2010 - martinez, isabelle. intertextualité sonore et discursif (rap français)

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2010 - MARTINEZ, Isabelle. Intertextualité sonore et discursif (rap français)

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Lintertextualit sonore et discursive dans le rap franais

Isabelle Marc Martnez

RsumLa comprhension des enjeux esthtiques, culturels et idologiques des musiques amplifies passe par la prise en compte des rseaux signifiants stablissant entre les chansons, les genres musicaux et les instances diverses de la culture contemporaine: ils conforment l'intertextualit des musiques populaires. Ceci est particulirement vrai dans le cas du hip hop, une musique hautement intertextuelle sur le plan musical/sonore et sur le plan linguistique/discursif. Cet article se propose notamment dexplorer ces rseaux dans le rap franais ; pour ce faire, on prsentera premirement la notion dintertextualit en musique comme cadre thorique du travail; deuximement, on dcrira le sampling comme lethos de lintertextualit sonore du rap et, troisimement, on parcourra les mcanismes de lintertextualit discursive.

Mots cls: intertextualit, hip hop, rap franais, sample, citation, drivation, reprise.

AbstractThis article aims to explore sonic and discursive intertextuality in hip hop, focusing on French old school. First, it will present the concept of intertextuality in music as theoretical frame. Second, it will describe sampling as the ethos of the sonic intertextuality in rap music. And third, it will analyse the mechanisms of discursive intertextuality. Indeed, in order to understand popular music and especially hip hop, we need to take into account the intertextual networks established amongst rap songs as long as their relations with the realm of popular music and other instances of contemporary culture.

Keywords: intertextuality, hip hop, French rap, sample, quotation, derivation, version.

Introduction

Pourquoi parler dintertextualit dans un dossier consacr aux nouvelles technologies en musique? Tout simplement, parce que ce sont ces progrs technologiques qui ont favoris le dveloppement dune intertextualit musicale extrme, notamment dans la musique hip hop.

Appliquer la notion dintertextualit lanalyse de la musique nest certes pas une nouveaut. De ltude traditionnelle des influences dans la musique savante jusquaux approches ouvertement intertextuelles (Lacasse 2008; Klein 2004; Lpez Cano 2005et 2007), lorsque la musique est conue comme un systme smiologique, indpendamment de ltiquette thorique que lon dcide dy appliquer, il simpose deffectuer une analyse synchronique et diachronique des rapports signifiants entre les diffrents systmes et les diffrents textes, de nature homogne et htrogne, contribuant la construction du sens dans les uvres concrtes. Or, ma connaissance, il nexiste pas de travaux systmatiques sur lintertextualit dans la musique hip hop, et notamment dans le hip hop franais old school. Sil semble logique et ncessaire dappliquer une telle analyse cette musique, cest bien parce que, aussi bien sur le plan sonore que sur le plan discursif, le rap fait preuve ostensible dune esthtique intertextuelle. En effet, il sagit dune musique lectronique part entire, compose base de samples ou chantillons, soit des emprunts de sons prenregistrs, des intertextes sonores coups, hachs, rallongs, dconstruits, puis mixs et remixs volont. En ce qui concerne les paroles, centrales au rap old school, elles sont le rsultat dun assemblage htroclite o les discours de lart lev ctoient le familier, le mdiatique, le politique ou le publicitaire. La haute teneur intertextuelle de la chanson franaise, catgorie dans laquelle sinscrit le rap, a dj t mise en avant par Paul Garapon pour qui "la chanson franaise daujourdhui ne cesse de citer la chanson dhier, de se situer par rapport elle" (Garapon 1999: 107). Or, le rap pousse lintertextualit plus avant en sappropriant non seulement les lments appartenant sa propre esthtique ou sa propre tradition, o les lments afro-amricains sont prioriss par rapport aux lments franais ou francophones, mais aussi en ouvrant le "rservoir" de ses intertextes lespace culturel contemporain: mdias, cinma, publicit, BD, politique...

Ainsi, la comprhension des enjeux esthtiques, culturels et idologiques des musiques amplifies et notamment du hip hop passe par la prise en compte des rseaux intertextuels entre le rap, les autres musiques amplifies et les instances diverses de la culture contemporaine. Dans ce but, la notion dintertextualit en musique sera prsente en premier comme cadre thorique du travail ; deuximement, le sampling sera dcrit comme lethos de lintertextualit sonore du rap, pour, finalement, explorer les mcanismes de lintertextualit discursive. En raison de labondance et de la varit de la production de hip hop France, et bien sr des limites du prsent travail, je nentends pas ici raliser une analyse exhaustive, mais plutt donner un aperu des mcanismes de lintertextualit partir de quelques exemples reprsentatifs, notamment dans les groupes de la old school franaise.

1. Lintertextualit dans les musiques amplifiesTrait constitutif de la littrarit, lintertextualit reprsente galement un outil danalyse extrmement riche des textes dits littraires. Introduite par Kristeva (1969) en tant que dveloppement du concept de dialogisme de Bakhtin (1978), la notion dintertextualit a permis la critique et la potique poststructuraliste non seulement dinclure le(s) contexte(s) dans la littrature en tant que participant du dialogue tabli entre le texte et le hors-texte (le monde tant une construction textuelle, le hors-texte un autre texte), mais aussi de dpasser une conception linaire et volutive des phnomnes littraires et culturels pour proposer sa place une reprsentation spatiale, la manire dune bibliothque infinie o les textes, passs, prsents et futurs, coexistent en vertu de leurs relations intertextuelles (Rabeau 2002). Barthes (1973), dans sa dfinition de "Texte" pour lEncyclopaedia Universalis en vient affirmer que:

"Tout texte est un intertexte; dautres textes sont prsents en lui, des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables: les textes de la culture antrieure et ceux de la culture environnante; tout texte est un tissu nouveau de citations rvolues[] Lintertextualit, condition de tout texte, quel quil soit, ne se rduit videmment pas un problme de sources ou dinfluence[]pistmologiquement, le concept dintertexte est ce qui apporte la thorie du texte le volume de la socialit: cest tout le langage, antrieur et contemporain, qui vient au texte, non selon la voie dune filiation reprable, dune imitation volontaire, mais selon celle dune dissmination image qui assure au texte le statut, non dune reproduction, mais dune productivit.".

Sont donc dpasses les notions dinfluence ou de source, doriginalit et dimitation dans une conception non binaire, largie, selon laquelle lauteur, le lecteur, la ralit, la signifiance, le pass, le prsent et lavenir participent en tant quinterlocuteurs inexcusables du dialogue littraire. Dans limmense tissu des intertextes, les modalits relationnelles sont vastes, complexes, mouvantes. Pour Genette (1982), lintertextualit serait restreinte aux relations de coprsence ou dinclusion entre deux textes, alors que lhypertextualit comprendrait lensemble des diffrentes relations de drivation (par imitation ou transformation) entre les textes. Or, au-del des discussions terminologiques, linclusion et la drivation constitueraient donc les deux grands rgimes de lintertextualit ce que Genette dnomme transtextualit.

Lun des modes les plus vidents de lintertextualit est la citation, amplement tudie par Antoine Compagnon dans La seconde main ou le travail de la citation (1979). En littrature, la citation est une relation dinclusion, de "coprsence", dfinie son tour par Genette comme "la prsence effective dun texte dans un autre" (Genette 1982: 8). La citation (avec ou sans guillemets) constituerait la forme dinclusion la plus explicite aux cts du plagiat, qui nest quune citation non avoue. Pour sa part, la rfrence "nexpose pas le texte cit, mais y renvoie par un titre, un nom dauteur, de personnage ou lexpos dune situation spcifique. " (Samoyault 2005: 35). Lallusion, moins explicite, dsignerait le rapport entre deux textes A et B en vertu duquel la comprhension du texte B serait impossible sans la prise en compte du texte A (Genette 1982:8). Samoyault, au contraire, considre que "lallusion dpend plus de leffet de lecture que les autres pratiques intertextuelles : tout en pouvant ne pas tre lue, elle peut aussi ltre l o elle nest pas. La perception de lallusion est souvent subjective et son dvoilement rarement ncessaire la comprhension du texte." (Samoyault2005:36).

Dans le domaine des musiques amplifies musiques populaires contemporaines, musiques actuelles et notamment dans les chansons (espace privilgi o sunissent musique, paroles et performance), il est possible, mon sens, dappliquer la notion dintertextualit; en effet, la chanson est, elle aussi, un texte (entendu ici comme unit smiologique de communication pourvue de sens, sur le plan social, conomique, idologique et esthtique) qui entre en relation avec dautres textes, musicaux ou non-musicaux. Dans cette perspective, il ne sagit donc pas dtudier les influences ou les sources utilises pour crer telle ou telle uvre, mais de concevoir les musiques amplifies et notamment la chanson comme un terrain intertextuel o linclusion et la drivation constitueraient des modes de relation essentiels entre ces textes, indispensables dailleurs pour la comprhension des flux musicaux.

Dans les chansons, il est frquent de retrouver les diffrentes modalits dinclusion ou de coprsence, dont la citation, dans leurs formes discursives et musicales. En voici quelques exemples, trouvs au hasard de lcoute, un matin comme un autre, de la radio sur Internet(radio FIP) : le premier, cest le thme du film de Woody Allen Vicky Christina Barcelona, du groupe Giulia y los Tellarini. Je discerne des voix masculines chantant "Ella tiene poder(elle est puissante)", le refrain de "Gitana Hechicera(gitane ensorceleuse)", compose par le roi de la rumba, Peret, loccasion des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Puis jentends "Pptes", du groupe de rap musette Java, et je peux distinguer trs nettement "tu me fais tourner la tte" ainsi que plusieurs vers, quelque peu modifis, de "Ne me quitte pas":"ne me quitte pas / il y a parat-il des placements fertiles donnant plus de bl/ quun meilleur avril". En vrifiant les crdits des chansons, nulle part je ne retrouve les noms de Jacques Brel, Jean Constantin (le parolier de la chanson interprte par Piaf) ou Peret. Pourtant, ces chansons ont certainement rcupr des extraits de musiques et/ou de textes de chansons prenregistres. En effet, dans "Gitana Hechicera", le sample renvoie la rumba catalane. Assimile la culture populaire des Gitans et des immigrs du Sud de l'Espagne, elle fait dsormais partie de lidentit de Barcelone, une ville qui veut se construire une image multiculturelle. Linclusion de cet extrait (musique et paroles) renforce le catalanismede la chanson et ce dans un film ralis la plus grande gloire de Barcelone. Pour sa part, dans "Pptes", la citation de ces deux classiques de la chanson damour franaise entrane la reconnaissance et lhommage la tradition musicale populaire nationale et sa conception du sentiment amoureux. En comparant ces deux chansons, on constate que bien quelles appartiennent des styles musicaux totalement diffrents, elles semblent avoir, au moins, deux points communs : premirement, toutes deux sinscrivent dans des courants hybrides, fusionns. En effet, la rumba catalane est le fruit de la fusion entre la rumba cubaine et la tradition du flamenco ; pour sa part, le rap musette est, comme son nom lindique, une fusion du hip hop, soit une musique afro-amricaine puis mondiale, et des sonorits franaises populaires traditionnelles. Deuximement, dans les deux cas, il existe une inclusion, une citation dlments procdant de chansons prexistantes. Lintertextualit est donc visible aussi bien dans le "genre" de chaque chanson que dans les chansons elles-mmes. Ainsi, le choix de ces deux intertextes est lourd de sens sur le plan culturel, esthtique et identitaire.

Or, dans le domaine des musiques populaires il existe galement une opration intertextuelle plus directe, dnomme "reprise" ou "version", et qui consiste en lappropriation dun texte chanson ou pice instrumentale , par un autre artiste ou dans un contexte diffrent, et dont la nouvelle interprtation comporte des modifications des degrs variables, mais o loriginal reste reconnaissable tout moment. Tel est le cas, par exemple, du "Ne me quitte pas" de Yuri Buenaventura ou des versions de Renaud ou Maxime Le Forestier chantant Brassens. Les reprises sont aujourdhui extrmement abondantes et leurs objectifs peuvent viser lhommage, la critique, la drision, la contestation, lopportunit commerciale La reprise constitue une opration intertextuelle apparente, en littrature, la traduction et/ou ladaptation, soit au rgime intertextuel de la drivation. Ainsi, lorsque le chanteur colombien interprte "Ne me quitte pas" remarquablement, par ailleurs , tout en introduisant des changements importants rythmes, arrangements et bien sr, le refrain en espagnol " No me dejes !" qui lui confrent un got nouveau et actualis, loriginal reste perceptible tout moment. Le rsultat est bel et bien la mme chanson, mais interprte par un artiste diffrent. Brel serait donc lauteur original et Buenaventura son traducteur fidle, si toutefois lon accepte la possibilit de la fidlit absolue en traduction

Afin den limiter son objet, le prsent travail abordera de faon prioritaire les cas de citation, qui dans ce contexte est dfinie comme lappropriation dun ou plusieurs lments appartenant une uvre originale dans la cration dune uvre nouvelle et ce dans un objectif prcis. Cette dfinition introduit donc les notions dauctorialit, doriginalit et de proprit relatives llment emprunt ainsi que lide dintentionnalit explicite. En consquence, la citation participe la cration de luvre mais ne se substitue pas elle, contribuant donc la construction dune uvre distincte et nouvelle. Pour sa part, la reprise continue, avec des modifications, mme substantielles, une uvre dj existante.

Dans cette perspective, linsertion de lextrait de "Gitana Hechicera" dans "Barcelona" et des mots de Brel et de Piaf dans "Pptes" correspond la catgorie de la citation. Dans "Barcelona", chanter Peret relie la ville cosmopolite du film de Woody Allen la ville populaire. Quant aux citations dans "Pptes", elles affirment lidentit franaise du groupe Java mme si Brel avait la nationalit belge , sa volont de fusionner des traditions diffrentes et de rendre hommage explicite la "chanson franaise".

Il convient galement de signaler que les sources de la citation peuvent tre situes lintrieur mais aussi lextrieur de domaine musical. Ainsi, du point de vue des sons, lappropriation peut porter sur des musiques (notes et rythmes) mais aussi sur des effets spciaux ou sur des extraits sonores de nature htrogne. Linclusion peut par ailleurs sinspirer dimages, de situations ou dunivers visuels, mais aussi de tous les composants htroclites du champ culturel (populaire et lev): cinma, bande dessine, publicit, mass media, littratures En ce qui concerne les citations textuelles, elles peuvent tre tires dune autre chanson, mais aussi dun discours politique, dun film, dune annonce tlvise, dun pome. Ces emprunts peuvent tre insrs littralement ou transforms des degrs trs diffrents allant de la citation directe lallusion en passant par la construction dimages complexes partir de llment original.

Ainsi, en appliquant la formule dAntoine Compagnon au domaine musical, si"toute criture est collage et glose, citation et commentaire" (Compagnon 1979: 32), toute cration lest aussi, y compris, bien sr, la musique. Lintertextualit ainsi entendue cre de nouveaux liens et de nouveaux sens pour les uvres, et ce toute temporalit confondue. Reprenant les exemples prcdents, lorsque le public de rap franais coute "Pptes", il ne peut sempcher dy percevoir aussi bien "Tu me fais tourner la tte" et son univers de culture populaire que "Ne me quitte pas" et sa charge de sentiments amoureux. Paralllement, grce ces emprunts, ces deux classiques de la chanson sont actualiss, compars, redfinis dans la chanson de Java. Pass, prsent et avenir coexistent donc sur la ligne de lintertextualit. En ce qui concerne "Ne me quitte pas", ds que lon a cout la version de Yuri Buenaventura, elle reste lie pour toujours la chanson de Brel que lon ne peut dsormais couter sans voquer la version du Colombien.

Ces quelques chansons tmoignent de la prsence de lintertextualit dans les musiques amplifies; or, sil est un genre o lintertextualit et notamment la citation sont essentielles, cest bien le cas du rap. Voyons maintenant comment cette intertextualit est articule dans la musique hip hop, notamment dans les groupes franais old school.

2. Le sampling, la base de lintertextualit du hip hop Dans la musique hip hop, rien nchappe lintertextualit, en commenant par son principe de composition, qui consiste en lappropriation et le remaniement de matriaux sonores prexistants par des procds entirement technologiques, savoir : le scratching, le mixing, le sampling ou chantillonnage, le cutting, le looping, le layering et la beat box. Parmi toutes ces techniques, celle qui caractrise le rap, dun point de vue musical et conceptuel, est lchantillonnage, que Christian Bthune, spcialiste en la matire, dfinit comme un:

[] procd informatique par lequel on prlve numriquement, laide dun sampleur ou dun ordinateur, une squence mlodique, un fond rythmique, une ligne instrumentale, etc., sur un morceau de musique dj enregistre et que lon rejoue, ventuellement en les modifiant par des mthodes informatiques de manipulation sonore au moyen dun appareil appel squenceur, indispensable complment du sampleur. (Bthune, 1999, 10).

Cest ainsi que dans le rap, musique lectronique part entire, les procds de lintertextualit musicale (ou encore intermusicalit ou transmusicalit) sont pousss lextrme. En ce sens, et ds la fin des annes 70 jusqu nos jours, les technologies sonores nont cess dvoluer[1], offrant des possibilits toujours plus varies et favorisant lautoproduction pour la cration musicale partir dlments prexistants[2]. Dans la ligne inaugure par Public Enemy ou Ultramagnetic MCs dans les annes 80, les annes 90 ont connu lapparition de nouveaux courants dans la composition, caractriss par la conceptualisation et lexprimentation. Ainsi, Entroducing, de DJ Shadow (1996), a t le premier album compos entirement partir dchantillons; le temps la confirm comme une uvre fondamentale non seulement pour le hip hop et llectronique mais aussi pour les musiques populaires en gnral. Lvolution des technologies favorise lapparition dartistes comme DJ Spookey qui considre que le mixage (entendu ici comme lassemblage des samples) constitue le paradigme crateur de notre temps. En effet, technologiquement et philosophiquement, notre socit serait la socit du mouvement digital menant lencodage de tous les composants du rel:

Thats what mixing is about: creating seamless interpolations between objects of thought to fabricate a zone of representation in which the interplay of the one and the many, the original and its double all come under question. (Miller 2004: 25) (Mixer, cest crer des interpolations constantes entre des objets de la pense pour fabriquer une zone de reprsentation o linteraction de lunit et de la multiplicit, de loriginal et son double sont questionnes.)

Dans cette perspective, le DJ assume la condition dartiste/auteur qui ne compose plus avec des notes mais avec des samples; ainsi, le sampleur, les platines, la beat box ou lordinateur portable ne sont pas des machines sons mais des instruments part entire (During 2008: 53). La culture du Disc Jockey hip hop est la culture de lappropriation consciente, une culture en mouvement, se dveloppant dans le courant de la crativit, o les anciens sont rcuprs de faon dynamique par les modernes. Or, les degrs de transformation de llment emprunt sont multiples. Ainsi, dans Entroducing, les samples sont transforms tel point quils ne sont pas reconnaissables et quils sont globalement perus comme des sons originaux. DJ Spooky, pour sa part, rend les procds du mixage plus visibles, soulignant leffet de collage, comme dans "The Duchamp Effect " (Miller 1997). Toutefois, les rfrences restent souvent encodes et inidentifiables, dans une stratgie volontaire dhermtisme, comme celle dcrite par Joseph Glenn Schloss (2004) dans son tude sur le sample based hip hop. Au contraire, dans le rap old school, les samples peuvent tre incorpors presque littralement, sans altrations, comme de vritables citations, ce qui permet de les reconnatre plus facilement. Aussi bien le hip hop exprimental que le hip hop old school utilisent des samples intentionnels, avec des objectifs esthtiques et/ou symboliques prcis. Or, en raison du caractre plus conceptuel et de labsence notoire de textes dans le hip hop instrumental, les processus et les enjeux de lencodage semblent mieux apprciables dans le hip hop "traditionnel", qui, lui, est rattach au rel grce la concrtisation linguistique du sens dans les paroles.

Les paroles des chansons rap, quant elles, sarticulent en fonction de rseaux intertextuels denses et complexes, notamment dans le hip hop franais, o la proccupation pour les textes est ostensible. On pourrait classer ces rapports en deux grandes catgories: dune part, lintertextualit rapologique, cest--dire, celle qui puise ses intertextes dans la culture hip hop et, dautre part, lintertextualit non-rapologique, soit celle qui est base sur des intertextes dorigine htroclite. Ainsi, dans la premire catgorie, nous retrouvons toutes les rfrences, allusions et autres procds dinclusion ou de drivation appartenant la culture hip hop, comme ce que nous pouvons dnommer les "matires rapologiques", et qui, la manire des grands rpertoires thmatiques classiques, servent de matire des nombreuses chansons rap. Tel est le cas des "gotrips" de tout genre issus du signifying afroamricain , des variations sur le thme "fuck the police" ou des rcrations du pass africain. En effet, les rappeurs old school, se sentant profondment et premirement membres de la nation hip hop, cest la culture hip hop amricaine et donc la tradition afro-amricaine, qui constituent leur intertexte fondamental, leur horizon premier. Quant lintertextualit non-rapologique, elle est aussi vaste que la culture des rappeurs au sens large du terme: autres musiques populaires dont la varit comme cible ou les autres musiques afro-amricaines comme rfrent positif , littrature, cinma, mdias, politique... En dfinitive, les diffrentes instances de la culture populaire contemporaine sentremlent dans les textes rap conformant une toile o la frontire entre texte et hors-texte a tendance sestomper.

Ainsi, face aux volutions ultrieures, plus conceptuelles, la old school franaise, aussi bien dans ses paroles que dans ses sons, savre tre paradigmatique pour lanalyse des procds intertextuels.

a) Lintertextualit sonore Les emprunts du rap old school affichent souvent une volont explicite: le public est appel reconnatre les rfrences et les interprter dans le contexte de la chanson. En effet, pour Tricia Rose,

[] sampling in rap is a process of cultural literacy and intertextual reference. [] In additon to the musical layering and engineering strategies involved in these soul ressurections, these samples are highlighted, functioning as a challenge to know these sounds, to make connections between the lyrical and musical text. It affirms black musical history and locates these past sounds in the present. (Rose 1984: 89) (Lchantillonnage dans le rap est un procd de rfrence culturelle et intertextuelle []. Paralllement aux stratgies de superposition et dingnierie mises en uvre dans ces ressuscitations du soul, ces chantillons sont mis en avant et fonctionnent comme des dfis lgard des nouveaux sons, afin dtablir des connexions entre le texte musical et les paroles. Cest un procd qui affirme lhistoire musicale noire et qui situe ces sons du "pass" dans le "prsent".)

Certes, cette affirmation laisse sous-entendre un certain essentialisme afro-amricain (Harkins 2008: 9), mais elle souligne surtout limportance du choix des chantillons dans le processus de cration puisquils sont la base du tissu identitaire, culturel et esthtique dans la chanson mme sils ne sont pas toujours politiquement engags. La centralit des "black cultural priorities" (Rose1984: 75) dans le rap old school est visible dans ses "sources" afro-amricaines, sur le plan musical, esthtique et identitaire, et dans le choix des samples repris dans le rap old school qui appartiennent presque systmatiquement la tradition afro-amricaine. Cest pourquoi, comme laffirme Tricia Rose, linsertion de samples puiss dans cette tradition entrane une prise de position identitaire qui passe par la rcupration et la lgitimation du pass. Les uvres de la tradition deviennent le matriel du prsent, qui les transforme dans un objectif prcis; ainsi, la faveur de lintertextualit, "tout texte est susceptible dtre repris, il nest pas limit ce qua effectivement crit son auteur, mais continue dtre crit par ceux qui le citent ou le rcrivent" (Rabeau 2002: 25).

La critique[3] a mis en vidence le caractre postmoderne de ces procds; en effet, la technique mme du sampling relve de lide de collage, de recyclage. Lorsque le moderne, lavant-garde, ne peut aller plus loin, cest lattitude postmoderne qui prend la relve:

La rponse postmoderne au moderne consiste reconnatre que le pass, tant donn quil ne peut tre dtruit parce que sa destruction conduit au silence, doit tre revisit : avec ironie, dune faon non innocente. (Eco 1987: 77)

La notion doriginalit de luvre dart est donc dpasse. Les rappeurs effectuent une vritable vivisection sur la chanson originale. Or, le sample reste rarement intact et fait lobjet de diverses altrations qui peuvent entraner des modifications importantes. A tous les degrs de transformation, puisque luvre de dpart est considre comme un "terrain" samples, les concepts dunicit et dimmanence de luvre originale disparaissent. Toutefois, cette transgression possde une volont cratrice:

Vai pralm da categorizao da fonte/referncia/itxt? Pra produtvdd?

En restituant lacte de copier sa part propre de crativit, de jeu et de posie, la technique de lchantillonnage, systmatise par les rappeurs, rhabilite une antique fascination pour le double. Contre la mtaphysique platonicienne de lunicit du vrai, lchantillon morcelle lessence, exhibant triomphalement ses fragments comme autant de parcelles dune vrit qui aurait fini par imploser. Et, transgression des transgressions, lchantillon prlev, dupliqu, remani, tritur, mis en boucle, nous enseigne que le fragment de copie trafiqu peut parfois se montrer dun intrt suprieur au modle auquel il fait rfrence. (Bthune 1999: 56)

Tout comme les notes du musicien traditionnel ou les huiles du peintre, lchantillon devient donc lunit de composition. Le sampling constitue ds lors une vritable rvolution dans le domaine musical (Katz 2004), mais aussi une subversion des valeurs traditionnellement associes au grand art, notamment loriginalit, lunicit et linaltrabilit (Adorno1941; Benjamin 1939).

Les enjeux esthtiques, juridiques et donc conomiques de ce tissu dinclusions plus ou moins explicites sont incontournables. En effet, si un auteur est le propritaire non seulement des droits de vente et dexploitation de son uvre quil peut donc cder des tiers , il est aussi son dpositaire moral. Voil pourquoi, dans une perspective juridique, "on peut se demander si une uvre littraire [une uvre artistique en gnral] qui reprend tout ou partie dune uvre prcdente sans le consentement de son auteur nes pas susceptible dtre accuse de contrefaon" (Rabeau 2002: 149). Telle est linterprtation de lindustrie musicale lgard de lutilisation des samples,considrs comme des plagiats, des contrefaons. Effectivement, si les chansons composes partir dchantillons sont considres comme des simples assemblages sans valeur esthtique, leurs auteurs jugs comme voleurs devraient compenser conomiquement les ayants droits des chansons originales. Au contraire, si lon spare le concept de cration artistique de la notion doriginalit absolue, les chansons rap deviennent des uvres dart lgitimes, libres donc davoir recours aux uvres du pass. Or, dans le contexte actuel de rification marchande de tous les biens culturels, le rap ayant une vocation artistique, mais aussi commerciale comme lensemble des produits artistiques contemporains , il semblerait licite que les propritaires des droits dauteur rclament une contrepartie sur les bnfices des rappeurs. Toutefois, justifierait-on si facilement que les ayants droits dEsope eurent rclam leur pourcentage aux hritiers de La Fontaine noublions pas que depuis de lintroduction de limprimerie, la littrature entre aussi dans lre de la "reproductibilit technique" ? Si en littrature cette question peut sembler absurde, en musique, comme le fait remarquer Hctor Fouce (2005), le traitement de lintertextualit et donc des droits dauteur semble tre bien plus problmatique. Sur le plan juridique, laffaire est tranche puisque les rappeurs sont forcs de payer des droits sur leurs samples. Au contraire, sur le plan esthtique, le dilemme semble loin dtre rsolu.

A cet gard, dans le contexte amricain, Imani Perry, lgiste et experte en hip hop, constate que les procs judiciaires intents contre les rappeurs prsupposent la nature "non artistique" du rap, ce qui lgitimerait le fait que leur musique ne bnficie pas de la protection du Premier Amendement :

The question of whether hip hop should be categorized as art in the long term will, of course, prove relevant for First Amandment claims and critiques. [] The charges of obscenity and copyright violation are philosophically connected bacause the underlying question remains whether hip hop is allowed to ocupy the cultural territory of art, and thereby of freedom of expression and original production. (Perry 2004: 114) (Dterminer si le hip hop doit tre considr comme un art sur le long terme sera essentiel lgard des dfenseurs et des dtracteurs du Premier Amendement. [] Les accusations dobscnit et de violation des droits dauteur sont lies philosophiquement, car la question fondamentale est de savoir si le hip hop est autoris occuper le territoire culturel de lart et, par consquent, jouir du droit la libert dexpression et la production originale.)

En ce sens, les compagnies de disques peroivent indfectiblement des droits sur les reprises et, en gnral, sur les samples les plus reconnaissables, cest--dire, sur les citations les plus directes reprables prioritairement dans le old school. Au contraire, dans les nouvelles musiques samples (trip hop, hip hop abstrait et autres tiquettes), le problme des droits dauteur est moindre, comme lindique Paul Harkins (2008).

Au-del des dbats passionnants quant leur lgalit, les inclusions sonores (citations, rfrences, allusions) crent un tissu de significations stablissant entre la tradition musicale et la chanson (musique et texte). Prenons comme exemple canonique la chanson dIAM "Tam tam de lAfrique" o le groupe de Marseille sapproprie la mlodie de base de "Pastime Paradise" de Sevie Wonder. Cet chantillon, trs connu et dj repris par le rappeur amricain Coolio dans "Gangsta Paradise", tablit premirement une correspondance avec la musique afro-amricaine; la mlodie, qui est ds lors idologiquement et musicalement marque, saccorde avec lintention pragmatique du morceau, savoir, la revendication de la ngritude, la dnonciation de lhistoire honteuse de lesclavage et la construction dune utopie afrocentriste. Toutefois, le sens du "Pastime paradise" original est dtourn et ce "paradis pass" devient, contrairement au texte de Stevie Wonder, un vritable lieu utopique. Ainsi, lAfrique comme continent mythique et paradis perdu, lhistoire du peuple noir et le lien identitaire et esthtique entre le sujet du texte et le patrimoine panafricain sont invoqus et par le texte et par la musique, car elle-mme fait partie de ce patrimoine. Les enjeux culturels et identitaires de linsertion du sample de Stevie Wonder dans la construction du sens sont vidents; mais il ne sagit pas du seul chantillon la base de la chanson; cest son matriau musical dans son ensemble qui est "emprunt"; dans cette profusion de sons extrieurs quil appartient au DJ de (re)composer, on retrouve une flte, des vents, des rythmes lectroniques, des churs, et notamment une mlodie de piano et les sons des tam tam. Du point de vue de la structure interne, les tam tam marquent la fin dune strophe, la conclusion dune tirade pique et le dbut de la suivante. Dun point de vue symbolique, ils renvoient lAfrique, lge dor primitif voqu par le texte, renforant donc la rcration du pass, sa lgitimation et sa revendication. En contant le paradis perdu, symbolis musicalement par ces instruments originels, le sujet transforme le mythe du pass en mythe davenir, en utopie. Dans une mme volont signifiante, le piano sonne au seul moment o le sujet interrompt sa narration pour sexprimer la premire personne. Il sagit dun appel la mmoire, la prise de conscience sur les consquences du pass dans le prsent, identifi musicalement par le piano. Ainsi, la musique et le texte tablissent des stratgies de collaboration/co-opration dans la cration du sens. Dans la chanson qui nous occupe, musique et paroles saccordent parfaitement, en quilibre. Par ailleurs, lintertextualit concerne lnonc linguistique lui-mme; en effet, le lecteur/auditeur de la chanson retrouvera probablement les chos des potes de la ngritude. Que le groupe ait ou nait pas connu les textes dAim Csaire ou de Sdar Senghor nempche pas la reconnaissance de ses intertextes possibles.

Suivant une mme volont de (re)-construction identitaire, mais se rfrant cette fois-ci lorigine italienne dAkhenaton (le leader du groupe IAM), dans "O sont les roses?", cest une chanson traditionnelle napolitaine qui est sample notons au passage que les crdits ne figurent pas sur la pochette du CD. Linclusion de cet extrait a pour objectif de (r)-incorporer le pass dans le prsent, de rappeler, dinvoquer un hritage que les nouveaux "Italiens" semblent avoir oubli.

Mme si la tradition de la chanson franaise est, en gnral, moins apprcie et donc, moins sample, dans "Nouveau Western", MC Solaar reprend lair de la fameuse "Bonnie and Clyde" de Serge Gainsbourg comme motif mlodique. Il existe srement une volont esthtique et commerciale la base de ce sample, mais aussi un objectif rfrentiel, puisque "Nouveau Western" se veut une critique des fausses valeurs vhicules par les films commerciaux amricains. Pour sa part, dans "Harley Davidson ", IAM reprend le refrain du tube homonyme de Gainsbourg pour tourner en drision la fascination, certes ironique, pour the American way of life dont fait preuve loriginal. Dans ces deux cas, tout en ayant des objectifs smantiques diffrents, le choix de Gainsbourg, enfant terrible de la chanson, comme intertexte musical, rvle la prdilection du hip hop pour la chanson franaise non-canonique.

Dans ces quelques exemples, nous pouvons constater que la cration du sens relve en ultime instance du rcepteur, qui, en fonction de son bagage dintertextes dcodera et interprtera luvre. Un auditeur franais ne reconnatra pas les mmes intertextes quun auditeur amricain et vice-versa. En effet, la rception est, on le sait, cratrice; or, elle se construit partir de lobjet extrieur quest la chanson. Ainsi, si la chanson est ostensiblement compose de citations ou autres procds intertextuels toute catgorie confondue reconnus par le rcepteur, chacune renverra dautres uvres, dautres rfrences, dautres intertextes variables en fonction de chaque individu. A la manire de la madeleine proustienne (DeNora 2006), chaque chantillon dclencherait un intertexte diffrent, multipliant les lectures/coutes possibles de luvre. Dans ce sens, les samples seraient des dclencheurs smantiques et symboliques intentionnels et non pas les preuves dune absence doriginalit. Dans les mots de Richard Shusterman, ainsi " est conteste la dichotomie cration / emprunt, comme lest aussi la division entre lartiste crateur et le public rcepteur " (Shusterman 1991: 193).

b) Lintertextualit discursive Les quelques exemples prcdents relvent dune intertextualit premirement musicale. Or, comme on le disait plus haut, lintertextualit dans les paroles est aussi extrmement riche. Tel est le cas de "Pptes" comme lattestent ses citations de Brel et de Piaf, mais aussi les autres rfrents intertextuels, moins vidents, comme le topos de Catulle "Odi et amo", dans les vers "Je taime autant que je te dteste", ou comme celui de la beaut phmre dans "T'tais frache et bien roule, pptes, / Maintenant t'es fade et farde". Ainsi, "Pptes" est une chanson damour thme rarissime dans le rap old school, construite sur des topoi du discours amoureux traditionnel, actualiss par un style contemporain. Cette rcupration de la tradition dans un moule idiomatique et musical nouveau saccorde avec lidentit esthtique du groupe, faite du collage, du mixage de discours et de sonorits htrognes. Quant "O sont les roses?", cest le "ubi sunt" qui revient, de mme que "les neiges dantan" de Villon et donc aussi de Brassens. Reprenant la distinction entre intertextualit rapologique et intertextualit non-rapologique, ces exemples sinscrivent dans la deuxime catgorie. En effet, ds la citation directe la simple vocation, la grande culture et la culture populaire sintgrent en tant quintertextes dans le rap franais. Ainsi, dans "La concubine de lhmoglobine", MC Solaar utilise "Le dormeur du val" de Rimbaud pour plaider pour le pacifisme; "Sea, sex and sun" de Gainsbourg est repris dans "Juste pour le fun" de NTM; Assassin cite Piaf dans "La formule secrte"et sassimile aussi La Fontaine en qualit de pote didactique. Nous voyons donc que la "grande culture" ctoie la culture populaire, que les barrires entre les genres discursifs disparaissent. A cet gard, il est intressant de noter que les rappeurs sidentifient la figure classique du pote, matre de la parole vraie, authentique. Treize textes parmi un corpus de 150 chansons des groupes les plus reprsentatifs de la priodeold school du rap franais Assassin, IAM, Ministre AMER, MC Solaar, NTM contiennent explicitement le mot "pote", faisant rfrence la condition du sujet. Les intertextes de la tradition potique sont rcuprs tout en les pliant aux objectifs pragmatiques de chaque chanson: dans les mots des rappeurs, le statut du pote est actualis: "potes de l'Alliance afro-asiatique"[4]; "potes de la plante Mars"; [5]; "Pote terroriste, quelque fois sonoste"[6]; "pote prodige"[7]; "Impact, gnr par le rimeur maniaque / duqu, mentalement, logiquement, normalement [] /Funky, Fresh, versificateur de qualit"[8].

Les rfrences intertextuelles non-rapologiques seffectuent plusieurs niveaux discursifs, en commenant par les mots, qui sont crs en (r)ac(c)olant des mots prexistants.

Faon Caligula on tudiera le Kamasoudrap.[9]Stomysanthrope nest toujours pas myope.[10]

Au niveau de la syntaxe, les vers ont frquemment recours des expressions figes, des proverbes et des ides reues dont le sens est dtourn:

On me traite de tratre quand je traite de la dfaite du silenceLe silence est dor, mais jai choisi la cadence.[11]

Mon style volue, jamais rvolu,influenc par la rueabat les bufs et tracte la charrue.[12]

Le long fleuve tranquille ne coulera plus tranquillement. Aprs le beau temps, vient la pluie quand on dlaisse ses enfants.Dans tous les cas, le sens premier de ces expressions subit une altration smantique et symbolique substantielle.

Les textes peuvent galement se rclamer dimaginaires htroclites grce la citation de noms propres, de marques, de personnages ou de titres de films. Jacques Chirac, George Bush, Luis Escobar ou Jean-Marie Le Pen sont voqus directement et indirectement. Rien nempche lutilisation de noms commerciaux tels que Harley Davidson, Adelscott, Ray Ban, Marlboro ou Dunlopillo. En nommant ces personnages et ces marques, en les montrant du doigt, les chansons rap intgrent la ralit quotidienne, politique et sociale, dans le domaine artistique. Il en est de mme pour le registre linguistique dominant, un registre relevant de loralit, truff dinterjections, donomatopes, dexpressions argotiques, un style fortement oralis. Toutes ces caractristiques de la langue du rap contribuent abattre la distinction entre lart et la vie, relier texte et hors-texte. A cet gard, il faut rappeler que le hip hop franais, du moins le hip hop old school, affiche une volont pdagogique vidente et prtend avoir un impact direct sur la ralit. Lesthtique hyperraliste sujets dactualit, registre oral, effets sonores correspond ainsi lobjectif illocutoire, notamment contestataire, des chansons hip hop. Dans la rcration de cette ralit du vernaculaire et de lurgence, les rfrences aux arts populaires sont frquentes. Ainsi, dans une critique du gangstrisme du hip hop, MC Solaar fait allusion plusieurs univers filmiques, dont Scarface, Les Incorruptibles, Danse avec les loups, Soldat universel, Vol au-dessus dun nid de coucou:

Al Capone, Baby Face, Scarface roi de lhomicide[]Alors ne danse pas avec les loups, Tu risques de te retrouver rapidement dans un trouTaurais lair malin avec du plomb dans la cervellea tapprendrait jouer au soldat universel[] Parce quon nest pas du genre tendre lautre joue Plutt du style tenvoyer voler au-dessus dun nid de coucou.[14]

Dans une description quelque peu lugubre de la socit contemporaine, la chanson "Nouveau Western", de MC Solaar, se construit partir de rfrences La Chevauche fantastique, La rivire sans retour ou Les sept mercenaires, accompagnes, comme on la vu, par le sample de Gainsbourg. De mme, la figure du Predator, reprise dans les textes de Ministre AMER, donne lieu des images fortes et menaantes renvoyant au film de John McTiernan et lalbum The Predator, de Ice Cube ("Comme le prdator, je ne sors que la nuit, cette fois la police est lennemie")[15]. Plusieurs allusions sont faites la saga de la Guerre des toiles ("je suis de taille Abdula Jedi / la force est avec moi")[16] ; la situation de Devine qui vient dner subit un retournement radical dans "Pas venu en touriste" (Ministre AMER). Dans tous ces exemples, limaginaire filmique est invoqu pour construire une reprsentation de la ralit. En ce sens, le dclenchement smantique provoqu par lallusion passe dabord par le visuel. Les metteurs en scne de Hollywood deviennent les Elstir des rappeurs; les crateurs des musiques populaires, leurs Vinteuil. Ainsi, la rcupration du hip hop stend des lments emprunts aussi bien au domaine du quotidien quau domaine artistique, quil sagisse duvres populaires ou leves.

Les procds intertextuels traduisent souvent une attitude dsacralisante lgard des catgories de lesthtique idaliste, savoir, lauctorialit, loriginalit et lunicit de luvre. Comme on la dj signal, cette attitude irrvrente, postmoderne, est la base de la cration du hip hop; parfois elle se fait explicite dans les textes, comme dans "Attentat II", dIAM, qui fonctionne comme une mise en abme de lattitude ironique postmoderne du hip hop. Fictionnalis par plusieurs enregistrements qui le caractrisent comme un film daction, le texte narre les ractions des protagonistes loccasion dun vernissage dart contemporain. Aprs avoir attaqu le buffet, les personnages abordent lexposition:

Je retraverse la salle pour boire un punch cocoQuand j'aperois Chill plant devant un tableauOh, c'est neuf ? Il l'a fait exprs, c'est un objet de culte?Vous me ferez signe quand vous l'aurez version adulteCar si cette chose est un tableauMa soeur de 10 ans s'appelle PicassoUn mec s'est approch et m'a dit "cet auteur a du coeur"Ah ouais, un Polonais qui utilise plus de 2 couleursSi je ne me trompe, son style c'estDu merdicocubicodbilo gribouillage abstrait[]Quelque chose m'intrigue quelques pas de moiIl y a un attroupement autour de je ne sais quoiJe me rapproche, je jette un oeil "oula, c'est quoi a?""C'est de l'art, mon cher, au cas o vous ne le sauriez pas"Je ne vois pas o il veut en venir c'est pas que c'est mocheMais, il l'a peint avec l'oreille gauche?Tout le monde me regarde d'un air indignQuoi qu'est-ce qu'il y a c'est pas de ma faute si c'est laidUn autre me demande qu'est-ce que tu penses de ce dlireJe lui ai dit l'auteur abuse des cigarettes qui font rireEt j'ai pris du Ketchup dans ma main droiteJ'ai choisi un tableau, bien vis, splash !Bien entendu il y a bien eu 5 ou 6 couillonsLes cheuveux dans le genre Godefroi de BouillonPour s'extasier devant la tche "ce peintre est un chefAdmire la perspective, les couleurs, quel relief[]Je fouille dans mes poches, j'en sors un styloPuis m'approche discrtement d'un tableauJe regarde autour de moi, bon personnele Z de Zorro ouais je cartonneSoudain arrivent derrire moi deux crtins cosmiquesEuh, gniale cette lettre symbolique.[17]

Reprenant son compte le fameux castigat ridendo mores, cet attentat caricatural ridiculise le monde de lart contemporain; or, il sacharne surtout contre la figure du crateur "conceptuel" et contre son public, mais aussi contre lide mme duvre "sacre", qui ne mrite aucun respect et qui peut tre transgresse et altre impunment. Les objets de lart dit "lev" sont ici rcuprs dans un objectif de drision.

Quant lintertextualit rapologique, elle se nourrit de la old school amricaine et des principes esthtiques et idologiques de la culture hip hop. Prenons comme exemple une des matires rap les plus prgnantes, soit la critique de la police: inaugure par le groupe radical NWA (Niggaz With an Attitude) avec son titre "Fuck the Police" (Priority Records, 1989), les attaques verbales contre les forces de lordre sont devenues des leitmotivs du rap hardcore. En France, le groupe NTM sort "Police" en 1993, une chanson trs polmique qui fait rfrence explicite lintertexte amricain:

Tels sont les rves que fait la nuit Joey Joe,Donne-moi des balles pour la police municipale.Donne-moi un flingue []Pour notre part ce ne sera pas fuck the police,mais un spcial Nick Ta Mre de la part de la mre patrie du vice.

Ces rveries o les rappeurs se laissent aller la violence symbolique contre lautorit sont galement visibles dans "Ltat Assassine" dAssassin ou dans "Sacrifice de poulet" de Ministre AMER: "Comme le prdator, / je ne sors que la nuit / Cette fois encore la police est lennemie...".

En rapport avec cette critique contre lautorit, lgotrip, entendu comme dfi hyperbolique et violent dun sujet "je" ou "nous" contre lAutre, quil sagisse dun rappeur, dun homme politique ou du Pouvoir, constitue galement un topos rapologique prgnant, qui puise ses origines dans la tradition afroamricaine des dirty dozens (Rose 1994; Bthune 1999; Lapassade et Rousselot 1996; Marc Martnez 2008). Les rappeurs franais sapproprient cette "matire" de rap et la rlaborent leur faon. Ainsi NTM, dj dans son nom, "Nick Ta Mre", traduit lomniprsent "motherfucker", linsulte paradigmatique, mme si d-lexicalise, de la communaut afro-amricaine. Dans de nombreux textes old school, cette attitude agonistique se traduit par des provocations obscnes ou violentes:

Encore une ascension, une nouvelle accession Suprme NTM encore et toujours en action Devant toi je suis bien je monte et j'aime a Quant toi, toi l-bas, toi qui m'coutes Je retire de ton crne maintenant le dernier doute Bois mes paroles et retiens-les bien Car je dtiens enfin dans mes mains La solution pour gurir tes maux de tte je t'envoie ma potion C'est une potion anale Elle est fatale, elle fait mal carte donc ton trou de balle Mon nom est Shen, inventeur de la sodomie verbale (NTM 1991, "Cest clair")

Ou encore: Ca y est ! Les frquences de ma voix vacillent dans l'atmosphre. Ma seule patrie est mon posse qui part en guerre. Lourde est l'attitude de ce nouveau chapitre, Le putain d'artiste au poids politique et l'Acadmie Mythique Ne pourront jamais tre stopps dans leur ascension : Ni le flau mdiatique, ni les partis politiques n'arrteront cette putain de production.(Assassin 1993, "Kique ta merde").

Lgotrip et la critique de la police sont des topoi rapologiques parmi bien dautresqui nous permettent daffirmer que les lieux communs du rap dans lespace glocal du hip hop (Potter 1995) peuvent tre interprts comme des rfrences intertextuelles qui relient les textes lesthtique rap, les situant les uns par rapport aux autres, comme les variations se situant par rapport aux modles. En dfinitive, il est possible daffirmer que lintertextualit discursive, rapologique ou non-rapologique, au mme titre que lintertextualit sonore, est constitutive de lesthtique rap.

ConclusionsLintertextualit imprgne le hip hopfranais dans ses composantes musicales, discursives, esthtiques et symboliques. Le rsultat est un genre qui met en vidence ses propres procds de cration / fabrication; un genre o un artisan digital cre partir dlments recycls. A lre du recyclage comme utopie politique et environnementale, le hip hop devient un des paradigmes esthtiques de la socit de la rcupration.

Nous avons vu quel point les procds intertextuels sont dterminants dans le hip hop. Or, il semble bien que les musiques actuelles sans exceptions assument lintertextualit/ intermusicalit / transmusicalit comme facteur de cration. Dun part, parce que les reprises/versions constituent un pourcentage important de la production musicale actuelle (drivation intertextuelle). Dautre part, et notamment, parce que tous les genres, du rock plus indpendant au rap canonique, se font lcho dautres musiques prenregistres, dans leur mlodie, leur interprtation, leur style, dans les sujets quils traitent ou dans leurs attitudes vis--vis de leur public (inclusion intertextuelle). Le champ musical contemporain est intertextuel comme lest le champ littraire. Il importe donc de sinterroger sur ces phnomnes: quelle est la part de loriginalit, des inclusions et des drivations dans chacun des genres, des auteurs, des chansons? Quels sont les rapports entre les anciens et les modernes aujourdhui? Quels sont les effets produits partir du dialogue stablissant entre eux ? Quvoque la reprise dun riff, dun solo de guitare, dune intonation de la voix ou dune attitude sur scne? Ce dialogue est le dclencheur de la mmoire, sonore, visuelle, esthtique et motionnelle; les rseaux dvocations sactivent et la rception devient un acte de reconstitution crative sur le plan sonore et symbolique. Le plaisir de lcoute est, en effet, bas sur la reconnaissance de la rptition des rythmes de la chanson (Middleton 2006), mais galement sur la reconnaissance des dlments rcuprs. Les paroles, leurs intertextes autres chansons, autres discours possdent aussi une importance majeure. En effet, les chansons rcuprent des thmes, des formes et des styles, dans un change constant avec les uvres du pass mais aussi avec la ralit de leur contexte de production. La construction du sens dans une chanson est donc le fruit dun dialogue polyphonique: ah va

"meaning is always both socially and historically situated, and generically specific.Heteroglot networks of discursive conventions resulting form never-ending, historically contingent exchanges create a kind of giant intertextuality, operating both between utterances, texts, styles, genres and social groups, and within individual examples of each.(Le sens est toujours situ dans un contexte social et historique spcifique. Les rseaux htroglottes polyphoniques des conventions discursives, rsultant dchanges infinis, historiquement contingents, crent une intertextualit gante, agissant sur les interprtations, les textes, les styles, les genres et les groupes sociaux, et sur leurs exemples individuels.) (Middleton 2000: 13)

Ainsi, lchantillonnage sonore et discursif, en tant que procd intertextuel, constitue lethos du hip hop, bien sr, mais aussi, des degrs diffrents, des autres genres des musiques amplifies. La multiplicit dialogique des originaux et de leurs reprises conforme lintertextualit gante de Middleton mais aussi lintertextualit discursive de Barthes sentrecroisant dans la fusion smiologique de la chanson. Le texte et le hors-texte, les musiques, les littratures, les manifestations artistiques, populaires et leves, puis les instances du rel sont interpells dans le processus de cration et de rception dune chanson. Lintertextualit sous-tend donc les musiques amplifies comme vecteur de cration de sens, aussi bien dans le processus de composition et dcriture que dans le processus de reconnaissance et dinterprtation.

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Notes

[1] Pour une analyse des enjeux de la technologie dans lvolution de la musique, voir notamment Capturing sound: how technology has changad music, de Mark Katz (2004).

[2] Sur le terme sampling, voir l'article de Tellef Kvifte "Digital Sampling and Analogue Aesthetics" (Kvifte: 2007), o il en propose quatre acceptions:

a) la conversion d'un son analogique en son numrique, b) l'imitation d'un instrument par un autre instrument; c) lintgration denregistrements prexistants dans un nouvel enregistrement sous forme de citation sonore; d) l'emploi des platines o de ldition musicale pour amliorer les enregistrements en studio ou pour liminer des erreurs. Lchantillonnage du hip hop correspondrait au type (c).

[3] Notamment Christian Bthune (1999), Richard Shusterman (1991) et Russel A. Potter (1995).

[4] IAM (1991). "IAM Concept".

[5] IAM (1991). "Plante Mars".

[6] IAM (1991). "Red, black and green".

[7] MC Solaar (1991). "Quartier nord".

[8] IAM (1991). " La tension monte ".

[9] Ministre AMER (1997). " Brigitte, femme de flic ".

[10] Ministre AMER (1997). " Damns ".

[11] MC Solaar (1991). " Qui sme le vent rcolte le tempo ". [12] NTM (1993). "Pour un nouveau massacre"

[13] Assassin(1995). "Quand jtais petit".

[14] IAM (1993). "Bang bang".

[15] Ministre AMER (1995). "Sacrifice de poulet".

[16] Ministre AMER (1997). "Plus vite que les balles".

[17] IAM (1993). "Attentat II".