a propos de radios libres

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À propos de « Radios libres » Extraits de « DÉJÀ ! » de Francis Lattuga, édité aux Editions « Le Manuscrit.com » …………………………………………………………………………. A propos de radio, j’ai vécu l’aventure des radios libres avant qu’elles ne s’appellent « radios locales privées » inféodées au fric, à la politique, à la religion ou à d’autres saloperies du même genre, oui mais alors, si je me mets à vous raconter mes batailles radiophoniques, vous aurez tous 62 ans bien sonnés avant que j’en aie terminé avec le quart de la moitié du début du récit détaillé de cette passionnante expérience. En résumé, c’est pas l’homme qui fait de la radio, c’est la radio qui fait l’homme, moi je me souviens, ça m’a pris par une splendide nuit d’août 1962 à deux mille mètres d’altitude, en fabriquant avec un copain de régiment un petit émetteur qui a fait croire à un autre copain un peu demeuré qu’il passait sur Radio Monte-Carlo, c’était cruel mais on a bien rigolé. J’effectuais alors une partie intéressante de mon service militaire dans une Station Radio Militaire de l’OTAN dite « Point sensible », où j’avais atterri après la partie nettement moins intéressante du service en question, rébellion, compagnie disciplinaire, prison, brimades, stupidité etc ……………………………………………………………………………………… Dix-sept ans plus tard, lors de la grande grève dans mon Usine à Images en février 1979, je me suis lancé avec dans l’aventure des radios libres, en résumé j’ai oeuvré à la mise en place de plusieurs radios dites pirates à l’époque, et ce avec beaucoup d’idéal et d’acharnement à obtenir la Liberté des Ondes en France, on s’est heurté à l’immobilisme peureux du pouvoir pleutre en place et à l’obscurantisme mercantile des successeurs, en gros nous avons ouvert une brèche dans le Monopole de Diffusion avec nos petits ongles et nos petites dents sans se rendre compte que derrière nous attendaient patiemment de grosses radios chenillées et friquées, et qui s’y sont engouffrées au soir du 10 mai 81 en nous aplatissant comme des crêpes et c’est ainsi qu’en France il n’y a quasiment que des radios de crotte qui s’y entendent pour abrutir et racketter notre belle jeunesse avec des musiques de crotte, entrecoupées de pubs de crotte ânonnées par des animateurs de crotte, en fait les seules radios valables actuellement sont celles du service public de Radio France…….. ………………………………………………………………………..

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Extraits de "Déjà !", un livre de Francis Lattuga

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Page 1: A propos de Radios libres

À propos de « Radios libres » Extraits de « DÉJÀ ! » de Francis Lattuga, édité aux Editions « Le Manuscrit.com » ………………………………………………………………………….

A propos de radio, j’ai vécu l’aventure des radios libres avant qu’elles ne

s’appellent « radios locales privées » inféodées au fric, à la politique, à la religion ou à d’autres saloperies du même genre, oui mais alors, si je me mets à vous raconter mes batailles radiophoniques, vous aurez tous 62 ans bien sonnés avant que j’en aie terminé avec le quart de la moitié du début du récit détaillé de cette passionnante expérience.

En résumé, c’est pas l’homme qui fait de la radio, c’est la radio qui fait l’homme, moi je me souviens, ça m’a pris par une splendide nuit d’août 1962 à deux mille mètres d’altitude, en fabriquant avec un copain de régiment un petit émetteur qui a fait croire à un autre copain un peu demeuré qu’il passait sur Radio Monte-Carlo, c’était cruel mais on a bien rigolé. J’effectuais alors une partie intéressante de mon service militaire dans une Station Radio Militaire de l’OTAN dite « Point sensible », où j’avais atterri après la partie nettement moins intéressante du service en question, rébellion, compagnie disciplinaire, prison, brimades, stupidité etc ………………………………………………………………………………………

Dix-sept ans plus tard, lors de la grande grève dans mon Usine à Images en février 1979, je me suis lancé avec dans l’aventure des radios libres, en résumé j’ai œuvré à la mise en place de plusieurs radios dites pirates à l’époque, et ce avec beaucoup d’idéal et d’acharnement à obtenir la Liberté des Ondes en France, on s’est heurté à l’immobilisme peureux du pouvoir pleutre en place et à l’obscurantisme mercantile des successeurs, en gros nous avons ouvert une brèche dans le Monopole de Diffusion avec nos petits ongles et nos petites dents sans se rendre compte que derrière nous attendaient patiemment de grosses radios chenillées et friquées, et qui s’y sont engouffrées au soir du 10 mai 81 en nous aplatissant comme des crêpes et c’est ainsi qu’en France il n’y a quasiment que des radios de crotte qui s’y entendent pour abrutir et racketter notre belle jeunesse avec des musiques de crotte, entrecoupées de pubs de crotte ânonnées par des animateurs de crotte, en fait les seules radios valables actuellement sont celles du service public de Radio France……..

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Page 2: A propos de Radios libres

Je décidais donc de mettre en place une radio de lutte dans l’enceinte de l’entreprise et pour cela de convaincre à mon tour et de mobiliser, mal m’en a pris et je passerai discrètement sur les péripéties décevantes de cette mobilisation et la prise de conscience désastreuse de certains mobilisés syndiqués qui m’ont fait expulser de l’usine manu militari et sans l’ombre d’une hésitation avec mes disques, mes bandes, mon matos et mes beaux discours, que c’est dur d’être en avance sur son temps, on n’est pas toujours compris du premier coup.

Mais finalement l’idée a fait son chemin et bientôt il y eu trois radios militantes qui oeuvraient pour la défense de nos intérêts, une CGT, une CFDT et une libre, indépendante, anarchiste, « franche-tireuse » et farceuse, devinez dans laquelle j’étais.

La CGT avait embauché Marcel TRILLAT comme animateur et

journaliste, Marcel était un des trois journalistes communistes de l’ORTF d’avant 68, avec Alain Naudy et Michel Cardoze qui se sont fait virer en mai 68 et interdits d’antenne par De Gaulle.

Je ne suis pas particulièrement cégétiste ou communiste, je suis plutôt

anarchiste, libertaire, franc-tireur et joyeux farceur, ainsi que vous avez dû vous en rendre compte tout au long de ces pages, ou alors vous manquez totalement de jugeotte, mais je dois reconnaître que Marcel c’est un sacré mec et un bon journaliste, honnête, correct et intelligent, et tous les deux on a très vite accroché.

Quand je lui ai fait remarquer que c’était un peu courge de disperser nos forces militantes dans trois petites radios et qu’on ferait mieux de se regrouper dans une seule radio « maousse costo », il a opiné et m’a suggéré une assemblée générale de tous les radioteurs. Ce faisant, il ne s’attendait pas à ce que je lui organise ça dans le dernier endroit où il aurait imaginé que des radios pirates, car nous étions pirates, totalement interdits, pourchassés, fliqués, goniométrés, brouillés, puissent se réunir en AG, et qui plus est, dans un lieu qui avait vu sa scandaleuse éviction pour délit d’opinion, j’avais organisé cette réunion tout simplement dans la salle du Conseil d’Administration de …..Radio France, dans la grande Maison Ronde, au quatrième étage je crois.

Je vous l’avais dit, que j’étais un joyeux farceur. Et c’est ainsi, moi qui ne suis ni communiste, ni cégétiste, moi l’anar et

le franc-tireur, je me targue d’être à l’origine des 100 radios que la CGT a mis intelligemment en place après le succès de la première, qui a émigré à Longwy pour devenir « Lorraine Cœur d’Acier », je vous avais prévenu, je suis un joyeux farceur.

Page 3: A propos de Radios libres

……………………………………………………………………………… Rémy est né le 25 mai 1980, à la Pentecôte, date historique du grand

rassemblement de Plogoff, petite localité du Finistère tout près de la célèbre Pointe du Raz, joyau du patrimoine mondial, que les technocrates de l’EDF giscardienne avaient tout bonnement désigné comme un très bon site de centrale nucléaire, et évidemment les habitants du coin n’en voulaient pas, et avec eux tout ce que la France comptait de contestation anti nucléaire, et de contestation tout court d’ailleurs.

Ça a donné des scènes de guerre de Plogoff à Pont-Croix où étaient cantonnés les terribles gendarmes mobiles, formés à la guérilla urbaine, aux coups de commando discrets dans un pays étranger, entraînés à mater durement les jacqueries et qui étaient venus à Plogoff parfaire leur entraînement, tester de nouveaux matériels et de nouvelles méthodes de combat. Mais les gueux du coin étaient plus coriaces que prévu, d’autant plus qu’ « On » les avait équipés discrètement avec des scanners et des CB, et, comme disait mon père, « celui qui maîtrise les communications gagne la guerre ». « On » a surtout, au cours de ce rassemblement de 150 000 contestataires, créé Radio Plogoff, radio pirate éphémère mais efficace, sortie de terre en quelques heures au nez et la barbe des RG, ridicules sur ce coup là, et du préfet de Brest qui en a avalé sa casquette de rage, radio qui a couvert la moitié de la Bretagne pendant les trois jours de ce long et fameux WE, et que « l’On » a retransmise à Paris et la région parisienne en direct ou en léger différé, pendant que Petit Rémy faisait connaissance avec la tiédeur rassurante de la doudoune de Maman . ……………………………………………………………………………….