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Rémi GENEVEY, Rajendra K. PACHAURI et Laurence TUBIANA (dir.) Réduire les inégalités : un enjeu de développement durable 2013 Dossier

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Regards sur la Terre décrypte la complexité des processus qui composent le développe-ment durable et en révèle toute la richesse.

La première partie dresse le bilan de l’année 2012 : retour sur les dates qui ont marqué l’avancée des connaissances et la construction de l’action dans les domaines du climat, de la biodiversité, des ressources naturelles, de la gouvernance, de l’énergie, de la santé ou du développement ; analyse des événements clés et des tendances émergentes, identifi cation des acteurs majeurs, des enjeux et des perspectives.

Le Dossier 2013 traite des relations entre l’accroissement des inégalités contemporaines et l’insoutenabilité de nos trajectoires de développement. Les inégalités sont-elle un obstacle au développement durable ? La réduction des inégalités est-elle un prérequis à un mode de développement plus soutenable ? Vingt ans après le Sommet de la Terre de Rio, les aspects sociaux du développement et de la croissance ont en effet pris une place prépondérante dans le débat public. La frontière historique entre les préoccupations présumées pour l’environnement des pays de l’OCDE, actuellement en crise, et le désir légitime de croissance des pays émergents en pleine expansion semble aujourd’hui s’être brouillée et les équilibres mondiaux profondément transformés. Sous l’effet de la crise économique, les écarts de revenus entre pays riches et pays en développement n’ont fait que diminuer, mais les inégalités au sein même des pays n’ont jamais été aussi fortes, avec des conséquences immédiates sur la santé, l’urbanisation, la biodiversité… Objet de préoccupation commune, nécessitant la mise en œuvre de politiques nova-trices à l’échelle internationale, la question de la réduction des inégalités est au cœur des objectifs d’un développement qui permette à chacun un niveau de vie convenable tout en préservant les besoins des générations futures.

Fruit d’une coopération entre l’AFD (Agence française de développement), l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le TERI (The Energy and Resources Institute), Regards sur la Terre constitue un outil d’information et de compréhension indispensable.

Rémi GENEVEY, Rajendra K. PACHAURI et Laurence TUBIANA (dir.)

Réduire les inégalités : un enjeu de développement durable

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25 € Prix TTC France6990683ISBN : 978-2-200-28326-1

Établissement public, l’Agence française de développe-ment (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour combattre la pauvreté et favoriser le développement dans les pays du Sud et dans l’outre-mer. Elle met en œuvre la politique définie par le gouvernement français. Présente

sur quatre continents où elle dispose d’un réseau de soixante-dix agences et bureaux de représentation dans le monde, dont neuf dans l’outre-mer et un à Bruxelles, l’AFD finance et accompagne des projets qui améliorent les conditions de vie des populations, soutiennent la croissance écono-mique et protègent la planète : scolarisation, santé maternelle, appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, adduction d’eau, préservation de la forêt tropicale, lutte contre le réchauffement climatique… En 2011, l’AFD a consacré près de 6,9 milliards d’euros au financement d’actions dans les pays en développement et en faveur de l’outre-mer. Ils contribueront notamment à la scolarisation de 4 millions d’enfants au niveau primaire et de 2 millions au niveau collège, et à l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable pour 1,53 million de personnes. Les projets d’efficacité éner-gétique sur la même année permettront d’économiser près de 3,8 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an. www.afd.fr

Institut de recherche sur les politiques, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a pour objectif d’élaborer et de partager des clés d’analyse et de compréhension des enjeux stratégiques

du développement durable dans une perspective mondiale. Face aux défis majeurs que représentent le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, l’Iddri accompagne les différents acteurs dans la réflexion sur la gouvernance mondiale et participe aux travaux sur la redéfinition des trajectoires de développement. Ses travaux sont structurés transver-salement autour de cinq programmes thématiques : gouvernance, climat, biodiversité, fabrique urbaine et agriculture. www.iddri.org

The Energy and Resources Institute (TERI) est une organisation non gouvernementale indienne créée en 1974 pour développer des solutions innovantes afin de traiter les enjeux du développement durable, de

l’environnement, de l’efficacité énergétique et de la gestion des ressources naturelles. Ses diverses activités vont de la formulation de stratégies locales et nationales jusqu’à la proposition de politiques globales sur les enjeux énergétiques et environnementaux. Basé à Delhi, l’Institut est doté de plusieurs antennes régionales sur le territoire indien. www.teriin.org

Rémi GENEVEY, directeur exécutif à l’Agence française de développement (AFD), est actuellement responsable de la direction de la stratégie, qui regroupe les activités de production de connaissances, pilotage stratégique, évaluation et formation de l’AFD, ainsi que le Secrétariat du Fonds français pour l’environnement mondial. Il a exercé des fonctions de management à l’AFD dans

différents postes, en tant que directeur financier (2006-2008), directeur du département Méditerranée et Moyen-Orient (2002-2005), directeur de l’agence de l’AFD au Maroc (1999-2002), directeur général adjoint et directeur des opérations de Proparco, la filiale de l’AFD pour le financement du secteur privé (1994-1999). Il a été responsable entre 2008 et 2010 de la coordination, pour la France, du groupe de travail international en charge de la création du Centre de Marseille pour l’intégration méditerranéenne.

Laurence TUBIANA, économiste, a fondé et dirige l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et la chaire Développement durable de Sciences Po. Elle est professeur au sein de l’École des affaires internationales de Sciences Po et à l’université Columbia (États-Unis). Elle est membre du comité de pilotage du débat national français sur la

transition énergétique et co-présidente du Leadership Council du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies. Chargée de mission puis conseillère auprès du Premier ministre sur les questions d’environnement de 1997 à 2002, elle a été directrice des biens publics mondiaux au ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle est membre de divers conseils d’universités et de centres de recherches internationaux (Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – Cirad, Earth Institute à l’université Columbia, Oxford Martin School). Elle est également membre du China Council for International Cooperation on Environment and Development et du Conseil d’orientation stratégique de l’Institute for Advanced Sustainability Studies (Potsdam, Allemagne).

Rajendra Kumar PACHAURI est docteur en génie industriel et en économie. Il est actuellement le directeur général de The Energy and Resources Institute (TERI) basé à Delhi (Inde). Depuis 2002, il préside le Groupe intergou-vernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007.

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Les fonds souverains sont la propriété ou sous le contrôle d’États souve-rains, qui investissent tout ou partie des ressources de ces fonds en dehors de leurs frontières. Certains existent

depuis plusieurs décennies. Mais ils ne font l’objet d’une attention particulière que depuis quelques années seulement, avec certains investissements ou projets d’investissements symboliques : rachat de l’entreprise de gestion du port du Pirée en Grèce par la China Ocean Shipping Company ; projets d’investissement dans le nucléaire au Royaume-Uni par le China Guangdong Nuclear Power Group et la China National Nuclear Power Corporation... Plus récemment, en 2012, c’est le projet d’inves-tissement dans les banlieues françaises de la Qatar Investment Authority qui a défrayé la chronique.

Accumulations de réserves de changeMais ces projets ne sont pas toujours, à propre-ment parler, des investissements de fonds souverains. Le monde des investissements souverains est vaste et complexe, avec des frontières poreuses. On distingue générale-ment les fonds souverains d’autres formes d’investissements souverains1, formés par les banques centrales et les fonds de réserves de change (qui ont pour objectif le contrôle de l’infl ation et la stabilité du taux de change, et investissent donc dans des actifs liquides et

1. Sovereign Investment Lab Annual Report, 2011.

Économie verte : l’enjeu des fonds souverainsEmmanuel GUÉRIN, Iddri

peu risqués) ; les fonds de stabilisation (qui visent à contrer un choc macroéconomique extérieur et qui, eux aussi, mettent l’accent sur l’accès immédiat plutôt que sur les retours sur investissement) ; les fonds de pension (qui ont des obligations claires de paiement de retraites, avec un calendrier précis) ; les fonds de développement nationaux (qui investissent leurs ressources à l’intérieur du pays) et, enfi n, les entreprises publiques (souvent dans des secteurs stratégiques, comme les ressources ou les infrastructures).

Les revenus des fonds souverains proviennent soit des ressources naturelles (pétrole et gaz essentiellement) possédées, contrôlées ou taxées par l’État (fonds souverains du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de la Norvège) ; soit des surplus commerciaux (fonds souve-rains asiatiques essentiellement). Ils peuvent avoir plusieurs objectifs2 : protection contre la volatilité des revenus tirés des exportations des ressources naturelles ; protection contre les autres effets négatifs de la dépendance aux ressources naturelles – l’appréciation du taux de change qui en résulte réduisant la compétitivité des autres secteurs exposés à la concurrence internationale (« maladie hollandaise ») ; transfert de la richesse aux générations futures, les ressources naturelles étant épuisables.

2. Direction générale du trésor et de la politique économique, janvier 2008, “The conditions for a positive contribution of sovereign wealth funds to the world economy”, Tresor-Economics Letters, 28.

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La gigantesque accumulation de réserves de change, résultant des excédents commerciaux, a aussi augmenté les coûts de « stérilisation » de ces réserves visant à réduire leurs effets infl ationnistes. Ceci a donné lieu à la création d’institutions – les fonds souverains – séparées des banques centrales et autres fonds de réserves, pour passer d’une gestion passive (investissements sur le marché obligataire, notamment dans les bons du Trésor améri-cain) à une gestion proactive (investissements aux rendements plus importants et donc aux risques plus élevés, notamment sur le marché des actions) et ainsi réduire ces coûts, voire générer un profi t.

À la poursuite d’intérêts stratégiquesLes fonds souverains sont de plus en plus sous le feu des projecteurs, faisant le plus souvent l’objet de critiques, et ce pour plusieurs raisons.

Le nombre de ces fonds a augmenté rapide-ment ces dernières années, ainsi que le poids des actifs qu’ils gèrent et la taille de leurs investissements. Il n’y avait que trois fonds souverains dans les années 1950 et 1960, une vingtaine dans les années 1990 : il en existe aujourd’hui une cinquantaine. L’opacité qui entoure les fonds souverains rend hasardeuse toute tentative de chiffrage de leurs actifs. En recoupant l’ensemble des données disponibles, on obtient un total de 3 000 milliards de dol-lars environ pour l’année 20113 (500 milliards « seulement » en 2003). Mais certaines sources parlent d’un total réel avoisinant plutôt les 6 000 milliards de dollars4. Et la plupart des analystes s’accordent pour dire que les actifs des fonds souverains pourraient atteindre 12 000 milliards dès 20155. En 2011, ces fonds ont réalisé 237 investissements directs, pour une valeur totale de 81 milliards de dollars, soit une augmentation de 15 % en nombre d’investissements et de 42 % en valeur, par

3. Deutsche Bank Research, Sovereign Wealth Funds: State Investment on the Rise, 10 septembre 2007.

4. Selon Nick Tolchard, directeur de Invesco Middle East, cité dans un article du Financial Times  daté du 2 septembre 2012 (Boyde E, “Time for SWFs to show greater transparency”).

5. Morgan Stanley Research, “How big could sovereign wealth funds be by 2015?”, mai 2007.

rapport à 2010. En 2011, la taille moyenne des investissements s’élevait donc à 340 millions de dollars.

L’ascension des fonds souverains est le sym-bole de deux évolutions majeures de l’écono-mie politique mondiale : la redistribution de la richesse et du pouvoir économique et fi nancier des économies matures de l’OCDE vers les pays émergents et une intervention croissante des États dans les affaires économiques et la ges-tion de la richesse, à l’inverse des processus de libéralisation et de privatisation à l’œuvre dans les pays de l’OCDE dans les décennies précé-dentes. À l’exception de fonds souverains nor-végiens (600 milliards d’actifs), aucun des dix plus grands fonds souverains (ceux qui pèsent plus de 100 milliards d’actifs) ne provient d’un pays de l’OCDE. Les fonds souverains, repré-sentation symbolique du capitalisme d’État, pèsent aujourd’hui plus lourd (quasiment deux fois plus) que les hedge funds, ces fonds spécu-latifs, symboles paroxystiques du capitalisme libéral (2 000 milliards d’actifs).

En raison de leur forte exposition aux mar-chés immobiliers, bancaires et de la dette sou-veraine, certains fonds souverains ont accusé des pertes temporaires mais importantes suite à l’explosion de la bulle immobilière aux États-Unis et aux crises fi nancières et de la dette publique. Certains projets d’investissement souverain dans des secteurs clés de l’économie ont aussi provoqué des polémiques dans les pays récipiendaires, en raison de comporte-ments supposément prédateurs de la part des pays d’origine de ces investissements. Ces polé-miques concernent pour l’essentiel des projets d’investissement d’entreprises publiques, et n’émanant pas de fonds souverains : rejet par les autorités américaines du projet de rachat par Dubai Ports World de la Peninsular and Oriental Steam and Navigation Company (P&O), qui gère la plupart des ports américains, dont le port de New York ; rejet du projet de rachat d’Unocal par la China National Offshore Oil Corporation. Les fonds souverains, bien conscients des risques de repli protectionniste qu’ils pourraient susciter en cas de prises de contrôle stratégiques, prennent en général des participations très minoritaires dans les

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entreprises dans lesquelles ils investissent. C’est le cas, plus encore que pour d’autres fonds souverains, de la China Investment Corporation, le fonds souverain chinois6.

Il est vrai toutefois que les fonds souverains ne poursuivent pas uniquement des objectifs de rentabilité fi nancière, même à long terme. La sécurisation des approvisionnements en ressources naturelles et la facilitation de l’accès aux technologies et aux savoir-faire étrangers pour les entreprises nationales font parties des autres objectifs – affi chés ou

6. Certains fonds souverains du Golfe sont moins prudents ou moins réticents à prendre des participations plus importantes. La Qatar Investment Authority (QIA) a par exemple récemment acquis 20 % de l’aéroport d’Heathrow à Londres, devenant ainsi le troisième actionnaire du groupe, représenté par deux sièges au conseil d’administration. QIA, qui possède 12 % de Xstarta (mines), a aussi bloqué la fusion avec Glencore (compagnie de courtage et de négoce de matières premières), considérant que l’accord proposé n’était pas satisfaisant. Le fonds norvégien a d’ailleurs fait la même chose, même si son opposition a été plus privée que publique.

implicites – des fonds souverains. De ce point de vue, ils ne sont donc pas des investisseurs tout à fait comme les autres, ce qui pourrait justifi er une réglementation spécifi que. Par ailleurs, c’est le manque de réciprocité dans les conditions d’investissement de la part des pays détenteurs de fonds souverains qui pose problème, plus que la poursuite d’objectifs directement politiques.

Vers plus de transparenceCes questions sont d’autant plus pressantes, et les inquiétudes d’autant plus grandes, que les fonds souverains opèrent de manière peu transparente. En effet, si certains fonds souve-rains se distinguent (comme le fonds souve-rain norvégien ou l’Alberta Heritage Savings Trust Fund au Canada), l’opacité caractérise la très grande majorité des fonds souverains, sur lesquels on ne dispose que de très peu d’informations : taille, composition de leur

Une puissance financière dominée par l’Asie et le Moyent-Orient

Les dix premiers fonds souverains signalent la montée en puissance des émergents – seule la Norvège représente les pays de l’OCDE dans ce club des plus de 100 milliards d’actifs. Ils témoignent également de la vitalité croissante d’une forme étatique d’intervention dans les affaires économiques mondiales, alors que les économies développées voient les limites du capitalisme libéral.

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portefeuille, stratégie d’investissement, perfor-mance et mode de gouvernance.

Les Principes de Santiago, des accords volontaires signés en 2008 par 25 États ou fonds souverains, à la suite des travaux du Fonds monétaire international (FMI) et de l’International Working Group of Sovereign Wealth Funds (IWG-SWF), ont pour objectif d’augmenter la transparence et de diffuser les bonnes pratiques. Ils sont néanmoins à la fois inégalement appliqués et insuffi sants.

À condition donc d’être plus transparents, les fonds souverains pourraient jouer un rôle posi-tif et important dans la fi nance et l’économie mondiale. Puisque leurs investissements s’ins-crivent dans la durée, ils contribuent à réduire la volatilité des marchés fi nanciers. En effet, au même titre que les autres investisseurs institu-tionnels, les fonds souverains sont des investis-seurs de long terme, qui se tiennent à l’écart de cette course effrénée aux profi ts immédiats, aux effets de leviers toujours plus grands et aux produits dérivés sans cesse plus sophistiqués. De plus, contrairement aux fonds de pension, aux fonds mutuels ou aux compagnies d’assu-rance, les fonds souverains n’ont pas de dettes à long terme et pas d’obligation de paiements futurs à échéances fi xes. Ils peuvent donc déve-lopper des stratégies d’investissement plus libres. Enfi n, contrairement aux investisseurs

privés, qui adoptent un comportement passif vis-à-vis des investissements dont la rentabi-lité dépend de l’intervention publique pour diverses raisons (créer la demande, construire les infrastructures, payer le surcoût, etc.), les fonds souverains sont susceptibles d’avoir une attitude plus proactive, grâce aux dialogues avec les gouvernements des pays d’origine et de destination.

Acteurs de l’économie verteToutes ces caractéristiques permettent de considérer que les fonds souverains pourraient être un acteur clé potentiel de la transition vers une économie verte. La réussite de cette transi-tion repose en effet sur la possibilité de fi nancer un coût d’investissement important (de l’ordre de quelques points de PIB par an, pendant plusieurs décennies), le surcoût en capital à court terme n’étant que progressivement compensé par des dépenses de fonctionne-ment plus faibles. Elle suppose aussi la mise en place d’un paquet de politiques publiques pour corriger de nombreuses défaillances de marché, en plus de l’évaluation des risques systémiques et de long terme des marchés fi nanciers : inter-nalisation des externalités liées aux pollutions, investissement au niveau optimal en recherche et développement, construction d’infrastruc-tures en réseau, révélation de l’information, etc. Elle implique donc une concertation étroite entre investisseurs et États.

Aujourd’hui, les fonds souverains sont encore loin de participer activement au fi nancement de cette transition. En 2011, ils ont investi 35,2 milliards de dollars dans les services fi nanciers ; 13,4 dans l’immobilier ; 13,2 dans les ressources énergétiques fossiles (essentiellement pétrole et gaz) ; 6,5 dans les infrastructures et les utilities ; 3,4 dans les constructeurs d’avions, de voitures, de bateaux et de trains et quelques milliards également dans les secteurs miniers et de la santé7.

Ces chiffres, comparés à ceux des années précédentes, sont révélateurs de plusieurs tendances. Les fonds souverains ont été contraints par leurs gouvernements d’investir

7. Sovereign Investment Lab Annual Report, 2011.

La gestion du risque comme priorité

Plus d’un tiers des investissements des fonds souverains en 2011 allait vers les services financiers, loin devant tout investissement productif ou soutien à des secteurs émergents. Dans un marché en crise, ils considèrent majoritairement que les énergies fossiles ou l’immobilier sont des valeurs refuge. S’ils ont continué stratégiquement à investir en Europe pour faciliter l’accès aux technologies et aux savoir-faire étrangers, ils ont surtout investi à l’intérieur de leurs frontières pour protéger leurs économies.

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Investissements bien ordonnés commencent par soi-même

fortement à l’intérieur de leurs frontières, essentiellement pour venir au secours des secteurs bancaire et fi nancier. La proportion d’investissement national par rapport à l’investissement total, virtuellement nulle en 2005 et 2006, a ainsi retrouvé en 2011 ses niveaux moyens des années 2007, 2008 et 2009 (environ un tiers), alors qu’elle était retombée à 15 % en 2010. Les fonds souverains ne sont donc manifestement pas complètement isolés des pressions politiques, et la poursuite de plusieurs objectifs simultanés et largement contradictoires (transfert intergénérationnel de richesses, sauvetage des banques) pourrait nuire gravement à leurs stratégies d’investisse-ment (tension entre les besoins de liquidités et les rendements à long terme). Les fonds souve-rains continuent, ironiquement, à considérer les ressources énergétiques fossiles et l’immo-bilier comme des actifs peu risqués, et ces

marchés leur ont servi de valeur refuge en 2011 dans un environnement macroéconomique et fi nancier incertain et menaçant. On note tou-tefois un rééquilibrage de certains fonds sou-verains vers les infrastructures et les utilities, notamment dans le secteur énergétique, ce qui pourrait ouvrir une fenêtre d’opportunité pour leur contribution au fi nancement de la transition vers une économie verte.

La participation des fonds souverains au fi nancement d’un développement durable ne sera ni désintéressée, ni spontanée. En plus de dispositions d’ordre général, pour garantir que les fi nancements apportés par les fonds souverains contribuent au développement économique du pays récipiendaire et pro-tègent les intérêts nationaux, deux conditions supplémentaires devront être remplies. La rentabilité des projets d’investissements décarbonés, sobres en ressources naturelles,

Les fonds souverains du Moyen-Orient et d’Asie comptent aujourd’hui parmi les plus importants au monde avec des priorités géographiques différentes. Les fonds du Moyen-Orient privilégient une implantation en Europe (17,3 milliards de dollars) loin devant l’Asie (4,8 milliards de dollars). En 2011, on note de plus une forte progression des investissements au sein de la zone : 7,3 milliards de dollars. Les fonds asiatiques, eux, investissent d’abord sur leurs propres territoires : 25,1 milliards de dollars. Quand les investissements des fonds souverains asiatiques se tournent vers l’étranger, ils se répartissent entre l’Europe et l’Amérique du Nord.

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et respectueux de l’environnement, dépend en premier lieu de la mise en place d’un ensemble de politiques publiques, intégrant le coût des dommages environnementaux et corrigeant de multiples défaillances de marché (liées à l’innovation, aux réseaux, à l’information, etc.). Les pays récipiendaires doivent donc envoyer aux fonds souverains un signal clair, crédible et prévisible dans ce sens.

Mais l’existence d’un cadre de régulation favorable dans les pays récipiendaires, bien que nécessaire, ne sera pas suffi sante pour que les fonds souverains contribuent activement au fi nancement d’un développement durable. De nouveaux produits fi nanciers, de nouveaux partenariats public-privé et de nouveaux montages de projets devront être inventés pour que les caractéristiques de la demande

des fonds souverains rencontrent celles de l’offre de ces nouveaux projets. Les projets d’énergies renouvelables à grande échelle (éolien et solaire notamment) sont des candi-dats naturels pour ce type d’investissements, et sont à portée de main. Mais des innovations fi nancières importantes seront nécessaires pour que ces investissements se portent aussi vers d’autres secteurs moins évidents, mais non moins importants, comme les infrastruc-tures de transport ou l’effi cacité énergétique. Un petit nombre de fonds souverains très dynamiques, au Moyen-Orient et en Asie, s’activent aujourd’hui pour mettre en place une plateforme commune de fi nancement des infrastructures vertes. Ce mouvement positif doit être accompagné et soutenu, sans naïveté, mais sans fausse pudeur. n

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Regards sur la Terre décrypte la complexité des processus qui composent le développe-ment durable et en révèle toute la richesse.

La première partie dresse le bilan de l’année 2012 : retour sur les dates qui ont marqué l’avancée des connaissances et la construction de l’action dans les domaines du climat, de la biodiversité, des ressources naturelles, de la gouvernance, de l’énergie, de la santé ou du développement ; analyse des événements clés et des tendances émergentes, identifi cation des acteurs majeurs, des enjeux et des perspectives.

Le Dossier 2013 traite des relations entre l’accroissement des inégalités contemporaines et l’insoutenabilité de nos trajectoires de développement. Les inégalités sont-elle un obstacle au développement durable ? La réduction des inégalités est-elle un prérequis à un mode de développement plus soutenable ? Vingt ans après le Sommet de la Terre de Rio, les aspects sociaux du développement et de la croissance ont en effet pris une place prépondérante dans le débat public. La frontière historique entre les préoccupations présumées pour l’environnement des pays de l’OCDE, actuellement en crise, et le désir légitime de croissance des pays émergents en pleine expansion semble aujourd’hui s’être brouillée et les équilibres mondiaux profondément transformés. Sous l’effet de la crise économique, les écarts de revenus entre pays riches et pays en développement n’ont fait que diminuer, mais les inégalités au sein même des pays n’ont jamais été aussi fortes, avec des conséquences immédiates sur la santé, l’urbanisation, la biodiversité… Objet de préoccupation commune, nécessitant la mise en œuvre de politiques nova-trices à l’échelle internationale, la question de la réduction des inégalités est au cœur des objectifs d’un développement qui permette à chacun un niveau de vie convenable tout en préservant les besoins des générations futures.

Fruit d’une coopération entre l’AFD (Agence française de développement), l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le TERI (The Energy and Resources Institute), Regards sur la Terre constitue un outil d’information et de compréhension indispensable.

Rémi GENEVEY, Rajendra K. PACHAURI et Laurence TUBIANA (dir.)

Réduire les inégalités : un enjeu de développement durable

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25 € Prix TTC France6990683ISBN : 978-2-200-28326-1

Établissement public, l’Agence française de développe-ment (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour combattre la pauvreté et favoriser le développement dans les pays du Sud et dans l’outre-mer. Elle met en œuvre la politique définie par le gouvernement français. Présente

sur quatre continents où elle dispose d’un réseau de soixante-dix agences et bureaux de représentation dans le monde, dont neuf dans l’outre-mer et un à Bruxelles, l’AFD finance et accompagne des projets qui améliorent les conditions de vie des populations, soutiennent la croissance écono-mique et protègent la planète : scolarisation, santé maternelle, appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, adduction d’eau, préservation de la forêt tropicale, lutte contre le réchauffement climatique… En 2011, l’AFD a consacré près de 6,9 milliards d’euros au financement d’actions dans les pays en développement et en faveur de l’outre-mer. Ils contribueront notamment à la scolarisation de 4 millions d’enfants au niveau primaire et de 2 millions au niveau collège, et à l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable pour 1,53 million de personnes. Les projets d’efficacité éner-gétique sur la même année permettront d’économiser près de 3,8 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an. www.afd.fr

Institut de recherche sur les politiques, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a pour objectif d’élaborer et de partager des clés d’analyse et de compréhension des enjeux stratégiques

du développement durable dans une perspective mondiale. Face aux défis majeurs que représentent le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, l’Iddri accompagne les différents acteurs dans la réflexion sur la gouvernance mondiale et participe aux travaux sur la redéfinition des trajectoires de développement. Ses travaux sont structurés transver-salement autour de cinq programmes thématiques : gouvernance, climat, biodiversité, fabrique urbaine et agriculture. www.iddri.org

The Energy and Resources Institute (TERI) est une organisation non gouvernementale indienne créée en 1974 pour développer des solutions innovantes afin de traiter les enjeux du développement durable, de

l’environnement, de l’efficacité énergétique et de la gestion des ressources naturelles. Ses diverses activités vont de la formulation de stratégies locales et nationales jusqu’à la proposition de politiques globales sur les enjeux énergétiques et environnementaux. Basé à Delhi, l’Institut est doté de plusieurs antennes régionales sur le territoire indien. www.teriin.org

Rémi GENEVEY, directeur exécutif à l’Agence française de développement (AFD), est actuellement responsable de la direction de la stratégie, qui regroupe les activités de production de connaissances, pilotage stratégique, évaluation et formation de l’AFD, ainsi que le Secrétariat du Fonds français pour l’environnement mondial. Il a exercé des fonctions de management à l’AFD dans

différents postes, en tant que directeur financier (2006-2008), directeur du département Méditerranée et Moyen-Orient (2002-2005), directeur de l’agence de l’AFD au Maroc (1999-2002), directeur général adjoint et directeur des opérations de Proparco, la filiale de l’AFD pour le financement du secteur privé (1994-1999). Il a été responsable entre 2008 et 2010 de la coordination, pour la France, du groupe de travail international en charge de la création du Centre de Marseille pour l’intégration méditerranéenne.

Laurence TUBIANA, économiste, a fondé et dirige l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et la chaire Développement durable de Sciences Po. Elle est professeur au sein de l’École des affaires internationales de Sciences Po et à l’université Columbia (États-Unis). Elle est membre du comité de pilotage du débat national français sur la

transition énergétique et co-présidente du Leadership Council du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies. Chargée de mission puis conseillère auprès du Premier ministre sur les questions d’environnement de 1997 à 2002, elle a été directrice des biens publics mondiaux au ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle est membre de divers conseils d’universités et de centres de recherches internationaux (Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – Cirad, Earth Institute à l’université Columbia, Oxford Martin School). Elle est également membre du China Council for International Cooperation on Environment and Development et du Conseil d’orientation stratégique de l’Institute for Advanced Sustainability Studies (Potsdam, Allemagne).

Rajendra Kumar PACHAURI est docteur en génie industriel et en économie. Il est actuellement le directeur général de The Energy and Resources Institute (TERI) basé à Delhi (Inde). Depuis 2002, il préside le Groupe intergou-vernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007.

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Dossier

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