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Rémi Dupré et Anthony Hernandez Nantes (Loire-Atlantique), envoyés spéciaux I nterprète-t-on à défaut de connaî- tre ? » Quatre heures durant, Flo- rian Touzet a planché sur cet intitu- lé de sujet de dissertation qui fleure bon le plan dialectique. Lundi 17 juin, le jeune gardien de but de 18 ans a passé, comme les 664 709 candi- dats recensés, l’épreuve écrite de philoso- phie du baccalauréat général. Une fois sa copie rendue, il s’est empressé de parcourir le corrigé de l’examen sur Internet. « Cela s’est plutôt bien passé, estime le lycéen inscrit en terminale économique et sociale (ES). J’étais un peu stressé. » Au terme d’une semaine jalonnée de révisions tardi- ves et ponctuée par une ultime épreuve de maths, Florian Touzet – qui tourne à 12 de moyenne depuis le début de l’année – devrait savourer, vendredi 21 juin, des vacan- ces un zeste trop brèves. Car dès le 7 juillet, ce gardien de but de l’équipe des moins de 19 ans du FC Nantes devra reprendre le chemin des terrains du centre de formation de la Jonelière. Pensionnaire de l’académie de renom du club de Loire-Atlantique, le portier n’a que « 500 mètres à faire » pour rallier les pelou- ses depuis sa salle de classe. Aspirant à deve- nir un jour professionnel avec les Canaris, Florian Touzet est scolarisé au Centre éduca- tif nantais pour sportifs (CENS), établisse- ment privé ouvert aux filières générales de la 5 e à la terminale ainsi qu’aux bacs techno- logiques, professionnels et aux brevets de technicien supérieur (BTS). Fondée en 1986 et à l’initiative du Centre de formation de la Jonelière, cette école est adaptée aux athlètes évoluant dans 19 struc- tures sportives de la région nantaise. « Sur les 168 élèves, 44 sont des footballeurs du FC Nantes, explique Philippe Hervé, directeur du CENS. On module les horaires de classe en fonction des créneaux d’entraînement des élèves. Ils ont moins le temps d’intégrer le pro- gramme que les autres lycéens, mais on com- pense par des classes à effectifs réduits. » La variété des parcours contribue à la richesse du CENS. Dans les couloirs de l’école jonchés de ballons de rugby ou de crosses de hockey sur glace, Florian Touzet côtoie ses camarades experts dans des disciplines aus- si variées que le roller, l’équitation ou l’avi- ron. « Seul le critère sportif compte pour les admissions, confie Philippe Hervé. Les élèves appartiennent aux pôles France ou espoirs relevant de leur sport. Les footballeurs, qui sont déjà rémunérés à la Jonelière, peuvent relativiser en observant leurs copains qui tra- vaillent autant qu’eux dans des disciplines plus confidentielles. » Pour vanter ce « suivi de proximité », Philippe Hervé s’appuie sur le bon taux de réussite au bac du CENS. En juin 2012, aucun des dix pensionnaires du FC Nantes n’a échoué à l’examen. « Il y a une symbiose entre le club et le CENS, note Daniel Augereau, patron de l’entreprise Synergie et soutien financier de l’établissement. Plus le FC Nantes est fort, plus l’école le sera. » Désireux d’entamer un BTS « Manage- ment des unités commerciales », le jeune gardien de but devrait prolonger son cursus au CENS l’an prochain. « Ici, j’ai l’avantage de pouvoir quitter la salle de classe pour m’en- traîner l’après-midi, glisse-t-il. Parfois, je révi- se dans le bus, les week-ends lors des déplace- ments avec mon équipe. Le CENS nous fait sor- tir de notre sport. J’ai pu découvrir d’autres mentalités. Entre footeux, on ne parlerait que de foot. » A l’image du FC Nantes, qui s’appuiera sur son centre de formation pour aborder sa remontée en Ligue 1, et contrairement aux milliardaires parisien et monégasque, l’Olympique lyonnais (OL) a choisi lui aussi de faire confiance à ses jeunes pousses. Les récentes sélections en équipe de France de Clément Grenier et d’Alexandre Lacazette encouragent cette politique. Près de 180 gar- çons et filles sont licenciés et scolarisés au sein du centre de formation de l’OL. Au collè- ge, 85 jeunes footballeurs fréquentent les classes de 5 e ,4 e et 3 e . Le passage du collège au lycée s’effectueen grande partie sur des critè- res sportifs. L’écrémage diffère selon les années mais demeure important. « Cela dépend de la qualité de la génération. C’est comme le bon vin. L’an passé, sur 20 garçons nés en 1997, onze ont été conservés et sont entrés au lycée », précise Patrick Berthet, le directeur des études du club. Après cette étape charnière, le lycée public Frédéric-Faÿs à Villeurbanne (Rhône) offre trois solutions aux 70 élèves : le cursus géné- ral suivi par 46 d’entre eux, le bac technique sciences et technologies du management et de la gestion, et le bac professionnel. Un important changement a été opéré en vue d’améliorer le taux de réussite au bac. Jus- qu’à présent, l’OL proposait un cursus en quatre ans, avec la classe de 1 re sur deux ans. « En 2010 notre taux de réussite était de 33 % ; en 2011, il était de 50 %, et l’an passé il a atteint 80%», confie Patrick Berthet. La décision a été prise de basculer sur trois ans pour amé- liorer ces résultats. Stéphane Roche, direc- teur du centre de formation, en explique la raison : « Le problème d’un bac en quatre ans est que l’année de terminale correspondait à la fin de contrat stagiaire. Le double enjeu s’avérait trop fort. Cela perturbait le projet éducatif. » Ceux qui ne vont pas jusqu’au sacro-saint examen ne sont pas abandonnés. Une ving- taine d’apprentis footballeurs, sortis du sys- tème éducatif, fréquentent une nouvelle classe pilote « CAP métiers du football » ins- taurée à la rentrée 2012. « L’objectif est de leur permettre d’être employables dans le monde associatif. Il est important d’intégrer les gar- çons qui n’ont pas la capacité de suivre », juge Stéphane Roche. Si la prise en charge des collégiens et lycéens est une obligation, il en est autre- ment des études supérieures. Critiqués pour leur inculture supposée, raillés pour leur manque d’inclination aux études, les foot- balleurs pro souffrent d’un incontestable déficit d’image.Ces jugements émanent sou- vent du monde du football lui-même. L’hy- pocrisie des décideurs, qui ne se pressent pas pour offrir des possibilités d’épanouisse- ment post-bac à leurs jeunes joueurs, est manifeste. Professeure de philosophie au CENS, Agnès Lorman le ressent pleinement : «Ilya l’opinion a priori négative sur le footballeur qui doit se rassurer sur le plan intellectuel. Les préjugés sociaux traversent les murs, même ici. » Selon Luc Denis, président de l’Associa- tion de gestion du CENS, ce constat n’est guè- re contestable : « On observe des difficultés post-bac. On ne peut pas faire médecine ou maths sup quand on est sportif de haut niveau. » A Nantes, c’est donc l’option d’un BTS « à domicile » qui a été choisie. Du côté de l’OL, les projets d’études supérieures sont individuels et seuls deux jeunes footbal- leurs sont concernés cette saison. « L’enjeu est la signature d’un contrat pro. Les études supérieures sont délicates. C’est une question de niveau scolaire et d’engagement, mais en aucun cas on ne les empêche de poursuivre après le bac », affirme Stéphane Roche. Capitaine des U19 lyonnais, le défenseur central Simon Tchoukriel, non conservé à SPORT & FORME enquête « On observe des difficultés post-bac. On ne peut pas faire médecine ou maths sup quand on est sportif de haut niveau » Luc Denis président de l’Association de gestion du CENS football 4 0123 Samedi 22 juin 2013

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RémiDupréetAnthonyHernandez

Nantes (Loire-Atlantique), envoyés spéciaux

Interprète-t-on à défaut de connaî-tre ?» Quatre heures durant, Flo-rianTouzetaplanchésur cet intitu-lédesujetdedissertationqui fleurebon le plan dialectique. Lundi17 juin, le jeune gardien de but de

18ans a passé, comme les 664709candi-dats recensés, l’épreuve écrite de philoso-phie du baccalauréat général. Une fois sacopie rendue, il s’est empressédeparcourirle corrigé de l’examensur Internet.

«Cela s’est plutôt bien passé, estime lelycéen inscrit en terminale économique etsociale (ES). J’étais unpeu stressé.»Au termed’une semaine jalonnée de révisions tardi-ves et ponctuée par une ultime épreuve demaths, Florian Touzet – qui tourne à 12 demoyenne depuis le début de l’année –devraitsavourer,vendredi21juin,desvacan-cesunzestetropbrèves.Cardèsle7juillet, cegardien de but de l’équipe des moins de 19ansduFCNantesdevrareprendrelechemindes terrains du centre de formation de laJonelière.

Pensionnaire de l’académie de renomduclub de Loire-Atlantique, le portier n’a que«500mètres à faire» pour rallier les pelou-sesdepuissa salledeclasse.Aspirantàdeve-nir un jour professionnel avec les Canaris,FlorianTouzetestscolariséauCentreéduca-tif nantais pour sportifs (CENS), établisse-ment privé ouvert aux filières générales dela 5e à la terminale ainsi qu’auxbacs techno-logiques, professionnels et aux brevets detechniciensupérieur (BTS).

Fondée en 1986 et à l’initiative du Centrede formation de la Jonelière, cette école estadaptéeauxathlètesévoluantdans19struc-tures sportives de la région nantaise. «Surles 168 élèves, 44 sont des footballeurs du FCNantes, explique Philippe Hervé, directeur

duCENS.Onmodule leshorairesde classe enfonction des créneaux d’entraînement desélèves.Ilsontmoinsletempsd’intégrerlepro-grammequelesautres lycéens,maisoncom-pensepar des classesà effectifs réduits.»

La variété des parcours contribue à larichesseduCENS.Danslescouloirsdel’écolejonchésdeballonsderugbyoudecrossesdehockey sur glace, Florian Touzet côtoie sescamaradesexpertsdansdesdisciplinesaus-si variées que le roller, l’équitation ou l’avi-ron. «Seul le critère sportif compte pour lesadmissions,confiePhilippeHervé.Lesélèvesappartiennent aux pôles France ou espoirsrelevant de leur sport. Les footballeurs, quisont déjà rémunérés à la Jonelière, peuventrelativiserenobservantleurscopainsqui tra-vaillent autant qu’eux dans des disciplinesplus confidentielles.» Pour vanter ce «suivide proximité», Philippe Hervé s’appuie surle bon taux de réussite au bac du CENS. Enjuin2012, aucun des dix pensionnaires duFCNantesn’a échouéà l’examen.«Il yaunesymbioseentre le clubet leCENS,noteDanielAugereau,patronde l’entrepriseSynergieetsoutien financier de l’établissement. Plus leFCNantes est fort, plus l’école le sera.»

Désireux d’entamer un BTS «Manage-ment des unités commerciales», le jeunegardiendebutdevrait prolongersoncursusauCENSl’anprochain.«Ici, j’ai l’avantagedepouvoir quitter la salle de classe pour m’en-traînerl’après-midi,glisse-t-il.Parfois, jerévi-sedans le bus, lesweek-ends lorsdes déplace-mentsavecmonéquipe.LeCENSnousfaitsor-tir de notre sport. J’ai pu découvrir d’autresmentalités. Entre footeux, on ne parleraitquede foot.»

Al’imageduFCNantes,quis’appuierasurson centre de formation pour aborder saremontée en Ligue 1, et contrairement auxmilliardaires parisien et monégasque,l’Olympique lyonnais (OL) a choisi lui ausside faire confiance à ses jeunes pousses. Lesrécentes sélections en équipe de France deClément Grenier et d’Alexandre Lacazette

encouragentcettepolitique.Prèsde180gar-çons et filles sont licenciés et scolarisés auseinducentredeformationdel’OL.Aucollè-ge, 85 jeunes footballeurs fréquentent lesclassesde 5e, 4e et 3e. Lepassageducollègeaulycées’effectueengrandepartiesurdescritè-res sportifs. L’écrémage diffère selon lesannées mais demeure important. «Celadépend de la qualité de la génération. C’estcomme le bonvin. L’anpassé, sur 20garçonsnés en 1997, onze ont été conservés et sontentrés au lycée», précise Patrick Berthet, ledirecteurdes étudesdu club.

Aprèscetteétapecharnière,lelycéepublic

Frédéric-Faÿs à Villeurbanne (Rhône) offretroissolutionsaux70élèves: lecursusgéné-ral suivipar46d’entreeux, le bac techniquesciences et technologies dumanagement etde la gestion, et le bac professionnel. Unimportant changement a été opéré en vued’améliorer le taux de réussite au bac. Jus-qu’à présent, l’OL proposait un cursus enquatre ans, avec la classe de 1re sur deux ans.«En2010notre tauxderéussite étaitde 33%;en2011, ilétaitde50%,et l’anpasséilaatteint80%», confie Patrick Berthet. La décision aétéprisede basculer sur trois anspour amé-liorer ces résultats. Stéphane Roche, direc-teur du centre de formation, en explique laraison:«Leproblèmed’unbac enquatreansest que l’année de terminale correspondait àla fin de contrat stagiaire. Le double enjeu

s’avérait trop fort. Cela perturbait le projetéducatif.»

Ceuxquinevontpas jusqu’ausacro-saintexamenne sont pas abandonnés.Une ving-tained’apprentis footballeurs, sortis du sys-tème éducatif, fréquentent une nouvelleclasse pilote «CAPmétiers du football» ins-tauréeàlarentrée2012.«L’objectifestdeleurpermettred’être employablesdans lemondeassociatif. Il est important d’intégrer les gar-çonsquin’ontpas lacapacitédesuivre», jugeStéphaneRoche.

Si la prise en charge des collégiens etlycéens est une obligation, il en est autre-mentdesétudessupérieures.Critiquéspourleur inculture supposée, raillés pour leurmanque d’inclination aux études, les foot-balleurs pro souffrent d’un incontestabledéficitd’image.Cesjugementsémanentsou-vent dumonde du football lui-même. L’hy-pocrisie des décideurs, qui ne se pressentpaspouroffrirdespossibilitésd’épanouisse-ment post-bac à leurs jeunes joueurs, estmanifeste.

Professeure de philosophie au CENS,AgnèsLormanleressentpleinement:«Il yal’opinion a priori négative sur le footballeurquidoitserassurersur leplanintellectuel.Lespréjugés sociaux traversent lesmurs, mêmeici.» Selon LucDenis, présidentde l’Associa-tiondegestionduCENS,ceconstatn’estguè-re contestable: «On observe des difficultéspost-bac. On ne peut pas faire médecine oumaths sup quand on est sportif de hautniveau.» A Nantes, c’est donc l’option d’unBTS «à domicile» qui a été choisie. Du côtédel’OL, lesprojetsd’étudessupérieuressontindividuels et seuls deux jeunes footbal-leurs sont concernés cette saison. «L’enjeuest la signature d’un contrat pro. Les étudessupérieuressontdélicates.C’estunequestiondeniveau scolaire et d’engagement,mais enaucun cas on ne les empêche de poursuivreaprès le bac», affirmeStéphaneRoche.

Capitaine des U19 lyonnais, le défenseurcentral Simon Tchoukriel, non conservé à

SPORT&FORME e n q u ê t e

Contrôleorienté

Commelaplupartdesescoéquipiersdemoinsde

19ansauFCNantes,FlorianTouzetabénéficiéde

conditionsprivilégiéespourpréparerlebac.Difficileen

revanche,unefois lediplômeenpoche,deconcilierétudessupérieuresetcarrièrepro

«Onobservedes difficultéspost-bac.Onnepeut pas fairemédecineoumaths supquandonest sportif dehautniveau»

LucDenisprésidentde l’Associationde gestionduCENS

f o o t b a l l

4 0123Samedi 22 juin 2013

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l’issue de cette saison, garde un souveniramer de sa tentative. Bon élève, avec un and’avance, il a amenéauclub, clé enmain,unprojetd’écoled’audiovisuelaprèsunbacES.«Je ne doublais pas les entraînements. J’aigéré cela de manière autonome. Si je nel’avais pas fait, personne neme l’aurait pro-posé», raconte-t-il. Le jeune homme necachepas sadésillusion:«Lorsde l’entretienavec le directeur du centre de formation, ilm’a été reproché de ne pas être assez impli-qué à cause de mes études. On dit qu’on estaxé sur le plan humain, éducatif, mais monexpérience tend àme faire penser le contrai-re.» Interrogé à ce propos, Patrick Berthetrelativise l’impression de SimonTchoukriel: «J’aime beaucoup Simon, maiscertains garçons qui ont des qualités se trou-vent en difficulté pour franchir un cap etsigneruncontrat. Le sommetde lapyramideestdeplus enplus étroit.»

En discussion avec deux écoles de larégiondontunequiproposeune formationd’ingénieur, le directeurdes études semon-trevolontaristequantàl’offrepost-bac.«Onne les a pas suffisamment aidés jusque-là.C’estmonobjectif, jenecroispasquecelasoitun vœu pieux», reconnaît-il. Pourtant, àproximité, la facultédedroit etAESde l’uni-versité Lyon-II a ouvert depuis 2012 un dis-positif de suivi personnalisé des sportifs dehautniveau.Maisnul footballeurolympienn’a récemment intégré lesbancsde la fac. Ledernier à l’avoir fait s’appelle RomarinBillong,43ansaujourd’hui,joueurdel’OLde1989à1995.PeggyHugon,professeureàl’ori-gine du projet, admet certaines lenteurs.«C’est toujours plus compliqué de prendrecontact avec des gros clubs tels que l’OL oul’Asvel en basket. Avec l’OL, des discussionssontnécessairesneserait-cequepourrencon-trer les jeunes et leur présenter notre offre»,explique-t-elle. L’exemple d’un RomainLoursac, rugbyman du LOU et étudiant ensixième année de médecine, paraît encoreintransposableau football. p

e n q u ê t e SPORT&FORME

BafétimbiGomiss’aventuresurleterraindubac

L a séanced’entraînementde l’Olympi-que lyonnais vientde s’achever. Interna-tional français auxdouze sélections, à

l’apparence soignée et au sourire bienveillant,BafétimbiGomis sort des vestiaires du centreTolaVologe.Dans quelquesheures, il recevraun enseignementen français, enmathémati-ques, enhistoire, en culturegénérale ouenco-re en anglais, de sonprofesseurparticulier,qui vient deuxou trois fois par semaine à sondomiciledepuis octobre2012.

Sidepuis cethiver leprésident lyonnaisJean-MichelAulasne rêvequed’unechose,monétiser lavaleurdesonmeilleurbuteur (16réalisationsen2012-2013) sur lemarchédestransferts, le joueur forméchez le voisin sté-phanois fait, lui,montred’unprofessionnalis-me irréprochable,peuattirépar les sollicita-tionssonnanteset trébuchantesvenuesnotammentdeRussieoudeTurquie.

«Avoir de la rigueur»Issud’unquartierdifficiledeToulon,

dépourvudediplômepuisqu’il a arrêté l’écoleà 14 ans, bénéficiaire la saisondernièred’undesplus importants salairesde Ligue 1 (15e,avec3,2millionsd’euros, d’unclassementpubliépar FranceFootball), accroauxbellesfringueset auxgrossesmontres, l’attaquantde27anspourrait correspondreaux clichésnégatifsquipèsent lourdementsur les footbal-leurs.«Nousavonsune imagedepersonnesenfermées sur elles-mêmesavec les grosses voi-tures, les fêtes, le côtébling-bling…alors que,pour jouer tous les trois jours, il faut avoirde larigueur.C’est unepreuved’intelligencequedele comprendrevite», constateBafétimbiGomis.

Le buteur inscrit sa démarched’apprentis-sagedansune logiqued’épanouissementplusglobal: «Cen’est plus une contrainte, jem’ins-truis et je prendsduplaisir. L’objectif est de pas-ser peut-être le bac dansdeux ou trois ans,mais le plus importantn’est pas le diplôme,

c’est la progression.» Lanaissancede sonpre-mier enfant en septembre2012 a égalementconstituéundéclic. «Maintenant que j’ai unfils, j’aimeraispouvoir participer à sa scolaritéet ne pas la subir», confie-t-il.

Originaired’une famille d’immigrés séné-galais, le jeuneélèven’a pas obtenuà l’époquele soutienqui aurait encouragé sa scolarité:«Amonarrivée au centrede formationde l’ASSaint-Etienne, j’avais déjà beaucoupde retard.Mesparents avaient certaines limites et j’étaislivré àmoi-même. Puis le désir de devenir pro-fessionnel était plus fort.»

Après une classe de 3e dans un collège pri-vé, le prometteur apprenti footballeur aban-donne les bancs de l’école sur une sentencedure. «Une phrase demon conseiller d’orien-tationm’avaitmarqué: “S’il ne réussit pasdans le foot, on n’en fera jamais rien”», seremémore-t-il. Le club stéphanois s’occupe

alors d’assurer l’obligation légale de scolari-té. «Ceux qui étaient sortis du système classi-que suivaient des cours d’informatique, decommunication et de français. C’était justepour nous occuper, dire que l’on allait à l’éco-le», analyse-t-il.

Pour l’international, les clubsne sont pasresponsables: «Je n’en veuxpas à Saint-Etien-ne qui a tout fait,mais quand tu n’as pas lavolontéd’étudier… Il aurait fallu avoir unprofparticulier.»Dans sa génération, seuls deuxautres joueurs sont devenusprofessionnels,Loïc Perrin et CarlMedjani. Au regardde cefait, le caractère crucial de la scolaritén’enprendqueplusde relief. «A cet âge, onnemesurepas l’importanced’en suivreunebelle.Onpense toujours à la réussite, à la carrière derêve»,mesure justement lemiraculéBafétim-biGomis.p

An.H.

BafétimbiGomis lors d’un entraînement à Porto Alegre, au Brésil, le 7 juin.FRANCK FIFE/AFP

Après les épreuves du bac, FlorianTouzet,le gardien de but desmoins de 19 ansdu FCNantes, retrouvera, le 7 juillet,le centre de formationde la Jonelière.

PHOTOS: FRANCK TOMPS POUR «LEMONDE»

50123Samedi 22 juin 2013