whitehead || l'onto-logique de l'ÉvÉnement chez whitehead

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L'ONTO-LOGIQUE DE L'ÉVÉNEMENT CHEZ WHITEHEAD Author(s): Pierre Rodrigo Source: Les Études philosophiques, No. 4, Whitehead (Octobre Décembre 2002), pp. 475-490 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/20849501 . Accessed: 28/06/2014 19:20 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Les Études philosophiques. http://www.jstor.org This content downloaded from 46.243.173.30 on Sat, 28 Jun 2014 19:20:55 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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L'ONTO-LOGIQUE DE L'ÉVÉNEMENT CHEZ WHITEHEADAuthor(s): Pierre RodrigoSource: Les Études philosophiques, No. 4, Whitehead (Octobre Décembre 2002), pp. 475-490Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/20849501 .

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L'ONTO-LOGIQUE DE L'EVENEMENT CHEZ WHITEHEAD

Que voyons-nous quand nous voyons quelqu'un soulever son chapeau a notre approche ? C'est par cette question inattendue que s'ouvrent les Essais

d'iconologie d'Erwin Panofsky. On y lit en effet, des la premiere page de

l'lntroduction1, l'analyse suivante:

? Supposons qu'une personne de ma connaissance rencontree dans la rue me

salue en soulevant son chapeau [...]. Quand j'identifie - et je le fais spontanement

-

cette configuration comme un objet (un monsieur) et la modification de detail comme un evenement (soulever son chapeau), j'ai deja franchi le seuil de la perception purement formelle pour penetrer dans une premiere sphere de signification [...]; je la saisis en identifiant tout simplement certaines formes visibles a certains objets connus de moi par experience pratique, et en identifiant le changement survenu dans leurs relations a certaines actions, ou evenements.?

Dans ce texte la perception est consideree comme l'occasion du devoile ment d'une signification $ objet. II est d'ailleurs clair que Panofsky suit dans ces lignes le chemin trace par Kant et que son texte constitue, plus qu'une description fidele de l'experience perceptive, une glose de l'enonce kantien de la ? Premiere analogie de l'experience ? ? c'est-a-dire de ce que Kant nommait le ? principe de la permanence ?, qui s'enonce en ces termes :

?Tous les phenomenes contiennent quelque chose de permanent (substance) considere comme l'objet lui-meme, et quelque chose de changeant, considere

comme une simple determination de cet objet, c'est-a-dire d'un mode d'existence

de cet objet. ?2

L'iconologie d'Erwin Panofsky s'appuie done sur une double evidence,

qui est caracteristique de la tradition de pensee metaphysique dont nous

allons devoir mesurer les limites. Cette double evidence est celle de la percep tion d?objet tt de Yontologie substantialiste. Toute la question est de savoir si cette

ontologie, pour laquelle l'evenement n'est qu'une affection seconde adve

1. Plus precisement, des la premiere page de Pedition americaine de 1939 des Essays. Ce

passage etait absent de la premiere edition parue en Allemagne en 1932. Cf. trad. franc;., Paris,

Gallimard, p. 13-14. 2. E. Kant, Critique de la raisonpure, Paris, PUF, p. 177.

Les Etudes philosophiques, n? 4/2002

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476 Pierre Rodrigo

nant a Fobjet, peut rendre compte de Fexperience perceptive. Pour le dire avec Whitehead, toute la question est de savoir si Fontologie substantialiste de Fobjet est justifiable du point de vue de Fexperience immediate1.

Or il faut bien admettre, pour rester un instant encore dans le cadre de la

philosophie de Fart, que Fexperience esthetique de la vision d'une icone, par

exemple, invalide, si Fon y reflechit bien, Fontologie de Fobjet et les theories de Fart qui en derivent. Sans entrer ici dans le detail, je rappellerai seulement

que, pour les Peres de FEglise, la toute premiere icone est le Verbe divin

compris comme ?image naturelle ? (eikon phusike), et qu'une image artifi cielle faite de main d'homme doit etre tendue vers le Verbe : pros logon, ? ad verbiale ? si Fon veut2. C'est en raison de cette ex-tension ad-verbiale que Fon peut affirmer que ? pour Ficone la forme a une realite non objective ? et

qu'elle est? vers le Christ, qui ne cesse de s'en retirer ?3. Des lors contempler une icone, ce n'est en aucune facon voir un objet (et pas davantage une Idee

objectivee); c'est etre tenu sous le charme d'une absence, ou etre retenu par la trace d'un passage.

On peut par consequent en conclure qu'a Forigine de Ficonologie et de la cosmologie qui la supporte se trouve, non pas Fobjet substantial, mais le

passage: l'Incarnation comme passage, tout d'abord, puis le visible lui meme comme passage. Bref, Fevenementialite de la nature, telle que Fentend Whitehead.

I. Objets et evenements: vers une ?tinologie? de la nature

Lorsqu'il prononce en 1919, a Cambridge, ses conferences sur la philo sophic des sciences, Whitehead limite son propos a la philosophie et aux sciences de la nature. II se limite meme, en un sens, a la recherche d'une determination satisfaisante de la seule nature4. L'ensemble du propos tient en une seule question: ?Qu'entendons-nous par nature ?? Whitehead

repond a cette question d'une maniere remarquablement simple: ?La nature est ce que nous observons dans la perception par les sens. ?5 La sim

1. Cf. Prods et Realite (PR), p. 4/47: ? L'elucidation de l'experience immediate est

l'unique justification d'une pensee ; et le point de depart de la pensee, c'est l'examen analy tique des composants de cette experience ? [notre double pagination renvoie d'abord a Process and Reality, corrected edition (by D. R. Griffin - D. W. Sherburne), New York, The Free

Press, 1978, puis a la trad, franc, par D. Charles et al, Paris, Gallimard, 1995]. Voir aussi La science et le monde moderne (SMM), trad, franc. P. Couturiau, Monaco, Ed. du Rocher, 1994, chap. V, p. 112.

2. Voir sur ces questions l'ouvrage de M.-J. Mondzain, Image, icone, economie, Paris, Le

Seuil, 1996, p. 116. 3. M.-J. Mondzain, op. cit, p. 117. 4. Ces conferences seront d'ailleurs editees sous le titre The Concept of Nature (CN), Cam

bridge, Cambridge Univ. Press, 1920 (trad, franc, par J. Douchement, Le concept de nature, Paris, Vrin, 1998).

5. CN, p. 3/32 [la double pagination renvoie a Fed. originale puis a la trad, franc. La

pagination simple renvoie a la seule trad, franc.].

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L!onto-logique de I'evenement cbe% Whitehead All

plicite de ce commencement est cependant trompeuse, car la question ne

manque pas de resurgir aussitot sous la forme d'une interrogation du statut fort enigmatique de ? ce que ? nous percevons. En effet, si la nature est tout

simplement ?cela?, ce ?quelque chose? qui nous est livre dans et par

l'experience perceptive, nous sommes neanmoins loin d'avoir pu concep tualiser, tant dans le champ philosophique que dans celui des sciences, le

mode d'etre de cette nature; nous sommes encore loin de l'avoir pensee selon son mode d'etre. Aussi Whitehead n'hesite-t-il pas a affirmer, en conclu sion de sa deuxieme conference, que ? parmi les necessaires prolegomenes a la philosophic et a la science de la nature, il y a la comprehension approfondie des types d'entites et des types de relations entre ces

entires, qui nous sont devoiles dans nos perceptions de la nature ?(CN, p. 48/68).

Cette these comporte, bien entendu, une critique de principe de la meta

physique classique et de la science qui lui est liee. Elle comporte en particu lier in nuce la critique whiteheadienne de la ?localisation simple ? spatio temporelle et du systeme ou du ? scheme ? relationnel qui en derive (y com

pris du systeme des relations secondes entre un ?sujet? et un ?objet? monadiques essentiellement clos sur eux-memes). Mais cette these presente aussi une signification positive qui est, comme Jean Wahl et Maurice Mer

leau-Ponty s'en sont avises parmi les premiers, du cote du moins des philo sophes continentaux, celle d'une radicale ?transcendance de la nature ?1. En

effet, penser la nature selon son propre mode d'etre ou, comme le cut Whi

tehead, la penser de facon ? homogene ? (CN, p. 3/32), c'est ? 1 / reconnaltre qu'elle a une consistance ontologique specifique, qu'elle

ne se reduit par consequent, ni a nos sensations, ni a notre pensee ; et ? 2 / admettre que la nature, qui n'est rien d'autre que ce que nous en per

cevons, nous reste pourtant ? opaque a titre definitif [...], aussi distante et aussi proche que possible ? dans la perception2; closed to the mind, dans les termes de Whitehead :

? La nature est ce que nous observons dans la perception par les sens. Dans

cette perception sensible nous avons conscience de quelque chose qui n'est pas la

pensee et qui est autonome par rapport a la pensee (self-containedfor thought). [...] la

1. M. Merleau-Ponty, La Nature (cours de 1956-1957), Paris, Le Seuil, 1995, p. 160.

Cf. aussi J. Wahl, Vers le concret Etudes d'histoire de laphilosophie contemporaine, Paris, Vrin, 1932,

p. 128-135 (p. 130: ? Ce quelque chose que nous percevons se presente avec un caractere

ferme?). Si Ton prend le probleme en sens inverse, c'est-a-dire a partir de la pensee, la

?transcendance de la nature ? que Merleau-Ponty reconnait chez Whitehead est, dans les ter

mes de Deleuze et Guattari, l'autre face du ? plan d'immanence ? des concepts philosophi

ques, car ce plan ? a deux faces, comme Pensee et comme Nature, comme Physis et comme

Nous ?; cf. G. Deleuze et F. Guattari, Qu'est-ce que la philosophie ?, chap. 2, Paris, Minuit, 1991,

p. 38-59 (passage cite p. 41). Deleuze et Guattari donnent egalement une excellente analyse du glissement, des Platon, de ce ?

plan d'immanence ? ou la nature est transcendante a l'esprit

(au sens ou elle est son autre horizontal) vers une Transcendance verticale et hierarchique, cf. p. 46-50 : ? Exemple III?.

2. M. Merleau-Ponty, op. cit, p. 160.

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nature peut etre pensee comme un systeme clos dont les relations mutuelles n'exi

gent pas l'expression du fait qu'elles sont objets de pensee. Ainsi la nature est en un sens independante de la pensee. Cette affirmation n'est l'expression d'aucune inten

tion metaphysique1. Ce que je veux dire, c'est que nous pouvons penser sur la nature sans penser sur la pensee. Je dirai qu'alors notre pensee de la nature est homo

gene [...]. J'exprimerai encore cette autonomie de la nature en disant que la nature est

voilee a l'esprit (closed to the mind) ? (CN, p. 3/32-33).

Ce texte nous invite a penser conjointement la consistance ontologique du

transcendant, qui est celle de la nature telle que la perception nous la livre, et

la correlation de ce meme transcendant avec la conscience percevante pour

laquelle il est, precisement, un transcendant. II nous engage a penser cette correlation sans soumettre Fun des deux poles de l'experience a l'autre, et sans dechirer non plus le tissu de l'experience qui les unit. Or le premier requisit pour ne pas rompre la trame de l'experience, c'est-a-dire pour se

conformer a ce que Whitehead appelle sa ?texture ?2, est de ne rien presup poser quant a la structure d'etre de la nature. On doit par consequent d'ecarter ce que de son cote Husserl nommait, dans un esprit tres proche de celui de notre auteur, les ? substructions theoriques ?. Au premier rang de celles-ci se trouve le substantialisme ontologique, qui est sans doute la forme de pensee philosophique tout a la fois la plus courante et la plus infi dele qui soit a la logique de la perception et done de la nature.

Mais qu'est-ce exactement qu'ecarter le substantialisme ontologique ?

C'est, en un sens, tres simple : c'est reconnaitre que, si assurement ?toute

pensee doit se rapporter a des choses ? (CN, p. 34), il ne s'ensuit pas que ce

rapport de pensee doit etre reifie en un rapport entre deux substances. Ecarter le substantialisme, c'est done soutenir que ?la nature est devoilee

(disclosed) dans la perception sensible comme un complexe d'entites ? (ibid) sans en deduire immediatement que la choseite, ou l'objectivite, constitue necessairement le mode d'etre de ces entites et de la nature elle-meme. Car une entite peut fort bien n'etre que le ?terme ? que la pensee se donne pour penser une nature qui lui est - et qui lui reste - transcendante en son evenementialite propre aussi bien qu'en son processus d'?ingressions ?

objectivantes :

? L'aspect general de la nature est celui d'une expansion evolutive. Ces unites,

que je nomme evenements, sont l'emergence de quelque chose dans la realite. Com

ment caracteriserons-nous ce quelque chose emergeant ainsi ? [...] La valeur est le

mot par lequel je designe la realite intrinseque d'un evenement [...]. Mais une simple

1. Cest qu'en effet, comme nous l'avons dit, la nature n'est rien d'autre que ce que nous livre la perception. II n'est done pas question de soutenir qu'elle peut etre ?independante ?

par essence de l'experience que nous en faisons ; d'ou la formule de Whitehead : ? La nature est en un sens independante de notre pensee.? Ce sens non essentiel n'est pas metaphy siquement surdetermine (cf. a contrario la definition classique de la substance comme ce a quoi nulla re indiget ad existendum).

2. PR, p. 4/46 : ? The texture of the observed experience ?.

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valeur n'existe pas. La valeur est le produit de limitations [...]. La simple fusion de tout ce qui est aboutirait a la non-entite de l'indefini. Le salut de la realite reside dans ses entites obstinees, irreductibles, pragmatiques, qui ne peuvent etre qu'elles memes ? {SMM, p. 117).

Par consequent, ce que nous ? prehendons ? ou, pour parler le langage usuel, ce que nous percevons, n'est ni une qualite objective sensible ni une

determination substantielle intelligible qui se livrerait a Tame ? par l'entre mise des sens? (Descartes). Ce qui est prehende est 1'? evenement? de la

nature1, et l'evenement ne signifie pas seulement, ni meme principalement, le transitoire, le fugace ou le passager, mais surtout Yemergeant: soit, ce qui fait difference au sein d'un processus, ce qui y prend une certaine valeur rela tive. II s'ensuit que ni le principe de la localisation spatio-temporelle simple des substances atomiques, ni le principe adverse d'une fusion generalisee dans l'element de l'indefini, ne permettent de comprendre le sens d'etre de la nature. Le vrai realisme, dira encore Whitehead, s'il est bien, en definitive, atomiste, ne Test pas a la maniere naive du substantialisme, car il consiste a

reconnaitre que ?la verite metaphysique ultime est ratomisme. Les creatures sont atomiques [...].

Mais ratomisme n'exclut pas la complexite et la relativite universelle. Chaque atome

est un systeme de toutes choses ? {PR, p. 35-36/93).

En effet, une entite prehendee est certes une, mais elle n'en a pas moins des ? contemporains ?, un passe et un futur aussi; c'est pourquoi le realisme

consequent consiste a admettre que ce qui est (au sens non substantiel du

verbe) n'est ce qu'il est que par le biais d'un systeme de limitations en reseau,

par une ?interconnexion ? constituante, puisque toute chose pretendument monadique est, en verite, un ?organisme en cours de developpement? (SMM, p. 95).

Tres symptomatiquement, Whitehead ? qui est, ne Foublions pas, un

logicien -

explicite le suspens des evidences du substantialisme qu'il preco nise par une allusion a la theorie des propositions (theorie qu'il avait lui meme developpee avec Bertrand Russell dans les Principia mathematica

publies entre 1910 et 1913). Ainsi lit-on dans Le Concept de nature:

? Toute pensee doit se rapporter a des choses. Nous pouvons acquerir une idee

de cette necessite des choses pour la pensee en examinant la structure de la proposi tion ? (CN, p. 5-6/34).

Notre auteur est alors amene a rappeler la difference entre les proposi tions elites ? demonstratives ? et celles ? descriptives ?. ? Une proposition demonstrative est un geste?, ecrit-il sobrement (p. 35). C'est, ajouterons nous, un geste qui montre et qui, par la meme, isole dans un complexe general

quelque chose pour la pensee. Par exemple, dans le cas de la ? conscience sensible ?, autrement dit dans le cas de l'experience perceptive, dire ? Ce bati

1. Cf. en particuHer SMM, p. 93, 128-129.

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merit est spacieux ?, ou plus simplement ? Ceci est spacieux ?, c'est signifier que ?la pensee s'est saisie d'une entite comme d'un simple terme a conside rer? (p. 36). Cependant, ce qui vaut comme un simple terme separe par la

pensee, conformement a la structure de la proposition demonstrative, n'a aucunement a etre considere comme etant en soi separe. L'essentiel est la :

? En etablissant l'entite comme simple terme, on ne lui attribue pas une exis

tence separee du complexe dans lequel elle a ete decouverte par la conscience sen

sible. Ce qui est un ce [ou un ceci\ pour la pensee est essentiellement un relatum pour la conscience sensible ? (67V, p. 8/37).

Quant aux propositions elites ? descriptives ?, du type ? Le College dans

Regent's Park est spacieux ?, Whitehead n'a aucune difficulte a montrer,

apres Bertrand Russell, et deja Franz Brentano1, qu'elles presupposent implici tement un jugement et une proposition existentiels tels que: ?II y a une

entite qui est un batiment de college dans Regent's Park.? C'est en effet dans un second temps que Ton affirme de cette entite qu'elle est spacieuse. On exprime alors, comme dans le cas precedent, que ? Ceci est spacieux ?.

En resume, que les propositions declaratives apophantiques soient demons tratives ou descriptives, qu'elles expriment un geste signitif ou une position dy existence, elles expriment en tout cas un ?quelque chose? qui ne vaut comme ? chose ? que pour la pensee. Whitehead en tire cette conclusion :

? Cette analyse demontre que la pensee place devant elle des termes simples, des entites comme nous les appelons, que l'activite pensante habille de l'expression de leurs relations mutuelles2. La conscience sensible revele le fait par le moyen de facteurs qui pour la pensee sont ces entites. La separation distincte dune entite dans la

pensee n'est pas une assertion metaphysique, mais une procedure methodique necessaire pour

l'expression finie de propositions individuelles ? (CM, p. 12/40, nous soulignons).

Finalement, rien ? absolument rien ? ne nous autorise a reifier la ? pro cedure methodique ? par laquelle la pensee isole des ? facteurs ? dans le tissu du pergu pour pouvoir les penser comme des ? entites ? entrant en relation les unes avec les autres. Cet habit conceptuel, dont la structure (ou le

patron) est fournie d'avance par la proposition apophantique, n'est que notre facon de recomposer apres coup ce qu'il nous a fallu decouper en ?ter mes ? pensables et, tout d'abord, observables. La reification de cette proce dure de pensee represente pourtant l'erreur cardinale commise par la philo sophic substantialiste, l'erreur que Whitehead a nommee ?le sophisme de la concretude deplacee ?, the fallacy of misplaced concreteness3. Ceci veut dire que, alors qu'une entite est seulement un facteur isole par la pensee et qu'elle n'est par voie de consequence pas isolable en elle-meme et par elle-meme,

1. Cf. Fr. Brentano, Psychologie du point de vue empirique (1874), trad, franc., p. 212 sq. 2. Notons bien que le vetement expressif vient apres le decoupage des entites pour et par

la pensee. 3. SMM, p. 71; PR, p. 7/52 et 93/174.

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L'onto-logique de I'evenement che\ Whitehead 481

l'hypostase metaphysique de la logique apophantique a conduit, depuis Aris tote au moins, a developper ? une tendance inveteree a postuler un substrat pour tout ce qui est offert a la cons

cience sensible, c'est-a-dire a chercher sous tout ce dont nous avons conscience la

substance au sens de la chose concretes (CN, p. 18/44)1.

D'ou la remarquable conclusion de Whitehead, qui inverse la primaute usuelle de la substance sur ses predicats en une predetermination de l'idee meme de substance par la logique predicative, et qui en tire des consequen ces philosophiques resolument novatrices:

? Cest pourquoi substance, qui est un terme correlatif de predication, contribue a Pambiguite. S'il nous faut partout chercher la substance, je la trouverai quant a

moi dans les evenements qui sont en un sens la substance ultime de la nature ?

(CN, p. 19/45).

Resumons-nous. Le fait premier est la transcendance de la nature, sa

cloture a l'esprit. Ce fait est encore, identiquement, le proces de la nature, son passage et ses emergences evenementielles. ? En premier lieu, un fait

general est pose: quelque chose se passe (something is going on)? (CN, p. 49/69). Au commencement est done le fait irrecusable que la nature

passe, qu'elle change d'eUe-meme et constitue ainsi par essence une ? avancee creatrice ?. Mais, puisque non seulement la nature passe, mais que tout en passant elle ne s'aneantit pas, e'est le signe que l'avancee creatrice du devenir naturel donne etre a ce qui est devenu, a savoir aux diverses qualites objectives, et cela alors que l'emergence evenementielle y insere a chaque fois de la nouveaute. L'avancee creatrice donne meme aux qualites objecti ves un etre que Whitehead n'hesite pas a dire ?immortel?, dans la mesure

ou, par exemple, le rouge comme tel est hors temporalite. De la on peut deduire une these cosmo-ontologique tout a fait originale, selon laquelle ?l'avancee creatrice du monde est le devenir, le perir et l'immortalite objec tive de ces choses qui, ensemble, constituent le fait tetu ?2.

En second lieu, et en second lieu seulement, la perception et la pensee

decoupent dans cette avancee des ? facteurs ?. Le langage explicite ces fac teurs en ?termes ? et? relations ? qui peuvent finalement conduire a hypos tasier le terme suppose ultime de ce decoupage, celui qui, comme le dit Aris

tote, ?n'est plus predique d'autre chose?: la substance, Yousia, la res.

Pourtant, la nature, qui essentiellement passe, n'est aucunement substan

1. G. Deleuze, denoncant lui aussi la meme tendance de la metaphysique, ecrira que ?les propositions se deflnissent par leur reference, et la reference ne concerne pas l'Evenement, mais un rapport avec l'etat de choses ou de corps, ainsi que les conditions de ce

rapport? (op. cit., p. 27, cf. l'ensemble du chap. 1, p. 21-37). Voir a contrario la formule de la

p. 26 : ? Le concept dit l'evenement, non l'essence ou la chose. C'est un Evenement pur, une

ecceite, une entite.? 2. PR, Preface, p. Xiv/41 : ? The creative advance of the world is the becoming, the

perishing, and the objective immortalities of those things which jointly constitute stubborn

fact. ? Cf. B. Saint-Sernin, Whitehead. Un univers en essai, Paris, Vrin, 2000, p. 29-30.

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482 Pierre Rodrigo

tielle. C'est pourquoi, de meme que Bergson affirme a la meme epoque qu'il faut parvenif a penser le mouvement sans postuler quelque niveau de stabi lite sous le mouvement, done sans poser un substrat immobile (en droit

connaissable) en support du mouvement (tenu par principe pour inconnais

sable), de meme Whitehead ecrit:

? Ce contre quoi je m'eleve essentiellement, est la bifurcation de la nature en deux systemes de realite, qui, pour autant qu'ils sont reels, sont reels en des sens dif ferents. Une de ces realites serait [...] la realite qui s'offre a la connaissance, bien que selon cette theorie ce ne soit jamais connu. Car ce qui est connu, c'est l'autre espece de realite, qui resulte du concours de l'esprit. Ainsi, il y aurait deux natures, dont l'une serait conjecture et l'autre reve. Une autre maniere de formuler cette theorie, a

laquelle je m'oppose, consiste a bifurquer la nature en deux subdivisions, c'est-a

dire la nature apprehendee par la conscience et la nature qui est la cause de cette conscience ? (CN, p. 30-31/54).

La science conjecturerait done des causes non percues en propre, alors

que la perception reverait un monde de qualites secondes inessentielles. En

fait, notre appartenance reelle a la nature ne ressortit pas de cette alternative abstraite. On en rendra bien mieux compte en ces termes : pour la pensee le ? rouge est simplement une entite definie ? (CN, p. 40) que la science peut determiner comme telle longueur d'onde ou tel etat d'energie corpusculaire, alors que pour la conscience percevante le rouge a toujours un contenu, une teneur concrete: c'est le rouge du sang, c'est l'incarnat des levres, ou encore la couleur du soleil couchant ou celle des coquelicots. On ecarte ainsi toute

idee de bifurcation, et il suffit de remarquer, comme le fait Whitehead, que ?la transition du rouge de la conscience [sensible ou percevante] au rouge de la

pensee s'accompagne d'une perte definie de contenu, qui est celle de la transition du facteur rouge a l'entite rouge ?

(ibid.).

Par consequent, lorsqu'on dit: ?Le sang est rouge ?\ on effectue

methodiquement la transition ? ou le transport, done la metaphore au sens strictement etymologique du mot ? entre le facteur ? rouge ?, qu'on isole par une perception concrete au sein d'un evenement global, et l'entite ? rouge ?

pour la pensee. Mais on perd ipso facto, dans l'attribution apophantique et par elle, tous les aspects qui viennent tout a fait concretement avec ce rouge au sein de l'avancee de la nature. Car, comme Maurice Merleau-Ponty le dira avec force dans Le visible et tinvisible, ce rouge concretement percu est un ? rayon de monde ?, une ? dimension d'etre ? dont la profondeur de sens allusive depasse de tres loin la dimension simplement attributive :

Ainsi, la robe rouge est? une concretion de la visibilite, ce n'est pas un atome ?.

Elle tient? de toutes ses fibres au tissu du visible, et, par lui, a un tissu d'etre invisible. Ponctuation dans le champ des choses rouges, qui comprend les tuiles des toits, le dra

1. C'est-a-dire lorsqu'on exprime, par une proposition langagiere de type mixte descrip tif et demonstratif, quV/j a du sang et que ce sang est rouge ; ce qui se code en logique des

predicats par 3 xj(x) .g(x).

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U onto-logique de l'evenement che^ Whitehead 483

peau des gardes-barrieres et de la Revolution, certains terrains pres d'Aix ou a Mada

gascar, elle Test aussi dans celui des robes rouges, qui comprend, avec les robes de fem mes, des robes de professeurs, d'eveques et d'avocats generaux [...]. Et son rouge, a la

lettre, n'est pas le meme, selon qu'il parait dans une constellation ou dans l'autre.?]

Pour penser cette dimension de l'etre il faut, a n'en pas douter, une cer

taine profondeur du dire, une dimensionnalite que la proposition apophan tique ne donne jamais, elle qui ne peut nommer que l'objet ou rattribut bien

determines, sans arriere-fond ni resonances significatives. Seul un discours de type metaphorique peut, semble-t-il, correspondre a la metaphoricite premiere de l'avancee de la nature, puisque la nature est telle que ?les entites du champ [percu] ont des relations a d'autres entites qui ne sont pas dis

tinguees particulierement dans leur individuality [...]. Ce caractere peut etre meta

phoriquement represente en disant que la nature percue a toujours une bordure

effrangee (nature as perceived always has a ragged edge) ? (67V, p. 50/70).

Chaque evenement de la nature atteste done - par l'ensemble des rela

tions qui le constituent comme l'evenement qu'il est, organiquement, au sein d'une totalite - la metaphoricite originelle de ce qui est. Chaque evenement est l'attestation du fait que ?la nature est un systeme ? (CN, p. 146/145) au sens precis ou, comme Whitehead l'ecrit lui-meme metaphoriquement: ? Les vagues qui roulent sur la cote de Cornouailles parlent d'un coup de vent dans rAtlantique ? (ibid.).

Mais qu'en est-il alors des objets ? La reponse est que si, assurement, ils

sont, ils ne sont cependant que ce qui dure encore dans revenement. Leur stability toute relative n'a par suite plus rien de substantiel; elle n'est que permanence au sein d'une avancee, autrement dit (pour employer le lexique que Whitehead a du forger pour dire ce qui n'avait jamais ere aussi claire ment thematise) elle n'est qu'une ?ingression dans Pevenement ?2. Les

objets, precise Whitehead,? sont les elements dans la nature qui peuvent etre encore ?, puis il ajoute :

?Je me sers du terme ingression pour designer la relation generale des objets aux evenements [...]. La nature est ainsi faite qu'il ne peut y avoir d'evenements ni

d'objets sans ingression des objets dans les evenements [...]. Un objet est ingredient a travers tout son voisinage, et son voisinage est indefini [...]. Finalement nous som

mes conduits par la a admettre que chaque objet est, en un sens, ingredient a la

nature de part en part? (CN, p. 144-145/144-145).

L'evenement constitue par consequent la situation globale premiere de l'objet, au lieu que l'objet soit le support des evenements qui lui

1. M. Merleau-Ponty, Le visible et ̂invisible, Paris, Gallimard, 1964, p. 174.

2. CN, p. 144. Cf. aussi p. 91 : ?Un objet est une entite d'un type different de

l'evenement. Par exemple, l'evenement qu'est la vie de la nature a l'interieur de la Grande

Pyramide hier et aujourd'hui est divisible en deux parties, soit la Grande Pyramide hier et la

Grande Pyramide aujourd'hui. Mais l'objet reconnaissable qui est aussi appele la Grande

Pyramide est le meme objet aujourd'hui qu'il etait hier.? On notera que le langage introduit une inevitable homonymie entre l'objet et l'evenement.

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484 Pierre Rodrigo

adviennent1. L'ontologie de Fob jet, l'ontologie des blosse Sachen, comme la nommait Husserl, celle des ? choses pures et simples ?, est ainsi retournee comme un gant

- meme si la structure langagiere nous pousse encore,

presque irresistiblement et par une sorte d'isomorphisme, a l'hypostase d'un

(suppose) substrat. Whitehead reconnait en effet que ?le langage ne nous

permet pas de distinguer Fevenement de Fobjet?, mais il ajoute aussitot ceci,

qui est Fessentiel:

? Ce que je veux maintenant faire ressortir, c'est que la situation d'un objet bien identifie [et par la fallacieusement localisable, semble-t-il, de maniere univoque dans

l'espace et le temps] n'est pas une necessite inherente a un evenement. Partout et a

chaque fois que quelque chose se poursuit, il y a evenement. Bien plus, ?partout? et ?

chaque fois?, en eux-memes, presupposent un evenement, car l'espace et le temps

en eux-memes sont des abstractions tirees des evenements ? (CN, p. 78/92).

L'evenement de la nature est par consequent spatialisant et temporalisant. II constitue tout a la fois Farchispatialite et Farchitemporalite d'ou provien nent les abstractions, par ailleurs necessaires, de la mesure et de la science

lorsqu'elles traitent des objets percus ou de ceux abstraits par le raisonne ment2. Des lors, Fevenement peut etre dit - dans un lexique qui pour n'etre

pas celui de notre philosophe n'en est pas moins ajuste a sa pensee la plus centrale - Gestaltung davantage encore que Gestalt, c'est-a-dire puissance ori

ginaire de formation plutot que forme globale deja constituee3. Mais on

peut tout aussi bien dire que Fevenement represente Yenjambement par excel

lence, Yoverlapping. C'est, de toute facon, reconnaitre qu'il represente sur le

plan cosmo-ontologique ? quelque chose ? qui n'est ni un objet atomique ni une substance.

Whitehead, qui se reclame souvent des theses cosmologiques et ontolo

giques defendues par Platon dans le Ttmee, ne s'est, semble-t-il, pas avise

que ce meme Platon avait lui aussi entrevu, dans son dialogue Le Sophiste, la

possibilite d'un mode d'etre specifique pour le ?quelque chose ?4. Cette avancee significative a eu lieu lorsque Platon a tente de cerner ce qu'il faut

1. J. Wahl ecrit tres justement: ?Une tache particuliere de couleur vue pendant une seconde est un evenement; de meme la salle de concert emplie par une note. Mais la note, la couleur sont des objets [...]. Les objets peuvent etre regardes comme des qualites d'evenements, et les evenements comme des relations entire des objets ? (op. at, p. 178). II

ajoute encore que ?tout ce que nous pouvons dire sur un evenement a rapport aux objets qui sont ingredients en lui? (p. 183).

2. Dans son ouvrage La philosophie organique de Whitehead, Paris, PUF, 1950, F. Cesselin insiste fortement, et certes avec raison, sur la ? realite ? des objets eternels chez Whitehead.

Aussi ecrit-il que ? Ton ne saurait, quoi qu'en aient pense certains, extraire du whiteheadisme le platonisme qu'il contient pour ne plus en faire qu'une philosophie de l'evenement et de la relation organique : ce serait le mutiler completement? (p. 56). C'est exact, mais il faut souli

gner que ce platonisme sans realisme des idees separees (puisque les ? objets eternels ? whitehea diens ne sont que de pures potentialites) reserve le role central a la situation evenementielle dans laquelle l'objet fait ?ingression ?.

3. Pour ce rapprochement, cf. J. Wahl, op. at., p. 190, n. 2. 4. Dans Aventures d'idees Whitehead ne retiendra du Sophiste que la seule definition de

l'etre comme S6vapu<;: cf. Soph. 247 d-e, Av. Id, p. 152-155/171-173.

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Uonto-logique de I'evenement che^ Whitehead 485

bien se risquer a appeler, malgre le paradoxe de la formule, le mode d'etre du non-etre (to [jly) 6v). Dans Le Sophiste, en effet, l'Etranger en arrive a

admettre pour un bref instant - avant d'ecarter definitivement cette

option... - la specificite ontologique du tl, et a accorder ainsi au non-etre

un statut tout a fait particulier qui releverait, s'il etait maintenu, d'une

authentique ? tinologie ?. II finit pourtant par reculer (et avec lui Platon) devant la menace qui plane des lors inevitablement sur la suprematie de l'etre substantiel:

L'Etranger. ? ? Une chose est sure : a

quelque etre que ce soit, le non-etre ne

se peut attribuer.

Theetete. ? Comment le pourrait-il ?

L'Etranger. ?

Or, si on ne peut l'attribuer a l'etre (sm to 6v), l'attribuer au

? quelque chose ? (iizl to tl) serait faire une attribution tout aussi incorrecte. Theetete. ? Pourquoi done ?

L'Etranger. ? II est clair encore pour nous, j'imagine, que ce vocable ?

quelque chose ? (tl), e'est a de l'etre (stc' ovtl) que nos expressions l'appliquent. Le formuler tout seul, en effet, comme nu, depouille de tout ce qui a l'etre, e'est impossible, n'est-il pas vrai ?[...] A prendre la question par ce biais, tu diras done avec moi que, inevitablement, dire "quelque chose", e'est dire pour le moins "quelque chose d'un"

(Iv ye tl) ? Theetete. ? Oui.?!

En regardant a present du cote du langage on comprend mieux pour quoi, dans ce domaine, une autre ? enjambee ?, celle de la metaphore, peut etre l'expression la plus propre de l'etre-effrange de la nature : ce n'est certes

pas de la poesie gratuite, e'est au contraire la traduction langagiere la plus adequate de ce que Whitehead appellera, dans Proces et realite, ?le principe de la relativite universelle ?, selon lequel ? une entite actuelle est presente au sein des autres entites actuelles, [puisque] e'est

parce qu'elle est une concrescence particuliere d'univers qu'une entite actuelle est

concrete ?2.

Ainsi Paul Claudel a-t-il su exprimer au mieux l'evenementialite ? tino

logique? de la mer - telle qu'elle est per5ue en son bleu marin le plus concret (qui represente, dans les termes de Whitehead, son caractere ? objectif? le plus durable et sa propre autoprehension) et telle qu'elle est

percue aussi en sa dimension de modulation particuliere d'un sens ou d'une tonalite d'univers (que Whitehead nomme justement sa ? concrescence ? et

1. Platon, Soph., 237 c-d (trad. A. Dies modifiee). Cf. J.-Fr. Courtine,? Presentation ? de A. Meinong, Theorie de l*objet, Paris, Vrin, 1999, p. 13-14; P. Aubenque, ?Une occasion

manquee : la genese avortee de la distinction entre Y "etant" et le "quelque chose" ?, in Etudes surLc Sophiste de Platon, Naples, Bibliopolis, 1991, p. 365-385.

2. PR, p. 50-51/114. On se souvient que la ? concrescence ? est le proces d'ensemble

des prehensions par une entite de toutes les autres entites, et que rentite se constitue propre ment par ce proces. En d'autres termes, le proces prehensif, ou le ? croitre-ensemble ? des

prehensions, est la Gestaltung meme de Tentite.

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486 Pierre Rodrigo

sa prehension par tous les autres evenements) - en se risquant a ecrire meta

phoriquement: ?II y a un certain bleu de la mer qui est si bleu qu'il n'y a que le sang qui soit plus rouge.?]

II. L' onto-logique de Fevenement

Whitehead ne s'exprime assurement pas de preference par metaphores, aussi suggestives puissent-elles s'averer parfois chez lui. Metaphysicien ?/logi cien, il entend construire, en particulier dans Proces et realite, un systeme philo sophique constituant un ? scheme speculatif ? applicable, grace a la methode d'abstraction extensive, a la totalite de l'experience2. Dans ce scheme

l'ontologie de la substance cede la place a la philosophic du processus, c'est-a dire a la pensee du proces des entites, pour autant que chaque entite est, comme nous venons de le voir,? seulement un "quelque chose" qui a des rela tions definies a une ou plusieurs entites definies dans le champ discerne ?

(CN, p. 69). Autrement dit, la theorie de la substance (ousia, res, substantia), dont le moule logique est la proposition apophantique, cede devant une nou

velle theorie que Whitehead nomme ?la philosophie organique ?.

Je propose d'interpreter ici comme ? systeme de l'onto-logique ? cette

philosophie organique (ou ?philosophie de l'organisme ?, ?philosophie speculative ?). Mes raisons sont essentiellement de clarification, et elles sont doubles :

1) Je propose ? systeme ? au lieu de ? philosophie ? pour insister sur la necessite de coherence interne des principes. Un systeme en effet, c'est? ce qui tient ensemble ? (syn-thitemi), or WTiitehead ne cesse de repeter qu'une philo sophie dont les principes ne sont pas correles entre eux est une philosophie ?incoherente ?:

? "Coherence", au sens ou on Temploie ici, signifie que les idees fondamentales

en fonction desquelles le scheme est developpe se presupposent mutuellement, de telle sorte qu'isolement elles sont denuees de sens [...]. C'est l'ideal de la philosophie speculative de faire en sorte que ses notions fondamentales n'apparaissent pas sus

ceptibles d'etre separees les unes des autres (shall not seem capable of abstractionfrom each

other) ? (PR, p. 3/45).

Ainsi la philosophie de Descartes echoue a etre un veritable systeme, car elle repose, sans qu'il y ait de correlation interne possible, sur le principe de la substance comme ? ce a quoi rien ne manque pour exister ?3, et sur celui de l'existence de deux types de substances. Cette incoherence des principes cartesiens ne pouvait, explique notre auteur, que conduire a l'aporie de Tuition de l'ame et du corps: union vecue, certes, mais non pensable, comme Descartes l'ecrit lui-meme a la Princesse Elisabeth.

1. Cite par M. Merleau-Ponty, Le visible etTinvisible, op. cit., p. 174. Pour d'autres exemples claudeliens, cf. P. Rodrigo, L'etoffe de Part, Paris, Desclee de Brouwer, 2001, p. 158,162-164.

2. Cf. PR, Preface, p. xrv-xv/41-42, J. Wahl, op. cit, p. 138-141. 3. Descartes, Principia, I, 51. Pour Fanalyse detaillee, cf. PR, p. 6-7/49-52.

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Lf onto-logique de Pevenement che^ Whitehead 487

2) Je propose ensuite ? onto-logique ?, au lieu de ? philosophic orga nique ? ou ? de l'organisme ?, pour souligner que Whitehead n'est pas seule ment un philosophe de la vie, meme au sens le plus architectonique de ce

terme1. Sa philosophic du ? quelque chose ?, sa ?tinologie ?, sera peut etre mieux nommee une onto-logique, dans la mesure ou elle vise a penser et a

dire l'etre en general comme structure relationnelle premiere par rapport aux elements qu'elle organise. C'est par la, metaphoriquement en somme,

que l'etre est ?organique?. Dans le lexique de Whitehead un semblable mode d'etre est appele ? processus ? ; ses scansions sont les ? evenements ? en tant que complexes d'entites dynamiquement liees entre elles - ce qui se

formule ultimement ainsi: les evenements sont des ? nexus ? d'entites qui se

prehendent mutuellement les unes les autres.

Maintenant, a cette structure organique de l'etre, ou du processus consi dere en ses evenements, doit correspondre une modalite du dire, du logos. Or ce ne peut certes pas etre la modalite apophantique. Quelle est-elle done ? La reponse a cette question ne pourra etre que globale, et devra regarder a la fois du cote de l'etre et du cote du langage. Nous repondrons done que

Ponto-logique de Whitehead doit ses traits les plus essentiels a une concep tion logiciste de l'etre et du langage, une conception que Whitehead a com

mence a forger dans son Treatise on Universal Algebra et qu'il a developpee avec Bertrand Russell dans les Principia mathematica. Selon cette conception, I'univers logique vient surdeterminer ce qui, de l'etre, est connaissable et ce qui, de l'etre, est dicible. De meme done que la ?logistique ? represente, depuis la Begriffsschrift de Frege (publiee en 1879), le depassement des mathemati

ques et leur fondation a partir de regies syntaxiques posees de facon parfai tement axiomatique, de meme le logicisme de Whitehead (ou son onto

logique) represente la refondation du pensable et du dicible en fonction de la

logique des processus evenementiels et de ses principes propres2. C'est dire que les propositions dans lesquelles la pensee de Whitehead

s'enonce ne valent jamais comme des propositions atomiques signifiant que telle substance recevrait tel attribut. Elles impliquent au contraire a chaque fois une liaison signifiante avec I'univers entier de ce dont on parle3. Cela ne

1. La vie n'est pas chez lui, comme elle le sera chez Michel Henry, l'archi-instance, bien

plus originaire que la phenomenalite du monde. Elle n'est done pas l'instance de

l'immanence absolue et du pur pathos originaire, hors monde. Sur ce point, cf. B. Saint-Sernin,

op. tit, p. 150-164. 2. Ce logicisme etait deja parfaitement clair des le Treatise on Universal Algebra de 1898.

L'affranchissement des mathematiques vis-a-vis du nombre et du quantitatif (effectue dans la

lignee des travaux pionniers de G. Boole) y ouvrait la voie d'une ? algebre universelle ?, geo

metrique tout d'abord, puis qualitative et extensive. Tout etait done deja pret pour une refon

dation de la connaissance a partir d'un nouvel univers logique. Ce point a ete immediatement

souligne par L. Couturat, dans sa belle etude critique ? L'algebre universelle de M. White

head ?, RMM (1900), p. 323-362. 3. J.-Cl. Dumoncel ecrit tres justement: ?Ainsi toute proposition est-elle comme

l'ellipse d'un monde possible ? (Les sept mots de Whitehead ou I'aventure de I'etre, Paris, EPEL, 1998,

p. 154). C'est pourquoi il evoque un ? panlogisme ? whiteheadien (cf. ibid, p. 149-159). Sur ce

point, cf. PR, p. 11/57-58.

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488 Pierre Rodrigo

nous empeche en aucune facon de dire ? Cette pierre est grise ?, mais cela doit nous dissuader de croire avoir ainsi donne l'expression adequate du sens d'etre de ce qui a ete dit. Pour Whitehead cette expression se trouve

plutot dans une formulation du type de celle que Platon a mise en ceuvre

dans le Timee, ou tout ce qui est dit de la structure d'un des Elements de l'etre (Eau, Air, Terre et Feu) vaut pour l'univers tout entier considere en ses

transformations dynamiques1. Quant aux principes axiomatiques du logicisme de Whitehead, ils sont

au nombre de deux, et il est aise de verifier leur coherence, c'est-a-dire leur

non-independance. ? Le premier est le ? principe de relativite universelle ?, dont l'auteur de Proces et realiteprecise qu'il est une authentique ? categorie d'explication ? du reel en tant que proces. Ce principe pose la primaute apriorique radicale du nexus evenementiel vis-a-vis d'eventuelles choses atomiques

- et cela non

pas au sens ou le devenir des entites actuelles devrait en quelque sorte

?l'emporter ? sur leur etre, car la pensee maitresse de Whitehead n'est nulle ment exprimable en ces termes trop empreints encore d'un substantialisme remanent (dans cette alternative, en effet, il semblerait que l'etre et le deve nir puissent etre considered chacun a part de l'autre), mais au sens ou en verite aucune chose n'est tout simplement atornique, puisqu'aussi bien

?le mode de devenir d'une entite actuelle constitue ce qu'est cette entite actuelle, de sorte

que les deux descriptions d'une entite actuelle [en tant qu'elle est, puis en tant qu'elle devient, mais notons bien que ce ne sont que deux "descriptions" isolees en pensee

seulement] ne sont pas independantes. Son "etre" est constitue par son "devenir".

C'est le "principe du proces" ?2.

II est done clair que toute chose, tout objet ou tout individu participe d'une ? situation ? globale evenementielle et doit etre considere comme l'etat ? objectif? present d'une variable (x), qui n'est pas le moins du monde libre,

mais qui est au contraire liee a d'autres variables par un ensemble de fonctions du type ? xRy ? caracterisant la situation, c'est-a-dire le nexus evenementiel. De plus, Whitehead considere que chacune des fonctions ainsi mises en jeu est de nature vectorielle, car le processus global tend toujours vers la ? satisfac tion ? des entites actuelles qui le constituent en s'y articulant. Du point de vue

logique chacune de ces fonctions est par suite equivalente a la relation vecto rielle xRy decrite dans l'lntroduction des Principia mathematical, et leur ensemble releve d'une conception tensorielle des interrelations entre les entites actuelles. Dans cette conception tensorielle intervient l'equivalent d'une rela tion logique polyadique Un venant ordonner et structurer le nexus tout entier.

1. Cf. PR, p. 93-96/173-178. 2. PR, p. 23/75 : ? That how an actual entity becomes constitutes what that actual entity

is ; so that the two descriptions of an actual entity are not independant. Its "being" is consti tuted by its "becoming". This is the "principle of process". ?

3. Cf. J.-Cl. Dumoncel, op. tit, p. 124-127, avec les references aux Principles of Mathematics de B. Russell (? 94).

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Uonto-logique de I'evenement che\ Whitehead 489

? Le second principe est le ? principe de subjectivite modifiee ?1, qui reprend au cartesianisme (et d'ailleurs aussi au platonisme) la these selon

laquelle runiversel est la categorie primordiale de la comprehension: ? Le

principe de subjectivite consiste en ceci: le donne dans l'acte d'experience peut etre adequatement analyse en ne recourant qu'a runiversel? (PR, p. 157/267). Remanier ce principe consiste a le liberer de la structure apo

phantique et des categories philosophiques qui lui sont liees, car rien dans ce

principe n'est encore substantiel pour peu que Ton considere le ? sujet? en

cause, non pas comme une monade, mais comme une variable qui ? pre hende? au sein de l'evenement global

? sachant qu'evidemment cette

variable, le ? sujet?, est tout a fait specifique eu egard aux ? objets ? puisque c'est pour elle qu'il y a experience ; mais sachant bien aussi qu'ici ? sujet? ne veut jamais dire conscience pensante, car tout ce qui actuellement prehende est une ? entite subjective ? ! Aussi Whitehead peut-il ecrire, de fa$on delibe rement provocante:

? On doit en definitive repeter le principe remanie de subjectivite: mis a part l'experience des sujets, il n'y a rien, rien, rien que le rien. ?2

Ce serait a coup sur un grave contresens que d'interpreter cette formule dans le sens d'une apotheose de la subjectivite classique, et done du substan tialisme. C'est le contraire qui doit etre tenu pour vrai, puisque la subjectivite remaniee n'est qu'une scansion dans l'evenement, puisqu'elle n'est qu'un moment rythmique necessaire dans le passage general, qu'une pause d'actualisation des potentialites ? eternelles ? permise par le jeu des interrela tions vectorielles, et rien d'autre. Le cartesianisme et le platonisme de Whi tehead s'arretent done au seuil de l'intuition intellectuelle (intuitio mentis), d'une part, et au seuil du realisme substantiel des Idees, d'autre part. Son

logicisme ontologique aura su le prevenir de ces deux reifications des proce dures methodiques de l'abstraction.

Concluons en evoquant, avec Whitehead lui-meme, l'enjambement reci

proque de l'eternite et du flux dans une experience de type esthetique. Ceci nous reconduira, apres ce long parcours, a l'iconologie dont nous etions

partis:

? Les quatre figures symboliques de la Chapelle des Medicis a Florence - les chefs-d'oeuvre de la statuaire de Michel-Ange, le Jour, la Nuit, le Crepuscule et

TAurore - manifestent les elements eternels dans le passage effectif. Les figures demeurent la, en repos, dans leur suite recurrente, manifestant eternellement les

choses dans leur essence. La realisation de Tartiste n'est pas seulement parfaite

parce qu'elle illustre ce qui est atemporel en tant qu'abstraction. Elle fait bien

davantage : elle implante l'eternel dans ce qui, par essence, est ephemere (it implants timelessness on what in its essence is passing) ? (PR, p. 338/ 521).

1. CI PR, p. 157-167/266-281. 2. PR, p. 167/281 : ?[...] apart from the experiences of subjects there is nothing,

nothing, nothing, bare nothingness.?

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490 Pierre Rodrigo

L'oeuvre d'art n'exprime done aucun Wesenssinn (Panofsky), et ne mate

rialise pas non plus un universel (Hegel); elle est la saisie logique du passage evenementiel en sa propre pause. C'est pourquoi la logique, une fois liberee

de sa limitation a la quantite, doit, selon Whitehead, pouvoir ? entrer dans le

flux des choses ?j puis, ultimement, informer l'esthetique, la morale et la spi ritualite. C'est pourquoi aussi la philosophic speculative est essentiellement une

onto-logique. P. Rodrigo,

Universite de Bourgogne (Dijon).

1. B. Saint-Sernin, op. cit, p. 31.

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