(1885) le mahdi depuis les origines de l'islam jusqu'a nos jours

8/14/2019 (1885) Le Mahdi depuis les origines de l'Islam jusqu'a nos jours

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BIBLIOTHLQ.LL OKILNTALH LLZLVIKILNNLXLIII

LE MAHDIDEPUIS L L S O R 1 G I \" li S DE L ' 1 S L AM

.-jusqu' nos jours


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ANGERS, IMFHIMEKIE BURDIN LT C'% RL'li GARNItR, 4.


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HE'LE MAHDIdepuis les origines de l islamjusqu' nus joursJAMES DARMESTETER

'Profeisetir au Collge de France.

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PARISERNEST LEROUX, DITEUR28, RUE BONAPARTE, 28

i88s


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LE MAHDIDEPUIS LES ORIGINES DE l'isLAM

jusqu' nos jours

CONFERENCE DU f>.8 FEVRIER 1885FAITE A LA SORBOXNE

DEVAXT L'ASSOCIATION SCIENTIFIQUE DE FRANCE

Mesdames, Messieurs,Je vous dois, pour commencer, un aveu

loyal. Si vous tes venus ici dans l'esp-rance de remporter de l'indit sur le pro-phte du Soudan, je crains que vous nequittiez cette salle quelque peu dus. Surle Mahdi de 1885, je ne crois pas avoirgrand'chose vous apprendre qui n'ait djt dit. La presse, d'ailleurs, se charge desatisfaire votre curiosit mieux que je ne


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6 saurais le faire et vous a dit dj tout cequ'on sait de lui, et mme plus qu'on n'ensait. Heureusement, dans ce monde, et sur-tout dans le monde musulman, Thistoirese rpte si trangement que vous raconterles aventures des Mahdi d'autrefois, c'estdj vous flre par avance l'histoire duMahdi d'aujourd'hui, son histoire passe,prsente et future. Vous savez, en effet,que le prophte d'aujourd'hui n'est pointle premier de son espce, pas plus qu'iln'en sera le dernier. Il y a eu des Malidisavant lui et il y en aura aprs lui. L'histoirede ses prestiges, de ses promesses, de sessuccs et, tt ou tard, de la dception

finale, toujours invitable, a dj retentiplus d'une fois dans l'Islam et retentira plusd'une fois encore. On a attendu le Mahdids les premiers jours de l'Islam et il y aurades Mahdis tant qu'il y aura un musulman.Nous remonterons donc, si vous le per-


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mettez bien, du 28 fvrier de Tan de grce1885 du 13 djoumd Voul de Tanne1302 de l'hgire l'an 622 de notre re, Tan I de l're musulmane.


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THEORIE DU MARDI

Vous savez comment s'y prit Mahometpour faire sa religion. Quand il parut, il yavait en Arabie, ct du vieux paganismenational, trois religions trangres : le ju-dasme, le christianisme et la religion deZoroastre, c'est--dire la religion qui r-gnait en Perse avant la conqute musul-mane et qui s'tait propage en Arabie, auNord par le commerce, et au Sud, dans leYmen, par la conqute. Mahomet ne semit pas en frais d'originalit : il prit sesdogmes aux juifs et aux chrtiens ; il prit samythologie aux juifs, aux chrtiens et auxPersans : il n'y eut jamais religion fabri-que meilleurcompte.Or, untraitquitaitcommun ces trois religions, c'tait lacroyance en un tre surnaturel qui devait,

I.


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m la fin des temps, ramener dans le mondel'ordre et la justice qui en sont bannis etprluder au rgne de l'immortalit et de laflicit sans fin.

Ce n'est pas ici le lieu de faire l'histoirede cette ide, que l'on appelle l'ide mes-sianique : vous avez tous lu les pages admi-rables que lui a consacres Tauteur de laVie de Jsus. Pour notre objet prsent, ilsuffit ici de vous rappeler que cette con-ception, qui est ne dans le judasme etqui a donn naissance au christianisme,n'avait pris chez les juifs et les chrtienseux-mmes sa forme dfinitive que sousl'influence de la mythologie persane. Del, sous ses trois formes, juive, chrtienneet persane, malgr une certaine varitde dtails, une ressemblance profonde dansles grandes lignes. Dans les trois reli-gions, l'arrive du Sauveur devait treprcde d'un immense dchanement desforces du Mal, personnifi chez les juifspar l'invasion et les ravages de Gog etMagog; chez les chrtiens, par le Dragonou la Bte de TApocalypse et par un faux


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II prophte, le prophte de Satan, appell'Antchrist; chez les Persans, par le ser-pent Zohk, incarnation d'Ahriman, lemauvais principe (i). Des trois cts gale-ment, le Sauveur devait descendre endroite ligne du personnage le plus augustede la tradition nationale : chez les juifs etles chrtiens, il s'appelait le Messie et des-cendait du roi-prophte d'Isral, David;chez les Persans^ il s'appelait Saoshyant ettait fils du prophte de la Perse, Zo-roastre (2) : il fallait que la figure qui, dansles trois religions, dominait l'histoire dumonde , domint aussi la fin du drame.

La doctrine messianique des musulmansest emprunte au christianisme. Les mu-sulmans croient, comme les chrtiens, queJsus doit, le jour venu, anantir le dmondchan, la Bte de l'Apocalypse, le fauxprophte del dernire heure, l'Antchrist,qu'ils appellent DeddjL c'est--dire l'im-posteur. Mais l'Islam ne pouvait laisser Jsus le rle suprme et dcisif. L'Islamcroit la mission de Jsus, mais non pas sa divinit. Cinq prophtes jusqu' Ma-


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12 iiomet ont paru depuis la cration: Adam,Xo, Abraham, Mose, Jsus, chacun plusgrand que son prdcesseur, chacun appor-tant une rvlation plus complte et plushaute que la prcdente. Jsus est au-dessusdes prophtes de la loi ancienne, mais il estau-dessous des prophtes de la loi nouvelle,celle qu'inaugura Mahomet. Il ne sera doncdans la lutte finale que le serviteur etTauxi-liaire d'un personnage plus auguste : cepersonnage est le Mahdi.

Le sens littral de ce mot de Mahdi n'estpoint, comme on le dit gnralement dansles journaux,, Celui qui dirige, sens en effetplus satisfaisant pour un Europen; Mahdiest le participe pass d'un verbe hadaya,diriger, ctsigmhcCelni ijui est dirig. L'idefondamentale de l'Islamisme, c'est l'im-puissance del'hommesediriger lui-mme, trouver la vrit, la voie droite. Parbonheur, Dieu envoie par instants l'hu-manit ignorante des hommes en qui il metsa science et qui il rvle ce qui est et cequ'il faut faire : ce sont les prophtes. Le


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n prophte, par lui-mme, est aussi igno-rant, aussi frle, aussi born que le restede ses frres ; mais Dieu lui dicte, fait delui son porte-paroles, et, s'il est le direc-teur des hommes, c'est parce que lui-mmeest seul le Bien-Dirig , le dirig deDieu, le Mahdi. Le mot de Mahdi n'est doncqu'une pithte qui peut s'appliquera toutprophte et mme toute crature ; mais,employ comme nom propre, il dsigne leBicn-Dirig entre tous, le Mahdi par excel-lence, c'est--dire le Prophte qui doitclorele drame du monde. De celui-l Jsus nesera que le vicaire. Jsus viendra gorgerl'Antchrist, massacrer les juifs, convertir l'islamisme les chrtiens et les idoltres,et, cela fait, il assistera le Mahdi dans laclbration d'un oftice suprme, le dernierclbr ici-bas, et rptera docilement laprire que prononce le Mahdi, comme lefidle dans la mosque rpte les parolesque prononce l'i/nni (3), chef de la prire.Alors retentiront les fanfares de la rsur-rection, et Dieu viendra juger les vivantset les mort^ (4).


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II

FORMATION DE LA THEORIE DU MARDI

Le Coran ne parle point du Mahdi. Ilsemble pourtant bien certain que Mahometl'avait annonc, sans que Ton puisse direau juste l'ide qu'il s'en faisait. Parmi lesparoles que lui prte la tradition se trou-vent celles-ci : Quand mme le tempsn'aurait plus qu'un jour durer, Dieususcitera un homme de ma famille quirempHra la terre de justice autant qu'elleest remplie d'iniquit (5). Autrementdit, le Mahdi serait du sang de Mahomet.On peut douter que Mahomet lui-mmese ft exprim aussi nettement sur ce point.Il n'avait point de fils et rien n'indique qu'ilait admis dans la prophtie ce principe d'h-rdit qui rpugne si fort au gnie anarchiste


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i6 del race arabe. Xi de son vivant, ni enmourant, il n'avait dsign d'hritier. Dieuchoisit qui il veut : il n'est pas astreint fairedescendre ses dons avec le sang, et ses fa-veurs ne sont pas enchanes au hasard dela gnration. Si le prophte disparat sansavoir lgu son manteau au disciple qu'ila distingu, c'est au peuple reconnatresur quelles paules il doit le jeter. La ques-tion se posa ds la mort de Mahomet etfut bientt tranche. Il ne laissait qu'unehlle, Fatimah, qu'il avait donne soncousin, le jeune Ali, le premier de sesproslytes, le plus dvou et le plus ardent.Tout un parti se forma autour d'Ali; maispar trois fois il fut cart, trois fois en vingt-trois ans, la succession du Prophte, leKhalifaty ouverte par la mort, passa destrangers : Abou Bekr, Omar, Othman.

Le gendre du prophte parvint enfin aukhalif.it, mais pour se dbattre au milieude haines froces sous lesquelles il suc-comba. Le fils dun des adversaires lesplus acharns du Prophte, de l'un de ceuxqui avaient tenu jusqu'au bout pour la


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17 vieille idoltrie arabe, Moaviah, prfet deDamas, chef de la famille des Omiades,fonda le khalifat hrditaire sur le cadavredu gendre du Prophte. C'tait la re-vanche du paganisme. Ces khalifes deDamas taient d'affreux mcrants, quibuvaient le vin sans se cacher, au lieude le boire en se cachant, comme c'estle devoir d'un pieux musulman. Leur re-prsentant typique tait ce Wlid II, quis'exerait la cible sur le Coran en luidisant en vers : Au jour de la rsur-rection tu diras au Seigneur : C'est le kha-life Wlid qui m'a mis en lambeaux ; oucet Abd-el-Melik, qui, l'instant o il futsalu du titre de khalife, fermait le Coran,qui jusqu'alors ne l'avait jamais quitt, endisant : Maintenant, il faut nous sparer. Et pourtant c'est sous les auspices de cesprinces demi idoltres que l'Islam fit cesmerveilleuses conqutes qui sont encoreaujourd'hui l'tonncment de l'histoire _,comme la Rvolution lit le tour de l'Europesous la cravache de Napolon. C'est la loi,qu'un principe nouveau ne tiiomphedans


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i8 le monde que par ceux qui le corron.penet l'exploitent. C'est au moment de cetriomphe des Omiades que commena se prciser et se dvelopper la doctrinedu Mahdi an profit des descendants d'Ali.

C'est que dans l'intervalle un vne-ment capital s'tait produit : la conqutede la Peise. Cet immense empire qui,pendant quatre sicles, avait tenu tte Rome et Bjzance. venait de crouler enquelques annes, sous le choc de quelquesescadrons arabes poussant le cri de :r Dieu cstgrand^^Anabakhar. La rsis-tance nationale fiit nulle : les armes dertat disperses, le peuple se soumit sansbouger. Bien plus, il adopta en masse lareligion notivelle, bien qu'elle ne fut pasimpose. Car les Arabes des premierstemps, si matiques qu'ils fussent, n'of-fraient point le choix, comme on l'ima-gine, entre le Corain et le glaive : ils lais-saient une troisime alternative, le tribut payer, et les Khalifes aimaient beaucoupmieux voir les peuples adopter cette der-


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19 nirc alternative, qui avait le grand avan-tage de remplir les cofFres. Les succs duCoran effrayaient leurs ministres des finan-ces et, comme s'en plaignaient les intran-sigeants de l'Islam, il semblait que Dieuet envoy le Prophte , non commeaptre, mais comme collecteur de taxes.La Perse se convertit en niasse et deplein gr : l'invasion arabe tait pour elleune dlivrance, en religion comme en po-litique. Elle avait subi sous les derniersrois nationaux une priode d'anarchiepouvantable, et la reHgion d'tat^ le zo-roastrisme, religion d'une morale trs pureet trs haute, avait nanmoins inauguren Orient une chose alors toute nouvelle :l'intolrance. Charge de pratiques pni-bles, de prohibitions vexatoires auxquellesles Sassanides les premiers souverainsqui aient invent la formule du trne ap-puy sur l'autel (6) prtaient l'appuidu bras scuUer, elle avait perdu touteprise sur les esprits; et comme, d'autrepart, elle tait aussi hostile que possible cet esprit d'asctisme que le peuple


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20 aime voir dans sa religion, mme etsurtout quand il ne la pratique pas, ellecessait d'tre respecte sans cesser d'trelourde : elle ne pouvait plus durer, parcequ'elle ne gnait pas les passions et qu'ellegnait les intrts.

Aussi, du jour au lendemain, la moitide la Perse tait musulmane, d'un isla-misme trange, il est vrai : l'Islam la d-saiieait de son culte incommode : maiselle y transportait une chose laquelle unpays tient bien plus qu' sa religion, sesdogmes et son culte : elle y transportaiten masse toute sa mythologie.Quand la querelle entre Ali et les

Omiades clata_, la Perse, au fond, taitbien peu intresse dans la querelle : quelui importait qui tenait en main le btondu khalife, de l'Arabe Ali ou de l'ArabeMoaviah? Elle devait faire des vux pourle vaincu, quel qu'il ft : c'tait faire desvux contre le matre. Le sentiment na-tional s'tait assez vite redress. De revenir l'ancienne religion, on n'y songeaitgure : les souvenirs de cette dure et p-


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21 dantesque discipline taient encore tropcuisants. On restait musulman ; mais TIs-lam est une chose et les Arabes en sont uneautre : on voulait bien de l'un; mais desautres^ le moins possible. Ali ayant suc-comb, Ali avait le droit. Mais, une fois quela Perse fut alidc, elle le devint de cur etpour une raison profonde : c'est qu'Ali,gendre du prophte, cY^st que les fils d'Ali,petits-fils du prophte, reprsentaient, pourunPersan, le principe de l'hrdit, du droitdivin.

Or, la constitution persane, depuis dessicles, reposait sur le droit divin, prin-cipe commun d'ailleurs toutes les na-tions aryennes dans leurs priodes primi-tives. Les Perses, comme les Indous,comme les Grecs homriques, croyaientque parmi les hommes il existe certainesfamilles, directement descendues de Dieu,et auxquelles appartient l'empire par ledroit de leur nature surhumaine : ces rois, ces fils de Zeus , comme disaient lesGrecs, recevaient, croyait-on en Perse, etse tran^mettaient par la gnration une


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Hamnie subtile, sorte d'aurole venue duciel et qui s'appelait le Farri ya:{dan^ c'est--dire la gloire venue de Dieu . Leroi tait Dieu_, fils de Dieu. Sur les ins-criptions qui nous restent de ces princes,ils se proclament divins, de race c-leste (7) )) ; ils s'intitulent dans leur corres-pondance frre du Soleil et de la Lune,homme parmi les dieux, Dieu parmi leshommes (8) ; ils portaient sur leur cou-ronne une reprsentation du globe cleste,pour rappeler qu'ils taient l'axe ou le plede l'humanit (9). Pendant quatre sicles^sous les Sassanides, la Perse avait t glo-rieuse et puissante, parce que le pouvoirtait rest dans le sang lgitime et divin :ces grands Sassanides eux-mmes ne s'-taient pas sentis affermis sur le trne qu'ilsne se fussent rattachs d'abord, par-dessuslesPartheset les successeurs d'Alexandre, la race des Achmnides, hritiers di-rects des premiers hros mythiques deVAvesta, Fridoun et Djemchid. La d-cadence de la Perse avait commenc lejour o Tusurpation avait interrompu la


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^3ligne divine. Aussi, pour un Persancroyant l'Islam, les prtentions et letriomphe des Omiades, en dehors mmede leur indignit religieuse, taient unrenversement monstrueux de la raison etdu droit.

Aussi Ali, peine mort, entra de plain-pied dans la lgende et le mythe. Ali,cousin, frre, puis fils d'adoption du Pro-phte, son premier fidle et son plus in-trpide dfenseur ; le guerrier que jamaishomme n'avait vaincu, la naissancede qui, disait le khalife Abou-Bekr, lesplus braves pes taient rentres dans lefourreau ; le Samson des temps nou-veaux qui, l'assaut de Khaibar, avaitarrach de ses gonds la porte de la villeet s'en tait couvert comme d'un bouclier ;le beau, le noble, le charitable, le gn-reux, le sage et savant Ali, de qui leprophte avait dit : c Je suis la ville de lascience et AU en est la porte : Ali, troisfois dpouill par Tintrigue de l'hritage deson pre et tombant enfin sous le poignarddes assassins, devint pour les siens comme


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24 une sorte de Christ hroque et mili-tant (lo).De l le grand schisme qui ds les pre-miers jours divisa l'Islam. Tandis que la

plus grande partie des musulmans, leshommes de la tradition, les Sonnites, r-vraient les trois premiers khalifes lectifs l'gal d'Ali, les autres, recruts princi-palement parmi les Persans^ les maudis-saient comme usurpateurs et ne reconnais-saient que le gendre du Prophte pourinini ou chef lgitime : ils formaient lasecte des Alides ou iiiidniicfjs, c'est--dirade ceux qui croient qu'il y a dans tous lestemps un iiiiin impeccable dont l'exis-tence est absolument ncessaire pourmaintenir l'ordre de l'univers, qu'il n'y aqu un innhn lgitime dans le monde commeil n'y a qu'un Dieu dans le ciel, et quecette dignit d'imam est fixe dans la raced'Ali, choisi de Dieu. C'est la secte plusconnue en Europe sous le nom que luiont donn les orthodoxes, de chiites ousectaires. Le culte d'Ali prit bientt chezune partie de ses fidles toutes les allures


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d'une religion. Il y avait en lui une partde la divinit; aussi n'tait-il point mort,il tait mont au ciel; c'tait lui qu'onvoyait passer dans l'orage sur les nues,c'tait lui dont on entendait la voix dansle tonnerre et dont on voyait le fouet setordre dans l'clair. De son vivant mme,dit-on, des hommes l'avaient ador commel'incarnation, disant : Tu es Dieu. Ali, indign, et inconscient de sa divinit,leur faisait trancher la tte et les ttes enroulant continuaient crier : AH, tu esDieu! (il)

Ali laissait deux fils de Fatimah, Hasanet Husein ; Hasan fut empoisonn par lesOmiades; Husein, abandonn dans lalutte parles partisans qui l'avaient appel,avait t massacr Kerbela avec toute safamille, aprs une rsistance hroque etdes scnes d'horreur dont la reprsenta-tion a donn naissance en Perse un mo-notone et admirable thtre, que nous ontfait connatre les travaux de M. de Go-bineau et de M. Chodzko (12) et qui au-jourd'hui encore, chaque anne, fait pleu-

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26 rcr de douleur et de rage le Persan le plusincrdule.

Les Omiades pouvaient triompher, as-siger et saccager les villes saintes, Mdineet la Mecque, pousser les armes de l'Islamjusqu'au del de TOxus et de Tlndus,jusqu'au Caucase, jusqu'aux Pyrnes :ils n'taient que les matres de fait. Il nVavait de chef lgitime, 'iinin, que dansla race d'Ali. Si sombre que ft le prsent,d'Ali devait sortir le sauveur futur, leMahdi, puisqu'avait t confi Ali ledpt du sang du Prophte. Les Perseszoroastriens croyaient que le Sauveur,Saoshyant, devait natre du sang de leurprophte, Zoroastre : les Perses convertisn'avaient qu' changer les noms propres.Ils racontaient qu'un jour Ali avait de-mand au Prophte : O prophte deDieu! le Mahdi sera-t-il des ntres oubien d'une autre famille? Et le prophteavait rpondu : Certainement il serades ntres. C'est par nous que Dieu doitachever son ouvrage, de mme que parnous il l'a commenc (13).


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27 L'ide du Mabdi, une fois lance, va

fliirc le tour du monde musulman : nousallons la suivre rapidement chez les Per-sans, les Berbres, les Turcs, les Egyp-tiens et les Arabes du Soudan, sans avoird'ailleurs la prtention de faire dfilerdevant vous tous les Mahdis qui ont passun instant sur la scne prophtique, carleur nom s'appellerait Lgion.

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III

Lr. MAHDI EN PERSH. PREMIERE PERIODE

Le second fils d'Ali et de Fatiinah, Hu-sein, ne laissait qu'un enfant de dix ans,Ali, trop jeune pour servir de point deral-liement aux mcontents. Mais Ali laissaitun autre fils, n d'une autre fenniie queFatimah, nomm Mohammed, fils de laHanfite . Il vivait retir la Mecque,loin des dangers de la vie active; maistous les curs des Alides taient tournsvers lui. Un ambitieux, nomm Mokhtar,se souleva en son nom et prit le titre de lieutenant du Mahdi . C'est la premirefois que ce nom de Mahdi parat dansrhistoire; il y avait un demi- sicle que leProphte tait mort. Ce Mokhtar tait unhabile homme qui avait pass par tous les

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30 partis et qui, pour pallier ses palinodies,se tirait d'embarras en invoquant undogme de son invention que je recom-mande aux thologiens politiques ; ledogme de la mutabilit de Dieu. L'acti-vit intellectuelle de Dieu est si puissantequ'il faut bien qu'il change d'ides cha-que instant, et naturellement ceux quisuivent les inspirations de Dieu doivent c'est un devoir sacr essayer de lesuivre dans ses variations. Il annonait ses soldats que, s'ils faiblissaient dans labataille, les anges viendraient leur se-cours sous forme d'oiseaux, et il lanaitau moment critique des voles de pigeonsqui, en effet, faisaient merveille. Il faisaitporter devant ses soldats un sige achetdans un bric--brac de Koufa, qu'il expo-sait la vnration des fidles commetant le sige d'Ali, et qui devait tre poureux, disait-il, ce que l'Arche d'alliancetait pour les enfants d'Isral : avec cepalladium, ils seraient invincibles (14).Mohammed, sentant bien qu'il ne seraitqu'un pantin aux mains de cet homme


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I d'esprit, le laissa faire sans se prononcer.Mokhtar prit, malgr toutes ses finesses ;mais Mohammed, bon gr, mal gr, n'enresta pas moins le Mahdi pour les partisansde Mokhtar. Il n'en mourut pas moins son tour ; mais ses fidles ne voulurentpas croire sa mort et annoncrent qu'ilreviendrait. C'tait la premire invasiondans l'Islam d'un vieux mythe familier la mythologie persane et que nous allonsrencontrer prsent bien des fois : le mythed'un hros cru mort, qui attend, cach ouendormi, l'heure de reparatre. C'est unedes lgendes favorites de la mythologiearyenne et en particulier de la mythologiepersane : elle est ne d'un mythe natura-liste, de la rapparition de la lumire en-gloutie dans la nuit ou dans l'orage. Lehros lumineux, pleur comme mort, re-paraissait triomphant; il n'tait donc qu'en-dormi. De l, dans la victoire des tnbresl'attente d'un rveil. Le dieu n'est pasmort ; il sommeille, il se rveillera (15).

Ces formules prtaient merveilleuse-ment l'imagination populaire, qui de-


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32vant les tristesses du prsent aime mettreune esprance dans les lointains de l'avenir.Chez les peuples tourments d'un rvenational, c'est l'attente d'une re nouvelle.\'ous savez combien de sicles les Celtesd'Angleterre ont attendu Arthur, qui re-pose dans l'le d'Avalon o la fe Morgaingurit ses blessures et qui en sortira pourchasser les Saxons et conqurir le monde.Les Serbes attendent Marko Kralievitch,qui dort dans la caverne o Dieu l'a trans-port au plus fort de la bataille. Vousconnaissez par Victor Hugo Frdric Bar-berousse et le chteau de Kaiserslautern ;vous vous rappelez les cris de joie despotes allemands en 1870, s'criant queBarberousse tait rveill et que l'arbrefltri avait reverdi (16). En 1848^ la nou-velle des dfaites autricliiennes en Italie,le bruit se rpandit qu'au moment o il neresterait plus l'empereur que deux soldats,l'hte souterrain allait reparatre et dansun ouragan balayer l'arme italienne. EnPortugal, plus d'une vieille femme raconteencore que don Sbastien , avec qui la


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grandeur de Li nation s'est engloutie, il ya trois sicles, dans les sables de l'Afrique,n'est point couch dans la tombe : il vabientt, avec une flotte, revenir du Brsil ;don Louis abdiquera devant lui et lesgrands jours de Vasco de Gama recom-menceront. Et, de nos jours mme, decombien s'en flillait-il que Napolon ne serveillt de sa tombe Sainte-Hlne ? Parmalheur ou par bonheur, il venait aprsle xviii'' sicle ; l'imagination populairetait assagie et puise, et la posie sortaitde la pense nationale au moment mmeo elle entrait triomphalement dans l'his-toire.

La Perse s'tait berce pendant dessicles de lgendes pareilles. Nul peuplen'a tant de hros endormis et prts re-paratre. Le plus illustre tait Keresspa,un pourfendeur de dmons qui, aprs desexploits sans nombre, avait t frapp dansson sommeil par la lance d'un Touranien.Mais, mort, il vit encore : quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cents anges veillent surson corps dans la plaine de Kaboul. A la


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34 fin des temps, quand le serpent Zohk, in-carnation d'Aliriman, vainement enchanejadis par Fridoun au mont Demavend,brisera ses chanes et parcourra le mondeen vainqueur, comme TAntchrist chrtienet le Deddjl musulman, Keresspa se re-lvera de son sommeil pour l'abattre d'uncoup de massue. A ct de Keresspa il ya bien d'autres immortels qui attendentdans la tombe l'heure de la lutte finale :Khumbya. Aghraratha et les compagnonsd'armes du roi Kaikhosrav. A ct desmorts immortels, il y a les hros qui n'ontpas got la mort et qui attendent dansdes rgions lointaines ou invisibles : Ur-vatatnara, le fils de Zoroastre, qui a portla loi de son pre dans le royaume souter-rain de Yima; Peshtanu, le fils du roiGushtsp, qui Zoroastre a fliit boire unecoupe de lait sacr et qui en est devenuimmortel. Tel est le cortge qui, la findes temps, se pressera autour de Sacshyant,le fils non encore n de Zoroastre, quandil paratra pour tuer la Mort et prsider la rsurrection (17).


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Quand Mohammed, le fils d'Ali, quandle premier Mahdi reconnu eut disparu,qu'il n'y eut plus moyen de douter qu'iln'tait plus l, la vieille mythologie vintsoutenir dans leur foi nouvelle les esp-rances des no-musulmans. Les poteschantrent qu'il tait cach pour un temps,prs de Mdine, dans la valle de Radwa,o coulent l'eau et le miel^ en attendant lejour o il apparatrait la tte de ses cava-liers, prcds de l'tendard (i 8). Moham-med lui-mme, disait-on, avait dsign dudoigt la passe des montagnes d'o le Mahdidevait sortir et rassembler autour de luides armes aussi nombreuses que les flo-cons de vapeur dont se composent lesnuages ; et il y en avait qui avaient tablil leur demeure et y moururent dans l'at-tente (19). On fixait soixante-dix ans la dure biblique de la vie humaine letemps de sa disparition. Il reste un fragmentd'un de ces pomes, dus un grand pote dutemps, IcSeid /;/wj^7r/7t'(20) .Permettez-moide vous en citer quelques vers dans la belletraduction de M. Barbier de Meynard :


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- 36 -" O toi pour qui je donnerais ma vie,

bien long est ton sjour dans cette mon-tagne !

" On perscute ceux de nous qui t'im-plorent, ceux qui te proclament khalife etimam.

Tous les peuples de la terre comptentsoixante-dix annes pour la dure de tonabsence.

Non, le fils de Khawlah (21) n'a pas"ot le breuvao;e de la mort. La terre nerecle pas ses dpouilles.

a II veille au fond du val Radwa, aumilieu des entretiens des ansjes...

o valle de Radwa, que devient celuique tu drobes nos yeux et dont l'amourtrouble notre raison?

Jusques quand et combien de tempsdurera notre attente, fils du prophte,toi qui vis nourri par Dieu (22) ? "

Pendant qu'on attendait le retour deMohammed, le fils de Husein, le petit-filsd'AU, grandissait. Les morts ne tiennent paslongtemps contre la pousse des vivants


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37 et la masse dos Alidcs abandonna l'imaminvisible pour l'imam prsent et visible. Ilfut empoisonn. Son fils Mohammed luisuccda dans la vnration des Alides : ilfut empoisonn son tour. Le poison taitla conscration temporelle des imams. Unfrre cadet de Mohammed, Zeid, s'taitproclam Mahdi et avait lev l'tendard dela rvolte : il prit. Le khalife lit attacherson cadavre nu au gibet et le fit insulterpar ses potes : Nous avons attach votreZeid au tronc d'un palmier; je n'avais ja-mais vu un Mahdi pendre au gibet (23) .

-^w


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IVLE MAHDI EN PERSE. SECONDE PERIODE

Mais les jours des Omiades taientcompts. Aprs un rgne d'un sicle^ ilsdisparaissaient en un jour devant les Ab-bassides ; toute la fluiiille royale, quatre-vingts membres, invits un banquet derconciliation, avaient t gorgs, et lesvainqueurs s'taient livrs l'orgie sur unplancher de cadavres. Les Alides respi-rrent et crurent leur heure venue. C'taiten s'appuyant sur eux et comme en leurnom que les Abbassides avaient lutt, etils crurent que la victoire tait pour eux.Ils furent vite et cruellement dsabuss.Les Abbassides appartenaient comme eux la famille de Mahomet : ils descendaientd'un nomm Abbas^ oncle du Prophte.


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40 Tant que la lutte durait, ils avaient cachleurs prtentions personnelles ; ils s'taientdonns comme les vengeurs d'Ali et de sesfils ; ils avaient surexcit le fanatisme alide,qui avait arm pour eux la Perse entire ;ils avaient envoy par tout Tempire devritables missionnaires qui entretenaientet attisaient le souvenir toujours brlantdes scnes de Kerbela et faisaient pleureret frmir la Perse musulmane devant laPassion d'Ali et de ses fils, dieux et mar-tyrs. Leurs missaires faisaient jurer fid-lit un calife de la famille du Prophte,sans dire son nom. Ils avaient pour agentprincipal et pour excuteur des hautesuvres un homme de la Perse orientale,ancien garon sellier, Abou-Mouslim, con-vaincu, austre, atroce, un de ces hommesqui, selon le mot d'un pote du temps,ne buvaient l'eau que mlange avec lesang ; un homme de 93 , form par le Co-ran.A mesure que l'toile des Omiadesbaissait, les Abbassides rejetaient peu peu les Alidcs dans l'ombre : n'taient-ils


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41 pas, eux aussi, de la race du prophte?Et, pour appuyer leurs droits, ils rpan-daient le bruit que le premier Mahdi, Mo-hammed, le hls de la Hanfte, avait endue forme transmisses droits un de leursanctres (24) : ils forgeaient des traditionsnouvelles, des mots apocryphes prts Mahomet, qui ne rclamait pas. Mahometaurait dit un jour son oncle Abbas :En vous reposera la prophtie et la sou-verainet. Une autre fois, il lui avait diten toutes lettres : Parmi les khalifes, tesfils, il y en aura un qui fera la prire avecJsus, fils de Marie. Oui, mon oncle, nesais-tu pas que le Mahdi sera de tes des-cendants, le bienheureux Mahdi que Dieuapprouve et fait prosprer (25) ? Aussi,quand le trne des Omiades fut vide, lesAlides, prts y monter, trouvrent leursvengeurs qui leur barraient le chemin. Lesprincipaux capitaines des Abbassides taientdes Alides qui avait cru travailler pour lesdescendants d'Ali : on se dfit d'eux un un.Abou Mouslim lui - mme alla re-


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42 joindre les six cent mille victimes qui,dit-on, avaient pri de sa main. Sa chuteavait t amene par une lettre qu'il avaitenvoye au khalife Almansor, et qui estcomme l'acte de repentir d'un Dantonmusulman :

J'avais un guide de la flimille du Pro-phte qui devait m'enseigner la doctrineet les devoirs prescrits par Dieu. Je croyaistrouver chez lui la science ; mais il m'aconduit l'erreur, l'aide du Coran mme,car il le fliussait par amour pour les biensde ce monde. Il m'a ordonnn, au nomde Dieu, de tirer l'pe, de bannir toutsentiment de piti de mon cur, de n'ac-cepter des adversaires aucune justificationet de ne pardonner aucune erreur. Toutcela, je l'ai fiiit ; je vous ai fray la routequi conduit au pouvoir, car je ne vousconnaissais pas ; mais maintenant Dieum'a tir de mon erreur; maintenant je nevous connais que trop bien ; maintenantje me repens et fait pnitence. Qiie Dieume pardonne toutes les injustices que j'aicommises ; mais, s'il ne me pardonne pas,


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43 -s'il me punit, je devrai encore reconnatrequ'il est juste (26). C'tait si bien la vieille mythologie per-sane qui inspirait le mouvement alide,qu'Abou Mouslim trouva pour vengeurun prtre du feu, Sinbad, appartenant une ancienne secte de la Perse zoroas-trienne, la secte de Mazdak. Il allait an-nonant qu'Abou Mouslim n'tait pas mort,qu'au moment de prir il avait invoqule nom suprme et cach de Dieu et avaitchapp aux mains d'Almansor en s'envo-lantsousla forme d'une colombe blanche.Il tait retir dans un chteau de cuivre,dans la compagnie du Mahdi, qui allaitbientt en sortir avec lui, avec Mazdakpour vizir. Il fallut sept ans de luttes achar-nes pour venir bout de Sinbad (27).

Bientt cet Abou Mouslim, grandissantde plus en plus aprs sa mort^ de prcur-seur du Mahdi devint incarnation divine.Il eut pour aptre et successeur un ouvrierfoulon, qui avait t son secrtaire et quel'on appelait le Prophte voil (28), EI-Mo-canna, parce qu'il se couvraitd'un voile pour


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44 ne pas blouir les yeux mortels de la splen-deur de son aurole, en ralit pour cacherune blessure horrible qui l'avait dligur.Il enseignait que Dieu avait paru neuf foisdans un corps humain . Adam , No

,

Abraham, Mose, Mahomet, Ali et le filsde la Hanlite, avaient t les sept pre-mires incarnations. Il avait ensuite parusous les traits d'Abou Mouslim, et pr-sent il se rvlait et se voilait la foissous les traits d'El-Mocanna. A force demiracles, c'est--dire de tours de physiqueamusante, o il tait pass matre^ le pro-phte voil du Khorasan passa dieu. Troisarmes envoyes contre lui furent anan-ties ; enfin, cern -et aux abois, il mit lefeu sa forteresse et disparut comme unarchange : des sicles aprs_, il avait encoredes adorateurs (29).

Il ne tenait peut-tre qu'aux Abbassidcsde dtourner leur profit tout ce courantde folie religieuse. Parmi les soldats d'AbouMouslim se trouvaient trois mille hommesdu Khorasan, les Ravandis, qui un beaujour dcouvrirent que le Dieu qu'ils cher-


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45 chaient sur terre tait le khalife mme qu'ilsvenaient d'introniser, Almansor : l'med'Adam avait pass dans son capitaine desgardes; l'ange Gabriel, dans le prfet dela ville.

Chaque fois qu'ils voyaient Alman-sor , ils se prosternaient en disant :(( Voil Dieu ; il y a une portion de Dieuen lui. On lui conseillait de les mettre mort comme hrtiques; il rponditassez spirituellement : J'aime mieux lesvoir aller en enfer et m'tre fidles qu'alleren paradis et se rvolter. Un jour, ils semirent tourner autour du palais, commele font les plerins de la Mecque autourde la Caaba : ils gnaient la circulation;Almansor, de mauvaise humeur ce jour-l,les fit mettre en prison et leur dfenditde s'attrouper sous peine de mort. Ils serunirent, dcidrent que la part de Dieuqui tait en lui en tait sortie, que Dieul'avait maudit, qu^il fallait le tuer pourque Dieu s'incarnt dans un autre. Et ilsmarchent sur le palais, qu'ils faillirentenlever par un coup de main. Seul, le d-


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- 46-vouement d'un serviteur lui sauva la vieet la couronne (30).Cependant les Alides, aprs une lueur

d'espoir, voyaient se rouvrir pour eux lavoie du martjTe. Le second khalife, Alman-sor, avait donn son fils et hritier le nomde Mahdi pour protester contre leurs pr-tentions : mais un titre ne suffisait pas rduire au silence les hritiers lgitimes :deux Alides, deux frres, Mohammed etIbrahim, se soulevrent la fois, l'un enArabie, l'autre aux bords de l'Euphrate:ils prirent l'un et l'autre. Les Alides n'a-vaient fait que changer de bourreaux : lesbourreaux taient de la famille; c'taittoute la diffrence. La sur de Moham-med, en apprenant sa mort, s'cria dansl'allgresse : Dieu soit lou de ce qu'iln'a pas pris la fuite et n'est pas tomb vi-vant dans leurs mains! Il a t tu commeson pre, ses oncles et ses aeux (31). Lechef de la famille des Alides, l'imam l-gitime, qui vivait au moment de la chutedes Omiades, Djafar, avait pri par lepoison comme ses prdcesseurs; son suc-


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47 cesseur, le septime imam, Mousa, futempoisonn son tour par le khalife desMille et ime Nuits, Haroun al-Rachid. Sousle huitime imam, Ali Riza, une volte-face subite sembla prte se faire. Lekhalife tait Almamoun^ esprit bizarre:c'tait un libral, c'est--dire qu'il envoyait la potence les orthodoxes, forme de lib-ralisme qui n'est pas rare_, en Orient;or, en y rflchissant, le khalife avait conudes doutes sur la lgitimit du pouvoirdes Abbassides. On eut le spectacle d'unAbbasside aUde : ses scrupules n'allaientpasjusqu' se dmettre, mais il dshritait sesfils, dclarait pour son successeur Ali Riza,le huitime imam, et remplaait la ban-nire noire des Abbassides par la bannireverte des Alides (32). La famille dukhalife et l'arme des fonctionnaires me-nacrent de s'insurger: Almamoun rta-blit l'ordre en empoisonnant son protg.Le lieu o prit l'imam, Mechhed^ est au-jourd'hui encore le grand plerinage de laPerse (33).

Trois imams se succdrent encore, de


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- 4S -pre en fils, souverains thoriques dumonde musulman, que le poison enlevatour tour: Mohammed, Ali et Ha-san (34). Hasan, le onzime, laissait enmourant un fils g de six ans, Moham-med. Le khalife le tenait prisonnier prsde lui, dans la ville de Hillah : il disparut Tge de douze ans, probablement em-poisonn. La ligne directe des imams taitdonc brise pour toujours: plus de Mahdi esprer. La conclusion, pour la logiquepopulaire, c'est que l'enfant n'tait pasmort, qu'il est cach et reviendra l'heurequ'il choisira, car il est le Matre du temps.Les gravures persanes le reprsentent sousles traits d'un enfant, le livre sacr lamain, dans l'attitude de la mditation, assisdans une grotte que percent des rayonsde soleil (35). Pendant longtemps il y eutdes hommes de la famille d'Ali qui chaquematin se rveillaient avec l'esprance devoir reparatre le douzime imam, le der-nier descendant direct de Fatimah, celuiqu'on appelait Je Fatimide attendu. Ilssortent de leurs bourc^ades cheval et en


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49 armes, dit un contemporain : ils vont danscet quipage la rencontre de leur imam ;puis, aprs une longue attente, ils s'enretournent, dus dans leurs esprances^mais non dcourags (36). A Hillah,prs de Bagdad, le dernier lieu qui l'etvu, se dressait une mosque sur la portede laquelle tait baiss un rideau de soie:c'tait l qu'il rsidait, dans le Saint desSaints : c'tait le sanctuaire du Matre derheure . Chaque jour, aprs la prire del'aprs-midi, cent cavaliers, sabre en main,allaient recevoir du commandant de laville un cheval sell et brid qu'ils con-duisaient vers le sanctuaire, au bruit destambours et des clairons; arrivs la porte,ils s'criaient : Au nom de Dieu, Matrede l'heure^ au nom de Dieu, sorsl car lacorruption est apparue et l'injustice estgrande. Et ils continuaient de l'appelerau son des clairons jusqu' la prire de lanuit (37).Le Mahdi ne sortait pas. Au xvisicle enfin, les Alides prirent le dessus enPerse. Un cheikh qui prtendait descendre


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so-d Mousa, le septime imam, fonda ladernire grande dynastie nationale de laPerse, la dynastie du grand Sofi. Mais lesSofs, quoique Alides de naissance, ne seregardaient que comme les lieutenants del'imam, les administrateurs provisoires del'Iran. Tant que l'imam est absent, il n'ya que des matres de fait. Aussi le Sofis'intitulait-il , non point le Roi des rois ,mais l'Esclave du roi du pays et, plushumblement encore le Chien de la ported'Ali : le vrai roi d'Iran, c'tait le Mahdiabsent (38). Dans leur palais d'Ispahan,les Softs tenaient toujours deux chevauxmagnifiquement cnharnachs, prts lerecevoir quand il lui plairait de reprendreen main le dpt de l'autorit. L'un desdeux chevaux tait pour le Mahdi ; l'autrepour son lieutenant, Jsus-Christ (39).


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VLE MARDI EN AFRIQUE

Nous sommes jusqu'ici rests en Orientet nous n'avons assist qu'aux checs etaux dceptions du Mahdi. Tournons-nousdu ct de l'Occident: le tableau s'claircitet nous allons assister ses triomphes.DeuxMahdis_, l'un au x"" sicle en Egypte,l'autre au xii*" sicle au Maroc^ fondentdes dynasties qui ont laiss leur nomdans l'histoire: la premire est celle desFatimides, une des plus glorieuses del'Islam et qui dura trois sicles ; la secondeest celle des Almohades, les conqurantsde l'Espagne.


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A kl suite de querelles intrieures parmiles Alides, une secte puissante s'tait d-tache des Immicus : c'est la secte dite desIsmalis, d'o sortit plus tard la secte sibien connue dans l'histoire de France desAssassins ou du Vieux de la Montagne (40).Un oculiste persan, nomm Abdallah, filsdeMeimoun (4 1), ennemi jur des Arabes,s'empara de la direction de la secte, dontil fit une secte purement philosophiquedans le fond, en dtruisant par des inter-prtations allgoriques la lettre du Coran.Pour agir plus facilement sur l'esprit dupeuple, il se prtendit de la race d'Ali etenvoya des missionnaires en Arabie et enAfrique prcher la loi nouvelle et annoncerl'arrive du Mahdi. Le Mahdi tarda, maisvint enfin: c'tait son petit-fils, Obeid-Allah. Obeid-Allah avait jet son dvolusur l'Afrique du Nord, o les Berbressupportaient impatiemment le joug desArabes et de l'orthodoxie et o un mis-


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53 sionnaire de la secte , Abou-Abdallah

,

avait prch avec un rare succs par laparole et l'pe. La Tunisie et Constan-tine taient lui. Il annonait que leMahdi allait paratre et subjuguer la terre,qu'il allait ressusciter les morts et faire le-ver le soleil du ct du couchant (42). LeMahdi^ se rendant l'appel de son aptre,est arrt en Tripolitaine et jet en prisonpar le gouverneur des Aghlabites, la dy-nastie locale, vassale du khalifat de Bagdad;son lieutenant n'en continue pas moins samarche triomphale, chasse le prince agh-labite et, en l'absence du Mahdi empch,proclame Dieu pour rgent. Pendant plu-sieurs mois, les monnaies, au lieu dporterun nom de souverain, portrent ces mots: J'ai accompli le tmoignage de Dieu; queles ennemis de Dieu soient disperss ! ;il fait graver sur les armes: Armes pourcombattre la cause de Dieu , et sur lacuisse des chevaux : A Dieu appartientle royaume. Dieu ainsi intronis pourl'interrgne, il marche sur la ville o estemprisonn son reprsentant terrestre, le


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51 dlivre, le fait monter chevvil et, mar-chant d.^'ant lui avec les chefs des tribus,dit au peuple avec des larmes de joie; Voici votre matre ; le vendredi sui-vant, il fait proclamer son nom dans laprire publique, avec le titre de Mahdi,Prince des croyants, nLe Mahdi jusque-l n'avait t qu'untriomphateur passif: il montra brusque-ment qu'il savait agir. 11 commena parfaire assassiner Abou-Abdallah. Arrte,mon fils! s'cria Abou-Abdallah en sai-sissant le bras du meurtrier. L'hommerpondit: Celui qui tu nous as enjointd'obir nous a ordonn de te tuer. Abou-Abdallah avait trop bien russi dansson apostolat. Le Mahdi d'ailleurs ne futpas ingrat: il rcita lui-mme la prire desmorts sur le cadavre de son bienfaiteur.Q.uclques-uns doutaient de lui : le soleiltait de l'opposition et avec un scepticismeopinitre continuait se lever l'Orient;puis, le Mahdi avait bien montr qu'ilsavait tuer, mais il n'avait pas encoremontr qu'il st ramener un mort la vie.


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Un jour, un cheikh osa lui dire en face: Si tu es le Mahdi, fais un miracle, carnous doutons fort que tu sois ce que tudis. Le Mahdi rpliqua en lui faisanttrancher la tte. Ce n'tait pas un miracle;mais je doute qu'aucun miracle et mieuxferm la bouche aux incrdules !

Il fiillait une capitale au Mahdi : il nevoulait ni de Tunis ni de Kairouan, troparabes^ ^t o il se sentait peu sr. Il par-courut la cte de Tunisie et arriva unepninsule ayant la forme d'une main avecle poignet: l, aprs avoir cherch dansles astres le jour et l'heure favorables, ilposa la premire pierre d'une ville surlaquelle le drapeau franais flotte aujour-d'hui; elle porte encore le nom qu'il lui adonn, Mahdia, c'est--dire la Mlle duMahdi. Il l'entoura d'une forte murailleaux portes de fer, dont chaque battant pe-sait cent quintaux. Il fit tailler dans lacolline un arsenal qui pouvait contenircent galres et, la ville acheve, s'cria: Je suis tranquille prsent sur le sortdes Fatimides. J'ai bti cette ville pour


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- 56 -qu'ils puissent sy rfugier une courtedure de temps.

Mahdiii n'tait, en effet, dans sa pense,qu'un abri provisoire : le regard du Mahditait dirig vers l'Orient^ vers l'Egypte.QjLiand les murailles de sa ville taientarrives leur hauteur, il tait mont ausommet et avait lanc une flche versl'Occident : bientt, en effet, sa domina-tion s'tendait jusqu' TAtlantique. Il fal-lait prsent s'tablir au bord du Nil. Sontroisime successeur, Moez-lidn-Allah,envoya un esclave grec, Djauher, conqu-rir l'Egypte et btir pour lui une capitalequ'il appela la ville de la Victoire, le Caire(El-kahira). La Syrie suivit bientt le sortde l'Egypte; le sige mme du khalifat futun instant aux mains du descendant del'oculiste persan, et son nom retentit dansle Salvuinfac Bagdad la place de celuides Abbassides.

Les khalifes de Bagdad dirigeaient contreleurs rivaux heureux du Caire une guerrede plume et de thologie et fliisaient dcla-rer par leurs docteurs que le prtendu


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- 57 descendant d'Ali tait fils d'un mage etd'une juive; mais, le jour o les docteursd'Egypte, recevant Moez, lui demandrentde donner les preuves de sa descendance, illes avait convaincus sans peine avec deuxarguments : il avait mis la main la garde deson pe, en disant : Voici mon anctre ,et leur avait jet une poigne d'or, endisant : Voil mes preuves (43).

Cependant, la longue, la crdulit selassait. Il n'avait pas t annonc par lesprophtes que le Mahdi ferait souche derois terrestres : il devait venir pour annon-cer Dieu. Il fallait donc que Dieu vnt :le septime fatimide^ Hakim, devint Dieu.Ce Hakim tait une sorte de fou furieux,tour tour musulman bigot ou atheeffrn, suivant le caprice thologique del'instant et selon qu'il s'attachait la lettredu Coran ou l'interprtation symboliquedes initis du dernier degr. Un sectairepersan, nomm Daraz, vint lui prcherqu'il tait l'incarnation divine, et Hakimle crut sans se faire prier; et ce qui estmieux, c'est que Hakim ne fut pas le seul


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- 5S -crovant de Hakim : toute une i^lise seforma autour de ce dieu de chair, et, quandil disparut subitement, trois ans aprs sonapothose, probablement assassin, seslidles annoncrent qu'il reparatrait dansson humanit au jour de la rsurrectionpour exercer ses jugements par le glaive.Il doit paratre, envelopp, comme d'unvoile, d'une multitude d'anges, parmi desescadrons de chrubins. Son ariive seraannonce par un grand tumulte dans lepays d'Egypte, par l'apparition d'un impos-teur au Caire (Arabi pacha?), par destremblements de terre (Espagne ?), par letriomphe des chrtiens, par la drision otombera la religion :

Lorsque vous verrez parmi vous la foidevenir rare , s'criait un de ses aptres

,

les hommes pieux accabls d'injures etd'outrages; lorsque la religion sera, contreceux qui lui demeureront fidles, un sujetde raillerie dans la bouche des impurs;qu'elle sera traite comme une rognured'ongle qu'on jette loin de soi; lorsque laterre, toute vaste qu'elle est, paratra trop


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59 troite aux disciples de la vrit_, qui nepourront y trouver un asile sr; alorsattendez-vous entendre bientt le criqui sera le signal de votre perte, 6 lie desnations ! restes des adorateurs du veau etdes idoles (44) ! Le culte de Hakim ne survcut pas son dieu en Egypte; mais il a subsist

jusqu' nos jours dans les montagnes deSyrie : Daraz y a laiss des disciples quiont pris son nom ; ce sont ceux que nousappelons les Druzes et qui attendent encorele retour de Kakim, homme et Dieu.


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Les Berbres de Constantine et de Tu-nisie avaient eu leur Malidi avec le fonda-teur des Fatimides : ce fut le tour, deuxsicles plus tard, des Berbres du Maroc.Un homme de la tribu de Masmouda, dansl'Atlas marocain, nomm Mohammed ibnToumert, tait revenu du plerinage de laMecque et des coles de Bagdad avec unS3'stme moiti panthiste, qu'il appelaitle systme unitaire ou, comme on disait,le systme almohade (aliiinvabbid). Audbut, ce n'tait qu'un saint c'est par lqu'ils commencent tous d'une austritet d'une chastet qui persuada aismentaux Berbres qu'il tait d'une autre espcequ'eux. Il annona bientt l'arrive duMahdi, et on attendit; il finit par dire qu'iltait lui-mme le Mahdi; on le crut. Ilfallait des miracles; il en fit. Par exemple,il faisait parler les anges du fond d'un puitset leur faisait porter contre ses adversairesdes arrts de mort, aussitt excuts par


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6i SCS Berbres flinatiss; puis^ sans perdre detemps, il faisait combler le puits, sanctifipar la prsence des esprits, pour le sous-traire toute souillure dans l'avenir etprvenir les indiscrtions de ses anges.

Le Mahdi mourut avant de rcolter lefruit de ses miracles : son disciple et succes-seur, Abd-al-Moumin, en profita, lana letorrent berbre sur le Maroc, qu'il inonda,et du Maroc sur l'Espagne, qu'il conquit :de l la dynastie des Almohades, qui fitrgner en Espagne pendant tout le xii'^sicle une orthodoxie farouche que ladomination arabe n'avait pas connue.Averros dut s'exiler. Dans notre pays,dit avec orgueil un docteur du temps, onne tolre point la moindre hrsie : pointd'glise, point de synagogue (45).

Les Almohades succombrent leurtour; mais la fivre du Mahdi continua agiter les Berbres. Durant tout le xiii^sicle, ce fut une pidmie. On le cherchaitaux extrmes confins du monde habit. Ily avait Massa, sur la cte du Maroc qui

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62 regarde l'Athintiquc, un couvent clbre,une ;//'(// : non loin de l vivait la peupladedes Guednla, dont les hommes se cou-vraient la figure d'un voile qui ne laisseparatre que les yeux,le !ifha ni, que portentencore aujourd'hui les Tour.regs. L'idese forma que c'tait l et de ce peuple voilque devait sortir l'imam cach, le Mahditoujours attendu, et que dans ce couventse ferait l'inauguration (46). Plus d'unprtendant se rendit la ribat pour ensortir Mahdi et prir aussitt (47). On ditqu'il y en a encore un qui attend l l'heure prsente (48).

'^:^^'


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VIL MAHDI EN TURQUIE

Aprs les Persans et les Berbres, lesTurcs. Ceux-l n'taient point Alides :hritiers des califes de Bagdad_, ils taientet sont encore orthodoxes farouches, ^'ousconnaissez la haine atroce qui divise lesPersans chiites et les Turcs sonnites. Ilscroient bien, eux aussi, que le Mahdi doitvenir, vers la fin des temps, appeler tousles peuples la connaissance de Tlslam,assist de trois cent soixante esprits clestes

,

les hommes de Dieu , les Ridjal-Alab;mais ils prennent leurs prcautions contrelui : ils savent bien qu'ils ne sont pas, eux,du sang de Mahomet, qu'ils sont des intrusdans le khalifat^, qu'ils y sont campes parle seul droit de la force. Aussi cherchent-


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- 64 -ils isoler le Mahdi du monde et tran-cher tout lien entre lui et l'humanit : letrente-quatrime article de foi du codereligieux adopt par la Turquie porte que l'imam doit tre visible, qu'il ne doit passe drober aux regards du public ni trenon plus l'objet de son attente (49). Donc en Turquie il n'y a point de placepour un imam cach, pour un Hakimdisparu, pour un Fatimide attendu . Ilsont fliit encore dclarer tout rcemment,nous le verrons tout l'heure, que leMahdi ne peut paratre que dans unepriode d'interrgne, quand le khalife estmort sans successeur reconnu, thorietoute conservatrice et fort rassurante pourun sultan sur le trne. Mais quand unpeuple veut son Messie, tous les sermonsdes thologiens ne l'empcheront pas des'en faire un (50).

Le plus clbre des Mahdis turcs estcelui qui parut en 1666, sous Moham-med IV, le sultan qui faillit prendre Vienne.11 y eut cette anne-l une vritable rup-tion messianique. Elle commena par les


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- 65 -juifs. La Cabale annonait rarrivcc duMessie pour cette anne : il parut l'heurefixe ; c'tait un jeune homme de Smyrne,d'une beaut trange, d'une loquenceentranante, avec toutes les allures d'uninspir. Il se nommait Sabtai Zvi. Tousles rabbins de Turquie le reconnurent; desproslytes lui vinrent d'Allemagne, d'Ams-terdam^ de Londres; le royaume d'Isralallait se rtablir, le rgne de Dieu allaits'ouvrir, la Jrusalem cleste allait des-cendre. Le monde musulman s'en mut :l'arrive du Mahdi doit en effet tre pr-cde et annonce par celle de l'Antchrist,du prophte imposteur, de Deddjl : orles thologiens de Tlslam ont assimil leMessie juif avec Deddjl : puisque le Messiejuif venait, le Mahdi allait donc paratre.Une clipse de lune qui arrta les troupesprtes s'embarquer pour la Crte prouvaque les temps taient venus. On apprit tout coup que le Mahdi avait paru : c'taitle fils d'un cheikh du Kurdistan qui s'taitmis la tte de quelques milliers deKurdes. Mais il fut pris et envoy au sultan.

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66 Le sultan tait la chasse quand le Mahdilui fut prsent : il l'interrogea, et le pr-curseur, renonant son rle_, rponditavec tant de bonne grce que le sultan,charm, se l'attacha pour page. Quelquetemps auparavant. Sabtai, dnonc commeimposteur par un rabbin dont il avaitrefus les services comme vicaire duMessie, avait aussi comparu devant lesultan et, au grand scandale des siens,avait d, pour lui rpondre, faire appel auxbons offices d'un interprte : l'motion luiavait fait perdre le don des langues. Ce futbien pis quand le sultan le fit attacher nu la cible et offrit de se convertir si lesflches s'moussaient sur son corps : Sabtaidclina l'preuve, coiffa le turban, obtintune place de porte-clefs au harem, et lesultan eut le plaisir d'avoir sous la mainl'Antchrist pour concierge et le Mahdipour valet de chambre ce qui ne l'em-pcha pas, quelques annes plus tard,d'tre trangl par ses janissaires, suivantla coutume ottomane (51).


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Vil

L1-: MAHDI EN EGYPTE

Je passe par-dessus le xviii^ sicle, quisemble avoir t peu fertile en Mahdis. LeMahdi sommeille en Orient, comme leChrist en Occident; il se rveille enEgypte, devant la conqute franaise, enfloral an vu (mai 1799). Il est douteuxque ce Mahdi se rattache au vieux mouve-ment alide de l'Egypte fatimide, car il taitappuy par la Turquie, qui le fournissaitde fonds anglais. Ce Mahdi, dont on neconnat pas le vrai nom et dont la biogra-phie devrait bien tenter quelqu'un de noshistoriens de la jeune cole, semble avoirt un des imposteurs les plus dcids deson espce. Il venait de la Tripolitaine ; il ytait descendu du ciel, mais dans le dsert.


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68 ce qui f;iisait que le miracle avait eu peude tmoins. Il prodiguait l'or en espcessonnantes : cet or lui tait galementtomb du ciel, marqu au coin du Sultan.Son corps, quoique visible, tait immat-riel. Tous les jours, devant le peuple, l'heure de la prire du soir, il trempait sesdoigts dans une jatte de lait et se les passaitsur les lvres ; c'tait toute sa nourriture.Il surprend et massacre Damanhoursoixante hommes de la lgion nautique :en jetant un peu de poussire contre noscanons, il empchait la poudre de prendreet fiiisait tomber devant les vrais croyantsles balles de nos fusils. Mais le chef debrigade Lefebvre marche contre lui avecquatre cents hommes; assailli d'unenue d'Arabes, crit Bonaparte dans unrapport au Directoire, il se range enbataillon carr et tue toute la journe cesinsenss qui se prcipitent sur nos canons,ne pouvant revenir de leurs prestiges. Cen'est que la nuit que ces fanatiques,comptant leurs morts (il y en avait plusde mille) et leurs blesss, comprennent que


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- 69 -Dieu ne )ait plus de miracles (^^2) . A sespartisans scandaliss qui lui montrent leursmorts et leurs blesss, le Mahdi rpondqu'il n'y a d'invulnrables que ceux quiont une foi entire. Il parat que lui-mmen'tait point de ceux-l, car une balle quil'tend mort dans une rencontre vint sontour le convaincre d'incrdulit. Mais sespartisans , plus croyants, en conclurentqu'il avait trouv plus habile de com-battre du haut du ciel d'o il venait, etl'attendirent : il ne revint pas ; mais lesFranais partirent, ce qui au fond revenaitau mme et donnait raison au Mahdi.


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MilLE MAHDI AU SOUDAN

Nous voici arrivs au Mahdi du Soudan.Le moment n'est pas encore venu de faireson histoire : c'est lui d'abord la faireet l'achever. Sur l'homme mme, lesseuls documents authentiques que l'onpossde sont au nombre de deux. L'un estune lettre d'un Franais n au Soudan etqui l'a vu Khartoum, M. Mousa Peney,fils du docteur Peney, l'un des plus vaillantsexplorateurs du Soudan, le premier Euro-pen qui soit all Gondokoro : je nereprocherai ce document que de pcherparfois par trop de prcision (53). L'autre,qui nous fait entrer dans l'me mme deshros du drame, est une consultation desoulmas de la Mosque El Azhar au


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/-Caire, dont un de nos plus habiles orien-talistes, M. Clermont-Ganneau, a bienvoulu me communiquer la traduction fiiitepar lui. Voici ce qui ressort de ces deuxdocuments.


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Le Mahdi se nomme Mohammed Ah-med; il est n Dongola, vers l'an 1260de l'hgire, 1843 de notre re; son pre senommait Abdallahi et sa mre Amin.a(54).Ces dtails , insignifiants pour nous

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ont une valeur capitale pour des musul-mans : en effet, une tradition des plusanciennes, attribue Mahomet, dclareque le Mahdi aura le mme nom que leProphte et que le pre du Mahdi aura lemme nom que le pre du Prophte (5 5) :or, le Prophte s'appelait MohammedAhmed ; son pre s'appelait Abdallah, et, ily a plus, sa mre s'appelait Amina. Qua-rante ans est l'ge de la prophtie chez lesmusulmans, parce que c'est l'ge o Maho-met s'est rvl. Son nom et celui de sesparents semblent indiquerqu'iltaitndansun miheu fervent et prdispos au proph-tisme : il y a de l'hrdit dans son gnie.Aussi, ds son enfance, Mohammed rvlaune vocation dcide : douze ans, il sa-

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74 vait par ccvur toutlc Coran. Son pre tantmort, ses deux Irres, plus gs que lui etconstructeurs de barques sur le Nil Blanc,voyant dans leur jeune frre l'toffe d'unL;rand docteur, subvinrent ses besoins etlui donnrent les moyens d'aller tudiersous deux professeurs en renom des envi-rons de Khartoum, Abdel Dagim et El Gou-rachi. A vingt-cinq ans, ses tudes ache-ves, et sa mre tant morte, il se renditdans l'le d'Aba^ dans le voisinage de la-quelle travaillaient ses frres, petite le na-gure inconnue, aujourd'hui historique enEurope et sacre en Afrique ; il y vcutquinze ans, dans la retraite, les quinzeannes que Mahomet avait passes mdi-ter sa mission prs du mont Harra. Sacarrire, comme vous le voyez, tait traced'avance dans celle du prophte. Straussprtend que la figure de Jsus est une pro-jection lance par l'imagination populairedu fond des vieilles prophties d'Isral :la vie du Mahdi, c'est la thorie de Straussen action ; le Mahdi est le reflet vivant deMahomet. Il habitait un trou sous terre


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pleurant continuellement sur la corruptiondes hommes, amaigri par les austrits etles jenes. La tribu voisine des Bcggaras,la plus puissante de cette rgion du Xil, levnrait comme un saint et sentait que lesouffle de Dieu tait sur lui. Aussi, quandl'anne prophtique sonna, la quarantimeanne, et qu'il se releva Mahdi, les Begga-ras passrent sans peine de la vnration l'adoration : il tait prophte en son pays.

D'ailleurs l'anne fatale n'approchait-elle pas. Tanne 1300 de l'hgire, qu'unetradition moderne assigne pour le triomphedfinitif de l'Islam? Mohammed envoiepartout des missionnaires aux cheikhs destribus, annonant qu'il est le Mahdiattendu, que Mahomet est venu le luiannoncer de la part d'Allah, que la domi-nation turque va finir, que le Soudan vase soulever de tous cts, et, quant lui,qu'aprs avoir pass au Soudan le tempsvoulu, il ira la Mecque se faire recon-natre par le grand chrif. Il y avait djun an que duraient ces prdications sansque l'on en st rien Khartoum^ trois


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- 76 -journes en aval de l'ile sainte. Le gou-verneur gnral Raouf Pacha, enfin in-form, envoie deux cents hommes Abapour s'emparer du Mahdi : assaillis par lapluie, enfonant dans la boue, dans l'obs-curit de la fort, ils arrivrent, dit-on, minuit devant la cabane du prophte, au-tour de laquelle tournoyait une bande dederviches, rptant le nom sacr d'Al-lah. L'adjudant-major fait feu et tue underN'iche : aussitt les derviches se ruentsur les soldats avec des hurluments hor-ribles, rpts par des milliers d'Arabesqui tondent de la fort. En quelques ins-tants toute la troupe est mise en pices,avec ses chefs. C'tait la premire tin-celle du grand incendie qui prsentdvore tout le bassin du Nil : c'tait enaot 1881.Le Mahdi, retir avec ses derviches sur

le mont Gadir, repousse de nouveauxassauts. Le Soudan commence s'agiter.Le gouverneur intrimaire, le BavaroisGiegler Pacha, concentre Khartoum lesgarnisons du Sennaar, du Fachoda, du


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//Kordotan, pour les diriger contre leMahdi,ne se doutant pas que les provinces dgar-nies se rvolteront sur-le-champ. 7,000hommes, envoys au mont Gadir, sont at-taqus par 50,000 insurgs, commandspar les deux frres du Mahdi, Mohammedet Hamed ; les deux frres prirent, mais del'arme gyptienne il n'chappa que centvingt hommes. Pendant ce temps le Sen-naar s'insurge, El-Obeid tombe dans lesmains du Mahdi, qui en fait sa capitale le17 janvier 1883; le 5 novembre de lamme anne, Tarme de dlivrance deHicks Pacha est anantie ou passe dansson camp : vous savez ce qui a suivi.


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IXMOHAMMED AHMED ET SES RIVAUX

On a cherch bien des expHcations auxsuccs du Mahdi. Les uns en font unhomme de gnie : peut-tre l'est-il ; maiscela ne suffit pas. Il semble bien en effetque l'homme n'est pas ordinaire. Il fauttout d'abord une conviction profonde etsincre pour agir sur les masses, comme ill'a fait^ d'autant plus qu'il ne procde paspar le prestige du mystre et se montre tout tous : quand son quartier gnral tait El-Obeid, raconte l'irlandais 0'Kelly(56),il se rendait la mosque au milieu de lafoule, sandales aux pieds, portant pourtout costume une chemise et un caleonde grosse toile. Sa stratgie est lmen-taire, mais c'est celle que le pays impose :


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8o point d'assauts sur les villes fortes, fairele vide autour d'elles jusqu' ce que lafiiminc les ouvre : point de grandes ba-tailles, harceler l'ennemi sans relche,l'envelopper de loin, puis, quand il est.puis, fondre sur lui de toutes ses forcesramasses jpour l'achever. QjLi'il suive lesconseils d'aventuriers europens ou sespropres inspirations, le succs l'a justifijusqu'ici. Deux autres faits qui semblentindiquer une certaine honntet et une hu-manit relative : il fait peu de miracles

(5 7)et fait des prisonniers (58). Enfin un tl-gramme que vous avez pu Uredans les jour-naux des derniers jours rvle en lui le typeachev du politique musulman. Les messa-gers qu'il envoie aux tribus neutres ouhostiles,, pour les sommer de se joindre lui sous peine d'extermination, sont accom-pagns d'oulmas, chargs d'abord de lesconvaincre de la mission du Mahdi et dudevoir suprme qui leur incombe de sejoindre lui. Croyez bien que plus d'un,insensible ou rebelle aux menaces, sortirade la confrence thologique prt mourir


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8i de la mort du martyr. Les jalousies detribus qui balancent dans leur cur lahaine des chrtiens pseront bien peuquand dans l'autre plateau ils verront l'au-torit du Coran s'ajouter au poids deTpe victorieuse (59).

D'autres ont voulu faire de lui un ins-trument dans la main des grands mar-chands d'esclaves du haut Nil, menacsdans leur hideux commerce par la civili-sation europenne et qui l'auraient dresspour son rle. C'est trop raffiner en poli-tique : le Mahdi peut avoir pour lui desmarchands d'esclaves, mais il a aussi pourlui les esclaves. Le soulvement du Mahdi,c'est la raction naturelle et lgitime duSoudan, esclavagiste ou non esclavagiste,cras depuis un demi-sicle par la piredes oppressions, celle qui se prsente avecles hypocrisies de la civilisation. La civi-lisation apporte dans un pays demisauvage est dj une chose quivoque et faire frmir, mme dans des mains euro-pennes : imaginez ce que c'est, apportepar des pachas gyptiens, des Arabes ou

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82 des Turcs frottes de bureaucrate. La con-qute gyptienne du Soudan tait sansdoute, pour l'Occident, pour la science,pour le commerce de nous autres, gensd'Europe, un bienfait ; pour les popula-tions du Soudan, c'tait l'enfer. La con-qute gyptienne, c'tait le monopole del'esclavage au profit des gens du khdive.Le noble et hroque Gordon, nommgouverneur du Soudan, vit de prs la civi-lisation gyptienne l'uvre et deux foislcha la place de dgot et d'horreur. Aussile mot du Mahdi n'est point : Guerre auxchrtiens! mais : Guerre aux Turcs! c'est--dire, guerre aux faux musulmans duCaire ! On dit Turc au Soudan par ha-bitude, parce qu'on n'est pas au courant^dans l'ile d'Aba, des changements de l'ono-mastique politique et qu'on n'y sait pasencore que ce n'est plus le Turc de Cons-tantinople qui rgne en Egypte.Quoi qu'il en soit, le Turc, qui se croit

encore suzerain, prit peur. Le Soudan,d'ailleurs, n'est pas le seul pays o unMahdi soit craindre : de l'autre ct de


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- 83 -la mer Rouiic il v a un autre volcan,l'Arabie. Les Arabes d'Arabie, il est vrai,taient jusqu'ici assez froids pour lui : celase conoit; s'il y a un lieu qui doive pr-tendre l'honneur de donner le Mahdi auinonde, c'est bien la Mecque, et aucun deschrifs, fils de Fatimah, n'est trop fchde se dire : Eh ! qui sait ? c'est peut-tremoi ! Au plerinage de 1882, on attendaitun Mahdi la Mecque : la police turque,avertie, fit savoir aux notables qu'il pour-rait leur en arriver des dsagrments, etle Messie se le tint pour dit. Un faitcurieux vient de prouver nagure quelpoint l'atmosphre de l'Arabie, sans dis-tinction de religion ni de race, est impr-gne tout entire des vapeurs messianiques.Une centaine de familles juives du Ymen,traversant toute l'tendue de Timmensepninsule, arrivaient il y a quelques mois Jrusalem sur le bruit que le Messievenait d'apparatre ! En fait de Messie, ellesn'ont naturellement trouv Sion que leTurc, la misre et la fivre. Elles logentdans des cavernes au pied de la montagne


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_ S4 -sainte et drossent leurs tentes dans la boueau pied des oliviers. Les consuls d'Europese sont entremis pour eux et leur ont faitbtir quelques maisons sur le mont duScandale (60). Si vous vous rappelez qu'enthologie musulmane un Messie annonceun Mahdi, cet exode juif est plein de r-vlations sur ce qui fermente de rves dansl'Arabie du jour. Aussi le Mahdi, qui saittoutes ces choses, tient-il rendre visiteaux gens de la Mecque et, voil pourquoi,comme dernier acte du programme, il aannonc qu'il irait se faire reconnatre parle grand chrif. Voil pourquoi OsmanDigna (61) tient tant Souakin : parmalheur, la flotte anglaise barre trop bien lechemin de la ville sainte. C'est la mer quicette fois jette l'homme le Non ampliusibis.

Un autre Mahdi qui, jusqu'aux derniresvictoires de Mohammed, tait srieux,mais dont les actions ont d baisser depuis,c'est celui des Senoussi. Vous connaissezcette secte fonde, il y a quarante ans


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- 85 -peine, par un Algrien de Mostaganem qui, prsent, domine la Tripolitaine et leSoudan tripolitain et tend ses ramifica-tions de l'Atlantique Bagdad (62). OrSenoussi, en homme prvoyant, avaitpous une chrifa, c'est--dire une femmede la race d'Ali, et il avait donn son filsle nom d'El-Mahdi. Tous les Senoussiont les yeux fixs sur celui-ci : il vientd'avoir quarante ans, l'ge prophtique.On raconte parmi les Arabes que le sultan,un peu inquiet, lui aurait crit : On parlebeaucoup de toi. Qui es-tu ? Si tu es leMahdi, fais-nous-le savoir, pour que, aunom de Dieu, nous te facilitions la missiondivine qui t'a t confie. Le Mahdi, trsprudent, aurait rpondu : Je suis bienvotre ser\teur, mais je ne sais ce que vousvoulez dire. En attendant, le Mahdi deTripolitaine et celui du Soudan se regar-daient comme des chiens de flience : aucommencement de l'an dernier, le Mahdide Djahrboub dnonait celui du Soudan l'indignation des fidles comme impos-teur et menteur.


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86 Le vrai Mahdi, pendant ce temps, se r-vlait comme un Mahdi doit le faire, par

la victoire. Le sultan, inquiet, essaya deces armes thologiques qui, il y a neufsicles, avaient si mal russi ses prd-cesseurs de Bagdad contre le Mahdi fati-mide. Il consulta les oulmas d'El-Azhar,la plus grande universit du monde mu-sulman, sur la valeur des prtentions de cet individu qui s'est rvolt contre l'au-torit du khalife de Dieu sur la terre,lequel a seul pouvoir de lier et de dlier >.La demande de consultation donne lersum d'une lettre-missive envoye par leMahdi aux tribus de Souakin et dont lescombats du gnral Graham et d'OsmanDigna sont le commentaire. Aprs les b-ndictions usuelles sur le nom d'Allah, surMahomet et sa famille, aprs maintes cita-tions du Coran et des traditions, ordonnantla guerre sainte et dfendant de faire amitiavec les ennemis du Trs-Haut, il reven-dique pour lui-mme le khalifat suprmeau nom d'une rvlation du Prophte.Mahomet est venu lui annoncer qu'il tait


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-87 -le Mahdi attendu ; il l'a fliit asseoir sur sontrne en prsence des khalifes, des chefsspirituels et de Khidr (celui que les juifset les chrtiens appellent le prophte lie).Dieu lui a promis alors l'assistance desanges qui l'entourent, celle des Djinnsfidles, celle de tous les prophtes et detous les saints, depuis Adam jusqu' nosjours. A l'heure du combat, le Seigneurapparatra en personne avec eux la ttede son arme ; le Seigneur lui a remis leglaive de la victoire avec la promesse for-melle que nul ne pourra le vaincre, quandmme les Djincs s'uniraient aux hommescontre lui. Dieu lui a donn encore deuxsignes de sa mission : l'un est un grain debeaut sur la joue droite (63), l'autreest l'apparition d'un tendard de lumire,port l'heure du combat par l'angeAzrael (64). Le Prophte lui dit encore : Tu es cr de la lumire de moncur (65). Quiconque croira en luisera bienheureux et aura auprs de Dieuune place comme celle d'Abd-el-KaderGhilani {66) ; quiconque le combattra sera


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88 inhdle, rprouv dans ce monde et dansTautre, et verra sa fortune et ses enfantsen proie aux musulmans. Le Prophtefinit en proclamant la dchance desTurcs, infidles et pires que des in-fidles, parce qu'ils essayent d'teindre lalumire du Dieu trs haut.

Les oulmas donnrent la rponse qu'ilfiiUait et pulvrisrent grand renfort decitations et d'arguments les prtentions duMahdi, mais, chose remarquable, sanssonger un instant nier les faits mmesqu'il met en avant. Ils acceptent toutes se^affirmations et ne contestent que les con-clusions, voie assez dangereuse, nouspouvons ici le dire entre nous. Il faut dire leur honneur que l'autorit du grain debeaut ne leur en impose pas beaucoup :ils observent avec une relle profondeurqu'il y a beaucoup de gens qui portentmodestement cet ornement sur la joue,sans prtendre pour cela une missiond'en haut. L'tendard de lumire portpar Azrael les embarrasse davantage. Vousme demanderez ce que c'est que cet


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- 89 -tendard de lumire : je n'en sais rien ;mais les oulmas le savent certainementet se contentent d'observer que l'hommepar l'intermdiaire de qui s'opre un pro-dige n'est pas ncessairement un prophteet qu'un miracle peut trs bien se faire parl'intermdiaire d'un impie : preuve, ap-paremment^, les miracles journaliers des in-fidles, railways, tlgraphe, dynamite, etc.Ils argumentent longtemps pour savoirsi Mahomet lui a apparu l'tat de veilleou en songe, mais concluent qu'en aucuncas il n'a pu lui apporter une rvlation con-traire la loi mme de Mahomet : or,d'une part, le vrai Mahdi, d'aprs la tra-dition orthodoxe,, doit apparatre unepoque de trouble, la mort d'un khalifeet quand les hommes ne sauront qui mettre sa place, ce qui n'est point le cas pr-sent ; d'autre part, il ne doit pas paratrenu Soudan, mais en Arabie ; il ne doit passe proclamer lui-mme Mahdi, mais treproclam Mahdi malgr lui : car, suivantles traditionslcs plusauthentiques, leMahdidoit tre un homme de Mdinc, qui, re-


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- 90 fiiisant en sens inverse Vhgire de Mahomet,s'enfuira la Mecque et sera proclamcontre son gr entre la pierre noire de laCaaba et la Station d'Abraham (67). Cettetradition, rassurante pour les puissancestablies, rfute, selon les oulmas, les pr-tentions du faux prophte avec une clartcomparable celle des toiles . L'accusa-tion terrible d'infidlit, lance contre ceuxqui nieront le Mahdi, doit donc se re-tourner contre lui, contre celui qui d-nonce et massacre des fidles, oubliant quec'est un pch moins grave de laisser envie mille infidles que de tuer un seulcrovant, audace inoue et rvoltante, quiexcite la colre de Dieu et de son prophteet ralise les esprances de Satan. C'estau faux Mahdi et aux siens que s'appliquentles paroles du Prophte sur les hrtiques : Ce sont les pires de mon peuple qui tuentles meilleurs de mon peuple. Aussi qui-conque s'associera lui en acte ou en parolelui sera associ dans le jugement final. LeProphte a dit : La discorde dort ; queDieu maudisse celui qui la rveillera !


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91 Un mois aprs cette consultation

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l'anne de Hicks Pacha tait extermine.Beaucoup de ceux qui Tavaient signe du-rent commencer prouver quelque doutesur la valeur de leurs arguments. Les der-niers vnements, la prise de Khartoum.la mort de Gordon ont d encore effacerbien des doutes et branler bien des rsis-tances ; la mort de Gordon plus encoreque la prise de Khartoum ; car c'est un v-nement qui avait sa place marque d'avancedans le programme messianique. Il semblebien, en eiet, que Gordon a jou et joueencore dans l'imagination des hommesdu Mahdi un rle qui n'est point celui d'unhomme. Gordon n'est pour nous qu'unhros, le dernier hros du christianismepuritain, un homme de Milton gar dansles tripotages du xix^ sicle : pour lesArabes, Gordon est le christianisme mme,c'est l'incarnation la plus auguste du Malet de l'Erreur, qu'ils contemplent avec unmlange de terreur, de respect et de haine.Les journaux anglais publiaient nagureune missive de l'mir de Berber annonant


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92 la prise dcKhartoum et la mort de Gordon : Nous avons tu Gordon le tratre >, ditla traduction (68). On est un peu tonnde cette pithte de tratre applique Gordon, mme sous la plume d'un Arabe.Il est regretter que les journaux anglaisn aient point donn le mot arabe ainsitraduit ; il se pourrait bien que le texteportt : Gordon, l'imposteur , c'est--dire le Deddjly l'Antchrist. Or, la mortde Deddjl, le meurtre de l'Antchrist,doit tre la grande uvre du Mahdi et lecommencement du grand triomphe (69).Il y a un autre rle qu'il aurait pu jouers'il lui avait plu de passer l'islamisme,comme le Mahdi semble lui en avoir faitl'offre : c'tait le rle de Jsus-Christ. Vousvous rappelez, en effet, que, thorique-ment du moins, il n'y a point de Mahdisans Jsus ses cts. Le rle reste prendre : il y aurait peut-tre l de quoitenter l'ambition de M. Olivier Pain.

Ce ne sont pas les victoires intermit-tentes et chrement payes de l'Angleterrequi craseront le mouvement. Ce n'est pas


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93 avec une bataille qu'on crase une rvo-lution ; or rislam en est son 93 un 89y est impossible. Ne vous y trompez pas :mali^r les diffrences extrieures infiniesdes deux mouvements, c'est le mme espritqui agite et qui pousse les hommes de laRvolution et les hommes du Mahdi.L'uvre du Mahdi, pour les milliersd'humbles qui se font tuer sa voix, et pro-bablement pour lui-mme, c'est l'avne-ment de la justice. Rappelez-vous la dfi-nition du Mahdi par le Prophte : Unhomme qui rempUra la terre de justice,autant qu'elle est remplie prsent d'ini-quit. L'ide rvolutionnaire chez nous,l'ide messianique chez les musulmans,c'est le mme instinct, la mme aspiration,chez nous sous forme laque, l-bas sousforme religieuse, chez nous dessche enformules abstraites et en raisonnementsthoriques, l-bas l'tat natif et clatantede visions surnaturelles. Des deux parts,le mme lan vers l'idal, avec des chutessanglantes dans la convoitise et la haine ;des deux parts, la mme ignorance de la


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94 ralit, les mcnics esprances contrenature, le mme rve d'un monde re-nouvel par miracle sans que l'humanit lesoit d'abord, les mmes prodiges d'en-thousiasme, de frocit, de dvouement ;des deux parts le royaume de l'quit, dela paix, de la fraternit sans fin inaugursous les auspices de l'ange exterminateur.Le chancelier du Mahdi, si chancelier ily a, ne doit pas se sentir dpays au mi-lieu des clubs du dsert. L o le prol-taire franais chante :

Wnc' la lin de vos niiscrcs.Mangeurs de pain noir, buveurs d'eau!

l'Arabe, opprim, crie vers le ciel : Ma luyathar cl Mahdi ? Quand apparatra leMahdi ? Un -peuple pntr de ce sen-timent, on peut l'exterminer, on ne peutle soumettre son sort.


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XCONCLUSION

Comment tout cela linira-t-il? Le sujetinvite tout naturellement aux prophties.Vous me permettrez cependant de ne pointtrancher du Mahdi ou du moins de netaire de prdictions qu' longue chance,ainsi que le conseille la prudence humaine.Le Mahdi lui-mme, si l'on en croit Ma-homet, a encore trois ou quatre ans durer; car le Prophte a annonc que lamission terrestre du Mahdi doit durer septans (70). Il se pourrait bien que trois ans,en effet, suffisent l'user : un Mahdi nepeut se soutenir qu' force de victoires etde marches en avant : qu'il recule ou s'ar-rte, et le Soudan dira : Ce n'tait pas levrai Mahdi ; c'est un des faux Mahdis qui


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- 96 -doivent annoncer le vrai : attendons. Enattendant, une chose que vous pouvez, jecrois, affirmer en toute scurit, c'est que,quel que soit le rsultat de l'expditionanglaise, une nation europenne, quellequ'elle soit, sera toujours impuissante tablir dans le Soudan un ordre durable :cela, par fatalit naturelle, par ordre d'enhaut : le soleil sur leur tte, le sable dudsert sous leurs pieds opposent un doubleveto, qu'aucun ordre du jour de Parlementne peut lever (71).

Depuis les commencements de l'his-toire, il n'y a eu dans ces rgions quelquechose comme un ordre rgulier qu' deuxreprises : il y a trois mille ans, sous lesPharaons de la XVIIP dynastie, et, de nosjours, sous les Khdives. L'ordre^ entendu la faon des Khdives, a amen ce quevous savez. L'Angleterre ne pourrait lertablir qu'avec les forces de l'Egypte;mais, en rduisant l'Egypte en vasselage,en faisant du Khdive un fantme, en s'at-tirant par une srie de mesures inutiles etgratuites l'hostilit invincible de tout ce


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97 qui compte en Egypte, elle ;i bris elle-mme dans ses mains le seul instrumentqu'elle pt employer l-bas. Et, songeons-y bien^ dans ces fautes et ces malheursde l'Angleterre il y a pour nous, les ma-tres de l'Algrie, qui rvons de frayer lavoie d'Alger Tombouctou, il y a unavertissement redoutable et qu'il faut m-diter. Ne l'oublions pas dans nos rap-ports avec les Arabes d'Algrie, avec lesTouaregs du dsert, car ce sont ceux-lqui nous ouvriront le Soudan algrien.Que nos colons, parfois si durs et si m-prisants pour l'indigne, le compren-nent enfin, s'il veulent que leurs enfantstassent une ralit de cet empire franaisd'Afrique que rve la fm de notre sicle.L'Angleterre a dit : l'Afrique aux Afri-cains! C'tait un leurre dont elle est lapremire victime. Le seul programmepratique, le seul loyal, le seul utile lacivilisation, c'est celui qui associera l'in-digne notre uvre et prendra pour motd'ordre : l'Afrique par les Africains ! UAn-gleterre ne l'a pas compris et elle expie.

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- 98 -Aubsi son admirable petite arme pourrabien, force de sacrifices et de sang, re-taire flotter pendant un jour sur les mursde Khartoum le drapeau de l'Europe etremporter dans le dsert quelque victoire la franaise, brillante et strile : ces im-provisations de la victoire seront bala3'esen une nuit par le sable du dsert.De l les sympathies relles, plus nom-breuses qu'on n'imagine et que les jour-naux ne l'avouent, que le Mahdi inspireen Angleterre, mme aprs la mort deGordon, surtout depuis la mort de Gor-don. L'Angleterre a en politique unegrande vertu, la plus grande peut-tre desvertus politiques : le respect de la force js:^ le dis presque sans pigrammc sous quelque forme qu'elle se manifeste,si elle se manifeste clairement. Si par ha-sard Mohammed Ahmed tait un politique,s'il y avait en lui l'toffe d'un Fatimide oud'un Almohade, s'il consentait rester surterre, et terre terre, s'il se rsignait fonder quelque immense empire du Sou-dan, oh ! en ce cas-l, un beau jour TEu-


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99 rope pourrait bien apprendre son rveilque l'Angleterre vient d'envoyer un r-sident la cour de Khartoum ou d'El-Obeid, avec trait de commerce en rgle.Par malheur, il semble bien que le Mahdin'est pas un politique au sens europendu mot; c'est quelque chose de plus oude moins; c'est un fanatique honnte; leroyaume du monde n'est pour lui qu'unmarche-pied pour le royaume du ciel, et,voyez-vous, dans le royaume du ciel telque le conoit un Arabe, il n'y a pas deplace pour un rsi

(1885) le mahdi depuis les origines de l'islam jusqu'a nos jours

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