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@ YI KING (Yi Jing, I Ching) traduit par Paul-Louis-Félix PHILASTRE (1837-1902) Un document produit en version numérique par Pierre Palpant, collaborateur bénévole Courriel : [email protected] Dans le cadre de la collection : "Les classiques des sciences sociales" dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web : http ://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l’Université du Québec à Chicoutimi Site web : http ://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

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  • @

    YI KING (Yi Jing, I Ching)

    traduit par Paul-Louis-Flix PHILASTRE (1837-1902)

    Un document produit en version numrique par Pierre Palpant,

    collaborateur bnvole

    Courriel : [email protected]

    Dans le cadre de la collection : "Les classiques des sciences sociales"

    dirige et fonde par Jean-Marie Tremblay,

    professeur de sociologie au Cgep de Chicoutimi

    Site web : http ://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

    Une collection dveloppe en collaboration avec la Bibliothque

    Paul-mile-Boulet de lUniversit du Qubec Chicoutimi

    Site web : http ://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

    mailto:[email protected]://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.htmlhttp://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm
  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 2

    Un document produit en version numrique par Pierre Palpant, collaborateur bnvole,

    Courriel : [email protected]

    partir de :

    YI KING

    Traduit par Paul-Louis-Flix PHILASTRE (1837-1902)

    Editions Zulma, 1992, 890 pages.

    Premire dition, Ernest LEROUX, Paris, 1885

    Polices de caractres utilise : Times, 10 et 12 points.

    Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5 x 11.

    dition complte le 30 novembre 2004 Chicoutimi, Qubec.

    mailto:[email protected]
  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 3

    T A B L E D E S M A T I R E S

    Note css

    Introduction Conclusion Formules annexes (1 - 2) Postface

    Koua : Dfinitions Ordre Oppositions Table Table analytique

    PREMIRE PARTIE DEUXIME PARTIE

    1. - Khien, activit 31. - Hien, linfluence

    2. - Khouen, passivit 32. - Heng, perptuit

    3. - Tshouen, naissance des tres 33. - Thouen, se retirer en arrire

    4. - Mong, dvelopp. de lintelligence 34. - Ta tshang, parfait panouissement

    5. - Su, lattente 35. - Tsin, progression en avant

    6. - Song, le doute 36. - Ming yi, blessure

    7. - Shi, le groupement de la foule 37. - Kia jen, hommes de la famille

    8. - Pi, lassociation 38. - Khouei, opposition

    9. - Siao tshou, petit arrt 39. - Kien, difficult

    10. - Li, les rgles rituelles 40. - Kiae, dlivrance

    11. - Thae, prosprit 41. - Souen, dcroissance

    12. - Pi, dcadence 42. - Yi, croissance

    13. - Thong jen, identit des hommes 43. - Kouae, dtermination

    14. - Tae yeou, grand avoir 44. - Keou, rencontre (conjonction)

    15. - Khien, modestie 45. - Tsouei, rassemblement, runion

    16. - Yu, satisfaction 46. - Sheng, naissance, lvation

    17. - Souei, entranement et action de suivre 47. - Khouen, misre

    18. - Kou, les causes 48. - Tsing, le puits

    19. - Lin, troubles et surveillance 49. - Ko, modifier, changer

    20. - Kouan, lobjet de lobservation 50. - Ting, trpied

    21. - She ho, couper court lerreur 51. - Tshen, lobjet, lustensile

    22. - Pi, orner et rgulariser 52. - Ken, larrt

    23. - Po, user peu peu, dclin 53. - Tsien, progression en avant

    24. - Fou, retour en sens oppos 54. - Kouei mei, mariage

    25. - Wou wang, absence dirrgularit 55. - Fong, grandeur

    26. - Tae tsou, grand arrt 56. - Lou, voyageur, tranger

    27. - Yi, la nourriture 57. - Souen, entrer

    28. - Tae kuo, ce qui est grand traverse 58. - Touei, plaire

    29. - Khan, chute dans labme 59. - Hoan, sparation

    30. - Li, jonction et sparation 60. - Tsie, dfinir, rgler

    61. - Tshong fou, confiance, certitude

    62. - Siao kuo, petit excs

    63. - Ki tsi, dj tabli

    64. - Vi tsi, pas encore tabli

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 4

    N O T E C S S

    I. Quelques modalits de circulation spcifiques au Yi king.

    Dans chacune des 64 sections du livre, la prsentation trs similaire, on

    trouvera en premire page, 1+6 courtes sentences.

    Un clic sur le symbole [] aprs la premire sentence permet le retour

    la table des matires.

    Un clic sur lune des sentences conduit la sous-section o, aprs son

    rappel, la sentence est commente. Un clic sur lhexagramme repris en tte de

    chaque sous-section permet de revenir la section.

    Au bas des 1+6 sentences, deux symboles rouges : < et >.

    Un clic sur le < permet daccder lhexagramme correspondant

    tudi sur le site dexpression anglaise : http://www.sacred-texts.com/ich/index.htm,

    traduction de James Legge. Ce trs riche site reprend par ailleurs bon nombre

    des traductions du sinologue anglais.

    Un clic sur le > permet daccder lhexagramme correspondant

    tudi sur le remarqueble site de lassociation franaise des professeurs de

    Chinois (traduction allemande du Pre Richard Wilhelm, adaptation franaise

    dtienne Perrot. Par rapport CSS : autre traducteur, autres commentateurs

    du texte) : http://afpc.asso.fr/wengu/wg/wengu.php?l=Yijing

    II. Prsentations

    Les rfrences au Yi king sont trs nombreuses dans les ditions CSS,

    notamment chez Henri Cordier, Henri Maspero, Marcel Granet, Lon Wieger.

    Il est galement instructif dexplorer les classiques, par exemple le Tso

    tchouan, avec les mots hexagramme, devin, achille, : quelques

    exemples, concernant Pi Ouan, Ki Iou, Mou Kiang ou Mou tseu. Mais aussi le

    Chou king ou le I-li.

    Les deux sites prcits sacred-texts et afpc fournissent galement une

    prsentation dtaille.

    http://www.sacred-texts.com/ich/index.htmhttp://afpc.asso.fr/wengu/wg/wengu.php?l=bienvenuehttp://afpc.asso.fr/wengu/wg/wengu.php?l=Yijingcordier_histoire.doc#tablela_chine_antique.doc#tablela_pensee_chinoise.doc#tablecroyances_opinions.doc#l09Tso_tchouan_T1.doc#yk01Tso_tchouan_T1.doc#yk02Tso_tchouan_T2.doc#yk03Tso_tchouan_T3.doc#yk04chou_king.doc#yk05i_li.doc#yk06http://www.sacred-texts.com/ich/index.htmhttp://afpc.asso.fr/wengu/wg/wengu.php?l=Yijing
  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 5

    T A B L E D E S K O U A

    Khouen Po Pi Kouan Yu Tsin Tsouei Pi

    2 13 8 20 16 35 45 12

    Khien Ken Kien Tsien Siao kuo Lou Hien Thouen

    15 52 39 53 62 56 31 33

    Shi Mong Khan Hoan Kiae Vi tsi Khouen Song

    7 4 29 59 40 64 47 6

    Sheng Kou Tsing Souen Heng Ting Tae kuo Keou

    46 18 48 57 32 50 28 44

    Fou Yi Tshouen Yi Tshen She ho Souei W.wang

    24 27 3 42 51 21 17 25

    Ming yi Pi Ki tsi Kia jen Fong Li Ko Thong jen

    36 22 63 37 55 30 49 13

    Lin Souen Tsie Tshong fou Kouei mei Khouei Touei Li

    19 41 60 61 54 38 58 10

    Thae Tae tshou Su Siao tshou Ta tshang Tae yeou Kouae Khien

    11 26 5 9 34 14 43 1

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 6

    I N T R O D U C T I O N

    Le Yi king est considr par les Chinois comme le plus antique monument

    de leur littrature ; toutes les coles sont daccord sur ce point.

    Daprs un passage des Rites de Tsheou, le magistrat charg de la

    surintendance de la divination avait dans ses attributions la surveillance des

    rgles poses par les trois livres appels Yi, ou des Changements. Le premier

    de ces trois livres tait intitul Lien shan, Chane des montagnes, cest--dire

    succession ininterrompue de montagnes. Ce titre provenait de la classification

    adopte des hexagrammes, dont le premier figurait la montagne sur la

    montagne ; le symbole adopt tait les nuages manant des montagnes. Le

    second tait intitul Kouei mang, Retour et Conclement, parce quil ntait

    aucune question qui ne pt y tre ramene et que toutes sy trouvaient caches

    et contenues. Le dernier avait pour titre Tsheou 1 yi, Changements dans la

    rvolution circulaire, ce qui exprimait que la doctrine du livre des

    changements stend tout et embrasse toutes choses dans son orbe. Cette

    explication des titres de ces trois ouvrages est personnelle son auteur et nest

    appuye sur aucun texte faisant autorit ; elle nest plus admise par personne ;

    je la crois cependant plus prs de la vrit que les autres, qui vont suivre.

    On remarque, dautre part, que Shen Nong, hros ant-historique, est

    quelquefois appel Lien Shan Shi, ou Li Shan Shi ; de mme aussi, Hoang Ti,

    autre hros, est aussi appel Kouei Tsang Shi ; ces deux expressions Lien shan

    et Kouei tsang tant donc galement des vocables de rgnes, on en dduit que

    ce titre de Tsheou yi vient aussi du vocable de la maison de Tsheou. Cette

    dernire supposition est officiellement et universellement admise aujourdhui.

    Mais quelques critiques font ce sujet des objections trs plausibles ; il

    rsulte du texte de quelques formules, ou sentences du Yi king, attribues

    Wen Wang, fondateur de la dynastie de Tsheou, que ces sentences auraient

    forcment d tre crites postrieurement la mort de Wen Wang. On en a

    conclu quune partie des formules seulement devait tre attribue Wen

    Wang et le reste Tsheou Kong, son fils.

    Du passage des Rites de Tsheou, cit plus haut, on conclut encore que le

    Lien shan tait le livre des Changements, ou Yi king, de la premire dynastie

    (Hia) ; que le Kouei tsang tait celui de la seconde dynastie (Sheang), et que le

    Tsheou yi fut celui de la troisime dynastie (Tsheou). On admet que le fond du

    livre tait le mme et que la forme seule diffrait quelque peu. Les deux

    premiers ont disparu sans laisser dautre trace que celle de leurs titres

    mentionns dans les Rites de Tsheou.

    Le Yi king, tel quil nous est parvenu, est luvre de plusieurs personnes.

    1 Tsheou, mouvement circulaire, rvolution embrassant tout lunivers. Et aussi, nom dun fief

    dont le prince feudataire fonda la troisime dynastie impriale de la Chine.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 7

    La substance primitive est une srie de soixante-quatre hexagrammes ; ces

    hexagrammes sont forms avec deux sortes de traits : un trait plein et

    un trait bris . La tradition rapporte que Fou Hi contemplant le ciel,

    puis baissant les yeux vers la terre et en observant les particularits,

    considrant lapparence des oiseaux et les productions de la terre, les

    caractres du corps humain et ceux des tres et des choses extrieures, com-

    mena par tracer huit koua, ou trigrammes, avec les deux lignes en question ;

    ensuite, combinant ces huit premiers koua simples deux deux, il en forma

    soixante-quatre hexagrammes ; cest l son uvre et la trame du Yi king.

    Wen Wang, prince feudataire, sujet du dernier empereur de la dynastie des

    Sheang, exil et intern comme suspect, rdigea, pendant son bannissement,

    pour chacun de ces soixante-quatre signes, une formule de quelques mots, en

    exprimant la valeur gnrale. Son fils Tsheou Kong composa son tour une

    formule pour chaque trait de chaque hexagramme. Plus tard, Khong Tse,

    reprenant leur uvre, composa plusieurs commentaires particuliers quon

    dsigne ensemble, et assez arbitrairement, sous la rubrique de Dix coups

    daile ; ce sont :

    1. Les formules dterminatives , commentaires ou gloses des formules

    attribues Wen Wang ;

    2. Les formules symboliques , commentaires des formules attribues

    Tsheou Kong ;

    3. L expression parle de la reprsentation graphique de la forme, ou

    expressions des reprsentations , commentaire spcial aux deux premiers

    koua ;

    4. Les formules annexes , quon dsigne gnralement sous la rubrique

    de Grand Commentaire et qui embrassent tout louvrage un point de vue

    gnral en rsumant la doctrine de Khong Tse sur cette question ;

    5. La dfinition des koua ;

    6. L ordre des koua expliquant lordre de classification des

    hexagrammes ;

    7. Les oppositions des koua autre vue sur leur ordre de classification.

    Les Chinois attachent une haute importance tablir que la tradition orale

    de lenseignement de la doctrine contenue dans le Yi king na jamais t

    interrompue ; ils citent les matres et leurs disciples et continuateurs depuis

    Khong Tse jusquaux philosophes de la renaissance des lettres, sous la

    dynastie des Song.

    Le Yi king ne fut point condamn par lEmpereur Shi Hoang Ti ; ce prince

    ny vit quun livre de divination dont la destruction semblait inutile au plan

    quil poursuivait.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 8

    Ce rsum trs succinct est tir des premires lignes de lintroduction de

    ldition officielle de la dynastie rgnante 2 . Nous allons la complter de

    quelques renseignements moins orthodoxes.

    Fou Hi est un mythe ; la tradition le reprsente avec de lgres

    protubrances en forme de cornes sur le front. Pour tre moins gracieux, le

    symbole nen est pas moins le mme que le croissant lunaire que Diane porte

    sur le front. Selon moi, Fou Hi symbolise les phases de la lune, rsultant du

    mouvement apparent du soleil et de la lune autour de la terre considre

    comme centre.

    Fou Hi assistant la sparation du Chaos do naissaient le Ciel et la Terre

    en comprit la gense ; plus tard il vit un cheval-dragon sortant dun fleuve et

    prit pour rgle les figures apparentes sur son dos. Ces figures, quon appelle le

    Tableau du fleuve , sont formes de points ronds, noirs ou blancs, groups

    dans un certain ordre, et ce fut, dit la tradition, daprs ces signes que Fou Hi

    traa les huit premiers koua simples (trigrammes). Javance encore que le

    dragon symbolise le lever du soleil et le cheval, trs probablement, son cou-

    cher ; que les figures qui forment ce tableau reprsentent des astres et des

    constellations ; quenfin les deux traits et , premiers lments

    des koua, reprsentent ou symbolisent deux grands moments dans la marche

    combine et apparente du soleil et de la lune et que la base fondamentale du Yi

    king est essentiellement une observation astronomique. Les koua, ou

    diagrammes, reprsentent tous galement la srie des phases de la lune.

    Aprs Fou Hi, le premier commentateur est Wen Wang. Pour les Chinois

    ce personnage est indiscutablement historique. Je suis certainement seul

    contre tous en avanant quil est permis de douter. Le brevet dauthenticit

    historique est dlivr par le Shou king ; or, je considre cette autorit comme

    suspecte et essentiellement sujette discussion. Trs certainement, il a d

    exister un personnage appel Wen Wang ; je nen doute pas ; mais entre le

    rle que le Shou king lui attribue et la ralit il peut y avoir une distance

    considrable. Tous les peuples qui ont une antiquit attribuent les grandes

    inventions du gnie humain, les grands faits mmorables, tel ou tel de leurs

    grands hommes ; le fait rappel est souvent dfigur mais il a toujours un fond

    de vrit ; le personnage a presque toujours exist, mais il peut souvent ny

    avoir rien de commun entre le hros et luvre quon lui attribue. Il est mme

    trs probable que souvent, aprs un certain laps de temps, la tradition

    transpose le mrite de lacte sur la tte dun autre personnage dont la gloire

    plus rcente fait oublier le hros prcdent. Je souponne que tel est le cas

    pour Wen Wang ; mais quil soit ou non lauteur de la premire glose, je ne

    crois pas que le titre Tsheou Yi vienne du vocable de la dynastie de Tsheou.

    Aprs Wen Wang et son fils Tsheou Kong, le premier commentateur

    rellement historique est Khong Tse. premire vue, son uvre nest gure

    moins obscure que celle de ses devanciers.

    2 Un magnifique exemplaire de cette dition est conserv la bibliothque de Lyon.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 9

    La perscution des lettrs par Shi Hoang Ti plongea dans un dsarroi

    complet et pour plusieurs sicles toutes les traditions littraires ; sous les Han

    il sagit plus de reconstituer les textes et de les collationner que de les

    claircir. Bien que le Yi king net pas t proscrit, son tude resta stationnaire

    et il faut franchir dun bond une priode de quinze sicles pour passer de

    Khong Tse une cole nouvelle qui, sous la dynastie des Song, releva un

    moment la gloire des lettres chinoises. Tsheou Tse, le premier dans les temps

    modernes, reprit dune faon originale ltude du Yi king et en dduisit un

    systme cosmogonique qui, sans tre neuf, rsume sous une forme brve et

    nette les conceptions et la doctrine de tous ses devanciers. Tsheng Tse, son

    disciple, crivit un commentaire traditionnel complet du Yi king ; selon moi,

    cest le plus remarquable, bien que lcole chinoise moderne donne la

    prfrence celui de Tshou Hi, un peu postrieur, et intitul Sens Primitif.

    Depuis Tshou Hi, on a encore dlay beaucoup dencre et noirci

    normment de papier, mais on na plus rien crit doriginal sur le Yi king ; les

    taostes ont, il est vrai, compos un pastiche intitul Thai huien king qui na

    aucune valeur relle. La mine semble puise, mais, en ralit, cest le gnie

    dun peuple qui est engourdi. Les Chinois ne cherchent plus, ils conservent ;

    ifs se cramponnent la tradition admise et leur unique souci est de se

    maintenir toujours daccord avec elle.

    Cependant, la vrit ne perd jamais compltement ses droits, mme en

    Chine. On trouvera dans un ouvrage du P. de Prmare, publi en 1878 par

    MM. A. Bonnetty et P. Perny, de nombreuses citations dauteurs chinois do

    rsulte que bon nombre des meilleurs esprits quait produit la Chine

    considrent que la vritable interprtation du Yi king sest perdue la mort de

    Khong Tse et quon nen connat plus le vrai sens. Le livre que je cite ici,

    Vestiges des principaux dogmes chrtiens tirs des anciens livres de la Chine,

    est une uvre trs remarquable et trs digne dtude, non pour y suivre la

    pense et les vues exclusives de lauteur, dont la grande rudition et le haut

    sens critique taient enchans par la foi, mais pour y trouver, runis et

    groups, un nombre trs considrable dindices prcieux sur la vritable valeur

    des livres classiques de la Chine. De tels travaux ont certainement d ne pas

    tre trangers aux perscutions diriges un peu plus tard contre les jsuites, en

    Chine, par les catholiques plus orthodoxes ; si la face de la mdaille consid-

    re par le P. de Prmare tait sduisante pour des hommes dune foi

    inbranle, le revers pouvait bon droit alarmer des esprits plus froids et plus

    clairvoyants. Pour ce qui nous importe en ce moment, il suffit de citer le Ve

    point discut p. 30 et suivantes ; la thse du P. de Prmare, la Connaissance

    de la vritable doctrine des King est entirement perdue chez les Chinois, sy

    trouve surabondamment prouve, exclusivement par des tmoignages chinois.

    Considr par les Chinois, le Yi king est avant tout un livre de divination ; telle

    est sa forme, tel est son usage, et cest dans ce sens quil est comment et

    expliqu. Ce nest ni le lieu ni le moment de rechercher pourquoi cette forme a

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 10

    t choisie par les auteurs du livre ; il suffit de justifier en quelques mots

    lutilit de cette tradition et son intrt. Or :

    1. En chinois, le mot na presque jamais de sens absolument dfini et

    limit ; le sens rsulte trs gnralement de la position dans la phrase, mais

    avant tout de son emploi dans tel ou tel livre plus ancien et de linterprtation

    admise dans ce cas. Ici, point de racines au-del desquelles on natteint

    plus et qui justifient le sens des drivs dans les divers idiomes ou dialectes

    dune mme famille ; le mot na de valeur que par ses acceptions

    traditionnelles. On na pas, ma connaissance, tir tout le parti possible de

    cette particularit de la langue chinoise, au point de vue de ltude et de la

    recherche de la nature relle du langage humain. Le mot chinois nous apparat

    comme si , expression naturelle et spontane dune pense abstraite

    trangre aux circonstances et aux conditions de la vie animale de lhomme,

    celui-ci, saisissant dans cette pense un rapport avec les circonstances et les

    conditions de sa vie, avait emprunt le son de cette expression pour crer sa

    parole raisonne.

    De l, ncessit absolue, pour ltude de la langue chinoise, de connatre

    les sources originales de la littrature, et, entre ces sources, la plus antique et

    la plus importante est incontestablement le Yi king.

    2. Si on ne considrait que les diagrammes, il serait absolument

    impossible dy dcouvrir aucune ide intelligible ; les formules de Wen Wang,

    de Tsheou Kong, et mme celles de Khong Tse ne seraient gure plus

    comprhensibles sans la Tradition, cest--dire sans les commentaires de

    Tsheng Tse et de Tshou Tse, qui la rsument. Il est donc indispensable de

    traduire en entier ces deux commentaires qui contiennent, dune faon

    complte, toutes les notions des Chinois en fait de naturalisme, de morale et

    de philosophie. De plus, ces deux commentaires sont des modles excellents

    du meilleur style chinois, clair et simple, encore prserv du got

    amphigourique des modernes 3.

    Donc, le Yi king, considr dans son ensemble, est encore indispensable

    tous ceux qui, dans un but quelconque, veulent connatre les ides chinoises

    sur toutes ces questions.

    3. Je ne mentionne provisoirement que pour mmoire le ct le plus

    srieux et le plus intressant, mon point de vue, de ltude de ce livre ; jen

    ai parl ailleurs, et je laisse ceux qui auront la patience den lire la

    traduction, juger du bien fond des hypothses et des opinions que jai

    mises en commenant sur la vraie origine du Yi king.

    Enfin, jajouterai encore que cette traduction franaise aura au moins le

    mrite de la nouveaut. Je nai trouv dans les renseignements

    bibliographiques dont je dispose, que la mention dune seule traduction de ce

    3 Cette apprciation du style ne peut naturellement pas stendre la mthode dexposition et

    aux longueurs qui en rsultent.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 11

    livre : y King antiquissimus sinarum liber quem ex latina interpretatione P.

    Regis aliorumque ex Soc. Jesu PP., edidit julius Mohl, 1834. Stuttgarti et

    Tubing, 2 vol. 4.

    Beaujeu, le 21 mars 1881.

    P.- L.- F. PHILASTRE

    4 A. Wylie, Notes on chinese literature, p. XIV.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 12

    AVERTISSEMENT AU LECTEUR

    Cette dition prsente le texte canonique du Yi king (en italique), suivi des

    deux commentaires traditionnels de Tsheng Tse et de Tshou Hi (en romain).

    Le Yi king est constitu de 64 koua : un koua est un hexagramme, form

    de deux trigrammes, ou koua simples. Il y a huit koua simples, qui assembls

    deux deux forment les 64 koua tracs par Fou HI.

    Les textes en italique qui suivent les caractres chinois sont les formules

    initiales attribues Wen Wang sur chaque koua, et celles attribues Tsheou

    Kong sur les six traits qui composent le koua. Les autres textes en italique,

    notamment les commentaires des formules dterminative et symbolique, sont

    attribus Khong Tse (Confucius).

    Dautres commentaires attribus Khong Tse sont souvent cits par

    Tsheng Tse et Tshou Hi ; ils sont rappels dans leur intgralit la fin du

    volume : les Formules annexes, les Dfinitions des koua, lOrdre des koua, et

    les Oppositions des koua.

    Philastre a repris quelques commentaires supplmentaires qui apparaissent

    sous les titres Dfinitions diverses (extraits dun recueil de citations de divers

    commentateurs) et jugements (gloses impriales de ldition officielle de la

    dynastie des Ming).

    Le Shi king est le Classique de la posie, le Shou king est le Classique des

    documents, et le Li king, le Classique des rites.

    Khong Tse (Khong Fou Tse) est aussi appel Fou Tse, ou Tse, le Matre,

    ou encore lhomme saint ; il sagit bien sr de Confucius (550 ? 479 avant

    Jsus-Christ).

    Paul-Louis-Flix Philastre (1837-1902) est le premier traducteur du Yi

    king en franais.

    Il a galement traduit un code du droit annamite et chinois.

    http://jalh.ku.edu/qingcode/annamitecode.htm
  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 13

    P R E M I R E P A R T I E

    TSHOU HI. Tsheou, nom dune dynastie ; yi 5, titre du livre. Les koua,

    ou diagrammes, qui constituent la substance premire de ce livre, furent

    primitivement tracs par Fou Hi ; ils expriment le changement par jonction et

    le changement par modifications progressives, do le titre de livre des

    changements. Les formules y ont t adjointes par Wen Wang et par Tsheou

    Kong 6, do le nom de Tsheou joint au titre. Comme le volume des lames de

    bambou, sur lesquelles il tait crit, tait gros et lourd, on le divisa en deux

    livres : premire et seconde parties 7. Le King, ou texte, comprend les traits

    tracs par Fou Hi, les formules de Wen Wang et Tsheou Kong, et galement

    5 Yi, les Chinois disent que le caractre qui reprsente ce mot est compos de deux autres caractres reprsentant lun le soleil et lautre la lune. Ce mot symbolise la loi fondamentale

    dvolution qui est le fond de la doctrine admise du livre. Mappuyant sur le Shuo wen (le plus

    ancien dictionnaire chinois), je nie cette origine : le caractre yi, dans sa forme antique est

    compos du caractre [], soleil, et du caractre wou, qui exprime la ngation imprative. Si

    Shan Tshen Shi dit : Le soleil disparat, la lune surgit ; le froid cesse et est remplac par la

    chaleur ; le jour et la nuit, lobscurit et la clart se succdent sans fin ; tel est le cours ordi-

    naire de la marche (tao) des phnomnes clestes. Les hommes saints, en lobservant pour

    faire le livre des changements, ne firent que mettre en lumire la loi immuable (li) de

    croissance et de dcroissance de la ngativit et de la positivit. Si la positivit crot, la

    ngativit diminue ; si la ngativit grandit, la positivit se dissipe ; une priode de croissance

    et une priode de dcroissance, telle est la loi (tao) du ciel. Lhomme qui tudie le livre des

    changements connatra la raison dtre (li) du bonheur et du malheur, de la dcadence et de

    llvation, et la voie rationnelle (tao) selon laquelle il convient davancer ou de reculer, de

    laquelle enfin rsulte le salut ou la perte. Lin Tshouen Wou Shi dit que de ce temps (poque

    o vivait Fou Hi) le caractre yi nexistait pas encore ; il y avait des figures et pas de texte.

    Plus tard, lorsquon inventa les caractres, on commena runir les deux caractres jie

    (soleil) et yue (lune) pour former le caractre yi. 6 Wen Wang, pre du fondateur de la dynastie des Tsheou, composa ses formules pendant son internement, vers 1150 A. C . ; Tsheou Kong aurait rdig les siennes vers 1100 ( ?). 7 Cette opinion est combattue par Shouang Hou Hou Shi avec ses raisons assez probantes

    tires de lordre suivant lequel les koua, ou diagrammes, sont rangs et de lingalit des deux

    parties. Cette ingalit semble plutt tre une consquence dun plan adopt par Wen Wang. Il

    fait remarquer que la premire partie dbute par les koua khien et khouen qui expriment le

    commencement de la transformation de lther et que la seconde partie dbute par les koua

    hieng et heng qui expriment le commencement de la forme.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 14

    les dix livres de Commentaires, uvre de Khong Tse, en tout douze livres. Le

    dsordre fut, dailleurs, mis dans ces textes par les divers philosophes

    confucens 8. Dans les temps modernes, Tshiao Shi, le premier commena

    corriger ces erreurs, mais il ne put cependant pas encore reconstituer

    compltement lancienne forme du texte. Lu Shi, son tour, rtablit la

    distinction entre les deux volumes de texte et les dix volumes de

    commentaires, en revenant ainsi lancienne distribution de Khong Tse.

    8 Jemploie ce terme doublement inexact faute den trouver un autre suffisamment appropri.

    Le terme chinois pour dsigner la doctrine en question est Jou ; les adhrents sont appels Jou

    shi ou docteurs de la reprsentation graphique de limage (Wen sha). Cest donc dune

    doctrine plus antique quil sagit et non pas dune doctrine particulire Khong Tse.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 15

    1. Khien

    Khien en haut

    Khien en bas

    1. Khien : Cause initiale, libert, bien, perfection

    []

    8. Premier trait nonaire : dragon cach ; ne pas agir.

    *

    10. Deuxime trait nonaire : dragon visible dans la rizire ; avantage voir

    un grand homme.

    *

    12.Troisime trait nonaire : lactivit de lhomme dou dure tout le jour ; le

    soir, il est encore comme proccup. Danger ; pas de culpabilit.

    *

    14. Quatrime trait nonaire : parfois il saute dans les abmes ; pas de

    culpabilit.

    *

    16. Cinquime trait nonaire : dragon volant dans le ciel ; avantage voir un

    grand homme.

    *

    18. Trait suprieur nonaire : dragon lev ; il y a regret.

    *

    20. Emploi des traits nonaires : dans la troupe des dragons

    visibles, aucun ne prcde les autres ; bonheur.

    < >

    http://www.sacred-texts.com/ich/ic01.htmhttp://afpc.asso.fr/wengu/wg/wengu.php?l=Yijing&no=01&force_lang=frhttp://afpc.asso.fr/wengu/wg/wengu.php?l=Yijing&no=01&force_lang=fr
  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 16

    1. Khien.

    1.

    Khien : Cause initiale, libert, bien, perfection 9.

    TSHENG TSE. Dans la plus haute antiquit, lhomme saint commena

    par tracer les huit koua 10 : la voie rationnelle (tao) des trois causes actives 11

    tait ds lors complte. Il se servit ensuite de cette base en combinant ces huit

    koua simples deux deux par superposition, pour embrasser la totalit des

    modifications dans lunivers, et cest ainsi quil obtint les koua parfaits de six

    traits. Le koua simple khien, rpt sur lui-mme constitue le koua parfait

    khien. Khien exprime le ciel, Ti-thien. Thien, le ciel, cest la substance et la

    forme du ciel ; khien, cest la nature et le sentiment du ciel 12. Khien quivaut

    force daction ou activit kien 13 ; lactivit sans repos est appele

    khien.

    Or, lorsquil sagit du ciel (thien), si on en parle dune faon absolue, cest

    la voie rationnelle ou morale (tao) ; cest prcisment : le ciel qui, dailleurs,

    ne soppose point 14. Si on en parle en distinguant, alors, au point de vue de

    la forme et de la substance, on dit le ciel (thien) ; au point de vue de la

    puissance qui rgit, on dit le pouvoir suprme ti ; au point de vue de

    laction et des effets 15, on dit esprits et gnies ; au point de vue des effets

    transcendantaux, on dit lesprit 16 ; au point de vue de la nature et du

    sentiment, on dit khien, ou activit .

    9 Les feuilles de larbre commenant pousser, cest laction de la cause initiale ; les fleurs

    souvrant, cest la libert dexpansion ; les fruits qui se nouent, cest le bien ; ces fruits se

    dveloppent et mrissent, cest la puret ou perfection (Tshou Hi). 10 Les huit koua primitifs de trois traits. 11 San tsae. Essentiellement, le caractre tsae reprsente un germe vgtal perant la terre. De

    l, est-il dit, par extension, le sens de force, capacit productive et causative, et enfin lemploi

    de ce mot pour dsigner les qualits et les talents. Dans le cas actuel, ce mot sert former une

    expression technique qui dsigne le ciel, la terre et lhomme, considrs comme les trois

    causes des lois physiques, intellectuelles et morales. 12 Cest seulement par figure que ces termes sont employs en parlant du ciel. La nature, cest

    le naturel particulier de ltre considr ; le sentiment est leffet manifest du naturel. Tsheng

    Tse dit : La substance ou essence de lactivit, cest sa nature ; les effets de cette activit sont

    ce quon appelle le sentiment. 13 Le vritable sens du mot tsin est haut, lev . 14 Citation dun passage ultrieur. 15 Les phnomnes naturels tels que la pluie, la foudre, etc. 16 Les esprits et gnies ne sont rien que laction et la raction, la contraction et la dilatation

    (de lther) ; laction et les effets en sont les manifestations visibles. Quant lesprit, cest une

    expression pour dsigner la cause mystrieuse de toutes choses. Cette cause mystrieuse et

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 17

    Cette activit, exprime par le mot khien, est lorigine et le

    commencement de tous les tres et de toutes choses 17 ; cest pour cela que le

    koua reprsente le ciel, la positivit, le pre, le prince.

    Cause initiale, libert, bien, perfection, sont ce quon appelle les quatre

    vertus 18 . La premire exprime par le mot yuan, cest le commencement de

    tous les tres et de toutes choses. La seconde, exprime par le caractre heng,

    cest la croissance de toutes choses ; la troisime, exprime par le caractre [] ,

    cest la facult de satisfaction des besoins, tels quils rsultent de la condition

    de chaque tre ; la quatrime, exprime par le caractre tsheng, cest le

    dveloppement normal et parfait de toutes choses.

    Les koua khien et khouen, seuls 19 ont ces quatre vertus ; dans les autres

    koua, elles se modifient selon le sujet, de sorte que la premire exprime

    spcialement et exclusivement le bien et la grandeur ; la troisime consiste

    surtout dans la droiture et la fermet, et les substances de la seconde et de la

    quatrime correspondent dans chaque cas la nature spciale du sujet. Le sens

    de ces quatre vertus est large et tendu.

    TSHOU HI. Ces six traits sont le koua trac par Fou Hi.

    Le trait plein est appel ki, ou unit ; cest le nombre de la

    positivit. Khien, cest la force daction, ou activit, exprime par le mot kien ;

    cest la nature de la positivit. Dans les annotations 20, le caractre khien est le

    nom du koua de trois traits ; celui den bas est le koua intrieur ; celui den

    haut est le koua extrieur 21. Dans le texte, le caractre khien est le nom du

    koua de six traits.

    Fou Hi leva les yeux et regarda ; il les baissa et examina. Il vit que la

    ngativit et la positivit ont la dualit et lunit pour nombres. Il traa donc

    un trait simple pour symboliser la positivit et un trait double pour symboliser

    la ngativit. Il vit quune ngativit et une positivit ont chacune lapparence

    dengendrer une ngativit ou une positivit ; aussi, partir den haut et en

    montant, il traa encore un second, puis un troisime trait, pour achever les

    huit koua simples primitifs. Il vit que la nature de la positivit est lactivit et

    que la plus grande de ses formes ralises est le ciel ; cest pour cela que le

    transcendante rside prcisment dans lesprit ; lorsquelle se manifeste et quon la voit dans

    son action et ses effets on dsigne cette action et ces effets par les termes esprits et gnies.

    Mais quant ce qui ne peut tre atteint, on lappelle lesprit (Tsheng Tse). 17 Tsheng Tse nest pas fort loign du taosme ; ici, ses paroles se rapportent au moins autant

    au livre de Lao Tse quaux paroles de Wen Wang. 18 Vertus attributives. 19 Selon Tsheng Tse les deux caractres khien et khouen nexistaient point antrieurement et

    ils ont t imagins pour exprimer des ides difficiles rendre clairement . 20 Le terme que je traduis par Commentaire traditionnel exprime plus spcialement la

    transmission dune doctrine. Celui qui est traduit par annotations signifierait aussi bien

    commentaire, mais il a le sens dexpliquer, prciser le sens des mots. 21 Parce que lorsque les koua sont rangs sur une circonfrence lun se trouve en dedans et

    lautre en dehors par rapport au centre.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 18

    koua compos de trois traits simples fut nomm khien et quil lattribua la

    reprsentation du ciel. Les trois traits complts, les huit koua achevs, il

    augmenta encore trois fois dun trait, pour en porter le nombre six,

    cest--dire quau-dessus de chacun des huit koua simples, il ajouta

    successivement chacun de ces mmes signes, pour former les soixante-quatre

    koua parfaits.

    Dans ce koua, les six traits sont tous des traits simples ; le koua simple

    infrieur et le koua simple suprieur sont tous les deux le koua simple khien

    de sorte quil exprime la puret de substance de la positivit et lextrme

    activit, et cest pour cela que le nom, khien, et la reprsentation symbolique,

    le ciel, ne changent ni lun ni lautre.

    Les mots yuan, heng, li, tsheng, sont la formule attache ce diagramme

    par Wen Wang, pour dfinir les prsages fastes ou nfastes du koua entier ;

    cest ce quon appelle thouan, ou formule dterminative dun koua. Le mot

    yuan exprime la grandeur 22 ; le mot heng, lintelligence ; le mot li, lutilit ; le

    mot tsheng, la droiture et la fermet. Wen Wang considra la voie rationnelle

    de lactivit comme exprimant la grandeur de lintelligence et lextrme

    droiture. Aussi lorsquen consultant le sort, on obtient ce koua, et quaucun

    des six traits ne se modifie 23 , le sens divinatoire exprim est quil faut

    possder une grande intelligence et qualors il y aura certainement avantage

    parla droiture et la fermet ; ces conditions remplies, il est possible de garantir

    le succs final de lentreprise. Cest ainsi que les hommes saints, en faisant le

    livre des changements, ont appris aux hommes consulter le sort par le moyen

    de lcaille de la tortue ou par celui des brins de paille et quil est possible, par

    ces moyens, datteindre lide pure et exacte au sujet de lentreprise et de

    laccomplissement dune chose ou dune affaire. Ceci est applicable tous les

    autres koua.

    DFINITIONS DIVERSES. Khong Shi Ying Ta dit : Koua signifie

    mettre part ; cela veut dire suspendre part, en le mettant en vidence, le

    symbole dune chose, pour servir davis aux hommes ; cest pour cela que ces

    signes sont appels koua. Ce koua khien symbolise essentiellement le ciel. Le

    ciel est form par laccumulation de tout lther positif, cest pourquoi les six

    traits de ce koua sont tous positifs. Une fois quil est trac, on ne le nomme

    pas thien, ciel, mais khien. Le mot ciel est le nom de la substance dtermine ;

    khien est lexpression qui dsigne leffet de cette mme substance. Aussi, les

    Dfinitions des koua disent : khien, activit ; cela exprime que la

    substance du ciel a lactivit pour effet. Les hommes saints qui firent le livre

    des changements eurent essentiellement en vue linstruction des hommes : ils

    voulurent que ceux-ci prissent les effets du ciel pour modle et non pas quils

    se rglassent sur sa substance, aussi appelrent-ils ce koua khien et non pas

    22 Tshou Hi adopte une lecture que je nai pas suivie dans la traduction du texte, aussi il est

    indispensable de prciser en rptant le terme chinois du texte. 23 Expressions techniques, termes de divination qui seront expliqus plus tard.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 19

    thien, ciel 24. Tshou Tse dit encore : Les quatre caractres yuan, heng, li,

    tsheng, ntaient essentiellement, dans lide de Wen Wang, rien autre chose

    dans le cas des deux koua khien et khouen que lorsquil sagit de tout autre

    koua. Ce ne fut qu lpoque o Khong Tse fit le Commentaire des Formules

    dterminatives et lExpression des reprsentations que, lui, le premier, les

    considra comme dsignant les quatre vertus des deux premiers diagrammes,

    tandis que, dans les autres koua, il leur laissait leur ancienne valeur. Ce nest

    pas que lide de chacun de ces deux hommes saints soit diffrente, mais

    chacun met en lumire un point de vue distinct. Aujourdhui ceux qui tudient

    ce livre doivent dailleurs se pntrer de son esprit, sans se laisser influencer

    par les prventions et sen assimiler la substance, dans chaque cas, selon lide

    contenue dans les textes primitifs 25 . Les passages dissemblables ne sont

    dailleurs pas mutuellement en dsaccord et personne ne doit sen rapporter

    son propre jugement et se permettre mal propos de nouvelles interprta-

    tions 26. Hou Shi Ping Wen dit : Tous les commentateurs expliquent ces quatre

    caractres comme exprimant quatre vertus ; le Sens primitif seul, les

    considre comme une simple formule divinatoire 27.

    2.

    LE COMMENTAIRE TRADITIONNEL DE LA FORMULE DTERMINATIVE dit :

    Quelle est grande la cause initiale de lactivit (khien) ! Toutes choses lui

    doivent leur commencement 28 ; cest le ciel tout entier !

    TSHOU HI. La formule dterminative, ou thouan, cest prcisment la

    formule attache au koua par Wen Wang (...) 29 . Le commentaire, cest

    24 La pense du commentateur est difficile saisir. Sagit-il de vouloir que les hommes se

    rglent sur les saisons, sur les lois de la nature, pour pourvoir aux soins de leur existence

    matrielle, comme sur les lois morales quon prtend dduire de laction des phnomnes

    naturels, pour rgler leur conduite et leurs murs, dans tous les cas, sans entrer dans aucune

    spculation inutile sur la nature elle-mme du principe premier dont rsultent ces lois et cette

    action ? 25 Sous cette ambigut, Tshou Hi laisse voir que, selon lui, on doit surtout sen rapporter

    lide quil attribue Wen Wang. 26 Cest l tout lesprit de lenseignement chinois depuis Khong Tse. Laxiome : Magister

    dixit na jamais eu nulle part autant de valeur quen Chine. 27 Sens primitif , titre du commentaire de Tshou Hi. Les Jugements , titre des gloses

    impriales dans ldition de la dynastie des Ming intitule grande dition complte ,

    reviennent sur lopinion de Tshou Hi et se donnent une certaine peine pour prouver que, tout

    en disant le contraire, Khong Tse tait justement de lavis de Wen Wang. 28 Devoir le commencement, littralement : tre dou de commencement, cest tre redevable

    de la cration de lther constitutif. tre dou de la vie, cest acqurir et raliser la forme.

    (Tshou Hi). 29 Le passage saut explique les mots premire partie . Dans certaines ditions, au lieu de

    suivre la formule du diagramme, le commentaire forme un livre spar, divis comme le texte

    en premire et seconde partie.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 20

    lexplication de la formule du texte, ou king, donne par Khong Tse ; ceci

    sapplique tout ce qui, dans la suite, est appel commentaire traditionnel

    (tshouan).

    JUGEMENTS. Le commentaire traditionnel de la formule

    dterminative, cest lexplication de lide de Wen Wang donne par Khong

    Tse. Dabord il explique le nom ; ensuite il explique la formule. Dans

    lexplication du nom, il se sert indiffremment du symbole, des proprits des

    deux koua simples et de la substance du koua parfait lui-mme. Quelquefois il

    tient compte de tous ces lments simultanment ; dautres fois il nen

    emploie quun ou deux ; cest toujours lide expose dans la premire phrase

    du commentaire quon doit considrer comme la plus importante.

    TSHOU HI. Ce commentaire claire le sens du mot khien, simplement

    au moyen de la voie immuable (tao) du ciel. De plus il nonce sparment les

    quatre caractres de la formule, quil considre comme exprimant quatre

    vertus ou proprits, afin den faire ressortir clairement la valeur. Ce premier

    paragraphe explique dabord le sens du premier, yuan. Quelle est grande ,

    exclamation admirative ; yuan, grandeur, commencement. Le mot yuan, ici

    appliqu au caractre khien, cest le grand principe do procde la vertu du

    ciel ; la naissance de tous les tres est due cette grandeur et cest cette gran-

    deur qui constitue leur commencement. De plus il est encore considr comme

    exprimant la premire entre les quatre vertus attributives et comme stendant

    du principe au rsultat de la vertu du ciel, cest pourquoi le texte dit : Cest le

    ciel tout entier 30.

    DFINITIONS DIVERSES. Les neuf commentaires du livre des

    changements 31 disent : Khien, puret de la substance de la positivit ;

    symbole du ciel, (...) yuan, commencement de lther. Les Sujets de

    dissertations 32 de Tshou Hi disent encore : Yuan, cest le point de dpart de

    leffet, et la raison dtre des trois termes suivants : libert, bien et perfection,

    y est virtuellement contenue, au point que ce qui est lintelligence (heng), ce

    qui est le bien (li), ce qui est la perfection (tsheng), cest toujours laction de

    ce qui est exprim par le mot yuan ; cest ainsi que ce mot yuan implique en

    lui-mme les quatre vertus. Si on en parle en distinguant, alors, la grandeur et

    la libert (yuan et heng) sont la libre expansion du vrai ; le bien et la

    perfection (li et tsheng) sont la consquence du vrai ; la substance et leffet sy

    trouvent certainement. En en parlant au point de vue de leffet, cest la gran-

    deur, yuan, qui prdomine ; en en parlant au point de vue de la substance,

    cest la puret qui prdomine. Ils disent encore : Le mot yuan exprime le

    principe en vertu duquel le ciel et la terre engendrent les tres et les choses ;

    30 Cest le ciel tout entier ! en effet le mot thien, ciel, semploie seulement pour exprimer la

    forme et la substance ; khien yuan, la grandeur de lactivit, cest ce qui fait que le ciel est le

    ciel. (Tshou Hi). 31 Titre dun recueil de commentaires. 32 Titre dun ouvrage contenant un recueil des opinions mises sur toutes sortes de sujets par

    Tshou Hi ; ne layant point lu, je ne puis rpondre de lexactitude de la traduction du titre.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 21

    cest lide de la vie. Dans le mot heng, libert, cest la continuit de lide de

    la vie qui se trouve exprime. Dans le mot li, bien, cest la possibilit de

    satisfaction aux conditions de la vie. Dans le mot tsheng, perfection, cest la

    ralisation de lide de la vie. Lorsquon nomme lhumanit 33 , cest

    prcisment de cette pense quil sagit ; lhumanit, cest essentiellement

    lide de la vie. Cest par lide de la vie que la piti germe dans le cur ; si

    on provoque cette ide, le germe de la piti se manifeste immdiatement ; sil

    sagit de la rpulsion quinspire le vice, cest que lhumanit sefface et que le

    devoir slve et se montre ; sil sagit de la modestie et de lhumilit, cest

    lhumanit qui disparat et fait place la biensance ; sil sagit du vrai et du

    faux, du pour et du contre, lhumanit fait place la raison. Quant lhomme

    dpourvu dhumanit, comment donc pourrait-il encore avoir le sentiment du

    devoir et des convenances ou de la raison ?

    3.

    Les nuages marchent, la pluie tend son effet ; les genres des tres se

    perptuent dans la forme 34.

    TSHOU HI. Cest lexplication du mot heng, ou libert, dans lactivit

    (khien).

    DFINITIONS DIVERSES. Yu Shi Yen dit : Plus haut le

    Commentaire traditionnel emploie lexpression tous les tres ; ici il est

    question des genres des tres . Tous , ou totalit, et genres ont des

    valeurs communes et dautres qui sont diffrentes. Le mot yuan, cause initiale,

    exprime lorigine du don de lther 35 ; il nest pas encore possible de faire de

    distinction, aussi on dit, en gnralisant, tous, totalit. Mais quand il sagit de

    la libert, heng, alors le courant branle la molcule du fluide 36 ; la forme se

    manifeste, et dans chaque cas il y a lieu de distinguer daprs lampleur ou

    lexigut, entre ce qui est lev ou bas, aussi le commentaire spcialise en

    employant le mot genres .

    4.

    33 Le commentateur prend les cinq vertus comme objet dapplication de lexplication qui

    prcde ; lhumanit, jen, est le pivot de ces cinq vertus. 34 Littralement : scoulent dans le courant de la forme. 35 Cest par cette cause cratrice que la chose et doue de lther dont elle est forme. 36 Courant de leau au moment o le liquide sbranle et commence couler.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 22

    La fin et le commencement sont clairs dune grande lumire ; les six

    situations se prsentent avec le temps. Suivant le temps aussi, monter les six

    dragons pour parcourir le ciel 37.

    TSHOU HI. Le commencement, cest la grandeur, yuan 38 ; la fin

    dsigne la perfection. Ce qui est sans fin na pas de commencement ; sans

    perfection rien ne constituerait la grandeur (yuan). Ceci exprime que,

    lhomme saint projetant une grande clart sur la fin et le commencement de la

    voie rationnelle de lactivit (khien), on voit les six situations du koua 39 se

    prsenter chacune avec le temps, et quemployer le moyen de ces six positivi-

    ts pour parcourir la voie rationnelle trace par le ciel, cest vritablement l la

    grandeur (yuan) et lintelligence (heng) de lhomme saint.

    DFINITIONS DIVERSES. Tshou Hi dit : se prsentent avec le

    temps : cest--dire que chacune survient en son temps ; ainsi, selon quil (le

    dragon) est plong ou visible, quil vole ou quil bondit, cest toujours dans le

    temps opportun.

    5.

    La voie de lactivit 40, cest la modification et la transformation. Chaque

    chose se conformant exactement sa nature et sa destine, maintenant, en

    sy accordant, lextrme harmonie ; cest l le bien et la perfection.

    TSHOU HI. La modification, cest la transformation progressive ; la

    transformation cest laccomplissement parfait de la modification. Ce que

    reoivent les tres, cest leur nature ; ce que le ciel leur confre, cest la

    destine 41 . Lextrme harmonie, cest lassemblage et la runion de la

    ngativit et de la positivit, lther harmoniquement coagul. Chaque chose

    se conformant exactement, cest--dire se conformant son tat originel au

    37 Ce nest pas sans hsitation et sans crainte de subir linfluence du commentaire troit de

    Tshou Hi, que ce sens est adopt. 38 Le sens donn au mme mot variant avec le commentateur, il en rsulte pour le traducteur

    lobligation dintercaler souvent le terme chinois dans le texte franais. 39 Situation, terme technique pour dsigner certaines situations symbolises par chacun des six traits. 40 Khien, ciel, activit. Voir la formule nl ; tao, voie logique, rationnelle, morale ; la morale

    consquence naturelle de la loi cleste, ou raison dtre, li. 41 Mme ide envisage successivement au point de vue de celui qui reoit et de la puissance

    qui impose ou confre.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 23

    moment o elle vient la vie. Maintenir en sy accordant, cest--dire

    conserver lintgralit de cet tat aprs la naissance. Ceci exprime que les

    modifications et les transformations de la voie rationnelle de lactivit ne sont

    jamais autre chose que le bien, et que tous les tres ont chacun leur nature et

    leur destine, afin de se perptuer sans dgnrescence. Ce passage a pour

    objet lexplication du sens des termes bien (la) et perfection (tsheng) 42.

    DFINITIONS DIVERSES. Tshou Tse dans les Sujets de dissertations

    dit : Maintenir en sy conformant lextrme harmonie, cest prcisment

    entretenir cette raison dtre de la vie et sy conformer. La runion 43 des deux

    thers du ciel et de la terre, cest le ciel et la terre maintenant en sy

    conformant cette raison dtre de la cration des tres ; luvre de cration et

    de transformation est incessante, et aprs que les tres ont t transforms et

    sont venus la vie, chacun de ces tres maintient dans sa sphre cette raison

    dtre de la vie, et il sy conforme. Sil ne la maintenait pas en sy conformant,

    alors il ny aurait plus dtres. Hou Shi Ping Wen dit : En en parlant daprs la

    distinction entre les deux thers, alors, la modification est le mcanisme qui

    produit tous les tres ; cest la cause initiale et la libert (yuan, heng) ; la

    transformation est le mcanisme dans lequel sabsorbent les tres : cest le

    bien et la perfection (li, tsheng). Si on en parle au point de vue de la circula-

    tion dun seul ther, la modification est le progrs, la transformation est

    lachvement.

    6.

    Elle prcde tous les tres 44 ; tous les tats sont galement en paix.

    TSHOU HI. Lhomme saint est au-dessus de tout ; il dpasse tous les

    tres en lvation et il agit lui-mme comme la modification et la

    transformation de la voie rationnelle de lactivit. Chaque tat possde ce quil

    lui faut, et tous sont en paix. Cest encore chaque chose se conformant

    exactement sa nature et sa destine et maintenant, en sy accordant,

    lextrme harmonie. Il sagit ici du bien et de la perfection (li et tsheng) chez

    lhomme saint. En effet, quand il en a t parl dune faon gnrale, il a t

    dit que yuan, la grandeur, exprime le commencement de la naissance des

    42 Dans les sujets de dissertations , Tshou Hi donne comme exemple de cette puissance de

    conservation du genre, qui rside dans chaque tre, le grain qui devient germe, puis fleur, puis

    grain, et qui se reproduit sans varier dans ses transformations. 43 Les deux mots yin yun , quon explique par lexpression runion des thers du ciel et de la terre sont peu ou point compris. Ils paraissent signifier rellement cause et effet. 44 Selon lexplication donne par Tshou Hi, il faudrait lire : Il prcde, au lieu de : Elle

    prcde. Je rapporte laction de prcder la voie de lactivit, voir la formule n 2.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 24

    tres ; que heng, libert, exprime leur multiplication florissante ; que li, le

    bien, est leur tendance la reproduction de lespce 45et que tsheng, la

    perfection, consiste dans lachvement rgulier de cette reproduction. Du

    moment o la semence est parfaite, la radicule sen chappe, elle peut tre

    plante et vivre. Cest ainsi que les quatre vertus se suivent en cercle, sans

    point de dpart. Mais toutefois, dans le cycle de ces quatre conditions, le

    souffle de la vie circule et agit sans qu lorigine il y ait intermittence ou

    point de dpart ; cest par l que la grandeur, yuan, contient implicitement

    lessence des quatre vertus et rsume le ciel tout entier 46. Ce qui fait que jen

    parle au point de vue de lhomme saint, cest que telle est lide de Khong

    Tse. Effectivement, il considre ce koua comme reprsentant lhomme

    saint 47, occupant la situation du ciel 48, pratiquant la loi morale du ciel, de

    sorte quil en rsulte un sens divinatoire exprimant lextrme pacification.

    Bien que les expressions quil emploie et le sens quil donne aux caractres

    aient quelque chose dtranger lancien texte de Wen Wang, cependant, le

    lecteur doit chercher dans chaque texte lide qui y est contenue, de telle sorte

    que ces ides diverses soient galement admissibles et sans contradiction entre

    elles. Ceci est encore applicable dans le cas du koua khouen.

    TSHENG TSE 49 . La formule place au-dessous du koua, ou

    diagramme, est ce quon appelle thouan, ou formule dterminative. Fou Tse 50

    la suit et lexplique, et son propre commentaire est couramment appel du

    mme nom de formule dterminative . La formule appele thouan traite du

    sens dun koua pris dans son ensemble et sans avoir gard au sens particulier

    de chaque trait ; aussi, ceux qui le savent, en examinant la formule

    dterminative, embrassent dans leur pense plus de la moiti de ce quil y a

    en dire. Quelle est grande la cause initiale de lactivit ! exclamation

    admirative sur la grandeur de la voie suivant laquelle la cause initiale de

    45 Littralement : tendre la semence et achvement de la semence. 46 Tshou Hi ne voit dans la formule du koua quune simple formule divinatoire que Khong

    Tse aurait, plus ou moins propos, interprte au point de vue de la loi immuable qui rgit le

    monde. Quant ce quil avance plus bas que Khong Tse, en crivant ces quelques phrases,

    avait en vue de peindre la voie morale et rationnelle de lhomme saint , cest peut-tre

    exact, mais il faudrait tre bien sr de sentendre sur ce que Khong Tse entendait alors par

    cette expression. Exotriquement il pouvait tre question de lhomme suprieur, du prince

    modle qui gouverne les hommes comme le ciel gouverne le monde, mais il me semble quen

    ralit il sagit du soleil, gnrateur et cause physique de la vie sur la terre et quenfin les

    royaumes ne sont que les divisions du zodiaque, dtermines par les douze conjonctions

    annuelles. 47 Cette expression, qui souvent dans ces commentaires dsigne Fou Hi, Wen Wang, Tsheou

    Kong ou Khong Tse est employe ici dune faon gnrale, lhomme parfait. 48 Le rang suprme ; le rang souverain de lempereur, pontife et reprsentant la providence et

    la justice divine sur la terre. 49 Lorsque, comme dans le cas actuel, le commentaire de Tsheng sapplique en un seul

    paragraphe plusieurs propositions commentes sparment par Tshou Hi, il a fallu

    intervertir lordre chronologique et placer le commentaire de Tshou le premier. 50 Une des appellations qui dsignent Khong Tse.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 25

    lactivit est lorigine de toutes choses. Entre les quatre vertus attributives,

    yuan, la cause initiale, ou facult causative, est comme lhumanit entre les

    cinq vertus ordinaires 51 . un point de vue particulier cest une chose

    distincte ; en parlant au point de vue absolu, elle implique toutes les quatre

    vertus. Toutes choses lui doivent leur commencement, cest le ciel tout entier ;

    il sagit de la cause initiale ; la cause initiale de lactivit exprime dune faon

    gnrale et complte la voie rationnelle du ciel. La voie de laction du ciel

    commence 52 tous les tres ; tous doivent leur origine au ciel.

    Les nuages marchent ; la pluie tend son effet ; les genres des tres se

    perptuent dans la forme. Il sagit de la libert (heng). La voie immuable du

    ciel agit par un mouvement sans fin ; elle engendre tous les tres.

    La fin et le commencement de la voie du ciel sont clairs dune grande

    lumire, de sorte quon voit les six situations du koua se prsenter chacune

    avec le temps. Le premier et le dernier traits du koua sont le commencement et

    la fin de la voie rationnelle du ciel ; profiter 53 de linstant de chacun de ces

    traits, tel est le mouvement du ciel. Pour parcourir, cest--dire pour

    correspondre au mouvement du ciel.

    La voie rationnelle de lactivit, cest la modification et la transformation ;

    elle engendre tous les tres ; immenses ou minimes, levs ou bas, chacun

    selon sa propre espce se conforme exactement sa nature et sa destine. Ce

    que le ciel confre, cest la destine ; ce que les tres reoivent, cest leur

    nature. Maintenir en sy accordant lextrme harmonie, cest le bien et la

    perfection. Maintenir, veut dire faire subsister dune faon permanente ;

    saccorder, veut dire que lharmonie est continue. Maintenir, en sy accordant,

    lextrme harmonie, cest suivre le bien et la perfection ; la voie rationnelle du

    ciel et de la terre est permanente et ternelle ; elle maintient, en sy accordant,

    lextrme harmonie.

    Le ciel est lanctre de tous les tres ; le roi est la souche laquelle se

    rattachent tous les tats. La voie de lactivit prcde la foule des tres et les

    mille varits se dveloppent librement. La voie rationnelle du prince consiste

    surveiller, du haut de son rang prminent, le plan de la providence, tandis

    que tout entre les quatre mers 54 suit son gouvernement et sy soumet ; si le

    prince ralise et met en action la voie rationnelle du ciel, alors tous les tats

    jouissent galement de la paix 55.

    51 Humanit, devoir, biensance, raison et foi. 52 Elle les cre. 53 Cest le mme mot traduit par monter dans la formule n4. 54 Lunivers. 55 Le prince, cest lempereur ; les (tats) sont les tats feudataires relevant du pontife

    suprme.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 26

    7.

    LE COMMENTAIRE TRADITIONNEL DE LA FORMULE SYMBOLIQUE dit :

    Laction du ciel, cest lactivit ; lhomme dou 56, limite, en sefforant sans

    cesse.

    TSHENG TSE. La formule symbolique place la suite dun koua

    explique limage symbolique de ce koua ; la formule symbolique place la

    suite de la formule dun trait explique limage symbolique de ce trait

    particulier. Chaque koua, ou diagramme, prend une valeur symbolique qui sert

    constituer une rgle. Le sens symbolique de recouvrir en abritant et

    dengendrer, attribu la voie rationnelle du koua khien est le plus tendu et le

    plus important ; tout autre quun homme saint est incapable de le raliser en le

    mettant en pratique. Aussi, dans le dessein que tous les hommes

    indistinctement puissent y trouver une rgle la porte de chacun, le

    commentaire ne relve rien que la pratique de lactivit. Lextrme activit

    suffit certainement pour illustrer la voie immuable du ciel ; lhomme dou

    limite en sefforant sans cesse, il se rgle sur lactivit de laction du ciel.

    TSHOU HI. Les symboles, ce sont les deux symboles des koua simples

    infrieur et suprieur, ainsi que ceux des six traits de ces deux koua simples ;

    ce sont les formules annexes par Tsheou Kong. Le ciel est limage

    symbolique du koua khien. Toutes les fois quun hexagramme est form par la

    rptition du mme trigramme, le sens attribu ce koua simple est toujours

    rpt ; dans le cas actuel seulement, il nen est point ainsi ; le ciel est un et

    unique. Mais du moment o il est question de laction du ciel, on voit quil

    sagit de sa rvolution diurne, suivie de nouvelles rvolutions identiques.

    Cest encore limage symbolique dune rptition continue ; sans une extrme

    activit, cette action serait impossible. Lhomme dou en fait sa rgle pour ne

    pas laisser altrer lnergie de la vertu du ciel 57 par les dsirs humains, de

    sorte quil ne cesse pas ses propres efforts.

    56 Terme scolastique qui dsigne un tat de perfectionnement infrieur la saintet et

    suprieur la simple sagesse. 57 Lhomme sa naissance est dou du principe de toutes les vertus, lois du ciel.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 27

    1. Khien.

    8.

    Premier trait nonaire : dragon cach 58 ; ne pas agir.

    TSHENG TSE. Le trait infrieur est considr comme le premier ; le

    chiffre neuf est la perfection dans les nombres positifs, aussi on lemploie

    pour dsigner les traits positifs.

    La raison dtre 59 na pas de forme visible, aussi on emploie une image

    symbolique pour clairer le sens. Dans le koua khien, cest le dragon qui est

    pris comme image symbolique 60. Le dragon, considr comme tre, cest une

    intelligence 61 dont les modifications sont illimites, aussi on le choisit comme

    symbole des modifications et transformations de la voie rationnelle de

    lactivit exprime par le mot khien. Lther de la positivit diminue ou crot,

    lhomme saint avance ou recule ; le premier trait nonaire est en bas du koua, il

    est considr comme constituant le point de dpart du commencement des

    tres. Au moment o lther positif vient germer, lhomme saint est encore

    au berceau 62 ; il est comme le dragon encore cach, et il ne peut pas encore

    agir de lui-mme ; il convient quil se dveloppe dans lombre en attendant le

    moment opportun.

    TSHOU HI. Premier trait nonaire, cest la dsignation du trait positif,

    plac as du koua. Toutes les fois quon trace un koua, cest en commenant

    partir den bas et en montant, aussi cest le trait infrieur qui est considr

    comme le premier. Dans les nombres positifs, le chiffre neuf exprime la

    vieillesse et le chiffre sept, la jeunesse 63 ; ce qui est vieux se modifie, ce qui

    est jeune ne se modifie pas, et cest pour cela que les traits positifs sont

    appels traits nonaires.

    Dragon cach ; ne pas agir : cest la formule attache par Tsheou Kong

    pour dterminer la valeur faste ou nfaste dun trait, et ce quon appelle aussi

    58 Cach : plong, immerg, invisible. 59 La raison dtre dune chose, li, cest la cause ; tao, la voie rationnelle, est leffet de cette

    raison dtre et la loi qui en dcoule. 60 Cette formule est la premire de celles quon nomme formules symboliques ; cest luvre

    de Tsheou Kong. 61 Esprit, ling (), intelligence immatrielle, sans corps. 62 Littralement : inclin et minime ; ces deux termes du texte sont ceux quon emploie en

    parlant des astres leur lever et leur coucher. 63 La positivit dj vieille est sur le point de se transformer en ngativit jeune, et

    inversement. Ces termes et plusieurs qui suivent sont techniques et employs dans la

    divination ; on en trouvera plus tard lexplication.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 28

    formule dun trait. Cach, invisible ; dragon, tre positif. Le premier trait

    positif est en bas du koua, il ne peut pas encore tendre son effet et le

    dvelopper, aussi limage symbolique est celle du dragon cach et le sens

    divinatoire dit : Ne pas agir. Toutes les fois quon rencontre le koua khien 64 et

    que ce trait se transforme 65, il convient de considrer cette image symbolique

    et den mditer le sens divinatoire. Ceci est applicable au sujet de tous les

    autres traits.

    DFINITIONS DIVERSES. Tshen Shi Lin Shi dit : Employer

    lappellation dragon, cest emprunter une image symbolique ; les thers du

    ciel et de la terre montent et descendent ; la voie logique (tao) de lhomme

    dou comporte laction et la retraite. Le dragon, considr comme tre, peut

    voler comme il peut plonger dans les eaux ; cest pour cela quon emprunte

    son image pour servir de terme de comparaison avec les facults de lhomme

    dou. Le premier trait nonaire se rapportant ltat du dragon encore cach et

    invisible, la formule dit : Ne pas agir 66.

    9.

    Dragon cach ; ne pas agir : la positivit est en dessous 67.

    TSHENG TSE. Lther positif est en dessous ; lhomme dou est plac

    dans une position infime, il ne doit pas encore agir.

    TSHOU HI. Positivit, dsigne le trait nonaire ; en dessous, cest--dire

    cach.

    64 Terme de divination ; on recherche dabord le koua, puis le trait particulier correspondant

    la question pose. 65 Autre terme technique pour la divination. 66 Tshou Hi dit que la raison ou pense morale contenue dans les formules est infinie dans ses

    applications, et que, pour ce motif, Tsheng Tse peut en faire des dductions sans fin. Mais,

    ajoute-t-il, ce nest pas l le sens primitif du Yi king . Selon lui, ce sens primitif se rduit

    une simple formule divinatoire : la positivit tant cache ne peut produire son effet ; cest le

    dragon cach, donc on ne doit pas agir. Il faut sen tenir l, mditer le sens et ensuite on en

    dduit naturellement les attributions et les applications toutes les circonstances. Si, au

    contraire, on prend comme Tsheng Tse, les applications possibles pour des dfinitions, on

    perd de vue ce que montre essentiellement le Yi king (cest--dire la matire agissant par une

    loi ou force qui en est insparable). Tsheng Tse a rpondu davance cette critique en

    sadressant un prcurseur de Tshou, qui avait soutenu que chaque trait ne comportait que la

    seule ide exprime dans la formule correspondante, en disant que ce serait rduire la morale

    et la philosophie trois cent quatre-vingt quatre axiomes, cest--dire les circonstances dans

    lesquelles lhomme peut se trouver, trois cent quatre-vingt-quatre cas. 67 Shouang Hou Hou Shi avance que cest ici quon rencontre pour la premire fois le terme,

    positivit ; le terme oppos, ngativit, se rencontre pour la premire fois dans la formule

    correspondante du second diagramme. Cette remarque a son importance.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 29

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 30

    1. Khien.

    10.

    Deuxime trait nonaire : dragon visible dans la rizire ;

    avantage voir un grand homme.

    TSHENG TSE. La rizire, cest la surface de la terre. Il est sorti et

    visible sur la terre ; sa vertu est dj manifeste. Si on en parle au point de vue

    de lhomme saint, cest le temps o Shouen cultivait la terre et se livrait la

    pche 68. Avantage voir un prince dou dune grande vertu 69 poursuivre et

    pratiquer sa morale ; de mme, le prince a avantage voir le sujet dou dune

    grande vertu 70 pour sen faire aider dans lachvement de son uvre 71 .

    Lunivers a avantage voir lhomme dou dune grande vertu, afin dtre

    imprgn de son influence bienfaisante. Le prince dou dune grande vertu,

    cest le cinquime trait nonaire. La substance de chacun des deux koua khien

    et khouen est immlange ; elle ne se partage pas en duret nergique et

    mallabilit ; aussi, dans ces deux koua, cest lidentit de qualits qui est

    considre comme constituant la correspondance sympathique 72.

    TSHOU HI. Deuxime, cest--dire le second en montant partir du

    trait infrieur ; dans la suite, observer cette manire de compter. Le second

    trait nonaire possde la duret nergique, lactivit, la justice et la droiture 73 ;

    il merge et cesse dtre cach ; son influence bienfaisante atteint les tres :

    cest ce que ceux-ci ont avantage voir, aussi son image symbolique est un

    68 Dtail de la vie de Shouen, alors quil navait pas encore t appel au pouvoir par Yao et

    quil menait la vie agricole, dans lobscurit. 69 Yao. 70 Shouen. 71 En lassociant son rgne. 72 Termes techniques. Les traits qui occupent le mme rang dans chacun des deux koua

    simples superposs passent pour se correspondre sympathiquement. En gnral, il ny a

    correspondance quautant quun trait reprsente lunit et lautre la dualit. Ici, le cinquime

    et le second trait font exception et sils se correspondent sympathiquement, cest cause de

    leurs vertus communes. 73 Positivit, duret nergique et activit ; ngativit, douceur et mallabilit. Le deuxime

    trait et le cinquime sont, chacun, au rang intermdiaire dun des koua simples, de l la

    condition de milieu et de justice . En gnral la droiture consiste ce que le trait soit

    positif sil occupe un rang impair et ngatif sil occupe un rang pair ; cependant, suivant le

    cas, les commentateurs ne sont jamais embarrasss pour trouver une raison concluante lorsque

    ces conditions ne sont pas remplies et que le sens admis, quil faut toujours justifier, rclame

    lide de droiture.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 31

    dragon visible dans la rizire, et le sens divinatoire est : avantage voir un

    grand homme.

    Bien que le second trait nonaire noccupe pas encore une situation

    dfinie 74 , cependant sa vertu, qui est celle dun grand homme, est dj

    vidente ; un homme ordinaire serait incapable de rpondre ces indications,

    aussi lorsquon rencontre ce trait 75 se modifiant, il exprime uniquement quil

    y a avantage voir cet homme et non pas un autre. En effet, ce terme dsigne

    encore le grand homme plac dans une situation infrieure et reprsent par le

    second trait ; de cette faon, ce trait et la personne qui consulte le sort sont

    considrs respectivement comme un hte et son hte 76 et la rgle laquelle

    chacun est soumis est la mme ; si celui-ci possde les vertus du dragon

    visible, il aura avantage voir le grand homme qui occupe un rang suprieur

    et qui est reprsent par le cinquime trait nonaire.

    11.

    Dragon visible dans la rizire : leffet de sa vertu se rpand

    universellement.

    TSHENG TSE. Visible sur la terre, sa vertu et son action

    transformatrice atteignent les tres par une extension universelle 77.

    74 Cest partir du troisime rang que le trait indique une situation ; le troisime rang est la

    situation du sujet ; le quatrime indique la situation du grand dignitaire, du ministre ou

    conseiller du prince ; le cinquime rang indique la situation du prince. 75 En consultant le sort. 76 Expression trs usite pour exprimer que deux personnes, ou mme deux choses, occupent

    des positions respectivement analogues lune par rapport lautre. Cest aussi une allusion

    aux rgles rituelles de la biensance. 77 Comme le soleil commenant slever ; bien quil ne soit pas encore au mridien,

    cependant sa clart stend dj sur toutes choses (Pan kien tong sha). Lou Shi Hi Sheng dit :

    Lther positif visible dans la rizire engendre les vgtaux pour lusage des hommes ;

    lhomme saint visible au monde amliore peu peu les tres par son enseignement.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 32

    1. Khien.

    12.

    Troisime trait nonaire : lactivit de lhomme dou dure

    tout le jour ; le soir, il est encore comme proccup.

    Danger ; pas de culpabilit.

    TSHENG TSE. Bien que le troisime rang reprsente la situation de

    lhomme, ce trait est en mme temps le trait suprieur dans la substance du

    koua simple infrieur ; il reprsente celui qui na pas encore quitt les rangs

    infrieurs et qui est dj distingu par son illustration ; cest le moment o la

    renomme de la vertu transcendante de Shouen 78 se rpandait. Jour et nuit,

    sans se laisser aller la ngligence, il est essentiellement proccup par la

    crainte, de sorte que, bien que plac sur un terrain prilleux, il ne commet

    cependant point derreurs 79 . Lorsquil sagit dun homme plac dans une

    condition infrieure et chez qui les vertus du prince sont dj manifestes 80,

    lunivers tend venir lui ; le pril et les motifs de crainte sont vidents. Bien

    quil soit question de ce qui est relatif lhomme saint, si la formule ne

    comportait pas un avertissement, comment pourrait-elle tre considre

    comme constituant un enseignement pour les hommes ? Cest l lesprit dans

    lequel le Yi king a t rdig.

    TSHOU HI. Nonaire, trait positif ; troisime rang, situation positive :

    rptition de duret nergique sans justice 81. Il occupe le rang suprieur du

    koua simple infrieur, cest l un terrain prilleux. Mais sa nature et sa

    substance 82 sont la duret nergique et lactivit, cest donc limage

    symbolique de lactivit incessante, de la crainte et du danger, ce qui fait que

    78 Qui devint le second empereur des temps historiques, selon Khong Tse 79 Le mme mot a le sens de faute, erreur, culpabilit ; le choix du sens de ce mot dpend de

    celui de la phrase. 80 Allusion lhistoire de Wen Wang, alors que simple feudataire, sa vertu lui attirait les

    sympathies de lempire et, en mme temps, les perscutions jalouses du dernier empereur de

    la dynastie des Sheang. 81 Les rangs impairs sont positifs ; un trait positif plac un rang positif indique la rptition

    de la qualit de duret nergique. Il est sans justice parce quil noccupe pas le milieu dun

    koua simple. 82 Sa nature, cest sa qualit de trait positif ; sa substance, cest--dire le koua simple dont il

    fait partie, et, dans ce cas, cest le koua simple khien, activit. Toutes ces expressions sont des

    termes techniques qui se prsentent continuellement au sujet de chaque trait ; pnibles saisir,

    dabord, on sy habitue facilement ensuite et leur nombre est en somme trs limit.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 33

    tel est le sens divinatoire 83. Lexpression (lhomme dou) dsigne celui qui

    consulte le sort ; la formule exprime que sil peut avoir cette sollicitude

    tranquille et cette circonspection, bien que plac sur un terrain prilleux, il ne

    commet point de fautes 84.

    13.

    Activit qui dure tout le jour ; retourner et revenir dans la mme voie

    (tao).

    TSHENG TSE. Quil avance ou se recule, quil se meuve ou demeure

    en repos, il faut toujours que ce soit daprs la voie morale (tao).

    TSHOU HI. Retourner et revenir, ide qui exprime la rptition de

    laller et du retour en marchant dans la mme voie.

    83 Dans les formules symboliques annexes chaque trait par Tsheou Kong, le premier

    membre de phrase indique limage symbolique attribue ce trait et le second est une formule

    divinatoire qui donne la clef de la rponse la question pose par celui qui consulte le sort. 84 Tshou Hi dit : Ce trait est nonaire, cest--dire positif, il occupe un rang positif (impair) :

    donc cest un excs de positivit ou nergie. Ntant pas au milieu, il manque de justice. Il

    occupe le rang suprieur dans sa sphre, ce qui constitue un pril. Il doit donc sans cesse

    dvelopper son activit tout le jour et tre encore sur ses gardes le soir, bien que ce soit l le

    temps ordinairement consacr au repos. Alors, malgr le pril, il ne commettra point de fautes.

    Telle est exactement lide de lhomme saint qui a crit la formule.

  • Traduction P.L. F. Philastre Le Yi king 34

    1. Khien.

    14.

    Quatrime trait nonaire : parfois il saute dans les

    abmes 85 ; pas de culpabilit 86.

    TSHENG TSE. Labme est le lieu de repos du dragon ; parfois,

    expression qui marque lincertitude, elle marque que ce nest point absolu. Il

    saute ou ne saute pas ; sil saute, cest seulement au moment opportun et pour

    chercher le repos. Le mouvement chez lhomme saint nest jamais sans

    rapport avec le moment o il a lieu. Cest le temps o Shouen faisait ses

    expriences pour tablir le calendrier 87.

    TSHOU HI..- Parfois, expression de doute et dindtermination. Sauter,

    parvenir brusquement dans un milieu sans avoir aucun accs pour y

    atteindre 88, spcialement sans voler. Abme, le vide des espaces suprieurs o

    les profondeurs des gouffres marins, lieux profondment obscurs et

    insondables, sjour des dragons. Comme lorsque, tant descendu dans la

    rizire, il arrive quil saute et slve, par consquent en se dirigeant vers le

    ciel. Il est nonaire, cest--dire positif ; le quatrime rang est une position

    ngative ; il occupe le rang infrieur du koua simple suprieur : donc cest une

    circonstance qui implique le changement et la rforme, un moment o il y a

    indtermination sur lopportunit davancer ou de reculer, et cest pourquoi

    telle est limage symbolique. Le sens divinatoire est que, si on peut avancer ou

    reculer suivant lopportunit et la convenance du moment, il ny aura point

    derreur ni de culpabilit.

    15.

    Parfois il saute dans les abmes ; en avanant, pas de culpabilit.

    85 Il passe du troisime rang au quatrime, cest--dire dun koua simple dans lautre ; il

    franchit la distance et saute pour aller occuper le rang infrieur dans le koua simple suprieur,

    le fond. 86 Expression qui indique un danger, un inconvnient inhrent la voie suivie, mais qui sera

    compens par les avantages qui rsultent moralement de cette voie. 87 Allusion lhistoire de Shouen, dans le Shou king. 88 Comme le poisson q