures sociales dans
un processus graduel. On peut la mesurer selon l‟effet du groupe comme agent du
changement (la capacité d‟agency).
Pour les écoles catholiques, plusieurs sont déjà bien implantées en 1983 dans
l‟arrondissement de Baskuy : le Collège Jean-Baptiste de La Salle125
- où le second cycle
ouvre ses portes officiellement en 1952 -, le Collège Notre-Dame de Kolgh-Naaba (1955)
et le Collège technique Charles Lavigerie, reconnu officiellement en 1956126
. Ces trois
écoles font état d‟une stratégie d‟implantation près d‟un lieu de culte ou d‟un lieu de
pouvoir politique. Les Frères des Institutions chrétiennes ont d‟abord fondé une école
primaire près de la cathédrale, puis ont ouvert des cours complémentaires en 1953, ce qui
a entraîné la transformation vers le collège moderne en 1955127
. Le Collège Notre-Dame
de Kolgh-Naaba de son côté a été fondé par les Filles du Cœur de Marie (FCM) à côté de
la cour du naaba128
. Ces religieuses ont ouvert l‟établissement à la demande de Mgr
Émile Socquet129
. Le lycée technique Lavigerie, situé dans la cour de la cathédrale, entre
également dans cette logique spatiale de s‟établir près d‟un lieu de culte.
Les écoles secondaires catholiques ouvertes dans les années 1950 sont facilement
repérables dans les complexes spirituels catholiques, notamment autour de la cathédrale
de Ouagadougou. Entre les années 1960 et 1980, l‟enseignement catholique traverse une
crise et peu d‟établissements sont ouverts à travers le pays. Cette période trouble est
provoquée en grande partie par les convulsions économiques de la Haute-Volta130
. Les
problèmes financiers de l‟État le force à diminuer de façon significative les subventions à
l‟enseignement catholique. Avec l‟installation du gouvernement militaire provisoire en
1966, on voit également se développer un climat de méfiance envers l‟Église catholique.
125
Nous utiliserons aussi son nom abrégé : La Salle, dans le courant du texte. 126
Le collège Lavigerie est ouvert en 1952, mais a connu une réorientation vers l‟enseignement technique.
Honoré Ouédraogo, Les défis de l‟enseignement secondaire en Haute-Volta (Burkina Faso); Acteurs,
expansion et politiques scolaires, 1947-1983, Thèse de doctorat, Paris, Université Paris Denis Diderot,
2010, p. 152, 158 et 286. 127
Ouedraogo, op. cit., 2010, p. 152. Les Frères des institutions chrétiennes sont venus au départ en Haute-
Volta à la demande de Mgr Joanny Thevenoud (1878-1949), vicaire apostolique de Ouagadougou de 1921
à 1949. 128
Roi chez les Mossis. 129
Ouedraogo, op. cit., 2010, p. 160. Mgr Émile Socquet succède à Mgr Thevenoud à titre de vicaire
apostolique en 1949, puis comme archevêque en 1955. Il démissionne en 1960. Jean-Marie Bourdon,
«Mission catholique en enjeux politique en Haute-Volta », Histoires et missions chrétiennes, no 14 (juin
2010), p.59-82. 130
Le Burkina Faso ne prend son nom actuel qu‟en 1984.
37
Ces éléments conjugués poussent les évêques de la Haute-Volta à transférer les écoles
primaires catholiques au ministère de l‟Éducation et à laisser l‟enseignement secondaire
aux congrégations enseignantes. Il faut attendre les années 1980 avant qu‟on ne voit un
mouvement plus important d‟érection d‟établissements131
. L‟ouverture en 1983132
du
Collège Wend-Manegda annonce une autre logique d‟implantation. Il ouvre ses portes
dans le secteur 8 de l‟arrondissement de Baskuy et s‟éloigne du noyau catholique situé au
secteur 1. L‟installation dans ce quartier répondrait à un besoin scolaire :
« Il y avait un seul établissement de ce secteur à l‟époque. Il y avait la nécessité d‟avoir
un établissement pour la Patte d‟oie et Cissin. Les frères de la Sainte-Famille ont construit
l‟établissement, puis sont venus enseigner. Il n‟y avait pas de privé confessionnel dans la
zone, seulement un lycée mixte »133
.
Un autre informateur nous a indiqué que c‟est un promoteur musulman qui a demandé
aux frères de la Sainte-Famille de prendre en charge cette école, compte tenu de leur
bonne réputation dans le domaine scolaire et de la nécessité d‟avoir une autre école dans
ce secteur pour répondre aux besoins de la population134
. Il s‟agit donc d‟une école para-
catholique qui a choisi de se conformer au projet éducatif de l‟Église. Le fondateur est
motivé par le manque d‟espace au centre-ville, mais aussi par un besoin exprimé par la
population.
Il existe des similitudes dans les logiques d‟implantation des établissements
musulmans. Les « anciennes » écoles que nous avons visitées, soit la Médersa centrale et
l‟école franco-arabe de Zogona, respectivement ouvertes en 1962 et 1973, ont été fondées
dans des quartiers assez islamisés près d‟un lieu de culte. Il est toutefois à noter que les
premières mâdaris apparaissent à la fin des années 1950 au Burkina Faso près de la
frontière du Mali135
. La Médersa centrale jouxte la Grande mosquée dans le secteur 1,
alors que la seconde école a été fondée dans un quartier habité par une population
islamique importante, les Yarse, en partie responsable de la propagation de l‟islam au
131
Ouedraogo, op. cit., 2010, p. 370-409. 132
L‟école est reconnue officiellement le 27 juin 1983. Centre d‟archives nationales (CAN), dossier 7V473,
document : MENA, arrêté no 237/ENAC/SD, 27 juin 1983. 133
Entretien avec Gabriel au Collège Wend-Manegda le 21 juin 2011 à Ouagadougou. 134
Entretien avec Honoré Ouédraogo, enseignant à l‟Université Saint Thomas d‟Aquin, en juin 2011 à
Saaba. 135
Pilon, loc. cit., 2004, p. 148.
38
Mogho136
. Cette école, située dans le secteur 13, fait toutefois partie de l‟arrondissement
de Nongremasson. Étant très près physiquement des secteurs 14 et 28 (Bogodogo), nous
avons décidé de l‟inclure dans notre analyse pour ajouter un élément de comparaison à la
Médersa centrale. Ces deux établissements ont une bonne visibilité dans la ville,
notamment par leur proximité à un lieu de culte, mais également par leur structure
imposante. Le fait que la CMBF dirige directement ces lieux d‟enseignement leur permet
d‟acquérir une visibilité encore plus importante au sein de la population musulmane et de
contrer en partie le statut informel dans lequel les établissements sont placés par l‟État
vis-à-vis le système public. En effet, il faut attendre l‟année scolaire 1986-1987 pour
qu‟un seul établissement franco-arabe ne soit comptabilisé à l‟intérieur d‟un rapport
statistique du ministère de l‟Enseignement137
. M. Pilon soutient que les écoles franco-
arabes n‟apparaissent dans les statistiques du ministère de l‟Enseignement de base qu‟au
milieu des années 1990, mais pour le secondaire on observe une première mention de ces
écoles dès 1987138
. On peut émettre l‟hypothèse que cet établissement a respecté toutes
les étapes du processus administratif demandées par le ministère de l‟Éducation pour
recevoir son accréditation et que la direction s‟est également engagée à respecter le
programme ministériel.
La visibilité physique des établissements scolaires à l‟intérieur de Baskuy semble
être la même pour les catholiques et les musulmans. Il existe toutefois une différence
majeure au point de vue de la visibilité légale, ce qui influence par la suite la capacité
d‟ agency des religieux, car le respect des normes fixées par le gouvernement marxiste
leur donne du crédit auprès de celui-ci. Le respect social dont font l‟objet les religieux
influence leurs capacités à se positionner dans l‟espace public :
« Some institutions have considerable resources, such as a large membership, substantial
funds, and social respect. Others may have minimal monetary assets, a small number of
136
Assimi Kouanda, « La lutte pour l‟occupation et le contrôle des espaces réservés aux cultes à
Ouagadougou », René Otayek et al. (dirs.), Le Burkina entre révolution et démocratie, Paris, Karthala,
1996, p. 98. 137
Sur 56 établissements « secondaire général privé » reconnus, il y a : 32 établissements laïcs, 11
catholiques, 10 confessionnels catholiques, 2 protestants et 1 établissement franco-arabe. Ministère de
l‟éducation nationale, Statistiques scolaires 1986-1987, Archives du ministère de l‟Éducation, dossier
R2650, p. 16. Voir Annexe 1, pages I-II. 138
Pilon, loc.cit., 2004, p.149.
39
adherents, and nominal influence. […] All of these factors affect the degree to which
people will be empowered or limited by a structure »139
.
L‟organisation interne des groupes religieux, ainsi que la légitimité de leurs actions dans
la société burkinabé leur procurent des ressources symboliques et politiques pour acquérir
de la reconnaissance de l‟État : « It is crucial to see how organisations act to defend
themselves as institutions in order to understand their capacites to play effective roles in
confronting states and promoting democracy »140
. Le premier point divergeant entre les
écoles catholiques et les établissements islamiques à l‟époque concerne les autorisations.
Les premières disposent toutes d‟autorisations d‟ouverture et sont répertoriées par le
ministère de l‟Éducation, alors que ce n‟est pas le cas pour les établissements islamiques.
Certains possèdent leurs autorisations, mais ne suivent pas le programme ministériel en
français, ce qui mène à leur marginalisation par le ministère.
L‟organisation interne de la structure scolaire est le deuxième point majeur
différenciant les confessions dans les années 1980. Pour se doter d‟une meilleure
coordination d‟actions, mais également pour faciliter les négociations avec le
gouvernement, l‟enseignement catholique se munit, dès le 25 juillet 1969, d‟une structure
fédérative soit l‟Union nationale des établissements catholiques (UNEC). Ses objectifs
sont d‟assurer des rapports étroits entre les membres, de coordonner leurs visées
pédagogiques, de défendre les intérêts généraux, matériels et moraux de l‟enseignement
catholique et de ses membres et enfin d‟assurer une coopération entre l‟enseignement
catholique et les pouvoirs publics141
. En 1984, cette association compte 17 membres142
.
Les musulmans ne possèdent pas à l‟époque de regroupement de ce genre et sont plutôt
dans une dynamique de concurrence spirituelle entre et au sein des associations comme le
démontre la lutte pour les lieux de culte :
139
Sharon Erickson Nepstad, « Culture, Agency, and Religion in Social Movements », Convictions of the
Soul, [En ligne], Oxford, Oxford University Press, 2004, http://www.oxfordscolarship.com/view/10.1093/
0195169239.001.0001 (page consultée le 10 juin 2012), p. 17. 140
Ronald Kassimir, « The Social Power of Religious Organisation and Civil Society: The Catholic Church
in Uganda », Nelson Kasfir (dir.), Civil Society and Democracy in Africa: Critical Perspectives, London,
Frank Cass, 1998, p. 58. 141
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : Compte rendu d‟assemblée générale, document :
« Récépissé de déclaration d'association », 6 août 1990. 142
Cette structure n‟obtiendra son autorisation officielle que plusieurs années plus tard. Archives de
l‟UNEC (non classées), dossier : Compte rendu d‟assemblée générale, document : Fr. Jean-Louis
Schmeiner, Historique de l’UNEC, 19 mars 1988, p.4; Archives de l‟UNEC (non classées), dossier :
Relations gouvernement 1984-1985, document : Lettre du président de l‟UNEC au directeur général, 7
décembre 1984.
40
« lorsque le même terrain est convoité par plusieurs associations ou par deux tendances à
l‟intérieur d‟une même communauté islamique, comme cela arrive souvent, les
responsables du secteur peuvent exploiter la situation en faisant traîner leur décision […]
Sous le Conseil national de la révolution, les conflits relatifs à l‟occupation des lieux de
culte concernent principalement les trois grandes associations islamiques du pays »143
.
Il y a plusieurs associations représentées à Baskuy : la CMBF, le Mouvement Sunnite144
et la Tidjaniyya, en plus des promoteurs privés. Ce manque de cohésion dans
l‟enseignement islamique nuit à une coordination des actions pour des revendications
auprès de l‟État.
Les stratégies d‟implantation des centres de santé ont des similarités avec celles des
écoles secondaires. L‟analyse des établissements de soins catholiques révèlent qu‟au
début des années 1980, ils sont anciens et solidement ancrés dans le paysage sanitaire
burkinabé. Le centre médical Saint-Camille, fondé par les Camilliens145
en 1967, le CSPS
Juvénat Fille (1974) dirigé par les Filles de Saint-Camille, ordre fondé en 1896 selon les
principes camilliens, ainsi que le dispensaire de la cathédrale, le plus vieil établissement
de santé catholique (1913) sont les principaux centres catholiques offrant des soins dans
les secteurs de Bogodogo et Baskuy dans les années 1980. À l‟instar de ce qu‟on a vu
dans le secteur de l‟éducation, les congrégations se sont installées sur des terrains
appartenant à l‟Église catholique, souvent à la demande d‟un membre de la hiérarchie.
Les Camilliens par exemple, arrivent au Burkina Faso en 1966 à la demande de
l‟archevêque de Ouagadougou Mgr Paul Zoungrana. Après avoir fondé la paroisse de
Saint-Camille à l‟écart du noyau de la première mission catholique, les frères ouvrent
immédiatement un centre pour prodiguer des soins. Celui-ci obtient son statut de centre
médical en 1980146
. Le dispensaire, qui devient le CSPS Juvénat filles, est implanté selon
les mêmes principes. La mission catholique offre un terrain plus loin du centre-ville pour
approcher de nouvelles populations :
143
Kouanda, loc. cit., 1996, p. 97 et 99. 144
À l‟époque, le Mouvement sunnite a une école coranique affiliée à la mosquée dans l‟arrondissement de
Baskuy. 145
Ordre des clercs réguliers pour les malades, aussi appelés Camilliens. 146
Entretien avec Matimeo au centre médical Saint-Camille le 3 juin 2011 à Ouagadougou. Voir Annexe 2,
pages III-IV.
41
« Avant que le secteur soit ici, c‟était considéré comme une brousse. La place a été
donnée par la mission, à la périphérie les gens n‟avaient pas accès aux soins. La maison a
été créée en 1968, et on a créé un dispensaire. On a commencé par le dispensaire, puis
nous avons construit le laboratoire, puis le dépôt pharmaceutique »147
.
Le dispensaire qui jouxte la cathédrale est érigé dans le complexe catholique de la
mission comprenant : lieu de culte, résidences cléricales, écoles primaires et
secondaires, centre de soins et orphelinat. Tout comme dans le monde éducatif, les
centres catholiques qui dispensent des soins sont reconnus par le ministère de la Santé.
Ils ont aussi bénéficié très tôt des services d‟un médecin, ce qui n‟était pas le cas pour
plusieurs centres publics et privés lucratifs. En 1987, il n‟y a que 45 médecins dans des
centres médicaux au Burkina Faso, dont deux dans la région de Kadiogo qui sont
respectivement à Saint-Camille et à Paul VI148
, deux centres catholiques.
En ce qui concerne les musulmans, le début des années 1980 marque
l‟implantation d‟un premier centre de santé islamique à Ouagadougou: le centre médical
de la Patte d‟Oie. Ce dernier, reconnu en 1986 dans le rapport sanitaire du ministère de
la Santé, n‟a pas été ouvert sous l‟impulsion des groupes islamiques burkinabé mais
plutôt grâce à l‟intervention d‟une ONG arabe Al- Ighata al-Islamiya al’-alamiya
(Organisation internationale de secours islamique (OIIS)149
. Cette organisation a été
créée en 1978 en Arabie Saoudite. Travaillant principalement dans les domaines
nutritionnel, médical et éducatif, l‟ONG obtient son accréditation en Haute-Volta en
1981150
. En s‟installant dans le secteur de la Patte d‟oie, le CM dessert en premier lieu
une population fortement islamisée, mais accepte les malades de toutes les confessions.
L‟intervention d‟un réseau arabe dans l‟action sociale musulmane à Ouagadougou sera
abordée plus en détails dans la prochaine partie : « Financement et réseau international :
avantage catholique? ».
Cette analyse nous permet d‟observer que les catholiques, tant dans le secteur de
la santé que celui de l‟éducation, implantent leurs infrastructures de façon très
147
Entretien avec Catherine au CSPS Juvénat filles le 22 juin 2011 à Ouagadougou. 148
CAN dossier 9V902, ministère de la Santé, direction des études et de la planification (DEP), Rapport
année 1987, p. 9. 149
CAN dossier 9V902, ministère de la Santé, DEP, Rapport année 1987. 150
Saydou Sogoba, Contribution des ONG musulmanes à l‟accroissement de l‟offre éducative de base au
Burkina Faso : cas de l‟agence des musulmans d‟Afrique (AMA), Université de Koudougou, mémoire de
fin de formation aux fonctions d‟inspecteur de l‟enseignement du premier degré, 2011, p. 10.
42
centralisée jusqu‟en 1950 près de la cathédrale ou du pouvoir traditionnel, avant d‟aller
à partir des années 1960 vers de nouveau quartiers plus en périphérie afin d‟offrir leurs
services à une plus vaste clientèle. On voit clairement une volonté de quadriller le
territoire ouagalais, afin de rencontrer les besoins d‟une population grandissante. Cela
leur permet, comme le mentionne M. Diawara, non pas de rencontrer des objectifs
politiques en premier lieu, mais des buts sociaux, puis religieux151
. La légitimité et la
visibilité de leurs ressources sociales leur permet d‟obtenir une plus grande capacité
d’agency. Les catholiques négocient différents éléments avec l‟État et cela influence
l‟offre dans le secteur social. Les musulmans de leur côté, bien que leurs établissements
soient visibles physiquement, demeurent en marge du système étatique. À l‟instar des
premiers établissements catholiques, les écoles et le centre médical musulman
s‟installent près des mosquées, des grandes associations et dans des quartiers fortement
islamisés. L‟implication urbaine influence la façon des religieux « d‟être vus » dans
l‟espace public, mais leurs relations internationales est une autre composante importante
de leur agency.
B- Financement et réseau international : avantage catholique?
S. Hagberg souligne que les relations internationales d‟un groupe influencent la
place que ce dernier peut prendre dans l‟espace public :
« Un second aspect conditionne la participation légitime dans le débat public : pour
« percer », selon l‟expression burkinabè, chaque association, chaque institution et chaque
parti doivent avoir « des partenaires » à l‟extérieur. […] En politique, l‟extérieur joue un
rôle important comme acteur politique local »152
.
Nous précisons cette idée en soulignant qu‟il ne suffit pas d‟avoir des partenaires
extérieurs pour obtenir une plus grande visibilité physique dans l‟espace urbain, ainsi
qu‟un accès à des ressources financières non-étatiques. Il convient d‟amener ces
151
Mahamadou Diawara, « Réseaux confessionnels de développement, pouvoirs locaux et décentralisation,
esquisse d‟un modèle d‟interprétation général », René Otayek (dir.), Dieu dans la cité. Dynamiques
religieuses en milieu urbain ouagalais, Bordeaux, CEAN, 1999, p. 95. 152
Sten Hagberg, « Démocratie à double façade », M. Hilgers et J. Mazzocchetti, (dirs.), Révoltes et
oppositions dans un régime semi-autoritaire, le cas du Burkina Faso, Paris, Khartala, 2010, p. 298-299.
43
partenaires à participer aux développements des infrastructures confessionnelles. La
capacité à aller chercher un financement local indépendant, que ce soit auprès des
mécènes ou dans la population en général est aussi un critère important pour démontrer
une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir et ainsi consolider les réseaux
confessionnels de développement153
. Tant chez les catholiques que chez les musulmans,
la volonté de se munir et d‟entretenir un réseau international demeure forte.
L‟aide obtenue grâce à ces liens peut-être de trois types : réalisations matérielles et
aide financière, affectation de personnel étranger, formation de personnel local religieux
pour les œuvres sociales. Pour l‟Église catholique burkinabé par exemple, les liens étroits
instaurés avec les Églises sœurs d‟Europe par le biais du projet missionnaire en 1901 sont
encore actifs dans les années 1980. À ces relations s‟ajoutent également celles mises en
place avec les autres Églises en Amérique et même dans le reste de l‟Afrique. Ces
réseaux permettent plusieurs réalisations. Le don du Pape Paul VI à l‟archevêque de
Ouagadougou, par exemple, permet l‟ouverture du centre médical Paul VI le 6 mai 1985
à Tampouy154
. Un des apports les plus importants que l‟Église catholique burkinabé
reçoit de son réseau international est l‟affectation de personnel étranger dans les écoles
secondaires et les centre de santé. Une partie du personnel œuvrant dans ces
établissements est issue des communautés religieuses européennes. Étant détachés des
maisons mères ou des autres établissements européens, l‟on peut supposer que les
religieux sont en partie pris en charge par ces mêmes congrégations. Quelques
congrégations se distinguent par une œuvre particulièrement importante à Ouagadougou
telles que les Camilliens en santé et les Frères des Institutions chrétiennes, les Frères de la
Sainte-Famille, les Sœurs Blanches, ainsi que les Filles du Cœur de Marie en éducation.
En aidant les congrégations et les séminaires locaux, les congrégations européennes
soutiennent la formation du personnel local.
Les musulmans entrent également dans cette logique d‟entretenir un réseau
international. Premièrement, cela permet aux associations musulmanes ou aux
promoteurs privés d‟obtenir aux débuts des années 1980 un financement pour leurs
écoles : « Elles bénéficient à l‟heure actuelle du maximum de l‟aide arabe compte tenu
153
Diawara, loc. cit., 1999, p. 92. 154
Iblouldo Ouedraogo, « Dix bougies pour le centre médical Paul VI », Observateur paalga, no 3905, 5-7
mai 1995, p. 8-10.
44
des relations personnelles entre leurs fondateurs et les pays ou organismes arabes. Cela
peut s‟expliquer par le long séjour et la connaissance parfaite du milieu arabe des anciens
étudiants […] »155
. À l‟époque, les principaux pays arabes qui soutiennent financièrement
les madâris et écoles franco-arabes à Ouagadougou sont l‟Arabie Saoudite, l‟Algérie,
l‟Égypte, la Lybie, le Soudan, le Koweït et le Qatar156
. Cette aide financière permet de
construire des écoles et d‟octroyer des bourses afin d‟envoyer les élèves poursuivre leurs
études à l‟extérieur. Le premier pays à offrir ce type d‟aide est l‟Arabie Saoudite en 1968,
suivie de l‟Algérie en 1969157
. Il apparaît dès le départ des élèves dans les années 1970 et
années 1980, des différences dans le choix des études poursuivies selon les pays
donateurs. Ceux qui obtiennent une bourse pour le Moyen-Orient sont cantonnés plus
généralement à poursuivre des études en théologie158
, alors que ceux qui poursuivent
dans des pays africains tels que l‟Égypte et l‟Algérie peuvent aussi poursuivre des études
en médecine, en ingénierie ou en pédagogie par exemple. Cette distinction peut
s‟expliquer, comme le souligne I. Cissé, par l‟importance des pays du Golfe dans la
promotion d‟islam159
.
L‟aide financière reçu des pays arabes n‟est pas répartie de façon uniforme entre les
madâris, puisqu‟il existe au début des années 1980 deux « systèmes parallèles » par
lesquels un élève peut obtenir une bourse. Plusieurs fonds sont d‟abord envoyés à la
commission de l‟enseignement, plus précisément au département qui s‟occupe de
l‟attribution des bourses, ou au ministère des Relations internationales. Néanmoins,
certaines bourses sont acquises par relations amicales :
« [Il] nous a confirmé l‟envoi de plusieurs élèves à l‟extérieur ayant bénéficié de
bourses par le biais de ses relations. […] Cette attribution clandestine est liée à des
relations amicales ou à la corruption. Nous voyons là que la commission de
l‟enseignement, organisatrice des concours pour l‟attribution des bourses, est souvent
155
Issa Cissé, « Les médersas au Burkina : l‟aide arabe et la croissance d‟un système d‟enseignement
arabo-islamique », Islam et sociétés au sud du Sahara, no 4 (novembre 1990), p. 66. 156
Issa Cissé, Introduction à l‟étude des médersas au Burkina Faso : des années 1960 à nos jours, Mémoire
de maîtrise, Ouagadougou, Université de Ouagadougou, 1989, p. 47-48. 157
Ibidem. 158
Quelques parcours d‟étudiants se retrouvent dans l‟article suivant : Mathias Savadogo et Muriel Gomez-
Perez, « La médiatisation des prêches et ses enjeux, Regards croisés sur la situation à Abidjan et à
Ouagadougou », Ethnographiques.org, [en ligne], no 22 (mai 2011),
http://www.ethnographiques.org/2011/Savadogo, Gomez-Perez (article consulté en ligne le 20 septembre
2012). 159
Cissé, op. cit., 1989, p. 72-74.
45
contournée. L‟attribution clandestine des bourses et le prestige des pays arabes peuvent
être quelques facteurs pouvant conduire les élèves à organiser des mouvements. Ces
mouvements ont eu des répercussions sur la Communauté Musulmane. En effet, c‟est à
partir de là qu‟il y a eu la répartition des bourses arabes entre les différentes tendances
de l‟ensemble des musulmans burkinabè »160
.
À la fin des années 1970, cette attribution des bourses à l‟extérieur du ministère est
critiquée par plusieurs étudiants, qui revendiquent alors par le biais de manifestations,
une meilleure répartition de l‟aide financière arabe. Les revendications n‟ont toutefois pas
lieu avant 1980 à Ouagadougou. On peut supposer que ce système parallèle ne cesse pas
brusquement, puisqu‟il est difficile pour le gouvernement de surveiller étroitement toutes
les attributions. Les deux systèmes cohabitent encore dans les années 1980.
De plus, contrairement à ce qu‟on observe pour l‟Église catholique, les liens
internationaux permettent peu aux infrastructures islamiques d‟avoir une affectation de
personnel sous la présidence de Sankara. C‟est également le cas pour la formation de
personnel burkinabé. Il faut attendre la fin des années 1980 et le début des années 1990
pour que l‟on voie une extension du travail des ONG arabes au Burkina Faso et un envoi
plus important de personnel. À l‟époque, il n‟y a que le centre médical de la Patte d‟oie
qui reçoit des travailleurs étrangers. Ce centre de santé dépend totalement de fonds en
provenance de l‟Arabie Saoudite pour son fonctionnement. Cela permet aux employés
d‟offrir des services à un coût très bas ou gratuit à l‟ouverture du centre161
.
L‟Église catholique ainsi que les associations et promoteurs musulmans tentent
d‟obtenir une certaine légitimité internationale grâce aux liens qu‟ils entretiennent. Les
ressources financières leur permettent d‟agrandir leur éventail d‟actions à Ouagadougou.
Toutefois, une des différences majeures entre les confessions résident dans leur capacité à
aller chercher un financement local. L‟Église catholique, par exemple, demande des frais
de scolarité dans ses établissements qui s‟alignent sur ceux demandés par l‟État, soit
40 000 FCFA pour le secondaire général et 70 000 FCFA pour le secondaire technique.
Les soins de santé doivent également aligner leur prix sur ceux du public, après une série
de décisions gouvernementales. Un accouchement peut par exemple coûter 5 000 FCFA
160
Cissé, op. cit., 1989, p. 72. 161
Entretien avec Habib au Centre islamique de la Patte d‟oie le 23 juin 2011 à Ouagadougou. Pour plus de
détails sur les relations entre le centre et l‟ONG qui le dirige, voir Annexe 3, pages V-VI.
46
selon le nombre de personnes dans la chambre et les commodités162
. En revanche, les
frais scolaires dans les établissements islamiques ne sont pas uniformisés. Pour la
Médersa centrale de Ouagadougou en 1984-1985, ceux-ci sont de 15 000 FCFA pour le
secondaire en ajoutant 2000 FCFA pour les droits d‟inscription163
. L‟enseignement arabe
est de ce fait plus accessible, mais se voit rapidement confronté à des problèmes de
financement.
Les écoles catholiques disposent également du soutien financier des élèves
boursiers, puis « affectés ». Les élèves boursiers sont choisis en grande partie selon leurs
résultats scolaires (moyenne minimum) et le revenu familial164
. Les élèves affectés, sujet
de plusieurs litiges lors de la présidence de Sankara, sont recrutés par l‟État selon leurs
résultats obtenus au Certificat d‟études primaires (CEP) et au Brevet d‟études de premier
cycle (BEPC). Ils ont par la suite le choix d‟aller dans une école publique ou privée alors
que le gouvernement donne un montant fixe pour les frais de scolarité. Dans le cas de
l‟enseignement catholique, ces « subventions » sont versées directement à l‟UNEC.
L‟Église burkinabé n‟est pas la seule à recevoir ce type d‟aide financière, une convention
contractée entre les clergés chrétiens et l‟État ivoirien en 1974 permet à leurs
établissements d‟être subventionnés :
« Au niveau de l‟enseignement secondaire, le choix entre deux possibilités fut laissé aux
congrégations européennes : soit de poursuivre leurs activités « sous le régime des
subventions », soit passer un « contrat d‟association avec l‟enseignement public »
(Convention liant l‟enseignement confessionnel à l‟État, 1974). Toutes les congrégations
choisirent le régime des subventions. De nombreuses dispositions financières
accompagnaient le choix de ce régime; elles marquent ainsi autant de traits d‟une époque
où l‟État subvenait largement aux besoins de l‟enseignement confessionnel »165
.
162
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : État, documents : Lettre du MENA au président de
l‟UNEC, « Répartition de la subvention allouée à l'enseignement privé conventionné », 8 mai 1983; CAN
dossier 7V786, décret du premier ministre, 8 avril 1983. Les prix augmentent peu au Burkina Faso dans les
années 1980, selon notre calcul de l‟Indice des Prix à la Consommation (IPC) conçu avec des données
prises sur le site de Perspective monde de l‟Université de Sherbrooke : www.perspective.usherbrooke.ca.
En prenant 1983 comme année de base (100), en 1987 les mêmes biens coûtent 6 % plus cher (106,2437).
La Banque mondiale a publié un rapport où elle fait état des plus bas salaires au Burkina Faso en 1992 soit
environ 478 048 FCFA (calculs prenant en compte le taux de change de 264,7FCFA pour 1 US$). Cela
donne une idée du pouvoir d‟achat de la population à la fin des années 1980; Kithinji Kiragu et Rwekaza
Mukandala, Tactics Sequency and Politics in Developing Countries : Lessons from Sub-Saharan Africa,
Banque Mondiale, 2003, p. 12. 163
Cissé, loc. cit., 1990, p. 64. 164
CAN dossier 7V456, document : ministère de l‟Éducation nationale, procès verbal, août 1983, p. 3. 165
Éric Lanoue, « Les écoles catholiques et la construction des « identités scolaires » en Côte d'Ivoire »,
Cahiers de la recherche sur l'éducation et les savoirs, no 3 (2004), p. 81.
47
L‟envoi d‟élèves affectés dans les établissements catholiques représente une partie
importante du budget de l‟UNEC dans les années 1980 et démontre l‟existence d‟un
important cadre juridique entourant les relations des établissements catholiques avec le
gouvernement burkinabé. Les écoles franco-arabes et les madâris sont exclues de ce
système d‟élèves affectés. Nos données ne nous ont pas permis d‟observer une volonté de
lutter pour un changement de statut. Il faut attendre le début des années 1990 pour
observer un mouvement de revendication à échelle étendue. Une plus grande ouverture
du régime politique envers les représentants islamiques, ainsi que l‟accroissement du
nombre d‟établissements d‟enseignement arabe peuvent expliquer cette évolution. Dans
la quête de légitimé « internationale », l‟Église catholique voit cette aide se concrétiser de
façon plus importante. Une autre différence majeure réside dans le financement local et
les subventions reçues par le gouvernement. Les catholiques disposent, sous le président
Sankara, de plusieurs atouts pour faire entendre leur voix dans l‟espace public, mais quel
impact cela a-t-il sur leurs revendications? En quoi la situation des musulmans diffère?
C- Les objectifs de la révolution avant tout : des religieux circonspects
L‟espace que les religieux peuvent revendiquer dépend non seulement de leur
crédibilité morale, de leur nombre d‟adeptes et des ressources financières et symboliques
qu‟ils ont accumulées, mais également de la ligne politique de l‟État. Les positions
rigides du régime marxiste mènent à certaine situation litigieuse et les religieux sont
prudents dans leurs revendications politiques.
a. Revendications dans le domaine social : négociations ardues
La volonté de contrôle du CNR se prolonge à l‟intérieur des centres confessionnels.
Pour les écoles secondaires par exemple, le président institue la présence des Comités de
défense de la révolution (CDR). Le rôle des CDR est de veiller à ce que la direction ou le
fondateur respecte les préceptes révolutionnaires. Les comités sont composés de
membres du CDR du secteur, de membres du personnel, d‟élèves et de parents
48
d‟élèves166
. Dans les règles à respecter, il y a par exemple la production agricole en
milieu scolaire. Toutes les écoles doivent participer aux récoltes pour assurer une certaine
rentabilité de l‟éducation et rapprocher les élèves des travaux manuels, une des visées de
l‟école révolutionnaire167
. Les écoles secondaires catholiques n‟échappent pas à cette
forme de contrôle, mais les écoles islamiques non reconnues par le ministère de
l‟Éducation ne peuvent y être soumises.
Malgré cette ingérence du pouvoir politique dans les écoles secondaires
confessionnelles, les fondateurs conservent un pouvoir de négociation qui diffère selon la
confession. Si l‟on prend en premier lieu l‟exemple de l‟école catholique, on constate que
plusieurs points sont litigieux. Les conflits opposent majoritairement l‟UNEC, mais
également parfois les évêques du diocèse de Ouagadougou, au ministère de l‟Éducation
nationale ou à la présidence. En 1984, l‟UNEC demande à recevoir les arriérés que l‟État
lui doit pour les subventions, ainsi que la scolarité des élèves affectés qui poursuivent
leurs études dans une de ses écoles. La situation s‟envenime lorsque le ministère de
l‟Éducation répond à l‟association en juin 1984:
« J‟ai l'honneur de vous demander de bien vouloir considérer que cette subvention a
toujours été un appoint et non un budget de fonctionnement, c'est une aide et non une
« prise en charge ». […] Compte tenu des difficultés financières de notre pays, le
Gouvernement sera amené à diminuer sensiblement; voire supprimer cette subvention dans
les prochaines années »168
.
Le régime sankariste entretient des relations difficiles avec les opérateurs
économiques nationaux et ceux des autres pays africains. Les mesures protectionnistes
émises sur divers produits tels que les fruits et légumes provoquent maints
mécontentements chez les partenaires économiques africains du Burkina Faso. L‟État
burkinabé tente également d‟instaurer des politiques sociales difficiles à soutenir par son
budget de fonctionnement:
166
Cheick Karambiri, « Élections des bureaux CDR dans les établissements secondaires de
Ouagadougou », Sidwaya, 200, 31 janvier 1985, p. 3. Voir Annexe 4, pages VII et VIII. 167
CAN dossier 7V154, document : Jean-Baptiste Sansan, « filière sésame, coton et karité », ministère de
l‟Éducation nationale aux chefs d‟établissements privés, 27 mars 1987, p. 1-3. 168
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : 1981-1983 divers, document : Emmanuel Mardia
Dadiouari, « subvention non assurée pour les années à venir », 14 juin 1984.
49
«Rather than cutting back on vital services and economics activities, the government
expanded investments in health, education, and basic infrastructure, relying partly on
budgetary reallocations, but also on local financing and labour through campaigns of
popular mobilisations. [...] Although Burkina remained highly dependent on external aid,
many of these efforts were undertaken in the absence of additional outside financing. […]
Taken in isolation, some of the more stringent policies of the Sankara government could
be described as a form of „self-imposed adjustment‟»169
.
Sous Sankara, le pays accuse un profond déficit commercial conjugué à une dette
extérieure importante170
. Avec une situation financière précaire, il n‟est pas étonnant que
l‟État souhaite diminuer l‟aide au secteur privé, ce qui inclut les établissements
confessionnels. De plus, cela entre dans la logique marxiste du régime de prendre ses
distances d‟avec les promoteurs privés. L‟Église ne reste toutefois pas sans rien dire et
critique la diminution des subventions qui sont passées de 185 millions en 1982 à 127,05
millions FCFA en 1984. L‟UNEC commence alors à remettre en question l‟accueil des
élèves affectés dans ses établissements pour l‟année scolaire 1984-1985 : « Grâce aux
subventions accordées par l'État, nous essayons de réduire la scolarité des élèves non
boursiers. La suppression des subventions remettrait en cause le maintien et l'éventuelle
acceptation des élèves affectés dans les établissements privés catholiques » 171
.Cette
menace de la part des établissements secondaires catholiques démontrent qu‟ils ont un
certain pouvoir de négociation. L‟argument financier est une stratégie souvent utilisée
selon le modèle de religious agency et est particulièrement efficace ici puisque l‟État n‟a
pas assez d‟écoles pour pouvoir accueillir tous les élèves qu‟il « affecte », ce qui pourrait
entraîner un mécontentement populaire172
.
En réponse à cette menace, le ministère de l‟Éducation confirme, dans une lettre du
6 août 1984, le retrait des élèves affectés des établissements catholiques subventionnés, à
l‟exception du secteur technique173
. L‟Église catholique réagit dans une lettre en
169
Ernest Harsch, « Burkina Faso in the Winds of Liberalisation », Review of African Political Economy,
vol. 25, no 78 (1998), p. 627-628. 170
Labazée, loc. cit., 1989, p. 22; René Otayek, « Après le coup d‟État du 15 octobre 1987, Retour à la case
départ au Burkina Faso », Année Africaine 1987-1988, CEAN, Bordeaux, 1990, p. 247; Pilon et Wayack,
loc. cit., 2003, p. 65. 171
CAN dossier 7V468, document : UNEC, « demande de révision de la lettre […] du 14 juin 1984, du
Ministre de l‟Éducation Nationale des Arts et de la Culture au Président de l‟UNEC », 28 juin 1984. 172
Laura M. Leming, « Church as a Contested Terrain: Voice of the Faithful and Religious Agency »,
Review of Religious Research, vol. 48, no 1 (September 2006), p. 66. 173
CAN dossier 7V468, document : Emmanuel Mardia Dadiouari, « subventions à l‟enseignement privé en
1984-1985 », 6 août 1984.
50
réaffirmant son désir de travailler avec l‟État au sujet de l‟éducation174
. Peu de temps
après, le président Sankara, dans une lettre confidentielle au ministre de l‟Éducation,
demande des éclaircissements sur la situation. La décision d‟arrêter l‟envoi d‟élèves
affectés et des subventions à l‟enseignement catholique aurait été conduite par le ministre
sans qu‟il en soit au courant, selon le contenu du document175
. Finalement, la décision
d‟août 1984 est annulée dès le mois suivant et le CNR s‟engage de nouveau à encourager
l‟enseignement secondaire catholique, mais « dans les limites strictes de ses moyens ».
L‟État reprend en charge les frais de scolarité des élèves affectés placés dans ces
écoles176
.
Cette crise du financement mérite que l‟on s‟y penche, puisqu‟elle démontre deux
éléments importants : la capacité d‟agency de l‟Église catholique, ainsi que les problèmes
au sein du régime sankariste. Le renversement de la décision du ministre de l‟Éducation
est précédé par une demande de rencontre avec le président de la part de la conférence
épiscopale de Haute-Volta et Niger. Celle-ci a lieu le 20 août 1984. La délégation est
composée de trois évêques qui ne sont toutefois pas nommés. Nous pouvons poser
l‟hypothèse que Mgr Jean-Marie Compaoré, alors responsable de l‟enseignement
catholique à la conférence épiscopale, ainsi que le cardinal Paul Zoungrana font partie de
cette délégation. Bien que nous ne connaissions pas les détails des conversations, le
président annule la décision d‟août 1984 après la rencontre. L‟Église catholique utilise ici
deux stratégies de négociation, soit la menace de la non-prise en charge des élèves
« affectés », puis le recours à une autorité morale importante, celle des évêques.
L‟intervention du haut clergé auprès des élites politiques n‟est pas nouvelle au Burkina
Faso comme le rappelle R. Otayek. Dans la Haute-Volta indépendante, il surveille et
critique les décisions de chefs politiques qu‟il a souvent formés dans ses écoles177
.
174
CAN dossier 7V468, document : Anselme Sanon et Paul Ouédraogo, « situation de l‟enseignement privé
catholique », 16 août 1984, p. 2. 175
CAN dossier 7V468, document : Thomas Sankara, « Demande d‟explications ». Voir Annexe 5, pages
IX et X. 176
UNEC (archives non classées), dossier : 1981-1983 divers, document : Philippe Somé, « subventions à
l‟enseignement privé », 5 septembre 1984. 177
René Otayek, « L'Église catholique au Burkina Faso. Un contre-pouvoir à contretemps de l'histoire? »,
François Constantin et Christian Coulon, (dirs.), Religion et transition démocratique en Afrique, Paris,
Karthala, 1997, p. 239-241.
51
La réponse écrite du président au ministère de l‟Éducation laisse également sous-
entendre qu‟il n‟était pas au courant de la décision. Cela est surprenant dans la mesure
où, comme nous l‟avons démontré, Sankara souhaite contrôler les différentes sphères de
la vie burkinabé. Deux hypothèses peuvent être avancées. Premièrement, le ministre de
l‟Éducation a pu témoigner d‟un excès de zèle et sur interpréter les propos du président,
ce qui est plausible si on tient compte de la perte de contrôle de ce dernier sur certains
éléments de son régime, tels que les CDR178
. L‟autre hypothèse est que le président était
au courant de l‟action prise par le ministre, mais a voulu s‟en détacher après que les
évêques soient venus le rencontrer. Le règlement de cette crise n‟empêche toutefois pas
l‟UNEC et le gouvernement sankariste d‟avoir d‟autres problèmes liés au financement de
l‟éducation en 1987.
Lors d‟une assemblée extraordinaire de l‟UNEC le 12 juillet 1987, les membres
discutent des rumeurs sur une « cessation éventuelle d‟envoi des boursiers dans nos
établissements » avec l‟évêque Mgr Jean-Marie Compaoré, responsable de
l‟enseignement catholique à la conférence épiscopale179
. L‟État avance des raisons
financières à ce retrait, mais assure qu‟une subvention à l‟enseignement catholique peut
perdurer. Les réactions de la part des évêques Compaoré et Marius à cette décision sont
assez négatives : « Une telle décision, a certainement un objectif à long terme ''nous
supprimer''. […] il faut trouver une position nette », dit Mgr Compaoré, alors que pour
Mgr Marius, « il nous faut devenir un partenaire de poids, nous ne sommes qu‟un
partenaire de qualité »180
. Les évêques constatent également que l‟État ne s‟attendait pas
à négocier avec l‟UNEC de la situation lorsqu‟il a communiqué avec le président de
l‟association.
178
« Le monopole d‟encadrement dont bénéficiaient les CDR ainsi que leur composition par âge et par
origine sociale deviennent un obstacle à l‟application des nouveaux thèmes de mobilisation, bientôt
surmonté par une vigoureuse reprise en mains. Certes le président réaffirme dans son discours à la première
Conférence nationale des comités « que nous avons besoin et nous aurons toujours besoin des CDR »; mais
il engage au même moment une critique virulente de leurs pratiques […] », Labazée, loc. cit., 1989, p. 21. 179
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : 1981-1983 divers, document : Fr. Yougbare Bonaventure,
Union nationale des établissements catholiques, Assemblée extraordinaire du 12/07/1987, 12 juillet 1987,
p. 1-3. Pour une transcription complète du document, voir Annexe 6, pages XI et XII. 180
Ibidem.
52
Le 15 octobre 1987181
, les évêques reviennent sur les positions gouvernementales
concernant l‟arrêt d‟envoi des élèves affectés à la rentrée 1987 et la réduction de l‟aide à
l‟enseignement catholique jusqu‟à son annulation à court terme :
« Pour l‟Église, cette mesure amorce donc la privatisation à cent pour cent des
établissements. Dans cette nouvelle situation où la responsabilité dévolue aux chefs
d‟établissement devant le Gouvernement par l‟entremise du Ministère de l‟Éducation
Nationale n‟a plus d‟objet, les Évêques ont décidé de reprendre, chacun respectivement, la
propriété entière des établissements d‟enseignement de son diocèse et d‟assurer sur eux
tous les droits et devoirs »182
.
À l‟époque, les évêques proposent de former des associations diocésaines pour aider les
établissements catholiques. Celles-ci ne verront toutefois pas le jour, puisque la crise sera
résorbée par le successeur de Thomas Sankara, Blaise Compaoré, qui instaure plusieurs
changements après sa prise de pouvoir en 1987.
Ce deuxième exemple de querelles financières entre l‟UNEC et l‟État démontre une
fois de plus que l‟Église catholique possède une certaine marge de manœuvre dans
l‟espace public pour émettre des revendications au gouvernement. Ce pouvoir de
négociation découle de plusieurs éléments : respect envers le travail des établissements
catholiques qui est dû à un statut légal, d‟un quadrillage de l‟espace urbain, d‟un réseau
de contacts internationaux, de la prise en charge des élèves affectés et de l‟importante
figure morale des évêques dans la politique burkinabé. La capacité d‟agency est toutefois
limitée par la ligne révolutionnaire, qui remet en question le fonctionnement de l‟école,
sous prétexte qu‟elle fait la promotion d‟une idéologie réactionnaire. Un ancien
responsable de l‟UNEC considère que ce n‟est pas tant l‟enseignement catholique qui
était visé que le secteur privé dans son ensemble. Le régime de Sankara souhaite se
concentrer sur l‟accessibilité à l‟éducation, quitte à forcer, comme on l‟a vu, les
établissements privés à revoir leur frais à la baisse :
« Le régime ne reprochait rien explicitement, mais émettait des réflexions pour
démocratiser l‟école, alors qu‟ils donnaient l‟école moins cher. C‟était difficile quand
même. Il y a eu beaucoup de changement au ministère. D‟abord, juste après le BEPC,
tous les élèves affectés allaient dans les écoles publiques. L‟année (d‟)après le ministre a
181
Il est à noter que c‟est à cette date que Thomas Sankara est assassiné. 182
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : Compte-rendu d‟assemblée générale, document : Mgr
Jean-Marie Compaoré, « Histoire de l‟enseignement catholique », 15 octobre 1987, p. 2.
53
changé d‟avis. Leur idéologie n‟était pas bien arrêtée. Ils traînaient les pieds pour honorer
l‟argent »183
.
À la différence de L. Diamond qui insiste sur l‟importance de l‟autonomie des acteurs
vis-à-vis de l‟État, notamment financière, comme critère d‟inclusion dans la société
civile, nous postulons qu‟il est pratiquement impossible pour ces groupes d‟être
complètement indépendants financièrement de l‟État, compte tenu de la précarité
économique du pays184
. Toutefois, en dépit de leur degré de subordination à l‟État, ces
groupes conservent une certaine marge de manœuvre pour s‟exprimer dans l‟espace
public.
Il est possible de dresser un parallèle entre cette situation et celle du secteur
sanitaire catholique. Tout comme dans le secteur de l‟éducation, les relations entre les
structures sanitaires et l‟État sont déjà bien établies avant l‟arrivée de Sankara au pouvoir.
Nous avons déjà démontré que les centres catholiques détiennent des atouts pour
augmenter leur capacité d‟agency et leur crédibilité auprès du gouvernement : volonté de
toucher de nouvelles populations éloignées du centre urbain, statut légal, fort soutien
international, personnel spécialisé. Les structures sanitaires catholiques demandent
certains « privilèges » dans les années 1980, comme l‟exemption de douanes, qu‟ils
obtiennent. Il s‟agit d‟un enjeu important puisque plusieurs médicaments et matériels de
soins viennent d‟Europe et d‟Amérique par le biais des Églises, des communautés
religieuses ou d‟autres donateurs étrangers. Le directeur du centre Saint-Camille ne nie
pas que la période 1983-1987 a été plus difficile, mais les contacts avec le ministère de la
Santé n‟ont pas été coupés pour autant : « St-Camille a eu un poids fort dans la santé.
L‟État ne restait pas indifférent, nous avions des réunions avant le district sanitaire. Un
partenariat existait déjà avant, on demandait des choses à l‟État comme l‟exemption de
douanes »185
.
En ce qui concerne la situation des structures islamiques dans les années 1980 au
Burkina Faso, il faut rappeler qu‟il n‟y a qu‟un centre médical de reconnu : le Centre
islamique de la Patte d‟oie, et que la plupart des écoles franco-arabes et madâris ne sont
183
Entretien avec Jean au bureau du SNEC le 6 juin 2011 à Ouagadougou. Pour plus de détails sur la
structure de l‟enseignement catholique, voir Annexe 7, pages XIII-XV. 184
Larry Diamond, « Rethinking Civil Society: Toward Democratic Consolidation », Journal of
Democracy, 5, no 3 (1994), p. 4-17. 185
Entretien avec Matimeo au centre médical Saint-Camille le 3 juin 2011 à Ouagadougou.
54
pas reconnues officiellement par le MESSRS. Le pouvoir de mobilisation et de
négociation dans le secteur social des promoteurs et associations islamiques sont
influencés par plusieurs facteurs. Comme nous l‟avons démontré, les établissements
confessionnels islamiques ont une visibilité intéressante dans l‟espace urbain, mais
plusieurs ouagalais croient à l‟époque que les services sont réservés à la population
musulmane, alors que les non-musulmans sont acceptés dans les centres, ce qui diminue
leur clientèle186
. De plus, le manque de reconnaissance dans les différents ministères nuit
à leur pouvoir de négociation au sein l‟espace public. Bien que plusieurs structures
bénéficient de l‟aide arabe internationale, il faut attendre quelques années avant que leurs
actions ne soient bien connues à Ouagadougou et que les ONG arabes s‟implantent de
façon plus importante. Dans les années 1980, un autre élément nuit à la visibilité du
discours islamique, soit une vision peu coordonnée de l‟action sociale. Au contraire des
catholiques, chez qui l‟action sociale est théorisée et est intégrée au message religieux,
les musulmans utilisent peu les établissements sociaux comme vecteur de propagation de
leur foi et développent peu cet aspect dans leurs associations. Les relations avec l‟État
dans le domaine scolaire sont également difficiles, puisque l‟école islamique, intégrant
plusieurs cours religieux, ne cadre pas avec le projet d‟éducation « révolutionnaire » qui
souhaite plutôt fonder une école axée sur le discours marxiste. La capacité de négociation
des religieux, ainsi que les ressources morales et matérielles acquises grâce à leurs
établissements se traduisent par un pouvoir de mobilisation différent lorsqu‟il est
question de politique.
b. Au-delà des structures sociales : religion et espace public
Il est maintenant question de voir s‟il existe un parallèle avec ce que nous avons
observé dans le secteur social et la capacité d‟agency des religieux dans l‟espace public,
alors qu‟ils se prononcent sur d‟autres décisions gouvernementales. Tout d‟abord, comme
nous l‟avons vu pour les établissements d‟enseignement, le haut clergé catholique
intervient auprès de l‟État lorsque ses intérêts sont en jeu. Sur les sujets plus politiques,
l‟Église catholique burkinabé est peu revendicative et ne s‟aventure pas à dénoncer les
exactions du pouvoir. Les évêques discutent de cette réserve à quelques reprises :
186
Entretien avec Habib au Centre islamique de la Patte d‟oie le 23 juin 2011 à Ouagadougou.
55
« Depuis lors, notre relative réserve a pu étonner l'un ou l'autre d'entre vous. Sans doute,
dans vos engagements d'homme et de chrétien, vous auriez aimé parfois entendre de vos
pasteurs une parole de lumière et de vérité qui vous aurait davantage affermi dans votre
foi »187
.
R. Otayek rend compte de cette posture silencieuse de l‟Église catholique tout au
long de la décennie 1980 dans ses écrits: « les relations entre l‟Église et l‟État-CNR sont
placées sous le signe de la coexistence pacifique et n‟excluent pas une certaine
compréhension réciproque »188
. Il n‟est pas anodin de mentionner que le père et la femme
du président sont des catholiques pratiquants et que cela a pu jouer dans sa perception de
la hiérarchie catholique189
. M. Somé soutient une position différente et affirme que les
rapports entre l‟Église catholique et l‟État au Burkina Faso ont été difficiles sous la
révolution. Le président se retient directement d‟intervenir dans les affaires internes de
l‟Église, mais cela n‟empêche pas des croyants d‟être visés dans leur foi par des CDR:
« Le discours révolutionnaire pouvait donc indexer parmi les élites, les croyants pratiquants
comme des opportunistes à démasquer et à combattre. La terreur révolutionnaire était
constamment brandie contre eux et ils se voyaient obligés de se détourner de la religion
pour éviter d‟être classés parmi les ennemis de la Révolution et combattus »190
.
À la suite de la parution du message pascal de 1983, l‟Église catholique est également
critiquée par certains membres du gouvernement.
La position plus discrète des catholiques envers le pouvoir politique peut
s‟expliquer selon nous par le fait que le CNR menace moins directement les institutions
catholiques bien qu‟il tienne un discours radical contre les « détenteurs de la tradition ».
Il n‟y a pas de campagnes antireligieuses. Nous croyons que les acteurs sont rationnels
lorsqu‟ils luttent pour des concessions politiques et comptabilisent d‟abord les coûts et les
bénéfices de leurs revendications191
. L‟Église catholique semble vouloir maintenir un
statu quo avec le régime politique et vouloir aussi démontrer qu‟elle ne l‟appuie pas :
« Par son silence, l‟Église catholique évitait d‟apporter son soutien au pouvoir qui
187
Archives du Diocèse de Ouagadougou, Évêques du Burkina, Paix et réconciliation dans le christ
rédempteur, message pascal 1983 des Évêques de Haute-Volta, Pâques 1983. 188
Otayek, loc. cit., 1997, p. 239. 189
Ibidem. 190
Magloire Somé, « Pouvoir révolutionnaire et catholicisme au Burkina de 1983 à 1987 », Cahiers du
CERLESHS, 25 (2006), p. 193. 191
Nepstad, loc. cit., 2004, p. 5.
56
recourait à des méthodes autocratiques sinon totalitaires […], mais s‟offrait à collaborer
dans les actions d‟intérêt commun de construction nationale et de lutte contre les grandes
endémies »192
. La crédibilité, ainsi que les ressources sociales et matérielles acquises
grâce aux structures sociales ne semblent donc pas à l‟époque, avoir une grande influence
sur la façon dont l‟Église catholique intervient politiquement dans l‟espace public. Leurs
discours en ce sens se concentrent sur l‟encouragement des fidèles à participer à la vie
politique.
La situation des musulmans est différente. En dépit d‟un contexte difficile où
l‟islam est particulièrement visé par l‟idéologie révolutionnaire et accusé
d‟« obscurantisme », la communauté musulmane tente de se dresser contre l‟État et de
faire valoir ses idées dans l‟espace public. Bien que les infrastructures sociales ne soient
pas très développées et que leurs actions ne soient pas reconnues de façon officielle par
l‟État, les associations islamiques militent contre certaines idées révolutionnaires. La
mise en place du Code de la famille avec la réforme de l‟appareil judiciaire burkinabé
entraîne des problèmes puisqu‟il y est question d‟abolir la polygamie. Les autorités
religieuses ont été conviées à donner leur avis :
« Les représentants musulmans à la commission chargée d‟élaborer le texte final se sont
prononcés contre, mais leur avis n‟a pas été suivi. Ceci n‟a pas manqué d‟accroître la
méfiance des musulmans envers le CNR, au même titre d‟ailleurs que les campagnes en
faveur de la planification familiale. Celles-ci, comme la préférence donnée à la monogamie,
ont été perçues comme des atteintes au «projet de Dieu » et la voie ouverte au « désordre
sexuel »193
.
D‟autres problèmes surviennent entre l‟État et les religieux sur la question du
maraboutage. Le gouvernement reproche à plusieurs reprises aux associations islamiques
d‟encourager les marabouts, les écoles coraniques et la mendicité par le biais des
talibés194
: « Aussi trouve-t-on parmi ces garibous des fils de riches qui sont obligés de
mendier, non pas parce qu'ils sont nécessiteux en réalité, mais tout simplement parce que
192
Somé, loc. cit., 2006, p. 198. 193
René Otayek, « L‟islam et la révolution au Burkina Faso : mobilisation politique et reconstruction
identitaire », Social Compass, 43, no 2 (1996), p. 242. 194
Également appelés garibous. Il s‟agit d‟un surnom donné aux enfants éduqués à l‟école coranique qui
mendient pour subvenir à leurs besoins. Selon Étienne Gérard ce nom : « viendrait de leur appel à la
générosité des passants : "dala garibou" ». Étienne Gérard, La tentation du savoir en Afrique; Politiques,
mythes et stratégies d’éducation au Mali, Paris, Karthala, 1998, p. 204.
57
ce sont des prescriptions religieuses qui les y obligent »195
. Plusieurs discussions ont lieu
à ce sujet. Les musulmans doivent constamment se défendre contre ces attaques et se
justifier : « en aucun cas il n'a été question de mendier, Dieu a dit seulement de ne jamais
refouler quelqu'un qui vient à votre porte »196
.
Face à une fermeture du pouvoir politique, on observe plusieurs stratégies de la part
des musulmans pour être entendus dans l‟espace public. D‟abord, on retrouve au Burkina
Faso, mais également dans d‟autres pays d‟Afrique de l‟Ouest comme le Mali et la Côte
d‟Ivoire, une volonté de remoraliser l‟espace public et de redéfinir la modernité à la
lumière du Coran. Dans le cas particulier du Burkina Faso et de la révolution marxiste, il
s‟agit de substituer une autre « modernité » à celle imposée par le pouvoir politique qui
fait de la religion son point focal. L‟islam est alors vu comme une « structuration morale
de la modernité », tandis que les adeptes prônent une remoralisation de l‟individu et de la
société selon l‟éthique de la religion197
. Ce courant est porté par des musulmans
scolarisés dans le monde arabe (arabisants), mis à l‟écart par leurs aînés de la vie
religieuse. Ils rejettent l‟autorité morale de la Communauté Musulmane du Burkina Faso
en lançant un appel à la « réunification et à la purification de l‟islam »198
. Leur discours
inclut plusieurs thèmes : justice sociale, le rôle de la shari’a et de la femme dans la
195
Sita Tarbagdo, « La mendicité: un phénomène social aux proportions inquiétantes », Sidwaya, 320, 26
juillet 1985, p. 4-5. 196
Selon El hadj Sidiki, Marcelline Sama, « Le ministre de l'essor familial à propos de l'interdiction de la
mendicité: Pour plus de dignitié », Sidwaya, 730, 13 mars 1987, p. 3. 197
Marie Nathalie LeBlanc et Muriel Gomez-Perez, « Jeunes musulmans et citoyenneté culturelle : retour
sur des expériences de recherche en Afrique de l‟Ouest francophone », Sociologie et sociétés [En ligne],
vol.39. no.2 (2007), http://www.erudit.org/revue/socsoc/2007/v39/n2/019083ar. Marie Nathalie LeBlanc,
« L‟orthodoxie à l‟encontre des rites culturels. Enjeux identitaires chez les jeunes d‟origine malienne à
Bouaké (Côte-d‟Ivoire) », Cahiers d’études africains, 182, no 2 (2006), p. 417-418 et 426 : […] pour les
musulmans arabisants, la modernisation incarne aussi un certain nombre de forces dites « maléfiques » ou
« corruptrices ». Ainsi, face à un pendant obscur et stéréotypé de la modernisation, l‟islam agit tel un
« agent protecteur » […]. Gilles Holder, « Introduction, Vers un espace public religieux : pour une lecture
contemporaine des enjeux politiques de l‟islam en Afrique », Gilles Holder (dir.), L’islam, nouvel espace
public en Afrique, Paris, Khartala, 2009, p. 10 : « Cette représentation de plus en plus répandue d‟un mode
de civilisation islamique qui serait proprement africain témoigne d‟un phénomène de remoralisation
puissant, porté par la religion musulmane au sein d‟un certain nombre d‟espaces publics africains ». Nilufer
Göle, « Islam in Public: New Visibilities and New Imaginaries », Public Culture, 14, no 1 (hiver 2002),
p.177: « The ways in which Islam emerges into the public sphere defy modernist aspirations for a civilized
(read Westernized) and emancipated self yet follow a similar pattern in regard to gender, body, and space
issues ». 198
René Otayek, « Une relecture islamique du projet révolutionnaire de Thomas Sankara », Jean-François
Bayart (dir.), Religion et modernité politique en Afrique noire. Dieu pour tous et chacun pour soi, Paris,
Karthala, 1993, p. 109.
58
société, promotion de l‟enseignement islamique199
. Cette contestation du projet
révolutionnaire dans l‟espace public n‟est pas le seul moyen utilisé par les musulmans
pour obtenir une reconnaissance.
Une autre stratégie observée est de faire jouer ses relations locales et internationales
pour se rapprocher de l‟État dans le but d‟avoir des concessions. Cette façon de faire
prend tout son sens si on met de l‟avant l‟importance de l‟aide extérieure pour la
politique de Sankara. Celui-ci compte beaucoup sur le soutien extérieur, notamment
arabe, pour ses projets. Dès 1986, Sankara ratifie l‟accord de coopération technique,
commercial et économique entre les États de la conférence islamique (O.C.I)200
. Le
président du Faso participe également au 5ème sommet de la conférence islamique en
1987, la premières fois depuis la révolution, pour défendre les intérêts du Burkina Faso à
l‟O.C.I. : « où de nombreux pays s'intéressent à nos projets de développement »201
. Cet
attrait pour le monde arabe et ses pétrodollars influencent les relations entre l‟État et les
associations islamiques puisque les liens avec le monde arabo-islamique deviennent des
éléments de légitimité important dans l‟espace public202
. El hadj Oumarou Kanazoé est
un exemple d‟acteur religieux qui obtient un pouvoir de négociation par ses relations. Cet
entrepreneur s‟implique au sein de la CMBF comme membre influent, financier, puis
président. Dès les années 1980, il se positionne comme une interface incontournable entre
le CNR et la communauté musulmane :
« Under such conditions, the more successful Burkinabè entrepreneurs generally are those
who have forged alliance with foreign capital and/ or have direct access to the resources
and other favours of the state. [...] But it is El hadj Oumarou Kanazoé, construction
magnate and Chamber of Commerce president who perhaps best illustrates the cozy
relationship between private operators and the government »203
.
La crédibilité de l‟islam burkinabé dans l‟espace public est cependant minée par
plusieurs crises internes qui prennent leur essence lors de la fondation des associations.
199
Otayek, loc. cit., 1993, p. 125. 200
CAN dossier : 35V, document : Zatu signé par Thomas Sankara, 31 juillet 1986. 201
Serge Théophile Balima, « 5ème Sommet de la conférence islamique au Koweit », Sidwaya, 698, 27
janvier 1987, p. 3. 202
Issa Cissé, Islam et État au Burkina Faso : de 1960-1990, Thèse de Doctorat, Paris, Université de Paris
VII, 1994, p. 282, 300 et 331-339 et Harsch, loc. cit., 1998, p. 635. 203
Harsch, loc. cit., 1998. p. 635. Le CNR tient O. Kanazoé en haute estime et baptise une rue en son nom à
Ouagadougou : Ouma Ouedraogo, « Entreprise O. Kanazoe, Une entreprise au dessus de tout soupçon »,
Sidwaya, 339, 23 août 1985, p. 4-5.
59
Mise sur pied en 1962, la CMHV devenue la CMBF se voit déjà déchirée entre les
« traditionnalistes », qui prônent une conciliation avec les chefs traditionnels et les
« réformistes ». Dans les années 1970, se sont tour à tour les Wahhabites, puis les tenants
de la Tidjaniyya « Ramatoulaye » qui font pression pour des réformes. Cela conduit à la
naissance en 1973 du Mouvement sunnite de Haute-Volta et de l‟Association de la
Tidjaniyya de Haute-Volta. Dans les années 1980, les dissensions internes se poursuivent
au sein de la CMBF. El Hadj Oumarou Kanazoé, président de 1977 à 1982 quitte son
poste, ouvrant la porte à des luttes internes. Deux clans s‟affrontent principalement. Il y a
d‟abord ceux qui suivent les positions de l‟imam Harouna Sana, voulant que la CMBF
s‟occupe en premier lieu de gérer le patrimoine de la communauté. Une autre faction dont
fait partie El Hadj Toumani Triandé, se définit comme « moderniste » et souhaite que la
CMHV se concentre sur une meilleure connaissance et représentation de l‟islam dans le
pays204
. Le fond du problème est toutefois financier comme le mentionne A. Kouanda :
« Depuis 1973, les aides financières des États arabes se sont multipliées. Cependant leur
gestion n‟a été ni rigoureuse ni transparente. Il semble qu‟une partie des fonds a été
détournée par des membres du comité exécutif. On parle même de scandales financiers.
En durcissant le ton et en multipliant les attaques, les opposants de l‟imam obligent les
partisans de ce dernier à riposter » 205
.
Ces querelles internes nuisent au fonctionnement de l‟organisation, ce qui
l‟empêche de concentrer son potentiel sur l‟acquisition d‟une plus grande visibilité dans
l‟espace public. Sa crédibilité est également compromise car, face à l‟ampleur du conflit
en 1986, le président convoque les représentants islamiques et les force à trouver une
solution temporaire206
. On voit également germer à l‟époque des problèmes chez les
Sunnites, entre les francophones et les arabophones pour le contrôle du bureau national,
ainsi que sur l‟acceptation des Tabligh207
. Ils réussissent à garder sous contrôle ces
dissensions, qui exploseront plus tard au cours de la décennie.
204
Assimi Kouanda, « Les conflits au sein de la Communauté musulmane du Burkina : 1962-1986 », O.
Kane et J. Triaud (dirs.), Islam et islamismes au sud du Sahara, Paris, Karthala, 1998, p. 96. 205
Ibidem. 206
Issa Cissé, « Les associations islamiques au Burkina Faso de 1983 à 1993 », Colloque « 1983-1993 : dix
ans de changements politiques et sociaux au Burkina Faso », CEAN, juillet 1994, p.3; Otayek, loc. cit.,
1993, p. 108; CAN dossier : 7V485, document : lettre El hadj Abdoul Salam Tiemdoré à Thomas Sankara,
13 juillet 1986. 207
Le Tablig Jamacat est une évolution des enseignements de la médersa Dar-ul „Ulum situé en Inde. Les
représentants de ce courant sont connus pour leur lutte contre le syncrétisme religieux. Marloes Janson,
60
L‟Église catholique dispose en définitive d‟un réseau international important, de
ressources matérielles et de structures sociales imposantes, mais n‟est pas en mesure
d‟utiliser tout le potentiel politique de cet atout. Les prélats choisissent le statu quo lors
de la révolution, à l‟exception des situations qui les touchent directement. Les musulmans
de leur côté ne disposent pas à l‟époque de reconnaissance pour leurs œuvres sociales et
plusieurs conflits minent les associations islamiques. Cela ne les empêche pas certaines
fois de prendre la parole dans l‟espace public pour négocier une meilleure situation
auprès du pouvoir. Ce retour à l‟identité islamique est toléré : « tant que cela servait les
desseins de l‟État »208
, notamment dans ses relations diplomatiques avec le monde arabe.
La mort de Thomas Sankara en 1987 inaugure une ère d‟ajustement entre l‟État et les
religieux, mais également d‟accélération de la privatisation du pays.
«“We don‟t despair, since we know that Islam is the truth”: New Expressions of Religiosity in Young
Adherents of the Tabligh Jamacat in the Gambia », Muriel Gomez-Perez et Marie Nathalie LeBlanc, (dirs.),
L’Afrique des générations: entre tensions et négociations, Paris, Karthala, 2012, p. 583. 208
Otayek, loc. cit., 1996, p.238.
61
Chapitre III
Blaise Compaoré, les religieux et l’espace public : vers une
réconciliation politique? (1988-1998)
Assassiné le 15 octobre 1987, Thomas Sankara laisse derrière lui une révolution
inachevée. L‟institution de son successeur Blaise Compaoré marque le début du règne du
Front populaire au Burkina Faso (1987-1991). À son arrivée au pouvoir, le nouveau chef
d‟État rompt avec les idées sankaristes tout en conservant une certaine façade marxiste-
léniniste. Il marginalise la paysannerie au profit d‟un renouvellement d‟alliances tournées
vers le monde urbain, comprenant les associations religieuses et les autorités
traditionnelles, parfois boudées par son prédécesseur. Compaoré renoue avec le capital
privé et encourage les entrepreneurs nationaux à s‟impliquer davantage dans le
développement du pays209
. Face à un besoin d‟asseoir sa légitimité au Burkina Faso, mais
également à l‟international, le président amorce une ouverture démocratique et des
élections sont organisées en 1991, mettant ainsi fin au Front populaire. Dans les années
qui suivent, Blaise Compaoré use de plusieurs stratégies pour rester au pouvoir :
obtention d‟une légitimité internationale sous le couvert du concept de « bonne
gouvernance » et d‟une stabilité politique, rôle de médiateur dans des conflits sous-
régionaux, importance des relations néo-patrimoniales et des réseaux clientélistes de
distribution dans sa gestion politique210
.
Au début des années 1990, embourbé dans un marasme économique, le Burkina
Faso se voit pousser à accepter un Plan d‟ajustement structurel (PAS) négocié avec le
Fonds Monétaire international (FMI)211
. L‟État privatise plusieurs entreprises nationales
et encourage le secteur privé, la population, ainsi que les municipalités à s‟investir dans
209
René Otayek, « Après le coup d‟État du 15 octobre 1987, Retour à la case départ au Burkina Faso »,
Année Africaine 1987-1988, CEAN, Bordeaux, 1990, p. 240-246. 210
Augustin Loada, « Contrôler l‟opposition dans un régime semi-autoritaire, le cas du Burkina Faso de
Blaise Compaoré », M. Hilgers et J. Mazzocchetti, (dirs.), Révoltes et oppositions dans un régime semi-
autoritaire, le cas du Burkina Faso, Paris, Karthala, 2010, p. 271. Le président s‟est posé comme médiateur
dans plusieurs conflits, dont celui des touaregs au Mali et au Niger, dans la crise togolaise de transition
démocratique ou plus récemment dans le conflit ivoirien. Augustin Loada, « Blaise Compaoré ou
l'architecte d'un nouvel ordre politique », René Otayek et al., (dirs.), Le Burkina entre révolution et
démocratie, Paris, Karthala, 1996, p. 23. 211
Anonyme, « PAS », Observateur paalga, no 2906, 30 avril 1991, p. 8.
62
différents domaines, notamment scolaire et sanitaire. Ce désengagement étatique est,
dans les faits, limité. En se basant sur les théories de B. Hibou au sujet de la privatisation,
on comprend que le gouvernement burkinabé ne délaisse jamais totalement un secteur
d‟activité et entretient généralement avec les acteurs privés impliqués des réseaux de
clientélisme : « L‟apparence de libéralisation ne doit pas tromper. Les liens entre pouvoir
politique et secteur économique privé, déjà très étroits, se sont depuis lors resserrés »212
.
F.Weyer, qui travaille sur l‟éducation au Mali, préfère de son côté parler d‟État diffus,
puisque les ressources économiques engagées par l‟État pour l‟éducation ne font que
croître, malgré les discours de privatisation. D‟un autre côté, le nombre d‟acteurs
impliqués dans le financement de l‟école augmente; les municipalités, les ONG, les
parents d‟élèves et les professeurs viennent épauler l‟État dans le financement scolaire213
.
Il se produit une situation similaire au Burkina Faso, puisque le gouvernement continue
de soutenir financièrement l‟éducation publique mais également privée, principalement
par le biais des élèves affectés et les dons de manuels scolaires. Des subventions et un
prêt de personnel sont aussi octroyés dans le secteur de la santé214
.
Néanmoins, la construction d‟infrastructures scolaires et sanitaires publiques
ralentit dans les années 1990 et n‟arrive pas à combler la demande de la population
ouagalaise. Afin de conserver un droit de regard sur le développement du secteur privé
lucratif et non lucratif, un département ministériel réservé à l‟éducation privée est créé en
1992215
. Dans le secteur de la santé, l‟État met en place une décentralisation en 1996 avec
de nouveaux districts responsables des structures qui se trouvent sur leur territoire. Le
ministère de la Santé souhaite ainsi stimuler la contribution du secteur privé à la
couverture des besoins de santé216
. Ce contexte économique transforme l‟offre des
212
Béatrice Hibou, La privatisation des États, Paris, Karthala, 1997, p. 19. 213
Frédérique Weyer, Éducation et insertion professionnelle au Mali, jeu des trajectoires, enjeu familial et
inégalités, Paris, Karthala, 2011, p. 56-66. 214
Mamoudou Sissoko, « Communiqué du MESSRS», Observateur paalga, no 3720, 3-7 août 1994, p. 18-
19; Entretien avec Matimeo au centre médical Saint-Camille le 3 juin 2011 à Ouagadougou. 215
« Entretien avec Hamidou Ouandaogo par Sanon K. Rigobert : L‟enseignement privé vue côté Synter »,
Observateur paalga, no 3209, 16 juillet 1992, p. 1, 4 et 10. Il ne s‟agit pas d‟un fait nouveau puisque sous
Thomas Sankara l‟enseignement privé était, comme nous l‟avons vu, réglementé. Le nombre d‟effectifs de
ce département ministériel est néanmoins de plus en plus important au fil des années. 216
CAN dossier 7V786, document : Roch Marc Christian Kabore à Blaise Compaoré, Lettre accompagnant
un document, 5 juillet 1994; Emmanuelle Cadot et Maud Hareng, « Offre de soins et expansion urbaine,
conséquences pour l‟accès aux soins. L‟exemple de Ouagadougou (Burkina Faso) », Espace et populations,
63
acteurs religieux dans les secteurs de la santé et de l‟éducation. L‟arrivée au pouvoir de
Blaise Compaoré mène également à l‟élaboration de nouveaux discours dans l‟espace
public.
A- Établissements privés: structuration importante et nouveaux acteurs
De 1988 à 1998, les établissements catholiques structurent davantage leurs réseaux
et leurs organisations fédératives. En éducation, l‟UNEC régularise son statut en
demandant une reconnaissance officielle auprès de l‟État, qu‟elle obtient le 6 août
1990217
. Huit ans plus tard, la Commission épiscopale pour l‟éducation catholique du
Burkina Faso décide de créer un conseil national de l‟enseignement catholique (CNEC).
Cette structure est apolitique et sans but lucratif. Elle a pour mission : « d‟harmoniser
l‟organisation de tous les établissements catholiques du pays au sein du Projet Éducatif
de l‟Église du Burkina »218
. Cette structure englobe donc les quatre niveaux
d‟enseignement : préscolaire, scolaire, secondaire et universitaire. Le conseil se divise en
deux organes : l‟assemblée générale du CNEC et le secrétariat national de l‟enseignement
catholique (SNEC), un organe exécutif composé de quatre membres219
. Du côté des soins
de santé catholique, on note à l‟intérieur de cette période l‟agrandissement du CM Saint-
Camille. Le nouveau complexe possède plus de salles d‟accouchement et
d‟hospitalisation, ce qui lui permet d‟accueillir un nombre plus élevé de patients. Entre
1989 et 1995 par exemple, le nombre d‟accouchements menés à cet endroit double
société [en ligne], no 2-3 (2006), http://eps.revues.org/index1739.html (page consultée le 10 mars 2011),
par. 14. 217
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : Compte-rendu assemblée générale, document : Demande
de régularisation, président de l‟UNEC à l‟administration territoriale, 20 mai 1990; Archives de l‟UNEC
(non classées), dossier : Compte-rendu assemblée générale, document : Récépissé de déclaration
d‟association, 6 août 1990. 218
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : Compte-rendu assemblée générale, document :
Conférence épiscopale du Burkina-Niger, commission épiscopale de l'éducation catholique, « statuts du
conseil national de l'enseignement catholique », 30 octobre 1998. 219
Ibidem. Le SNEC n‟a toutefois son récépissé officiel que le 24 mai 2000. Archives de l‟UNEC (non
classées), dossier : Compte-rendu assemblée générale, document : ministère de l‟Administration
territoriale, « récépissé », 24 mai 2000.
64
presque, passant de 5000 à 9000220
. À Bogodogo on remarque aussi l‟ouverture en 1994
du cabinet de soins infirmiers Saint-Michel dans le secteur 30221
.
Une plus forte structuration des organisations fédératives catholiques (UNEC,
SNEC), ainsi que l‟apparition et le renforcement de structures sanitaires permet aux
acteurs catholiques de consolider la visibilité qu‟ils obtiennent par leurs œuvres sociales.
Leur action est appuyée et développée à l‟intérieur d‟un cadre juridique. Les structures
fédératives permettent à l‟Église d‟avoir une meilleure coordination de leurs actions et
une surveillance étroite de la qualité de l‟offre scolaire et sanitaire dispensées dans leurs
établissements, ce qui, à long terme, renforce leur crédibilité auprès des ministères de
l‟Éducation et de la Santé et augmente leur capacité d‟agency. On peut lire dans un
rapport sur l‟enseignement secondaire en 1993 :« Les responsables des établissements
catholiques et protestants sont en général très respectueux des textes. Les établissements
confessionnels sont en général bien construits, bien entretenus, bien équipés, respectueux
des volumes [...]. L‟encadrement est mieux assuré et les résultats scolaires sont nettement
les meilleurs du pays »222
. Le ministère de la Santé parvient à un constat similaire223
.
C‟est également dans les années 1990 qu‟on voit apparaître une plus forte
structuration de l‟action sociale islamique. Trois écoles sont ouvertes dans les secteurs de
Bogodogo et de Baskuy : l‟Institut Il-Ilmi (1988) se rattachant à la Tidjaniyya 11 grains,
l‟Institut Ibn-Taimya (1995) lié au Mouvement sunnite et l‟Institut Cheick El-Hadj
Adama, créé par un promoteur laïc (reconnu par le ministère de l‟Éducation en 1998)224
.
Les deux derniers établissements sont des écoles coraniques qui ont été transformées en
220
Simon Yaméogo, « Santé, Un nouveau complexe à St-Camille », Observateur paalga, no 4378, 2 avril
1997, p. 2. Pour plus de détails sur l‟histoire du Centre médical Saint-Camille et sur ses liens à
l‟international, voir Annexe 8, pages XVI-XVIII. 221
Entretien avec Aissetou à l‟ancien cabinet de soins infirmiers Saint-Michel en juillet 2011 à
Ouagadougou. 222
CAN dossier 7V468, document : Rapport général d’inspection sur les établissements d’enseignement
secondaires et postsecondaires privés du Burkina Faso, juillet 1993. 223
Entretien avec Flavien au district sanitaire de Bogodogo le 26 juillet 2011 à Ouagadougou : « La qualité
on peut l‟apprécier, beaucoup offre des services qu‟on n‟a pas, dont le CREN (centre de récupération en
nutrition) […]. Au CM Saint-Camille, ils hospitalisent les enfants. Ils suppléent à certaines infrastructures,
au CM Saint-Camille on parle d‟IRM ». 224
Entretien avec Abdallah à l‟Institut Cheick El Hadj Adama le 26 mai 2011 à Ouagadougou (pour un
exemple de transformation d‟une école coranique vers une école franco-arabe, voir Annexe 9, pages XIX-
XXI et photos en Annexe 18, page LII), Entretien avec Oumarou à l‟Institut Ibn-Taimya le 28 juin 2011 à
Ouagadougou (il s‟agit de la seule structure du Mouvement sunnite que nous avons visitée, voir Annexe 10,
pages XXII-XXIII) et entretien avec Ihmrane à l‟Institut Il-Ilmi en juin 2011 à Ouagadougou.
65
madrasa et en école franco-arabe, afin de permettre, selon les responsables, un meilleur
encadrement des étudiants :
«Nous avons fondé l‟établissement pour récupérer les enfants qui n‟ont pas accès au
public et améliorer les conditions d‟enseignement. Les garibous n‟honorent pas la
religion. Ici ils peuvent acquérir le savoir dans des bonnes conditions. Les écoles
coraniques ne sont pas pédagogiques, l‟école franco-arabe est plus pédagogique, elle
perfectionne les enfants »225
.
Cette transformation fait également écho à une certaine vision de l‟État, qui, somme
toute, a peu de considération pour les écoles coraniques, considérant que ces structures ne
servent qu‟à faire apprendre les bases de l‟islam et ne les reconnaît qu‟officieusement226
.
Ce phénomène de transformation d‟écoles coraniques en établissements offrant un certain
enseignement « séculier », n‟est pas propre au Burkina Faso et se retrouve dans plusieurs
pays limitrophes notamment au Nigéria et au Ghana. À l‟intérieur de ce dernier pays, les
English-Arabic schools prennent forme à la fin des années 1970 de la main de certains
Malam227
qui souhaitent offrir une alternative aux systèmes scolaires public et chrétien. À
l‟instar de ce qu‟on observe au Burkina Faso, ces fondations sont liées à une prise de
conscience de la communauté islamique de vouloir être plus visible dans l‟espace public
en tant qu‟interlocuteur de l‟État :
« L‟éveil politique des sociétés du Nord-Ghana s‟anima à la fin des années soixante-dix.
Celles-ci décidèrent d‟user de leurs poids politique. Mais, se poser en tant
qu‟interlocuteur politique à part entière passait par l‟acquisition d‟un savoir moderne, seul
outil d‟intervention sur le champ politique national et de confrontation à l‟État. La
transmission du savoir moderne fut donc à la base d‟une construction d‟un espace public
au sens où l‟entend J. Habermas »228
.
La transformation de certaines écoles coraniques répond donc à un double objectif
d‟offrir une alternative aux parents musulmans, mais également de se conformer au
modèle étatique d‟acquisition de savoir moderne. Il est à noter que les écoles coraniques
ne disparaissent toutefois pas du paysage éducatif du Burkina Faso, mais demeurent peu
reconnues dans le système officiel de l‟État.
225
Entretien avec Abdallah à l‟Institut Cheick El Hadj Adama le 26 mai 2011 à Ouagadougou. 226
Formation sur la problématique des écoles coraniques et des talibés au Burkina Faso, conférence à la
Maison du Peuple, 7 juin 2011. 227
En hausa, le maître-coranique. 228
Martin Verlet, « L‟expérience des English-Arabic schools (Nord Ghana) », Cahiers de la recherche sur
l’éducation et les savoirs, no 3 (2004), p.120.
66
L‟institut Il-Ilmi de son côté est un exemple de l‟importance, à partir de la fin des
années 1990, de Cheick Aboubacar Doukouré, chef spirituel de la Tidjaniyya 11 grains,
dans la création d‟une offre de services scolaires et sanitaires islamiques à Ouagadougou.
En plus de l‟école ouverte au secteur 10 près de sa mosquée à Hamdallaye, il est lié à la
création du Centre médical Ridwane en 1995 et d‟un dispensaire à Hamdallaye en 1997.
Le premier centre de santé a été ouvert par la Ligue mondiale islamique (LMI), mais le
représentant national de l‟ONG à l‟époque était Cheick Doukouré, ce qui lui permet
d‟agir à titre de relais national pour amener des fonds des pays du Golfe afin de soutenir
l‟action sociale islamique au Burkina Faso. Sa formation arabisante, ses nombreuses
relations dans le monde musulman nord-africain et moyen-oriental, ainsi que ses
positions au sein de plusieurs ONG -LMI, Zakat House, Fondation islamique
internationale de Charité (FIIC)229
- lui permettent de modifier durablement la visibilité de
l‟islam dans l‟espace public, ainsi que l‟offre sociale islamique :
« Le cas du cheikh Aboubakar Doukouré de la zâwiya d‟Hamdallaye est exemplaire : il a
choisi d‟investir la plupart des ressources financières dans l‟éducation et dans la da’wa,
au Burkina Faso et dans les pays limitrophes. […] il a aussi promu la fondation de
nouvelles medersas, d‟écoles privées reconnues par l‟État, et la création de cours scolaires
pour les enfants et pour les adultes. Cette stratégie d‟investissement des ressources, axée
sur l‟éducation, explique comment l‟économie morale de l‟islam, par l‟intermédiaire de
ses chefs spirituels investis de la fonction de planificateur social, peut véritablement
guider la mutation de l‟islam en Afrique, soutenir son engagement dans la sphère sociale,
redéfinir son accès à l‟espace public »230
.
L‟offre sanitaire musulmane est aussi modifiée dans les années 1990 par l‟arrivée de
l‟Agence des musulmans d‟Afrique (AMA)231
au Burkina Faso. Cette ONG organise des
activités ponctuelles dans le secteur de la santé dans le pays dès les années 1980 et fonde
un premier dispensaire en 1997 dans le secteur 28 à Bogodogo. Les responsables de
l‟ONG ne voulaient pas au départ être reconnus comme faisant partie de l‟offre
confessionnelle : « Au début, on a rejeté l‟étiquette confessionnelle. On vient pas ici pour
229
Mamadou Alioune Diouf, L‟action de l‟Agence des musulmans d‟Afrique au Burkina Faso 1986-1996,
Université de Ouagadougou, Mémoire de maîtrise, 1999, 113p. 230
Mara Vitale, « Économie morale, islam et pouvoir charismatique au Burkina Faso », Afrique
contemporaine, 231, no 3 (2009), p. 235-236. 231
Aujourd‟hui connue sous le nom de Direct-Aid.
67
faire de la discrimination, mais on a été classé dans le cadre confessionnel par l‟État »232
.
Ils sont donc considérés comme tels par le gouvernement, mais insistent sur le fait qu‟ils
ont d‟abord un objectif humanitaire. Comme les autres centres de santé islamiques, ils ne
se concentrent pas uniquement sur les patients musulmans.
Les nouvelles infrastructures sont implantées selon deux logiques différentes. Les
centres liés à Cheick Doukouré ou au Mouvement sunnite restent près des quartiers
traditionnellement musulmans, notamment Hamdallaye, ou non loin des lieux de culte.
L‟Institut Cheick El Hadj Adama ainsi que le dispensaire de l‟AMA, ouvert en 1997, sont
plutôt installés dans des quartiers périurbains à l‟intérieur du secteur de Bogodogo,
souffrant d‟une offre scolaire et sanitaire publique inadaptée, principalement au point de
vue de la faiblesse de l‟équipement par rapport à la demande. En effet, peu de centres de
santé et d‟écoles secondaires publiques se trouvent en périphérie de Ouagadougou, alors
que Bogodogo comporte une partie importante de la population233
. Les musulmans
acquièrent ainsi, par une plus grande structuration de ces centres, une visibilité urbaine
grandissante dans ces divers quartiers. Quant aux catholiques, ils se concentrent
principalement sur le renforcement des structures déjà présentes de 1988 à 1998.
Toutefois, le centre de soins Saint-Michel, fondé en 1994, dénote également une volonté
de s‟établir dans des lieux plus excentrés. Les acteurs religieux qui s‟implantent dans des
lieux éloignés le font sur des terrains qu‟on leur offre ou qu‟ils possèdent déjà, à l‟instar
de ce que l‟on a constaté pendant les années 1980234
.
Les différences existantes dans les années 1980 au niveau de la structure fédérative
des organisations catholiques et islamiques demeurent dans la décennie 1990. L‟Église
catholique poursuit la création de structures fédératives, alors que pour les musulmans,
les ONG arabes, les associations islamiques et les promoteurs laïcs burkinabé ne
travaillent pas nécessairement ensemble, hormis l‟exception notable de Cheick
232
Entretien avec Usama, au centre médical de l‟Agence des musulmans d‟Afrique au secteur 28 le 4 juillet
2011 à Ouagadougou. 233
Au sujet des inégalités spatiales à Ouagadougou et pour une étude sur l‟accessibilité aux autres services
urbains (eau potable, cueillette des déchets, électricité dans les divers secteurs de la capitale burkinabé), on
peut se référer à la deuxième partie de l‟atlas urbain de Florence Fournet, Aude M-Nikiema et G. Salem,
Ouagadougou (1850-2004), Une urbanisation différenciée, Marseille, IRD éditions, 2008, 143p. 234
Entretien avec Usama, au centre médical de l‟Agence des musulmans d‟Afrique au secteur 28 le 4 juillet
2011 à Ouagadougou; entretien avec Aissetou à l‟ancien cabinet de soins infirmiers Saint-Michel en juillet
2011 à Ouagadougou.
68
Aboubacar Doukouré qui occupe simultanément des positions importantes au sein des
ONG en plus de diriger sa communauté tidjane. Cela leur nuit pour des revendications de
grande envergure.
B- Face à l’État : Des pressions tout azimut…
Avec l‟instauration du Front populaire en 1987, on remarque une volonté accrue de
la part de tous les acteurs confessionnels de faire reconnaître leurs actions sociales de
façon légale. Ils se font de plus en plus revendicatifs dans leurs différentes demandes
dans les secteurs de la santé et de l‟éducation qui sont de plusieurs types : quête de
légitimé ainsi que demandes matérielles et financières. La partielle ouverture
démocratique opérée par le régime en 1991 influence les demandes des religieux au sein
de l‟espace public.
a. Les structures sociales catholiques : une pierre d’achoppement entre l’Église et
l’État.
L‟enseignement catholique se retrouve encore une fois au cœur de plusieurs litiges.
La crise des arriérés financiers amorcée en 1987 sous la présidence de Thomas Sankara
est prolongée sous l‟institution de Blaise Compaoré. On sait qu‟en avril 1988, l‟UNEC
attend toujours la réception de 52 768 320 FCFA235
, mais que le 20 mai 1988, par une
lettre du ministère de l'Éducation nationale, les élèves affectés sont de nouveau placés
dans les établissements de l‟UNEC, signifiant la fin de ce conflit financier :
« En exécution des dispositions de la lettre no AN V-43/FP/EDUC/CAB du 17 mai 1988,
autorisant l‟affectation des élèves admis aux concours d‟entrée en sixième et en seconde,
dans les établissements privés relevant de l‟UNEC et de l‟Enseignement privé protestant,
j‟ai l‟honneur de vous prier de bien vouloir inviter les élèves intéressés par ces mesures, à
adresser d‟urgence aux différents services d‟examen leurs désidérata […]»236
.
235
CAN dossier 7V473, document : Philippe Somé, Raabo […] portant attribution d‟allocations scolaires
aux Établissements privés conventionnés, 22 avril 1988. 236
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier: Compte-rendu assemblée générale, document : Lettre du
ministre de l‟Éducation nationale, Affectation des candidats admis aux concours scolaires dans les
établissements privés relevant de l'UNEC et de l'enseignement protestant, 20 mai 1988.
69
La situation n‟est toutefois pas réglée de façon définitive et dès l‟année scolaire 1992-
1993, la question des arriérés est encore à l‟ordre du jour, malgré un déblocage financier
de 71 753 000 FCFA en 1991237
. L‟UNEC se joint à l‟enseignement protestant dans une
lettre au président pour revendiquer le versement intégral des subventions dues à leurs
établissements :
« Si, en effet pour l‟État, assurer les salaires de ses agents est une priorité, on comprend
mal qu‟assurer le salaire de leurs collègues du Privé ne soit plus une priorité! Pour notre
part, nous restons convaincus qu‟il est grand temps d‟assainir la situation et de permettre
à l‟Enseignement Privé Conventionné de réaliser son objectif fondamental : à savoir :
ASSURER AUX JEUNES UNE EDUCATION HUMAINE ET MORALE SOLIDE
[…] »238
.
L‟État réagit rapidement à cette demande conjointe des chrétiens et le président de
l‟UNEC est invité à rencontrer Blaise Compaoré. Ce dernier le réfère alors au ministre du
Budget pour régler la situation. Néanmoins, devant l‟impossibilité de rencontrer le
ministre et face à un montant accordé en deçà de ce que les responsables catholiques
s‟attendaient, la situation s‟envenime239
. À l‟instar de ce que s‟est passé dans les années
1980, les évêques interviennent dans le conflit. Mgr Jean-Marie Compaoré, président de
la Conférence épiscopale chargée de l‟enseignement, remet une autre fois en question
l‟accueil des élèves affectés dans les établissements catholiques240
, décision qui est
effective le 8 mai 1992 :
« La situation devenant asphyxiante, réunis en Assemblée Extraordinaire, le 8 mai 1993, à
Ouagadougou, nous, tous les Établissements de l‟UNEC, nous nous voyons dans
l‟obligation de vous informer que nous suspendons l‟accueil des élèves affectés dans nos
établissements pour la rentrée 1993, en attendant que la situation soit clarifiée. Nous
attirons votre attention sur la situation des élèves affectés antérieurement à cette rentrée
1993-1994 et qui restent par conséquent à la charge de l‟État pour les années à venir »241
.
237
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : Compte-rendu assemblée générale, document : Déblocage,
visa financier, 1er
octobre 1991. 238
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : 1981-1983 divers, document : Frais de scolarité des élèves
affectés dans les établissements privés subventionnés, 6 juin 1992. Dans la source, la phrase : « Assurer aux
jeunes une éducation humaine et morale solide » est en majuscule, vraisemblablement pour attirer
l‟attention sur l‟œuvre scolaire des chrétiens et sur la qualité de leur enseignement. 239
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier: sans nom, document : Entrevue avec le président de la
république à propos des arriérés dus par l'État aux Établissements de l'UNEC par Jean-Marie Compaoré, 25
novembre 1992. 240
CAN dossier 7V468, document : Lettre de Mgr Compaoré au Secrétaire général du Faso, 11 mai 1993. 241
CAN dossier 7V468, document : Lettre de l‟UNEC au ministre de l‟Éducation nationale, suspension de
l‟accueil des élèves affectés dans les établissements de l‟UNEC, 8 mai 1993.
70
Les méthodes de négociations utilisées par l‟Église catholique dans le domaine scolaire -
intervention de l‟UNEC et des évêques, menaces de la non-réception des élèves affectés-
sont sensiblement les mêmes que celles observées sous le régime sankariste. La réponse
de l‟État est toutefois plus rapide, ce qui nous permet de constater que la capacité
d‟agency, au sens où on l‟entend comme un effort des acteurs sociaux, est accrue puisque
le pouvoir politique modifie ses pratiques établies242
. Le 13 mai 1993, la commission
mixte de réflexion sur les rapports entre les établissements privés conventionnés du
Burkina Faso et l‟administration publique est créée et une session extraordinaire est
tenue243
. Les discussions se font dans le respect des différentes partis et le gouvernement
prend une part du blâme au sujet du problème financier. Il semble vouloir réajuster la
situation : « Ils reconnaissent avoir tenu, plus d‟une fois, un discours plus politique que
réaliste »244
, mentionne un responsable de l‟UNEC et du SNEC. Finalement, le conflit est
dénoué pour la rentrée 1994 : l‟UNEC reçoit une bonne partie des arriérés financiers et
ouvre ses portes aux nouveaux élèves affectés245
.
L‟analyse de ces deux derniers litiges est intéressante puisqu‟il montre un
changement dans la façon dont l‟État négocie avec l‟Église catholique dans le secteur
social. Les premières années du régime du Front populaire sont plus difficiles pour
Blaise Compaoré, car il doit acquérir une légitimité politique pour tenter d‟effacer sa
« réputation fratricide » qu‟il véhicule aux yeux des institutions internationales246
. Pour
calmer la tension présente, certaines réformes sont prises, dont le désarmement des
CDR, une plus grande liberté médiatique et la tenue d‟élections. Tout en restant maître
de la situation, le président entretient différentes alliances pour demeurer au pouvoir
avec ses ressources financières et matérielles accumulées, ce qui lui fournissent prestige
242
Sharon Erickson Nepstad, « Culture, Agency, and Religion in Social Movements », Convictions of the
Soul [En ligne], Oxford, Oxford University Press, 2004, http://www.oxfordscolarship.com/view/10.1093/
0195169239.001.0001 (page consultée le 10 juin 2012), p. 7. 243
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : Compte-rendu assemblée générale, document : Création
d‟une commission mixte, 13 mai 1993. 244
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : État, document: Compte-rendu de la session ordinaire de
la commission mixte, 13 août 1993. 245
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : Compte-rendu assemblée générale, document : Lettre du
président de l‟UNEC au directeur du MESSRS, 19 mars 1994. 246
Otayek, loc. cit., 1990, p. 250.
71
et crédibilité247
. La nécessité pour le nouveau président d‟obtenir et de conserver l‟appui
des groupes religieux n‟y fait pas exception et ainsi il ne peut pas se permettre de perdre
l‟appui des évêques ouagalais pour un litige au sujet des arriérés financiers. La réaction
rapide du gouvernement au problème financier de 1992 démontre en effet la volonté du
chef d‟État de conserver l‟appui de la hiérarchie catholique, qui possède une crédibilité
morale et un pouvoir mobilisateur important.
À l‟instar de ce qui se passe du côté de l‟enseignement, les revendications dans les
centres de santé catholiques sont plus importantes au début des années 1990. Le centre
de santé de St-Camille par exemple, souhaite établir une convention claire avec le
gouvernement au sujet des droits et devoirs de chacune des partis :
« En 1992, nous sommes un des premiers à avoir une approche contractuelle pour
rapprocher le public et le privé. L‟État ne peut pas tout faire et il a besoin de toutes les
ressources possibles pour améliorer la santé de la population. On ne peut pas agir
n‟importe comment et pas de façon anarchique […]. L‟État a proposé l‟accord. Le CM a
des particularités confessionnelles, tel que l‟absence d‟avortement. On pratique la
planification familiale naturelle »248
.
Ce centre est le premier des établissements catholiques burkinabé à conclure un tel
protocole d‟accord avec le gouvernement. Cela lui permet notamment de voir respecter
ses particularités confessionnelles (planification familiale naturelle) par l‟État, mais
également de négocier plus facilement avec lui sur des questions financières
(exemptions de douanes, subventions, prêt de personnel). Cette volonté d‟être reconnu
officiellement par le pouvoir politique entre dans une logique de négociation dans
l‟espace public, comme le souligne George Thomas, « there are recognizable religious
traditions given special voice in vertical parallels, thereby creating a potential for a
pollarized global civil society »249
. La légitimité sociale acquise par le centre Saint-
Camille lui permet de raffermir ses relations avec l‟État. L‟implantation ancienne du
centre, la qualité de ses services, ainsi que la nécessité, comme nous l‟avons vu plus
247
Au sujet du clientélisme politique voir Achille Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l’imagination
politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, 293p. ; Jean-François Bayart, L'État en
Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, 439p. Jean-François Médard, « Autoritarismes et
démocraties en Afrique noire », Politique Africaine, 43 (octobre 1991), p. 92-104, ainsi que Augustin
Loada, « Blaise Compaoré ou l'architecte d'un nouvel ordre politique », René Otayek et al., (dirs.), Le
Burkina entre révolution et démocratie, Paris, Karthala, 1996, p.277-297. 248
Entretien avec Matimeo au centre médical Saint-Camille le 3 juin 2011 à Ouagadougou. 249
George Thomas, « Religions in Global Society », Sociology of Religion, 62, no 4 (2011), p. 525.
72
haut, pour Blaise Compaoré de conserver l‟appui de l‟Église catholique, instaure un
climat plus propice aux négociations.
Dans le secteur de l‟enseignement catholique on perçoit aussi cette volonté
d‟obtenir une entente légale avec le gouvernement. Dès 1988, la Commission épiscopale
de l‟enseignement catholique rencontre le ministère de l‟Enseignement à ce sujet :
« Ainsi, la C.E.E.C250
souhaite avoir une certaine indépendance vis-à-vis de l‟État. Elle
préconise également l‟établissement d‟une convention entre elle et le gouvernement. Une
convention qui établirait de manière claire et précise la place, le rôle de l‟Enseignement
privé catholique d‟une part et d‟autre part l‟aide que l‟État pourrait apporter à
l‟Enseignement privé catholique (subvention) »251.
Ce document liant l‟Église et l‟État n‟est pas effectif tout de suite, et en 1991 on parle
encore d‟un « projet » plus élaboré cette fois, qui comprend des clauses sur les élèves
affectés et les salaires des enseignants. La proposition, faite par les établissements de la
région de Bobo-Dioulasso, comporte une clause pour que les enseignants catholiques
disposent des mêmes avantages que dans le secteur public. Les établissements s‟engagent
à recevoir les élèves affectés par l‟État jusqu‟à 75% de leurs effectifs de classe. Ils
demandent en contrepartie au gouvernement de les aider financièrement soit en prenant
en charge une partie du salaire des enseignants ou en donnant une somme pour les élèves
affectés, boursiers ou non252
. La situation ne sera pas réglée dans les années 1990. Il faut
attendre 2004 pour qu‟une convention soit officialisée253
. Cet élément nous amène à
nuancer la capacité d‟agency de l‟Église catholique, qui ne semble pas assez forte pour
convaincre rapidement l‟État de l‟importance de ce dossier. Les nombreuses implications
financières font reculer le gouvernement burkinabé et les religieux ne parviennent pas à
cet égard à « transform institutions and innovate new social practices »254
.
250
Commission épiscopale de l‟enseignement catholique. 251
CAN dossier 7V468, document : Compte rendu de l‟audience accordée par le camarade ministre à la
commission épiscopale de l‟éducation catholique, 17 août 1988. 252
Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : Compte-rendu assemblée générale, document : Projet de
convention avec l'État, proposition faite par les Établissements catholiques de la région de Bobo-Dioulasso,
23 février 1991. 253
Cette convention concerne tous les niveaux d‟enseignement du préscolaire à l‟université. 254
Nepstad, loc. cit., 2004, p. 7.
73
b. Structures musulmanes : lutte pour une reconnaissance dans l’espace public
À partir du début des années 1990, il y a une volonté de la part des acteurs de
l‟action sociale musulmane de se faire reconnaître officiellement, ce qui diffère de ce
que l‟on a observé pour la décennie précédente. En juillet 1991, les ministères de
l‟Enseignement de base (MEBA) et de l‟Enseignement secondaire créent une
commission nationale des statuts et programmes de l‟enseignement arabe (CNSPEA).
Cette commission a deux mandats : « Élaborer un projet de statuts fixant les modalités
de création et de gestion des Médersas et Établissements Franco-arabes au Burkina
Faso » et « Élaborer un projet de programmes nationaux d‟enseignement Franco-arabe
pour les niveaux primaire et secondaire »255
. Le gouvernement fait une place importante
aux délégués religieux sur les comités. En plus des représentants ministériels, il y a deux
personnes issues de la CMBF, deux du Mouvement sunnite, deux de l‟association de la
Tidjaniyya, une personne du Cercle d‟études et de formation islamique (CERFI), deux
représentants des madâris de Ouagadougou, deux de Bobo-Dioulasso et une personne
représentant les écoles franco-arabes256
. Cela peut sembler peu en comparaison à la
diversité présente au sein des acteurs impliqués dans l‟enseignement islamique, mais
nous croyons que l‟État fait un effort à cette occasion afin de représenter tous les partis
qui peuvent être impliqués. Les musulmans sont également plus présents dans les
comités qui traitent de l‟enseignement privé. En 1994 par exemple, un comité mixte de
concertation sur l‟enseignement privé est fondé. Deux représentants de l‟UNEC y siège
en plus de deux représentants protestants et deux de l‟enseignement arabe. Trois
réunions sont tenues par année avec pour but de faire la promotion de l‟enseignement
privé en plus de délibérer sur différentes questions257
.
Cette plus grande inclusion des musulmans par le gouvernement est d‟abord due
aux actions menées par des associations islamiques pour faire connaître davantage leur
enseignement au cours des années 1990258
. Elles placent beaucoup d‟énergie dans la
promotion de l‟enseignement arabe, symbole identitaire de leur religion, mais également
255
CAN dossier 7V485, Document : arrêté interministériel du MESSRS et du MEBA, 16 juillet 1991. 256
Ibidem. 257
Il n‟est pas mentionné dans la source si l‟État fait allusion seulement aux écoles franco-arabes, ou si
cette appellation comprend aussi les madâris. Archives de l‟UNEC (non classées), dossier : sans nom,
document : MESSRS, Arrêté portant création, composition et fonctionnement du Comité Mixte de
Convention sur l'enseignement privé, 2 septembre 1994. 258
Anonyme, « Religion, CIB imams et prêcheurs à l‟école », Observateur paalga, 26 juillet 1993, p. 4-5.
74
un moyen de diffusion important de leur foi259
. À partir des années 1990, on dénote une
volonté plus présente d‟investir durablement l‟espace public burkinabé. Cette situation
se retrouve dans différents pays d‟Afrique de l‟Ouest. Au Ghana par exemple, certains
musulmans influencés par le wahhabisme tentent de trouver un juste milieu entre la
modernité occidentale et une foi épurée de tout syncrétisme religieux. L‟enseignement
est un élément clé dans la diffusion de cette idée :
« Madrasa schooling represented the most enduring institution in Muslim‟s quest for
modernity. Though in both Ghana and Burkina Faso the madrasa was initiated
simultaneously by both members of the Tidjaniyya and urban entrepreneurs inclined
toward wahhabi ideas, by the 1980s it had become the hallmark of Wahhabism and the
main intellectual infrastructure for nurturing new generations of Wahhabi-inclined
preachers »260
.
Nous sommes toutefois enclins à nuancer cette affirmation d‟Ousman Kobo, puisque
nous avons constaté que la formalisation et le développement plus important des
madâris et écoles franco-arabes au Burkina Faso arrive plutôt au début des années 1990,
comme le montre la transformation de l‟établissement Ibn-Taimya en madrasa par le
Mouvement sunnite en 1995 et la création de l‟Institut Il-Ilmi en 1998261
.
À l‟instar de ce qui se passe chez les catholiques, on remarque que Blaise
Compaoré est plus ouvert à l‟action sociale des acteurs islamiques ce qui est le signe
d‟une volonté de renouer des alliances avec les autorités religieuses locales. Plusieurs
problèmes subsistent toutefois pour inclure ces établissements dans le système national
et maintes écoles demeurent à la marge. Celles-ci sont toujours non soutenues
financièrement par le gouvernement, comme le démontre l‟autorisation d‟ouverture de
la madrasa de Goughin en 1995 : « Le présent arrêté qui n'engage aucune charge
budgétaire de l'État sera enregistré, publié et communiqué partout où le besoin sera »262
.
L‟enseignement dans les écoles franco-arabes et les madâris ne convainc pas
complètement non plus le ministère de l‟Enseignement secondaire au point de vue de
259
Ousman Kobo, « The Development of Wahhabi Reforms in Ghana and Burkina Faso, 1960-1990:
Elective Affinities between Western-Educated Muslims and Islamic Scholars », Comparative studies in
Society and History, vol. 51, no 3 (2009), p. 502-532. 260
Kobo, loc. cit., 2009, p. 522. 261
Entretien avec Oumarou à l‟Institut Ibn-Taimiyya le 28 juin 2011 à Ouagadougou et entretien avec
Ihmrane à l‟Institut Il-Ilmi en juin 2011 à Ouagadougou. 262
CAN dossier 7V468, document : ministère de l‟Éducation de base, Arrêté, 20 septembre 1995.
75
ses programmes, car plusieurs écoles ne respectent alors pas les cours prévus, préférant
offrir une instruction axée essentiellement sur la langue arabe, ou ne suivant pas le
processus juridique d‟ouverture263
. Dans un rapport sur l‟enseignement privé de 1993, le
ministère donne son avis sur certains établissements : « Recommandations: « Fermer le
lycée franco-arabe du secteur 10 de Ouagadougou car le fondateur de cet établissement
a sollicité et obtenu une autorisation en bonne et due forme. Toutefois, il s'est rétracté et
refuse d'appliquer les programmes officiels sous prétexte que son établissement est un
établissement coranique »264
. Le choix de ne pas respecter toutes les conditions de l‟État
ne doit pas être simplement vu comme de la négligence de la part des promoteurs
musulmans. L‟importance de l‟arabe par exemple leur permet de se rallier plus
facilement aux réseaux d‟éducation et de financement du monde arabo-musulman.
D‟autres problèmes persistants nuisent aussi à la crédibilité ainsi qu‟à la
consolidation du statut des musulmans dans l‟espace public. En effet les querelles
internes n‟épargnent pas le secteur de l‟enseignement. En 1992, les écoles gérées par la
CMBF sont fermées pour dissensions administratives et pédagogiques et l‟affaire se
rend devant les tribunaux. El Hadj Toumani Triandé, le président à l‟époque, commente
cette crise à un journaliste:
« Nous avons fermé les médersas pour des raisons administratives et pédagogiques. (De
quelle affaire s'agissait-il au juste?) Il semble que vous ne me suiviez pas. Il s'agit d'un
groupe de personnes qui a récupéré les médersas et qui les ont gérées de 83 à maintenant,
excluant tout droit de regard de la communauté musulmane. Nous avons actuellement
récupéré toutes les clés des quatre médersas. Le problème est donc totalement réglé. […]
Maintenant qu'il y a un ministère de l'enseignement privé, il faut que les médersas se
régularisent, qu'elles aient une autorisation officielle d'existence. […] Avec les résultats
des travaux du séminaire sur les médersas, nous pensons qu'une solution sera trouvée
dans les meilleurs délais en ce qui concerne les équivalences de diplômes »265
.
La décision de fermer les établissements est interne, mais les responsables de la
communauté doivent se remettre au gouvernement pour régler divers aspects du
263
CAN dossier 7V468, document : Rapport général d'inspection sur les établissements d'enseignement
secondaires et postsecondaires privés du Burkina Faso, 1993, p. 6-7. 264
Ibidem. 265
Jules Ouedraogo, « Medersas, la justice a tranché », Observateur paalga, no 3271, 19 octobre 1992, p.
1, 7 et 8. (Pour plus de détails sur le déroulement de la crise, mais également sur les tensions au sein de la
CMBF à ce sujet, nous vous invitons à voir la transcription de l‟article à l‟Annexe 11, pages XXIV-XXIX)
76
problème. L‟interposition de l‟État, avec son administration judiciaire, affaiblit
l‟indépendance de la CMBF vis-à-vis du gouvernement.
La non-reconnaissance des diplômes affecte aussi négativement les ressources
financières et symboliques que les religieux pourraient tirer de leurs écoles et mène à
plusieurs situations conflictuelles pour les jeunes qui terminent leur cursus scolaire. Alors
qu‟au milieu des années 1990 il y a certaines démarches de la part du ministère de
l‟Enseignement de base pour une traduction des programmes en arabe et l‟instauration
d‟un certificat d‟études franco-arabes266
, ce n‟est pas le cas pour l‟enseignement
secondaire. Malgré les demandes des responsables d‟établissements, le gouvernement ne
répond pas positivement. Ce type de demande ne se voit pas qu‟au Burkina Faso et est
l‟enjeu de maintes négociations dans les pays voisins. En Côte d‟Ivoire par exemple, les
musulmans demandent au Parti démocratique de la Côte d‟Ivoire d‟inclure les madâris
dans le curriculum national et lors des élections de 1993, plusieurs étudiants critiquent le
refus du gouvernement de subventionner les écoles islamiques267
. Au Sénégal, la
Jamaatou Ibadou Rahmane profite des élections de 2000 afin d‟appuyer la candidature
d‟Abdoulaye Wade dans l‟optique de mettre de l‟avant leur demande de faire reconnaître
officiellement les écoles coraniques268
.
Dans ce contexte, certains jeunes choisissent d‟étudier dans les pays du Golfe ou en
Afrique du Nord, mais pour ceux qui n‟en ont pas la chance et qui sortent de ces écoles
peu francisés, le créneau d‟emploi est très restreint et se résume à devenir enseignant ou
imâm (ou les deux à la fois) ou à travailler dans des ONG et des associations. Les bourses
sont rares et cela affecte d‟autres pays tel que la Côte d‟Ivoire : « Ces prêcheurs ont suivi
toute leur formation primaire et secondaire essentiellement dans le nord et le centre de la
Côte d‟Ivoire et n‟ont pas poursuivi des études universitaires en raison de la rareté des
bourses d‟études supérieures, de la cherté des études à l‟étranger pour leurs familles
266
Idrissa Nogo, « Rencontre Meba/Écoles franco-arabes: Bientôt un certificat d'études franco-arabe »,
Sidwaya, no 3553, 10-12 juillet 1998; CAN dossier 11V101, document : Direction de l‟enseignement de
base privé, Bilan des activités, 16 juin 1995. 267
Muriel Gomez-Perez, Marie Nathalie LeBlanc et Mathias Savadogo, « Young Men and Islam in the
1990s: Rethinking an Intergenerational Perspective », Journal of Religion in Africa, 39 (2009), p. 190 et
196. 268
Gomez-Perez, LeBlanc et Savadogo, loc. cit., 2009, p. 208.
77
[…] »269
. Le problème des débouchés n‟est pas propre au Burkina Faso, mais la non-
reconnaissance des diplômes rend la recherche d‟un travail dans le secteur formel
francophone plus difficile. La situation est quelque peu différente dans des pays comme
le Mali, le Tchad, ou le Sénégal, puisque les enseignants y font passer des examens
reconnus par l‟État, mais le marché de l‟emploi pour ces finissants demeure tout de même
restreint270
. De plus, au Mali, ces écoles relèvent du ministère de l‟Éducation de base, ce
qui n‟est pas le cas au Burkina Faso271
. Bien que le fait d‟étudier dans la filière « arabe »
permette de créer des « réseaux » pouvant mener à des emplois dans le secteur informel
ou formel, notamment en enseignement, la situation est décriée par les associations
islamiques.
Dans le domaine sanitaire, la volonté des musulmans d‟être plus visible dans
l‟espace public par l‟augmentation du nombre de centres est indéniable, mais on ne
constate pas de regroupements des acteurs musulmans :
« Pour les musulmans, les établissements sont très récents. Eux c‟est la gestion même des
ressources (qui posent problème), les établissements sont trop personnalisés. Le centre est
associé à la chose de…, Ridwane c‟est Doukouré. La gestion est plus familiale que
professionnelle »272
.
Les revendications des musulmans œuvrant dans le secteur de la santé se limitent à une
reconnaissance juridique. Hamdallaye par exemple signe une convention en 1997273
avec
l‟État. Les centres n‟ont toutefois pas tous d‟ententes juridiques avec le ministère de la
Santé274
. Il faut attendre une plus forte structuration des centres de soins musulmans, mais
également une crise du soutien financier de certaines ONG après 2001 pour que les
demandes des centres auprès de l‟État soient plus importantes.
269
Mathias Savadogo et Muriel Gomez-Perez, « La médiatisation des prêches et ses enjeux, Regards
croisés sur la situation à Abidjan et à Ouagadougou », Ethnographiques.org, [en ligne], no 22 (mai 2011),
http://www.ethnographiques.org/2011/Savadogo, Gomez-Perez (article consulté en ligne le 20 septembre
2012). 270
Stefania Gandolfi, « L‟enseignement islamique en Afrique noire », Cahiers d’Études africaines, no 169-
170 (2003), etudesafricaines.revues.org/199, (article consulté en ligne le 23 septembre 2012), paragraphe
41. 271
Ibidem. 272
Entretien avec Issa au ministère de la Santé le 20 juin 2011 à Ouagadougou. Pour plus de détails sur les
relations entre les centres confessionnels et le ministère de la Santé, voir Annexe 12 pages XXX-XXXII. 273
Entretien avec Ishem au centre de santé d‟Hamdallaye le 5 juillet 2011 à Ouagadougou. 274
Entretien avec Mohammed au centre de santé Ridwane en juin 2011 à Ouagadougou.
78
Après avoir noté les évolutions des structures sociales catholiques et musulmanes
de 1988 à 1998, il nous est possible d‟observer des points communs. Chaque confession
tente de mieux quadriller l‟espace urbain, notamment en élargissant son champ d‟action
dans des quartiers très peu lotis de Bogodogo, mais également en fondant plus
d‟infrastructures. Les religieux tentent de se positionner dans l‟espace public pour servir
d‟interlocuteurs privilégiés à l‟État, mais également pour se faire « voir »275
. Leur
implication davantage reconnue, ainsi que la situation politique locale font en sorte que
leurs prises de positions au sujet du politique changent dans l‟espace public.
c … à des revendications politiques davantage marquées?
Dans les temps troubles qui suivent l‟assassinat de Thomas Sankara en 1987, les
religieux prennent différentes positions vis-à-vis ce changement politique brutal. L‟Église
catholique est d‟abord la cible de certaines réprimandes pour ne pas avoir critiqué le
CNR, auxquelles le cardinal Paul Zoungrana répond : « on aurait voulu de notre part des
déclarations fracassantes à la manière européenne. Les Européens aiment beaucoup ces
choses-là [...], nous avons d'autres points de vus »276
. Avec l‟arrivée de Blaise Compaoré,
les discours de l‟Église se multiplient sur la place publique. La hiérarchie prend des
positions plus marquées, mais se garde de critiquer directement le président. Par exemple,
lors de la transition démocratique que le pays opère en 1990-1991 et face à l‟instauration
des PAS, les évêques s‟accordent pour dire que la situation est angoissante et que la
liberté doit avant tout primer au Burkina Faso:
« Don inestimable de Dieu aux hommes, la liberté est un bien qu‟il faut gérer suivant des
règles précises. […] Son bon usage doit donc exclure ces lamentables mœurs de la
politique politicienne dont nous avons tant souffert dans le passé, à savoir les mensonges
et dénigrements, les intolérances, le népotisme, les détournements des fonds, les
enrichissements illicites, les combines sordides du « ôte-toi que je m‟y mette 277
».
275
René Otayek, « Dynamiques religieuses et gestion communale par temps de décentralisation : le
religieux comme analyseur de la politique urbaine », René Otayek (dir.), Dieu dans la cité. Dynamiques
religieuses en milieu urbain ouagalais, Bordeaux, CEAN, 1999, p. 19. 276
Jules Ouedraogo, « Jubilé d‟or », Observateur paalga, no 3167, 15-17 mai 1992, p. 6-12. 277
Archives du Diocèse de Ouagadougou, document : « Message des Évêques pour la préparation de
l‟assemblée spéciale pour l‟Afrique du Synode des Évêques », 17 janvier 1991.
79
On remarque dans ce message de la conférence épiscopale du Burkina Faso, écrit
pour le synode des évêques d‟Afrique, que le ton est à la dénonciation. Sans utiliser de
nom en particulier, la classe des politiciens est visée. Pendant la période de transition vers
l‟ouverture au pluripartisme en 1990-1991, le clergé reproche en particulier au chef
d‟État de ne pas appeler de Conférence nationale comme c‟est le cas dans d‟autres pays
de la sous-région à l‟époque, afin de discuter de la nouvelle constitution. Blaise
Compaoré est fermé à l‟idée et l‟Église catholique « reste sceptique quant à la volonté [du
président] d‟engager décisivement le pays sur la voie du pluralisme »278
. Les prises de
parole du haut-clergé dans l‟espace public reflètent cette inquiétude vers une possible
dérive autoritaire. À l‟instar de ce qu‟on remarque dans le domaine social, avec l‟arrivée
au pouvoir de Blaise Compaoré, l‟Église catholique critique davantage certains
comportements de l‟État. Cette stratégie a deux objectifs : se placer comme une figure
importante pouvant se dresser contre l‟État et apparaître comme un porte-parole de la
volonté populaire.
À partir de 1991, l‟utilisation plus importante de lettres pastorales est un exemple
de stratégies utilisées par l‟Église pour revendiquer dans l‟espace public et faire pression
sur l‟État. Publiées par le diocèse et dans les journaux, principalement dans l‟Observateur
paalga, elles sont diffusées à grande échelle. La prise de parole est permise dans la
presse, mais demeure limitée alors que Sidwaya par exemple, reprend peu des extraits de
lettres pastorales. Le ton demeure également assez timide. Selon F. Boillot, ce médium
est utilisé en Afrique tant francophone qu‟anglophone et suit un modèle prédéterminé à
l‟intérieur duquel les prélats énoncent leurs idées en trois étapes: dénoncer, revendiquer
et guider279
. L‟utilisation de ces lettres n‟est pas nouvelle pour l‟épiscopat, puisque nous
en avons retrouvé dans les années 1980, dont « Servir l‟homme et la société » publié en
1983280
, mais à partir de 1991 leur nombre et leur portée se sont grandement multipliés.
En cette année électorale, les évêques rappellent aux fidèles l‟importance de respecter les
principes chrétiens dans un régime démocratique : dignité, égalité des hommes devant
278
René Otayek, « L'Église catholique au Burkina Faso. Un contre-pouvoir à contretemps de l'histoire? »,
François Constantin et Christian Coulon, (dirs.), Religion et transition démocratique en Afrique, Paris,
Karthala, 1997, p. 250. 279
Florence Boillot, « L‟Église catholique face aux processus de changement politique du début des années
1990 », Année africaine 1992-1993, CEAN, Bordeaux, 1993, p. 115-144. 280
Archives du Diocèse de Ouagadougou, document : Lettre pastorale des évêques du Burkina Faso,
« Servir l‟Homme et la société », 1983.
80
Dieu et vocation de l‟homme de prendre en main son destin, mais aussi l‟importance de
remplir son droit civique281
. Ils insistent principalement sur ce dernier aspect dans leurs
interventions auprès de la population, mais critiquent tout de même certains schèmes du
pouvoir politique dans leurs lettres: « Ces efforts sont demandés plus spécialement aux
tenants du pouvoir, qui doivent accepter de renoncer aux attributs qui ont été les leurs
dans le cadre du régime d'exception, afin que la démocratie pluraliste marque
effectivement les structures et les institutions de notre pays »282
. La hiérarchie catholique
se garde d‟avoir des prises de positions plus radicales.
Dans une autre lettre pastorale, l‟Église catholique se détache du gouvernement et
se présente comme non partisane. Elle rappelle aux politiciens l‟importance de rompre
avec la « politique du ventre » et aux catholiques d‟aller voter « sans se laisser acheter » :
« L'Église [...] ne se confond d'aucune manière avec la communauté politique et n'est liée
à aucun système politique. […] Même si l'Église ne propose pas de système ou de
programme économiques et politiques et ne manifeste pas de préférence pour les uns ou
pour les autres [...], l'Église ne peut approuver la Constitution de groupes dirigeants
restreints qui usurpent le pouvoir de l'État au profit de leurs intérêts particuliers ou à des
fins idéologiques »283
.
La corruption électorale est réelle au Burkina Faso et bien qu‟elle se retrouve
principalement auprès des élus, on peut l‟observer aussi chez les électeurs : « […] gagner
les élections suppose d‟accumuler et de redistribuer des ressources financières et
matérielles. […] Pour manipuler les préférences des électeurs, le pouvoir recourt à la
corruption électorale dont certaines formes peuvent se pratiquer de manière ouverte ou
occulte, et relever du licite ou de l‟illicite »284
. À l‟instar de ce que l‟on a observé chez les
musulmans qui souhaitent « remoraliser » l‟espace public, l‟Église catholique amorce ici
une réflexion similaire en utilisant des principes chrétiens pour analyser le politique et
émettre des recommandations aux fidèles.
281
Archives du Diocèse de Ouagadougou, document : Lettre pastorale des évêques du Burkina Faso,
« Servir l‟homme et la société », 18 juin 1991. 282
Ibidem. 283
Évêques du Burkina Faso, « Lettre pastorale des évêques du Burkina Faso », Observateur paalga, no
2942, 24 juin 1991, p.6-10. 284
Augustin Loada, « Contrôler l‟opposition dans un régime semi-autoritaire, le cas du Burkina Faso de
Blaise Compaoré », M. Hilgers et J. Mazzocchetti, (dirs.), Révoltes et oppositions dans un régime semi-
autoritaire, le cas du Burkina Faso, Paris, Karthala, 2010, p. 278.
81
Bien que l‟Église catholique défende davantage ses idéaux dans l‟espace public,
tant dans le secteur social que sur des sujets politiques, elle n‟est pas à la tête des
mouvements de revendications pour la démocratie comme ce qu‟on observe dans d‟autres
pays de l‟Afrique de l‟Ouest : « Si les évêques interviennent, au début des années quatre-
vingt-dix, c‟est également qu‟ils sentent, ou croient sentir, que la volonté populaire va
dans le même sens. Car on assiste partout, et y compris en Afrique, à une montée des
aspirations populaires pour un régime démocratique »285
. La hiérarchie catholique
entérine plutôt les demandes provenant de la population. Elle conserve une importante
capacité d‟agency, puisqu‟elle parle au nom de plusieurs citoyens, possédant un certain
rôle de « relais » avec le gouvernement.
Lors de la nomination de Mgr Jean-Marie Untanni Compaoré à titre d‟archevêque
de Ouagadougou en 1995, l‟Église catholique continue de faire la promotion des droits
civiques. Elle mentionne qu‟elle se garde toujours d‟appuyer un parti politique en
particulier, bien qu‟il y ait eu certains gestes de rapprochement de la part du pouvoir en
place286
. Après la querelle au sujet de la non-tenue d‟une Conférence nationale, le
président effectue des actions pour se rapprocher de l‟Église catholique, notamment avec
des discours élogieux lors de la deuxième visite du Pape Jean-Paul II au Burkina, un don
au centre médical Jean-Paul II et la restauration d‟un lieu de culte :
« Bien que l'Église, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d'aucune
manière avec la communauté politique et n'est lié à aucun système politique (Gaudium et
Spes no 75287
), nous vos pasteurs, nous croyons cependant de notre devoir de vous
donner, à vous catholiques et à tous les Burkinabés de bonne volonté, une parole, comme
285
Boillot, loc. cit., 1993, p. 117. 286
« Un nouvel archevêque pour Ouagadougou », Observateur paalga, no 3959, 24 juillet 1995, p. 3. En ce
qui concerne l‟importance de participer à la vie politique du pays, le prélat souligne : « Nous encourageons
les laïcs à faire de la vrai politique […]». Dossier : René Otayek, Anne Marie Zoure, Daouda Diallo et
Théodule Sankara, Dossier de presse sur les questions religieuses, Volume 2 : janvier 1991-décembre
1995, document : « L‟untaani de Fada », Observateur paalga, no 3847, 8 février 1995. 287
Gaudium et Spes est un des principaux documents ressortant du concile Vatican II (1962-1965) qui dicte
encore les grandes lignes de conduite de l‟Église catholique à ce jour. Le texte traite des rapports entre
l'Église catholique et le monde, à travers les enjeux de la société contemporaine. Les articles 75 et 40
s'intitulent respectivement: « Collaboration de tous à la vie publique » et « Rapports mutuels de l‟Église et
du monde ». Paul, Évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, avec les Pères du Saint-Concile, pour que le
souvenir s'en maintienne à jamais. Constitution pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps: Gaudium
et Spes, [En ligne], Rome, 7 décembre 1965, http://www.vatican.va/archive/hist_councils/
ii_vatican_council/documents/vatii_cons_19651207_gaudium-et-spes_fr.html#_ftn1 (page consultée le 21
décembre 2012).
82
nous l'avions fait en juin 1991, afin de contribuer, si possible, à humaniser notre société
(G.S no 40), qui traverse une période délicate de sa vie politique »288
.
L‟archevêque fait référence dans son discours à deux périodes politiques importantes
pour le pays. Le 2 juin 1991, la nouvelle constitution est adopté où le pluripartisme est
réinstauré. Les élections présidentielles suivent en décembre 1991, mais sont boycottées
par l‟opposition. En novembre 1998, un autre scrutin présidentiel se tient.
Vers la fin des années 1990, il apparaît normal dans l‟espace public que l‟Église
catholique donne son opinion sur la situation politique, ce qui diffère des années 1980 où
les prélats étaient plus discrets. La volonté de ne pas conseiller les croyants sur un parti
politique en particulier peut s‟expliquer par le fait que l‟Église catholique représente des
personnes ayant des opinions diverses et en prenant partie pour quelqu‟un en particulier,
elle peut voir sa légitimité diminuer, ce qui nuirait à son pouvoir de mobilisation :
«Le chef religieux, quelle que soit sa confession, ne peut, en revanche, s‟aventurer sur le
terrain politique sans risque d‟entamer sa légitimité ou son autonomie […]. Ainsi, si les
relations qu‟un chef religieux peut entretenir avec le champ politique ne vont pas dans le
sens d‟un engagement partisan, elles peuvent néanmoins consolider sa position et son
autorité dans l‟espace social dans lequel il intervient »289
.
En prenant la parole dans l‟espace public, que ce soit pour des revendications politiques
ou sociales, l‟Église catholique intéresse aussi les autres partis politiques qui souhaitent,
par leur appui, recevoir un retour du balancier dans le cadre d‟élections par exemple. En
1996, le président de l‟Alliance pour la démocratie et la fédération (ADF); Hermann
Yaméogo, rebondit sur une lettre pastorale pour se réapproprier le discours des
évêques : « On ne saurait mieux exprimer la nécessité d'adapter la démocratie, et les
évêques de poursuivre, fort à propos […]. L'ADF est encore plus en phase avec la lettre
pastorale lorsqu'elle met en exergue qu'une démocratie véritable demande que soit posé
un cadre respectant certaines conditions »290
. Cela démontre bien, comme le soutient
René Otayek que les religieux intéressent le pouvoir politique, ceux-ci étant conscients de
288
Évêques du Burkina, « Conjoncture électorale, Sauvegarder et consolider la paix sociale », Observateur
paalga, no 4362, 10 mars 1997, p. 6-7. 289
Mahamadou Diawara, « Réseaux confessionnels de développement, pouvoirs locaux et décentralisation,
esquisse d‟un modèle d‟interprétation général », René Otayek (dir.), Dieu dans la cité : Dynamiques
religieuses en milieu urbain ouagalais, Bordeaux, CEAN, 1999, p. 104. 290
Hermann Yaméogo, « L‟ADF fait écho aux évêques », Observateur paalga, no 4170, 3 juin 1996, p. 4-
5.
83
leur important pouvoir mobilisateur auprès des populations acquis par leurs structures
sociales, leurs relations internationales et leur crédibilité morale291
.
Les positions plus marquées de l‟Église catholique, mais toujours réticentes à
critiquer ouvertement le président peuvent s‟expliquer par le climat politique lourd que
fait perdurer le gouvernement de Blaise Compaoré. Le président manipule les règles du
jeu politique, en interdisant par exemple les groupes marxistes à se présenter aux
élections. Il tente d‟affaiblir les autres partis, tels que le Parti pour la démocratie et le
progrès-Parti socialiste (PDP-PS), l‟Alliance pour la démocratie et la fédération-
Rassemblement démocratique africain (ADF-RDA), la Convention panafricaine
sankariste (CSP) et le Parti de la renaissance nationale (Paren) par l‟utilisation d‟une
énorme machine électorale, par la répression politique, ainsi que par l‟entretien d‟un
réseau de clientèle (financement des autres partis politiques, nomination de membres de
l‟opposition au sein de son cabinet)292
. Blaise Compaoré noyaute aussi le système
judiciaire, en ayant recours à la torture, en nommant des juges favorables au pouvoir
politique ou en étouffant certains procès293
. Cette situation perdure tout au long des
années 1990 et la réélection du président en 1998 consolide sa position, mais aussi ses
pratiques politiques au Burkina Faso : « Quand les intérêts du système sont menacés, les
principes de l‟État de droit sont tout simplement suspendus »294
.
Cette situation influence aussi les musulmans. L‟investissement des musulmans
burkinabé dans l‟espace public se fait selon une dualité. Ils souhaitent être visibles et
reconnus, ce qui mène à des revendications dans divers domaines : social, politique,
religieux. Toutefois, le dépouillement de nos sources ne nous a pas permis de constater
qu‟ils critiquent ouvertement l‟État comme on l‟a observé chez les catholiques avec les
lettres pastorales par exemple. Les musulmans semblent moins publiciser leurs opinions
et optent davantage pour une position de neutralité voire parfois de « muette complicité »
291
Otayek, loc. cit., 1999, p. 18. 292
Loada, loc. cit., 1996, p. 296; Augustin Loada, « L'élection présidentielle du 13 novembre 2005 : un
plébiscite par défaut », Politique africaine, 101 (mars-avril 2006), « Le Burkina Faso: l'alternance
impossible », p. 28-29 et Ernest Harsch, « Burkina Faso in the Winds of Liberalisation », Review of African
Political Economy, vol. 25, no 78 (1998), p. 637-638. 293
Sten Hagberg, « Enough is Enough: an ethnography of the struggle against impunity in Burkina Faso ».
The Journal of Modern African Studies, 40, no 2 (June 2002), p. 218-224. 294
Loada, loc. cit., 2010, p. 276.
84
avec le gouvernement295
. Cette position est en partie due à l‟existence de relations
privilégiées entre les chefs religieux, tels que Cheick Aboubacar Doukouré et El Hadj
Oumarou Kanazoé et les politiciens burkinabé. Cheick Doukouré par exemple, grâce à sa
formation religieuse et ses connaissances politiques, jouit d‟une réputation importante
dans l‟espace public : « […]il a été capable d‟imposer sa personne et ses connaissances
au monde politique et ainsi d‟occuper une partie plus importante de l‟espace public,
devenant l‟un des conseillers les plus proches du président du Burkina Faso (en matière
d‟islam et de relations avec les pays musulmans) »296
. El Hadj Oumarou Kanazoé, de par
sa position imposante dans l‟économie burkinabé et au sein de la Communauté
musulmane du Burkina Faso, entretient aussi des liens étroits avec les hautes sphères
politiques297
.
La situation est différente dans d‟autres pays de l‟Afrique de l‟Ouest, tel que le
Sénégal où la Jamaatou Ibadou Rahmane par exemple est plus présente en politique en
émettant des recommandations lors des élections, ou en appuyant un candidat dans le but
de faire avancer leurs demandes en retour298
. Au Niger, bien que la constitution sépare
officiellement le religieux et le politique, les structures religieuses islamiques ont un
ascendant important sur les décisions des chefs d‟État. Le processus démocratique a
permis à plusieurs groupes de se constituer en « groupes de pression ». Maintes
associations se sont par exemple mobilisées contre le programme de prévention du sida,
qui s‟éloignait des arguments issus du Coran : abstinence et fidélité299
.
D‟autres querelles nuisent également à la capacity of agency des associations
musulmanes à l‟instar de ce que nous avons constaté pour la période allant de 1983 à
1987. En 1988, certains membres de la CMBF remettent en cause l‟élection du bureau de
l‟association, prétextant un vote non démocratique. Ils contestent également le fait que les
295
Gomez-Perez, LeBlanc et Savadogo, loc. cit., 2009, p. 207. 296
Vitale, loc. cit., 2009, p. 236. 297
Pascal Labazée, « Du système étatique au rôle politique des hommes d‟affaires africains », Sophia
Mappa (dir.), Développer par la démocratie? Injonctions occidentales et exigences planétaires, Paris,
Karthala, 1995, p. 396. « Selon Hadj Toumani Triandé, la communauté musulmane est incolore »,
Observateur paalga, no 3368, 5-8 mars 1993, p. 1et 2; « Chambre de commerce, Oumarou Kanazoé,
président », Observateur paalga, no 4030, 6 novembre 1995, p. 2. 298
Gomez-Perez, LeBlanc et Savadogo, loc. cit., 2009, p. 207-208. 299
Abdoulaye Sounaye, « Les politiques de l‟islam au Niger dans l‟ère de la démocratisation de 1991 à
2002 », Muriel Gomez-Perez (dir.), L’islam politique au sud du Sahara, identités, discours et enjeux, Paris,
Karthala, 2005, p. 504-512.
85
élus sont trop « politisés »300
. Une lettre anonyme est envoyée à l‟Administration
territoriale par quelques fidèles pour se plaindre de la situation. Un responsable du
ministère leur répond: « Le problème n'est pas du ressort de l'administration territoriale,
ils n'ont pas à juger les compétences des dirigeants islamiques, c'est à vous de régler le
problème »301
. L‟appel fait au gouvernement pour régler l‟impasse au bureau de la CMBF
démontre leurs problèmes internes, mais également nous permet de constater que cela
nuit à la crédibilité et à leur indépendance auprès de l‟État. Bien que la querelle touche la
politisation des membres du bureau, il s‟agit implicitement d‟un conflit au sujet du
partage des ressources de l‟association notamment entre les cadets et leurs aînés, la
représentation des groupes au sein du bureau jouant un rôle crucial302
.
On observe une situation similaire dans le Mouvement sunnite à deux reprises de
1988 à 1998. Un premier conflit survient lorsque le bureau national se penche activement
sur le statut du Tabligh Jamacat. Il s‟agit d‟une évolution des enseignements de la
madrasa Dar-ul „Ulum situé en Inde. Les savants islamiques associés à cette école se
représentent comme des redresseurs de l‟islam luttant contre ses formes populaires, mais
également contre les conversions à d‟autres religions telles que l‟hindouisme et le
catholicisme303
. En 1982, des missionnaires pakistanais ont introduit ce dogme au
Burkina Faso et leur collaboration avec le Mouvement sunnite a causé plusieurs
divergences. En 1988, le bureau national se penche sur la question et décide : « Plusieurs
années durant ce problème a divisé les Sunnites de Ouaga. […] Le Bureau national dit
que les deux pratiques ne peuvent pas aller ensemble, elles ne peuvent se concilier »304
.
Le président, Souleymane Ouédraogo, est partisan du Tabligh et doit démissionner au
profit d‟Idrissa Semdé305
. Cette dissension ne nécessite pas à l‟époque d‟action du
300
CAN dossier 7V485, document : Imams et musulmans du Burkina au ministre de l‟Administration
territoriale, 22 novembre 1988. 301
CAN dossier 7V485, document : Jean Léonard Compaoré, ministère de l‟Administration territoriale,
« Réponse à la lettre du 22 novembre 1988, confidentiel », 20 décembre 1988. 302
Issa Cissé, Islam et État au Burkina Faso : de 1960-1990, Thèse de Doctorat, Paris, Université de Paris
VII, 1994, p. 7-8. 303
Marloes Janson, « “We don‟t despair, since we know that Islam is the truth‟‟: New Expressions of
Religosity in Young Adherents of the Tabligh Jamac in the Gambia », Muriel Gomez-Perez et Marie
Nathalie LeBlanc, (dirs.), L’Afrique des générations: entre tensions et négociations, Paris, Karthala, 2012,
p. 583. 304
Archives personnelles d‟Issa Cissé, Texte du Mouvement Sunnite, 20 août 1988. 305
Issa Cissé, «Le wahhabisme au Burkina Faso : Dynamique interne d‟un mouvement islamique
réformiste », Cahiers du CERLESHS, XXIV, 33 (juillet 2009), p. 14-15.
86
gouvernement, mais crée un certain émoi dans la communauté sunnite. En 1995, un
conflit plus musclé nécessite une intervention active de l‟État :
« Il s‟agirait d‟une querelle autour des textes statuaires notamment sur les conditions de
renouvellement du bureau du mouvement sunnite du Burkina Faso. Ainsi d‟un côté il y a
les partisans de l‟actuel président national, El Hadj Idrissa Semdé, et de l‟autre ceux qui
sont favorables à l‟Imam de la mosquée. […] Que disent les partisans d‟El Hadj Semdé?
Pour eux, l‟actuel président jouit de toute la légitimité qui lui confère son mandat, ce
d‟autant plus que élu en 1990 et réélu en 1993, il y a encore bel et bien une année devant
lui selon les statuts adoptés le 23 décembre 1990 à Bobo-Dioulasso. Pour les partisans de
l‟autre camp, l‟actuel président dont selon eux, certaines actions sont aux antipodes de
l‟Islam, ne peut plus continuer à diriger le mouvement. Ils l‟accusent notamment de se
livrer à des activités politiques […] »306
.
Il y des querelles importantes sur plusieurs points. D‟abord, Idrissa Semdé n‟a pas réussi
à asseoir sa légitimité au sein de l‟association, ne réussissant pas à rallier les arabisants
qui demeurent fidèles à Sayouba Ouédraogo : « Les arabisants estiment que le monopole
des liens avec l‟extérieur, notamment avec les pays arabo-islamiques doit leur revenir. Ils
sont convaincus que l‟islam peut être leur « gagne pain […] »307
. Il y a un autre conflit
qui entoure l‟ouverture de nouvelles mosquées par le bureau d‟Idrissa Semdé. Une
fusillade éclate le 21 avril 1995 dans la mosquée du secteur 28.
Les forces policières doivent intervenir dans le conflit. Un arrêté est publié pour
suspendre les activités de l‟association et fermer les mosquées du MS. El Hadj Oumarou
Kanazoé agit à titre de médiateur entre les protagonistes sunnites et le gouvernement. La
querelle prend fin le 9 janvier 1996, grâce à un accord de réconciliation308
. Les mosquées
rattachées au MS sont alors rouvertes309
. La situation est assez similaire à ce que l‟on a
observé pour la CMBF, alors que l‟autorité du bureau national est contestée,
principalement pour ses actions politiques ainsi que pour la gestion du bureau. Il s‟agirait
plutôt d‟une querelle au sujet du partage des ressources de l‟association, principalement
l‟argent reçu des pays du Golfe, entre les différentes factions : entre les cadet et les aînés
306
Mamadou Koné, « Le torchon brûle entre les sunnites », Observateur paalga, no 3848, 9 février 1995,
p.1 et 2. 307
Cissé, loc. cit., 2009, p. 19. 308
Cissé, loc. cit., 2009, p. 25. 309
Vincent T. Kabré, « Deux mosquées sunnites fermées », Observateur paalga, no 3900, 27 avril 1995,
p.6; Mamadou Koné, « Mosquée Sunnites de Ouaga, Ils enterrent la hache de guerre », Observateur
paalga, no 4074, 11 janvier 1996, p. 3.
87
et entre les élites francophones et arabophones310
. Pour le MS, cela mène à la fin des
années 1990 à une refonte de leurs logiques de groupe. Le contrôle du bureau est donné à
des intellectuels formés selon un cursus arabe, rejetant le bagage culturel apporté dans
l‟association par les premiers lettrés de retour du Moyen-Orient, ainsi que celui de l‟élite
francophone311
.
Les différents conflits au sein des associations islamiques préoccupent le ministère
de la Défense qui mentionne ceci en 1995 : « Il importe aussi que l'État veuille réellement
parvenir à l'unité au sein des différentes associations religieuses et particulièrement celles
islamiques »312
. L‟État se mêle également de la gestion du pèlerinage annuel à La
Mecque313
. Les troubles qui ponctuent la vie associative des musulmans ouagalais
viennent donc compromettre leur visibilité et leur indépendance vis-à-vis de l‟État. Il
devient ensuite difficile de consolider leur prise de position dans l‟espace public. Les
musulmans ne sont toutefois pas exclus de la vie politique burkinabé comme le démontre
la place importante que leur laisse l‟État lors du Forum de réconciliation nationale en
1991. Respectivement, cinq membres de la CMBF, du MS et de la Tidjaniyya sont
présents ainsi que cinq représentants catholiques et cinq protestants participent aussi au
Forum314
. De plus, d‟autres types de relations entre les religieux et l‟État sont
perceptibles dont la cooptation ou l‟interdépendance. El hadj Oumarou Kanazoé par
exemple, figure importante et financier de la CMBF, est un bon exemple. Cet
entrepreneur est élu en 1995 à la tête de la chambre du commerce du Burkina et possède
un poids non négligeable dans le domaine des affaires315
:
« […]he secured contracts to rehabilitate the Ouagadougou-Pô highway, dig an irrigation
canal near the Bagré dam, put up two luxury villas in the Ouaga 2000 conference complex,
310
Assimi Kouanda, « Les conflits au sein de la Communauté musulmane du Burkina : 1962-1986 », O.
Kane et J. Triaud (dirs.), Islam et islamismes au sud du Sahara, Paris, Karthala, 1998, p. 93-94. 311
Kobo, loc. cit., 2009, p. 529-532. 312
CAN dossier 7V454, document : Atelier du ministère de la Défense sur l‟intolérance religieuse, mai
1995. 313
David Sidibé, « Hadj 96 aux mêmes maux, les mêmes remèdes », Observateur paalga, no 4191, 2 juillet
1996, p. 8. 314
« Rapport sur les modalités de mise en œuvre du forum de réconciliation nationale », Observateur
paalga, no 3095, 3 février 1991, p. 2-4. 315
« Selon Hadj Toumani Triandé, la communauté musulmane est incolore », Observateur paalga, no
3368, 5-8 mars 1993, p. 1 et 2; « Chambre de commerce, Oumarou Kanazoé, président », Observateur
paalga, no 4030, 6 novembre 1995, p. 2.
88
and build a new 15,000-seat sports stadium in Ouagadougou […] Kanazoé is widely
considered Burkina‟s biggest billionaire (in CFA franc terms) [...]»316
.
Son alliance avec le gouvernement, principalement par le biais des contrats en
construction, bénéficie aux deux partis. En retour, l‟appui de la CMBF est primordial
pour le nouveau président dans les premières années de son régime.
On constate que de 1988 à 1998, les structures sociales catholiques comme
islamiques prennent de l‟ampleur à Ouagadougou. Être visible et reconnu semble alors
une priorité, mais les structures catholiques, de par leur regroupement et leurs relations
antérieures avec le gouvernement, ont une longueur d‟avance du point de vue de la
reconnaissance officielle et du partenariat avec l‟État. Les ressources et la crédibilité
acquises grâce à leur action sociale permettent à l‟Église de prendre plus de place dans
l‟espace public et de dénoncer certaines pratiques du politique, tout en demeurant
prudentes. Les associations islamiques sont trop fragilisées par leurs querelles internes
pour consolider leurs revendications. De plus, les relations soutenues entre certains
leaders religieux et les hautes sphères politiques les menottent lorsqu‟il est question de
critiquer ouvertement le régime.
316
Harsch, loc. cit., 1998, p. 635.
89
Chapitre IV
L’après 1998, quelles transformations pour l’espace public religieux?
Le 13 décembre 1998, le corps de Norbert Zongo, journaliste pour L’Indépendant,
ainsi que ceux de trois autres hommes qui l‟accompagnaient, sont retrouvés dans un
véhicule brûlé à Sapouy. Après enquête, il est établi qu‟ils ont été fusillés avant que leur
voiture ne soit incendiée. On connaîtra l‟incident dans la presse principalement sous le
nom du drame de Sapouy317
. Ce meurtre mène à une crise sociale et politique importante
pour le gouvernement de Blaise Compaoré. Manifestations et grèves se succèdent afin de
demander justice pour les crimes politiques impunis perpétrés par le gouvernement. Cela
mène notamment à la formation du groupe : Trop c’est trop. Le gouvernement met sur
pied une commission indépendante d‟enquête, mais c‟est insuffisant pour régler la
situation. Le président crée en 1999 le Collège des Sages, dans lequel les chefs religieux
et coutumiers occupent une place importante. Il est composé de trois anciens chefs
d‟États, deux chefs coutumiers, cinq personnes issues de milieux professionnels divers,
deux représentants des protestants, deux pour les catholiques, ainsi qu‟un nombre
similaire pour les musulmans318
. On retrouve pour l‟Église catholique, Mgr Anselme
Titiama Sanon, évêque (1973-2000), puis archevêque de Bobo-Dioulasso (2000-2010) et
Mgr Paul Ouedraogo, évêque de Fada N‟Gourma (1997-2010), puis archevêque de Bobo-
Dioulasso319
. Pour représenter les associations musulmanes, Mama Sanou (CERFI) et El
hadj Mahamadi Tiemtoré sont sélectionnés320
. Le 2 août de la même année, le groupe
remet son rapport au gouvernement en insistant sur l‟importance de la mise sur pied
d‟une commission vérité pour la justice et la réconciliation.
317
Sten Hagberg, « Enough is Enough: an ethnography of the struggle against impunity in Burkina Faso »,
The Journal of Modern African Studies, 40, no 2 (June 2002), p. 218. 318
Anonyme, « Les membres sont nommément connus », Sidwaya, no 3783, 11-13 juin 1999, p. 2. 319
Alexandre Le Grand Rouamba, « Démission de Mgr Anselme Sanon », Journal chrétien [En ligne],
www.journalchretien.net/+17461-demission-de-mgr-anselme-sanon+, (page consultée le 2 septembre
2012). 320
Anonyme, «Les sages sont à l‟œuvre», Observateur paalga, no 4915, 3 juin 1999, p. 4.
90
Face à la gronde interne, Blaise Compaoré continue d‟adopter des tactiques
politiques démontrant une certaine ouverture sans jamais changer le système en
profondeur :
«It may be argued that these conciliatory moves were calculated to appease the opposition
by conceding some of its demands, yet without relinquishing, questioning or undermining
the foundations of presidential power. Indeed, throughout the Zongo crisis, the
government opted for a combination of “sticks and carrots”, using both repression and
accommodation strategies as delaying tactics in the elusive hope that popular mobilisation
would eventually wear off»321
.
L‟instauration de la Journée nationale du Pardon le 30 mars 2001 est un exemple de ces
stratégies par lesquelles il réaffirme son pouvoir politique. Le président demande à la
nation de se faire pardonner pour les crimes commis par l‟État, sans pour autant
démissionner. Plusieurs membres de la communauté politique et religieuse participent à
cet évènement, qui sera désormais annuel322
. On dénote une implication de plus en plus
importante des religieux dans l‟espace public à partir de 1998, ceux-ci émettant souvent
des commentaires sur les politiques présidentielles. Les secteurs de la santé et de
l‟éducation nous permettent de constater l‟apparition de nouvelles revendications et
approches de la part des religieux, ainsi que des transformations dans la nature de leurs
relations avec le gouvernement.
A- Accélération de la privatisation des établissements scolaires et sanitaires: des
besoins nouveaux
Après la mise en place des PAS en 1991 au Burkina Faso, on remarque un certain
retrait de l‟État des domaines scolaires et sanitaires. En fait, le gouvernement encourage
d‟autres acteurs à s‟impliquer : ONG, promoteurs privés, religieux, commune, ses
ressources financières ne permettant pas de combler tous les besoins de la population. À
partir de la fin des années 1990, plusieurs promoteurs laïcs ouvrent des écoles dans une
optique entrepreneuriale et les établissements confessionnels suivent cette tendance
d‟accélération de l‟offre privée. Cette accélération est constatée par des représentants du
ministère:
321
Carlos Santiso et Augustin Loada, « Explaining the Unexpected: Electoral Reform and Democratic
Governance in Burkina Faso », The Journal of Modern African Studies, 41, no 3 (2003), p. 401-402. 322
Hagberg, loc. cit., 2002, p. 224.
91
« Il y a un développement tout azimut, il y a beaucoup de nouvelles écoles. Certaines ne
sont pas régulières323
, mais on leur demande de régulariser. Au niveau quantitatif, il y a
beaucoup d‟écoles. Au niveau qualitatif les établissements privés ne sont pas logés à la
même enseigne. Certains sont excellents, d‟autres sont moins bons. Eux ils doivent faire
leur promotion. Certains veulent des élèves [affectés], mais les écoles doivent montrer
qu‟ils sont bons. Ce n‟est pas le même niveau de qualité324
».
« Au niveau quantitatif il y a une progression extrême. Il y a 500 établissements
public/privés dans la capitale. 50 sont publics et le reste est privé. Dans la région du
centre, la province de Kadiogo, il y a 300 établissements privés d‟enseignement général
et technique, alors qu‟il n‟y a pas plus de 50 établissements publics325
».
Dans les deux arrondissements ciblés par notre recherche -Baskuy et Bogodogo- trois
écoles secondaires catholiques voient le jour après 1998 soit le Groupe scolaire Saint-
Viateur (2000), l‟établissement Lassalien Badenya (2002) et le collège Notre-Dame des
Victoires (2006), une école technique pour jeunes filles326
. Les Clercs de Saint-Viateur,
les Frères des Écoles chrétiennes, ainsi que les Sœurs de l‟Immaculée-Conception sont
les trois congrégations responsables de ces lieux d‟enseignement327
. Le premier
établissement existait auparavant sous la bannière d‟une école privée laïque nommée
Ibrahim Babanguida. Les Clercs de Saint-Viateur ont racheté l‟école, à leur arrivée et ont
pris la tête de la direction328
.
Il est intéressant d‟observer qu‟au contraire des premiers établissements mis sur
pied dans les années 1950 à Ouagadougou, tels le collège La Salle, ces nouvelles
structures appartiennent toutes à des congrégations. Pour bien comprendre ce phénomène
il faut revenir en 1969 et à la crise financière qui secoue l‟enseignement catholique.
Avant cette date, la majorité des établissements d‟enseignement catholiques sont
diocésains, mais le diocèse, en 1969, soumis à une forte pression financière, transfère ses
323
Sans autorisation d‟ouverture ou d‟enseigner. 324
Entretien avec Sébastien à la Direction de l‟enseignement privé le 14 juin 2011 à Ouagadougou. 325
Entretien avec Louis à la Direction de l‟enseignement privé le 9 juin 2011 à Ouagadougou. 326
Entretien avec Dieudonné au Collège Saint-Viateur le 8 juin 2011 à Ouagadougou; entretien avec Michel
à l‟établissement Lassalien Badenya le 13 juin 2011 à Ouagadougou; Entretien au Collège de jeunes filles
de Saaba le 10 juin 2011. Pour plus de détails sur ce collège de filles, ainsi que sur les raisons de son
implantation à Saaba, voir Annexe 13, pages XXXIII-XXXV et photo en Annexe 18, page LIII). 327
Les Clercs de Saint-Viateur est une congrégation fondée à Vourles en France en 1822 par Louis
Querbes. Les missionnaires implantés au Burkina Faso sont toutefois arrivés du Canada. Clercs de Saint-
Viateur, Viateurs du Canada [En ligne], www.viateurs.ca, (page consultée le 2 septembre 2012). Les Sœurs
de l‟Immaculée-Conception sont issues d‟une congrégation autochtone fondée en 1922 par Mgr Thévenoud
à Ouagadougou sous le nom de la Congrégation des Sœurs Noires de l‟Immaculée-Conception; Paul
Pauliat, « Les Pères Blancs en Haute-Volta », Gabriel Massa et Georges Madiega (dirs.), Mémoires
voltaïques : la Haute-Volta coloniale, Paris, Karthala, 1995, p. 183. Les Frères des Écoles chrétiennes ont
fait l‟objet d‟une courte présentation historique en page 36 et en note 127. 328
Entretien avec Dieudonné au Collège Saint-Viateur le 8 juin 2011 à Ouagadougou.
92
écoles primaires à l‟État avec la commission ad hoc (études des modalités de la prise en
charge de l‟enseignement privé par l‟État). On assiste à une « congréganisation » des
collèges catholiques pour reprendre l‟expression d‟Honoré Ouédraogo329
. Maxime
Compaoré mentionne de son côté: « Entre 1969 et 1990, l‟enseignement catholique n‟a
existé qu‟à travers les établissements d‟enseignement secondaire, essentiellement
organisés par les congrégations religieux »330
. L‟implication grandissante des
congrégations en enseignement secondaire prend donc véritablement racine dès 1969, et
se poursuit ensuite. Dans les années 2000, plusieurs écoles sont mises sur pied par des
congrégations internationales, telles que les Clercs de Saint-Viateur. Du côté musulman,
on note à cette période la fondation de trois établissements, deux écoles franco-arabes
dirigées par des promoteurs privés (Institut El-Nour et l‟établissement Cheick El hadj
Adama) ainsi qu‟une école non-confessionnelle fondée par l‟Agence des musulmans
d‟Afrique qui prend place dans un complexe scolaire et sanitaire imposant, le centre
socio-éducatif de Dassasgo331
. Nous reviendrons sur les logiques et les enjeux particuliers
de ce type d‟établissement dans la prochaine partie qui traite des relations entre les
religieux et l‟État.
Les promoteurs privés laïcs deviennent des acteurs de plus en plus importants dans
l‟offre d‟établissements secondaires islamiques. Tout en restant affiliées idéologiquement
à une des trois principales associations islamiques burkinabé, ces structures sont gérées
par des promoteurs privés et non par l‟association en tant que telle. La place plus
importante de ces promoteurs peut s‟expliquer de deux manières. Tout d‟abord la
fondation d‟écoles peut être, pour plusieurs musulmans, une façon de créer des emplois
pour eux et pour une communauté de lettrés ayant étudié dans le monde arabe et qui
peine à trouver un emploi dans le secteur formel. L‟école représente un service, mais
également quelque chose que l‟on peut vendre:
329
Honoré Ouédraogo, Les défis de l‟enseignement secondaire en Haute-Volta (Burkina Faso); Acteurs,
expansion et politiques scolaires, 1947-1983, Thèse de doctorat, Paris, Université Paris Denis Diderot,
2010, p. 403-410. 330
Maxime Compaoré, « La refondation de l‟enseignement catholique au Burkina Faso », Cahiers d’études
africaines, 169-170 (2003), p. 87. 331
Entretien avec Dieudonné au Collège Saint-Viateur le 8 juin 2011 à Ouagadougou; entretien avec
Michel à l‟établissement Lassalien Badenya le 13 juin 2011 à Ouagadougou (voir photo en Annexe 18,
page LIII); entretien avec Marie au Collège de jeunes filles de Saaba le 10 juin 2011.
93
« Le Malam sera saisi par le marché de l‟économie néolibérale. Le Malam se
professionnalise et professionnalise ses proches, ses disciples. Le Malam se détourne de
sa profession de commerçant pour se spécialiser dans le commerce de la lettre. La
marchandisation du savoir conduira à une amorce d‟institutionnalisation332
».
Dans nos entrevues, l‟autre raison amenant les promoteurs privés à s‟investir dans le
domaine de l‟éducation concerne les demandes de la population qui souhaite avoir accès
à une éducation plus complète et formalisée allant au-delà de ce qui est enseigné dans les
écoles coraniques, car alliant enseignement religieux et autres matières333
.
Ces demandes populaires proviennent surtout des secteurs excentrés. Nous pensons
particulièrement aux secteurs éloignés de Bogodogo (28-29-30) et à Saaba où les gens ont
peu accès aux écoles publiques : « D‟un point de vue géographique, les établissements
secondaires publics se regroupent essentiellement dans les quartiers centraux. Les
structures privées viennent pallier les insuffisances de l‟État dans les périphéries de la
ville334
». Plusieurs habitants de ces secteurs ont été délocalisés des quartiers centraux
lors de projets de réaménagement urbain comme le projet ZACA335
. Les infrastructures
promises par le gouvernement tardent à y être installées. Dans ce contexte de
réaménagement urbain, la religion représente un secteur permettant le développement de
nouveaux liens sociaux par le biais des églises, des mosquées, des associations de jeunes,
d‟étudiants, de femmes. De plus, les réseaux d‟écoles et de centres de soins
confessionnels, mais également d‟autres activités (nutrition, puits) mises sur pied par les
religieux permettent à la population d‟obtenir de l‟aide matérielle. F. Bourdarias arrive à
cette même conclusion dans une étude des quartiers périurbains bamakois :
« À la fin des années 1990, le développement des mouvements religieux dans l‟ensemble
des quartiers périurbains bamakois (mouvements islamiques réformistes ou
fondamentalistes, communautés soufies, « néo fétichisme » urbain) semblait révéler de
nouvelles formes de mobilisation de la jeunesse urbaine.[…] l‟affiliation à une
mouvement religieux était fréquemment présentée par les individus eux-mêmes comme
332
Martin Verlet, « L‟expérience des English-Arabic schools (Nord Ghana) », Cahiers de la recherche sur
l’éducation et les savoirs, no 3 (2004), p.119. 333
Entretien avec Aboubacar au Centre islamique El-Nour le 26 mai 2011 à Ouagadougou; entretien avec
Abdallah à l‟Institut Cheick El Hadj Adama le 26 mai 2011 à Ouagadougou. Les écoles coraniques
continuent toutefois d‟exister aux côtés des autres types écoles. 334
Florence Fournet, Aude M-Nikiema et G. Salem, Ouagadougou (1850-2004), Une urbanisation
différenciée, Marseille, IRD éditions, 2008, p. 114. 335
Louis-Audet Gosselin, Le projet ZACA, Marginalisation, résistances et reconfigurations de l’islam à
Ouagadougou, 2001-2006, Québec, Presses de l‟Université Laval, 2012, 144p.
94
un remède au « désordre » et à la transformation des liens familiaux et conjugaux, parfois
comme un « retour » à la « tradition du village336
».
Leur nombre d‟adeptes, mais aussi le fait qu‟il tente de pallier les insuffisances dans ces
secteurs augmentent la chance des religieux d‟être reconnus par l‟État comme des
interlocuteurs de choix. Pour les congrégations catholiques, un autre élément peut
influencer leur désir de s‟éloigner du centre de Ouagadougou. Il y a eu par le passé
certains mécontentements entre la hiérarchie diocésaine et les congrégations religieuses,
compte tenu du fait que la majorité d‟entre elles, tout en respectant l‟autorité du diocèse,
ne relevaient pas de lui pour la plupart de ses décisions. Les congrégations de droit
pontifical, qui relève du Vatican, sont différentes de celles de droit diocésain, qui
dépendent de cette dernière structure337
. Bien que les tensions aient variées à travers le
temps selon les prélats en charge de la ville, le fait de s‟installer dans un lieu plus
excentré peut démontrer une certaine volonté d‟indépendance.
On remarque plusieurs changements dans le développement du secteur
confessionnel de la santé à Ouagadougou à partir de la fin des années 1990. Du côté des
catholiques, les établissements dont nous avons discuté précédemment sont toujours en
activité soit le dispensaire Louis Goarnisson près de la cathédrale(1912), le CM Saint-
Camille (1967), le CSPS Juvénat Filles, à l‟exception du cabinet de soins infirmiers
Saint-Michel qui délaisse ses activités médicales pour se recentrer à plein temps sur ses
œuvres auprès des jeunes filles en situation précaire338
. On assiste dans les autres
établissements à un renforcement des structures : mise en place d‟IRM, centre de
récupération nutritionnelle (CREN) et construction de laboratoires.
Chez les musulmans on remarque des transformations majeures au point de vue du
soutien des ONG. Le centre Ridwane ouvert en 1995 est fermé temporairement en 2006
pour deux mois : « La Ligue mondiale [islamique] a fermé, puis ont pris le matériel et
sont partis. Cheick Doukouré a rouvert en 2006, avec l‟association de Cheick
Doukouré »339
. La même situation se répète à Hamdallaye en 2009 :
336
Françoise Bourdarias, « Constructions religieuses du politique; Aux confins de Bamako (Mali) »,
Civilisations, LVIII, 2 (2009), p. 23. 337
Ouédraogo, op. cit., 2010, p. 405-410. 338
Entretien avec Aissetou à l‟ancien cabinet de soins infirmiers Saint-Michel en juillet 2011 à
Ouagadougou. 339
Entretien avec Mohammed au centre de santé Ridwane en juin 2011 à Ouagadougou.
95
« En février 2009, on a ouvert le centre actuel, c‟est la même année que le dispensaire
ouvert par les Arabes a cessé de fonctionner. Le Cheick a décidé de prendre la relève, la
population était habituée à venir dans ce dispensaire. Dans l‟ancienne formule c‟était un
dispensaire. Depuis le nouvel accord en février 2009, la vocation est un centre médical.
Le centre est en restructuration pour être un centre médical avec le personnel médical :
maternité, vaccination, centre maternel et infantile 340
».
Dans le cas du centre de la Patte d‟Oie, l‟Organisation internationale de secours
islamique continue de porter le titre de directrice du centre et impose certaines mesures,
bien qu‟elle ait arrêté son financement depuis le début des années 2000341
. Règle
générale, dans les centres islamiques de santé que nous avons visités à Bogodogo et
Baskuy, seule l‟AMA continue de fournir personnel et financement en plus de conserver
la direction du centre. De leur côté l‟AMA tente, à l‟instar des catholiques, d‟agrandir ce
centre afin de dispenser plus de services. De dispensaire en 1999, l‟établissement situé
dans le centre socio-éducatif de Dassasgo est devenu un CSPS en 2003 avant d‟obtenir
son accréditation de Centre médical. Lors de notre passage en 2011, les responsables
avaient effectué une demande pour être reconnu comme un Centre médical avec antenne
chirurgicale (CMA).
Cette diminution importante des subventions de la part des ONG arabes s‟explique
de plusieurs façons. Premièrement, depuis le 11 septembre 2001 certains groupes ont des
difficultés à transférer des fonds à partir des pays du Golfe. L‟OIIS par exemple, affiliée à
la Ligue mondiale islamique342
, est accusée par les États-Unis de financer des groupes
terroristes et plusieurs de ses membres sont emprisonnés :
« L‟IIRO [OIIS] est sur la sellette après les attentats d‟al-Quaida et d‟Oussama Ben
Laden contre les tours du World Trade Center à New York le 11 septembre 2001. […] Le
3 août 2006, encore, l‟IIRO apparaît sur la liste officielle des organisations accusées par
le trésor américain d‟avoir financé le terrorisme. […] À partir de 2004, Soudan : l'IIRO
commence à intervenir en faveur des victimes de la guerre civile au Darfour et
approvisionne un camp, al-Salam, monté par le gouvernement. 2006, Indonésie : Les
États-Unis obtiennent la fermeture de facto de la branche indonésienne de l‟IIRO, dont le
responsable région, Abdul Al-Hamid Sulaiman Al-Mujil, est considéré comme membre
de l‟organisation al-Quaida […] »343
.
340
Entretien avec Ishem au centre de santé d‟Hamdallaye le 5 juillet 2011 à Ouagadougou. 341
Entretien avec Habib au Centre islamique de la Patte d‟oie le 23 juin 2011 à Ouagadougou. 342
L‟OIIS est un département d‟assistance de la Ligue mondiale islamique. 343
Observatoire de l‟action humanitaire, « International Islamic Relief Organisation of Saudi Arabia », [en
ligne], www.observatoire-humanitaire.org/fusion.php?1=FR&id=81, (page consultée le 11 octobre 2012).
96
Il n‟est pas question ici de porter un jugement sur l‟ONG, mais la situation politique
délicate dans lequel elle est placée, en particulier par les États-Unis, limite ses actions à
l‟international, comme le démontre l‟exemple de la branche indonésienne. Par ailleurs,
les ONG font des choix dans les actions qu‟elles dispensent au Burkina Faso. Elles
privilégient davantage certains types d‟aides, notamment nutritionnelles et spirituelles
(construction de mosquées, prêcheurs) pour le Burkina Faso :
« En revanche le social (éducation, santé, hydraulique…) reste le domaine de prédilection
des ONG musulmanes avec généralement une place importante réservée aux questions
religieuses. En effet la construction de mosquées, d‟écoles médersas, la formation
d‟imams et prédicateurs sont des activités qui se retrouvent dans les programmes de la
majorité des organisations musulmanes »344
.
S. Sogoba, dans ses recherches sur l‟apport des ONG arabes au Burkina Faso dans le
domaine éducatif, insiste peu sur les problèmes financiers que certaines traversent. Il s‟est
principalement concentré sur l‟AMA, ce qui peut expliquer la minimisation de cet
aspect345
.
Au-delà des centres à proprement parler, nous avons repéré d‟autres types d‟actions
sanitaires hors des centres médicaux initiées par les musulmans ou les catholiques. Elles
ne seront pas au centre de notre analyse, mais il est important de prendre conscience des
différentes initiatives formelles et informelles qui émanent des religieux ou d‟œuvres
laïques rattachant leurs activités à une confession. La Coordination islamique des actions
pour la lutte des ist/sida (CIALIS) par exemple est mise sur pied en 2002 avec pour but
de regrouper toutes les associations islamiques afin de réaliser des activités de
sensibilisation. Le Bureau de l‟Union des religieux et coutumiers du Burkina contre le
sida (URCB/sida) de son côté a été fondé en 2007, encouragé financièrement par l'État et
une ONG internationale, AWARE346
. En plus de s‟occuper des maladies transmises
sexuellement, les employés font maintenant de la prévention pour d‟autres maladies telles
que le paludisme et la tuberculose :
344
Saydou Sogoba, Contribution des ONG musulmanes à l‟accroissement de l‟offre éducative de base au
Burkina Faso : cas de l‟agence des musulmans d‟Afrique (AMA), Université de Koudougou, mémoire de
fin de formation aux fonctions d‟inspecteur de l‟enseignement du premier degré, 2011, p. 11. 345
Ibidem. 346
Katrin Langewiesche, « Le dialogue interreligieux au service du développement : élites religieuses et
santé publique au Burkina Faso », Bulletin de l'APAD [En ligne], 33 (2011), http://apad.revues.org/4087
(page consultée le 19 décembre 2012), paragraphes 38-44.
97
« Le premier élément c‟est la prévention, les causeries, l‟éducation dans les lieux de culte,
les mosquées. Il y a des prêches sur ces thématiques-là. On fait des visites à domicile sur
les maladies qu‟on touche plus. Pour le palu, il y a un volet de prise en charge […]. Pour
le VIH/sida, il y a une prise en charge spirituelle » 347
.
Ce groupe démontre l‟existence d‟activités de prévention à l‟extérieur des centres de
soins de santé englobant les musulmans, les catholiques, les protestants et les autorités
coutumières. Les différentes religions s'entendent sur les discours d'abstinence et de
fidélité dans la lutte contre le sida: « La stratégie de l'URCB consiste à faire faire des
interventions autour de la prévention du Sida, par exemple, au sein de chaque
communauté religieuse par les intervenants de la communauté concernée »348
. Dans le cas
des musulmans, les activités de santé préventive sont plus souvent mises sur pied
localement, au contraire des centres médicaux dont la plupart ont été construits sous
l‟impulsion des ONG. L‟implication d'associations musulmanes dans la lutte contre le
sida n‟est pas propre au Burkina Faso. Au Sénégal par exemple, plusieurs associations
locales dont Jamra et Islam Sida Éducation mettent sur pied des activités de
sensibilisation et d‟éducation au sujet des ITS. Conférences, colloques, formations des
imâms et lutte contre la stigmatisation des malades sont quelques-unes de leurs
activités349
.
Après avoir jeté un regard sur les statistiques, on peut douter de l‟impact des
structures confessionnelles dans l‟offre sanitaire à Ouagadougou. En 2001, 206
établissements publics se retrouvent dans la ville à comparaison de 112 à caractère privé
dont 18 confessionnels350
. Quatre ans plus tard dans la région de Kadiogo, dont la
capitale est le chef-lieu, le nombre de structures publiques est passé à 210, alors qu‟il y a
175 centres privés et 17 confessionnels351
. K. Langewiesche nous rappelle qu'il faut faire
attention aux statistiques des rapports sanitaires, car « la détermination du statut d'un
347
Entretien avec Amadou au Bureau de l‟Union des religieux et coutumiers du Burkina contre le sida
(URCB/Sida) le 11 juillet 2011 à Ouagdougou. 348
Langewiesche, loc. cit., 2011, paragraphe 48. 349
Muriel Gomez-Perez, « Des élites musulmanes sénégalaises dans l‟action sociale : des expériences de
partenariats et de solidarités », Bulletin de l’APAD, 33 (2011), [en ligne] http://apad.revues.org/4088, (page
consultée le 30 octobre 2012). 350
Archives du ministère de la Santé, Rapport sanitaire 2001. 351
Archives du ministère de la Santé, Rapport sanitaire 2005.
98
établissement repose sur l'auto déclaration de la structure concernée »352
. Ainsi, un centre
tenu par une association ou une ONG, mais financé par un groupe religieux peut se
déclarer comme entrant dans la catégorie « associatif », bien qu‟il fasse partie d‟une
certaine logique confessionnelle353
. Les centres confessionnels demeurent moins
nombreux que les établissements à but lucratif, mais ils jouent un rôle important pour la
population, notamment en périphérie de la ville :
« Ces structures tiennent une place particulièrement importante dans le paysage médical
de la capitale en termes d‟activité. La perception de ces établissements par la population,
qui leur accorde un grand crédit, justifie en partie leur fréquentation. Une meilleure
accessibilité financière, un bon accueil, un personnel soignant dévoué sont les atouts de
ces formations qui constituent une alternative aux structures privées à but lucratif,
inaccessibles financièrement aux plus pauvres, alternative aussi au rejet social ou culturel
de certaines structures publiques354
».
Les religieux utilisent leurs différentes ressources afin de perpétuer leurs activités
sociales et les améliorer au fil du temps. Les religieux innovent dans leurs relations avec
l‟État à partir de la fin des années 1990. On assiste à un renforcement des liens entre les
acteurs privés et publics du secteur social, ce qui influence les autres sphères d‟activités
des religieux.
B-Vers un renforcement du partenariat religieux-État?
Après la convocation des États généraux de l‟éducation en 1994, un décret
présidentiel est promulgué le 24 juin 1996 afin de dresser les orientations du système
éducatif burkinabé. L‟Église catholique se repositionne à l‟époque en enseignement
primaire. Plusieurs établissements sont restitués à l‟épiscopat et on compte 196 écoles
laïques privées, 54 protestantes, 75 catholiques et 264 madâris pour l‟année scolaire
2000-2001355
. Ce repositionnement majeur de l‟Église catholique influence l‟ensemble de
son œuvre éducative : « Dans la mise en œuvre, le redéploiement de l‟enseignement
catholique dans l‟éducation de base devait passer par l‟établissement d‟un partenariat
avec les structures étatiques. Pour l‟Église catholique, la refondation de l‟enseignement
352
Langewiesche, loc. cit., 2011, paragraphe 10. 353
Langewiesche, loc. cit., 2011, par. 10. 354
Fournet, Nikiema et Salem, op. cit., 2008, p. 102. 355
Compaoré, loc. cit., 2003, p. 89.
99
catholique impliquait aussi une réorganisation de l‟enseignement primaire »356
. Les
relations entre le gouvernement et l‟Église catholique continue à se resserrer dans le
secteur de l‟éducation, jusqu‟à ce qu‟on assiste à la mise sur pied d‟une convention en
2004.
Cette convention est demandée depuis plusieurs années par l‟épiscopat afin de
clarifier les droits et devoirs de chaque partie, notamment d‟un point de vue financier. On
peut supposer que le poids des établissements catholiques, renforcé par la reprise
d‟activités au primaire, ont accentué la capacité d‟agency de l‟Église et ont amené l‟État
à signer cet accord. L‟Église accepte de respecter plusieurs clauses dont continuer
d‟accueillir les enfants sans discrimination sociale ou religieuse et offrir une éducation
axée sur les valeurs universelles véhiculées au Burkina Faso357
. Les responsables des
structures s‟engagent aussi à respecter la législation mise en vigueur par le
gouvernement, appliquer les programmes officiels, à continuer d‟accepter les élèves
affectés par l‟État, à fournir un rapport annuel et à respecter l‟échelle salariale pour les
enseignants. Par cette convention, les écoles catholiques conservent le droit de
s‟organiser selon leur spécificité et de dispenser un enseignement religieux. Elles ont
aussi le droit de percevoir les frais des élèves affectés à l‟intérieur de certains délais. Du
côté de l‟État, il maintient son contrôle financier et pédagogique sur les établissements
catholiques. Il conserve aussi le droit d‟affecter des élèves et s‟engage à verser leurs frais
de scolarité. Le gouvernement souhaite soutenir l‟Église en aidant à la formation des
professeurs, en fournissant un appui en termes d‟infrastructures et d‟équipements, ainsi
qu‟une « subvention forfaitaire annuelle » de 200 millions de FCFA sur 5 ans prévue à
partir de 2005358
.
Cette convention, établie pour cinq ans, régit tous les établissements catholiques
reconnus par l‟État, du préscolaire à l‟université. Un cadre de rencontre est organisé,
regroupant deux représentants du MESSRS, deux du MEBA, une personne du ministère
356
Compaoré, loc. cit., 2003, p.93. 357
Archives de l‟UNEC (non classées) dossier : 1981-1983 divers, document : Laya Sawadogo et Mgr
Wenceslas Compaoré, Convention entre le gouvernement et l'Église catholique du Burkina Faso, 13 juillet
2004, article 5, p. 3. 358
Archives de l‟UNEC (non classées) dossier : 1981-1983 divers, document : Laya Sawadogo et Mgr
Wenceslas Compaoré, Convention entre le gouvernement et l'Église catholique du Burkina Faso, 13 juillet
2004, p.3-6.
100
des Finances, ainsi que cinq représentants de l‟enseignement catholique qui se voit deux
fois par an359
:
« Chaque année cette commission se réunit pour approuver la nouvelle liste des
établissements, pour la remettre au ministre. On approuve aussi les frais de scolarité. Tous les
catholiques privés centralisent au SNEC, puis ils envoient au ministère si c‟est conforme. On
se voit en fin d‟année pour voir le rapport des écoles catholiques, pour approuver ce qui s‟est
passé 360
».
En 2008, les textes juridiques sur l‟enseignement de base sont relus et une attention
particulière est portée aux salaires des enseignants. La rémunération des professeurs
catholiques est alignée sur celle de leurs collègues au public, afin d‟éviter des
« désertions ». Le nouveau cadre comprend aussi une clause sur la favorisation de
l‟enseignement bilingue361
.
Il est à noter que seulement l‟Église catholique et les regroupements des écoles
laïques avaient signé une convention avec le gouvernement lors de notre passage à
Ouagadougou en 2011 bien que, comme le mentionne un responsable du MESSRS,
« d‟autres groupes veulent des conventions, comme les protestants, les écoles franco-
arabes, ça donne des avantages, puis ça clarifie les droits et devoirs de chacun »362
. La
présence de ce type d‟arrangement entre l‟Église catholique et le gouvernement se voit
dans d‟autres pays tels que la Côte d‟Ivoire. À la différence du Burkina Faso, l‟État
ivoirien signe sa première convention avec l‟épiscopat en 1974. Des subventions sont
allouées aux structures catholiques et le gouvernement « reconnaissait ainsi les atouts de
l‟enseignement catholique face à l‟enseignement privé laïc, notamment ses nombreux
internats »363
. Néanmoins, les années suivant la signature de la convention, l‟État se
retrouve au prise avec des problèmes de financement et le contrat passé entre les deux
partis ne peut être tenu. Une plus grande partie des subventions va plutôt à
l‟enseignement privé laïc, dont le nombre d‟établissements croît de façon importante. On
359
Archives de l‟UNEC (non classées) dossier : 1981-1983 divers, document : Laya Sawadogo et Mgr
Wenceslas Compaoré, Convention entre le gouvernement et l'Église catholique du Burkina Faso, 13 juillet
2004, article 5, p. 7. 360
Entretien avec Sébastien à la direction de l‟enseignement privé le 14 juin 2011 à Ouagadougou. 361
Sié Simplice Hien, « École catholiques- Une relecture des textes pour améliorer les performances »,
Sidwaya, [en ligne], 20 mai 2009, www. allafrica.com. Voir Annexe 14, pages XXXVI-XXXVII. 362
Entretien avec Sébastien à la Direction de l‟enseignement privé le 14 juin 2011 à Ouagadougou. 363
Éric Lanoue, « Les écoles catholiques et la construction des « identités scolaires » en Côte d'Ivoire »,
Cahiers de la recherche sur l'éducation et les savoirs, no 3 (2004), p. 81.
101
remarque deux parallèles importants entre les deux pays, notamment l‟opinion positive à
l‟égard des écoles catholiques :
« Les meilleures prestations viennent des écoles privées catholiques. L‟encadrement
pédagogique et l‟administration ont plus de rigueur. De nombreux établissements laïcs
sont devenus du commerce. Avant les privés avaient beaucoup d‟enseignants, aujourd‟hui
les établissements privés lucratifs manquent de ressources financières »364
.
É. Lanoue pose aussi ce constat pour l‟État ivoirien : « De son point de vue, les écoles
chrétiennes servent à écouler des flux scolaires non absorbés par les écoles publiques vers
des structures scolaires qu‟il estime de qualité »365
. Le réseau d‟écoles catholiques
augmente donc la capacité d‟agency de l‟Église et lui permet d‟engager davantage de
négociations avec le gouvernement.
L‟autre similitude a trait à l‟enjeu financier des établissements. Alors qu‟au
Burkina Faso, plusieurs problèmes matériels ponctuent les années 1980-1990, retardant
un accord entre l‟Église catholique et l‟État, l‟État ivoirien signe très tôt une convention
avec le clergé. Toutefois, suite à une crise financière et des changements politiques, le
gouvernement peine à honorer ce contrat. La signature de la convention entre l‟épiscopat
et le gouvernement burkinabé en 2004 renforce la position de l‟Église catholique dans le
secteur éducatif, mais aussi dans l‟espace public puisque cela représente un symbole fort
de leur pouvoir de négociation ou « their capacities to play effective roles in confronting
the state »366
.
La santé est un autre domaine à l‟intérieur duquel l‟Église catholique voit son
partenariat renforcé auprès de l‟État dans les années 2000. Suite au redécoupage des
districts sanitaires en 1996, le ministère de la Santé met sur pied en 2003 une direction
pour les centres de soins privés. Effectif depuis 2005, ce département a pour but premier
de former « le privé au niveau du protocole » et s‟assurer que les responsables des centres
respectent les politiques gouvernementales : « On a élaboré des normes, des décrets pour
l‟exercice du privé, des arrêts interministériels sur les conditions d‟ouverture des
364
Entretien avec Louis à la Direction de l‟enseignement privé le 9 juin 2011 à Ouagadougou. 365
Lanoue, loc. cit., 2004, p. 83. 366
Ronald Kassimir, « The Social Power of Religious Organisation and Civil Society: The Catholic Church
in Uganda », Nelson Kasfir (dir.), Civil Society and Democracy in Africa: Critical Perspectives, London,
Frank Cass, 1998, p. 58.
102
établissements de santé »367
. Des partenariats, à l‟instar de celui passé avec le CM Saint-
Camille en 1992, sont conclus avec des établissements confessionnels afin d‟accroître la
couverture sanitaire du gouvernement. Des structures catholiques sont alors incluses dans
la pyramide sanitaire publique, composée de quatre niveaux -1er
contact (CSPS,
Dispensaire, Maternité), 1er
niveau de référence (CM, CMA), 2e niveau de référence
(Centre hospitalier régional) et 3e niveau de référence (Centre hospitalier universitaire)- :
« Ces structures sont liées par des conventions de collaboration avec le ministère de la
Santé et répondent ainsi aux besoins de santé des populations du district lorsque celui-ci
est dépourvu d‟une structure publique de ce rang. Il s‟agit des centres médicaux de Saint-
Camille et de Schiphra dans les districts sanitaires du Secteur 30 et de Kossodo. De la
même façon, le centre Paul VI financé par le Vatican et parrainé par l‟Archidiocèse de
Ouagadougou a ouvert en 1985. Il répond à l‟absence de centre de santé dans le quartier
de Tampouy où il a pris le rang de CMA »368
.
À l‟instar de ce que nous avons vu pour le secteur de l‟éducation, les conventions
sont favorisées par l‟opinion positive de maints représentants ministériels envers les
structures catholiques. Toutefois, certaines querelles entre les partis viennent tempérer la
position du gouvernement. Les conflits se concentrent principalement sur le prêt de
personnel. L‟État reproche à plusieurs établissements de parfois trop se fier sur le prêt de
personnel en provenance du secteur public, alors que les religieux soutiennent que le
ministère de la Santé pourrait les aider davantage369
: « Beaucoup d‟établissements de ce
type fonctionne avec les agents de l‟État. Si l‟État enlève le personnel des gros
établissements, ils vont fermer »370
et « Les confessionnels y mettent du sérieux dans les
infrastructures et l‟équipement, mais ils manquent de ressources humaines. Le principe
c‟est que le privé conventionné a les moyens d‟offrir des services à la population. Ils
ouvrent, mais ils manquent d‟accoucheuses etc… Il ne faut pas venir créer de
besoins »371
. Cette situation cause certes des conflits entre les responsables des centres
catholiques et l‟État, mais l‟opinion de ce dernier demeure généralement favorable aux
structures catholiques. La santé est un autre secteur « sensible » qui permet à l‟Église
367
Entretien avec Issa au ministère de la Santé le 20 juin 2011 à Ouagadougou. 368
Fournet, Nikiema et Salem, op. cit., 2008, p. 102. 369
Entretien avec Flavien au district sanitaire de Bogodogo le 26 juillet 2011 à Ouagadougou. 370
Entretien avec Issa au ministère de la Santé le 20 juin 2011 à Ouagadougou. 371
Entretien avec Flavien au district sanitaire de Bogodogo le 26 juillet 2011 à Ouagadougou.
103
catholique de se démarquer auprès de la population à travers Ouagadougou et renforce sa
position en tant qu‟interlocuteur pouvant intercéder entre les habitants et l‟État.
Les responsables des structures sociales islamiques recherchent eux aussi, dans les
années 2000, un partenariat formalisé avec le gouvernement, amorcé dans les années
1990. Dans les années 2000, les musulmans poursuivent la réflexion du rôle de l‟islam
dans la société burkinabé, notamment dans les secteurs de l‟éducation. Plusieurs
associations discutent de la question, tel le CERFI :
« En tant que parent, quelle éducation islamique ai-je donnée à mes enfants? Qui parmi
nous n'a pas été confronté au problème d'internat pour nos filles ou d'établissements
secondaires confessionnels ou l'enseignement du catéchisme est obligatoire? Et nous nous
plaignons; à qui la faute? Pourtant nous avons les moyens de construire des lycées et des
internats où on va enseignement le programme national à côté de l'enseignement
islamique et l'arabe. Le lycée Noureine est un exemple qui doit faire école. […]
Enseignement et éducation sont indissociables en Islam qui est tout un programme de vie.
La vie et ses innombrables épreuves ont un but: éduquer l'homme, éduquer c'est orienter;
orienter c'est faire un choix; faire un choix c'est être libre; être libre de son choix c'est être
responsable 372
».
On remarque ici une volonté de définir son mode de vie par rapport à son identité
religieuse, où l‟islam pénètre la quotidienneté et forme les bases d‟une nouvelle
organisation sociale373
. En plus de sensibiliser les fidèles à la zakat374
, fonds nécessaire
pour financer des centres de soins islamiques, certains critiquent des pratiques corporelles
dont l‟excision, ainsi que le rôle minimal de l‟islam dans le secteur de la santé au Burkina
Faso :
« Une santé communautaire islamique au Burkina s'attacherait à appuyer les efforts des
pouvoirs publics dans le domaine sanitaire en ouvrant et dotant les centres médicaux de
médicaments et de personnels compétents. [...] Les confessions qui investissent dans la
santé pour leurs adeptes ont certes plus de mérites que celles qui ne font rien. Elles se
préoccupent ainsi du spirituel (âme), et du corporel (corps physique), de l'être humain.
[...] En effet, les fidèles musulmans qui sont amenés à se soigner dans les centres
372
Archives du MESSRS, document R1364, CERFI, Deuxième rencontre de la conférence des cadres et
intellectuels musulmans du Burkina (CCIB), 4-5 décembre 2009, p. 4. 373
Marie Nathalie LeBlanc, « L‟orthodoxie à l‟encontre des rites culturels. Enjeux identitaires chez les
jeunes d‟origine malienne à Bouaké (Côte-d‟Ivoire) », Cahiers d’études africaines, 182, no 2 (2006), p.
417-418. 374
The Zakat, Foundation of America, The Zakat Handbook; a Practical Guide for Muslims in the West,
Bloomington, 2008, p. xi et 1: Le Zakât est le troisième pilier de l‟islam: « Every muslim possessing the
designated minimal amount of wealth (called nisâb) for the full cycle of a lunar year must, as a matter of
workship, satisfy the duty of the Zakât-Charity [...] The literal, or denotative, definition of the world
“zakat” (sometimes spelled “zakâh‟‟) is “increase”, as in growth (namâ). The worlds also connotes
“blessings” (barakah), “purification” (tahârah), or “commendation” (madh). [...] God commanded believers
to pay Zakât-Charity to help those in need within the first few years of the Prophet‟s call in Makkah ».
104
médicaux des confessions sœurs, finissent par abandonner l'islam au profit de la
confession qui les prend en charge, car ils se rendent compte que l'islam ne s'intéresse pas
à la santé de ses adeptes »375
.
On voit une multiplication d‟engagements de la part des musulmans afin de remoraliser
l‟espace public : « L‟islam devient ainsi une structure morale essentielle de la modernité.
Cette charpente morale repose sur une nouvelle façon de vivre l‟islam, et non simplement
l‟instrumentalisation du religieux à des fins sociales ou politiques »376
.
Le fait de vouloir s‟impliquer davantage dans les secteurs de la santé et de
l‟éducation mène les musulmans à mettre sur pied de nouvelles structures, mais
également à s‟intéresser à des questions diverses telles que l‟avenir des écoles coraniques,
la santé maternelle et l‟éducation sexuelle377
. Les musulmans entreprennent aussi
plusieurs négociations avec l‟État afin d‟obtenir davantage de reconnaissance. Nous
illustrerons cette situation par deux exemples : la reconnaissance des diplômes arabes
ainsi que les rencontres organisées entre le ministère de la Santé et les responsables des
centres islamiques.
En juin 2010 est organisé un certificat unique de niveau primaire dans plusieurs
écoles franco-arabes par le ministère de l‟Enseignement de base et la Fédération des
associations des établissements franco-arabes (FAEFA) du Burkina Faso. 45
établissements respectant le programme ministériel officiel font alors passer un examen
unique incluant les matières classiques, ainsi que la langue arabe et l‟enseignement
islamique378
. Ce certificat d‟études primaires (CEP), mis officiellement sur pied par le
ministère de l‟Éducation de base, symbolise une avancée importante dans la
reconnaissance des diplômés arabes. La situation de l‟enseignement secondaire est
toutefois très différente.
375
Archives du MESSRS, document R3030, Conseil Islamique Burkinabé, El Hadj Ouedraogo, A. M.
Aboubacar, Deuxième assemblée générale ordinaire statutaire, islam et santé au Burkina Faso, 1er
avril
2004. 376
Marie Nathalie LeBlanc et Muriel Gomez-Perez, « Jeunes musulmans et citoyenneté culturelle : retour
sur des expériences de recherche en Afrique de l‟Ouest francophone », Sociologie et sociétés [En ligne],
vol. 39, no 2 (2007), http://www.erudit.org/revue/socsoc/2007/v39/n2/019083ar, (page consultée le 3
janvier 2011), p. 49 et 53. 377
Mahamadi Tiegna, « Pour que les « garibous » ne soient plus livrés à la rue », Sidwaya, [en ligne], 29
avril 2010, www. allafrica.com; Abdou Karim Sawadogo, « Droits des enfants talibés-au nom d‟Allah, il
faut réformer les écoles coraniques », Observateur paalga, [en ligne], 3 juin 2010, www. allafrica.com;
Boureima Sanga, « Les imams en rang serré », Sidwaya, [en ligne], 11 août 2010, www. allafrica.com. 378
Assetou Badoh, « L‟amorce d‟un examen unique », Sidwaya, [en ligne], 23 juin 2010, www.
allafrica.com.
105
Créé vers 2009, la FAEFA379
a pour but de regrouper les écoles franco-arabes afin
de faciliter leurs revendications auprès de l‟État et de coordonner leurs activités380
.
Plusieurs écoles sont regroupées dans cette formation, mais maintes structures n‟en font
pas partie. La CMBF par exemple, bien qu‟elle soit une partenaire de la fédération,
conserve la gestion de ses écoles381
. La FAEFA travaille aussi en collaboration avec le
Conseil supérieur des médersas (CSM), fondé sensiblement à la même époque. Ce groupe
s‟occupe de la soutenance des mémoires dans les universités islamiques et entérine les
programmes scolaires382
. Contrairement à la situation que l‟on observe au niveau du
primaire, la FAEFA possède peu de liens avec le MESSRS : « LA FAEFA est venue faire
une demande de convention en 2009. Je leur ai dit qu‟ils devaient d‟abord montrer le
récépissé. Ensuite, qu‟il devait exécuter le programme de l‟État. […] Pour la FAEFA, le
ministère de l‟éducation de base les connaissaient, mais pas le secondaire»383
.
La FAEFA a été en grande partie créée afin que les écoles franco-arabes disposent
d‟une association nationale comme celle des catholiques, qui faciliterait leurs
négociations avec l‟État384
. La jeune association ne dispose pas encore du même niveau
de crédibilité auprès du gouvernement et le problème de la reconnaissance des diplômes
secondaires délivrés par les établissements islamiques, ainsi que celui des débouchés pour
les étudiants revenant des universités arabes demeurent entier :
« Nous n‟avons que le français qui pose difficulté. Nous avons beaucoup de cadres, de
pharmaciens qui parlent arabe, les musulmans sont rentrés avec de gros diplômes, mais ils
sont handicapés, car ils ne parlent pas français »385
.
« De ce que je sache, depuis longtemps les gens vont dans les pays arabes, mais ne sont
pas utilisés ici, à la longue ça pose problème. Il faudrait une formule pour les diplômés
pour se retrouver pour valoriser le diplôme, ça permettrait de valoriser les écoles franco-
arabes. Ce n‟est pas un contexte favorable à ce type de diplôme, les parents sont réticents,
les établissements perdent leur marque »386
.
379
Entretien avec Ahmed au bureau de la CMBF le 3 juin 2011 à Ougadougou. 380
Entretien avec Abdallah à l‟Institut Cheick El Hadj Adama le 26 mai 2011 à Ouagadougou. 381
Entretien avec Ahmed au bureau de la CMBF le 3 juin 2011 à Ougadougou. 382
Entretien avec Abdallah à l‟Institut Cheick El Hadj Adama le 26 mai 2011 à Ouagadougou. 383
Entretien avec Louis à la Direction de l‟enseignement privé le 9 juin 2011 à Ouagadougou. 384
Entretien avec Abdallah à l‟Institut Cheick El Hadj Adama le 26 mai 2011 à Ouagadougou. 385
Entretien avec Ahmed au bureau de la CMBF le 3 juin 2011 à Ougadougou. 386
Entretien avec Rodrigue au centre socio-éducatif de Dassasgo le 7 juillet 2011 à Ouagadougou.
106
Il faut toutefois mentionner que les élèves terminant leur cursus secondaire dans une
école franco-arabe ou une madrasa peuvent passer l‟examen d‟État en tant que candidat
libre: « Les établissements franco-arabes qui ont un programme officiel en arabe et en
français devrait passer le diplôme d‟État. Maintenant ils préparent le BACC et le BEPC
qui n‟est pas celui de l‟État parce que les programmes ne sont pas traduits en arabe, donc
l‟État ne reconnait pas les diplômes »387
. Les deux partis ne s‟entendent également pas
sur la gestion des traductions du programme officiel du MESSRS. La FAEFA aimerait
avoir plus d‟aide pour traduire le programme, mais le gouvernement soutient que c‟est de
leur ressort d‟effectuer des traductions, tout comme mieux s‟organiser entre
établissements et former des enseignants qualifiés388
.
Si on se réfère au concept d‟agency utilisé par Nepstad, les acteurs musulmans
impliqués dans le secteur de l‟éducation ne sont pas passifs vis-à-vis des décisions
étatiques et entreprennent des actions pour changer les pratiques et règles établies389
.
Néanmoins, ils ne parviennent pas dans les années 2000 à obtenir gain de cause auprès du
gouvernement. La limitation de leur pouvoir de négociation est en grande partie due au
manque de cohésion entre les écoles franco-arabes et les madâris390
. Bien que la FAEFA
vienne combler partiellement ce manque, il reste que la plupart des responsables des
établissements n‟ont pas de liens entre eux. Un autre point nuisant à leurs négociations
avec l‟État est que plusieurs responsables ministériels leur reprochent de ne pas respecter
le cadre scolaire qu‟ils ont mis en place, en accordant par exemple trop d‟importance à
l‟arabe au détriment du français : « Pour les écoles franco-arabes il n‟y a pas d‟analyse
parce que le programme n‟est pas officiel. […] Les écoles sont financées par les pays du
Moyen-Orient et préparent plus aux activités religieuses. Ils font le Bacc pour aller
ailleurs au Moyen-Orient »391
. Du côté de l‟État, l‟accent est peu mis sur
l‟approfondissement des connaissances de ce type d‟enseignement. Peu de ressources y
387
Entretien avec Louis à la Direction de l‟enseignement privé le 9 juin 2011 à Ouagadougou. 388
Entretien avec Louis à la Direction de l‟enseignement privé le 9 juin 2011 à Ouagadougou; entretien
avec Paul à la Direction de l‟enseignement privé du ministère de l‟Éducation nationale et de
l‟alphabétisation le 7 juin 2011 à Ouagadougou. 389
Sharon Erickson Nepstad, « Culture, Agency, and Religion in Social Movements »,
Convictions of the Soul [En ligne], Oxford, Oxford University Press, 2004,
http://www.oxfordscolarship.com/view/10.1093/0195169239.001.0001 (page consultée le 10 juin 2012), p.
17. 390
Ibidem. 391
Entretien avec Louis à la Direction de l‟enseignement privé le 9 juin 2011 à Ouagadougou.
107
sont allouées.392
. Cela nous amène à nuancer la façon dont les musulmans peuvent
transformer leurs actions dans le secteur de l‟éducation en ressources symboliques et
matérielles afin de mieux se positionner dans l‟espace public.
Certains musulmans tentent toutefois de contourner l‟opinion défavorable du
gouvernement envers l‟enseignement dispensé dans les écoles franco-arabes et les
madâris en mettant sur pied des écoles non-confessionnelles qui sont des « lycées
français avec un enseignement religieux »393
. Ces établissements peuvent être mis sur
pied en collaboration avec des associations islamiques locales ou par des ONG, comme
c‟est le cas pour le centre socio-éducatif de Dassasgo de l'AMA que nous avons visité. À
l‟intérieur de ces écoles, l‟enseignement se déroule en français et l‟arabe tient la place de
seconde langue. L‟enseignement islamique se donne en dehors des heures de cours ou est
laissé à la discrétion des parents hors du cadre scolaire394
. Ces écoles sont de fait
considérées comme non-confessionnelles et plutôt comme privées à but non-lucratives,
bien qu‟elles soient généralement rattachées à une association islamique, une ONG ou à
un chef religieux.
Depuis les premières expériences de ce type de pédagogie à la fin des années 1990,
cette tentative de « laïcisation » des écoles amène certains résultats positifs,
principalement du point de vue de la francisation. Néanmoins les résultats scolaires
obtenus sont disparates, quelques établissements réussissant très bien alors que d‟autres
plus difficilement : « Après 10 ans là-dedans, je crois que la fluctuation des résultats
dépend de la qualité des enseignants. C‟est un système viable. […] si c‟est mal payé,
c‟est la qualité qui va pêcher […]. Tout le MESSRS croit que c‟est juste une école
religieuse. Ensuite, il y a des inspections, mais ils n‟ont pas de programme, rien à la base
n‟a été fait »395
. La création de ce nouveau type d‟écoles par les musulmans démontre une
volonté de se rapprocher du ministère de l‟Éducation, de faire reconnaître leur apport
dans la scolarisation secondaire des enfants au Burkina Faso, ainsi que de recevoir un
certain crédit pour leurs actions afin finalement de tenter d‟augmenter leur capacité
d‟agency. En effet, lors de nos enquêtes sur le terrain à l‟été 2011, nous avons remarqué
392
Entretien avec Sébastien à la Direction de l‟enseignement privé le 14 juin 2011 à Ouagadougou. 393
Entretien avec Ahmed au bureau de la CMBF le 3 juin 2011 à Ouagadougou. 394
Entretien avec Rodrigue au centre socio-éducatif de Dassasgo le 7 juillet 2011 à Ouagadougou. 395
Entretien avec Amadou au Bureau de l‟Union des religieux et coutumiers du Burkina contre le sida
(URCB/Sida) le 11 juillet 2011 à Ouagadougou.
108
que l‟apport des écoles islamiques est de plus en plus considéré par le gouvernement.
Cela n‟exclut pas toutefois que plusieurs situations problématiques perdurent entre le
MESSRS et les chefs d‟établissements. La multiplication des structures sans autorisation
d‟ouverture, les résultats scolaires disparates, la difficulté à former des enseignants, ainsi
que le manque de fédération, hormis la FAEFA et la CSM, sont des irritants pour le
gouvernement.
Les musulmans de leur côté reprochent à l‟État de ne pas assez soutenir le
développement de l‟enseignement islamique en ne leur confiant pas d‟élèves affectés ou
en n‟organisant pas de BEPC arabe par exemple396
. Afin de contourner le problème des
professeurs manquants ou peu formés, des initiatives ont été prises par les musulmans ou
des ONG arabes. L'Association mondiale de l'appel islamique (AMAI) par exemple offre
des formations, organise des colloques de perfectionnement aux professeurs sur divers
sujets pédagogiques et octroie des bourses de formation397
. D'autres associations telles
que le CERFI et l'AEEMB propose des conférences et débats sur des questions
éducatives398
. Le Mouvement sunnite a déjà fait appel à la commission saoudienne da‟wa
en Afrique pour avoir des compléments de formation pédagogique pour les professeurs
arabisants399
. Cheick Aboubacar Doukouré, de son côté, s‟est investi dans le secteur de
l‟enseignement supérieur : « Officiellement, l'État n'a pas encore une structure de
formation pour les enseignants arabophones. Mais le docteur Doukouré a ouvert, il y au
moins 6 ans, une école de formation des enseignants pour ces écoles à Hamdalaye et à
Ouaga 2000 […] »400
.
La situation des centres islamiques dans le secteur de la santé se transforme aussi
peu à peu dans les années 1990 et 2000. Plusieurs sont repris à des ONG par des
représentants locaux, comme Ridwane (2006) et le centre situé à Hamdallaye (2009).
396
Entretien avec Aboubacar au Centre islamique El-Nour le 26 mai 2011 à Ouagadougou; entretien avec
Abdallah à l‟Institut Cheick El Hadj Adama le 26 mai 2011 à Ouagadougou. 397
Victorien A. Sawadogo, « Enseignement arabe, bientôt un institut de langue arabe au Burkina »,
Sidwaya, 3877, 26 octobre 1999, p. 9; P. Pauline Yameogo, « Ecoles franco-arabe; 52 enseignants de
l'AMAI renforcent le dispositif», Sidwaya, 5514, 1er février 2006, p.14. 398
Adama Ouédraogo Damiss, « Enfant musulman à l'ère des TIC », Observateur Paalga [en ligne], 8 août
2008, www. allafrica.com. 399
Rasmane Simbre, « Plus de pédagogie pour les professeurs arabisants », Sidwaya, [en ligne], 30 mars
2010, www.allafrica.com. 400
Augustin Bandé, « Éducation islamique- Tahirou Kussé, chef de la division ISESCO », Sidwaya, [en
ligne], 9 août 2007, www. allafrica.com.
109
L‟établissement de la Patte d‟oie poursuit ses activités et celui de l‟AMA également. Les
musulmans sont plus présents dans le secteur de la santé que les précédentes périodes que
nous avons étudiées, mais les centres demeurent distants les uns vis-à-vis les autres.
Certaines rencontres et séminaires informels sont tenus entre quelques centres, mais les
structures qui ne sont pas gérées par le même groupe se rencontrent peu :
« On a essayé d‟organiser avec d‟autres centres, mais il y a eu des problèmes de
collaboration, avec les centres où il y a peu d‟étrangers. Où il y a des médecins arabes
c‟est ok. C‟est le point de vue qui diffère. Si une ONG a un centre qui a un financement
fort, c‟est plus facile. On peut avoir des projets communs. Les autres structures qui n‟ont
pas de financement direct ne pensent qu‟à gérer les salaires. […] À quatre personnes on
ne peut pas débloquer personne juste pour une activité permanente » 401
.
Pour certains responsables, il s‟agit avant tout d‟une question de vision mais également
de moyens pour contribuer aux activités communes. Les centres ne sont pas tous au
même niveau de leur développement, quelques-uns étant en expansion, tels le centre
socio-éducatif de Dassasgo qui souhaite devenir un CMA, alors que d‟autres, comme le
centre de Patte d‟oie qui subit un sous-financement, doivent limiter leurs nombres
d‟employés.
Le ministère de la Santé reconnaît l‟apport de ces centres dits confessionnels, vu
qu‟ils reçoivent beaucoup de monde et que quelques centres offrent aussi une prise en
charge spirituelle, ce qui peut attirer les gens. Il leur reproche toutefois une gestion très
centralisée et personnalisée des ressources des centres : « Les protestants et les
musulmans c‟est pareil. Chez les musulmans, c‟est individuel, chacun veut gérer ses
choses »402
. Contrairement à ce que nous avons constaté avec l‟éducation secondaire, les
centres médicaux islamiques ont plusieurs contacts avec la direction des districts
sanitaires et le ministère de la Santé, ainsi qu‟un suivi serré des soins et services qu‟ils
offrent :
« Ils sont intégrés dans le système du district. Ils ont les mêmes activités, vaccination,
soins curatifs. Dans le district, il y a un centre catholique, un centre musulman à
Hamdallaye et des structures à but lucratif. Ils ont les mêmes programmes que le
ministère de la Santé. […] Il y a une supervision trimestrielle. Aux formations, ils sont
conviés, ainsi qu‟au cadre de concertation trimestrielle »403
.
401
Entretien avec Usama, au centre médical de l‟Agence des musulmans d‟Afrique au secteur 28 le 4 juillet
2011 à Ouagadougou. 402
Entretien avec Issa au ministère de la Santé le 20 juin 2011 à Ouagadougou. 403
Entretien avec Flavien au district sanitaire de Bogodogo le 26 juillet 2011 à Ouagadougou.
110
Les récentes actions en santé, ainsi que la reprise de centres auparavant détenus par des
ONG amènent une certaine visibilité aux acteurs islamiques locaux auprès de la
population, de l‟État, ainsi qu‟au sein de l‟espace public. Le manque de coordination
entre les centres et la personnalisation des ressources sociales fait toutefois en sorte que
ce sont les chefs religieux ou les responsables du centre qui en retirent le plus de crédit, et
non toute la communauté islamique. Lors d'entretiens avec des responsables de centres, le
nom et la contribution du chef religieux à la tête de l'association responsable de
l'établissement est tout de suite mis en avant. Cette «personnalisation des centres» a aussi
été remarquée au ministère de la Santé où l'on identifie rapidement l'établissement au
chef religieux, de par son charisme important et la personnalisation des ressources404
.
À partir de la fin des années 1990, on constate une accélération de l‟offre sociale
privée. Les religieux offrent plus de services et possèdent davantage d‟établissements
dans divers quartiers de Ouagadougou. Les catholiques renforcent leur partenariat avec le
gouvernement, notamment par le biais de conventions, mais les musulmans veulent aussi
se rapprocher du « Prince ». Cette action sociale se transforme-t-elle en levier de
négociation dans l‟espace public lorsque les religieux veulent faire valoir leur point de
vue? L‟espace politique, ouvert à certaines modifications, demeure fermé lorsqu‟on veut
le remettre en question.
C- Limitations des religieux dans la sphère de décision politique
À la suite de la crise entourant la mort de Norbert Zongo, le président Blaise
Compaoré met en branle plusieurs conférences auxquelles sont conviées les religieux :
institution du collège des sages (1999), mise sur pied de la commission pour la
réconciliation nationale (1999), création d‟un comité interministériel axé sur la
réconciliation nationale (2000). On fixe la date de la première Journée nationale du
Pardon le 30 mars 2011405
. Les religieux et les représentants des autorités coutumières
404
Entretien avec Mohammed au centre de santé Ridwane en juin 2011 à Ouagadougou; entretien avec
Ishem au centre de santé d‟Hamdallaye le 5 juillet 2011 à Ouagadougou; entretien avec Ihmrane à l‟Institut
Il-Ilmi en juin 2011 à Ouagadougou; entretien avec Issa au ministère de la Santé le 20 juin 2011 à
Ouagadougou. 405
Archives du MESSRS, document R1504, Journée nationale du Pardon, 30 mars 2001.
111
ont un rôle de premier plan lors de cette célébration où le président demande à la nation
de pardonner l‟État pour les crimes politiques qu‟il a commis. Mgr Anselme Sanon par
exemple détient la présidence de la première Journée nationale du Pardon. Il a été
mandaté par les évêques afin de représenter l‟Église catholique, car il a une bonne
connaissance de plusieurs dossiers politiques406
. Deux autres représentants de l‟Église
catholique sont présents également, l‟abbé R. Ouédraogo, vicaire général de Kaya et
l‟abbé Joel Tapsoba, vicaire général de Koupéla. Il est à noter que les archevêques Mgr
Séraphin Rouamba de Koupéla et Mgr Jean-Marie Compaoré sont également présents
dans le stade pour la cérémonie. Les églises évangéliques ont trois représentants, tout
comme les musulmans. El Hadj Aboubacar Sana, président à l‟époque de la CMBF et
grand imam de Ouagadougou, est invité aux côtés de Cheick Aboubacar Doukouré, chef
spirituel de la Tidjaniyya 11 grains, et d‟Aboubacar Maiga II, chef spirituel de la
Tidjaniyya 12 grains (Ramatoulaye). Le Mouvement sunnite n‟a toutefois pas de
représentant dans la loge officielle407
.
Le fait d‟être au cœur de la cérémonie démontre le poids de ces religieux à
l‟intérieur de l‟espace public qui dépasse la représentation pour aller vers un espace
d‟action, de décision. Toutefois, cela montre une volonté du président Compaoré
d'utiliser la crédibilité morale des religieux à son profit. Les religieux, en participant à la
cérémonie, consentent d'une certaine façon à suivre l'agenda de l'État, qui souhaite
« obtenir la "réconciliation" sans la justice et la vérité sur les crimes qui lui étaient
reprochés [...] »408
. Lors des années subséquentes, les religieux sont des acteurs de
premier plan qui vont porter et rappeler la Journée nationale du pardon :
« La date du 30 mars est désormais une journée du souvenir dans les mosquées, églises et
temples disséminés à travers le pays pour commémorer la Journée nationale de pardon éditée
voilà trois ans. […] Artisan de cette Journée nationale de pardon, le Dr Cheick Aboubacar
Doukouré se réjouit des progrès enregistrés depuis la première édition, voilà trois ans. "Le
pardon est un élément central dans toutes les religions révélées, je fais allusion au Coran et à
la Bible notamment. Le pardon passe par le regret puis l'abstention de récidive et enfin la
406
Ferdinand Guétabamba et Trabzanga Zoungrana, « Burkina Faso: Ier anniversaire de la journée
nationale de pardon », Sidwaya, [en ligne], 30 mars 2002, www. allafrica.com. Voir Annexe 15, pages
XXXVIII-XLI. 407
Archives du MESSRS, document R1504, Journée nationale du Pardon, 30 mars 2001. 408
Augustin Loada, « Contrôler l‟opposition dans un régime semi-autoritaire, le cas du Burkina Faso de
Blaise Compaoré », M. Hilgers et J. Mazzocchetti (dirs.), Révoltes et oppositions dans un régime semi-
autoritaire, le cas du Burkina Faso, Paris, Karthala, 2010, p.277.
112
réparation. A ma connaissance, l'État comme les filles et fils de ce pays respectent ces
engagements pris ensemble il y a trois ans révolus", explique le Dr Doukouré »409
.
La commémoration de la Journée nationale du pardon se poursuit chaque année à
l‟intérieur de lieux de culte, par toutes les confessions, auxquelles participent aussi
plusieurs représentants de l‟État410
.
L‟Église catholique, par le biais de Mgr Anselme Sanon, s‟implique
particulièrement dans les activités et conférences qui entourent les célébrations de la
Journée nationale du Pardon. Lors de la commémoration du 3e anniversaire de la Journée,
il donne une conférence à l‟intérieur de laquelle il revient sur l‟importance de la paix et
de la réconciliation :
« Nous sommes tous impliqués quand on parle de pardon ou d‟impunité parce qu‟il n‟y a
aucun Burkinabé qui peut dire qu‟il a toujours bien agi et qu‟il ne doit rien à la nation ni à
d‟autres concitoyens. Il faut donc une conscience citoyenne, car ce ne sont pas les guérillas,
les assassinats, les crimes de tous genres qui amènent une nation à aller de l‟avant. La
solution passe par la paix, la compréhension, le pardon »411
.
Ces prises de positions de Mgr Sanon dénotent la difficulté de s'éloigner de l'agenda de
l'État. En acceptant les prémisses d'un pardon sans justice, le prélat aide les intérêts du
président. La Journée nationale du Pardon donne toutefois une fenêtre de visibilité au
religieux dans l‟espace public, mais démontre aussi ce qui a été observé dans le secteur
social : l‟Église catholique resserre ses relations avec l‟État et les associations
musulmanes souhaitent se rapprocher du pouvoir politique. L‟État demeure donc un
partenaire de choix auprès duquel on veut être accepté et être reconnu.
À travers un régime semi-autoritaire, le président burkinabé demeure maître du jeu
politique et de la redistribution des ressources de l'État. Trop le contester peut exclure les
gens de ce système412
. Cela peut diminuer la capacité d'agency des religieux, si ces
derniers ne parviennent pas à se détacher de l'agenda de l'État et à représenter d'autres
opinions dans l'espace public. Les élections de 2005 et 2010 démontrent toutefois que les
409
A.b. Traore Aib, « Burkina Faso: Journée nationale de pardon : dans les mosquées, églises, et temples,
on s'est souvenu ... », Sidwaya, [en ligne], 31 mars 2003, www. allafrica.com. 410
Enok Kindo, « Burkina Faso: Commémoration de la JNP : pardon et réconciliation prêchés dans les
lieux de culte », Sidwaya, [en ligne], 31 mars 2005, www. allafrica.com. 411
Cyr Payim Ouédraogo, « Réconciliation au Burkina, Un mythe selon Mgr Anselme Sanon »,
Observateur paalga, [en ligne], 6105, 21 mars 2004, www.lobservateur.bf. 412
Loada, loc.cit., 2010, p. 269-275.
113
religieux ne sont pas toujours en accord avec le président. Cela peut tendre à penser que
l‟Église catholique et les associations musulmanes ne sont donc pas complètement
assujetties aux décisions du pouvoir politique413
. Pour autant, les religieux entretiennent
des relations de nature contradictoire avec l‟État.
À l‟instar des élections précédentes, l‟Église catholique publie des lettres pastorales
et des articles dans lequel elle émet des recommandations : « il était de note devoir, en
tant que pasteurs de vos âmes, de nous entretenir avec vous sur un événement si
important pour l‟avenir de notre Nation. Notre désir est de vous aider à repérer des pistes
de réflexion, des critères de jugements et des directives d‟action, à la lumière de la parole
de Dieu et de la doctrine sociale de l‟Église414
». Les prélats insistent sur l‟importance du
vote et du devoir civique, sans pencher pour un candidat. Il mentionne que l‟on devrait
s‟interroger sur ce que pensent les candidats sur les libertés individuelles, les droits
humains, ainsi que la justice sociale. Comme on l‟a aussi observé dans d‟autres lettres
pastorales, les évêques font des recommandations aux politiciens : « Aux hommes
politiques, potentiels candidats ou membres des états-majors, nous disons : vous aimez
vraiment ce pays et êtes conscients que son destin est entre vos mains ; ne cédez donc pas
alors à la tentation de sacrifier son avenir sur l‟autel d‟ambitions personnelles, partisanes
ou régionalistes »415
.
Plusieurs éléments présents dans les lettres pastorales de 1991 et 1997 se retrouvent
dans celles des années 2000 : importance des rôles du citoyen, nécessité de respecter le
multipartisme, transparence de la politique, justice sociale et respect des droits humains et
universels. On note toutefois, en 2005, une plus grande attention portée à la lutte contre
l‟impunité et les prélats donnent des recommandations à plusieurs groupes ciblés comme
les jeunes et les femmes416
. Après l'affaire Norbert Zongo et l'instauration de la Journée
nationale du Pardon, plusieurs mouvements ont continué de demander justice pour les
413
Loada, loc. cit., 2010, p. 277. 414
Évêques du Burkina Faso, « Message des évêques du Burkina Faso, "Votez pour celui qui vous
permettra de servir Dieu et les hommes" », Observateur paalga, [en ligne], 6428, 6 juillet 2005. www.
allafrica.com. 415
Archives du Diocèse de Ouagadougou, document : Message des Évêques du Burkina Faso. Pour le bien
de notre peuple, enjeux des élections 2005-2006, 11 juin 2011, p.12-13. Pour un aperçu d‟une lettre
pastorale diffusée par le diocèse, voir Annexe 16, pages XLII-XLIII. 416
Ibid.; Message des évêques pour la préparation de l‟Assemblée spéciale pour l‟Afrique du synode des
évêques; Observateur paalga, [en ligne], no 4362, 27 février 1997, p. 6-7.
114
crimes impunis de l'État et l'Église catholique n'est pas demeurée insensible. Les
« Femmes en noir » par exemple qui souhaite la justice dans l'affaire Zongo, ont reçu
l'appui de la hiérarchie catholique. De plus, le non-lieu déclaré dans cette affaire a
provoqué « un malaise profond » au sein de l‟Église catholique. Les prélats ont
également refusé leur soutien au gouvernement pour faire face à la gronde sociale contre
« la vie chère »417
. Ces évènements ont influencé les opinions de l'Église catholique, ainsi
que le contenu des lettres pastorales.
Contrairement aux précédentes élections, une entrevue de Mgr Jean-Marie
Compaoré en 2004 au cours de laquelle il donne son opinion sur la question présidentielle
soulève la controverse. En son nom et non pas comme représentant de l‟Église
catholique, il discute de la candidature de Compaoré aux urnes:
« [...] La loi ne s‟y oppose pas, dit-on. Là... je réagis en simple citoyen. Blaise Compaoré est
au pouvoir depuis 1987... Je reconnais ses capacités de gérer ce pays, qui n‟est pas facile,
soit dit en passant. Après le long temps qu‟il a passé au pouvoir, il peut se dire que peut-être,
en passant la main à un autre, le pays pourra aller encore plus loin... […] L‟on peut se
demander qui d‟entre eux pourra réellement gérer ce pays... L‟on me retournera que si Blaise
n‟est pas là, on trouvera bien un Burkinabè pour gérer ce pays. Ce qui est tout à fait vrai...
Encore une fois, ce n‟est pas l‟Église qui parle, mais c‟est Jean-Marie Compaoré »418
.
Position osée pour certains, le Cercle D'Éveil (CEDEV)419
, organisation de lutte pour la
démocratie et les droits humains, émet des réserves sur l‟opinion du prélat, car elle
pourrait mettre des fidèles mal à l'aise et ne cadre pas selon eux avec son rôle religieux:
« Les dernières déclarations concernant la providentialité du candidat au pouvoir perdent
toutes leurs pertinences et montrent bien combien des acteurs de la vie sociale pourtant
voués à la réserve participent volontairement ou non à une sorte d'intoxication
politique»420
. Les réactions suscitées par l‟entrevue de Mgr Compaoré nous amènent à
nous questionner sur la capacité d‟agency de l‟Église catholique, mais également de
s‟interroger sur la position d‟autorité dans laquelle les autres acteurs de l‟espace public la
reconnaissent. Si on considère que « One measure of agency is how effective the group is
417
Loada, loc. cit., 2010, p.277. 418
Anonyme, « Les mercredis de Zoodnoma Kafando, Mgr Untaani J.-M. Compaoré à Sidwaya, Quand le
CEDEV renie les droits du prélat », Observateur Paalga, [en ligne], 6159, 9 juin 2004,
www.lobservateur.bf. 419
Association de culture civique et de défense des droits humains et sociaux. 420
Ibidem.
115
as a change agent »421
, l‟Église catholique se voit limiter dans l‟espace public puisque la
prise de parole d‟un de ses représentants est critiquée par d‟autres acteurs, bien que Mgr
Compaoré ait tenté de dissocier son discours de l'institution ecclésiale. Une lettre ouverte
publiée dans L’Observateur paalga est un autre exemple de cette position:
« Mgr Untani Compaoré a pris fait et cause pour le président sortant. Les catholiques,
pendant longtemps, ont donné le sentiment de vouloir, sinon ont opéré une séparation
étanche entre la cité de Dieu et la cité des hommes […]. Mais très vite, celle-ci a volé en
éclats avec Mgr Untani Compaoré qui, jamais comme on ne l‟a vu par le passé, a pris fait et
cause pour le président sortant. […] Depuis, des hommes de bien dans l‟Église ont exprimé
leur mécontentement, leur désapprobation, parfois même leur colère. Si cela a quelque peu
freiné les élans partisans du prélat, on n‟a pas senti que l‟Église catholique en ait été touchée
au point de revenir à une position de neutralité respectueuse de ses missions et des droits de
ses fidèles. […] »422
.
Dans sa lettre, ce fidèle exhorte l‟Église catholique à dénoncer davantage les irrégularités
politiques dont fait preuve le président. Ce n'est pas la première fois que l'on retrouve ce
genre de commentaire. À la suite de la période révolutionnaire, des fidèles ont postulé
que l'Église aurait pu prendre davantage position contre le régime marxiste. Le cardinal
Zoungrana avait répondu à ces allégations423
. Toutefois, on observe dans les années 2000
une plus grande remise en question du rôle de l'Église catholique au sein d'un régime
semi-autoritaire. Ses droits, devoirs, mais également ce qu'elle doit éviter, sont des sujets
de plus en plus débattus424
.
Au début des années 2000 l‟Église catholique affirme sa position dans les champs
sociaux et politiques. Tant en santé qu‟en éducation, les structures catholiques ont des
relations sur une base régulière avec l‟État. Bien que l‟Église catholique semble parfois
appuyer l'agenda du gouvernement, comme le dénote la Journée nationale du Pardon,
elle émet aussi des opinions défavorables envers le président. Ses prises de position dans
l‟espace public sont des plus en plus analysés par la presse, comme le démontre la
réaction du CEDEV ou les lettres ouvertes publiées dans les journaux.
421
Laura M. Leming, « Church as a Contested Terrain: Voice of the Faithful and Religious Agency »,
Review of Religious Research, vol. 48, no 1 (September 2006), p.58. 422
Louis Nama, « Les positions ambiguës de l‟Église Catholique », Observateur paalga, [en ligne], 6415,
16 juin 2005, www. allafrica.com. 423
Jules Ouedraogo, « Jubilé d‟or », Observateur paalga, no 3167, 15-17 mai 1992, p. 6-12. 424
Wendémi Philippe et Séraphin Ouedraogo, « Burkina Faso: L'article 37- Les imprécations de la
hiérarchie catholique et du CGD », Sidwaya, 12 mars 2010, [En ligne], www.allafrica.com.
116
Du côté de l‟islam, on constate l‟entretien de relations de nature diverse entre les
associations et le président Compaoré. El hadj Oumarou Kanazoé par exemple, figure
importante de la CMBF, cache peu son appui au président lors de la campagne électorale
de 2005 :
« Les "Amis de Blaise Compaoré (ABC)" et le CDP du Passoré ont organisé le dimanche 10
avril 2005, une marche-meeting pour la candidature de Blaise Compaoré à l'élection
présidentielle de novembre prochain. […]Le top de départ de la marche a été donné par la
marraine, la députée Fatoumata Djendiéré, le président d'honneur des ABC du Passoré,
Oumarou Kanazoé et bien d'autres hauts dignitaires du CDP » 425
.
Nous n'avons pas trouvé de lettre ouverte dans la presse critiquant cette prise de position
politique de la part d'El hadj Oumarou Kanazoé. Néanmoins, on retrouve quelques
articles satiriques qui discutent de la cooptation existant entre le financier de la CMBF et
les hautes sphères de l'État:
« Il est de notoriété que OK a, de tout temps, fait preuve de générosité envers la faune politique.
[...] Devenu véritablement môgô puissant, OK savait arroser de bas en haut et de long en large.
[...] En attendant, les chantiers en cours devaient être exécutés avec ce qui restait en caisse après
les copieux "arrosages". Résultat: des routes en déroute. Tant pis. La colère des bailleurs de
fonds serait maîtrisée par les amis politiques »426
.
Ce type de commentaire se retrouve plutôt dans des journaux politisés tels que le
Journal du Jeudi. Il est question de corruption, mais El Hadj Oumarou Kanazoé n'est
pas critiqué ici en rapport avec ses agissements et son statut religieux, au contraire
de Mgr Comporé.
La situation est différente dans la crise qui secoue le bureau de la CMBF en 2004.
Plus tôt dans l‟année, El hadj Oumarou Kanazoé a été appelé pour régler un conflit
au sein de la CMBF. Dans une lettre du bureau exécutif de l‟association adressée à
Kanazoé, ses membres critiquent la gestion du président El Hadj Aboubacar Sana,
en place depuis 1997:
« Le bureau s‟est rendu compte que le congrès risquait de mettre à nu les pratiques anti-
islamiques et antisociales du président, à savoir : l‟humiliation de l‟ensemble des musulmans
425
Alassane Karama, « Burkina Faso: Candidature de Blaise Compaoré à la présidentielle : une
mobilisation-test dans le Passoré », Sidwaya, [en ligne], 4, 12 Avril 2005, www. allafrica.com. 426
« Entreprise OK Baisse de cadence ou décadence », Journal du Jeudi, 534, 13 au 19 décembre 2001 [En
ligne], http://www.journaldujeudi.com/
117
par des critiques et des injures provocatrices à l‟endroit de nos plus hautes autorités et en
pleurant sur le Mimbara427
dans ses sermons du vendredi. Son but est un soulèvement des
musulmans contre le pouvoir en place. En plus de l‟indignation des responsables du bureau
exécutif face aux propos vantards du président SANA, nous, bureau exécutif, ne pouvons
accepter que, dans sa distraction, il ose tenir devant ses inconditionnels des propos
illusionnistes tendant à mesurer son pouvoir à celui du chef de l‟Etat. […]Tous les membres
du bureau exécutif pensent qu‟il est déplorable qu‟un grand imam d‟un pays comme le
Burkina Faso se serve du Mimbara de la grande mosquée centrale, lieu de prière, pour
proférer des injures à l‟endroit des hautes autorités du pays, de ses propres collaborateurs,
quelquefois pour des règlements de comptes, etc. »428
.
Les membres soutiennent que le président partage peu les dons fait à l‟association, que ce
soient de l‟argent reçu de l‟extérieur, par exemple de Mouammar Kadhafi, ou de Blaise
Compaoré, qui remet des enveloppes aux différentes confessions lors des grandes fêtes
religieuses. Ils critiquent également la gestion financière des madâris429
. Bien que ce
soient les arguments principaux avancés par les membres, les reproches fondamentaux
envers le bureau de la CMBF concernent plutôt une remise en question du partage
économique et du pouvoir politique au sein de l'association. Moins d‟un mois après la
parution de cette lettre, Kanazoé reprend la présidence du bureau430
. À travers cette crise
au sein de la CMBF, on remarque qu‟il y a encore dans les années 2000 des questions
non réglées au sujet du partage des ressources de l‟association et de la position à adopter
vis-à-vis du gouvernement. L‟association devrait-elle se faire plus critique ou ne pas faire
« ouvertement » de politique à l‟intérieur de la CMBF, comme les détracteurs du
président le prétendent? Compte-tenu des négociations tendues pour la reconnaissance
des écoles secondaires islamiques et de l‟argent donné par le gouvernement pour
l‟association, certains de ses représentants sont prudents dans leurs critiques vis-à-vis de
l‟État431
.
Après l‟élection de Kanazoé à la tête de la CMBF, celui-ci s‟efforce à créer une
meilleure cohésion de l‟islam au Burkina Faso avec la Fédération des associations
427
Mimbara ou minbar: « élément mobilier participant à l‟aménagement de la grande mosquée depuis
l‟époque de Muhammad et s‟étant conservé jusqu‟à nos jours sous la forme d‟une chaire à degrés, souvent
un escalier de plusieurs marches ». « Minbar », Janine Sourdel et Dominique Sourdel, Dictionnaire
historique de l'islam, Paris, Presses Universitaires de France, 1996, p.577. 428
Bernard Zangré, « Un chapelet de griefs contre l‟imam Sana », Observateur paalga, [en ligne], 6230, 20
septembre 2004, www.allafrica.com. Pour un article de journal contenant un entretien complet de la
situation avec un responsable de la CMBF, voir Annexe 17, p. XLIV-LI. 429
Ibidem. 430
Damis Adama Ouédraogo, « Chez nous, Communauté musulmane: Oumarou Kanazoé reprend sa
chose », Observateur paalga, [en ligne], 6245, 10 octobre 2004, www. allafrica.com. 431
Nous n‟avons pas trouvé de lettres ouvertes dans les journaux, à l‟instar de ce que l‟on a observé pour
les catholiques, où les croyants discutent des prises de positions de l‟association.
118
islamiques du Burkina Faso (FAIB). Aux côtés de plusieurs groupes tels que la
Tidjaniyya, le CERFI et l‟AEEMB, il fait la promotion du FAIB par le biais de diverses
activités pour favoriser le rayonnement de l‟islam. Bien que la nouvelle de la fondation
ne semble pas toucher directement aux relations entre les associations islamiques et l'État,
elle démontre que les membres de ces groupes cherchent des moyens d'augmenter leur
visibilité dans l‟espace public. Ils souhaitent en effet augmenter leur crédibilité en faisant
front uni. Les associations choisissent toutefois de ne pas confronter directement l‟État432
.
Lors de la période précédant les élections de novembre 2010, les religieux sont à
nouveau appelés à donner leur opinion sur différentes situations. L‟Église catholique est
d‟abord prudente face à la révision de l‟article 37 voulant enlever la limitation des
mandats présidentiels. Néanmoins lors d‟une visite de courtoisie auprès de Blaise
Compaoré, les évêques soutiennent ne pas avoir abordé le sujet et plutôt discuté de la
participation de l‟Église catholique à la construction de la nation433
. Les musulmans
restent également prudents dans leurs revendications auprès de l‟État. Lors de la Tabaski,
l‟imam de la Grande mosquée de Ouagadougou s‟exprime : « En cette période électorale,
El Hadj Kassoum Aboubakar Sana a exhorté les différents politiciens burkinabé à
s'entendre pour la bonne marche du pays »434
. Ces prises de positions prudentes
s‟expliquent par le fait que le président et les hauts représentants de l‟État continue de
dominer l‟espace public. Bien que des « indocilités » soient permises dans la société
civile, que ce soit de la part des médias, des autorités religieuses, coutumières ou de
diverses associations, Blaise Compaoré reste maître du jeu politique : « President
Compaoré‟s need to perform as a democratic pioneer („washing the blood of Sankara‟)
without leaving the real power to anyone else »435
. Le critiquer ouvertement peut mener à
des répressions sous diverses formes.
Au début des années 2000, on remarque encore des différences dans la
consolidation du discours des religieux dans l‟espace public. Les catholiques réussissent
davantage à faire reconnaître leurs actions dans le secteur social et leurs spécificités pour
432
Hamidou Ouédraogo, « Chez nous, Associations islamiques du Burkina, Une seule voix, un seul
"muezzin" », Observateur paalga, [en ligne], 6539, 14 décembre 2005, www. allafrica.com. 433
D. Evariste Ouédraogo, « Burkina Faso: Les évêques du Burkina chez Blaise », Observateur paalga, [en
ligne], 10 juin 2010, www. allafrica.com. 434
Souaïbou Nombre, « Burkina Faso: Musulmans et chrétiens ont prié pour une élection apaisée »,
Sidwaya, [en ligne], 17 Novembre 2010, www. allafrica.com. 435
Hagberg, loc. cit., 2002, p.243.
119
l‟État, alors que les musulmans tentent de faire sortir leurs structures de la marge et
d‟augmenter leurs offres dans les secteurs de l‟éducation et de la santé. L‟Église
catholique opte pour diverses stratégies dans l‟espace public et est parfois revendicatrice
tout en pouvant se ranger du côté du pouvoir politique selon les situations. Certaines
crises fragilisent l‟union des musulmans, mais on observe aussi de nouvelles méthodes
pour gagner de la visibilité dans l‟espace public avec la création de la FAIB et la mise sur
pied de radios confessionnelles. Il est toutefois à noter que les discours prononcés à la
radio restent assez neutres sur les sujets politiques et passent généralement à travers un
processus d‟acceptation et de relecture avant d‟être enregistrés436
.
436
Al-Houda (2004) et Ridwân (2010) sont les radios les plus importantes. Mathias Savadogo et Muriel
Gomez-Perez, « La médiatisation des prêches et ses enjeux. Regards croisés sur la situation à Abidjan et à
Ouagadougou », etnographiques.org, 22, [en ligne], mai 2011,
http://www.ethnographiques.org/../2011/Savadogo, Gomez-Perez, (article consulté le 13 juin 2011).
120
Conclusion
À travers l'étude de l'action sanitaire et scolaire de l'Église catholique et des
associations musulmanes dans deux arrondissements de Ouagadougou (Bogodogo et
Baskuy) de 1983 à 2010, nous souhaitions analyser les relations entre les religieux et
l'État burkinabé, tout en émettant des observations sur la façon dont leur engagement
transforme leur capacité d'agency. Trois éléments peuvent être relevés pour rendre
compte de l‟originalité de notre recherche. D‟abord, en choisissant d‟étendre notre
recherche de 1983 à 2010, ceci nous a permis d‟observer l‟évolution des relations entre le
religieux et l‟État et ce, à travers maints changements politiques. De plus, nous avons
tenu à mener une constante comparaison entre le spatial, le religieux et le social.
L‟analyse de deux quartiers nous a permis d‟observer les différences d‟accès aux divers
services urbains entre les quartiers centraux et périurbains de Ouagadougou. Le fait
d‟avoir choisi deux confessions à l‟étude, ainsi que leur implication scolaire et sanitaire a
permis de donner une vision plus globale des relations entre les religieux et l‟État. Enfin,
nous nous sommes efforcés de confronter diverses sources orales comme écrites, tant
privées qu‟institutionnelles et provenant de la presse.
Quatre hypothèses de départ ont encadré notre recherche. Premièrement, nous
avons postulé que les pratiques politiques de Thomas Sankara de 1983 à 1987 ont nui à la
prise de position des religieux dans l‟espace public, alors que ceux-ci cherchaient à
obtenir une visibilité dans le champ de l‟action sociale. Le président, de par sa ligne
politique, maintenait un discours officiel dur envers les religieux. La nature
révolutionnaire et marxiste du régime mène à des conflits. L'État par exemple tente
d'imposer aux religieux un certain « type » d'école avec une ligne de pensée
«révolutionnaire ». Les musulmans sont particulièrement visés par les critiques du
pouvoir politique et la majorité de leurs structures sociales sont maintenues dans le
secteur informel par le gouvernement. Une autre source de conflit réside dans la difficulté
pour le gouvernement de respecter ses engagements financiers, principalement envers les
établissements catholiques.
En dépit des pratiques politiques du président, nous avons démontré que cela
n'empêche pas les acteurs religieux de s'investir dans les secteurs sociaux et de négocier
121
avec l'État, notamment dans le cas de l‟Église catholique. On assiste d'abord, dans les
arrondissements ciblés dans notre recherche, à la fondation de nouveaux établissements,
tant dans le secteur de la santé que dans celui de l‟éducation: le collège catholique Wend-
Manegda (1983), le centre médical de la Patte d'Oie (1985). Les structures fondées
précédemment par les religieux sont toujours en fonction, et cela leur permet d'augmenter
leur visibilité au sein de l'espace urbain ouagalais. Afin d'obtenir une plus grande
légitimité ainsi que davantage de ressources, les responsables des structures cherchent à
se munir d'un réseau international. Ces relations leur permettent d'avoir du financement,
du matériel et du personnel, ce qui augmente leur capacité d'agency.
Sous la période sankariste, l'Église catholique et les associations musulmanes se
positionnent différemment dans leurs négociations avec l‟État sur des sujets scolaires et
sanitaires. Forte de ses maints établissements reconnus officiellement par le
gouvernement, son réseau international, sa réputation et sa structure scolaire centralisée,
l'UNEC, l'Église catholique possède une plus grande capacité d'agency. L‟Église
catholique négocie davantage sur différents sujets avec le gouvernement, tels que
l'exemption de douanes pour le matériel de santé, ainsi que sur l'obtention des arriérés
financiers des élèves affectés (1984, 1987). Les responsables catholiques utilisent
plusieurs tactiques contre le président, dont la menace financière et le recours à l‟autorité
morale des évêques. La situation pour les responsables musulmans est différente. Leurs
structures sont peu reconnues officiellement par le gouvernement à l'époque, à l'exception
notable du Centre médical de la Patte d'Oie. Les écoles et les centres de soins sont
visibles dans l'espace urbain et généralement installés près d'un lieu de culte, mais le fait
de ne pas être reconnus officiellement nuit à leur capacité d'agency lorsqu'il vient le
temps de négocier avec l'État.
En comparant les infrastructures confessionnelles dans Bogodogo et Baskuy de
1983 à 1987, on remarque que les catholiques en retirent plus de ressources pour pouvoir
négocier avec le gouvernement. Dans l'espace public, cela ne se traduit toutefois pas par
des revendications auprès de l'État. L'Église catholique conserve généralement un statu
quo avec le président, ne souhaitant pas le soutenir dans ses exactions autoritaires. La
crédibilité ainsi que les ressources sociales et matérielles acquises grâce aux structures
sociales ne semblent pas à l‟époque influencer la façon dont l‟Église catholique intervient
122
politiquement dans l‟espace public. Les musulmans de leur côté sont souvent critiqués
dans leurs façons de faire par l'État: code de la famille prônant la monogamie, lutte contre
les garibous. Ils retirent peu de crédit du gouvernement pour leur action sociale qui
demeure marginalisée. Toutefois, cela n'empêche pas les musulmans d'être critiques
envers le président Thomas Sankara et le régime du CNR. À l'instar de ce que l'on
observe dans d'autres pays tels que le Mali et la Côte d'Ivoire, des musulmans scolarisés
dans le monde arabe (arabisants), mis à l‟écart par leurs aînés de la vie religieuse, font la
promotion d'une modernité vue à travers le Coran. Dans le cas particulier du Burkina
Faso et de la révolution marxiste, ils souhaitent remoraliser l'espace public, substituer une
autre « modernité » à celle imposée par le pouvoir politique en prenant la religion en tant
que point focal437
. Cette contestation du projet révolutionnaire dans l‟espace public n‟est
pas le seul moyen utilisé par les musulmans pour obtenir une reconnaissance; plusieurs
d‟entre eux ont fait jouer leurs relations locales et internationales pour se rapprocher de
l‟État dans le but d'obtenir des concessions : financement, resserrement des relations
entre le gouvernement burkinabé et le monde arabo-musulman.
Notre deuxième hypothèse invitait à démontrer qu‟avec l'arrivée au pouvoir de
Blaise Compaoré après l'assassinat de Thomas Sankara en 1987, on assistait à une
volonté accrue des religieux de prendre part au débat social. La construction
d‟établissements et la volonté de voir reconnaître leurs actions comme officielles
conduisent les religieux à l‟époque à consolider leur capacité d‟agency et à obtenir une
nouvelle visibilité dans l‟espace public. Parallèlement au retour du multipartisme en
1991, le président signe la même année un PAS à l‟instar d‟autres pays ouest-africains.
Cette nouvelle politique freine la construction et le maintien des infrastructures
publiques. L‟augmentation de la population de la capitale, conjuguée à des problèmes
financiers, provoquent un déséquilibre entre l'offre de structures sociales publiques et les
437
Marie Nathalie LeBlanc, « L‟orthodoxie à l‟encontre des rites culturels. Enjeux identitaires chez les
jeunes d‟origine malienne à Bouaké (Côte-d‟Ivoire) », Cahiers d’études africaines, 182, no 2 (2006),
p.417-418; Marie Nathalie LeBlanc et Muriel Gomez-Perez, « Jeunes musulmans et citoyenneté culturelle :
retour sur des expériences de recherche en Afrique de l‟Ouest francophone », Sociologie et sociétés [En
ligne], vol. 39, no 2 (2007), http://www.erudit.org/revue/socsoc/2007/v39/n2/019083ar, (page consultée le
3 janvier 2011); René Otayek, « Une relecture islamique du projet révolutionnaire de Thomas Sankara »,
Jean-François Bayart (dir.), Religion et modernité politique en Afrique noire. Dieu pour tous et chacun
pour soi, Paris, Karthala, 1993, p. 125.
123
demandes de la population. L'État encourage davantage le développement des structures
privées, mais souhaite conserver le contrôle de ce secteur.
Les religieux répondent à l'appel de la population et prennent davantage part au
débat social. Ils tentent de combler les demandes populaires, mais également d'être mieux
représentés dans l'espace urbain. L‟Église catholique opte pour la consolidation de son
offre sociale déjà existante, en agrandissant les infrastructures ou en mettant sur pied de
nouveaux services. Le statut de l‟UNEC est aussi régularisé et l'Église catholique se dote
du CNEC afin de pouvoir mieux coordonner son projet éducatif. On assiste aussi à cette
époque à une plus forte structuration de l‟offre sociale islamique, avec la transformation
d‟écoles coraniques en établissements franco-arabes, la fondation de centres de santé et
de nouvelles écoles, ainsi qu'avec l‟apparition de chefs religieux qui investissent
beaucoup de ressources et d‟efforts dans l‟offre sociale islamique. Cheick Aboubacar
Doukouré de la Tidjanniya 11 grains est un bon exemple de cette tendance. Davantage
d‟ONG arabes s‟impliquent également directement au Burkina Faso, dont l‟Agence des
musulmans d‟Afrique (Direct-Aid).
Au-delà du nombre d'infrastructures et de services offerts par les différentes
confessions, on remarque une volonté accrue des religieux d'obtenir plus de
reconnaissance légale pour leurs actions sociales auprès du gouvernement. L‟Église
catholique souhaite régulariser ses relations avec les ministères de l'Éducation et de la
Santé en signant des conventions afin d'éclaircir les droits et devoirs de chaque partie.
C'est ainsi que le Centre médical Saint-Camille signe une entente avec le gouvernement
en 1992. Du côté scolaire, les catholiques ne réussissent pas à signer une convention avec
l'État, car le gouvernement recule devant les implications financières d'une telle entente.
Cet élément nous amène à nuancer la capacité d‟agency de l‟Église catholique qui ne
semble pas assez forte pour convaincre rapidement l‟État de l‟importance de ce dossier.
Toujours dans le secteur de l'éducation, l'Église catholique se confronte encore avec l'État
pour recevoir des arriérés financiers (1988, 1994) et utilise des stratégies de négociation
similaires à celles analysées dans les années 1980.
Les associations et les ONG islamiques s'impliquent plus dans les secteurs de
l‟éducation et de la santé, mais font également davantage la promotion de leurs actions
auprès de l'État et de la umma, en se servant par exemple des journaux. De plus en plus
124
de demandes pour être reconnues officiellement sont observées du côté des structures
islamiques. Néanmoins, certains problèmes avec le gouvernement Compaoré demeurent
et limitent leur capacité de négociation avec l'État. Du côté des écoles franco-arabes et
des madâris, la non-reconnaissance des diplômes reste une situation problématique.
Toutefois, le nouveau président semble vouloir coopérer davantage avec les groupes
religieux. Il cherche à conserver ses appuis pour légitimer sa position à l‟échelle nationale
et les religieux sont des alliés potentiels importants.
De 1987 à 1997, l‟Église catholique comme les associations et les ONG islamiques
s‟investissent davantage dans l‟offre scolaire secondaire et sanitaire à Ouagadougou. La
consolidation de leurs activités sociales leur permet d'augmenter leur capacité d‟agency.
On peut effectuer des parallèles avec des situations observées au sein de l‟espace public.
L‟Église catholique publicise davantage ses positions, par le biais par exemple des lettres
pastorales parues dans la presse. Elle y dénonce les pratiques clientélistes de l‟élite
politique et le manque de conviction du président vers un tournant démocratique. Les
musulmans sont toutefois généralement muets devant les exactions du pouvoir politique.
D‟abord, les représentants des associations ne s‟entendent pas sur les positions qu‟ils
devraient adopter vis-à-vis du président. Dans un second temps, dans les années 1990, les
associations sont souvent prises par la gestion de leurs querelles intestines. Bien que les
religieux négocient davantage avec le président sur divers sujets, les critiques directes
envers Blaise Compaoré ne sont pas communes. Les revendications envers le pouvoir
politique hors du champ social demeurent prudentes et s‟expliquent par le maintien par le
président d‟un climat politique lourd au Burkina Faso. En ayant recours à la répression
armée, en manipulant le pouvoir judiciaire et en maintenant un réseau de clientélisme
envers les élites politiques, économiques et religieuses, le président maîtrise les règles du
jeu politique.
Dans un troisième temps, nous avons émis l'hypothèse que, vers la fin des années
1990 et au début des années 2000, l‟effort de visibilité des religieux dans l‟espace public
s‟accélère et s‟approfondit. Des structures privées, tant laïques que religieuses,
s‟implantent de plus en plus dans les quartiers peu lotis. Plusieurs congrégations
catholiques et promoteurs islamiques privés établissent des écoles dans les quartiers
excentrés de Bogodogo et de Saaba où les populations ont peu accès aux services publics.
125
Divers établissements catholiques et islamiques sont donc implantés dans ces quartiers :
le Groupe scolaire Saint-Viateur (2000), l‟Établissement Lassalien Badenya (2002), le
collège Notre-Dame des Victoires de Saaba (2006), le centre socio-éducatif de Dassasgo
(1996-1997), l‟Institut Cheick El Hadj Adama (1998) et l‟Institut El-Nour (2000). Les
centres de soins catholiques renforcent les services qu‟ils offrent notamment en soins de
santé maternelle et infantile (Centre de récupération nutritionnelle, IRM). Au début des
années 2000, maints centres musulmans détenus par des ONG internationales font face à
des problèmes de subventions. Plusieurs associations locales reprennent ainsi possession
des infrastructures que les ONG ne sont plus en mesure de financer. C‟est les cas du
Centre médical de Ridwane (2006) et celui de Hamdallaye (2009). Les associations
mettent aussi sur pied des activités de prévention et de formation sur le VIH, le paludisme
et la santé maternelle.
Par ailleurs, bien que les acteurs religieux investissement durablement l‟espace
public, il n‟en demeure pas moins que les relations qu‟ils entretiennent avec l‟État
oscillent entre la négociation, la cooptation et la confrontation. Les hauts représentants
religieux coopèrent avec le gouvernement par exemple, en participant à la JNP et en
légitimant les tentatives politiques de réconciliation après la mort de N. Zongo. Le
maintien des différences dans les relations entre l‟Église catholique, les associations
islamiques et l‟État se poursuit dans les années 2000. L‟Église catholique renforce son
partenariat avec l‟État tant dans le secteur de la santé que celui de l‟éducation. Les
catholiques reprennent le contrôle de plusieurs écoles primaires laissées à l‟État en 1969,
ce qui a pour effet d‟augmenter leur pouvoir de négociation envers le gouvernement. Ils
deviennent alors un partenaire important à tous les paliers scolaires (du préscolaire à
l‟université). En 2004, l‟Église catholique signe une convention qui prend en compte tous
ses établissements et confirme les droits et devoirs de l‟État et des promoteurs
catholiques dans le secteur de l‟éducation. Dans le domaine de la santé, plusieurs centres
de soins sont également inclus, par le biais d‟entente, dans le système de santé public, ce
qui renforce les interrelations entre l‟État et l‟Église catholique.
Les musulmans de leur côté cherchent toujours dans les années 2000 à formaliser
davantage leurs relations avec l‟État. À cet effet, des promoteurs privés créent la
Fédérations des écoles franco-arabes et le Conseil supérieur des Madâris afin de négocier
126
plus facilement avec les différents ministères de l'Éducation. Certains conflits entre les
responsables religieux et ministériels demeurent, étant donné que les diplômes
secondaires restent peu reconnus officiellement par le MESSRS. Plusieurs étudiants
continuent de se tourner vers le réseau scolaire arabe après leur graduation. Dans le
secteur de la santé, maints centres délaissés par les ONG sont repris par des associations
locales. Reconnus par le ministère de la Santé, les responsables des centres islamiques
participent à différentes rencontres avec ce dernier et leurs activités sont davantage prises
en compte par l'État.
Au-delà des relations dans les secteurs sociaux, on remarque deux tendances
émanant des religieux envers le pouvoir politique. Leurs réactions oscillent
principalement entre l‟appui de l‟agenda du président et la critique des manœuvres du
pouvoir politique. Bien que les hauts représentants religieux semblent appuyer l‟État, par
exemple avec la JNP, cela ne les empêche pas de commenter les élections ainsi que la
volonté démocratique du président Compaoré. La presse constate aussi le rôle de plus en
plus important des religieux dans l‟espace public. Mais, malgré l'augmentation de la
capacité d'agency des religieux, nous avons démontré que le président Compaoré
conserve un fort contrôle du jeu politique.
Enfin, nous avons postulé que du point de vue des structures confessionnelles, on
perçoit des trajectoires différentes chez les catholiques et les musulmans. L‟analyse du
développement des centres sociaux et scolaires dans deux arrondissements de
Ouagadougou a permis de démontrer que les établissements des catholiques jouissent
d‟une bonne réputation auprès de l‟État, ce qui influence leur pouvoir de négociation au
sein de l‟espace public. Les structures musulmanes, plus récentes, doivent faire leur
preuve devant un gouvernement plus méfiant, ce qui marque leur volonté d‟être reconnu.
L'Église catholique et les associations musulmanes s'impliquent de différentes façons
dans les secteurs de l'éducation secondaire et de la santé. Cela se traduit aussi dans leurs
négociations avec l‟État dans les secteurs sociaux et dans l‟espace public, lieu de
discussion et de représentation.
Afin de poursuivre notre réflexion, il serait intéressant d'explorer plus de sources
écrites en provenance du milieu musulman. Nous pourrions utiliser les sermons et
discours des imams des grandes associations islamiques burkinabé et voir s'ils abordent
127
les manœuvres de l'État et comment ils en discutent. Dans un second temps, nous
pourrions davantage nous pencher sur l‟action des ONG confessionnelles, tant islamiques
que catholiques dans les secteurs de la santé et de l‟éducation. Cela nous permettrait
d‟approfondir les relations transnationales et internationales qu‟entretiennent les religieux
burkinabé et de voir comment cela influence les dynamiques religieuses au Burkina Faso.
Dans un troisième temps, il serait judicieux de corroborer nos données en étudiant une
deuxième ville, tel que Bobo-Dioulasso, pour deux raisons principales. C‟est une ville
traversée par maintes dynamiques religieuses. Elle est un foyer d‟islamisation important
au Burkina Faso, où la tendance wahhabite est particulièrement forte438
. Le diocèse de
Bobo-Dioulasso joue également un rôle important sur la scène nationale, comme nous
l‟avons démontré avec la présence par exemple de Mgr Anselme Sanon dans la vie
politique. Cette nouvelle comparaison nous permettrait de voir si les logiques
d'implantation des structures confessionnelles sont similaires dans d'autres villes,
notamment si au fil du temps les religieux optent pour les mêmes types de relations avec
l‟État et ont toujours une capacité d‟agency différentiée entre catholiques et musulmans à
l‟instar de ce qui a pu être observé à Ouagadougou.
438
Bakary Traore « Islam et politique à Bobo-Dioulasso de 1940 à 2002 », Muriel Gomez-Perez, (dir.),
L'islam politique au sud du Sahara. Identités, discours, enjeux, Paris, Karthala, 2005, p.417-444.
128
Bibliographie
Sources
A. Sources écrites
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2. Fonds d’archives publiques
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scientifique (Division des archives départementales).
-Document H2713 : Thomas Sankara, Appel de Gaoua, 17 octobre 1986.
-Document R 2650 : Ministère de l‟éducation nationale, Statistiques scolaires 1986-1987.
-Document R1504 : Journée nationale du Pardon, 30 mars 2001.
-Document R3030 : Conseil Islamique Burkinabé, El Hadj Ouedraogo, A. M. Aboubacar,
Deuxième assemblée générale ordinaire statutaire, islam et santé au Burkina Faso, 1er
avril 2004.
-Document R1364 : CERFI, Deuxième rencontre de la conférence des cadres et
intellectuels musulmans du Burkina (CCIB), 4-5 décembre 2009.
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-Document : Rapport sanitaire 2001.
-Document : Rapport sanitaire 2005.
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-Document : Ministère de la Santé, États généraux 2010, Ouagadougou, 2010.
Centre d‟Archives nationales
Fonds 7V : documents reçus et produits par les services de la Présidence du Faso (1898-
1998), versement de 2000. Textes législatifs, réglementaires, conventions, accords
(justice, environnement, agriculture, police, santé, éducation, armée, affaires étrangères).
Dossiers :
7V154 : ministère de l‟Éducation nationale : correspondance (1965-1974; 1974-1987).
129
-Document : Jean-Baptiste Sansan, « filière sésame, coton et karité », ministère de
l‟Éducation nationale aux chefs d‟établissements privés, 27 mars 1987, p. 1-3
7V454 : ministère de l‟Éducation nationale : correspondance, notes d‟information,
rapports relatifs à la réforme du système éducatif, statistiques scolaires, rapports et études
sur l‟introduction des langues nationales, situation et état du système éducatif et de
l‟alphabétisation fonctionnelle (1977-1984).
-Document : Atelier du ministère de la Défense sur l‟intolérance religieuse, mai 1995.
7V456 : ministère de l‟Éducation nationale et de la Culture : décision de répartition des
commissions d‟affectation (1960-1976), rapports d‟enseignement secondaire, supérieur,
recherche scientifique, arrêtés d‟attribution de bourses, transfert d‟élèves (1964-1994).
-Document : ministère de l‟Éducation nationale, procès-verbal, août 1983, p. 3.
7V468 : enseignement privé : synthèse.
Documents :
-UNEC, « demande de révision de la lettre […] du 14 juin 1984, du Ministre de
l‟Éducation Nationale des Arts et de la Culture au Président de l‟UNEC », 28 juin 1984.
-Emmanuel Mardia Dadiouari, « subventions à l‟enseignement privé en 1984-1985 », 6
août 1984.
-Anselme Sanon et Paul Ouédraogo, « situation de l‟enseignement privé catholique », 16
août 1984, p. 2.
-Thomas Sankara, « Demande d‟explications ».
-Compte rendu de l‟audience accordée par le camarade ministre à la commission
épiscopale de l‟éducation catholique, 17 août 1988.
-Lettre de l‟UNEC au ministre de l‟Éducation nationale, suspension de l‟accueil des
élèves affectés dans les établissements de l‟UNEC, 8 mai 1993.
-Lettre de Mgr Compaoré au Secrétaire général du Faso, 11 mai 1993.
-Rapport général d’inspection sur les établissements d’enseignement secondaires et
postsecondaires privés du Burkina Faso, juillet 1993.
-ministère de l‟Éducation de base, arrêté, 20 septembre 1995.
7V473 : Éducation nationale : correspondance, télégrammes, textes réglementaires
relatifs à l‟ouverture d‟établissements d‟enseignement privé, décisions et autorisations
d‟enseignement, télégrammes d‟État.
Documents :
-MENA, arrêté no 237/ENAC/SD, 27 juin 1983.
-Philippe Somé, Raabo […] portant attribution d‟allocations scolaires aux Établissements
privés conventionnés, 22 avril 1988.
7V485 : correspondance des communautés musulmanes au chef de l‟État, textes
réglementaires 1966-1995.
Documents :
-lettre El hadj Abdoul Salam Tiemdoré à Thomas Sankara, 13 juillet 1986.
-Imams et musulmans du Burkina au ministre de l‟Administration territoriale, 22
novembre 1988.
130
-Jean Léonard Compaoré, ministère de l‟Administration territoriale, « Réponse à la lettre
du 22 novembre 1988, confidentiel », 20 décembre 1988.
-Arrêté interministériel du MESSRS et du MEBA, 16 juillet 1991.
7V786 : ministère de la Santé : rapport annuel (1972-1973). Rapport de la 1ère
conférence
médicale Sovieto-burkinabé (mai 1988), correspondance, textes réglementaires (1985-
1995), contrôle de l‟onchocercose (guide pratique à l‟usage des médecins, 1958-1995).
Documents :
-Décret du premier ministre, 8 avril 1983.
-Roch Marc Christian Kabore à Blaise Compaoré, Lettre accompagnant un document, 5
juillet 1994.
Fonds 9V : Fonds du programme des Nations unies pour le développement (PNUD)
(1964-1996)
Dossier :
9V902 : Burkina Faso, Statistiques sanitaires 1987, rapport 1989.
-Document : Ministère de la Santé, direction des études et de la planification (DEP),
Rapport année 1987.
Fonds 11V : Fonds de la Présidence du Faso.
Dossier :
11V101 : États généraux de l‟éducation (1994), ministère de l‟Enseignement de base et
d‟alphabétisation de masse (MEBAM) 1994, BACC 1993 : résultats, grève des élèves du
Lycée Rialé à Tenkodogo 1990, quota de bourse 1990 (1990-1994).
-Document : Direction de l‟enseignement de base privé, Bilan des activités, 16 juin 1995.
Fonds 35V : Fonds du ministère de l‟Intérieur et de la sécurité « finance ». Rubrique
finance d‟une partie du fonds du ministère de l‟Intérieur versé en vrac en 1986 au Centre
des archives nationales.
Dossier :
35V6 : Zatu no 86-028/CNR/Pres du 31 juillet 1986 portant autorisation de ratification de
l‟accord général de coopération économique, technique et commerciale entre les États
membres de la Conférence islamique (1986).
-Document : Zatu signé par Thomas Sankara, 31 juillet 1986
3. Journaux439
Journal du Jeudi
« Entreprise OK Baisse de cadence ou décadence », Journal du Jeudi, 534, 13 au 19
décembre 2001.
439
Les articles de journaux sans page ont été tirés de site internet où les pages n‟étaient pas indiquées.
131
Sidwaya (1985-2010)
-Cheick Karambiri, « Élections des bureaux CDR dans les établissements secondaires de
Ouagadougou », Sidwaya, 200, 31 janvier 1985, p. 3.
-Sita Tarbagdo, « La mendicité: un phénomène social aux proportions inquiétantes »,
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-Ouma Ouedraogo, « Entreprise O. Kanazoe, Une entreprise au dessus de tout soupçon »,
Sidwaya, 339, 23 août 1985, p. 4-5.
-Serge Théophile Balima, « 5ème Sommet de la conférence islamique au Koweit »,
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-Marcelline Sama, « Le ministre de l'essor familial à propos de l'interdiction de la
mendicité: Pour plus de dignitié », Sidwaya, 730, 13 mars 1987, p. 3.
-Idrissa Nogo, « Rencontre Meba/Écoles franco-arabes: Bientôt un certificat d'études
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-Anonyme, « Les membres sont nommément connus », Sidwaya, no 3783, 11-13 juin
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-Victorien A. Sawadogo, « Enseignement arabe, bientôt un institut de langue arabe au
Burkina », Sidwaya, 3877, 26 octobre 1999, p.9
-Ferdinand Guétabamba et Trabzanga Zoungrana, « Burkina Faso: Ier anniversaire de la
journée nationale de pardon », Sidwaya, 30 mars 2002.
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mars 2010.
-Mahamadi Tiegna, « Pour que les « garibous » ne soient plus livrés à la rue », Sidwaya,
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132
L‟Observateur paalga (1991-2010)
- « Rapport sur les modalités de mise en œuvre du forum de réconciliation nationale »,
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12.
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vue côté Synter », Observateur paalga, no 3209, 16 juillet 1992, p. 1, 4 et 10.
-Jules Ouedraogo, « Medersas, la justice a tranché », Observateur paalga, no 3271, 19
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-« Selon Hadj Toumani Triandé, la communauté musulmane est incolore », Observateur
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-Mamadou Koné, « Le torchon brûle entre les sunnites », Observateur paalga, no 3848, 9
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-Mamadou Koné, « Mosquée Sunnites de Ouaga, Ils enterrent la hache de guerre »,
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-David Sidibé, « Hadj 96 aux mêmes maux, les mêmes remèdes », Observateur paalga,
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-Simon Yaméogo, « Santé, Un nouveau complexe à St-Camille », Observateur paalga,
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-Cyr Payim Ouédraogo, « Réconciliation au Burkina, Un mythe selon Mgr Anselme
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133
-Anonyme, « Les mercredis de Zoodnoma Kafando, Mgr Untaani J.-M. Compaoré à
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-Bernard Zangré, « Un chapelet de griefs contre l‟imam Sana », Observateur paalga,
6230, 20 septembre 2004.
-Damis Adama Ouédraogo, « Chez nous, Communauté musulmane Oumarou Kanazoé
reprend sa chose », Observateur paalga, 6245, 10 octobre 2004.
-Louis Nama, « Les positions ambiguës de l‟Eglise Catholique », Observateur paalga,
6415, 16 juin 2005.
-Évêques du Burkina Faso, « Message des évêques du Burkina Faso, "Votez pour celui
qui vous permettra de servir Dieu et les hommes" », Observateur paalga, 6428, 6 juillet
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-Hamidou Ouédraogo, « Chez nous, Associations islamiques du Burkina, Une seule voix,
un seul "muezzin" », Observateur paalga, 6539, 14 décembre 2005.
- Adama Ouédraogo Damiss, « Enfant musulman à l'ère des TIC », Observateur Paalga,
8 août 2008.
-Abdou Karim Sawadogo, « Droits des enfants talibés-au nom d‟Allah, il faut réformer
les écoles coraniques », Observateur paalga, 3 juin 2010.
-D. Evariste Ouédraogo, « Burkina Faso: Les évêques du Burkina chez Blaise »,
Observateur paalga, 10 juin 2010.
OTAYEK, René, Anne Marie ZOURE, Daouda DIALLO et Théodule SANKARA.
Dossier de presse sur les questions religieuses. Volume 1 : mars 1984-décembre 1990.
1995.
OTAYEK, René, Anne Marie ZOURE, Daouda DIALLO et Théodule SANKARA.
Dossier de presse sur les questions religieuses. Volume 2 : janvier 1991-décembre 1995.
1995.
B. Sources orales
Formation sur la problématique des écoles coraniques et des talibés au Burkina Faso,
conférence à la Maison du Peuple, 7 juin 2011.
Entretiens réalisés à Ouagadougou :
Avec des représentants ministériels, professeur et journaliste
-Flavien au district sanitaire de Bogodogo le 26 juillet 2011.
-Hélène au district sanitaire de Baskuy le 26 juillet 2011.
-Honoré Ouédraogo, enseignant à l‟Université Saint Thomas d‟Aquin, en juin 2011.
-Issa au ministère de la Santé le 20 juin 2011.
-Louis à la Direction de l‟enseignement privé le 9 juin 2011.
134
-Paul à la Direction de l‟enseignement privé du ministère de l‟Éducation nationale et de
l‟alphabétisation le 7 juin 2011.
-Sébastien à la Direction de l‟enseignement privé le 14 juin 2011.
-Souleymane au bureau du journal l‟Évènement le 7 juin 2011.
Avec des responsables de structures catholiques et des représentants de l‟Église
catholique
-Aissetou à l‟ancien cabinet de soins infirmiers Saint-Michel en juillet 2011.
-Catherine au CSPS Juvénat filles le 22 juin 2011.
-Céline au dispensaire Louis Goarnisson, le 27 juillet 2011.
-Dieudonné au Collège Saint-Viateur le 8 juin 2011.
-Gabriel au Collège Wend-Manegda le 21 juin 2011.
-Jean au bureau du SNEC le 6 juin 2011.
-Jules au collège technique Charles Lavigerie, le 6 juillet 2011.
-Marie au Collège de jeunes filles de Saaba le 10 juin 2011, à Saaba.
-Matimeo au centre médical Saint-Camille le 3 juin 2011.
-Michel à l‟établissement Lassalien Badenya le 13 juin 2011.
-Monique à l‟école Notre-Dame de Kologh-Naaba, juillet 2011.
-Simon au collège Saint-Jean-Baptiste de la Salle le 16 juin 2011.
Avec des responsables de structures islamiques et des représentants des associations
islamiques
-Aboubacar au Centre islamique El-Nour le 28 mai 2011.
-Abdallah à l‟Institut Cheick El Hadj Adama le 28 mai 2011.
-Ahmed au bureau de la CMBF le 3 juin 2011.
-Amadou au Bureau de l‟Union des religieux et coutumiers du Burkina contre le sida
(URCB/Sida) le 11 juillet 2011.
-Bakary à la Médersa centrale de la CMBF le 27 juin 2011.
-Habib au Centre islamique de la Patte d‟oie le 23 juin 2011.
-Ihmrane à l‟Institut Il-Ilmi en juin 2011.
-Ishem au centre de santé d‟Hamdallaye le 5 juillet 2011.
-Mélégué à l‟école franco-arabe de Zogona le 7 juillet 2011.
-Mohammed au centre de santé Ridwane en juin 2011.
-Oumarou à l‟Institut Ibn-Taimya le 28 juin 2011.
-Pierre au centre de santé Ridwane en juin 2011.
-Rodrigue au centre socio-éducatif de Dassasgo le 7 juillet 2011
-Semdé au centre socio-éducatif de Dassasgo le 27 juin 2011.
-Usama, au centre médical de l‟Agence des musulmans d‟Afrique au secteur 28 le 4
juillet 2011.
135
Bibliographie
Méthodologie
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privée béninois. Mémoire de maîtrise, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2009,
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L‟Harmattan, 2003, 341p.
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(2001), p. 171-182.
BLANCHET, Alain et Anne GOTMAN. L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Paris,
Nathan, 1992, 126p.
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Mémoire, Université de Koudougou, 2011, 90p.
I
Annexe 1
Archives du MESSRS, dossier R2650, Statistiques scolaires 1986-1987, p.16
Nota bene : voir transcription du document à la page suivante.
II
Transcription:
Enseignement secondaire général
Situation à la rentrée scolaire 1986-1987
Enseignement public Enseignement privé
Nombre d'établissements 55 collèges et lycées dont
26 à cycle complet (1er et
2e)
56 établissements dont
32 laïcs
11 catholiques
10 confessionnels
catholiques
2 protestants
1 franco-arabe
Nombre de salles de classes 581 classes dont 163 du 2e
cycle
496 (1) classes dont:
363 au laïc
66 au catholique
40 au confessionnel
catholique
27 au protestant
Effectifs des élèves 30. 261 élèves dont 8.488
filles
29.714 élèves dont 10 399
filles avec total dont filles
24590 - 8176 au laïc
3551-1339 au catholique
842 (2) - 180 au
confessionnel catholique
1332-569 au protestant
400-135 au franco-arabe
Personnel 1292 1014 non compris ceux du
confessionnel catholique
(1) Il manque les classes de 5 établissements.
(2) Il manque les élèves de 2 établissements.
III
Annexe 2
Entretien réalisé en français avec Matimeo au Centre médical Saint-Camille le 3 juin
2011 à Ouagadougou.
Pouvez-vous nous parler de votre rôle au centre?
Je suis directeur de Saint-Camille depuis 1980.
Pouvez-vous nous parler de votre centre?
Nous avons un protocole d‟accord avec le ministère de la Santé. À Saint-Camille on a été
des pionniers en 1992 et les autres centres l‟ont fait plus tard.
L‟État a institué ce secteur pour le privé. Le privé comporte deux parties, les
confessionnels non-lucratifs et le lucratif privé. L‟État tient beaucoup à superviser, à
agréer les activités du privé.
Pouvez-vous nous parler de vos relations avec les autres confessions?
Dans le secteur public/privé, tous les responsables confessionnels se rencontrent depuis 3
ou 4 ans. Mais il n‟y a pas un contexte qui donne plus de réunions que cela. Il y a le
centre protestant de Tanghin qui mène beaucoup d‟activités.
Les musulmans sont plus timides dans la santé, il y a un centre Ibn quelque chose, mais je
ne sais pas où il est. Dans le répertoire des établissements privés on voit qu‟il y a un CM
islamique et le CM d‟Ahmadiyya.
Il n‟y a pas de cadre entre les autres confessions sauf au ministère, surtout dans le
partenariat public/ privé.
Pouvez-vous nous parler de la fondation de votre centre?
Le CM Saint-Camille a été fondé en 1967, au départ c‟était un dispensaire et une
maternité. En 1980 quand je suis arrivé au centre il est devenu un centre médical. En
1992, nous sommes un des premiers centres à avoir une approche contractuelle pour
rapprocher le public et le privé.
L‟État ne peut pas tout faire et il a besoin de toutes les ressources possibles pour
améliorer la santé de la population. On ne peut pas agir n‟importe comment et pas de
façon anarchique.
Le protocole est un instrument pour rapprocher le public et le privé.
IV
Pouvez-vous nous parler de l’évolution des rapports entre le ministère de la Santé et
le centre?
De 1980 à 1992 nous avons eu de bons rapports fréquents.
Nous avons traversé la période difficile de 1983 à 1987, mais nous avions des réunions
avec le ministère de la Santé.
Saint-Camille a eu un poids fort dans la santé. L‟État ne restait pas indifférent, nous
avions des réunions avec le district sanitaire. Un partenariat existait déjà avant, on
demandait des choses à l‟État comme l‟exemption de douanes.
L‟État a proposé l‟accord. Le CM a des particularités confessionnelles, pas d‟avortement,
on prône une planification familiale naturelle. On privilégie des méthodes naturelles.
Nous sommes les premiers qui avons inspiré les autres structures sur le protocole.
On a fait un canevas à la DEP pour cela. Le ministère de la Santé a demandé à la DEP de
mettre cela sur pied.
Il y a une affectation du personnel de l‟État à Saint-Camille, c‟est environ 40 personnes
sur 200 personnes qui travaillent ici.
Pourquoi le centre a-t-il été implanté ici?
En 1966 sont arrivés les Camilliens, appelés aussi les ministres des infirmes, avec comme
vocation le service des malades. Ils ont été appelés par le cardinal Zoungrana et ils ont
fondé la paroisse de Saint-Camille. Comme nous avons un don pour le service des
malades, nous avons tout de suite ouvert un centre sanitaire.
Quels sont les autres centres importants de l’Église catholique?
Il y a Paul VI, le centre médical. Autour de la cathédrale, le père Louis-Goarnisson a
fondé le premier dispensaire catholique. Il se faisait appeler médecin des Lumières, il fut
le premier à lutter contre la cécité des Rivières. La première école d‟infirmiers a été
fondée par le Dr Blanc. L‟État a repris l‟école. Les premiers diplômés étaient à la
cathédrale.
Aujourd‟hui c‟est un orphelinat, il y a une clinique d‟ophtalmologie, un centre de
réhabilitation pour les handicapés. Ce fut le point de départ de l‟action sanitaire.
Les filles de Saint Camille ont ouvert le Juvénat filles avec un dispensaire devenu CSPS.
V
Annexe 3
Entretien réalisé en français avec Habib au Centre médical islamique de la Patte d‟Oie le
23 juin 2011 à Ouagadougou
Quelles sont les motivations de l’ouverture du centre?
L‟organisation internationale de secours d‟Arabie Saoudite a ouvert le centre en 1984. Le
centre est à vocation sociale, consultations, examens, tout était gratuit au début. Il y avait
quatre centres dont Bobo, Ouahigouya, Ridwane. Le centre était dédié à la promotion de
la santé, presque tout était gratuit. Il y a 10 ans, il y a eu une baisse de subventions, puis
une absence de subventions pour que le centre puisse vivre.
Les tarifs sont bien étudiés pour le social, une consultation médicale coûte 200 FCFA.
C‟est au-deçà du prix du public. On offre les mêmes produits qu‟au public : consultation,
médecine générale, médecins, soins infirmiers, injections, pansement, service de
laboratoire pour des analyses médicales, dépôt pharmaceutique. On fait aussi de
l‟animation avec un organisme, des causeries, débats pour la sensibilisation sur le
paludisme, la méningite, la planification familiale. On fait ça avec les autres organismes
de la société civile.
Pouvez-vous nous parler de vos relations avec le ministère de la Santé?
Depuis que je suis là, on participe aux rencontres au district de Bogodogo. On n‟a pas de
relations directes avec le ministère. On fait la campagne de vaccination et prévention du
ministère. On fournit les rapports sur nos activités au district. Ils nous donnent par
exemple des moustiquaires pour les donner. Il n‟y a pas de personnel de l‟État ici. 10
personnes travaillent ici au total.
Avez-vous été formé ici?
J‟ai été formé au Burkina Faso, puis j‟ai eu le choix d‟aller au public ou au privé.
Comment votre centre a-t-il évolué depuis les dernières années?
Le centre est très fréquenté et a été un des premiers. En moyenne on a 30 patients par
jour, de 700 à 1000 personnes par mois.
Pour l‟avenir si on n‟a pas de subventions, ça peut mourir, si on n‟a pas un bon
responsable. On n‟a pas de subventions, ni des organisations internationales, ni de l‟État.
C‟est un centre social autonome.
VI
Pouvez-vous nous parler de vos relations avec les autres confessions en santé?
Il n‟y a pas de relations entre les structures islamiques, Ridwane et Hamdallaye ont déjà
été gérés par la même personne.
Ici c‟est un centre de la CMBF. Il n‟y a pas d‟échanges entre les structures en dehors du
ministère. On voit la direction du centre pour les autres trucs. L‟organisme de donne plus
à la santé.
Est-ce qu’ils dirigent encore?
Ce sont encore les directeurs du centre. Ils imposent des mesures. Ils ont la mainmise
même s‟il n‟y a plus de financement. Ça fait 10 ans que nous travaillons sans
financement de l‟ONG.
VII
Annexe 4
Cheick Karambiri, « Élections des bureaux CDR dans les établissements secondaires de
Ouagadougou », Sidwaya, 200, 31 janvier 1985, p. 3.
Commencées depuis mardi dernier, les élections des bureaux CDR au niveau des
établissements secondaires se poursuivent toujours à Ouagadougou. Si dans certain cas
ces élections se déroulent dans un esprit révolutionnaire, les élèves d‟autres
établissements font preuve d‟indiscipline et d‟irresponsabilité.
Ainsi hier à Kologh-Naaba, le comportement de certains camarades laissait à désirer du
fait de cette indiscipline caractérisée. Pis encore, une camarade qui avait été proposée à
un poste a catégoriquement refusé toute responsabilité, allant jusqu‟à laisser entendre que
la révolution, ce n‟est pas son affaire. Une telle attitude montre le manque de conscience
politique dans certain de nos établissements d‟enseignement général et technique.
Par contre au Lycée municipal, les élèves étaient très disciplinés, conséquents et
conscients. Chaque candidat proposé était aussitôt « examiné à la loupe » par les
camarades. Des preuves n‟ont pas manqué pour appuyer ou disqualifier des candidats
selon leur conduite et leur moralité. C‟est ainsi que le camarade Nourdine Nakro s‟est vu
rejeté par l‟assemblée pour indiscipline en classe vis-à-vis de professeurs. Le camarade
Ain Ilboudo a vraiment fait preuve de zèle lors de ces élections. Ancien élève du Lycée
municipal et connaissant mieux l‟établissement, il a su s‟imposer aux fauteurs de trouble
en le ramenant à l‟ordre. Tel a été le cas du camarade Nérègma Zoungrana, élu délégué à
l‟information qui s‟est vu démis de son poste pour avoir voulu apporter un faux
témoignage sur la camarade Marie Laure Bouda, une des candidates.
Voici les résultats provisoires retenus au niveau de ces deux établissements.
Kologh-Naaba
-Déléguée générale : Traoré Bintou
-Déléguée à la formation politique : Kaboré Edith Monique
Lycée Philippe : Zinda Kaboré
-Lycée Montaigne
-Centre Austro-Burkinabé
-Saint-Andréas
-Collège Wend-Manegda
-Institut National de la jeunesse et des sports
-Collège Oubri
Le programme du 31 janvier 85
De 14h30 à 17h30
VIII
-UPA
-ECR
-Saint-Jean
-Collège Oumar Ben Abdel Aziz
-Collège Lavigerie
-Lycée Polyvalent
-École de Kamboinsin
-Information et propagande : Tioyé Nathalaie
-Activités Socio-économiques : Kinda Evelyne
-Sportives et culturelles : Zemba Eléonore
-À la sécurité : Kafando Roch Reine Marie
-Trésorière : Nagnaba Léonie.
Lycée municipal :
-Délégué général : Kaboré Aita Mamadou
-Formation politique : Kima Clément
-Information et propagande : Nongnagma Charlemagne
-Activités socio-économiques : Hema Claude Valère
-Sportives et culturelles : Sawadogo Marou
-À la sécurité, formation militaire et civile : Ouattara Sophie
-Trésorière : Bouda Aline Marie Laure.
Cheick Karambiri
IX
Annexe 5
CAN 7V468 lettre de Thomas Sankara au ministre de l‟Éducation nationale
Nota bene: voir transcription du document à la page suivante.
X
Transcription:
Urgent
no. 640243/CNR/FREG
Confidentiel
Camarade ministre de l'Éducation nationale, des Arts et de la Culture
Objet: Demande d'explication
Réf: V/ Lettre no. 04833/ENAC/CAB du 6 août 1984 et V arrêté no. 48/ENAC/CAB du 6
août 1984.
Ouagadougou
Je vous saurai gré des explications que vous voudrez bien me faire parvenir dans
les meilleurs délais, concernant votre décision d'arrêter, sans l'accord du Gouvernement,
les subventions à l'Enseignement Privé en 1984-1985 ainsi que l'arrêté no 48/ENAC/CAB
dont la teneur devait être discutée au Conseil des ministres,
La Patrie ou la mort, nous vaincrons!
Capitaine Thomas Sankara
XI
Annexe 6
Archives de l‟UNEC (non classés), dossier 1981-1983 divers, document : Union
nationale des établissements catholiques, Assemblée extraordinaire du 12/07/1987, p.2
Transcription:
Un tour de table devrait permettre aux différents Chefs d'établissements présents de faire
part des réactions des élèves, de parents d'élèves et de certains autorités.
Dans l'ensemble on a plutôt concerté une absence de représentations, l'information n'a pas
été très diffusée. Pour des réactions recueillies, les parents d'élèves sont plutôt favorables,
l'UNEC plus autonome est préférable.
Pour ceux qui ont pu échanger, il en ressort qu'avec cette mesure la liberté
d'enseignement est fort menacée, les pauvres n'auront plus cette possibilité de s'inscrire
chez nous.
Concernant la qualité, dans un premier temps nous devrons nous contenter des résidus, un
aspect à ne pas négliger aussi. Le président est revenu sur le problème des pauvres pour
inviter l'assemblée d'y réfléchir davantage.
Mgr COMPAORÉ dans sa deuxième intervention devait se demander pourquoi une telle
décision de la part du gouvernement. Un régime marxiste n'entend pas subventionner nos
établissements.
Pourquoi une telle décision? La réponse n'est pas facile: aucune information ne filtre du
côté du gouvernement; une politique de désinformation n'est pas à écarter.
Une telle décision a certainement un objectif à long terme : « nous supprimer ».
Que faire devant de tels constats? Il faut un recrutement. Pour certains établissements la
tâche ne sera pas facile: l'exemple de Ouahigouya où pour l'année 86-87 le recrutement a
été étalé jusqu'en novembre.
Malgré les différentes difficultés on recrutera pour les classes de 6ème et de 2nde, on fera
l'évaluation une année après.
Que faire si l'État revenait sur sa décision. Pour éviter d'ouvrir un conflit, on reprendra les
élèves, mais ils seront informés de notre organisation interne. On saisira également
l'occasion pour exiger un minimum de garantie.
Mgr COMPAORE a fait constater que depuis 69 il n'y a aucune situation claire, nous
sommes les Jouets de différents régimes, pour la conférence il faut trouver une position
XII
nette, d'accord pour le service mais nous ne devrions pas oublier l'idée de pouvoir enfin
nous organiser, prendre nos responsabilités, il faut absolument lever l'ambigüité.
Pour Mgr Marius, il nous faut devenir un partenaire de poids, nous ne sommes qu'un
partenaire de qualité.
En réponse aux Évêques, le président devait souligner que nous ne sommes pas un
partenaire de poids, nous sommes un partenaire dangereux. On est d'accord pour une
organisation, seulement certaines tentatives timides n'ont pas trouvé longue vie. Notre
attitude de souplesse n'est pas celle d'un faible.
Proposition concrète: Rédiger une lettre pour signaler les difficultés que rencontre le
technique qui fonctionne grâce à la solidarité qui est une réalité au sens de l'UNEC.
XIII
Annexe 7
Entretien avec réalisé avec Jean au Secrétariat national de l‟éducation catholique (SNEC)
le 6 juin 2011 à Ouagadougou.
Pouvez-vous nous dresser un bilan de l’éducation secondaire catholique de la ville?
Dans le diocèse, il y a quatre établissements d‟enseignement technique et 15
d‟enseignement général. Pour les établissements secondaires, les plus importants peuvent
avoir 1500 élèves, par exemple à Sainte-Monique à Koudougou. À Bobo aussi, il y a
d‟importants établissements.
Quels sont les étapes pour ouvrir un établissement?
Pour les établissements catholiques, il y a deux niveaux. D‟abord, les religieux et
religieuses doivent avoir l‟accord de l‟évêque. Par la suite au niveau administratif, c‟est
la même procédure que tous les autres établissements privés. Il y a deux aspects, d‟abord
l‟aspect « infrastructures et technique », il faut répondre aux normes telles que l‟espace,
l‟hygiène, la zone. Il faut avoir l‟avis favorable des services compétents.
Il y a ensuite l‟aspect pédagogique où il y a aussi deux niveaux. Le chef d‟établissement
doit remplir certaines conditions. Il doit avoir enseigné trois ans et avoir un diplôme
universitaire pour diriger le premier cycle. Pour diriger un second cycle il faut une
autorisation d‟enseigner d‟au moins cinq ans et une licence universitaire. Il faut aussi un
certificat de nationalité ou une carte de visite. Les chefs d‟établissements ne sont pas
nécessairement burkinabé.
Au niveau pédagogique, il faut aussi fournir une liste de professeurs identifiés. Pour
enseigner, ils doivent avoir l‟autorisation d‟enseigner dans la discipline. Il y a les
permanents et les vacataires.
Pourquoi le ministère analyse t’il la zone?
S‟il y a un débit de boisson par exemple, à côté ce n‟est pas possible de construire une
école.
Combien y a-t-il d’élèves catholiques et non-catholiques?
Pour 2010-2011 par exemple, selon les statistiques du secondaire, il y a 66,67% de
garçons catholiques, 62, 63% de filles catholiques, 28,21 filles musulmanes, 23, 71 % de
garçons musulmans, 7,97% de filles protestantes, 8,06% de garçons, 1,50% de garçons
non spécifiés et 1,19% de filles.
XIV
Pouvez-vous nous parler de vos relations avec le ministère?
La première convention en 2004 a été relue en 2009. Avant 2004, il n‟y avait pas de
convention, mais on travaillait avec l‟État. Les rapports ont été concrétisés par cet arrêté
ministériel. La convention sert à bien définir les relations que les uns et les autres ont.
Quels sont les grands thèmes de la convention?
La convention règle deux domaines et couvre l‟enseignement primaire et secondaire.
Pour l‟enseignement primaire, la carrière des enseignants catholiques est prise en compte,
les enseignants catholiques peuvent évoluer vers des évaluateurs ou des instituteurs
principaux. L‟enseignement catholique peut aussi disposer du personnel d‟encadrement.
Au niveau des finances, il y a une prise en charge des écoles primaires à 60% par l‟État.
L‟enseignement catholique a la possibilité d‟avoir des enseignants publics payés par
l‟État.
Pour l‟enseignement secondaire, nous avons la possibilité d‟affectation des élèves admis
au concours d‟entrée dans leurs collèges. Au certificat du BEPC, il y a un classement des
meilleurs élèves. Ils sont affectés au public ou dans leur établissement. L‟État assure les
frais de scolarité de ces élèves. Au secondaire, les professeurs ne sont pas pris en charge
par l‟État. Les professeurs de l‟État sont mis à notre disposition. L‟État accuse un déficit
énorme, mais le cadre juridique est là.
Les examens de fin du secondaire comme ceux du primaire sont pris en charge par l‟État.
Certains professeurs catholiques sont désignés par l‟État pour corriger les examens.
Remarquez-vous des évolutions dans vos relations depuis les années 1980?
Les rapports de manière générale ont été bons. Jusqu‟à un passé récent, il y avait juste
les catholiques et les protestants conventionnés avec l‟État. Les protestants sont peu
nombreux.
Il y a eu des difficultés au moment de la révolution en 1983, avec des hauts et des bas.
L‟État a refusé d‟envoyer des élèves affectés dans nos établissements. Ce fut une période
plus difficile avec le ministère. Cela s‟est ressenti au niveau de la prise en charge des
élèves affectés. Il y a eu des difficultés jusqu‟en 1987.
Le régime ne reprochait rien explicitement, mais émettait des réflexions pour
démocratiser l‟école, alors qu‟ils donnaient l‟école moins cher…C‟était difficile quand
même. Il y a eu beaucoup de changements au ministère. D‟abord, juste après le BEPC
tous les élèves affectés allaient dans les écoles publiques. L‟année d‟après le ministère a
changé d‟avis. Leur idéologie n‟était pas bien arrêtée. Ils traînaient les pieds pour honorer
XV
l‟argent. Il y avait un manque de 130 millions de FCFA à gagner. Le ministre Mélégué a
résolu le problème.
Qu’en est-il des relations interconfessionnelles?
Il existe un cadre officiel, un outil de concertation créé par l‟État qui réunit tous les
responsables des écoles privées. Cette concertation réunit le groupe des écoles coraniques
et franco-arabes, la fédération des écoles protestantes, l‟Union des établissements privés
non confessionnel, l‟enseignement catholique. Deux fois par année, on est convié à des
échanges. Ce cadre aurait été mis sur pied entre 1985 et 1987. Depuis deux ans, il existe
aussi l‟association des promoteurs des établissements privés.
Quel est le rôle du Secrétariat national de l’éducation catholique par rapport aux
établissements?
Il a un rôle de coordination, de représentation auprès de l‟État et des partenaires
extérieurs. Nous formons aussi les enseignants et les cadres. Je suis en poste depuis 14
ans.
XVI
Annexe 8
Simon Yaméogo, « Un nouveau complexe à Sainte-Camille », Observateur paalga, 2
avril 1997, no. 4378, p.2.
Nota bene : voir transcription du document plus bas.
Transcription :
Santé
Un nouveau complexe à Saint-Camille
Le Centre médical Saint-Camille a inauguré ses nouvelles salles d‟accouchement et
d‟hospitalisation le lundi 31 mars dernier. Les nouvelles infrastructures ont coûté
250.000.00 FCFA. Elles ont été dédiées au révérend père Pascal Del Zingaro, décédé le
25 mars 1996 à Rome. La cérémonie a été présidée par le ministère de la Santé,
Christophe Dabiré. On y a noté la présence du cardinal Paul Zoungrana, de l‟archevêque
Jean-Marie Compaoré, de monseigneur Wenceslas Compaoré, du père Jacques Simporé,
délégué provincial des Camiliens. Il y avait également le maire de la ville de
Ouagadougou, Simon Compaoré, le représentant de l‟ambassadeur d‟Italie et de
nombreuses autorités politiques, administratives, coutumières et religieuses.
XVII
« Cette année est passée comme un chapitre de lecture. Tandis que j‟écris en ces vêpres
de 1967, j‟entends des voix d‟enfants qui jouent, des pleurs d‟enfants qui attendent d‟être
soignés et des voix d‟hommes qui attendent devant les bureaux de la paroisse. Toutes ces
voix se confondent dans un unique concert : le concert de la vie. Et nous avons passé une
année avec eux, nous comprenons toujours mieux l‟exigence d‟être toujours plus liés au
verbe de la vie pour que tout le monde ait la vie et l‟abondance ».
Ainsi s‟exprimait le père Pascal Del Zingaro au soir du 31 décembre 1967. C‟est lui qui a
fondé la mission camillienne au Burkina en 1966. Grâce à lui, la paroisse de Saint-
Camille, le juvénat Saint-Camille, la première partie des constructions du centre médical
Saint-Camille et les dispensaires de Kossyam et de Boulbi virent le jour. Le père Pascal
fut un missionnaire intrépide. Venu au Burkina Faso à la fleur de l‟âge à 33 ans, il s‟est
donné totalement et sans réserve pour la cause de l‟évangile et la promotion intégrale de
l‟homme.
Depuis les années 1990, la maternité Saint-Camille a connu une augmentation de la
fréquentation. De 5000 accouchements en 1989, on en est passé à 9 000 en 1995. Chaque
jour, la maternité enregistrait 27 à 30 accouchements, alors qu‟elle avait une capacité de
45 lits. La moitié des femmes occupaient les couloirs de la maternité, couchées à même le
sol. Cet état de fait n‟empêchait pas l‟affluence des femmes. Face à cela, la communauté
camillienne a décidé de mobiliser des ressources et de faire appel aux amis et bienfaiteurs
pour doubler les capacités d‟accueil. L‟appel a été lancé en fin 1995 et des bonnes
volontés ont répondu. Ce sont :
- les Camiliens de Rome et d‟Allemagne pour le gros œuvre ;
-la caritas italienne, le Dr Silvio Selle, chirurgien dentiste italien et la caritas de Grosserto
en la personne du père Umberto pour l‟équipement;
- un groupe de jeunes architectes italiens dirigés par Mme Eugenia Iscaro, s‟est chargé de
réaliser gratuitement les plans d‟exécution dans les moindres détails.
Les nouvelles structures comprennent un nouveau bloc, des salles d‟accouchement avec 4
tables d‟accouchement, une salle d‟accueil, des salles de travail, un post partum et une
cuisine. Pour un total de 276 m2 couverts et une valeur, y compris l‟équipement de
150 000 000 FCFA. Les nouvelles salles d‟hospitalisation ont une capacité de 50 lits,
pour un total de 700 m2 couverts et une valeur de 100 000 000 FCFA. Le directeur du
centre, le père Salvatore Pignatelli a souhaité que la collaboration avec l‟État,
commencée dès la fondation du centre, puisse continuer harmonieusement. Ceci dans un
même désir de contribuer à l‟amélioration de la santé de la population. Pour Mme
Angéline Sawadogo, représentant le personnel, la maternité a enregistré en 1996, 8719
naissances, 10 339 hospitalisations, 6567 femmes en consultation prénatale et
nourrissons : 24 279 enfants ont été pesés. Sur un total de 150 agents, le personnel de
XVIII
l‟État se chiffre à 29. Face aux nombreuses sollicitations, on note une insuffisance de
personnel. C‟est pourquoi, elle a notifié cela au ministère de la Santé.
Quant au ministre Christophe Dabiré, il s‟est réjoui de la collaboration exemplaire et du
partenariat soutenu entre le ministère de la Santé. La délégation camillienne du Burkina
les a par ailleurs assurés du soutien constant de son département. Le père Jacques
Simporé a exhorté les travailleurs du centre à faire un pas en avant. « Faites de ce centre,
a t-t‟il poursuivi, un modèle de soins, de solidarité et de professionnalité pour le Burkina.
Puisse Saint-Camille, protecteur universel des malades et du personnel sanitaire, nous
infuser son esprit pour nous devenions chaque jour davantage, des acteurs de la charité,
totalement dévoués à la promotion de la santé humaine ».
Ces nouvelles infrastructures qui, sans la participation gracieuse des uns et des autres
auraient coûté des milliards, contribueront à n‟en pas douter, à dispenser à la population
des soins de qualité.
Simon Yaméogo.
XIX
Annexe 9
Entretien réalisé en français avec Abdallah à l‟institut Cheick El Hadj Adama à
Ouagadougou le 2 mai 2011
Pouvez-vous nous parler de votre établissement?
L‟institut a été créé en 1998. On offre un enseignement de base, primaire et secondaire.
Je suis le fondateur. Il s‟agit d‟une école coranique transformée en école franco-arabe.
Nous avons été reconnus en 2007 et nous suivons le programme officiel du ministère.
Nous enseignons en arabe et en français, mais le français domine l‟arabe. On passe les
examens du ministère, le BEPC.
Pourquoi avez-vous décidé de fonder un établissement ici?
On voulait récupérer les enfants qui n‟ont pas accès au public. On voulait améliorer les
conditions d‟enseignement, les garibous n‟honorent pas la religion. Ils peuvent acquérir
le savoir dans de bonnes conditions. Les écoles coraniques ne sont pas pédagogiques.
L‟école franco-arabe est plus pédagogique, elle perfectionne les enfants.
Combien y a-t-il d’enfants?
À l‟école, il y a 650 enfants primaire, secondaire.
Est-ce que vous avez des enfants catholiques inscrits?
Les catholiques qui s‟inscrivent apprennent seulement le français. Dans la classe de 6e il
y a un mélange de catholiques et de musulmans.
Quels sont vos relations avec le ministère de l’Éducation?
On suit un programme d‟enseignement en français et en arabe.
Chaque début d‟année le programme, ce qu‟on doit enseigner, est soumis à l‟inspectrice
de circonscription. On enseigne selon le programme national. Nous avons une forte
relation avec le ministère de l‟Enseignement de base.
La fin du primaire est sanctionnée par le MEBA. Le certificat est parrainé par le MEBA.
Le sujet est décidé ici, mais le diplôme est signé par le MEBA.
Nous avons fait des démarches pour recevoir une convention, qui n‟est pas encore
effective, mais on travaille ensemble. Avant, il n‟y avait pas de diplôme unique. En 1993,
une loi instituait les diplômes. On se bat pour que les gens avec les diplômes franco-
arabes puissent postuler dans la fonction publique.
XX
Quelles sont vos relations avec le ministère de l’Enseignement secondaire?
Un organisme parraine le BACC arabe. Le BACC est séparé.
Y-a-t’il des évolutions dans vos relations avec le ministère depuis les années 1980?
En 1980, le ministère offrait des manuels pour l‟enseignement, des outils de travail. Nous
sommes maintenant mieux considérés. Nous sommes invités aux réunions. En 1980, les
écoles franco-arabes n‟étaient pas reconnues. Dans les séminaires, les colloques, nous
sommes invités.
Pourquoi ce changement?
On a une organisation par la fédération. Ça prend une structure pour vous faire
reconnaître. En 2008, la Fédération de l‟enseignement franco-arabe est née, donc
reconnue comme les autres. On travaille sur la convention avec le gouvernement.
Lorsque les bourses étrangères sont reçues par le gouvernement, les bourses arabes par
exemple, ils vont nous voir.
Nous voulons la collaboration du ministère pour organiser l‟examen et prendre en charge
les frais. Dans les écoles françaises tout est organisé par le ministère. Nous récupérons les
enfants qui sinon seraient dans la rue. Ça coûte 12 500 FCFA par année. Les parents
n‟arrivent pas à payer. Avec la cantine, que l‟école supporte, ça devient presque une
œuvre de bienfaisance. On manque de fonds et de moyens. Je prends une charge
financière et l‟État est plus ou moins sensible.
En 1980-1990, il n‟y avait pas de répondant dans les colloques, nous n‟étions pas écoutés
et considérés.
Pouvez-vus nous parler des relations que vous avez avec les autres confessions?
Avec les laïcs et les protestants, on va se réunir. Les écoles franco-arabes et catholiques
se complètent. Dans la circonscription d‟Éducation de base, tout le monde donne un
rapport en début et en fin d‟année. Il y a une homogénéité entre les religions.
Avez-vous des projets avec les catholiques?
L‟an passé, il y a eu une réunion de religieux au ministère pour échanger. C‟est ça l‟esprit
de création de la fédération. La religion catholique à ça, les musulmans ont fait ça pour
qu‟on soit reconnu comme ça. Il n‟y a pas de problème entre les religions.
Pouvez-vous nous parler du Conseil supérieur des médersas?
Le Conseil Supérieur des médersas a pour rôle de concevoir et d‟entériner le programme.
La Fédération des écoles franco-arabe a pour rôle de grouper l‟enseignement arabe, les
XXI
exécutants, les revendications. Il s‟agit d‟une structure commune. Le conseil supérieur est
un conseil des sages. On travaille en étroite collaboration. Le CSM s‟occupe aussi de la
soutenance des mémoires pour les universités arabe. La Fédération cordonne les activités.
Depuis combien de temps travaillez-vous en enseignement?
Je travaille en enseignement depuis plus de trente ans. J‟ai commencé à enseigner dans
les années 1990. Je suis le créateur et j‟enseigne dans l‟école.
XXII
Annexe 10
Entretien réalisé en mooré avec Oumarou à l‟Institut Ibn Taimya le 28 juin 2011 à
Ouagadougou. (L‟entretien a été traduit par Aïssetou Sawadogo)
Pouvez-vous nous parler un peu de votre école?
Nous offrons le secondaire.
Combien avez-vous d’élèves?
Nous avons 6 classes et 550 élèves.
Quelles matières enseignez-vous?
Géographie, histoire, anglais, français, mathématique et les études religieuses. Les cours
sont en arabe et on donne les cours de français et d‟anglais.
Depuis quand êtes vous en poste?
Ça fait deux ans que je suis le directeur.
Quand l’école a-t-elle été fondée?
L‟école a été fondée en 1983 à la mosquée, on apprenait l‟arabe aux enfants, puis on a
institutionnalisé ici. On est installé ici depuis 15 ans.
Est-ce qu’il y a d’autres écoles rattachées au Mouvement sunnite?
Au secteur 19 et au secteur 17 à Pissy.
Au début c‟était juste religieux, nous n‟avions pas de sciences, ils essayaient de donner le
programme de l‟école classique.
Que font les élèves après leur formation?
Ils vont vers l‟Égypte, la Lybie, l‟Arabie Saoudite. Je voudrais qu‟ils apprennent un
métier, qu‟on fasse un espace pour les métiers. Maintenant, il y a une université
islamique à Ouagadougou, sinon ils partent en Lybie, en Égypte, en Arabie. Certains
passent les concours de l‟État. Les élèves se présentent comme candidats libres pour faire
les examens de l‟État comme le BEPC et le BACC puis le concours après pour la
fonction publique.
Pouvez-vous nous parler de vos relations ave le ministère de l’Enseignement?
Le ministère nous invite à participer à des réunions. Aujourd‟hui le processus change,
nous voulons changer, de notre programme pour le programme de l‟État.
XXIII
Pourquoi avoir pris cette décision?
Avant on avait 12 heures de français par semaine. Le ministère veut que le français
atteigne 60% par semaine. C‟est un grand changement. Nous sommes d‟accord avec les
plans du ministère, ça va avantager les élèves à la recherche d‟emplois.
Est-ce que vos relations ont évolué avec le ministère depuis l’ouverture?
Il y a eu un renforcement des liens, avant avec l‟école islamique il n‟y avait pas
d‟enseignement français.
C‟est difficile, les médersas ont lutté pour leur reconnaissance. Les médersas ont été
instituées pour diminuer le nombre de talibés. Le français améliorait l‟éducation des
enfants.
Quels sont vos relations les autres établissements religieux?
On les rencontre seulement lors d‟organisation de séminaires, que les soit les écoles
franco-arabes et les autres confessions.
XXIV
Annexe 11
Jules Ouedraogo, « Medersas, la justice a tranché », Observateur paalga, no 3271, 19
octobre 1992, p. 1, 7 et 8. Tiré de René Otayek, Anne Marie Zoure, Daouda Diallo et
Théodule Sankara, Dossier de presse sur les questions religieuses, Volume 2 : janvier
1991-décembre 1995, 1995.
Médersas, la justice a tranché
Une rentrée scolaire 1992-1993 a débuté depuis le 1er
octobre, mais au niveau de la
Communauté musulmane, elle n‟était pas encore effective. En effet, les quatre médersas
relevant de son autorité sont restées fermées jusqu‟à ce jour à cause de dissensions entre
certains membres de la Communauté et le Bureau exécutif.
De quoi s‟agit-il au juste? El Hadj Toumani Triandé, président de la Communauté
musulmane du Burkina Faso nous fait la genèse d‟une affaire qui remonte à août 1983.
La rentrée scolaire 1992-1993 est maintenant effective mais on constate que les médersas
n‟ont pas encore ouvert leurs portes. Peut-on savoir pourquoi?
El Hadj Triandé : Une précision s‟impose d‟abord : la fermeture ne concerne pas toutes
les médersas, mais les médersas relevant de la communauté musulmane du Burkina Faso.
En fait, presque toutes les associations islamiques du pays ont leurs médersas, donc celles
qui sont actuellement fermées sont celles relevant de l‟autorité de la communauté
musulmane. Pourquoi maintenant celles-ci sont-elles fermées? Pour comprendre le
problème, il faut remonter un peu l‟histoire. L‟article 4 des statuts de la communauté
stipule que l‟un des objectifs prioritaires de la communauté est de favoriser l‟implantation
d‟écoles sur le territoire national et notamment des médersas. Cet objectif ne met pas en
cause l‟existence des écoles coraniques, mais dans l‟entendement de la communauté
musulmane, étant donné les limites de ces écoles, il fallait créer d‟autres structures aux
possibilités larges et c‟est pourquoi nous avions pensé que les médersas étaient plus
indiquées pour asseoir un véritable enseignement islamique au Burkina Faso. Il n‟y a pas
de comparaison possible entre une école coranique et une médersa, car la différence est
très grande.
L‟école coranique est une école à mémoire. L‟enfant apprend le Coran par cœur, ce n‟est
que plus tard qu‟il va apprendre à écrire les arabesques et à traduire. Voyez le temps que
cela prend, alors que dans les médersas, au bout d‟une année scolaire, l‟enfant sait déjà
lire et écrire, comme dans les écoles classiques.
Les médersas sont donc des écoles véritablement scientifiques et modernes. Il y a encore
une différence, dans les écoles coraniques, l‟éducation islamique est très accentuée, ferme
et rigoureuse, alors que dans les médersas, l‟éducation est beaucoup plus relax, mais nous
XXV
le répétons, les avantages qu‟offrent les médersas ne sont même pas à comparer avec
ceux des écoles coraniques.
Dès l‟avènement de la communauté musulmane au Burkina Faso, nous avons aussitôt
implanté des médersas, mais cela a soulevé un tollé parmi les conservateurs, c‟est-à-dire
les promoteurs d‟écoles coraniques. On disait à l‟époque que les médersas étaient des
écoles de Satan. La vérité c‟est que nos détracteurs croyaient qu‟en instituant les
médersas, nous demandions la suppression des écoles coraniques, et nous, nous disions
que ce sont deux choses indispensables et complémentaires.
Ce n‟est que plus tard que les gens ont compris les avantages qu‟offraient les médersas,
car les premiers universitaires arabophones actuels sont sortis de nos médersas et non pas
des écoles coraniques. C‟est pourquoi le gouvernement voyant le travail accompli par les
médersas a organisé un séminaire pour susciter une nouvelle dynamique afin que toutes
les médersas appliquant à l‟échelon national un même programme, suivent les mêmes
textes.
Après le boum des médersas que nous est-il arrivé?
En 1983, nous nous sommes retrouvés devant un dilemme. La révolution avec toutes ces
exceptions, et tout ce que nous avons connu n‟a pas épargné non plus la communauté
musulmane. C‟est ainsi que des gens à courte vue ont voulu suivre la révolution telle
qu‟elle se présentait. C‟était leur droit après tout. Mais là où le bât blesse c‟est qu‟ils
avaient exigé que la révolution aille jusque dans les mosquées. C‟est ainsi qu‟ils avaient
institué des CDR dans les mosquées, dans les médersas etc. J‟ai alors dit non. Il a fallu
l‟aide de Dieu pour que nous survivions. Je ne vais pas vous raconter toutes les
périphéries de cette affaire, mais vous avez dû apprendre qu‟au temps du CNR, nous
avons été enfermés au palais pendant 24 heures, mais cela ne nous a pas empêché de dire
non. Nous l‟avons dit, nous ne sommes pas des anti-révolutionnaires, mais nous voulons
seulement la part des choses, nous ne voulons pas amalgamer politique et religion. Voilà
comment nous voyions la chose, c‟est tout. Malgré toutes nos remarques, protestations,
on n‟a pas voulu nous entendre. Certaines personnes sont donc arrivées à instaurer des
CDR des élèves, des enseignants au sein de nos médersas. À partir de 1988, alors à notre
corps défendant, on a changé le personnel enseignant que nous avions, des parents ont
retiré leurs enfants de nos écoles. De 8000 élèves que comptaient nos quatre médersas, il
ne reste en 1992 qu‟un effectif de 500 élèves.
Aujourd‟hui, l‟enseignement dans nos médersas est tombé à son plus bas niveau. Nous ne
savons plus ce qu‟on y enseigne là-bas et quel programme on applique. On fabrique et on
délivre des diplômes n‟importe comment : BEPC arabe, Bac arabe etc. alors que nous
nous disons qu‟il faut aller par étape.
XXVI
Devant cette situation comment la communauté musulmane propriétaire légale des
médersas peut-elle se taire? Bien des fois lorsque nous avions voulu régler nos différents
au ministère de l‟Administration territoriale, on nous renvoyait en nous disant de trancher
nous-mêmes nos problèmes. De 1983 à nos jours nous nous sommes donc battus et
l‟affaire vient d‟être régler, il y a dix jours seulement. Et qui était à la tête de cette
affaire? Le fils du grand imam Tiemtoré Mahamoudou, aidé par d‟autres personnes. Nous
avons donc vécu un calvaire, mais Dieu merci, la vérité divine finit toujours par
triompher et c‟est ainsi que de l‟État d‟exception, nous sommes aujourd‟hui dans un État
de droit. Et nous nous sommes dit qu‟il fallait maintenant voir les choses. Pour ma part,
en tant que président national de la communauté musulmane, je me suis toujours refusé à
trainer un frère musulman en justice. J‟ai préféré toujours régler nos différents par la voie
islamique, mais ceux de l‟autre côté n‟avait pas cet entendement. Le conseil exécutif m‟a
récemment mis devant des responsabilités en me demandant de traduire nos différents
devant la justice. Voilà comment nous avons été obligés de porter l‟affaire devant le
procureur de la République et la chose s‟est réglée.
Auparavant les médersas étaient ouvertes, mais ayant porté l‟affaire en justice, nous
avons passé un communiqué invitant les parents d‟élèves à n‟inscrire leurs enfants
qu‟après le 15 octobre pour des raisons d‟organisation administrative et pédagogique.
-En clair El hadj, ce sont donc ces seules raisons qui vous ont amené à fermer les portes
de vos mérdarsas? [sic]
El hadj Triandé. C‟est cela. Ce sont uniquement pour des raisons administratives et
pédagogiques que nous avons fermé nos écoles.
-De quelle affaire s‟agissait-il au juste?
Il semble que vous ne me suiviez pas. Il s'agit d'un groupe de personnes qui a récupéré les
médersas et qui les ont gérées de 83 à maintenant, excluant tout droit de regard de la
communauté musulmane. Nous avons actuellement récupéré toutes les clés des quatre
médersas. Le problème est donc totalement réglé.
- À quand maintenant l‟ouverture des salles de classes?
El hadj Triandé. Quand? Nous ne pouvons pas pour l‟instant vous le dire, car les
médersas ne remplissaient pas toutes les conditions administratives. Maintenant qu‟il y a
un ministère de l‟Enseignement privé, il faut que les médersas se régularisent qu‟elles
aient une autorisation officielle d‟existence. Il faut que les enseignants aient des
autorisations d‟enseigner.
Il y a également le problème des programmes d‟enseignement. Après le séminaire sur les
médersas organisé par le gouvernement, on a la possibilité de choisir entre trois types de
XXVII
médersas. On peut avoir une médersa à dominante français et l‟arabe comme deuxième
langue, on peut avoir une médersa qui privilégie de manière équitable l‟arabe et le
français ou une médersa à dominante arabe.
- Vous disiez tantôt que les médersas ont été créées pour pallier les limites des écoles
coraniques, mais dans un État laïc comme le Burkina Faso, quels sont les débouchés dont
peuvent bénéficier les élèves issus des médersas?
El hadj Triandé : Les médersas offrent beaucoup de débouchés selon les niveaux des
étudiants. Vous pouvez vous orienter vers l‟enseignement, l‟interprétariat. Vous pouvez
aussi vous orienter vers d‟autres métiers; c‟est ce à quoi nous nous orientons depuis la
tenue du séminaire. Nous avons en effet exigé qu‟il y ait des lycées et collèges techniques
arabophones qui complèteront notre action. Votre question est pertinente. Il faut savoir en
effet que les enfants que nous formons ne sont pas destinés à être des marabouts, c‟est-à-
dire des maîtres d‟écoles coraniques. Ils ont des possibilités diverses de s‟épanouir plus
tard dans la vie active.
Les étudiants que nous envoyons dans les pays arabes notamment en Lybie, en Algérie et
ailleurs ne font pas seulement que de la théologie, il n‟y a que ceux que nous envoyons à
Médine et à la Mecque qui font de la théologie. Nous avons aujourd‟hui des cadres dans
l‟administration qui ont fait leurs études supérieures dans de grandes écoles arabes. Avec
les résultats des travaux du séminaire sur les médersas, nous pensons qu‟une solution sera
trouvée dans les meilleurs délais en ce qui concerne les équivalences de diplômes.
- Parlons maintenant, si vous le voulez, des problèmes qui minent la communauté
musulmane. Il semblerait que le courant ne passe pas entre le bureau national et le reste
de la communauté musulmane. Qu‟en est-il exactement? Quelles sont les relations qui
existent entre les deux entités?
El Hadj Triandé : Des relations ambigües. À mon niveau, il n‟y a aucun problème entre le
conseil exécutif et les autres musulmans. Nous tenons des réunions tous les quinze jours,
les statuts donnent trois ans au bureau national pour se renouveler, deux ans aux bureaux
provinciaux et un an aux bureaux locaux. L‟actuel bureau national date de 1988. Il est
vrai que son délai de renouvellement est passé, mais est-ce que vous pouvez appeler cela
un problème?
- Vous personnellement El Hadj Triandé, vous êtes souvent pris à partie. On dit que vous
vous êtes emparé de la communauté musulmane, qu‟en matière de connaissance
théologique vous n‟avez rien à apprendre à personne et que vous feriez mieux en tant que
retraité d‟aller cultiver vos choux. Qu‟avec-vous à répondre de ces remarques?
El hadj Triandé : […] Beaucoup de musulmans et de non musulmans connaissent l‟auteur
de cette allégation. Je crois que cela ne vaut plus la peine d‟y revenir. Cependant je vais
XXVIII
vous répondre. La communauté musulmane est structurée de façon suivante et ce n‟est
pas seulement au Burkina qu‟il en est ainsi. Il y a d‟abord une partie spirituelle et
religieuse qui relève du domaine des Imams et une autre partie qui relève du domaine
administratif. C‟est cette structuration qui fait la force de la communauté musulmane.
Prenons des exemples si vous le voulez. Quand on parle de la Tidjanniya, c‟est la
confrérie Tidjania. Effectivement la confrérie Tidjania peut vivre avec son cheick, c‟est
son problème, personne ne viendra s‟immiscer dans leur affaire : mais n‟empêche que la
confrérie Tidjania a son bureau administratif. Le mouvement sunnite : le sunnite [sic] en
tant que tel est une confrérie mais le mouvement sunnite à son bureau national et même
ses bureaux provinciaux. Il faut donc faire la part des choses. Il y a d‟un côté la partie
religieuse et de l‟autre la partie purement administrative.
D‟autre part, il n‟est dit nulle part que celui qui n‟écrit pas ou ne parle pas arabe n‟est pas
musulman. L‟arabisme n‟est pas synonyme d‟islamisme. Tous les arabes ne sont pas tous
des musulmans, la preuve le Coran est traduit dans combien de langues en ce moment?
Ceux qui disent que nous sommes venus dorer notre retraite à la communauté
musulmane, je leur dit tant mieux, Dieu seul est juge. Vous avez même oublié de dire
qu‟il me traite même de caffre! Qu‟un musulman convaincu, conscient et soumis désigne
un autre musulman sous le vocable caffre, c‟est trop fort. Il faut être totalement perdu
pour oser dire cela.
Je reviens sur la formulation de votre première question. Vous dites il semblerait, ce sont
là des rumeurs. En ce moment nous sommes en train de préparer nos journées d‟études
pour essayer de rattraper le retard sur le renouvellement du bureau national. Nous ne
pouvions tenir notre congrès en 1991 à cause des échéances électorales, car nous sommes
après tout des citoyens soumis aux contraintes civiques.
-Permettez que j‟emprunte encore à la rumeur publique cette question. Il semblerait que
le courant ne passe pas entre le bureau national et le grand imam.
El hadj Triandé : Je ne vais franchement pas vous cacher la vérité. C‟est une réalité. C‟est
pas moi seul [sic], la mésentente se trouve au niveau du bureau exécutif et le grand imam.
Ça c‟est l‟affaire du grand imam. C‟est un vieillard qui a plus de quatre vingt (80) ans qui
a ses limites et nous ne pouvons pas lui en vouloir. Mais c‟est dommage que ses fils et
d‟autres détracteurs qui l‟entourent continuent de l‟induire en erreur. Nous faisons partie,
nous, membres du bureau exécutif, de ceux-là qui respectons et soutenons de tout cœur le
grand imam. Nous savons qui est en train de détruire l‟Imam, sinon l‟Imam n‟a pas
quelqu‟un qui puisse l‟épauler plus que nous. Qu‟on demande à l‟imam qui lui a donné
son imamat? Qui a organisé la communauté musulmane sur le plan national, provincial et
local? Vous savez en l‟islam il n‟y a pas de hiérarchie écclaisiastique [sic] comme chez
les catholiques; chaque petit groupe musulman s‟autogère.
XXIX
La mosquée est le lieu de rassemblement des musulmans. Tout se passait avant atour de
la mosquée. Nous avons voulu changé [sic] cela, en apportant un nouveau type
d‟organisation qui dépasse justement le cadre des petits rassemblements de zones. Avant
on connaissait le Rakémooré et autre groupement et ça s‟arrêtait là.
Pour revenir à votre question je dirais qu‟entre le grand imam et nous des gens fabriquent
toutes sortes d‟histoires, mais le grand imam ne sait malheureusement pas ou se trouve
son vrai bonheur.
- Quels sont ceux qui gravitent donc autour de l‟imam?
El hadj Triandé : Il y a Issaka Demé de Bilbalogho, il y a Harouna Sana. Des musulmans
des milieux Tidjania et sunnite connaissent qui est Harouna Sana. Cet homme n‟a jamais
cherché à faire quelque chose de positif. Il n‟y a que l‟intérêt personnel qui compte chez
lui. Ce matin même (samedi 17 août) si vous aviez remarqué, vous verriez qu‟il y avait
un petit attroupement au niveau de la mosquée. Il s‟agissait d‟un démêlés [sic] de
Harouna.
Le problème est de savoir si le grand imam se rend compte qu‟on est en train de l‟induire
en erreur. En tout cas nous à notre niveau, nous n‟avons rien contre le grand imam.
Propos recueillis par Jules Ouédraogo.
XXX
Annexe 12
Entretien réalisé en français avec Issa au ministère de la Santé le 20 juin 2011 à
Ouagadougou.
Quel est votre rôle au ministère de la Santé?
C‟est notre direction qui s‟occupe des soins privés. On s‟occupe des normes, de suivre les
activités et faire la promotion du secteur privé. La direction a été créée en 2003, avant ça
n‟existait pas, depuis on s‟est attardé à s‟organiser. Je suis en poste depuis février 2004 et
la 2e personne est arrivée en 2004. Ça fonctionne depuis 2005. On a changé le traitement
contre le paludisme, la priorité a été de former le privé au niveau du protocole.
On a élaboré des normes, des décrets pour l‟exercice du privé, des arrêtés
interministériels sur les conditions d‟ouverture des établissements de santé. En 2007, on a
recensé tous les établissements de soins sur le territoire et elle est annuellement mise à
jour. Il y a des conditions d‟ouverture et de création avec des pièces à fournir.
Tout est fait pour ordonner un peu, depuis le sida, il a beaucoup d‟associations qui ne
sont pas tenues par des professionnels de la santé.
Pouvez-vous nous parler du secteur privé dans la santé?
On peut les classer en deux groupes. Il y a les structures à but lucratif où les
professionnels de la santé créer leur emploi. Puis il y a ceux à but non-lucratifs tenus par
des confessions religieuses, des ONG, des associations qui ont pour but d‟aider la
population.
Pour les confessionnels, ce que nous avons constaté c‟est qu‟ils reçoivent beaucoup de
monde, il y a l‟aspect soins et l‟aspect religieux qui est un complément aux soins pour
attirer les gens.
Il y a un problème de qualification des professionnels chargés des soins. Le premier
établissement du pays, c‟est la mission catholique qui a ouvert le premier centre.
Beaucoup d‟établissements de ce type fonctionnent avec les agents de l‟État. À Paul VI
c‟est 85%, à Saint-Camille c‟est 70%. Si l‟État enlève le personnel des gros
établissements, ils vont fermer.
Le 2e problème est la gestion du personnel aux yeux de l‟administration, chez les
confessionnels la religion prime sur le niveau des compétences. Quelques problèmes
connus : à Paul VI, le docteur chef est gynécologue, alors que la sœur religieuse n‟est pas
gynéco, mais c‟est la chef de service. Il y a des conflits.
XXXI
Le 3e problème c‟est la gestion des ressources, les confessionnels catholiques sont basés
sur la charité. Il n‟est pas question de motiver le personnel et le personnel affecté.
Pour les musulmans les établissements sont très récents. Eux c‟est la gestion même des
ressources, les établissements sont trop personnalisés. Le centre est associé à la chose
de… Kanazoé c‟est Massoud, Ridwane, c‟est Doukouré. La gestion est plus familiale que
professionnelle. Un étudiant de l‟ENAM a travaillé sur les établissements privés
musulmans. Dans le répertoire sur notre site internet, il y a les textes et réglementations
pour les secteurs privés de soins.
Le 2e gros volet confessionnel ce sont les dépôts de médicaments. Ça apporte des
revenus, mais c‟est illégal. Ce sont surtout les confessions catholiques qui gèrent. Au
départ c‟était pour aider les fidèles, mais aujourd‟hui c‟est à but lucratif.
Qui s’occupait du secteur privé avant?
Il y a eu une variation des services, pour l‟inspection des établissements, puis la médecine
hospitalière. Il y a aussi la DEP.
Le problème c‟est que pendant longtemps il n‟y a pas eu de distinction public/privé, sauf
pour le privé lucratif. Avant le privé confessionnel était traité comme le public, les
mêmes ressources.
Cela a créé des problèmes avec la pléthore de personnel. Le privé devient un refuge pour
le personnel qui ne veut pas sortir de Ouagadougou.
Combien de réunions avez-vous par année avec les privés?
On a un cadre de concertation, un comité technique paritaire entre l‟État puis les
établissements privés se voient deux fois par an. Il y a des textes qu‟on a essayé
d‟élaborer lors de la création de la direction.
On a tenté d‟organiser le privé, faire une association privée de catholiques, des
musulmans, des protestants à part.
Les catholiques ont donné ça au Père Salvatore. Il est très occupé et n‟a pas le temps, en
même temps qu‟être prêtre et pédiatre. J‟ai vu l‟archevêque pour que ces structures aillent
à l‟OCADES. Ça n‟a pas vraiment marché et pour les voir c‟est plus difficile.
Les protestants et les musulmans, c‟est pareil. Chez les musulmans c‟est individuel,
chacun veut gérer sa chose. C‟est une association qui ne marche pas. Le président c‟est
lui qui est à l‟Agence médicale de l‟AMA au secteur 28.
XXXII
Chez les protestants les différentes branches sont très indépendantes, les unes des autres.
L‟ODE est une structure fédérale, la responsable est Mme Ouattara Micheline. C‟est
compliqué à cause des différentes tendances.
Quelles conclusions tirez-vous de ces relations publics/privés?
Le ministère contrôle difficilement les structures privées. Les résultats sont mitigés
depuis 2003. Le district est responsable des centres médicaux de son aire publique/privé,
tout ce qui est quotidien.
Pour les grandes décisions, telles que l‟écriture du programme de développement
sanitaire, comme ils ont un apport important, on voudrait qu‟ils participent plus.
Comment qualifieriez-vous les structures privés au niveau qualitatif et quantitatif?
Ça n‟augmente pas aussi vite que les établissements lucratifs, mais les protestants sont
très actifs.
XXXIII
Annexe 13
Entretien réalisé en français avec Marie au collège de jeunes filles à Saaba le 10 juin
2011.
Pouvez-vous nous parler de votre établissement?
Nous sommes une école de jeunes filles. Nous avons deux filières : secrétariat et
compatibilité.
L‟école a ouvert le 16 octobre 2006, c‟est donc sa 4e année d‟existence. Nous avons tenu
à ouvrir une école technique dans un milieu moyen.
Nous avons 104 élèves dans cinq classes. Il y a un tronc commun pour les matières
connexes, sinon il y a des classes spécifiques pour chacune.
Pourquoi avez-vous ouvert un établissement ici?
C‟était un souhait des parents et notre congrégation travaille pour l‟épanouissement des
jeunes filles et des femmes. Nous avons deux établissements déjà. Comme nous avions
déjà un terrain ici.
Pourquoi un enseignement technique?
Il s‟agit d‟une contribution à l‟État. On a d‟abord voulu faire un centre social, mais avec
l‟éducation technique les jeunes filles peuvent participer au développement économique
du pays. Ce n‟est pas juste de l‟éducation, mais de l‟instruction aussi.
Deux promotions ont passé le BACC et les résultats sont encourageants au BEPC et au
BACC en terminal. Les filles peuvent avoir 2 ou 3 diplômes à la fin de leurs études. Il
faut consolider la pratique.
Combien avez-vous de membres de personnel?
Au niveau des enseignants on a 19 professeurs, 3 sont des sœurs. Avant elles étaient 4. Il
y a aussi deux sœurs dans l‟administration.
Nous avions le terrain à Saaba depuis 1995, avant on avait pensé faire un centre culturel,
mais ça intéresse moins les enfants qui veulent un diplôme. Au lieu de faire un centre on
a fait une école. La mise en valeur a été plus lente. Nos autres écoles sont pour les filles
uniquement, dont Kologh-naaba, en place depuis 50 ans.
XXXIV
Quelles sont vos relations avec le ministère de l’Éducation secondaire?
Comme nous sommes organisés en Union des établissements catholiques, c‟est plutôt le
bureau qui traite avec eux. L‟État a envoyé 36 enfants affectés cette année. Il y a une
bonne collaboration avec le ministère, mais il y a peu d‟échanges directs.
Avez-vous souvent des réunions avec eux?
Nous avons deux AG par an et une convention qui lie les établissements. Avec le
ministère de la promotion féminine nous avons des projets pas encore réalisés, mais ils
sont portés à collaborer.
Comment ça s’est passé pour ouvrir l’établissement?
Il y a plusieurs étapes, d‟abord, il faut rassembler le dossier et faire une demande
d‟ouverture pour l‟enseignement privé. Ils sont venus ici pour donner des directives.
Après ils ont pris une décision finale et on a ouvert une classe de seconde avec
l‟équipement nécessaire. On avait les contacts des enseignants et on a présenté leurs
dossiers.
J‟ai d‟abord enseigné à Lavigerie avant de venir ici.
On a lancé un test pour les élèves. La première année on avait 5 élèves affectés sur 25
élèves.
Pouvez-vous nous parler des relations interconfessionnelles que vous avez à
l’intérieur et hors de l’établissement?
Nous n‟avons pas vraiment ce genre de relations. Au départ, on a fait le tour des écoles
autour pour les rencontrer, échanger avec eux comme ils avaient des acquis. Une école
avait commencé la technique puis a lâché... Comme c‟est plus loin, les gens ont moins de
moyens. Pour l‟éducation physique les élèves vont là-bas, parce que les disciplines ne
sont pas pratiquées ici.
Cette année pendant les troubles on s‟est réuni avec les autres chefs d‟établissements.
On fait des visites de courtoisie, on demande pour aller ailleurs pour parler de l‟école,
pour parler aux 3e qui doivent faire un choix pour l‟an prochain. Alors que la prochaine
école technique est plus loin. Lors des activités parascolaires on s‟invite, les élèves
participent, c‟est un forme de collaboration.
À Saaba, il y a beaucoup d‟écoles primaires sans beaucoup de distances. Elles sont
regroupées dans le centre de Saaba. Il y a 7-8 collèges dans la commune, mais pas
suffisamment. Il n‟y a qu‟un seul lycée de l‟État dans la commune.
XXXV
Quels sont vos prochains projets?
À moyen terme on veut avoir un enseignement général ici, on aurait le premier et le
second cycle. Comme il y a beaucoup d‟écoles primaires, donc beaucoup d‟élèves, on
ferait ça pour que les plus jeunes puissent avoir une place. On aimerait aussi avoir une
salle informatique.
XXXVI
Annexe 14
Sié Simplice Hien, « École catholiques- Une relecture des textes pour améliorer les
performances », Sidwaya, [en ligne], 20 mai 2009.
L'État burkinabé et l'Église catholique ont procédé, il y a environ une année de cela, à une
relecture de l'ensemble des textes régissant leur partenariat dans le domaine de
l'éducation de base. Elle a enfin abouti à la signature d'une convention entre les deux
parties le lundi 18 mai 2009, dans la salle de conférence du ministère de l'Economie et
des Finances.
Longtemps attendue par l'Église catholique, la convention entre le gouvernement et
l'institution religieuse dans le cadre de la mise en œuvre d'une politique d'éducation de
base au Burkina Faso, a enfin vu le jour. Elle a été signée le 18 mai 2009 par les deux
parties. Partenaires depuis belle lurette, la relecture de l'ensemble des textes a été confiée
en février 2008, à un groupe ad hoc
Mgr Wenceslas Compaoré (à gauche) et le ministre des Finances, Lucien Marie
Bembamba (à droite) échangeant les documents régissant désormais le partenariat entre
l'État et l'Église dans le domaine de l'éducation de base.
interministériel, ce qui a abouti à des innovations majeures. Il faut retenir surtout la
réduction des frais de scolarité dans les écoles primaires catholiques qui passe désormais
de 15 000 à 3 000 F CFA en milieu rural et semi urbain. L'Église a aussi obtenue [sic]
l'alignement des salaires des enseignants catholiques sur celui des enseignants du public,
cela afin d'éviter les nombreuses désertions dues à des salaires souvent dérisoires.
L'élargissement des membres de la commission paritaire permanente de concertation et la
promotion de l'éducation bilingue sont aussi à inscrire dans les réformes majeures de ce
partenariat. Enfin, l'État s'engage à affecter du personnel enseignant dans les écoles
catholiques et surtout à apporter sa contribution financière afin de leur permettre d'assurer
leur équilibre budgétaire.
Mais en contrepartie, l'Église catholique devrait à son tour consentir des efforts. Elle s'est
en effet engagée à respecter les textes législatifs et réglementaires en vigueur, en matière
d'éducation et de formation. Elle doit en outre être prête à accueillir dans les
établissements catholiques, des élèves affectés par l'État et leur offrir une éducation de
qualité vérifiable aux moyens d'indicateurs liés au taux de promotion et au taux
d'achèvement égal au moins à 90% par an.
Les établissements catholiques devraient aussi fournir chaque année aux ministères de
l'éducation, un rapport d'activités de l'année scolaire écoulée et un rapport d'exécution
budgétaire de l'année civile. Sans oublier la baisse des frais de scolarité dans les zones
rurales et semi urbaines afin de permettre l'accès des écoles catholiques au plus grand
nombre d'enfants.
XXXVII
Les documents paraphés et échangés entre le ministre de l'Economie et des Finances,
Lucien Marie Bembamba et le président de la commission épiscopale pour l'éducation
catholique, Mgr Wenceslas Compaoré, évêque de Manga, se sont déroulés en présence de
nombreux membres du gouvernement et du clergé catholique.
Après ces actes, un sentiment de soulagement se lisait sur les visages et dans les propos
de ces derniers. "La Convention vient clarifier l'avenir de l'enseignement privé catholique
et rassurer l'église pour son fonctionnement normal et serein, qui, à n'en pas douter, est un
service d'utilité publique complémentaire de l'État dans le domaine de l'éducation", s'est
réjoui Mgr Wenceslas Compaoré.
Pour le ministre de l'Enseignement de base et de l'Alphabétisation, Odile Bonkoungou,
grâce à la convention, l'Etat et l'Eglise catholique disposent désormais d'un nouveau
cadre partenarial, base juridique de leurs actions concertées et complémentaires sur le
terrain de l'éducation. "Le gouvernement souhaite que la signature de ce document
consacre véritablement ce partenariat fort, dynamique et fructueux entre l'Etat et l'Eglise
catholique pour le bonheur de notre système éducatif", a-t-elle ajouté.
Ces différentes mesures adoptées, a rassuré le président de la commission épiscopale
pour l'éducation catholique, c'est une épine que l'État vient d'enlever du pied des
établissements catholiques, confrontés depuis belle lurette à de nombreux problèmes.
Pourtant, leur apport à l'éducation nationale est indéniable depuis la construction de la
première école en 1901. Ces écoles ont ensuite été reprises par l'Etat en 1969 et ce n'est
qu'en 1999 qu'il les a rétrocédés. La convention signée, Mgr Wenceslas Compaoré espère
qu'elle viendra clore définitivement les problèmes tels que la désertion des enseignants à
cause des maigres salaires qu'ils percevaient et résoudre la faible fréquentation de ces
écoles en milieu rural, due au prix élevé de la scolarité.
XXXVIII
Annexe 15
Ferdinand Guétabamba et Trabzanga Zoungrana, « Burkina Faso: Ier anniversaire de la
journée nationale de pardon », Sidwaya, [en ligne], 30 mars 2002
Burkina Faso: Ier anniversaire de la journée nationale de pardon
"L'illégalité est la source de l'impunité", dixit Mgr Anselme Titiama Sanon.
Le 30 mars 2002, le peuple burkinabè commémorera le premier anniversaire de la
journée nationale de Pardon (JNP).
Initiée par les plus hautes autorités politiques du pays, la célébration de cette journée
avait été officiée par Mgr Anselme Titiama Sanon, archevêque de Bobo-Dioulasso en
présence de nombreuses autres autorités coutumières et religieuses ainsi que de parents
des victimes de violences en politique. L'objectif étant de réconcilier les Burkinabè avec
eux-mêmes.
Quel enseignement peut-on tirer de cette initiative et quel bilan peut-on dresser un an
après ? Pour trouver des réponses à ces interrogations, Sidwaya s'est entretenu avec
l'archevêque de Bobo-Dioulasso. Sans embages, il répond volontiers aux questions.
Sidwaya (S.) : Vous avez dirigé le 30 mars 2001, la journée nationale de Pardon. Quel
bilan pouvez-vous tirer de cette journée, une année après ?
Monseigneur Anselme Titiama Sanon (A.T.S.) : Je vous remercie de m'avoir posé de
haute voix une question que chacun se pose à voix basse ou même à travers des rumeurs
et des prises de position qui disent qu'après un an, rien n'a été fait.
Disons que la journée nationale de Pardon est l'étape d'un processus. En effet, il faut
partir surtout des années 1999 où pratiquement c'était la terreur. Ceux qui étaient censés
être les auteurs de ceci ou de cela ou qui avaient le pouvoir étaient présentés comme "des
tueurs du peuple". Tout le monde est victime ; et chacun pense qu'à tel ou tel moment, il a
souffert de ce pays. C'est une chance que tous ceux qui ont dirigé le pays dans la
magistrature suprême (au moins les quatre qui sont vivants) aient accepté être les
coupables ; d'assumer les torts, les méfaits de cette nation sur les 40 ans de son existence.
Depuis près de 20 ans, les choses fonctionnaient dans ce pays sans normalité. On parle
d'impunité. Moi, je pense que l'illégalité est la source de l'impunité. Et la loi est pour tout
le monde quel que soit le camp où on se situe. Après les engagements, qu'est-ce qui s'est
passé ?
Les comités qui ont été constitués se sont donné un peu de temps d'être d'abord dans la
légalité. Une fois dans la légalité, il faut maintenant fonctionner dans la régularité.
XXXIX
Les victimes réelles ont été aidées avant la journée nationale de Pardon. Mais ce n'était
pas dans la régularité. Mais si c'est un centime de l'argent de la nation qui sort, c'est
inscrit quelque part et la partie recevant atteste. C'est ça qui est important.
Je crois qu'une démocratie ne peut pas fonctionner sur des rumeurs et des humeurs. Elle
demande des analyses serrées de la part de ceux qui en sont les porteurs intellectuels et
sociopolitiques. Je pense qu'on a gagné sur ce point. Quand on voit les préalables qui ont
été établis en 1999 et ceux qui sont établis aujourd'hui, on voit qu'un grand chemin a été
fait.
Le bilan pour moi est d'abord moral. Les grands, les acteurs de cette nation sont sortis de
la peur et ils ont recommencé à se parler. La haine qui semblait être une spirale inévitable
a été un peu désorientée.
Une autre confiance se dessine, et c'est ça l'avenir d'une nation. La confiance permet de
désigner les choses par leur nom et de dire ce qui ne va pas. Je pense qu'aujourd'hui, tout
citoyen de ce pays peut dire au gouvernement : voici ce qui ne va pas. C'est ça la vraie
démocratie.
S. : Aviez-vous reçu Monseigneur, l'aval de l'Église catholique pour diriger cette
importante cérémonie de demande de pardon ? Autrement, comment vous y êtes-vous
pris ?
A.T.S. : Lorsqu'il s'est agi de célébrer cette journée nationale de Pardon, les évêques se
sont retrouvés et toute analyse faite, ils étaient de sensibilités différentes. Parmi nous,
certains ont été atteints profondément par tous ces événements.
On ne comprendrait pas que s'agissant de pardon, des évêques de l'Eglise catholique
opposent un non. Les conditionnalités du pardon, les échéances relèvent souvent du jeu
politique et social. Et nous les évêques, nous ne sommes pas équipés pour cela. Les
évêques ont eu à choisir leurs représentants à la journée nationale de Pardon composés
d'un représentant de la province ecclésiastique de Bobo-Dioulasso en la personne de Mgr
Anselme Titiama Sanon ; du vicaire général de Kaya, représentant la province
ecclésiastique de Ouagadougou et du vicaire général de Koupéla pour la province
ecclésiastique de Koupéla.
Quand l'église te délègue pour une mission, tu as un mandat et tu agis selon ta conscience
quitte à rendre compte après. On est toujours plénipotentiaire quand on a un mandat à
l'Eglise. Dans le groupe, on a pensé que la connaissance des dossiers des différentes
situations permettait de me demander de diriger le travail de l'équipe. J'ai été mandaté par
les évêques.
Je n'ai pas pris sur moi la décision d'aller à la journée nationale de Pardon. Depuis la fin
de mon adolescence en 1955-1956, j'ai rompu avec une velléité de pouvoir politique.
Sinon je ne serais pas devenu prêtre.
XL
S. : Aurions-nous tort Monseigneur d'affirmer comme une certaine tendance aime à le
dire "que la justice précède le pardon et la réconciliation ?"
A.T.S. : Dans l'ordre des idées, on peut faire la vérité, établir la justice et ensuite
pardonner. Ça, c'est la logique des idées. Les acteurs en vie sociale, politique, morale et
les responsables des coutumes et dans les religions savent que ce n'est pas comme cela
concrètement. Ce qui est intellectuellement vrai comme pour des anges est tout l'inverse
quand vous avez affaire à des humains. Dans notre message à la nation, nous avons parlé
de vérité et pardon. Dans les recommandations, nous avons parlé de vérité, justice et
réconciliation. Pendant que nous étions au Collège des sages, on a essayé de passer en
revue tout ce qui pouvait être fait dans ce domaine.
L'homme dans son état actuel, ne peut pas pardonner. Ou bien il baisse l'échine par peur
du pire ; ou bien il attend comme un faucon pour se venger à son tour.
Mais dire que c'est fini ; l'homme laissé à lui seul, ne peut pas le faire. Le pardon est
divin.
Dans les situations de crise ou de conflits, il y a trois possibilités : la première est de
rester dans l'attitude de la vengeance ce qui veut dire que vous ajoutez de la vengeance, à
la vengeance. La deuxième possibilité qui paraît plus humaine est d'approcher le tribunal
et de demander le jugement.
La troisième possibilité est l'aboutissement des deux premières est qu'on finira par
s'asseoir pour se parler. La journée nationale de Pardon a été une chance que ce peuple a
eue en voyant ses responsables parler ; ce qui fait notre honte.
Les acteurs politiques de leur côté sont d'accord pour qu'on puisse arriver à nettoyer la
plaie d'où le début du processus de pardon.
S. : Si cette journée était à célébrer de nouveau, l'auriez-vous encore dirigée ?
A.T.S. : Oui et non. Non parce qu'après expérience, j'ai vu qu'il y avait un temps
d'ambiguïté qui ne relève pas de la logique qui est la mienne au point de vue de la
conduite des choses mais qui se comprend du point de vue des astuces et des stratégies
politiques. A des grands moments comme cela, la peur en politique, en vie sociale n'a pas
le droit d'agir sous couvert. Je le dis à la fois pour ma communauté, mais aussi du côté de
tous les acteurs en politique que je respecte leurs options. Si on agit sans le respect de la
vérité, c'est la mascarade. Je le dis dans la mesure où quand nous nous sommes trouvés
au présidium, nous avons posé cela comme préalable.
C'est un risque que l'on prenait pour une cause qui en valait la peine. Souvent, ce dont
nous souffrons ici, c'est de la vérité. Dès que je sens que la vérité n'est pas là, je ne me
sens pas à l'aise et je sais que si on ne respecte pas la vérité, il y aura toujours le mépris
de l'homme quelque part. C'est pour cela que je dis que si c'est dans ces conditions, je ne
recommencerais pas.
XLI
D'un autre côté, je dis oui parce que ce n'est pas quelque chose pour laquelle on se
propose. Sans se proposer ni désirer le faire, tout citoyen peut être sollicité pour
contribuer à la vie de la nation.
Interview réalisée par
XLII
Annexe 16
Archives du Diocèse de Ouagadougou, document : Message des Évêques du Burkina
Faso. Pour le bien de notre peuple, enjeux des élections 2005-2006, 11 juin 2011, p.12-
13
Nota bene: voir transcription du document à la page suivante.
XLIII
Transcription :
12
I- Aux Responsables religieux
Responsables religieux, assumons notre rôle de proclamer les valeurs morales et
spirituelles à temps et à contretemps (cf 2Tm 4, 2), aidant de nos conseils tous les fils et
filles de ce pays, afin de chasser de leur cœur l‟indifférence, l‟égoïsme et le fanatisme.
Tout en invitant les fidèles à faire preuve de tolérance, il nous revient à tous de veiller à
ce que la religion ne soit pas utilisée à des fins politiques et partisanes.
2- Aux Croyants
Afin que l‟autorité puisse garantir une vie calme et paisible que nous mènerons en
toute piété et dignité, il est nécessaire qu‟à tout moment les croyants « fassent des prières,
des supplications, des actions de grâce pour les dépositaires de l‟autorité » (1Tm, 2,1.2),
ceux qui l‟exercent aujourd‟hui et ceux qui l‟exerceront demain, sachant que toute
autorité vient de Dieu à qui sont soumis ceux qui en sont investis pour lui rendre compte.
3- Aux Hommes politiques
Aux hommes politiques, potentiels candidats ou membres des états majors, nous
disons : Vous aimez vraiment ce pays et êtes conscients que son destin est entre vos
mains ; ne cédez donc pas alors à la tentation de sacrifier son avenir sur l‟autel
d‟ambitions personnelles, partisanes ou régionalistes.
13.
4-Aux Jeunes
Avec les adultes vous êtes déjà le présent de ce pays et vous en êtes surtout
l‟avenir. Nous vous invitons à participer aux votes, sachant que chaque voix compte et
contribue à manifester la volonté du peuple. Restez vous-mêmes et ne vous laissez pas
récupérer et utiliser par des hommes aux projets trompeurs. Il y va de votre avenir. Ne
l‟hypothéquez pas. Même en cas de manifestation ne détruisez pas ce qui vous tient à
cœur ou ce que vos prédécesseurs ont bâti au prix de lourds sacrifices. On ne détruit pas
ce qu‟on aime, juste pour assouvir sa colère ou son égoïsme d‟un moment.
5- Aux Femmes
Quant à vous les femmes, ces élections constituent pour vous une heureuse
opportunité de vous affirmer et de prendre votre place dans la gestion des affaires de
l‟État. Dépositaires et gardienne de la vie votre contribution active à la vie du pays
apportera sa part d‟humanisation à la société par les candidats (es) que vous choisirez.
XLIV
Votre nombre ne manquera pas d‟attirer les candidats qui solliciteront vos suffrages. Il
vous faudra faire preuve de discernement dans vos choix.
Annexe 17
Bernard Zangré, « Un chapelet de griefs contre l‟imam Sana », Observateur paalga, [en
ligne], 6230, 20 septembre 2004.
Communauté musulmane du Burkina Faso
Un chapelet de griefs contre l’imam Sana
dimanche 19 septembre 2004
Officiellement, le mandat du bureau de la Communauté musulmane du Burkina Faso
(CNBF), que présidait El hadj Aboubacar Sana depuis 1997, courait jusqu‟au 29
décembre 2002. Une échéance qui, logiquement, impose un congrès pour le
renouvellement des instances. En vain nos fidèles du prophète Mohamed attendront. Aux
multiples rappels à l‟ordre, pour le respect des textes notamment, le président de la
CMBF, El hadj Aboubacar Sana, fait la sourde oreille. Cela fait deux ans maintenant que
les autres piaffent d‟impatience ; une éternité qui suscite des suspicions et moult
interrogations. Pourquoi El hadj Aboubacar Sana s‟obstine-t-il à refuser la convocation
du congrès ?
Les péchés du président
Dans une lettre datée du 24 août 2004, et dont nous avons eu copie (voir intégralité ci-
dessous), adressée au richissime El hadj Oumarou Kanazoé, pourvoyeur principal de la
manne à la communauté musulmane et par ailleurs président de la Chambre de
commerce, d‟industrie et d‟artisanat du Burkina Faso (CCIA-BF), dont l‟avis a force de
loi pour ne pas dire de fatwa, les rebelles du bureau exécutif égrènent un chapelet de
griefs au nombre desquels :
les pratiques anti-islamiques et anti-sociales de leur président ;
l‟absence d‟aumônier musulman au sein de l‟armée depuis le décès d‟El hadj
Mahamoudou Kiemtoré ;
l‟arrêt de la diffusion du Wazou sur les ondes de la radio nationale aux lendemains du
congrès de la CMBF à Ziniaré en 1997... De mémoire de Burkinabè, nous savons que
l‟argent a toujours été au centre des conflits sociaux et même politiques. Et depuis peu,
les différentes communautés religieuses de notre pays ont chacune sa part de guerre des
intérêts. Ce ne sont pas les contempteurs d‟El hadj Aboubacar Sana qui diront le
XLV
contraire, eux qui l‟accusent de "dîner" seul. Que sont-ils en effet devenus les fonds de la
CMBF, depuis le congrès de Ziniaré ? Mystère et boule de gomme, répondent-ils en
chœur, une malgouvernance qui indigne plus d‟un chef religieux.
L‟argent, toujours l‟argent
Il y aurait donc un flou total sur la gestion des dons en espèces et en nature faits à la
communauté par de généreuses personnes physiques et morales. Et de citer en guise de
témoignages une enveloppe de 12 millions de FCFA offerte par le président libyen
Mouammar Kadhafi ; une somme de 1000 dollars US remise par le président soudanais
Omar El Béchir, ainsi que le pognon qu‟offre habituellement le président Blaise
Compaoré à l‟occasion de la fête du Maouloud. De même, les dépositaires du président
de la communauté lui demandent de leur dire où sont partis les sous alloués à l‟occasion
de la Journée nationale de pardon (JNP) ; les cotisations annuelles des medersas ; les
loyers des 7 boutiques de la CMBF et des diverses commissions à elle destinées. Voilà
brièvement énumérés les quelques péchés dont on accable El hadj Aboubacar Sana. Et en
cette période de vacance de pouvoir, c‟est El hadj Oumarou Kanazoé qui joue les
médiateurs pour éviter la crise, s‟il n‟en assure pas l‟intérim. En tout cas, des
concertations ont été engagées et se poursuivent à l‟effet de remettre la machine en
marche au plus tôt, avant l‟entame du Ramadan. Mais quel oiseau rare pour succéder à El
hadj Aboubacar Sana, menacé aussi de déchéance de son titre d‟imam de la grande
mosquée de Ouagadougou ? Question posée surtout au vieux Kanazoé, quand on sait que
tout commence et finit par lui. Osons espérer que d‟ici-là, la tempête qui menace en
sourdine se calmera, pour faire place à la paix et à la cohésion sociale.
Bernard Zangré
Communauté musulmane du Burkina Faso
Le bureau exécutif à El hadj Oumarou Kanazoé
Dans la lettre qui suit, le bureau exécutif de la Communauté musulmane du Burkina Faso
explique à El hadj Oumarou Kanazoé les raisons profondes du désaveu de son président
El hadj Aboubacar Sana. C‟étaient les prémices de la démission de ce dernier, intervenue
le vendredi 10 septembre 2004.
El hadj,
Nous avons le regret de vous faire savoir que plus des 2/3 des membres du bureau
exécutif, soucieux de la situation de la Communauté musulmane du Burkina Faso
(CMBF), ont interpellé plusieurs fois le président de la CMBF, Aboubacar Sana, sur les
XLVI
risques que nous encourons si un congrès n‟est pas tenu afin de renouveler le bureau échu
depuis le 29 décembre 2002.
1. Courant mai 2002, le bureau de la CMBF a demandé au président SANA de prendre
ses responsabilités en convoquant une réunion pour qu‟ensemble nous trouvions une
solution palliative pour sauver notre communauté. Officiellement, depuis juin 2002, la
CMBF n‟existe plus. Malgré l‟insistance de tous les membres du bureau exécutif pour
qu‟une réunion se tienne, Aboubacar SANA s‟y est toujours refusé, prétextant qu‟il ne
supporte pas que nos réunions finissent toujours par des querelles. Quelques temps après,
les membres influents de la CMBF l‟ont contraint à un tête-à-tête pour qu‟il accepte
d‟adresser une lettre pour une prorogation de mandat d‟une année au ministre de
l‟Administration territoriale. 12 mois après, le président refuse catégoriquement de
répondre à toute question, d‟où qu‟elle vienne, si elle avait trait au congrès.
2. Le monde musulman en général et les sympathisants de la CMBF ont été déçus du
mutisme et du refus du président SANA de tenir ce congrès. Les membres ont voulu en
savoir plus sur cette obstination. Le bureau s‟est rendu compte que le congrès risquait de
mettre à nu les pratiques anti-islamiques et anti-sociales du président, à savoir :
l‟humiliation de l‟ensemble des musulmans par des critiques et des injures provocatrices
à l‟endroit de nos plus hautes autorités et en pleurant sur le Mimbara dans ses sermons du
vendredi. Son but est un soulèvement des musulmans contre le pouvoir en place. En plus
de l‟indignation des responsables du bureau exécutif face aux propos vantards du
président SANA, nous, bureau exécutif, ne pouvons accepter que, dans sa distraction, il
ose tenir devant ses inconditionnels des propos illusionnistes tendant à mesurer son
pouvoir à celui du chef de l‟Etat. Ainsi, El Hadj Oumarou KANAZOE, nous, bureau
exécutif, sommes indignés, déçus face aux comportements et propos du président SANA
et ne pourrons encore les tolérer. Nous avons encore en mémoire la campagne
d‟intoxication contre le ministre de l‟Administration territoriale, qu‟heureusement aucun
responsable islamique n‟a suivie. Pour abréger nos propos, nous nous contenterons de
ramasser ici et là quelques faits et actes posés par le président SANA, à même de jeter le
discrédit sur la CMBF.
3. Le responsable de l‟armée nationale, le Colonel Ali TRAORE, chef d‟état-major
général des armées, comme par le passé, nous avait adressé une correspondance (CMBF)
pour demander de trouver un responsable qui soit à la hauteur de l‟attente de l‟armée
pour y remplacer El Hadj Mahamoudou KIEMTORE, décédé, comme aumônier
musulman au sein de l‟armée. Malgré l‟importance de cette requête hautement
indispensable et nécessitant une concertation des responsables du bureau, le président
SANA a traité lui seul ce dossier, et la suite, nous, membres du bureau, nous la
connaissons, car l‟armée a rejeté sa proposition. En retour, l‟armée a demandé au
président SANA que le choix de l‟aumônier remplaçant se fasse désormais de concert
XLVII
avec toutes les autres associations islamiques. Et jusqu‟à nos jours, le bureau n‟a, dans ce
sens, obtenu aucune information fiable. Par conséquent, la gestion solitaire du président
est claire, et fait perdre la face à la CMBF.
4. En ce qui concerne la voie sur les ondes des antennes nationales (Wazou), nous
voulons vous dire tout simplement qu‟elle a cessé d‟exister au lendemain de la mise en
place du bureau exécutif actuel à Ziniaré en 1997.
5. Tous les membres du bureau exécutif pensent qu‟il est déplorable qu‟un grand imam
d‟un pays comme le Burkina Faso se serve du Mimbara de la grande mosquée centrale,
lieu de prière, pour proférer des injures à l‟endroit des hautes autorités du pays, de ses
propres collaborateurs, quelquefois pour des règlements de comptes, etc. L‟opinion
publique musulmane est témoin des attaques et démonstrations de connaissances de
l‟islam, que notre grand imam Aboubacar SANA adresse avec vivacité à l‟endroit de
l‟imam OUEDRAOGO Sayouba du mouvement sunnite, en disant qu‟un bon imam n‟a
pas le droit d‟utiliser le Mimbara pour proférer des injures à autrui. Nous voulons ici
essayer d‟apporter l‟information juste sur la gestion des biens de la CMBF par lui,
Aboubacar SANA. Dès que nous sommes rentrés de Ziniaré, le bureau sortant nous a
aussitôt invité [sic] pour la passation de service. Ainsi, la somme de 12 millions FCFA
environ nous a été remise par le bureau sortant, laquelle somme n‟a pas été versée sur
notre compte, mais a été gardée par le trésorier entrant sur instruction du président
SANA. Le président SANA est le seul à pouvoir donner des instructions relatives à
l‟utilisation de cette somme ; mais il n‟a jamais donné d‟information à aucun des
membres du bureau concernant l‟utilisation de cet argent. Quant aux dons et aides
anonymes tels que les tonnes de maïs, de riz, de sucre, etc. aucun membre n‟a été informé
de l‟usage qui en a été fait. Mais nous allons vous éclairer sur les sommes importantes à
propos desquelles nous avons des informations. Pour le partage de l‟enveloppe du
président Kadhafi, la CMBF s‟en est sortie avec une somme de 12 millions FCFA. Cette
somme a été totalement remise au président SANA. 1 300 000 FCFA de la somme sus-
citée a été remise aux vieux de la CMBF, et le reste, soit 10 700 000 FCFA, a été
entièrement retenu par le président SANA. Il décida des dépenses tout seul jusqu‟au
moment où El Hadj Dramane COMPAORE est allé se plaindre à lui en disant qu‟il
n‟était pas d‟accord avec la manière dont l‟argent était dépensé, et lui a réclamé sa part.
El Hadj Oumar KOUANDA et El Hadj TALL Yéro furent donc convoqués au domicile
du président SANA pour leur rendre compte de ce qu‟il reste des 12 millions FCFA. Le
président les a informés qu‟il reste 1 100 000 FCFA des 12 millions FCFA, puis a
soustrait 500 000 FCFA des 1 100 000 FCFA pour son essence ; il a pris ensuite 225 000
FCFA pour lui et a procédé au partage des 375 000 FCFA entre El Hadj Oumar
KOUANDA, El Hadj TALL Yéro et El Hadj Dramane COMPAORE, soit 125 000 FCFA
chacun. Nous voudrions également vous expliquer ce qu‟il en est de quelques dons :
El Hadj NASSA Idrissa a donné une enveloppe de 2 000 000FCFA pour la CMBF.
XLVIII
le président soudanais une enveloppe de 1000 dollars US ;
le maire de la ville de Ouagadougou une enveloppe de 500 000 fcfa qui a été repartie
parce que remise à El Hadj SASSE. L‟enveloppe a été ensuite remise au président SANA
qui l‟a simplement ouverte et remis 25 000 FCFA à El Hadj SASSE, 20 000 FCFA à El
Hadj Issa TAPSOBA et 20 000 FCFA à El Hadj Abdoulaye TAPSOBA et, empocha le
reste soit 435 000 FCFA. C‟est pour vous dire ici, que ces petites sommes ont été remises
à ces gens parce que ces derniers étaient au courant et savaient la provenance de cette
enveloppe. Ç‟aurait [sic] été le contraire, l‟argent ne serait pas partagé. Le président
Blaise COMPAORE comme à l‟accoutumée envoyait une enveloppe importante de 500
000 et plus pour la fête de Maouloud. Malheureusement, ce fut de courte durée, puisque
après cela la CMBF ne recevait plus maintenant qu‟entre 200 000 à 300 000 FCFA et
parfois rien. Heureusement que tout le monde était au courant des gestes du président
COMPAORE à cette occasion et qu‟elle a même été décrétée jours férié [sic]. Concernant
les dons de El Hadj NASSA Idrissa, la CMBF recevait 1 000 000 FCFA pendant 2 ans.
C‟est ainsi que le président SANA a cherché à localiser ce donateur et depuis lors lui-
même va encaisser directement auprès de ce donateur.
Journée nationale de pardon
Les associations dans leur ensemble ont préparé la Journée nationale de Pardon. Nous
avons appris que la Communauté musulmane a été bénéficiaire d‟une enveloppe très
importante au même titre que les autres associations islamiques et aucun membre de la
CMBF n‟a pu connaître jusqu‟à ce jour le contenu de cette enveloppe. Mystère.
La gestion scandaleuse de Madâris
(Madrasa centrale, madrasa de Gounghin et madrasa de Zogona). Nous (Communauté
musulmane du Burkina) sommes stupéfaite et indignée parce que voilà bientôt 7 ans
consécutifs que les Madâris ont scolarisé 1 800 élèves environ et que le président SANA
n‟a jamais autorisé, malgré l‟insistance farouche des membres de l‟exécutif et
singulièrement du premier vice-président, qu‟un contrôle se fasse dans les trois Madâris.
Les Madâris sont sous la coupe du président SANA, de son directeur général
ZOUNGRANA Adama et de leur percepteur d‟argent Idrissa OUEDRAOGO. Nous vous
informons, El Hadj Oumarou KANAZOE, qu‟en faisant un calcul rapide, les trois
Madâris rassemblent 1800 élèves environ et des cotisations annuelles s‟élevant à 35 309
000 FCFA environ, soit 247 163 000 FCFA en 7 ans que les Madâris ont produits. C‟est
une triste réalité de gestion scolaire et de malhonnêteté qu‟ont pratiquée le président
SANA et son équipe. En plus, ce montant n‟est pas inclus dans la somme des inscriptions
et les frais de délivrance de diplôme. La totalité des membres exécutifs veulent
comprendre alors comment le président SANA et son équipe ont géré cette affaire.
XLIX
6. La situation des 7 boutiques de la CMBF
Quant à la gestion des 7 boutiques, sans risque de se tromper, le manque à gagner pour la
CMBF pendant les 06 ans est de 26 000 000 FCFA environ. Ce constat a été fait grâce à
l‟insistance du 1er vice-président El Hadj Oumar KOUANDA, tout simplement, parce
que le président SANA refuse le contrôle financier de cette gestion. Face à cette
mauvaise gestion, le trésorier général a fini par refuser d‟honorer le paiement des bons
qui lui sont remis quotidiennement par le président SANA. Si on a pu contrôler la gestion
de ces boutiques, c‟est grâce à la position courageuse du trésorier qui a refusé de payer
ces bons qui, à son avis, ne sont que de faux bons.
7. Détournement des commissions destinées à la CMBF
Le 1/3 des membres du bureau exécutif ont été informés de la visite à la grande mosquée
de l‟entrepreneur Saoudien venu pour la construction des 03 grandes mosquées (Ziniaré,
Ouahigouya et Tougan) pour prendre contact avec le président SANA et le Cheick
Mahamoudou BANDE sur recommandation de El Hadj Issa KOMBISSIRI résidant à la
Mecque. Après, le contact a eu lieu entre le président SANA et le Saoudien sans le cheick
Mahamoudou BANDE qui n‟a pas été convié. Nous, membres du bureau exécutif,
sommes restés près d‟un moins sans aucune information relative. Ce n‟est que plus tard
que nous avons appris qu‟effectivement les travaux vont commencer. Seulement, nous
nous sommes aperçus que c‟est le protégé du président SANA du nom de KOUANDA
Wahabou qui a le monopole total de fourniture des matériaux de constructions des 3
mosquées. Nous avons essayé d‟approcher le président SANA pour en savoir plus sur
l‟affaire, mais il a toujours refusé d‟en parler. Aussi, nous, membre du bureau exécutif,
sommes réconfortés que c‟est le président SANA qui a confié le monopole à son protégé
KOUANDA Wahabou. D‟office donc les droits de commissions compris entre 5 à 10%
environ devaient revenir à la CMBF. Les membres du bureau exécutif avaient l‟espoir
que le président SANA convoquerait un jour une assemblée générale pour parler de nos
commissions concernant cette affaire. Mais en vain ; par contre, plus tard, nous
apprenions que le président a pris cet argent qui revenait à la CMBF pour construire son
duplex. Chacun de nous, c‟est-à-dire les membres de l‟exécutif, l‟ont approché pour
comprendre davantage la situation mais sans suite. En dépit de tout ce qui a été dit, nous,
membres du bureau exécutif, allons essayé [sic] de vous décrire le caractère indigne de ce
monsieur au devant des affaires islamiques du Burkina.
1) Insolence : Il n‟a jamais épargné personne dans ses actes. Ayant un caractère digne
d‟un parvenu, il est orgueilleux, gonflé allant parfois jusqu‟à tenir des propos injurieux
envers les personnes qui le soutenaient. En conclusion, il a réussi à tromper tout le
monde.
L
2) Ethniciste : Il a toujours œuvré avec un comportement frisant la foutaise en qualifiant
les Mossis d‟incapables d‟être au-devant des affaires islamiques, par rapport aux Yarcés
qui, selon lui, sont les portes drapeaux de l‟Islam au Burkina Faso. Mais à l‟instar des
autres pays, le Burkina Faso reste et demeure un pays où la paix sociale est le fondement,
voire le ciment de la raison de vivre. Nos grands-parents et nos parents nous ont toujours
raconté que le vrai Yarga ne peut pas traiter un Mossi d‟infidèle, car la plupart des vrais
Yarcés vivant au Burkina Faso ont pour mère des Mossi et ont toujours vécu en parfaite
harmonie avec l‟islam et même avec les Mossi non musulmans. Nous pensons que si le
président SANA tient ces propos à tue-tête, c‟est qu‟il ne doit pas être un vrai Yarga.
3) Divisionniste : Il a réussi à semer la haine au sein de la CMBF dans le seul but de
pouvoir opposer les membres, afin de pouvoir exploiter toutes les situations qui s‟offrent
à lui. En conclusion, le bureau exécutif dans son ensemble a passé près de 05 ans sans
que la confiance règne entre les membres de la CMBF.
4) Egoïste : Du 29 décembre 1997 à nos jours, personne de la CMBF ne peut prétendre
avoir été informé par Aboubacar SANA de ce qu‟il a reçu en dons et aides destinés
normalement à la CMBF, exceptés ceux ébruités, par exemple les enveloppes d‟El Hadj
Oumarou KANAZOE pour le Maouloud et d‟autres personnalités de l‟Etat.
5) Menteur : Si aujourd‟hui, il s‟est retrouvé tout seul sans qu‟aucun de ses collaborateurs
soit avec lui, c‟est parce que tout le monde l‟a découvert. Un menteur de ce genre ne peut
pas diriger les Musulmans parce que les actes qu‟il pose vont à l‟encontre du Coran et les
Hadith du Prophète (SAW). Lui pourtant vit avec. En conclusion, cet homme n‟a jamais
fait ce qu‟il dit et n‟a jamais dit ce qu‟il fait.
6) Contacts humains impossibles : Aucun responsable des sous-commissions du bureau
exécutif n‟a pu se faire recevoir par Aboubacar SANA en temps opportun. Par contre s‟il
avait besoin de rencontrer un membre du bureau pour quelque chose tout le monde serait
à sa disposition. Cette manière de procéder n‟est pas bien pour un bon Musulman
responsable. En conclusion, sa disponibilité est pour ceux qui lui apportent quelque
chose. Le secrétariat général a connu toutes les difficultés avec le président SANA. C‟est
ainsi qu‟il interdisait au secrétaire d‟ouvrir des correspondances destinées au bureau
exécutif national. D‟ailleurs, il avait réussi à faire en sorte que toutes les correspondances
passent par lui.
7) Depuis l‟existence de l‟Islam de façon générale et de la Communauté musulmane de
façon particulière, tout Imam a toujours des Naïbs (adjoints à lui officiellement connus).
Ce n‟est pas le cas du président SANA. Jusqu‟à nos jours, il n‟existe pas des Naïbs pour
notre grande mosquée de Ouagadougou. En cas d‟empêchement, le président de façon
spontanée envoie un de ses hommes à lui pour officier la prière du vendredi. Voilà,
LI
président El Hadj Oumarou KANAZOE, les diverses raisons qui habitent le président
SANA pour ne jamais accepter qu‟il y ait un congrès ; car tout congrès appel un
changement, un renouvellement, toutes choses dont le président SANA a peur
farouchement. Président El Hadj Oumarou KANAZOE, par la présente communication,
tous les membres du conseil exécutif vous prient d‟accepter sauver la communauté
musulmane et l‟islam dans notre pays, car actuellement tous les regards sont tournés vers
vous.
Was Salamou - Alaïkoum Warahmatoul- Lahi Wabarakaatouhou !
Fait à Ouagadougou, le 24 août 2004
Les membres du Bureau exécutif national Par : lobservateur
LII
Annexe 18
Photographie 2, prise par l‟auteur le 26 mai 2011 à Ouagadougou
Institut El Hadj Adama, secteur 28 à Bogodogo.
Photographie 1, prise par l‟auteur le 26 mai 2011 à Ouagadougou
LIII
Photographie 3, prise par l‟auteur le 10 juin 2011.
Collège Notre-Dame des Victoires de Saaba (bureau de
l‟administration), Saaba.
Photographie 4, prise par l‟auteur le 13 juin 2011.
Établissement Lassalien Badenya, Secteur 28 à Bogodogo.